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Guerre

Vers l’affrontement Maroc – Algérie

La crise force les deux régimes à se combattre.

Il y a eu ces derniers mois une énorme tension entre l’Algérie et le Maroc, au point que les relations diplomatiques ont été rompues. La chronologie de l’escalade de juillet à octobre 2021 fait froid dans le dos.

Et désormais, on a le prétexte de la guerre, puisque le Maroc a pris une initiative meurtrière et, on s’en doute, indirecte. Ont été en effet visés deux camions algériens en Mauritanie non loin de la zone contrôlée par le Front Polisario au Sahara Occidental. Ce Front a lutté depuis 1973 contre l’Espagne, puis à partir de 1976 contre le Maroc, ce dernier occupant 80% du pays.

Le Maroc compte annexer la zone et vient récemment de se voir reconnu ce territoire par la superpuissance américaine en échange de la reconnaissance de l’Etat israélien. L’Algérie refuse depuis cinquante ans l’initiative marocaine, soutenant le Front polisario.

C’est la raison pour laquelle le Maroc a visé le 1er novembre 2021 les deux camions, considérés comme liés au Front. Trois algériens ont été tués dans une opération menée de manière névralgique, au moyen de drones. Officiellement, l’Algérie n’est donc pas concernée directement à part pour ses ressortissants, mais l’arrière-plan est très clair.

L’agence officielle de presse algérienne APS a affirmé que « leur assassinat ne restera pas impuni », car c’est « nouvelle manifestation d’agressivité brutale qui est caractéristique d’une politique connue d’expansion territoriale et de terreur » de la part du Maroc. Le communiqué de l’agence de presse se termine même par des propos ouvertement militaristes et fanatiques :

« Les trois victimes innocentes de cet acte de terrorisme d’Etat rejoignent, en ce glorieux jour du 1er Novembre, les Martyrs de la Libération nationale. »

Les médias algériens ont annoncé que la réponse serait cruelle, les sondages algériens – plus ou moins bidons bien sûr – donnent 79% en faveur d’une réponse militaire.

Le parlement algérien a tout de suite appuyé les initiatives du président algérien et ce quelles qu’elles soient (il faut l’accord du parlement algérien pour une opération extérieure) :  il « adhère à toute entreprise qui sera menée par le président de le république pour défendre notre patrie et châtier l’état terroriste qui n’a pas hésité à tuer les innocents pour servir ses ambitions de domination et d’expansion ».

Le ministre des affaires étrangères Ramtane Lamamra a parlé d’un acte de « terrorisme d’Etat », en appelant à l’ONU et l’Union africaine, ainsi que la Ligue des Etats arabes et l’Organisation de la coopération islamique.

L’ambiance est électrique et les propos de Kader Abderrahim, professeur à Sciences-Po Paris à TV5 monde en témoignent:

« J’ai toujours pensé qu’il n’y aurait pas de conflit ouvert entre le Maroc et l’Algérie. Je suis plus mesuré aujourd’hui. Tous les indicateurs sont au rouge. Nous ne sommes pas à l’abri d’un dérapage qui pourrait enflammer la région. »

On a même un ancien officier de l’armée de l’air d’Algérie, Mokhtar Mediouni, qui a appelé le Front Polisario a semer « le désordre et la terreur dans la société marocaine ». C’est symptomatique de comment les va-t-en-guerre des deux pays considèrent que la stabilité du leur passe par la déstabilisation de l’autre.

Il faut bien comprendre que les deux régimes sont KO. Le Maroc voit ses richesses pomper par une sorte de bourgeoisie bureaucratique enchevêtrée à la monarchie et liée notamment à la France, espérant s’en tirer par une sorte de modernisation libérale et une pression politique incessante. L’Algérie est une dictature militaire depuis une indépendance directement confisquée par les colonels et après avoir profité des ressources naturelles, l’économie est à bout de souffle.

Il est d’ailleurs étonnant que Révolution Permanente, au sujet de ce conflit, n’imagine pas vraiment comme possible la guerre et présente l’Algérie comme anti-coloniale. Plus personne ne peut croire une telle fiction.

D’ailleurs, l’Algérie et le Maroc représentent 61% des importations d’armes en Afrique. Ces Etats corrompus, exerçant une odieuse dictature sur leurs peuples, sont en crise, ils agonisent. Ils sont en passe d’être emportés par l’Histoire et ils cherchent à s’en sortir par le nationalisme et la guerre.

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Chronologie des tensions Algérie Maroc de juillet à octobre 2021

L’escalade actuelle a une base solide.

La présente chronologie déborde du cadre direct Algérie-Maroc, mais on y trouve les éléments pour comprendre la crise actuelle. Elle est tirée de la revue pdf Crise (Analyse de la seconde crise générale du mode de production capitaliste) n°16.

13-14 juillet 2021 : rencontre virtuelle du Mouvement des non-alignés en Azerbaïdjan, où le ministre algérien des affaires étrangères Ramtane Lamamra souligne la nécessaire indépendance du Sahara Occidental occupé par le Maroc et le délégué permanent du Maroc auprès des Nations Unies Omar Hellal a appelé à « l’indépendance du peuple kabyle » en Algérie.

18 juillet 2021 : l’Algérie rappelle son ambassadeur au Maroc.

25 juillet : le président tunisien Kaïs Saïed limoge le gouvernement, gèle le parlement, suspend l’immunité des députés et prend les pleins pouvoirs.

18 août 2021 : l’Algérie décide de réviser ses relations avec le Maroc.

24 août 2021 : l’Algérie rompt les relations diplomatiques avec le Maroc en accusant celui-ci d’être à l’origine d’incendies meurtriers en Kabylie en liaison avec des mouvements séparatistes.

14 août 2021 : visite du ministre algérien des affaires étrangères, Ramtane Lamamra, à son homologue turc Mevlut Cavusoglu ; il est parlé de feuille de route et de convergence concernant les questions de la Libye, de la Tunisie et de l’Afrique en général.

9 septembre 2021 : le ministre algérien des affaires étrangères Ramtane Lamamra explique lors d’un Conseil de la Ligue arabe qu’ « une analyse de la situation nous fait comprendre que certains cherchent à s’attribuer des rôles influents dans la structure de l’ordre régional et international en établissant des alliances dangereuses dans l’unique but de réaliser des acquis immédiats au détriment des nobles objectifs du système de l’action arabe commune ».

Il y a « des parties [qui] recourent à l’aide et la puissance d’un ennemi historique pour attenter aux frères et s’attaquer directement aux voisins ». L’Agence de presse algérienne APS explique que ces propos font « allusion aux actes perpétrés par le Maroc qui s’allie avec l’entité sioniste pour entamer les intérêts de l’Algérie ».

Ramtane Lamamra s’est rendu dans les jours suivant à Niamey au Niger, Nouakchott en Mauritanie, Le Caire en Égypte, Kinshasa en République démocratique du Congo (qui préside actuellement l’Union africaine, Brazzaville au Congo-Brazzaville (qui préside le Haut comité africain de suivi du dossier libyen).

12 septembre 2021 : début en Azerbaïdjan des manœuvres militaires « Trois frères » avec des forces armées de la Turquie, de l’Azerbaïdjan et du Pakistan.

22 septembre 2021 : l’Algérie n’autorise plus les avions civils et militaires marocains à la survoler, alors qu’elle ne renouvelle pas le contrat d’acheminement de gaz algérien jusqu’à l’Espagne via le gazoduc Maghreb Europe passant par le territoire marocain.

25 septembre 2021 : à l’assemblée des Nations-Unies le Premier ministre malien Choguel Kokalla Maïga explique que « La nouvelle situation née de la fin de Barkhane, plaçant le Mali devant le fait accompli et l’exposant à une espèce d’abandon en plein vol, nous conduit à explorer les voies et moyens pour mieux assurer la sécurité de manière autonome avec d’autres partenaires ».

Le ministre russe des affaires étrangères Sergueï Lavrov a confirmé que le Mali avait pris contact avec des sociétés privées russes (servant de forces militaires, par ailleurs présentes au Syrie, au Soudan, en Libye, en République centrafricaine et au Mozambique, en Guinée et au Tchad).

28 septembre 2021 : la France annonce la réduction drastique de visas pour les ressortissants du Maroc, de l’Algérie et la Tunisie, au motif que ces pays ne reprennent pas leurs ressortissants expulsés. Conférence de presse du président français Emmanuel Macron et du premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis annonçant un partenariat stratégique.

29 septembre 2021 : l’ambassadeur français à Alger est convoqué et se voit notifier une protestation du gouvernement algérien.

1er octobre 2021 : l’Iran, qui accuse l’Azerbaïdjan de collusion avec Israël, mène de vastes manœuvres militaires à la frontière avec l’Azerbaïdjan, nommées Fatehan-e Khaybar (les conquérants de Khaybar, du nom du village d’une tribu juive conquise par Mahomet).

2 octobre 2021 : Le Monde relate des propos du président français Emmanuel Macron lors d’une rencontre deux jours plus tôt avec des petits-enfants de familles liées à la guerre d’Algérie : il parle d’une haine de la France de la part « du système politico-militaire qui s’est construit sur cette rente mémorielle ». Il dit également que le « système algérien est fatigué, le [mouvement de contestation lancée en 2019 et nommé] Hirak l’a fragilisé ».

Enfin, il dénonce la Turquie : « La construction de l’Algérie comme Nation est un phénomène à regarder. Est-ce qu’il y avait une nation algérienne avant la colonisation française ? Ça, c’est la question. Il y avait de précédentes colonisations. Moi, je suis fasciné de voir la capacité qu’a la Turquie à faire totalement oublier le rôle qu’elle a joué en Algérie et la domination qu’elle a exercée. Et d’expliquer qu’on est les seuls colonisateurs, c’est génial. Les Algériens y croient ».

Le jour même, l’Algérie rappelle son ambassadeur à Paris et ferme son espace aérien aux avions militaires français.

3 octobre 2021 : l’ambassadeur français à Alger est convoqué et se voit notifier une protestation du gouvernement algérien. 80 militaires de l’armée algérienne participent à des manœuvres avec la Russie en Ossétie du Nord. La Russie est le premier fournisseur de l’armée algérienne et sa part a augmenté de 64% entre 2016 et 2020.

4 octobre 2021 : Omer Celik, porte-parole du Parti de la Justice et du Développement du président turc Recep Tayyip Erdoğan, dénonce Emmanuel Macron : « si vous deviez faire une déclaration sur un pays en particulier, pourquoi mariez-vous le nom de la Turquie, de notre président et de l’Empire ottoman dans cette affaire ? »

6 octobre 2021 : en visite à Bamako une seconde fois depuis le 28 août pour rencontrer le colonel putschiste pro-russe Asimi Goïta, le ministre algérien des affaires étrangères Ramtane Lamamra déclare que « le président de la République Abdelmajid Tebboune m’a dépêché auprès du Président de la transition et auprès du Premier ministre pour témoigner la solidarité agissante de l’Algérie au peuple, au gouvernement malien, en cette période de l’histoire contemporaine de votre nation avec laquelle nous
avons un destin commun ».

7 octobre 2021 : le ministre algérien des affaires étrangères Ramtane Lamamra explique à l’agence de presse turque Anadolu, en marge du sommet Italie-Afrique, qu’il était nécessaire de dénoncer « très fortement » et « très fermement » la position française, et que « quelle que soit la crise que traversent les relations algéro-françaises, elle n’aura pas d’impact sur les relations de l’Algérie avec des pays frères comme la Turquie ». Il a souligné que la Turquie était un « acteur international très important ».

[Le 10 octobre 2021 le président algérien Abdelmajid Tebboune menace le Maroc d’une « guerre sans fin » dans une interview télévisée.

En novembre, l’Algérie a annoncé que le groupe public Sonatrach ne reconduirait pas le contrat du gazoduc passant par le Maroc et alimentant l’Espagne en gaz.]

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Politique

La polémique Valeurs Actuelles / Benjamin Stora

La revue réactionnaire Valeurs Actuelles a publié un hors-série sur l’Algérie française au mois d’octobre. L’historien Benjamin Stora y subit un portrait assassin. Il vient de rétorquer en dénonçant l’article à son sujet et une campagne « antisémite ». Le souci, c’est que l’article ne dit que des vérités : Benjamin Stora est bien « l’historien officiel » de l’Algérie française, passant savamment sous silence tout ce qui déplaît tant aux institutions qu’à la « seconde gauche ».

 

Benjamin Stora a dû être profondément vexé par les premières lignes de l’article de Valeurs Actuelles. C’est un assassinat politique :

« On a beau se promettre « pas le physique ! », la comparaison est édifiante. Sur la photo prise à l’université de Nanterre en 1970, le jeune militant d’extrême-gauche Benjamin Stora, âgé de vingt ans, ressemble aux innombrables Che Guevara peuplant alors les facultés : visage émacié, regard déterminé allure féline.

Près d’un demi-siècle plus tard, c’est un tout autre Stora, affichant désormais des allures de gros chat, et n’aimant rien tant que de poser pour la postérité dans une époque faite pour lui, et pour cause : il est de ceux qui l’ont façonnée. »

Il est en effet difficile de mentionner toutes les institutions auxquelles participent Benjamin Stora, il faudrait des pages. Lui-même en a beaucoup écrit : 50 ouvrages (et une dizaine de films). Cet enseignant universitaire est Officier de l’ordre national du Mérite, Officier de l’ordre des Arts et des Lettres, Chevalier de la Légion d’honneur, membre du jury du Prix du livre d’Histoire décerné par le Sénat, membre du conseil scientifique de la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, président du Conseil d’orientation de l’Établissement public du Palais de la Porte dorée qui inclut la Cité nationale de l’histoire de l’immigration (il va en démissionner pour se focaliser sur ses recherches), etc. etc.

Tout cela est bien éloigné de son engagement révolutionnaire comme membre de l’Organisation Communiste Internationaliste, dont il fut l’un des hauts dirigeants. Pas étonnant que Valeurs Actuelles se focalise dessus pour utiliser la figure du style de la prétérition (amenant à parler de quelque chose après avoir dit qu’on allait pas le faire) :

« Depuis, l’homme n’a pas seulement fait du gras, il a enflé. Un poussah pontifiant. Gonflé, au risque d’exploser, de cette mauvaise graisse ayant prospéré à la proportion de vanité qui n’a cessé de croître en lui à mesure que s’élevait son statut social. »

Tout cela est agressif – c’est du Valeurs Actuelles, tout simplement. La revue est célèbre pour son ton voltairien de droite utilisant des informations bien trouvées, ce qui en fait somme toute un Canard enchaîné inversé (et tout aussi vaniteux).

Benjamin Stora s’est donc fendu d’un long message, intitulé « A propos d’un article paru dans le hors-série de « Valeurs actuelles », octobre 2019 ». Il accuse l’article d’antisémitisme, ce qui est absolument ridicule.

Mais il en avait besoin pour tenter de parer à la critique de Valeurs Actuelles. Cette revue sait très bien que Benjamin Stora est au cœur du dispositif idéologique de la « seconde gauche », née justement en soutien unilatéral à l’indépendance algérienne et totalement opposée au PCF comme à la Gauche historique en général.

Benjamin Stora, lui-même juif pied-noir, a été un haut cadre de l’OCI, courant trotskiste ayant fourni un appui significatif au Mouvement national algérien de Messali Hadj. Benjamin Stora a fait justement sa thèse sur celui-ci, avant de travailler en collaboration Mohammed Harbi, un historien algérien qui était un des hauts cadres du FLN et justement proche du trotskisme.

D’où l’idéologie qui en ressort, croisement des idéologies des États français et algérien, avec comme accord tacite la main-mise de la « seconde gauche » sur le plan intellectuel quant à cette question :

  • la colonisation a été un processus meurtrier ;
  • il faut une repentance, mais également un esprit de réconciliation, dont les immigrés algériens en France sont une expression ;
  • on ne parle pas des massacres et des attentats réguliers contre les civils commis par le FLN ;
  • on ne parle surtout pas des questions démocratiques (femmes, place de la religion, forme gouvernementale) ayant avant l’indépendance algérienne fait que la Gauche historique n’a pas soutenu le FLN ;
  • au sujet des colons français on ne parle pas de la toute petite minorité de grands propriétaires terriens et on fait passer la grande masse, petite-bourgeoise et populaire, pour des arriérés finalement racistes.

Il ne faut pas s’étonner qu’avec tout ça, la Droite a un boulevard – et cela depuis 1962 d’ailleurs. C’est d’ailleurs clairement une année fatidique – car, à partir de cette année-là, la Gauche historique a pratiquement totalement perdu pied sous les coups de boutoir de la seconde gauche. Jamais la Gauche historique n’aurait vu en l’Algérie des colonels la « nouvelle Mecque de la révolution ».

> Lire également : Benjamin Stora et ses ridicules accusations contre Valeurs Actuelles

Et depuis cette défaite de la Gauche historique, on a un activisme massif de l’ultra-gauche, avec un anticommunisme et un anti-socialisme virulents.

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Société

Les incidents « algériens » à Paris, Marseille et Lyon

La question des Algériens – ou plutôt des personnes d’origine algérienne – qui ont provoqué de nombreux incidents à Marseille, Lyon et sur les Champs-Élysées a beaucoup attiré l’attention. L’arrière-plan est à la fois très difficile à saisir et terriblement simple.

Beaucoup de réactions sont apparues avec les incidents « algériens » de ces derniers jours et il est vrai que dans certains cas, il y a eu de véritables drames. Ce sont en fait surtout des caillassages de forces de l’ordre et des dégradations de mobilier ou véhicules qui ont eu lieu de la part de jeunes hommes, conduisant selon la presse à 282 interpellations et 249 gardes à vue.

En plus de cela, 202 véhicules ont fait l’objet de vidéo-verbalisation en raison de conduites dangereuses. Le fait que des supporters repassent sur les lieux mêmes où une mère et un enfant ont été tués à Montpellier a aussi quelque chose de morbide. Cependant, c’est justement qu’il n’y a rien de rationnel à tout cela.

Pourquoi tout cela, en effet ? La victoire de l’équipe de football d’Algérie en demi-finale de la Coupe d’Afrique des nations n’a été qu’un prétexte à deux choses. Tout d’abord, il faut savoir qu’en Algérie, les stades de football sont historiquement pratiquement les seuls lieux où une opposition au pouvoir peut s’exprimer. La récente contestation populaire contre Abdelaziz Bouteflika a par exemple commencé dans les stades avec un chant repris par les supporters de plusieurs équipes.

Il y a donc une tradition de rébellion par rapport au football. Cependant, pour les événements en France, il y a un autre aspect qui compte bien plus : c’est qu’il n’y a jamais eu de véritable indépendance algérienne.

Il y a trois raisons pour cela :

  •  la nation algérienne était un melting-pot de multiples origines, dont qui plus est une partie importante a été forcée de partir (les Juifs) ;
  • l’Algérie « indépendante » a immédiatement été sous une chape de plomb militaire, empêchant toute expression démocratique ;
  • l’Algérie n’a jamais su depuis 1962 se donner une identité : est-elle arabe, arabe et kabyle, un mélange de peuples ?

Par ailleurs, le régime a toujours utilisé l’Islam comme levier unificateur réactionnaire. L’islamisme fanatique et meurtrier des années 1990 n’est que le reflet déformé des attentats aveugles du FLN des années 1950-1960. L’influence algérienne dans les débuts d’Al-Qaeda, et dans l’émergence du courant de l’État islamique, est significative. Il est étonnant d’ailleurs qu’aucun commentateur « spécialisé » n’ait dressé le parallèle strict entre les attentats contre les civils de l’État islamique et les pratiques tout à fait similaires du FLN un demi-siècle auparavant.

On ne sera donc pas étonné si dans un tel contexte, le peuple algérien est particulièrement tourmenté, surtout que la part de la jeunesse dans la population est immense. Il n’y a pas de travail, pas de logements, pas de perspective, à part traverser éventuellement la Méditerranée.

Cette identité tourmentée a elle-même traversé la Méditerranée et même pour des jeunes ne connaissant pratiquement rien du pays de leurs parents ou grands-parents, il y a une quête de fierté positive. On peut dire qu’en réalité, c’est toute la nation algérienne qui attend le moment de sa véritable affirmation.

C’est l’indépendance de 1962 qui n’est pas terminée et tout le problème de la question démocratique est justement que personne n’est encore capable de formuler cela de manière juste. Les islamistes des années 1990 ont tenté ni plus ni moins que de détourner tout cela dans leur pulsion de mort.

Le résultat est que l’Algérie est une poudrière, la hantise des États algérien et français. La question démocratique algérienne a un potentiel énorme ! Toutefois, à voir les expressions actuelles – tant en France dans les personnes liées à l’Algérie qu’en Algérie même, malgré le renversement d’Abdelaziz Bouteflika – on est loin du compte. Cela viendra forcément pourtant !

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Culture

Vers le soleil, vers la Kabylifornie

Qui s’intéresse à la fois à la France et l’Algérie avec du cœur imagine très bien une fédération des deux pays, où les deux pays devenus socialistes se développeraient fraternellement. L’immigration irait alors vers le soleil, notamment la Kabylifornie.

Le groupe français Bagarre a tourné la vidéo de sa chanson Kabylifornie juste avant les événements caractérisés par la révolte populaire contre le président Bouteflika, pauvre vieil homme malade utilisé comme marionnette par le pouvoir militaire. Cependant, sur le plan historique, la convergence est parfaite. L’Algérie est un pays où la jeunesse est prépondérante, sans pour autant que les infrastructures aient suivi, sans parler de l’ennui.

Il y a 20 ans, cet ennui aurait été comblé par une religiosité très marquée et l’islamisme. Ce dernier a échoué et s’est enlisé, au point de ne plus représenter grand-chose, à l’opposé de la religiosité personnelle, qui reste intense. Mais si elle satisfait des questions intérieures, au sens où cela fait un thème par où passer pour se sentir exister, cela ne fait pas disparaître l’ennui. Il faut donc une révolte contre l’ennui, et la vidéo de Kabylifornie est ici splendide.

Naturellement, la Kabylie n’est pas l’Algérie dans son ensemble. On sait comment les Kabyles évitent beaucoup ce fanatisme religieux faisant du Coran un texte intouchable, comment également les valeurs de partage restent très présentes, comme prolongement d’une vie communautaire longtemps maintenu.

Mais l’Algérie, c’est aussi la Kabylie et il faudra bien que l’Algérie l’accepte, elle qui se définit comme arabe et musulmane seulement. L’unité populaire va forcément passer par une prise en compte de la dimension kabyle, et de toutes façons c’est toute la jeunesse algérienne qui exprime le besoin de se tourner vers une Kabylifornie.

 

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KABYLIFORNIE…FAILED VERSION 🤡

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Ne peut-on d’ailleurs pas dire que la jeunesse française, elle aussi, recherche la Kabylifornie ? Il y a un besoin de modernité qui frappe la jeunesse du monde. Elle sent qu’il y a beaucoup de choses possibles, alors pourquoi cela n’existe-t-il pas ? Les possibilités matérielles de l’amusement, de la culture, sont énormes, et pourtant on s’ennuie ! Tout cela parce que les vieux veulent que tout reste pareil !

Il est évident qu’un nouveau mai 1968 se profile, qu’une révolte de la jeunesse est en train de couvert, contre un monde trop gris, dépassé par les échanges culturels, la diffusion de la musique, du design, du style vestimentaire, de l’exigence d’une certaine classe dans les comportements. Ce besoin de modernité personnelle ne peut être exprimé par le Socialisme, mais les jeune sauront-ils abandonner leur individualisme ?