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Écologie

Les stations de ski, ce vieux monde qui s’arc-boute

Le réchauffement climatique les a déjà condamnées.

Station des Gets, 1800m d’altitude

Cela fait maintenant bien une décennie que les hivers sont irréguliers, avec des chutes de neige aux quantités aléatoires, surtout en-dessous de 1200 mètres d’altitude.

Mais cet hiver 2022-2023 est déjà surprenant car s’il était habituel de voir l’hiver commencer tard ou se finir plus tôt, là il a commencé plus tôt pour terminer plus tôt et éventuellement recommencer on ne sait quand.

En quelques jours à peine, ce sont des dizaines de centimètres de neige qui ont disparu y compris très haut jusqu’au-dessus de 1800 mètres d’altitude, provoquant même des situations plus que dangereuses, comme des affaissements de terrain à Châtel en Haute-Savoie.

Si bien qu’aux dernières nouvelles, il y avait plus de la moitié des pistes de ski en France qui étaient fermées fin décembre après qu’un déluge de pluies torrentielles s’est abattu sur tous les massifs à la veille de Noël.

Châtel
Villard-de-Lans à 2000m d’altitude

Et c’était sans compter ces trois derniers jours marqués par des températures hallucinantes de chaleur, avec dans les Alpes du Nord des + 12°c à 1000 m d’altitude !

A ce niveau, les capitalistes de l’or blanc sont désemparés car la neige stockée l’été (« snowfarming ») a déjà été utilisée en partie et les canons à neige, cette stupidité anti-écologique, ne peuvent fonctionner avec de telles températures.

Si bien que tous les moyens technologiques mis en place par la bourgeoisie pour faire sauter les limites naturelles ne sont plus d’aucune utilité : la nature a triomphé de l’anthropocentrisme.

Il n’empêche que les magnats de l’or blanc, ou de ce qu’il en reste actuellement, font comme si de rien n’était, à l’instar de Jean-Luc Boch, maire de la Plagne-Tarentaise en Savoie et président de l’Association nationale des maires de stations de montagne et du syndicat « France Montagne » :

« Nous ne sommes pas inquiets sur le long terme. Le modèle a encore un bel avenir devant lui. Dans 20 ans, selon les experts, on fera encore du ski, car il y aura encore de la neige en altitude. En revanche, on aura des périodes avec beaucoup de neige, d’autres avec des précipitations et des périodes de redoux, comme aujourd’hui. Regardez ce qui se passe aux États-Unis : on ne vit pas un réchauffement climatique, mais un dérèglement. On aura de plus en plus de précipitations intenses, sans pouvoir les prévoir. »

Puis de justifier en parallèle à cette imprévisibilité, la fuite en avant dans la neige artificielle très gourmande en eau, et nécessitant des retenues collinaires pour la stocker l’été, déstabilisant au passage le cycle de l’eau et abîmant le plus souvent des zones humides.

A lire ces propos, on est pris d’une rage face à une bourgeoisie hors sol qui se pense toujours comme un Dieu au-dessus de la nature et de la grande masse des gens :

« Quand on a une surabondance de matière première comme la neige et l’eau, il faut la distribuer à bon escient. Les retenues d’eau sont indispensables à la survie des êtres humains, et elles vont devenir obligatoires, donc je ne comprends pas les extrémistes qui s’élèvent contre le stockage de ces matières premières… Sauf si l’on veut tuer le modèle de la montagne, et même le monde rural !

Certains dénigrent aussi systématiquement la neige de culture. Elle utilise de l’électricité, c’est vrai, et de l’eau, mais celle-ci est stockée quand elle est en surabondance, qu’elle se jette dans les ruisseaux, puis dans les rivières, fleuves, et enfin dans la mer. Autrement dit, elle n’est utilisée par personne. »

Et cette mentalité typique du paysan parvenu qui ne voit la nature que comme une matière première à valoriser n’est pas isolée. Voici ce qu’a dit Gilles Chabert, ex président du Syndicat national des moniteurs de ski et conseiller régional LR Auvergne Rhône-Alpes, lors du congrès annuel de Domaine skiable de France en 2022 à Lyon :

« Pendant le covid, dans le Vercors, avec tous les randonneurs il paraît qu’il n’y avait plus de quinoa au supermarché, mais nous, on n’a pas rentré de sous dans la caisse ! Il n’y a qu’un modèle économique, c’est la neige [sous-entendu, la neige artificielle]. »

Ce discours masque bien le fait que la canicule de l’été 2022 accompagnée d’une sécheresse historique a profondément déstabilisé le cycle de l’eau, si bien que le barrage hydroélectrique des Bouillouses dans les Pyrénées a dû faire à la mi-décembre un lâché de 90 000m3 d’eau pour alimenter les nappes phréatiques de 4 villages en contre-bas, un phénomène stupéfiant pour la saison.

En réalité, à y regarder de plus près, tous ces discours sont le reflet d’une posture défensive car ces gens savent que tout est fini. Leur responsabilité de classe est surtout de défendre les derniers espace du business de l’or blanc sur la base du mot d’ordre « après moi le déluge! » ou plutôt « encore moi, et après le déluge! ».

Car quand on connaît les stations comme la Plagne-Tarentaise, ces stations construite lors des plans-neiges des années 1960, on comprend que tout cela est terminé, et qu’il n’y en aura plus rien d’ici la fin de ce siècle.

Ces stations de seconde et troisième génération ont été l’expression d’une nouvelle époque, celle de la modernisation de la bourgeoisie, plus soucieuse d’elle-même et de sa santé, avec la consommation des « sports d’hiver » comme forme de distinction sociale et culturelle. C’était Valéry Giscard d’Estaing contre Georges Pompidou.

Aujourd’hui, ces stations buildings façon barres HLM nichées à plus de 2000 mètres d’altitude sont à la fois les seules qui bénéficient encore d’un enneigement correct et à la fois elles sont un repoussoir tant elles sont une telle insulte à la nature.

Flaine, station de seconde génération
La Plagne, « station-intégrée »

Si Jean-Luc Boch tient ce genre de propos de manière si prétentieuse c’est bien parce que son domaine skiable de La Plagne grimpe jusqu’à la haute montagne, soit à plus de 2000 mètres d’altitude.

En effet, les études climatiques sont claires à ce sujet : le manque de neige a affecté principalement les fonds de vallée et la moyenne montagne, soit ce qui se situe entre 1000 et 1800 mètres d’altitude. Dans ces espaces, le manteau neigeux a tout à la fois baissé en épaisseur et en durée : il y a moins de neige et moins longtemps.

En moyenne montagne, c’est près de 5 jours d’enneigement qui sont perdus en une décennie, sans compter l’accélération du réchauffement comme le montre ces 5 dernières années.

L’année 2022 est ainsi l’année la plus chaude depuis 1900, prenant le record à l’année 2020 : ce qui se passe actuellement n’est pas passager mais la nouvelle donne météorologique et saisonnière.

S’ajoute à cela la dégradation de la situation économique, avec la crise énergétique qui fait s’envoler le prix de l’électricité, principal poste de dépense des stations de ski, et la flambée des matières premières qui annule des projets d’infrastructures extrêmement coûteux sans en connaître la pérennité à long terme, à l’instar du funiflaine en Haute-Savoie. Enfin, comment oublier la fermeture des remontées mécaniques lors de l’hiver 2020-2021 ?

Face à la ringardisation du ski, la bourgeoisie s’organise et propose comme porte de sortie, le fameux « tourisme 4 saisons » porté par tout un secteur capitaliste-modernisateur qui voudrait pouvoir rentabiliser la montagne été comme hiver, automne comme printemps.

Porté par des associations comme « Mountain Wilderness » ou « Transitions des Territoires de montagne », ce secteur de la modernisation a tenu des états généraux de la transition en montagne au centre de recherche et développement de Quechua (Decathlon) à Passy en Haute-Savoie les 23 et 24 septembre 2021. Voici leur axe principal énoncé dans leur déclaration commune :

« L’idée est d’imaginer ensemble l’avenir de la montagne pour qu’elle demeure une terre d’envies et une montagne à vivre. »

Traduction : exploiter la montagne toujours à base de remontées mécaniques bruyantes pour une vie sauvage si fragile en ces endroits, à coups de pelleteuses façonnant des pistes pour VTT de descente qui saccagent tout, à base de lacs aménagés en bases de loisirs ou de forêts en parcours acrobatiques.

D’ailleurs des stations de ski qui voient leurs pistes fermées ont déjà réouverts certains tracés pour VTT voir même des accro-branches comme à Lannemezan.

On peut donc s’étonner de l’impact foudroyant du réchauffement climatique dans les massifs montagneux, de surcroît dans les Alpes où celui-ci est plus rapide qu’ailleurs du fait des conditions naturelles qui amplifient le phénomène, il n’en reste pas moins vrai que le capitalisme épuisera jusqu’aux derniers flocons et dernières edelweiss les possibilités de profit.

Ce qui se pose comme enjeu, c’est celui d’une transformation du mode de vie dans les montagnes. Cela regarde principalement les habitants de ces régions, principalement les villages de moyenne montagne, mais le souci est qu’ils sont totalement imbriqués dans la dynamique touristique.

C’est le retour de bâton en pleine figure des populations de montagne, et principalement de l’ancienne paysannerie qui a cru bon éviter la prolétarisation à la sortie de la Seconde Guerre mondiale en se transformant en une petite-bourgeoisie vendue au business de l’or blanc.

Et maintenant que tout cela s’effondre, il n’y a plus d’alternative, si ce n’est que le bon sens veuille que la montagne soit dorénavant considérée comme un espace de nature très fragile devant être préservé au maximum des activités humaines, et donc émancipée du faste de la consommation touristique de quelque nature qu’elle soit.

Et pourtant il faudra bien trouver une porte de sortie démocratique et surtout populaire, car ce ne sont pas avec des actions isolées, fussent-elles pleine de dignité tel le sabotage d’enneigeurs aux Gets entre la nuit du 25 au 26 décembre, que l’on sera à même d’aller vers une pleine reconnaissance naturelle de la montagne.

L’enjeu est trop grand pour être limité à un activisme minoritaire qui évite la grande bataille pour l’opinion, celle-là même qui permettra la mobilisation pour le Socialisme seule solution à même de planifier de nouvelles activités humaines à l’écart d’une montagne ayant retrouvée sa paix méritée.

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L’Ultra-Trail du Mont-Blanc, cette folie anti-naturelle

Le graal du trail européen, une grande messe commerciale et existentielle de la course à pied en montagne, dans les Alpes, l’Ultra-Trail du Mont-Blanc, touche à sa fin, après s’être déroulé du 22 au 28 août. Cela consiste en neuf courses entre les vallées de Chamonix et d’Aoste en Italie et également en Suisse.

On parle donc de 10 000 personnes qui vont courir dans les montagnes, encadrées par plus de 2 000 bénévoles, avec des stands de ravitaillement, des balises, des points avec des spectateurs disséminés un peu partout dans la montagne. Une course qui a été bien analysée et critiquée sur un média local, alors qualifiée à juste titre de « course des excès« .

C’est un énorme pied de nez écologique, quand on sait les stress multiples déjà engendrés par la sécheresse sur les écosystèmes, de surcroît des pics d’altitude où le réchauffement climatique est plus rapide qu’ailleurs sur le globe.

Une course qui ne devrait même pas exister et qui se veut tellement extrême, qu’elle ne se retrouverait stoppée pour rien au monde… Même pas un mort. Comme celle d’un coureur brésilien la nuit de lundi à mardi, sur une portion du parcours de la « Petite Trotte à Léon » (PTC), la course la plus difficile et volontairement dangereuse de l’événement. On parle là de 300 km et 25 000 m de dénivelé positif à effectuer en 152 heures maximum, soit 7 jours de course où les coureurs ne dorment que par tranches de vingt minutes et mangent le minimum vital.

La chute du coureur a eu lieu dans une moraine entre le Col du Tricot et le refuge du plan glacier à plus de 2000 mètres d’altitude. Une moraine, c’est à la fois le lit d’un glacier et son vestige, un amas de roches charriés dans le mouvement des glaces. On peut avoir des moraines dont le glacier à complètement disparu mais cela reste un endroit particulièrement dangereux, sujet aux chutes de pierres, où l’on glisser sur les éboulis, s’y coincer la cheville, etc.

Bref, ce n’est généralement pas un lieu habituel pour se balader, en somme. Cela encore moins à l’heure du réchauffement climatique où s’effondrent les glaciers et quelques semaines après que les refuges du Mont-Blanc aient été fermés par le maire de Saint-Gervais à cause des risques d’éboulements amplifiés par les récentes canicules.

Mais l’humanité n’a décidément rien envie d’entendre et il faut toujours pouvoir satisfaire son égo dans un écosystème vu comme une surface de projection de soi, au mépris de la nature et de toutes considérations précisément sportives.

Car quand il y a un mort sur une course, la moindre des choses serait de mettre le holà, de se poser et de porter une réflexion sur le pourquoi du comment d’un accident mortel. Déjà en 2021, la mort d’un coureur tchèque avait au moins fait s’arrêter la course, les coureurs ayant eu l’obligation de redescendre accompagnés dans la vallée. Mais là, rien, l’ultratrail c’est marche…et crève !

Il faut toujours aller plus loin dans les extrêmes, pour le prestige des marques reposant sur le « Sommet Mondial du Trail » ainsi que pour celui des coureurs, des esprits individualistes et, disons-le, dépendants.

Il faut n’avoir aucune conception collective de la vie pour aller se mettre en danger inutilement comme cela et aucune compréhension de la nature pour oser aller en faire le théâtre d’un tel déchaînement contre soi-même, contre elle. D’ailleurs, les deux choses sont liées car on ne peut pas reconnaître la nature dans sa plénitude tout en malmenant son propre corps, ce fragment de la nature.

La nature est dans la tourmente, elle souffre déjà suffisamment, il est temps de prendre acte du principe de biosphère et d’accorder les pratiques du sport sur le mouvement des choses naturelles et cela commencera par interdire ce genre d’événement déconnecté et grossier.

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Société

À Courchevel, les voitures remplacent les remontées mécaniques

La mise à l’arrêt prématuré en mars 2020, puis la perspective d’une « saison blanche » 2020-2021 rend fou de rage les magnats de l’or blanc. Il n’en faut peu pour que la moindre faille soit exploitée, témoin d’une déliquescence complète de la haute bourgeoisie.

S’il y a bien un fait illustrant toute la déliquescence de la haute bourgeoisie, c’est celui-là. Depuis ce samedi 6 février et jusqu’au 7 mars, à Courchevel la piste bleue de 2 km de Bellecôte est ouverte et accessible par voitures privées, taxis, et navettes d’hôtels…

Cette piste n’a pas été choisi au hasard puisqu’en plus d’être liée au village de Courchevel 1850, elle est reliée à l’altiport, avec donc une route bitumée qui part du village jusqu’à ce dernier.

Car oui, la station de ski savoyarde construite en 1946 sur une nature vierge, possède un aéroport d’altitude niché à plus de 2000 mètres, avec sa piste d’atterrissage de 80 mètres de large et 537 de long. À proximité, il y a même un hôtel-restaurant étoilés. Ainsi, donc la haute bourgeoisie hors sol peut continuer à skier en remplaçant une remontée mécanique par un chauffeur de taxi à leur service.

Pour les riches cosmopolites, tout doit être approprié, rien ne doit être un obstacle, et surtout pas les mesures sanitaires contre la pandémie de Covid-19. Tout du moins, il est possible de les éviter en se payant le luxe de quelques descentes grâce à l’enchainement d’un chauffeur de taxi à son service. Peut-on tomber plus bas ? Comment ne pas voir que cette couche sociale est totalement parasitaire et décadente ?

Mais si cette idée a émergé dans les promoteurs touristiques locaux, c’est que l’altiport est un business florissant, avec plusieurs milliers de départs et d’atterrissages d’hélicoptères et d’avions chaque année, en grande majorité l’hiver. Il est possible ainsi d’atterrir à Paris, Lyon, Chambéry, Genève et de se faire ensuite déposer directement à l’altiport. Certains y viennent même avec leur propre appareil privé, pour ne faire qu’une journée de ski et repartir le soir même…

C’est là que l’on voit que le ski n’est pour la bourgeoisie qu’un état d’esprit, un life style, bien loin de la dimension populaire sportive, avec ses exigences collectives.

Actuellement, malgré les restrictions sanitaires, si l’on veut pratiquer le ski, on peut toujours s’inscrire au club local pour lequel quelques téléskis sont autorisés à fonctionner. Mais cela signifie slalom, entraînement, bref un effort physique encadré et prolongé.

Et ce n’est sûrement pas ce que recherche la riche clientèle décadente, en mal de projections existentialistes sur un environnement qu’elle considère comme un « paysage », son paysage. Le domaine skiable est lui-même façonné ici ou là à cette image, avec ses longues pistes bleues, ses vastes pistes de transition, ce qui exige des terrassements mortifères pour refaçonner les pentes abruptes.

Un écosystème artificialisé selon les propres besoins de la bourgeoisie, avec des résidences dorées de toute part, des bars et des discothèques stupides… On y retrouve aussi des magasins de luxe avec des parkings chauffés, des galeries d’art contemporain, des proxénètes proposant des prostitués de « luxe », des dealers de cocaïne.

Tout cela forme une atmosphère de parasitisme anti-social, anti-moral. En janvier 2019, sur fond d’affaire de trafic de drogue, l’incendie d’un hôtel miteux, possédé par une riche famille de notables, qui n’était pas à jour des normes de sécurité causait la mort de deux de ces saisonniers

Cette affaire de piste de ski accessible par taxi est une énième illustration du pourrissement de cette haute bourgeoisie. Une couche sociale qu’il faut à tout prix mettre à l’écart de la société afin de la prémunir de sa décadence morale.

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Écologie

Canicules et vagues de chaleur font s’effondrer les Alpes

Les canicules et les vagues de chaleur ne finissent pas de se succéder en France, des épisodes météorologiques à la fois plus fréquents, plus longs et plus intenses. Marque du réchauffement climatique, ils sont en train de transformer le massif du Mont-Blanc.

Si l’on prend comme référence la période allant de la mi-juin jusqu’à la mi-septembre, les trois étés les plus secs depuis 1959 se situent ces trois dernières années (2018, 2019, 2020). Selon l’Organisation Météorologique Mondiale, les cinq dernières années (2015-2020) ont été les plus chaudes jamais enregistrées.

La vague de chaleur que connaît la France en septembre se situe dans ce prolongement, à coup sûr engendré par le réchauffement climatique. Prévisionniste à Météo France, François Jobard estime :

« Un tel événement aurait relevé de la science-fiction il y a quelques années »

Si la température moyenne du globe a augmenté d’environ + 0,9°C, cette moyenne est de + 2 à + 3°C dans les Alpes. L’hiver 2019-2020 a d’ailleurs été particulièrement chaud, avec une moyenne de 5,3°C à Chamonix, faisant de cet hiver l’un des plus chauds depuis 1881 avec des journées printanières en plein mois de janvier.

Dans la ville au pied du Mont-Blanc, le mercure n’est jamais descendu sous la barre du – 10°C, ce qui est une première historique (le « pire » record était pour l’instant l’hiver 1995-1996 avec « seulement » quatre jours à – 10°C). Les experts météorologiques considèrent aussi que l’hiver 2018-2019 n’a duré que 15 jours !

De par le fait que tout est relié, le massif du Mont-Blanc composé en partie de neiges « éternelles » et d’une sous-couche en permanence gelée jouant le rôle de ciment (permafrost), est largement impacté par ce changement climatique.

On connaît tous maintenant les images du glacier de la « Mer de glace » qui a massivement reculé depuis le XIXe siècle, mais aussi perdu des centaines de mètres d’épaisseur. En parallèle à la fonte des glaciers, il y a également la fonte du permafrost qui fragilise l’ensemble des parois alpines, perdant en quelque sorte leur ciment naturel.

Le tout s’entretient dans une spirale négative puisque la fonte des neiges « éternelles » réduit l’effet d’albédo, les roches noires absorbant les rayons du soleil, contribuant au réchauffement plus rapide des Alpes.

Et il ne faut pas penser qu’il y a « simplement » l’effet réchauffement qui joue. Il y a aussi les variations brutales de températures où l’on peut passer en quelques jours de températures printanières à des températures strictement hivernales. L’été, à la suite des épisodes caniculaires, s’ensuit de violents épisodes orageuses, avec des pluies diluviennes qui viennent s’ajouter dans la déstabilisation générale de la structure rocheuse alpine.

Avec des conséquences sur les infrastructures qui jonchent le massif du Mont-Blanc : pendant l’hiver 2019, une télécabine a du être temporairement fermée, le seuil de tolérance de mouvement de ses armatures ayant été gravement franchi.

C’est également à la fin de l’été et au début de l’automne que se jouent de plus en plus fréquemment des éboulements spectaculaires, voir même des effondrements entiers de parois de pics abrupts.

Le danger est tellement présent que la préfecture de Haute-Savoie a publié un communiqué le lundi 10 août invitant « si possible, à reporter votre ascension de la Voie Normale du Mont-Blanc ». Pendant le mois d’août, c’est également le massif du Néron en Isère qui a été interdit d’accès pour les mêmes raisons.

En 2005, c’est toute une partie du Petit Dru, un pic emblématique de Chamonix qui s’était effondré de manière spectaculaire, premier signal d’alarme sur la mort-transformation du massif du Mont-Blanc.

Cela entraîne des accidents, y compris parfois mortels, pour les alpinistes, sans que rien ne soit vraiment pensé à long terme pour faire face à cette transformation. Car oui, il ne faut pas se tromper : le Mont-Blanc tel qu’on le connaît depuis plusieurs milliers d’années disparaît tout en se transformant en autre chose. C’est ainsi que des botanistes sont en train de découvrir la colonisation d’une flore spécifique, comme l’androsace du Dauphiné ou l’androsace de Saussure, jusqu’à 4 000 mètres d’altitude.

Mais le monde de l’alpinisme, dont les origines puisent dans un mix d’aristocratie et de bourgeoisie, développe une approche romantique-individualiste de la nature. Les façades alpines n’étant pour eux que des espaces de projections existentiels, mettant en scène un individu devant « prendre des risques » pour se sentir « libre »…

Tout comme les chasseurs sont vus comme des écologistes alors qu’ils n’ont que de maigres connaissances naturalistes, il est intéressant de noter comment les guides de haute montagne et les alpinistes sont considérés comme connaisseurs des massifs alpins alors qu’ils n’en est rien.

C’est qu’il ne faut pas perturber les « traditions », et surtout entraver la venue des 20 000 touristes annuels dans le Mont-Blanc.

Il faut pourtant se mettre en face de la réalité : les glaciers du Mont-Blanc fondent, les roches s’effritent et s’effondrent, bref tout l’écosystème se transforme et il est grand temps de le sanctuariser, tant par respect des dégâts occasionnés que par nécessité d’une véritable étude scientifique.

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L’entraide dans la vie naturelle mise en avant dans un documentaire diffusé par France 2

France 2 a diffusé un très joli documentaire ce 24 décembre 2019 montrant la vie sauvage à travers la chaîne de montagne des Alpes. On y suit notamment la trace d’une louve dont la vie entre deux hivers est incroyablement bien montrée avec des images d’une grande qualité. Le film a ceci de particulièrement intéressant qu’il assume un parti pris très fort : la vie sauvage a une valeur en elle-même qu’il faut apprécier dans son ensemble et défendre, alors que l’entraide est une réalité naturelle puissante et fascinante.

Le film proposé par France 2 pour la soirée de Noël est un marqueur culturel significatif : notre époque connaît un tournant indiscutable, on ne peut plus continuer à nier et écraser la nature. Les mentalités évoluent et ce n’est franchement pas rien de voir ainsi mis en avant sur la télévision du « service public » un documentaire concluant sur l’entraide comme réalité naturelle et forme d’adaptation de la vie.

Cette réalité n’est pas quelque chose de nouveau pour les scientifiques et les personnes les plus éclairées sur l’écologie, qui connaissent par exemple les contributions scientifiques de Lynn Margulis à propos de la symbiose.

C’est quelque chose de nouveau cependant pour un reportage animalier, alors qu’ils sont systématiquement fascinés par la prédation, en diffusant le mensonge de la « loi du plus fort ».

La prédation est une réalité naturelle bien sûr et d’ailleurs le documentaire réalisé par Frédéric Fougea ne la cache pas. Cependant, elle n’est pas la norme, seulement un aspect de la vie sauvage qu’il faut de toutes manières considérer dans son ensemble et pas seulement dans ses particularités.

La mentalité bourgeoise, qui a largement dévoyé les travaux de Charles Darwin, a tout fait pendant des années pour mettre en avant la prédation, en prétendant que cette « loi du plus fort » est la seule qui vaille. Il s’agit bien sûr d’un parti pris culturel reflétant et justifiant la concurrence capitaliste.

Heureusement donc, les mentalité changent, même en France ! Il ne s’agirait pas d’être naïf cependant : ces changements en cours et à venir charrient avec eux une opposition réactionnaire de plus en plus rude et offensive.

Il n’y a qu’à voir comment la chasse à courre est défendue de manière acharnée, pour comprendre qu’il y a deux camps qui se forment : un qui veut la guerre à la nature, l’autre qui veut la protéger.

> Le film est disponible sur le site de France 2 jusqu’au 31 décembre 2019 : france.tv/france-2/le-plus-beau-pays-du-monde/904567-le-sanctuaire.html

Voici la bande-annonce du documentaire :

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Le ski alpin aujourd’hui en France

Le ski alpin est de moins en moins un sport, c’est-à-dire avec des entraînements réguliers, encadrés et planifiés en vu de compétitions. Il est surtout un loisir et une activité de détente peu structurée.

Bien que la France connaisse encore des champions de niveau international tels Tessa Worley ou Alexis Pinturault, les compétitions de ski sont rares et globalement réservées aux jeunes locaux.

Le modèle de l’École du Ski Français (de loin la plus grande école de ski au monde) reste néanmoins d’inspiration largement sportive. Celle-ci dispose d’un quasi-monopole sur l’enseignement du ski en France.

Son activité est organisée autour d’épreuves à passer en fonction d’un temps de référence établie par un moniteur, les fameux « flèche », « chamois » et « fusée ». Pour les débutants il existe également des items techniques à valider, les étoiles pour les enfants et les degrés pour les adultes.

De plus en plus cependant les stations de ski développent des activités annexes au ski alpin. Il y a par exemple des « snow-park », des coussins d’air géants pour faire des sauts sans prendre la peine d’apprendre à réceptionner correctement, des DJ organisent des « soirées » alcoolisées en pleine journée au milieu des pistes et certaines stations valorisent officiellement la pratique du hors-piste!

Souvent le sport n’est plus la raison première des séjours. Le ski devient de plus en plus un à côté servant de prétexte à des séjours de débauche valorisant des pratiques décadentes et la recherche de « sensations fortes » (c’est-à-dire des sensations contre-nature).

Les animations dans les bars la nuit sont sur-abondantes. Les séjours à des prix spéciaux pour des groupes d’étudiants sont récurrents : les corporations étudiantes possèdent ici une grande tradition dans ce domaine.

Les domaines skiables les plus imposants ne cessent de s’agrandir et de développer de la neige artificielle, ce qui est par ailleurs extrêmement néfaste sur le plan environnemental. Certaines stations font même parvenir de la neige par camion ou hélicoptères.

Ces grands domaines monopolisent la clientèle malgré des tarifs toujours plus élevées et inaccessibles même pour les masses les moins défavorisées, et alors que beaucoup de petites stations ferment ou peinent à équilibrer leurs comptes.

La France est la première destination mondiale pour le ski avec le plus grand nombre de kilomètres de piste, le plus grand nombre de remontées mécaniques, etc.

Ce secteur est d’ailleurs extrêmement concentré avec deux monopoles se partageant la fabrication des équipements : Doppelmayr – Garaventa (d’origine autrichienne et Suisse) et Poma – Leitner (d’origine française et italienne).

De son côté, la grande bourgeoisie sombre elle aussi dans la décadence et ne s’intéresse plus depuis longtemps à la montagne ni même véritablement au ski. Ses stations ne servent que de décor à un entre-soi ultra élitiste et cosmopolite, avec des logements toujours plus démesurés, des galeries d’art contemporain, de la prostitution de luxe imposée par de riches oligarques russes, ou même un aéroport sur les pistes comme à Courchevel.

Aucune société réellement démocratique ne pourrait tolérer une telle insulte à la morale et à l’idée même de civilisation que sont ces stations de ski huppées, bien loin de l’esprit initiale ayant conduit la bourgeoisie à inventer le ski alpin.

> Lire également : Le développement du ski alpin en France

Il en est de même des autres grandes stations de ski qui sont surtout des « usines » à loisirs extrêmement polluantes et dramatiques d’un point de vue culturel.

Le recul du ski alpin en tant que sport et l’accroissement sans précédent de la taille des domaines skiables de moins en moins accessibles aux masses populaires est une manifestation de la décadence de notre société.

C’est le produit de la pression toujours plus grande que font subir les plus riches, les monopoles à la société tout entière ainsi qu’aux derniers espaces naturels relativement préservés en France.

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Le développement du ski alpin en France

Le ski alpin est traditionnellement un sport pratiqué par la bourgeoisie intellectuelle des grandes villes, notamment celle des professions libérales médicales (médecins, pharmaciens, kinésithérapeutes, etc.). Ce sont ces personnes, souvent jeunes, françaises ou anglaises, qui l’ont introduit au début du XXe siècle.

C’était un prolongement de l’activité des clubs alpins (qui ont inventé l’alpinisme), au moment de l’avènement du tourisme et du sport.

L’attrait pour la montagne exprimait le besoin de se tourner vers la nature alors que les villes étaient déjà saturées et les campagnes largement façonnées par l’agriculture et considérées comme seulement arriérées culturellement. Le Club Alpin français a par la suite largement contribué à la création de parcs nationaux sur les grands massifs de montagne, les plus connus étant ceux de la Vanoise (créé en 1963) et des Écrins (crée en 1973).

Encore aujourd’hui, les massifs montagneux sont très peu façonnés par l’humanité. La neige, la végétation, la hauteur des sommets et la rudesse des pentes, la vivacité des cours d’eau, fascinaient et fascinent largement.

La question de l’eau est d’ailleurs primordiale. Le tourisme est d’abord parvenu dans les massifs montagneux via les stations thermales (avec une fascination parfois irrationnelle pour les eaux minérales et leurs propriétés curatives prétendues). La neige est elle-même une forme particulière d’organisation de l’eau.

Le ski alpin est directement le produit de cet engouement pour la montagne par la bourgeoisie intellectuelle des grandes villes voulant se tourner vers la nature et les sensations.

C’est une manifestation évidente de la contradiction ville-campagne, mais aussi de la contradiction entre le travail intellectuel et le travail manuel : les travailleurs intellectuels voulant avoir une activité manuelle, utiliser et maîtriser leur corps, mais de manière agréable.

Tant la neige que la forte inclinaison des pentes attenantes à certaines stations thermales étaient justement propices à l’expression de sensations et à la maîtrise de son corps dans des conditions particulières que permet le ski alpin. L’attrait étant bien sûr renforcé par le plaisir d’être au « grand-air » dans un environnement inhabituel, grandiose, etc.

La naissance du ski alpin n’a été possible bien sûr qu’avec l’appuie des masses les plus avancées des populations locales connaissant la montagne et ses dangers. Elles y voyaient la possibilité d’un développement économique et culturel.

Nombres de jeunes se sont rapidement intéressé eux-mêmes au ski – la plupart des champions de ski étant par la suite essentiellement des locaux. Pour autant, c’est d’abord et surtout avec des codes culturels bourgeois et un style urbain, voir même parisien, que s’est développé le ski.

Le premier concours international de ski alpin eu lieu à Chamonix en 1907, organisé par le Club Alpin Français. La seconde édition en 1908 attira largement le « Tout-Paris » pour qui le sport était depuis plusieurs dizaines d’années une mondanité incontournable, et même un style de vie pour les éléments aristocratiques ayant une bonne condition physique et s’impliquant dans le sport.

La ville de Chamonix n’est ainsi pas tant une ville savoyarde qu’une sorte de prolongement de Paris et des grandes villes françaises, avec une architecture de type haussmannienne pour de nombreux bâtiments. C’est le cas également pour la ville de Cauterets dans les Pyrénées, autre berceau du ski en France où furent organisés les championnats de France en 1910.

Durant les années 1920 et 1930, les concours de ski étaient nombreux. Les premiers Jeux Olympiques d’hiver organisés en 1924 à Chamonix (avec 300 coureurs issus de 16 nations) eurent un retentissement considérable. La France était au cœur d’un mouvement culturel et sportif de développement des sports d’hiver, à tel point que fut développé dans les années 1930 un style proprement français : une méthode de ski français.

Cette technique de ski était d’abord une recherche d’efficacité qui permit à son initiateur Émile Allais de devenir un des plus grands champions de sa génération. Il est né à Megève en 1912, c’est-à-dire avant même que le village devienne une station de ski. Ses parents y tenaient une boulangerie et lui-même était porteur de bagages à ski pour les premiers touristes dans sa jeunesse.

Sa méthode sera ensuite popularisée avec l’appuie de la fédération française de ski et la publication d’un livre, puis d’un livre illustré. L’École Nationale du Ski Français qui a vu le jour à la même époque sous l’impulsion de Léo Lagrange, ministre du Front Populaire des Loisirs et des Sports, reprendra directement cette méthode française. Elle sera ensuite diffusée après la guerre via les moniteurs de l’ESF (Ecole de Ski Français), connus pour leurs « pulls rouges ».

S’est alors développée une attitude autour du ski, non forcément liée à la compétition mais en tout cas avec la volonté d’avoir une technique maîtrisée et efficace, en plus d’un style sophistiqué, élégant « à la française », urbain.

Nul hasard au fait que cette méthode française trouve son origine à Megève puisqu’il s’agit là d’une station créée de toutes pièces autour du village initial par la famille Rothschild avec l’ambition d’en faire une station française.

Il lui fallait les codes culturels de l’aristocratie et de la haute-bourgeoisie française qui ne souhaitait pas être mélangée avec l’aristocratie allemande dans les stations suisses. On a là la rencontre entre les masses habiles et connaissant la montagne et les hautes sphères de la société française véhiculant un style français qu’elle appelle « art de vivre à la française ».

A partir des années 1950/1960 le ski et les stations de sport d’hiver se sont largement développées en France, sous l’impulsion de l’État qui a mis en place un « plan-neige » à partir de 1964 jusqu’à la fin des années 1970. Émile Allais a d’ailleurs beaucoup œuvré pour cela. Via des classes de neiges, des colonies de vacances, des possibilités par les comités d’entreprises, une partie des masses a alors eu accès au ski, ne serait-ce que sporadiquement.

Durant les années 1970, les vacances en famille au ski sont devenues accessibles pour la petite-bourgeoisie et les parties les moins pauvres des masses populaires. Cela a largement contribué à faire des vacances au ski non pas un plaisir sportif en tant que tel mais surtout un faire-valoir, une sorte de « must have » petit-bourgeois afin de s’imaginer riche, de s’imaginer appartenir à la bourgeoisie.

Ce genre d’attitude est très bien illustrée dans le film Les Bronzés font du Ski de 1979. Les médias avec leurs reportages redondants chaque année lors des vacances d’hiver relaient largement cet état d’esprit aisément détestable de par sa dimension régressive.