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Événements significatifs

Hamas, Arras: la spirale négative et comment s’en protéger

La France était sous le choc à la suite des événement à Gaza, à la suite de l’offensive du Hamas contre Israël qui a tourné au massacre de civils (en filmant et en diffusant les vidéos sur les réseaux sociaux, y compris des assassinés). Et voilà que le 13 octobre 2023, un jeune d’origine tchétchène se rend dans son ancien lycée d’Arras pour poignarder des enseignants en criant « Allah Akbar », en tuant un, en blessant grièvement deux.

C’est un événement marquant de plus, qui est de la même ampleur que « Je suis Charlie » et que le massacre au Bataclan. La société française est touchée dans toute sa profondeur, en raison de son histoire. La lutte de 2023 contre la réforme des retraites n’avait par exemple qu’effleuré la surface de la société ; pour les gens, c’était important, et pourtant une anecdote historiquement.

Là, avec tout ce qui se passe, c’est très différent. C’est une question de civilisation et les masses savent très bien que ce n’est pas une question de religion. C’est une question d’effondrement des valeurs. Le capitalisme triomphant fait se dissoudre tout principe dans le relativisme et partout les monstres s’infiltrent, pratiquant le cannibalisme social. Monopoles d’un côté, éléments anti-sociaux de l’autre : le peuple subit les coups des uns et des autres.

L’arrière-plan du meurtrier est d’ailleurs sans ambiguïtés : on est typiquement dans l’effondrement moral, administratif, politique français. Voici comment Europe 1 présente la chose :

« Fiché S, âgé de 20 ans, d’origine tchétchène et arrivé en France en 2008… Plusieurs heures après l’attaque au couteau dans un lycée d’Arras, qui a tué un professeur et blessé trois autres personnes, le profil de l’assaillant et de son entourage se dessine. Et alors que son frère avait été interpellé à l’été 2019 dans le cadre d’un projet d’attentat déjoué, sa famille, alors assignée à résidence, aurait même pu être expulsée en 2014.

Selon un document qu’Europe 1 s’est procuré, le cabinet de Manuel Valls, alors ministre de l’Intérieur, avait décidé d’annuler la rétention de la famille Mogouchkov. Cette dernière, composée d’un couple et de cinq enfants, était assignée à résidence dans un foyer de La Guerche-de-Bretagne, au sud de Rennes. La police aux frontières s’y était rendue le 18 février 2014 à 6h du matin pour les conduire à l’aéroport de Saint-Jacques-de-la-Lande, près de Rennes, où un avion spécialement affrété attendait la famille, direction la Tchétchénie.

Mais la procédure avait suscité un tollé dans les rangs de plusieurs associations de défense des sans-papiers. Le parti communiste français (PCF) s’était également fendu d’un communiqué de soutien à la famille Mogouchkov. « Que de moyens gaspillés pour saboter la vie d’une famille ! »

Tout cela fournit des points à la Droite, mais la Droite n’est plus la Droite : la France est devenue un satellite américain et il n’y a même plus de bourgeoisie française à prétention gaulliste. La seule chose qui compte politiquement en France, c’est de savoir comment gérer une population occidentale cherchant à garder ses privilèges, y compris à travers le social-impérialisme. Tous les partis et dirigeants, de Marine Le Pen à Jean-Luc Mélenchon, soutiennent l’armée française dans son intégration à l’Otan, assument l’Union européenne comme vaste satellite américain, acceptent la guerre de conquête contre la Russie (et demain la Chine).

Il n’y a donc aucun espoir politique à attendre. La société française va continuer à péricliter. Le mélange LGBT cosmopolite et repli nationaliste-communautaire va perdurer, exactement comme aux États-Unis.

Et là n’est pas le vrai enjeu. La vraie alternative, c’est Socialisme ou barbarie. Ce dont on a besoin, c’est de porteurs de civilisation, de gens annonçant le futur inévitable qu’est le Socialisme. Il faut laisser le passé au passé. Ce passé est tellement passé qu’il s’entre-dévore, afin d’empêcher qu’on arrive au futur !

On ne peut pas comprendre autrement le Hamas qui massacre un festival techno. On aurait dû voir une offensive portée par la Gauche palestinienne, unifiant sur une base démocratique les masses travailleuses ; au lieu de cela, on a la fuite en avant dans le massacre et la folie fondamentaliste.

Telle est la division : entre le passé et le futur. Et il ne faut pas se faire piéger par ce passé qui s’entre-dévore ! C’est le seul moyen de se protéger de la spirale négative du capitalisme en crise !

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Société

Opération islamiste meurtrière à Vienne: la crise d’une époque

L’attentat de l’État islamique dans la capitale autrichienne reflète une fuite en avant commune à toute une civilisation, qui cherche à se survivre à elle-même, à se régénérer en forçant. C’est l’agonie d’un mode de vie, d’une civilisation, soulignant la nécessité de dépasser au plus vite ce nihilisme menant à l’abîme.

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L’opération islamiste à Vienne, visant à réaliser un massacre dans les rues du centre où se trouvent les bars (dans le même esprit qu’à Paris en 2015), a blessé 23 personnes, dont plusieurs grièvement, et fait quatre morts. L’État islamique, parallèlement aux campagnes anti-françaises de type « anti-mondialistes » portées par la mouvance d’Al Qaïda, se rappelle à l’opinion publique avec sa vision apocalyptique du monde.

Avec la crise sanitaire, on a toujours plus l’impression de se retrouver dans un film, mais pas le bon. Il y a une pression dans l’atmosphère qui indique qu’on connaît vraiment une période historique, de grand changement. On n’a comme perspective pourtant pour l’instant que les tourments.

Un assassin islamiste encore une fois produit par la société

Naturellement, le pays se retrouve traumatisé et fait face à un fait très simple : l’assassin, tué par la police, est né à Vienne ; d’origine de Macédoine (du Nord), il avait voulu rejoindre l’État islamique et avait été condamné à 22 mois de prison, étant libéré au bout de quelques mois en raison de son jeune âge alors.

On a ce schéma, bien connu en France, d’une production de romantiques réactionnaires idéalisant un paradis perdu pour combiner nihilisme assassin et obscurantisme. Si la France tient d’ailleurs le premier rang dans les départs pour « l’État islamique », l’Autriche tient la quatrième place, avec une scène islamiste très active.

Elle repose sur l’immigration, mais une immigration récente, pas vraiment celle qui est turque et d’ailleurs deux jeunes Turcs sont intervenus pour amener un policier blessé à une ambulance, ainsi que mettre une autre personne à l’abri. L’un deux a été blessé et sur Instagram ils se sont empressés d’envoyer un message de solidarité et de fraternité.

« Un petit tir, mais pas d’inquiétude je vais bien, j’espère que la police [=le policier] s’en sortira bien, nous aimons notre pays l’Autriche, la terreur n’a pas de religion n’a pas de nation, peu importe si juif, chrétien, musulman nous nous serrons les coudes, pray for vienna »

L’esprit démocratique face à la réaction

La question est toujours de savoir si l’esprit démocratique peut faire face au populisme, au racisme, à la démagogie nationaliste… qui profitent de ce genre d’action. Il faut un peu de temps pour voir ce qu’il en est, mais l’Autriche est comme l’Allemagne : ces vingt dernières années, la société a radicalement changé, la jeunesse a connu des mélanges et l’ouverture vers le monde. C’est très important, car l’esprit démocratique a besoin qu’aucune digue ne saute.

Il semble qui plus est que l’assassin ait agi seul : on est a priori dans la situation d’un pèlerin du néant, qui par le nihilisme a voulu donner un prétendu sens à sa vie. Cela a ceci de rassurant qu’il n’est pas l’expression directe d’un réseau. En même temps, les islamistes représentent un monde révolu, comment pourraient-ils produire des gens fiables, organisés, rationnels ? S’ils en produisaient, ce ne sont pas des actions de ce type qui auraient lieu. On est vraiment dans le nihilisme, avec un fou furieux courant les rues d’une ville pour tuer, comme dans le jeu GTA.

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Il faut ainsi savoir prendre de la hauteur et voir comment le capitalisme, qui n’a plus de perspectives, produit de la consommation nihiliste et du nihilisme consommateur, tout en détruisant la planète et nous précipitant dans la guerre. Si on veut un autre avenir… il faut savoir poter le nouveau !

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Politique

Attentat de Nice: Al Qaidah tente de relancer son terrorisme altermondialiste-apocalyptique

Marginalisé et en échec, Al Qaidah tente d’exister au moyen de scénarios hollywoodiens d’horreur médiatique, de terreur esthétisée.

L’attentat de Nice le 29 octobre 2020 représente quelque chose de très particulier ; ce n’est pas du tout un fait-divers assassin islamiste, mais tout un état d’esprit aux contours parfaitement définis. Ce qui n’est pas rassurant pour autant.

En effet, le meurtrier islamiste était venu très tôt le matin à Nice en train, retournant son blouson, changeant de chaussures pour aller à la basilique Notre-Dame de Nice, afin de brouiller les pistes avant d’arriver sur place. Puis, il est allé poignarder trois personnes dans la plus grande église de la ville, en décapitant pratiquement une.

L’État français assurait pourtant déjà depuis trois jours la sécurité des lieux de culte, du moins avait-il essayé car de par leur nombre, c’est pratiquement impossible. C’est ce qui a permis l’attentat, d’où la mobilisation générale de l’État français par la suite.

Derrière cela, il y a un fait très précis. Le média Thabat, qui sert de vecteur à Al-Qaidah, avait en effet diffusé quelques jours auparavant « une invitation à l’appel aux armes en France pour se confronter à la campagne croisée », à la suite du soutien d’Emmanuel Macron au principe des caricatures à la Charlie Hebdo.

Al Qaidah cherche en effet à revenir sur la scène, après sa marginalisation par l’État islamique, avec lequel elle s’affronte de manière sanglante ces derniers mois au Mali d’ailleurs. Mais Al Qaidah n’a plus ni dirigeants, ni idéologie, ni cadres ; ne reste plus que la démarche au sens strict : une vision apocalyptico-esthétique, dont le 11 septembre est le grand symbole.

Car si l’État islamique se veut contemporain de l’apocalypse, affirme que c’est la fin des temps à court terme, Al Qaidah entend provoquer l’apocalypse. Les Frères musulmans, avec la Turquie et le Qatar, affirment eux accompagner la tendance à l’apocalypse, tandis que les Wahabites saoudiens ne prétendent rien et exigent un conservatisme pur et simple, même si « moderne », pétro-dollars oblige.

D’où le timing parfait pour Al Qaidah, de son point de vue, puisque l’action a eu lieu le lendemain de l’intervention d’Emmanuel Macron sur le second confinement et le même jour que l’intervention du premier ministre Jean Castex pour préciser les modalités de celui-ci. Le but est de donner une image de fin des temps aux événements, d’apocalypse s’installant ; on est là dans un scénario de film, dans une fantasmagorie complète.

C’est totalement post-moderne, d’un idéalisme généralisé ; si on ne voit pas en quoi pour Al Qaidah le 11 septembre a été un équivalent islamiste de l’art contemporain, on passe à côté de la substance de son approche.

Al Qaidah correspond ici à la décadence de toute une époque, d’une époque qui croit en ses propres mensonges, où la « conscience » s’arroge la prétention de choisir et « modifier » les choses comme bon lui semble. Al Qaidah, dans son approche, c’est le consommateur élevé à la toute puissance de sa fantasmagorie. Cela ne rend la folie que plus meurtrière, mais en même temps sans envergure. Il suffit de voir la différence entre le 11 septembre 2001 et le 29 octobre 2020.

Les attentats islamistes reflètent la fin d’une civilisation ; les islamistes dénoncent l’ultra-consumérisme capitaliste, mais ils ne sont qu’un aspect « romantico-passéiste » de celle-ci. Ils s’imaginent le contraire du monde moderne, ils sont leur inverse tout aussi caricatural, creux, sans contenu ni perspective. Ils s’imaginent les protagonistes de temps nouveaux, alors qu’ils ne sont que les sous-produits d’une époque révolue.

L’attentat de Nice révèle la substance même de la religion, sa nature en décalage avec la réalité, son auto-intoxication jusqu’au fanatisme, son mépris de la vie, de la démocratie, du sens même des réalités. Les religions sont le contraire du matérialisme et donc du réalisme, il n’est donc aucune surprise à ce que leur démarche soit en-dehors même de la réalité elle-même. Elles sont, à ce titre, condamnées… et pourvu qu’elles disparaissent le plus vite possible !

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Société

Enseignant d’histoire-géo assassiné par un islamiste: l’obscurité d’une époque

Un crime odieux tétanise la France, mais l’obscurantisme est plus que religieux, il est lié à la fin d’une époque.

Un meurtre barbare d’un professeur d’histoire-géographie du collège du bois d’Aulne de Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), le 16 octobre 2020, et quelques mots sur Twitter comme revendication, avec la photo d’une tête coupée :

« De Abdullah, le serviteur d’Allah, à Macron, le dirigeant des infidèles, j’ai exécuté un de tes chiens de l’enfer qui a osé rabaisser Muhammad, calme ses semblables avant qu’on ne vous inflige un dur châtiment… »

C’est totalement glaçant. Le professeur avait montré une caricature de Mahomet lors d’un cours, en précisant auparavant que cela pouvait choquer et qu’il était possible de ne pas regarder si on était musulman et qu’on ne voulait pas. Son initiative prévoyante avait été prétexte d’une dénonciation par des parents d’élèves voyant à la fois une discrimination et une insulte à la religion.

En ayant une démarche laïque et non universaliste, le professeur a ouvert la boîte de Pandore. Ce fut l’engrenage d’une affaire donnant libre cours au communautarisme, puis aboutissant à un crime frappant l’opinion publique.

Les impressions sont troublées, l’émotion paralysée par la violence du crime, et dans la soirée, le président Emmanuel Macron publiait un message significatif sur Twitter, alors qu’il l’a aussi dit dans un intervention directement sur place :

« Ils ne passeront pas. »

C’est bien entendu une allusion au ¡No pasarán! des antifascistes durant la guerre d’Espagne, le mot d’ordre venant du côté communiste. Le rapprochement n’est à ce titre pas juste, car l’islamisme n’est pas un mouvement historique porté par la société, comme l’a été le fascisme, mais une aventure romantico-nihiliste à la fois cosmopolite et post-moderne.

L’Islam tel qu’on le connaît au 21e siècle est en effet, comme le judaïsme, le produit de perpétuelles reconstructions fictives d’intellectuels, de féodaux, de pétro-monarchies. Le moteur intellectuel de ces reconstructions pour l’Islam, c’est la question du califat, car sans califat, il n’y a pas de terre d’Islam, et sans terre d’Islam, pas d’Islam.

Il n’y a alors que trois options possibles. Soit on fait semblant que ce ne soit pas le cas, tout en se disant musulmans. Vient alors le risque que certains prennent au sérieux et veulent un califat. C’est le drame historique de l’Algérie, avec un FLN se voulant laïc étatiquement mais ouvertement musulman, qui a produit une société se reconnaissant dans le FIS. C’est également ce qui arrive avec la génération des islamistes français des années 1990, qui se détache d’un Islam « inconséquent ».

Soit on l’assume, mais on dit que c’est trop tôt : c’est le salafisme, le quiétisme, le repli sur une vie communautaire fermée. C’est le fameux « séparatisme » dénoncé début octobre 2020 par le gouvernement.

Soit on l’assume et on part, afin de pouvoir devenir un « véritable » être humain, dans une perspective de retour aux sources totalement romantique et esthétisée, comme les images de la vidéo de propagande « Réputation » de fin septembre 2020 le montrent.

Ce « romantisme » est cependant carbonisé depuis l’effondrement de l’État islamique, qui a littéralement grillé cette proposition délirante de « retour » en terre « pure ». Ne restent d’ailleurs concrètement plus que « l’Émirat islamique d’Afghanistan », qui relève à l’arrière-plan du nationalisme pachtoune, ou encore le Hayat Tahrir al-Sham (Organisation de Libération du Levant) qui relève d’une problématique entièrement syrienne et se place dans l’orbite turque.

Les théologiens islamistes puristes sont d’ailleurs horrifiés par ce qu’ils qualifient de « fusionnisme », même si concrètement les reliquats des groupes de l’État islamique s’appuient également sur différentes questions locales, surtout en Afrique, avec par exemple justement une première action en Tanzanie à la mi-octobre 2020.

Tout cela pour dire que l’islamisme est dans un cul-de-sac et que l’Islam est coincé dans sa proposition universaliste. De toutes façons quand on voit les joueurs du Paris Saint-Germain faire des publicités pour les paris sportifs alors que le club appartient au Qatar, l’un des deux grands financiers de l’islamisme (l’autre étant l’Arabie Saoudite), on voit bien que plus rien ne tient.

Le meurtre d’un professeur de Conflans-Sainte-Honorine a d’ailleurs été revendiqué par un jeune né à Moscou et se définissant comme « Tchétchène ». On est ici dans une sorte de nationalisme mêlé d’islamisme, tout comme d’ailleurs l’Islam turc. L’horizon universel / universaliste (pseudo universel / pseudo universaliste) a clairement disparu à la suite de l’effondrement du califat, alors qu’Al-Qaïda avec sa ligne de guérilla islamique alter-mondialiste ne s’est par ailleurs jamais remis de cette concurrence pro-califat.

L’islamisme n’est qu’un débris de l’Islam qui n’est lui-même qu’un débris d’une époque dépassée et s’effondrant sur elle-même. L’humanité n’a plus besoin des religions, de la spiritualité et de tous ces déplacement dans un ciel imaginaire des réalités terrestres, naturelles. Ceux qui s’obstinent à vouloir parler de Dieu ne visent plus qu’à nier le besoin de collectivisme, la réalité naturelle et notamment celle des animaux, la compassion pour toute vie.

C’est la fin d’une civilisation, qui s’enfonce dans l’obscurité, tout simplement, alors que s’ouvre une nouvelle époque : universelle, athée, naturelle, collectiviste.

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Société

Quatre ans après, le problème de la mémoire du 13 novembre 2015

C’est une chose étrange qu’il y ait encore des concerts et des spectacles au Bataclan. Comment se trouver dans un tel endroit sans avoir le cœur serré et être pris d’une angoisse complète ? Mais les Parisiens ont décidé que la vie continuait. Et elle continue donc, sans que ce terrible 13 novembre 2015 ait été oublié. L’événement dramatique est-il cependant pris en compte comme il se doit ? On peut en douter.

Le conseil de Paris vient de décider qu’il va établir un Jardin du souvenir en mémoire des victimes des attentats du 13 novembre 2015, qui avaient fait 131 morts, dont 90 au Bataclan, et 413 blessés. Étaient alors visés des gens auprès du Stade de France, à la terrasse des cafés et dans la salle de concerts même. Quatre ans après, c’est tard. Et la problématique du Bataclan reste entière. Les artistes ne veulent pas y aller, il y a des soucis importants de « rentabilité ».

Il y a un problème de mémoire. Mais on sait que la question est difficile : comment maintenir l’affirmation que la vie continue et se recueillir ? La ville de Paris n’a rien su gérer de tout cela. La raison en est qu’il y a de moins en moins de vrais Parisiens, la ville se vidant de ses habitants historiques avec une mentalité bien particulière. Les bobos, les hédonistes, la grande bourgeoisie et les riches étrangers qui font de Paris leur fief ne comptent en rien transporter quelque chose de culture : ils veulent consommer conformément à leur style de vie.

C’est pourquoi il faut dire les choses ici clairement : la ville de Paris a voulu pratiquement effacer le 13 novembre 2015. Elle a refusé d’intégrer cela à son histoire, afin de ne pas abîmer son image de métropole touristique et financière, économique et politique, culturelle et idéologique. Elle veut un Paris sans histoire et sans rapport avec l’Histoire.

On a ici une profonde contradiction entre l’importance de l’événement, notamment sur le plan du vécu, et l’attitude de la ville de Paris. Et c’est un avertissement. Le capitalisme efface les mémoires, car il a besoin de consommateurs tournés uniquement vers le nouveau. Un Paris cosmopolite rempli de CSP+ ou CSP++ ne peut rien conserver du patrimoine historique de la ville. Les prochaines élections vont d’ailleurs effacer la prétention à ce qu’il y ait une « Gauche » à Paris, alors qu’en réalité il n’y a que des bobos semi-libéraux semi-écolos menant la lutte des places.

Le pire ici serait bien entendu que le Bataclan finisse par fermer ses portes. On aurait alors gâché l’occasion de le sanctuariser dès le départ. Et imaginez qu’il soit vendu et transformé, de manière assez radicale pour satisfaire les nouveaux propriétaires ? Ce serait une honte. Et c’est tout à fait possible, car l’opinion publique démocratique est de plus en plus en train de s’effacer face aux populismes.

Le Bataclan appartient d’ailleurs entièrement à Lagardère Live Entertainment, les deux codirecteurs Jules Frutos et Olivier Poubelle ayant l’année dernière vendus les 30 % de part de la société qu’ils possédaient. Le sort du Bataclan dépend donc d’un monopole. Est-ce normal ? Est-ce au capitalisme de décider ce que ce lieu doit être ? Ou bien ne faut-il pas penser, tout simplement humainement, comme Nicola Sirkis d’Indochine qui ne veut pas s’y produire, que cela doit être « un lieu de respect et de mémoire, un sanctuaire ou un monument ».

Cette dernière option est sans doute la meilleure, d’ailleurs. Y placer une exposition permanente ou quoi que ce soit de ce genre amènerait le même problème du respect du lieu. En faire un monument qui témoigne d’un événement dramatique est le plus juste, le plus conforme à une grande ville, le plus marquant dans une métropole.

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Le sens historique du massacre de Christchurch

L’attentat meurtrier qui s’est produit en Nouvelle-Zélande n’est pas un acte raciste flottant au-dessus de l’Histoire, il est au contraire l’expression de toute une décadence qui vise à faire le plus de bruit possible pour empêcher qu’on assume les défis de notre époque.

Christchurch

 L’attentat terrible ayant frappé deux mosquées à Christchurch en Nouvelle-Zélande, ayant fait 49 morts et un nombre très important de blessés, rappelle immédiatement les actions en Norvège d’Anders Breivik, notamment lorsque celui-ci a froidement assassiné des jeunes socialistes, un par un, sur une petite île. On a pareillement un « manifeste » qui a été laissé, avec une vision du monde à la fois paranoïaque et raciste, ce qui va bien souvent ensemble par ailleurs, car pour agir ainsi, il faut être porté par une peur panique sur le plan social.

Il n’y a en effet pas de racisme qui flotte au-dessus de la société tel un préjugé, et qu’il s’agirait de déconstruire : cette expression post-moderne est fausse. La réalité est que le racisme est relié à des forces sociales, à des expressions de couches sociales bien particulières utilisant le racisme comme levier pour faire avancer leurs intérêts.

Qui refuse d’admettre que la société capitaliste est comme Rome à la veille de son effondrement ne peut pas le comprendre, évidemment. Car c’est d’une nouvelle civilisation qu’on a besoin et justement les actions terroristes visent à empêcher l’émergence de celle-ci. Les attentats meurtriers de l’État islamique, d’Anders Breivik ou comme là en Nouvelle-Zélande relèvent du même procédé : celui de la terreur de masse visant à provoquer une fracture sociale et un choc médiatique, avec l’affirmation d’une contre-civilisation qui serait la réponse à la « crise ».

La crise est naturellement présentée comme religieuse ou relevant des « races » ; ici que l’attentat contre deux mosquées se soit déroulé dans une ville dénommée Christchurch – l’église du Christ – a une portée symbolique évidente. L’attentat vise à présenter « l’Islam » comme un phénomène unifié et organisé qui serait l’ennemi d’un monde « occidental » en déliquescence. Le meurtrier s’imagine comme un chevalier des temps modernes et il avait d’ailleurs une caméra sur son casque, le film de son action se retrouvant sur internet.

Et cette conception du monde est très répandue en France. Toute une frange du black metal a été happé par le nationalisme plus ou moins ouvert, et diffuse exactement cette même démarche où des chevaliers isolés ayant pris conscience de « l’agression » de la « communauté » doivent aller à l’affrontement en assumant individuellement le combat. Rappelons que le principal activiste historique d’une telle démarche, le Norvégien Varg Vikernes, s’est installé dans le Limousin avec son épouse, française, après sa peine de prison en Norvège.

Les identitaires racialistes en Ukraine sont également très puissants et alimentent puissamment en imageries, idées et matériel de propagande la scène française. Il s’agit là-bas d’un mouvement de masse et cela ajoute à la crédibilité en termes de perspective, avec évidemment un indéniable romantisme, un facteur déterminant.

Ainsi, on a le même risque d’attentats de ce type en France, où toute une « scène » tend à réaliser de tels actes ; ces « identitaires » profitent également de la polarisation recherchée par toute la propagande anti-« islamophobe » diffusée par des secteurs islamistes aidés par la « gauche » post-moderne.

Tout cela est l’expression d’un profond pourrissement de la société capitaliste, et ce dans le monde entier ; c’est une société qui ne peut rien proposer à part la consommation et si l’on ne voit pas la lutte des classes, on a vite fait de basculer dans un anticapitalisme romantique sur la base d’un idéalisme communautariste.

Un tel anticapitalisme romantique n’est nullement forcément terroriste : les zadistes et les gilets jaunes ne vont nullement dans le sens d’attentats de masse. Il y a par contre le même irrationalisme, l’idéalisation d’une communauté remise sur pied, avec à chaque fois la valorisation du passé. Cette obsession du passé, ce fondamentalisme, a comme ennemi central la vision d’un futur idéal, de l’utopie socialiste, de la transformation collective et collectiviste.

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Société

Où en est le meurtrier « État islamique » ?

Les attentats sanglants en France ont profondément marqué les esprits, et pourtant l’État et les médias en France font comme si la question de l’État islamique était réglée. Tout comme « Je suis Charlie » a été effacé des marqueurs culturels, une réflexion critique sur le fanatisme religieux est censée passer à la trappe. Or, l’évolution de l’État islamique laisse entrevoir une contribution future directe et indirecte de celui-ci à la confusion et au meurtre.

L’État islamique a disposé d’un grand prestige dans une partie significative des musulmans du monde, pour une plusieurs raisons très simples :

– il proposait un « retour » fictif à des mœurs datant de l’époque suivant immédiatement l’émergence de l’islam ;

– il proposait un « retour » à une base territoriale considérée comme le patrimoine « naturel » de l’islam ;

– il concrétisait la nécessité dans la religion musulmane de vivre sous un califat.

Quelle que soit l’interprétation de l’islam des musulmans sunnites, ils ne pouvaient que considérer que ces points avaient au moins une certaine valeur. L’État islamique n’est cependant plus en mesure de conserver intact ces promesses à la communauté musulmane mondiale.

À son apogée, l’État islamique revendiquait 35 wilayas, c’est-à-dire des provinces. 19 se trouvaient en Syrie et en Irak, 16 dans d’autres pays. Le terme sous-entendait une idée d’administration et l’État islamique menait une intense propagande médiatique pour souligner sa capacité d’organisation étatique au niveau local et régional. Désormais, l’État islamique ne revendique plus pour l’Irak et la Syrie que la Wilayat al-Sham et la Wilayat al-Iraq. Les trois provinces qu’il revendiquait en Libye ont également été condensées en une seule.

Dans le Sinaï, l’État islamique est très fortement actif, bien plus que les groupes alignés sur Al Qaïda, comme le Jamaat Jund al-Islam, mais ses perspectives sont bloquées par l’État égyptien, dans une région de toute façon isolée. En Afghanistan, il réalise encore des attentats comme à Kaboul et dispose d’une petite enclave dans le Khorasan, mais il reste absolument marginal comparé aux Talibans qui allient de leur côté un discours islamiste combiné à un patriotisme très affirmé excluant toute perspective mondiale à court terme.

En Arabie Saoudite et en Algérie, l’État islamique ne semble plus véritablement actif. Le territoire gagné au Nigéria en mars 2015 a été perdu dès août 2016 et qui plus est son dirigeant, celui de la Jamaat Ahl al-Sunnah lil-Dawa wa al-Jihad (connu comme « Boko Haram »), a fait sécession, ce qui aboutit à des affrontements internes alors que l’État islamique tente de se maintenir dans le nord-est du Nigéria et autour du lac Tchad.

Rappelons ici qu’au Mali, la grande offensive islamiste avait été menée non pas par l’État islamique, mais Al Qaïda, encore active surtout avec le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans. Il y a désormais 12 000 soldats de l’ONU actifs, 4500 Français pour l’opération « Barkhane », alors que l’État malien dépense désormais 23% de son budget pour son armée.

Et c’est là que le problème commence à se poser justement. L’État islamique a échoué dans sa perspective territoriale, que justement Al Qaïda considérait comme impossible à mener. L’échec de l’un va profiter au second. Non seulement l’État islamique, dans son effondrement, va continuer à semer la confusion et le malheur, jusqu’à son extinction… mais son échec va profiter à son concurrent direct, qui lui raisonne en termes de terrorisme mondial.

A l’ultra-centralisme de l’État islamique – tout est décidé par le noyau dur, de manière absolue – va succéder une relative décentralisation du terrorisme islamiste, par Al Qaïda. Qui plus est, Al Qaïda raisonne en termes de cadres, et non pas en termes de recrutement rapide de personnes en rupture. Cela pose donc une menace terrible pour le futur.

Il serait en effet absurde de considérer que, malgré l’absurdité des religions en général et l’échec de l’islam à réaliser un projet social positif (que ce soit avec l’Arabie Saoudite wahhabite ou l’Iran chiite, deux théocraties, ou bien l’Algérie militaro-musulmane actuelle, la Libye et le « livre vert » de Kadhafi, l’État islamique, etc.), il ne reste pas le romantisme. En fait, il ne restera justement plus que ce romantisme ! Et il y a là matière à beaucoup d’irrationalisme, y compris meurtrier.

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Culture

Pourquoi Médine n’est pas défendable à propos du Bataclan

Médine est actuellement la cible d’une campagne de l’extrême-droite et d’une partie de la droite traditionnelle qui demande l’annulation de sa programmation au Bataclan en octobre 2018. Ils lui reprochent quelques paroles (sans véritablement connaître son oeuvre) en prétextant la mémoire des victimes du massacre.

Le rappeur a réagit, en portant le débat sur le terrain politique. Il explique qu’il condamne les attentats, qu’il combat le radicalisme, que l’extrême-droite instrumentalise les victimes et que la question est de savoir s’ils doivent limiter la liberté d’expression.

Cela n’est pas nécessairement faux. Pour autant, Médine n’est pas défendable, comme en témoigne le simple fait qu’il a osé écrire une chanson sur le “Bataclan”, sans un mot sur le drame l’ayant frappé.

Le Bataclan était de par le passé une salle de concert renommée et représentait quelque chose de particulièrement important pour de nombreux musiciens.

Cependant, depuis les attentats du 13 novembre 2015, le Bataclan est devenu autre chose, bien plus que seulement une salle de concert. C’est un monument national, à la fois déjà historique, et en même temps porteur d’une actualité brûlante.

Le rappeur Médine a produit une chanson « Bataclan » dans son dernier album. Il y a aussi un clip de cette chanson, tourné en partie dans la salle, annonçant qu’il doit s’y produire en octobre 2018.

À aucun moment le rappeur n’y évoque les événements qui y sont associés. La salle est présentée comme un aboutissement personnel, comme s’il ne s’agissait que d’un simple lieu parmi d’autres. Ce titre est évidemment une provocation.

Un artiste aussi « politique » que Médine ne fait rien au hasard, ne dit rien au hasard. Il sait très bien que le nom de « Bataclan » est irrémédiablement attaché à la mémoire du massacre parisien du 13 novembre 2015.

En utilisant le nom de « Bataclan » pour parler délibérément d’autre chose, il choisit de relativiser cette réalité historique en la taisant.

Il en parle pour ne pas en parler.

C’est un acte politique d’une grande signification. Cela d’autant plus que Médine est un rappeur islamiste, au sens strict du terme. Il est un militant de l’islam, de manière très vive et virulente, un fervent défenseur de la religion.

Il est, à son échelle, un artisan de ce grand processus d »effacement de la Gauche issue du mouvement ouvrier par la religion musulmane et l’antisémitisme dans les quartiers populaires français.

L’ensemble de l’oeuvre de Médine l’illustre de manière indiscutable. Depuis de nombreuses années, il participe à diffuser une immense confusion dans les masses populaires, particulièrement celles issues de l’immigration.

Bien sûr, et heureusement, Médine a condamné et condamne les massacres islamistes ; il relève d’un courant protestataire petit-bourgeois qui ne pousse pas aussi loin la révolte réactionnaire contre le monde moderne.

Médine fait ainsi partie des gens qui entretiennent les confusions, en relativisent les concepts. Dans ses clips, il prône d’un côté le hijab et la barbe islamiste, de l’autre il se met en scène dans une borne d’arcade ou porte une veste “Nike” à l’effigie d’une franchise de Basketball américain.

De la même manière, il a pu se rendre en 2014 à une conférence du fasciste Kémi Séba, au Théâtre de la Main d’Or de Dieudonné, en y étant ovationné publiquement, pour ensuite affirmer qu’il ne s’agissait que d’une enquête de “terrain”, expliquant par ailleurs que sa démarche est celle d’un “chercheur”.

C’est le triste jeu de la confusion, du star system de la confusion, du refus de toute valeur de gauche, du rejet de tout le patrimoine historique de la Gauche, de la classe ouvrière. Médine, 50 ans après mai 1968, participe totalement à l’esprit anti-mai 1968.