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Oskar Lafontaine sur la progression de l’extrême-Droite en Allemagne

Le texte suivant, à propos des victoires électorales de l’extrême-droite lors d’élections partielles en Allemagne, est un excellent exemple d’affirmation de la Gauche historique. Il a été écrit par Oskar Lafontaine.

Celui-ci a dirigé le SPD, le parti socialiste en Allemagne, de 1995 à 1999. Il a ensuite contribué à fonder le Mouvement Die Linke (La Gauche), né de l’unité de la gauche du SPD avec le PDS, issu du SED ayant dirigé l’Allemagne de l’Est. Il est par ailleurs marié à Sahra Wagenknecht, fondatrice du mouvement Aufstehen.

Les élections dans le Brandebourg et en Saxe montrent qu’il y a eu beaucoup de mécontentement à l’égard de la politique de ces dernières années et que de plus en plus de gens se sentent marginalisés et déconnectés.

Et que les partis qui devraient en réalité représenter des améliorations sociales et donc les intérêts de la grande majorité de la population n’ont pas la confiance nécessaire de l’électorat. De plus, il ne faut pas se leurrer quant aux progrès des Verts, qui deviennent de plus en plus un parti bourgeois des plus aisés.

Mais les élections montrent également à quel point il est important de créer un mouvement au-delà des partis qui conduise, au Bundestag allemand, de nouveau à une majorité pour des salaires et des retraites plus élevés, de meilleures prestations sociales, une politique étrangère pacifique et une politique environnementale, qui détermine les produits et la production, force à la responsabilité les monopoles et n’impose pas un fardeau de plus pour les personnes à faible revenu.

L’expérience montre que les personnes qui se sentent lésées placent leur espoir dans les partis de gauche. Si elles sont déçues par ceux-ci, ils se subordonnent aux démagogues de droite.

Si l’AfD assumait une responsabilité gouvernementale, les travailleurs seraient comme Gribouille plongeant dans l’eau pour ne pas se mouiller sous la pluie.

L’AfD représente une politique fiscale qui aggrave encore plus l’inégalité croissante des revenus et des possessions – leur mot d’ordre : pas de taxe sur les successions, pas d’impôt sur la fortune – elle vote au Bundestag contre les améliorations sociales et préconise une augmentation des dépenses militaires et une participation aux guerres d’intervention.

Les partis du camp de la gauche doivent de nouveau placer au centre de leur travail les questions qui sont vraiment au cœur de la vaste majorité de la population, et non pas se concentrer uniquement sur des thèmes symboliques pour des minorités.

Au lieu de s’attaquer à la pauvreté et aux inégalités grandissantes, les partis de gauche se sont pliés à la logique de la propagande néolibérale, selon laquelle toute inégalité repose uniquement sur la discrimination et non sur les scandaleux rapports de propriété, qui donnent à une minorité la possibilité de largement déterminer l’économie et la vie politique.

Le prix de cette politique symbolique, qui s’épuise sur les identités, afin de ne pas avoir à faire face aux questions de pouvoir et de propriété, ces partis l’ont connu dimanche. Nous ne devons jamais oublier : la concentration croissante de richesses mène à l’autoritarisme et finalement au fascisme.

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Sahra Wagenknecht et Rosa Luxembourg

Sahra Wagenknecht, figure de la Gauche allemande, assume très clairement les thèmes de la Gauche historique.

« Aliéné et humilité n’est pas seulement celui qui n’a pas de pain, mais aussi celui qui n’a pas part aux grands biens de l’humanité » (Rosa Luxembourg) Plus haut : « Aujourd’hui, Rosa Luxembourg et Karl Liebknecht ont été assassinés il y a cent ans. Les deux sont une grande inspiration pour moi. Contre toutes les oppositions ils se sont posés contre le militarisme et la guerre, ils sont restés fidèles à eux-mêmes et étaient en même pourtant profondément humain. Leurs luttes sont actuelles jusqu’à aujourd’hui : la justice et la liberté restent encore en 2019 le grand objectif. »

À l’occasion du centenaire de l’assassinat de Rosa Luxembourg, la radio publique Norddeutscher Rundfunk a posé quelques questions à Sahra Wagenknecht.

Voici l’une des questions-réponses, relevant d’une approche qui intéressera ceux et celles s’intéressant aux positions de cette dirigeante actuelle de la Gauche allemande.

NDR : Ce qui s’est passé pour Rosa Luxembourg, à l’origine une social-démocrate, pendant sa période d’emprisonnement, relèverait aujourd’hui du concept de radicalisation. Elle a dans ses derniers écrits clairement appelé aux armes et à la lutte. Cela ne peut pas être aujourd’hui la mise en perspective, n’est-ce pas ?

Sahra Wagenknecht : Rosa Luxembourg n’a pas appelé aux armes, bien au contraire. Elle appartenait dans le Parti à ceux qui se sont massivement refusé à ce qu’on tente de changer les choses par la violence des armes.

Elle a largement promu la participation aux élections – malheureusement, elle n’a pas eu la majorité à ce sujet lors du premier congrès du Parti Communiste d’Allemagne.

Rosa Luxembourg était une démocrate de bout en bout, seulement le système d’alors n’était pas démocratique : nous parlons ici toujours de l’Empire, nous parlons du fait que la révolution de novembre a été finalement freinée et annulée, alors qu’il s’agissait de déposséder du pouvoir les élites qui avaient commencé cette guerre et en avaient également profité.

Son meurtre est également la preuve de comment la démocratie a été mise de côté alors. Dans une démocratie, les opposants n’ont pas le droit d’être assassinés, et cela n’est arrivé qu’en connaissance de cause de la part des forces réactionnaires, mais également de gens comme Gustav Noske, donc de sociaux-démocrates.

Cela a été une époque où beaucoup de choses diffèrent d’aujourd’hui, parce que le système politique était encore un autre. Mais en ce qui concerne les rapports économiques, il y a beaucoup de parallèles jusqu’à aujourd’hui.

 

> Lire également : Allemagne : Sahra Wagenknecht lance une Gauche non postmoderne

 

 

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Aufstehen et la reconquête en Allemagne du peuple passé à l’extrême-droite

L’un des objectifs de la Gauche est de reconquérir les secteurs populaires qui sont passées à l’extrême-droite, en considérant non pas que ces gens sont « débiles », mais qu’ils expriment quelque chose qui a été dévié dans une mauvaise direction.

Sahra Wagenknecht

Les événements de Chemnitz à l’est de l’Allemagne ont rappelé le caractère vital de cette question. La mort d’une personne tuée par un migrant à coup de couteau a provoqué des rassemblements en série à l’appel de l’AFD, avec une forte présence de nazis et une série d’incidents, d’agressions racistes. Des milliers de personnes ont participé à ces rassemblements, happés par la dénonciation populiste, tendanciellement pogromiste.

Sahra Wagenknecht n’a pas participé au rassemblement de 65 000 personnes à Chemnitz contre les initiatives nazies, considérant que l’objectif n’est pas de marquer le coup, mais bien de reconquérir la base populaire. Voici comment dans une interview au média Watson, elle explique la démarche de son mouvement Aufstehen à ce sujet.

« Je ne pense également pas qu’on renforce sa position contre le radicalisme de droite et le néo-fascisme en étant dans une ville particulière, un jour précis (…). Des initiateurs d’Aufstehen étaient à Chemnitz [au rassemblement anti-nazi] (…).

Il ne s’agit pas de la question des nazis, qui font le salut hitlérien dans la rue et traquent les gens ayant l’air différent. Ils concernent l’État de droit. Il en va de beaucoup de gens qui votent AFD aujourd’hui et vont en partie également aux manifestations organisées par l’entourage de l’AFD.

Qui les catalogue comme nazis se rend la vie trop facile, car beaucoup d’entre eux votaient encore il y a quelques années SPD ou Die Linke (…). Je veux qu’on reconquiert la rue à Pegida et aux gens de droite. Actuellement, le gouvernement est en permanence soumis à une pression de droite. Nous avons besoin d’avoir enfin de nouveau un mouvement avec des revendications sociales dans les rues (…).

Je veux empêcher que par colère et mécontentement, des gens se fassent piéger par les droites. C’est un développement qui fait peur lorsqu’une manifestation à laquelle participent des nazis parvient à regrouper 7000 personnes. Il n’y avait pas cela auparavant et je ne veux pas accepter une telle évolution (…).

Quand je vois qu’une majorité en Allemagne veut une politique plus sociale, alors je trouve cela très encourageant. Cela montre que l’esprit de l’époque n’est pas de droite. Que nous avons une majorité qui soutient ce qui était de par le passé une politique classique de gauche.

Le souci est que malgré ce rapport, cette majorité, nous avons dans les parlements [national et régionaux] toujours des droites toujours plus fortes. L’AFD n’a aucunement l’intention de s’impliquer pour davantage de justice en Allemagne. Ce n’est pas du tout dans son agenda. C’est pourquoi il faut faire face à cette tendance (…).

Nous défendons le droit d’asile, et ce sans conditions, qui est pourchassé doit recevoir une protection. Pour le reste, l’immigration doit être régulé et limité. Pour la migration économique, il faut faire attention à ce que cela n’aboutisse pas au dumping des salaires (…).

Il n’y a pas seulement comme alternative des frontières totalement ouvertes ou une fermeture totale. Une position raisonnable se tient naturellement entre les deux. Et nous devons toujours avoir en tête les conséquences de notre politique dans les pays d’origine.

Pour le moment, il se passe que nous engageons les couches moyennes qualifiées des pays pauvres, que nous amenons par exemple ici leurs médecins, comme s’il n’y avait là-bas pas de malades.

Nous renversons les frais de formation vers les pays pauvres. C’est quelque chose sans aucune responsabilité et cela n’a rien à voir avec l’internationalisme (…).

Les plus pauvres de ce monde n’obtiennent rien de frontières ouvertes. Qui crie famine au Yémen, qui crie famine au Sahel, n’a aucune chance d’arriver en Europe. Au lieu de cela, ce sont les couches moyennes qui viennent. Cela rend ces pays encore plus pauvres. Et cela permet à l’économie ici de faire des économies sur les formations et de comprimer les salaires. »

Die Linke

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Immigration : Jean-Luc Mélenchon désavoue Djordje Kuzmanovic

« Le point de vue qu’il exprime sur l’immigration est strictement personnel. Il engage des polémiques qui ne sont pas les miennes. » Voici les précisions envoyées par Jean-Luc Mélenchon au Nouvel Obs, suite aux propos de Djordje Kuzmanovic de La France insoumise, consistant en une véritable dissociation politique.

Djordje Kuzmanovic

Ce dernier, l’une des principales figures de La France insoumise, s’était dans l’interview exprimé favorablement sur le mouvement allemand Aufstehen de Sahra Wagenknecht. Voici ses principaux propos, qui reprennent la ligne historique du mouvement ouvrier pour tenter de se démarquer de la « gauche » postmoderne.

« Il y a maintenant trente ans, la social-démocratie a choisi de construire l’Union européenne libérale plutôt que de défendre les classes populaires. Pour se distinguer de la droite, cette gauche s’est concentrée sur des questions sociétales – le féminisme, les droits LGBT et les migrants – qui, d’ailleurs, ne sont pas spécifiquement « de gauche ». Bien sûr, ces sujets ne doivent pas être écartés, mais ils ne peuvent être séparés de ce qui doit être pour la gauche le cœur de son combat politique : la défense des classes populaires et la lutte contre le capital.

Sur la question migratoire, en particulier, la bonne conscience de gauche empêche de réfléchir concrètement à la façon de ralentir, voire d’assécher les flux migratoires, qui risquent de s’accentuer encore du fait des catastrophes climatiques. Plutôt que de répéter, naïvement, qu’il faut « accueillir tout le monde », il s’agit d’aller à l’encontre des politiques ultralibérales – ce que la social-démocratie a renoncé à faire (…).

La France est un pays de migrations. Mais, depuis 2012, avec l’accélération de la mondialisation, les inégalités s’accroissent et les dégâts environnementaux sont de plus en plus irréparables ; sans oublier l’explosion démographique. Cet ébranlement du monde jette les gens sur les routes et nous oblige à penser les choses différemment. Cependant, nous continuons d’insister sur le fait que ce ne sont pas les migrants qui posent problème, mais bien les destructions économiques qui poussent des millions de personnes à quitter leur pays ou leur région de naissance (…).

Les « no-borders » et l’extrême droite parlent toujours des migrants originaires de l’Afrique du Nord ou subsaharienne. Ces populations sont en réalité minoritaires par rapport aux flux migratoires européens qui sont le produit du dumping social en Europe. Les travailleurs polonais ne subissent pas l’arrivée de migrants africains, mais bien celle de travailleurs ukrainiens (…).

Lorsque vous êtes de gauche et que vous tenez sur l’immigration le même discours que le patronat, il y a quand même un problème… Ce que nous disons n’a rien de nouveau. C’est une analyse purement marxiste : le capital se constitue une armée de réserve. Lorsqu’il est possible de mal payer des travailleurs sans papiers, il y a une pression à la baisse sur les salaires. Cette analyse serait d’extrême droite ? Vous plaisantez.

Il faut engager une régularisation massive des sans-papiers de façon à obliger les employeurs à payer des salaires décents et que les salariés soient sur un pied d’égalité face à la loi. Enfin, il faut remédier au dumping social intra-européen. S’il y a un appel d’air, il vient du patronat qui maximise ses profits en exploitant la misère du monde. »

Tout cela ne fait somme toute qu’exprimer le point de vue classique, historique, du mouvement ouvrier. La Gauche, cela n’a jamais été le libéralisme ou l’anarchisme, mais la gestion de toutes les choses au moyen de la planification, le contrôle de tous les aspects de la vie sociale et culturelle par le peuple lui-même.

Seulement, lorsque Sahra Wagenknecht dit cela, elle a une crédibilité. Elle a toujours eu un discours servant de vecteur à des valeurs qui sont, peu ou prou, celles de la RDA historique. Les termes qu’elle choisit, les choses qu’elle met en valeur… tombent souvent en adéquation avec des points de repère historiquement à Gauche.

Mais lorsque c’est Djordje Kuzmanovic qui s’exprime, là cela tient moins. Il n’a jamais en effet tenu de discours avec les valeurs du mouvement ouvrier ou son histoire, à part quelques références romantiques à Jean Jaurès ou la Commune de Paris de 1871. C’est d’ailleurs quelqu’un qui est croyant, allant à l’église catholique orthodoxe russe Saint-Serge à Paris. C’est également un ancien militaire qui a été en Afghanistan et assume parfaitement l’Armée française ; c’est aussi « l’orateur national sur les questions géopolitiques » de La France Insoumise et rien que parler de géopolitique en dit déjà long.

Djordje Kuzmanovic est ainsi un souverainiste de gauche, qui surfe sur un thème et qui reprend des codes, mais pas quelqu’un assumant la mouvement ouvrier historique et ses valeurs. D’ailleurs, s’il était logique avec lui-même, il aurait rompu depuis longtemps avec La France Insoumise, qui est un vecteur très important des valeurs postmodernes, postindustrielles qu’il prétend dénoncer.

Jean-Luc Mélenchon n’a-t-il pas désigné Emmanuel Macron, il y a quelques jours, comme le « plus grand xénophobe qu’on ait », pour finalement aller à sa rencontre plus tard dans la même journée et parler d’une « légère exagération marseillaise » ?

C’est là du populisme et en acceptant cela, Djordje Kuzmanovic témoigne qu’il n’est finalement lui-même qu’un populiste.

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La « gauche » postindustrielle en panique devant Aufstehen

L’émergence d’Aufstehen en Allemagne pose un réel souci à une gauche française passée avec armes et bagages dans le camp des valeurs postindustrielles et postmodernes. Un retour aux sources sur le plan des valeurs comme le propose Aufstehen ne peut que déplaire fortement à une gauche française pour qui le seul combat, c’est supprimer toute norme.

En 1931, la SFIO faisait une proposition de loi exigeant que les entreprises n’embauchent pas plus de de 10 % de travailleurs étrangers. C’est qu’à l’époque, la Gauche savait que les entreprises préféraient une main d’œuvre immigrée corvéable à merci, car sans conscience de classe, sans capacité d’organisation, sans niveau culturel élevé, plutôt que des travailleurs s’inscrivant dans un parcours historique bien déterminé.

C’est la raison pour laquelle la « gauche » postindustrielle et moderne est en panique complète devant l’initiative allemande d’Aufstehen, qui a avant-hier officialisé ses positions. Le Monde parle d’une « gauche antimigrants », Libération d’un « mouvement qui reprend les accents de l’extrême-droite sur la question migratoire », le Huffpost parlant d’une « gauche radicale et anti-migrants ».

Dans une de ses brèves publiées hier affirmant que Aufstehen serait « à plat ventre devant des idées réactionnaires », Lutte Ouvrière a présenté comme suit ce mouvement :

« Sahra Wagenknecht, députée Die Linke, classé à l’extrême-gauche au Bundestag allemand, vient d’annoncer la création du mouvement Aufstehen (Debout) avec comme axe politique la limitation du nombre de migrants et de réfugiés. »

Avant-hier, c’est Ian Brossat qui pour le PCF se lançait dans une attaque du même type, assimilant de manière ouverte migrants et réfugiés :

« En Allemagne, certains représentants politiques empruntent une pente dangereuse. C’est le cas de Sarah Wagenknecht, ancienne présidente du groupe Die Linke (gauche radicale) au Bundestag, qui vient de créer un mouvement populiste anti-migrants, « Aufstehen ».

Honte à elle et à tous ceux qui, se prétendant de gauche, adoptent un discours anti-migrants. Je salue nos camarades de Die Linke qui ne cèdent pas à cet appel à adopter le même discours que l’extrême droite s’agissant des questions migratoires.

Faire des réfugiés les boucs émissaires de la crise est une ignominie sans nom. Pendant ce temps-là, les capitalistes qui pratiquent le nomadisme sur fond de dumping social et fiscal dans une totale impunité peuvent continuer à délocaliser et à broyer vies et territoires en toute tranquillité.

Les progressistes d’Europe ont mieux à faire que plagier les arguments éculés de l’extrême droite selon lesquels les étrangers nous volent notre pain ou font baisser nos salaires. Il nous faut au contraire consacrer notre énergie à trouver des issues positives à la crise de l’accueil que vit l’Europe depuis trois ans.

C’est ce à quoi s’emploie le PCF, en proposant d’une part d’ouvrir des voies légales pour permettre l’arrivée en bonne condition des réfugiés qui fuient la guerre et la misère, et d’autre part qu’une clé de répartition européenne impose à l’ensemble des vingt-sept de prendre part à l’accueil et au devoir de solidarité.

Ian Brossat, chef de file du PCF pour les élections européennes »

On peut remarquer que Ian Brossat parle ici de capitalistes pratiquant le nomadisme, un terme classique du national-socialisme, les capitalistes étant assimilés aux Juifs censés être des « nomades ».

Cependant, il faut surtout noter qu’en réalité et contrairement aux propos de Ian Brossat, Sarah Wagenknecht se prononce en faveur de l’accueil des réfugiés, faisant simplement et logiquement la distinction entre ceux-ci et les migrants.

De toutes façons, la question des réfugiés ou des migrants, contrairement à ce que laissent entendre toutes ces réactions, n’est absolument pas centrale dans le positionnement d’Aufstehen. C’est un thème important, néanmoins ce n’est pas du tout un axe politique, comme le prétend Lutte Ouvrière.

Et pour cause ! Aufstehen, qui a dépassé les 110 000 personnes s’inscrivant dans sa démarche, n’est pas un parti politique. C’est un mouvement transversal unissant le maximum d’initiatives pour développer des thèmes sociaux et pacifistes, afin de renforcer la Gauche en demandant aux partis de prendre en compte les points de vue exprimés.

Le texte fondateur et introductif rendu public avant-hier explique ainsi simplement que les écarts de richesse sont devenus immenses en Allemagne, alors qu’il y a davantage de richesses, et qu’on est ainsi ramené aux différences sociales de l’époque de l’empereur Guillaume.

Rien que cette allusion culturelle à l’empire, à la hiérarchie aristocratique littéralement fantastique décrite admirablement en 1914 dans le roman de Heinrich Mann Le Sujet de l’Empereur, place Aufstehen dans le camp antifasciste, inacceptable pour la Droite. Il faut se souvenir que le drapeau du IIIe Reich reprend directement les couleurs du second Reich (le noir, le blanc et le rouge).

Et ce sont les profiteurs, ceux qui ici sont pour Emmanuel Macron des « winners », qui sont dénoncés :

« Ce sont avant tout les grandes entreprises et leurs propriétaires qui sont les gagnants de la mondialisation, du libre-échange, de la privatisation et du marché commun européen. Pour les riches, la promesse « Europe » a été remplie. Qui dispose de hautes qualifications et est mobile peut utiliser les nouvelles libertés.

A l’opposé de cela, exactement la moitié de la population en Allemagne a un salaire réel plus faible qu’à la fin des années 1990. Beaucoup de gens concernés voient en la permissivité et l’immigration avant tout une concurrence accrue et des emplois mal payés. Pour les employés des pays de l’Est travaillant dans les abattoirs allemands ou les soins pour personnes âgées, c’est également avant tout l’exploitation qui est devenue sans limites.

Et pendant que les monopoles s’arrosent de grandes dividendes, les plus pauvres se disputent pour les restes.

Depuis que l’État social ne fournit plus de sécurité suffisante, beaucoup se battent seuls pour eux-mêmes. Qui perd son job ou bien est mis à l’écart par de longues maladies se retrouve rapidement tout en bas (…).

Les dangers globaux grandissent. Dans les rapports internationaux, la loi du plus fort militairement remplace toujours plus les négociations et la diplomatie. Les guerres sont menées de manière effrénée, afin d’obtenir des matières premières convoitées ou bien d’élargir des zones d’influence géopolitique. Cela est particulièrement vrai des États-Unis. »

Pacifisme assumé et orientation sociale complète, telle est la logique d’Aufstehen, et il saute aux yeux que sa dirigeante, Sahra Wagenknecht, s’appuie sur la tradition socialiste allemande.

L’objectif de Sahra Wagenknecht n’est cependant pas un bouleversement social, mais un État social réparateur des liens sociaux. C’est un réformisme assumé, désireux de revenir aux traditions social-démocrates des années 1970.

Un tel projet est-il viable aujourd’hui? En tout cas, on ne peut qu’être étonné que la France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon ait salué la naissance officielle d’Aufstehen. La démarche populiste de « la FI » n’a rien à voir avec la tentative de libérer la parole populaire et Aufstehen ne prône pas comme les Insoumis une géopolitique agressive, bien au contraire.

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Allemagne : Sahra Wagenknecht lance une Gauche non postmoderne

Sahra Wagenknecht, une figure de la Gauche allemande, lancera le 4 septembre 2018 un mouvement intitulé « Aufstehen », c’est-à-dire « Se lever », afin de faire pression sur les partis de Gauche.

La particularité de ce mouvement à naître, qui a déjà la sympathie virtuelle de 80 000 personnes, n’est pas tant de relever d’une certaine forme de populisme, que de se placer ouvertement en dehors des thématiques postmodernes et postindustrielles.

Sahra Wagenknecht affirme en effet notamment que l’ouverture aux migrants avait comme but le dumping social, que cela a renforcé la précarisation sociale des couches les plus défavorisées, que la migration concerne également particulièrement les couches sociales les plus éduquées de pays du tiers-monde qui se voient ainsi littéralement pillés.

Cela provoque évidemment des cris d’orfraie dans le camp postmoderne et postindustriel, qui l’accuse de développer la même approche que l’extrême-droite. En réalité, Sahra Wagenknecht, a parfaitement compris que le risque était désormais le même en Allemagne, où effectivement les couches les plus précarisées du peuple se tournent vers l’AFD (Alternative für Deutschland), le nouveau parti d’extrême-droite.

« Qui veut la démocratie doit arracher le pouvoir à la mafia financière »

Si Sahra Wagenknecht a cette approche particulière, c’est que son parcours n’est pas forcément commun. Née en République Démocratique Allemande, où elle est mal à l’aise avec le système au point de ne pas pouvoir étudier, elle rejoint cependant le SED, le parti ayant dirigé la RDA, au début de l’année 1989.

Puis, elle a participé à l’aile gauche du prolongement du SED, valorisant systématiquement le parcours du mouvement ouvrier en Allemagne, la création de la RDA et ses acquis sociaux, ainsi d’ailleurs que la révolution russe et même l’URSS de Staline. Cette formation reste marquée et l’accusation de « néo-stalinisme » à l’encontre de Sahra Wagenknecht est relativement courante.

Sur le facebook de Sahra Wagenknecht : « Le 8 mai 1945 a été le jour de la libération d’un système hostile à l’humanité, la domination violente national-socialiste. Ce jour doit enfin devenir un jour férié, comme jour du recueillement, de l’avertissement – et du souvenir de combien il est important de s’impliquer pour la paix et la compréhension entre les peuples. Plus jamais la guerre ! Plus jamais le fascisme ! »
Sur le facebook de Sahra Wagenknecht (la photo montre le monument à Volgograd, l’ex-Stalingrad) : « Aujourd’hui il y a 75 ans se terminait la bataille de Stalingrad. En tout la guerre fasciste d’anéantissement a coûté la vie de nombreux millions de victimes du côté soviétique. Mais au lieu de participer à ce jour du souvenir à Volgograd aujourd’hui, le gouvernement explique suite à notre question que la responsabilité pour cette attaque ne doit pas être assumé en général, car elle n’aurait été que « seulement dans certains cas criminelle » et qu’il faut la placer dans le cadre des « opérations militaires ». Cette réécriture de l’histoire est particulièrement dangereuse de par le message qui en ressort – les guerres d’anéantissement sont réprouvés, mais selon cette lecture pas un crime, seulement une situation où peuvent se produire des actes criminels, évidemment des cas particuliers. Cette position est au plus haut point cynique et avant tout dangereuse dans un monde où il y a encore des guerres d’attaque et des innocents tués – que ce soit au Yémen ou à Afrin. L’histoire nous avertit – Plus jamais la guerre ! Plus jamais le fascisme ! »

Au-delà de cet arrière-plan, Sahra Wagenknecht se positionne concrètement sur des revendications sociales très fortes, rappelant fortement celles de la social-démocratie allemande des années 1970. Il reste à voir ce que proposera Aufstehen,

Cependant, si son site ne dit pas encore grand-chose, donne la parole à des gens du peuple qui donnent le ton, et cela se veut absolument moderne, et non postmoderne.

Voir un mécanicien automobile tatoué avec un t-shirt du Sea Shepherd, par exemple, c’est tout de même autre chose que l’image d’Epinal donné par la CGT en France du travailleur borné se résumant aux merguez et aux revendications seulement économiques.

Voici également ce que Sahra Wagenknecht disait en mai 2018 dans une interview à la Frankfurter Woche :

« Die Linke ne doit pas devenir un néo-parti Verts tourné vers le lifestyle qui méprise les traditions et l’identité des « petites gens ».
Nous devons reconnaître que les problèmes auxquels font justement face les plus pauvres au quotidien – la concurrence pour des jobs mal payés et des appartements abordables, le manque de sécurité publique – ne sont clairement pas apparus avec la crise des réfugiés de 2015-2016, mais se sont souvent aggravés avec cela.

Et c’est naturellement un problème quand dans les quartiers les plus pauvres jusqu’à 80 % des enfants allant pour la première fois à l’école ne parlent pratiquement pas l’allemand. Ou bien quand des prédicateurs de la haine d’un Islam radicalisé fournissent déjà à des enfants de cinq ans une vision du monde dirigée contre toutes les valeurs fondamentales de notre vivre-ensemble. »

On est là extrêmement loin de la Gauche en France actuellement, où tant le PS que le PCF ou La France insoumise, sans parler d’EELV ou de Benoît Hamon, sont des partisans acharnés des thématiques postmodernes et postindustrielles. Mais l’avenir ne leur appartient pas : la Gauche ne peut que se réaffirmer par le mouvement ouvrier, son histoire, son parcours, ses valeurs.