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Guerre

Pêche: l’agressivité française envers le Royaume-Uni

On se croirait en 1914, avec des antagonismes de plus en plus violents et récurrents.

Le gouvernement français a pris des décisions très radicales à l’encontre du Royaume-Uni pour protester sur la question de la pêche dans les eaux anglo-normandes. Une liste de mesures de « rétorsion » a ainsi été annoncée mercredi 28 octobre 2021 dans un communiqué conjoint du ministère français de la Mer et du secrétariat aux Affaires européennes.

Il y est question d’interdire, à partir du 2 novembre, aux navires de pêche britanniques de débarquer dans leurs ports habituels en France. Cette mesure de blocus est un véritable acte de guerre commerciale, typique des relations franco-anglaise depuis des siècles. Il s’agit d’une décision très agressive de la part de la France, qui entend faire plier de force le gouvernement britannique en menaçant son économie.

Cela est d’autant plus agressif que les ministères en question ont annoncé d’autres actions, dans un communiqué hallucinant de par le ton provocateur employé :

C’est un véritable chantage, avec une opération assumée de harcèlement des opérateurs économiques britanniques sur le territoire national et des transporteurs à destination du Royaume-Uni, avec même la menace de couper le courant (les îles anglo-normandes dépendent d’un câble sous-marin les reliant à la France pour la fourniture énergétique). C’est un chantage typique d’une escalade guerrière, du même genre (à une moindre échelle) que ce qui existe en mer de Chine, ou (de manière assez équivalente) les tensions concernant les îles grecques au large de la Turquie.

On notera d’ailleurs que ce chantage français est illégal : l’accord européen concernant le Brexit prévoit un protocole très précis pour ce genre de désaccord, mais n’autorise certainement pas une telle salve de mesures unilatérales.

Les propos tenus par la France sont en tout cas sans équivoque. La secrétaire d’État français aux Affaires européennes, Clément Beaune a dit la chose suivante (et il faut vraiment souligner le caractère belliqueux d’une telle déclaration) :

« Maintenant, il faut parler le langage de la force parce que je crains que, malheureusement, ce gouvernement britannique ne comprenne que cela. »

Cela alors que le gouvernement français s’est vanté dans la journée via un communiqué officiel, largement relayé par la presse, d’avoir forcé le contrôle d’un premier navire britannique, puis ensuite d’avoir dérouté et saisi un chalutier britannique qui n’était pas en règle. Il s’agit d’une simple opération de police maritime, tout à fait anecdotique en pratique. Mais c’est prétexte à faire monter la tension.

La question elle-même de la pêche dans les eaux anglo-normande n’est de toutes façons également qu’un prétexte, d’ailleurs. Cela ne concerne que quelques dizaines de petits bateaux, à l’activité quasi-artisanale.

L’accord du Brexit prévoit une licence pour pêcher dans les eaux territoriales britanniques, avec la fourniture de la preuve que l’activité était déjà exercée à cet endroit depuis des années. C’est le principe du Brexit, de la sortie du marché commun européen : le Royaume-Uni a choisi la voie du nationalisme et entend logiquement avoir la main sur ses eaux territoriales.

En pratique, une grande partie des chalutiers français concernés ont ainsi déjà obtenu leur licence, et pour les autres, les autorités britanniques accusent la France de retenir volontairement les documents demandés, justement pour faire monter la pression.

La France par contre entend en quelque sorte faire « payer » le Royaume-Uni, en mettant la pression sur la question des eaux territoriales anglo-normandes, qui sont plus proches de la France que de l’Angleterre.

Ce qui est certain en tous cas, c’est qu’il y a une opération délibéré en France d’escalade sur la question, comme avec ces propos du porte-parole du gouvernement français :

« Ce que nous constatons aujourd’hui, c’est qu’il manque quasiment 50% des licences auxquelles nous avons droit. C’est une situation qui n’est pas acceptable et je le dis clairement, notre patience atteint ses limites. »

Un tel chiffre de 50 % est invraisemblable, il ne correspond même pas à la situation décrite par la France il y a près d’un mois de cela, alors que de nouvelles licences ont été accordées depuis. L’agressivité française à l’encontre du Royaume-Uni est ici très claire et a comme sens d’aller au conflit.

Cela doit être dénoncé avec la plus grande vigueur par la Gauche française. Le silence à ce sujet serait criminel : l’escalade guerrière est chaque jours plus évidente, la grande bataille pour le repartage du monde est chaque jour plus facile à voir, à sentir, à redouter.

La France n’est pas en reste, d’autant plus qu’il s’agit d’une puissance secondaire dans le monde, mais s’imaginant encore bien plus grande qu’elle ne l’est. C’est typiquement ce genre de pays qui permet le déclenchement des guerres, à force d’agressivité, à force d’actes d’hostilités, qui sont pour eux le seul moyen d’exister.

La ministre de la Mer, Annick Girardin, a beau se défendre en disant « ce n’est pas la guerre, c’est un combat ». En pratique, le mot guerre est prononcé, et c’est bien d’une escalade de type militariste dont il s’agit.

Bien entendu, il ne s’agit pas de prétendre que la question se pose, directement et immédiatement en 2021, d’une guerre entre la France et le Royaume-Uni. Mais il se dessine par contre, de manière concrète et actuelle, une tendance générale à la guerre, dont la France est largement partie prenante. Cet épisode anti-britannique en est une manifestation très claire, reflet d’une guerre larvée, prélude au conflit armé.

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Guerre

Brexit: le triomphe du nationalisme britannique

Après quatre années d’âpres négociations, le Royaume-Uni n’est officiellement plus membre de l’Union européenne. Des accords douaniers ont été signés in extremis entre les deux parties, évitant un catastrophique « no deal ». Ce n’est toutefois qu’un paravent, car la situation est maintenant entièrement nouvelle et les tensions vont s’exacerber à tous les niveaux.

L’épisode du Brexit aura duré tellement longtemps et connu de tels rebondissements pendant quatre ans que sa réalisation effective le 1er janvier 2021 passerait presque inaperçue. Pourtant, tout a changé pour le Royaume-Uni.

D’un côté, le pays est menacé d’éclatement, notamment du côté de l’Écosse où le nationalisme et la tentation pro-Union européenne vont être de plus en plus forts. Le 24 décembre 2020, la Première ministre écossaise Nicola Sturgeon avait déjà annoncé la couleur en annonçant avec fracas :

« Le Brexit arrive contre la volonté du peuple d’Écosse et aucun accord ne pourra jamais compenser ce que le Brexit nous enlève. Il est temps de tracer notre propre avenir en tant que nation européenne indépendante ».

Nicola Sturgeon fait ici allusion au fait qu’en Écosse, 62% des votes s’étaient exprimés contre le Brexit en 2016.

Parallèlement, il va y avoir pour le Royaume-Uni et même il y a déjà une course effrénée pour tirer un avantage concurrentiel de la sortie des règles et normes européennes. La Droite britannique, qui a littéralement atomisé la Gauche avec le Brexit, a maintenant des possibilités énormes pour mobiliser la population dans le sens du capitalisme et de la concurrence avec les capitalismes des pays de l’Union européenne (et d’ailleurs).

En France, il a beaucoup été question des pêcheurs et de leurs accès aux eaux territoriales britanniques, qui est maintenant limité ou alors « payant ». Ce n’est là qu’un petit aspect parmi énormément d’autres, qui font que les tensions sur le plan économiques vont être de plus en plus importantes.

Il n’y a qu’à prendre la question nord-irlandaise, qui était le principal point de crispation pour la négociation des accords avec l’Union européenne, pour comprendre à quelle point la situation extrêmement tendue.

Regarder une carte permet de visualiser le problème.

L’Irlande du Nord fait partie du Royaume-Uni, mais historiquement et géographiquement, le territoire est fortement lié au reste de l’île, l’Irlande, qui est membre de l’Union européenne. Comme il n’était pas envisageable de déployer une frontière stricte entre l’Irlande du Nord et l’Irlande, alors il a été négocié que l’Irlande du Nord reste dans le marché européen et donc qu’il n’y ait pas de formalités douanières.

Par contre, la frontière s’applique dans le cas des échanges entre l’Irlande du Nord et le reste du Royaume-Uni avec des formalités douanières extrêmement complexes pour déterminer ce qui est étranger ou non. Concrètement, cela fait qu’une partie du Royaume-Uni est coupée du reste du pays sur le plan économique.

C’est un véritable sac de nœud et les difficultés sont déjà là dans les ports de la mer d’Irlande, puisque une partie du territoire britannique relève au sens strict de l’espace économique de l’Union européenne.

Une telle situation n’est pas durable. Soit le Royaume-Uni continue de l’accepter, et alors il se retrouve dépendant de l’Union européenne et le Brexit n’a pas de sens, soit il s’affirme et alors il y a forcément conflit. Et c’est la même chose pour à peu près tout. Pour l’instant, les accords font que le Royaume-Uni est aligné sur les règles et normes européennes en ce qui concerne l’économie, mais tout va être négocié au cas par cas à l’avenir, avec un enjeu potentiellement conflictuel à chaque fois, même pour des choses en apparence insignifiantes.

Au sens strict, le Royaume-Uni a toujours été très indépendant par rapport à l’Union européenne, c’est à dire surtout par rapport au tandem franco-allemand. Mais l’intégration économique lissait les rapports, d’autant plus qu’il y avait parallèlement une intégration sociale-culturelle de part les échanges facilités entre les habitants européens et britanniques. Tout cela est fini.

Cela ne veut pas dire que le Royaume-Uni et l’Union européenne vont maintenant se faire la guerre. Mais cela signifie que le Royaume-Uni est encore plus une force comptant dans le grand échiquier mondial, entièrement autonome et en situation d’aller elle-même chercher des alliances pour peser dans un sens ou dans l’autre, d’une manière ou d’une autre.

Plus il y a de tensions, plus il y a de difficultés économiques (d’autant plus dans un contexte de crise de l’économie elle-même), plus il y a d’espace pour la Droite afin d’exprimer le nationalisme et tendre vers la guerre. Avec le Brexit, le Droite britannique se retrouve en position de force pour mobiliser dans le sens d’un empire britannique retrouvé, se réaffirmant, etc.

Inversement, les pays de l’Union européenne, à commencer par le moteur franco-allemand, voient leur situation changée avec le renforcement du Royaume-Uni. Ils peuvent tout autant faire bloc, et donc se renforcer de manière agressive pour peser, qu’au contraire se disloquer en raison des difficultés nouvelles.

Le Brexit est ainsi une contribution à la bataille pour le repartage du monde, au militarisme généralisé.

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Politique

Extrême-Droite: le Brexit célébré par les tenants sociaux-nationalistes du «Frexit»

Le Brexit est entré en vigueur et c’est le début de la formation d’un bloc de plus dans la bataille pour le repartage du monde, celui avec le Royaume-Uni comme centre de gravité et rassemblant les pays du Commonwealth. Les sociaux-nationalistes français ont fêté cela et espèrent que cela va aider leur argumentation démagogique en faveur du « Frexit ». Pour eux, la France doit faire de même et, voyant un espace, ils se rassemblent.

Vendredi 31 janvier 2020 on a eu droit à un rassemblement avec les principales figures du social-nationalisme français, pour « fêter » l’entrée en vigueur du Brexit. Organisé par l’Union Populaire Républicaine (UPR) de François Asselineau, on y trouve toutes les principales figures soutenant cette ligne, et donc pas Marine Le Pen qui l’a abandonnée à la suite de la défaite à la Présidentielle.

Il manque toutefois également le Pôle de Renaissance Communiste en France (PRCF), qui se réjouit également du Brexit, bien que de manière critique, et prône un « Frexit progressiste ». Le PRCF est relativement influent comme « gauche » du PCF et prône un retour à la ligne sociale-patriotique du PCF des années 1960-1980 (« Patriotisme et combat pour le socialisme sont indissociables ! »).

Voici le communiqué entier de l’UPR, qui doit faire froid dans le dos à tout antifasciste. On a ici en effet une convergence sociale-nationaliste qu’il serait absurde de balayer d’un revers de la main. C’est une vraie proposition stratégique qui se forme ici, représentant une menace démagogique majeure.

« François Asselineau a organisé ce vendredi 31 janvier 2020 une grande soirée pour célébrer l’évènement historique que constitue le Brexit, à l’espace « Atelier Basfroi » dans le 11ème arrondissement de Paris.

S’inscrivant dans l’esprit du Conseil national de a Résistance de 1943-44, cet événement politique exceptionnel a permis de rassembler, le temps d’une soirée, des personnalités françaises de bords politiques très différents mais partageant une même joie de voir nos voisins britanniques se libérer de la tyrannie de l’Union européenne.

Notre photo montre ainsi tous les responsables réunis se réjouir de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, au moment des 12 coups de minuit. De gauche à droite :

  • Florian Philippot, Président des Patriotes, ancien Vice-Président du Front National,

  • Martine Fumey, vice présidente du Club des entreprises Numéros 1 français de l’export,

  • Dominique Jamet, cofondateur de l’Union nationale citoyenne, ancien Vice-Président de Debout La France, ancien journaliste à Marianne, France-Soir et au Figaro,

  • Nicolas Dupont-Aignan, président de Debout La France, député, ancien candidat aux élections présidentielles de 2012 et 2017,

  • (derrière Nicolas Dupont-Aignan) : Pierre Lévy, rédacteur en chef du mensuel Ruptures, ancien journaliste à l’Humanité et ancien militant syndical à la CGT.

  • Jacques Cheminade, président de Solidarité & Progrès, ancien candidat aux élections présidentielles de 1995, 2012 et 2017,

  • François Asselineau, président-fondateur de l’UPR, ancien candidat à l’élection présidentielles de 2017, organisateur de la Grande Fête du Brexit,

  • Philippe Pascot, écrivain et ancien maire-adjoint d’Évry auprès de Manuel Valls,

  • Jean-Frédéric Poisson, Président du Parti Chrétien Démocrate, ancien maire de Rambouillet et ancien député des Yvelines,

  • John Laughland, universitaire anglais, de nationalité française et britannique, auteur de The tainted sources of Europe, traduit en français par « la liberté des nations »

  • Gilles Casanova, secrétaire général adjoint du Front démocrate et de l’Union des Démocrates et des Écologistes, ancien conseiller de Jean-Pierre Chevènement,

  • Djordje Kuzmanovic, président de République souveraine, ancien porte-parole et conseiller de Jean-Luc Mélenchon pour les questions internationales et de défense,

  • (derrière Djordje Kuzmanovic ) : David Bourgeois, représentant des Gilets jaunes.

Le Comte de Paris, Jean d’Orléans, prétendant au trône de France, avait envoyé son représentant personnel, Bruno Cazelles, à titre d’observateur (non présent sur la photo). »

Cette dernière remarque en dit long sur les ambitions réactionnaires de ce projet social-nationaliste, qui vise à faire s’effondrer la Gauche en se plaçant à droite de Marine Le Pen, qui sera présentée comme pas assez « souverainiste ». Il y a un vrai public pour ce mouvement : toute la génération passée par la lessiveuse Dieudonné-Soral. La menace est très claire.

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Guerre

Vers la guerre: triomphe de Boris Johson et du Brexit

La catastrophe tant redoutée est arrivée : les élections au Royaume-Uni ont été marquées par un triomphe pour la Droite, la Gauche se faisant dévaster. La voie est libre pour une vague nationaliste et la mise en place d’un bloc assumant de batailler pour le repartage du monde.

Lors des élections de 1987, la Droite de Margaret Thatcher avait obtenu 376 sièges à la Chambre des Communes, la Gauche de Neil Kinnock 229. Aux élections de décembre 2019, la Droite de Boris Johnson a obtenu 365 sièges, la Gauche de Jeremy Corbyn 202 sièges. Cela veut dire que la défaite de la Gauche nous ramène directement à la période la plus sombre du Royaume-Uni, lorsque la Droite avait tellement le dessus qu’elle allait de victoire en victoire. En 1987, Margaret Thatcher obtenait même sa troisième victoire, et la plus grande.

La situation est d’ailleurs au sens strict encore pire et il faut remonter à 1935 pour un résultat aussi mauvais. Mais l’esprit correspond à celui des années 1980, où le libéralisme prédominait dans tous les secteurs culturels du pays, à part dans une toute petite Gauche activiste se confrontant au racisme sur le terrain et très influente dans le milieu des musiciens, ainsi que du côté de l’IRA.

Il est vrai que la raison fondamentale de tout cela, c’est que le mouvement ouvrier britanique ne s’est jamais élevé au Socialisme, formant un « travaillisme » sans envergure. Le Parti travailliste (Labour Party) était ainsi une construction des syndicats (en Allemagne ce fut l’inverse : la social-démocratie marxiste construisit les syndicats). Toute la Gauche pouvait et peut adhérer au Labour, critiquer comme il l’entend, le Parti étant une sorte de vaste fédération.

Pour cette raison, la tendance bascule dans un sens ou dans un autre. Les réformistes l’emportent à la direction, perdent à un moment les élections, sont remplacés par des activistes plus engagés qui échouent dans leur entreprise, ce qui amène un rebasculement, etc. En l’occurrence, le Labour était dirigé par Jeremy Corbyn, depuis 2015, très à gauche, avec un véritable engouement, le parti passant de 190 000 à 515 000 membres en raison de sa popularité.

La démarche était très proche de celle de Jean-Luc Mélenchon ; le populisme anticapitaliste a d’ailleurs permis l’émergence d’une vague antisémite violente dans le Labour. Pris au piège entre le travaillisme et les philosophies post-modernes à la mode (et si puissantes en Angleterre), Jeremy Corbyn refusa même de prendre position pour ou contre le Brexit. Tout ce qu’il proposa fut une meilleure négociation et surtout un nouveau référendum, lui-même ne donnant jamais son point de vue.

C’était là un suicide politique, laissant se déchaîner la Droite soutenue par toute la haute bourgeoisie afin de former un bloc britannique autonome. Donald Trump a évidemment été le premier à saluer Boris Johnson, alors que Morgan Ortagus, porte-parole de la diplomatie américaine, a rappelé la volonté américaine de former un bloc de libre-échange entre les deux pays.

On l’a compris : le bloc britannique se met dans l’orbite américaine, assumant de s’impliquer dans l’affrontement sino-américain, les pays du continent européen étant encore à l’écart à ce niveau. Cela ne se fera pas sans difficultés, car le Parti national écossais a obtenu 48 des 59 sièges d’Écosse, prônant l’indépendance. Mais il se fera inévitablement mettre au pas, car le Royaume-Uni rentre dans une période sombre, celle de l’élan nationaliste dans le militarisme.

Il suffit pour l’admettre de voir les chiffres de participation aux élections : ils sont de 67,3 %. Un tiers du pays est resté entièrement à l’écart d’une élection décisive pour l’avenir du Royaume-Uni ! Le capitalisme a littéralement broyé la société britannique, atomisé les individus, anéantit les esprits dans le nationalisme et mobilise dans un sens militariste.

Comme dans les années 1930, seule une poignée de pays-îlots vont se retrouver à résister à la montée et l’installation du Fascisme !

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Politique

La vague nationaliste en Europe

Si l’on regarde les résultats de ces élections européennes dans leur globalité, le constat est flagrant : les nationalistes réalisent un percée générale sur le continent. Les députés d’extrême-droite seraient 115 au Parlement européen, soit trois fois plus que pour la dernière mandature.

Les commentaires sont nombreux sur les résultats des élections européennes. Parmi les plus courants, il y a celui comme quoi la vague d’extrême-droite aurait, finalement, été moins forte que prévue. Sur 28 pays qui se rendaient aux urnes, ce ne sont « que » six d’entre eux qui placent une formation nationaliste en tête, dont la France.

La vague semble ainsi stoppée et la poussée écologiste forme un écran de fumée sur une réalité bien plus grave. En effet, il y a une tendance de fond qui devrait être analysée comme le fait principal pour la Gauche.

En Finlande par exemple, il est parlé de la percée des écologistes. Il est vrai que les Verts passent de 14 % en 2014 à 16 % en 2019. Mais, avec comme ailleurs un regain de participation (43 %), le fait que le parti des « vrais Finlandais » ait obtenu 14 % (contre 12 % en 2014) a de quoi alerter. Les « Vrais finlandais » avaient déjà réussi à obtenir 39 députés au parlement lors des élections législatives d’avril.

La situation est bien plus avancée dans de nombreux autres pays, avec une extrême-droite ayant acquis une position hégémonique.

En Grande-Bretagne, l’option nationaliste s’est concentrée sur le Brexit et portait carrément le nom de Brexit Party. Cette liste a recueilli 31,6 % des suffrages contre 14 % pour les travaillistes sur fond d’abstention élevée (63 %). C’est un coup de vis donné aux intérêts nationalistes et aux élans guerriers.

Paralysée, la société civile anglaise se réfugie dans une abstention stérile alors qu’à la fin mars, ce n’était pas moins d’un million de personnes qui défilaient à Londres pour exiger un nouveau référendum sur le Brexit. Malgré une protestation écologique naissante avec le médiatique mouvement « Extinction Rebellion », les verts anglais ne réunissent que 11 % des voix, ce qui est plus faible qu’en France.

Avec ce nouveau score très favorable pour le Brexit, il y a là un aiguisement des rapports de forces avec une probable sortie sans accords de l’Union Européenne. Cela ne peut que renforcer la tension internationale générale, et il faut penser ici en particulier à la situation de Gribaltar, l’enclave britannique qualifiée de colonie par l’Espagne et depuis récemment par le Parlement européen.

De la même manière en Italie, la Liga obtient 33 % alors qu’elle en rassemblait seulement 6 % en 2014… Son allié populiste, le « Mouvement 5 étoiles », ne recueille que 17 % des suffrages et la véritable Gauche se retrouve loin derrière, écrasée et broyée. La coalition de gauche Coal La Sinistra n’atteint que 1,74 % et le reste de la Gauche italienne s’est faite torpillée par les libéraux-centriste du Partito Democratico, qui siège avec les socialistes européens.

C’est comme si tout était a refaire, car finalement les leçons du passé n’ont pas été comprises. Pourtant, s’il y a une leçon à retenir de la tradition antifasciste, c’est bien que l’arrivée d’une force nationaliste au pouvoir n’est pas l’expression passagère d’une « crise ». Elle est surtout, et essentiellement, une expression profonde de l’état dysfonctionnel du capitalisme en route vers le repli chauvin à l’intérieur et la guerre ouverte à l’extérieure pour se relancer. C’est pour cela qu’il trouve un appui solide dans la société et pas simplement dans l’« élite ».

Le cas de la victoire triomphante de la Liga aux élections européennes de 2019 en Italie en est une nouvelle illustration, et cela ne présage vraiment rien de bon…

Et que dire de la situation polonaise où le parti « Droit & Justice », ultra-conservateurs et complaisants avec les forces néonazies, a obtenu 45, 4 % des suffrages ? Pourtant dans ce pays, une très large alliance entre libéraux, conservateurs, verts, et sociaux-démocrates s’était bâtie pour empêcher son triomphe. Ce fut peine perdue puisque cette coalition obtient seulement 38,5 % des voix, alors même que l’augmentation de la participation des polonais a été spectaculaire (45,7 % contre 23, 8 % en 2014…) En Hongrie, le parti réactionnaire du premier ministre Victor Orban a obtenu 52 % des voix (51 % en 2014), avec 35 points d’avance sur le parti libéral en seconde position. Le Parti socialiste hongrois, allié aux Verts, n’obtient que 6,66 % des suffrages.

En Autriche, la Droite, qui avait placé depuis décembre 2017 un ministre d’extrême-droite au ministère de l’intérieur (tout récemment démis de ses fonctions), arrive largement en tête avec 10 points de plus que le SPÖ qui obtient 23,40 % des voix. Le FPÖ, l’extrême-droite, qui s’émancipe de plus en plus de la Droite, est en faction juste derrière avec un score important de 17,20 %.

C’est la déroute en Grèce pour la coalition de gauche « radicale » SIRIZA d’Alexis Tsipras qui a fait campagne « contre l’extrême droite » et « pour un front progressiste ». La Droite, qui a mobilisé de manière nationaliste en s’opposant à l’accord de reconnaissance de la Macédoine du Nord, arrive en tête des élections européennes avec 10 points d’écart et fait aussi un carton aux élections municipales et régionales qui avaient lieu en même temps.

Il faut parler de la Belgique également où c’est la division avec d’un côté l’extrême-droite qui fait un carton en Flandre et de l’autre la Gauche qui se maintient en Wallonie et arrive en tête du scrutin du collège francophone (avec 26,69 % pour le Parti socialiste et 14,59 % pour le Parti du travail de Belgique).

On est donc bien loin d’un essoufflement des nationalistes. Cela d’autant plus que dans les pays où cette force dirige ou domine la vie politique, elle est écrase les autres forces à plate couture.

Comment pourrait-il en être autrement ? C’est la tendance à la guerre qui s’exprime, et s’est une fois de plus renforcée ce dimanche 26 mai en Europe. La Gauche va devoir se ressaisir en assumant le Socialisme et une identité antifasciste, anti-guerre, à la hauteur de l’époque.

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Politique

Le Royaume-Uni participera aux élections européennes

Le chaos politique du Brexit ne s’arrête pas. Sa source est il est vrai intarissable : c’est l’accroissement de la compétition internationale pour le repartage du monde. Les alliances se font et se défont, alors que les dépenses d’armement explosent. Avoir un pied dedans et un pied dehors est le plus grand luxe qu’on puisse se fournir.

Personne ne peut comprendre pourquoi le Royaume-Uni va participer aux élections européennes, alors que son gouvernement est très clair sur sa sortie prochaine. Si encore il y avait un doute, un nouveau référendum, mais non, ce n’est pas le cas. Le pays va sortir, c’est une certitude. Mais qu’est-ce qui est sûr alors que ces derniers jours, Donald Trump a relancé la guerre commerciale avec la Chine et que son armée aurait un plan d’invasion de l’Iran assez précis ? La tendance n’est-elle pas également à une production d’armement toujours plus grande, toujours plus sophistiquée ?

Si l’on prend les critères de la Gauche historique, la chose est très claire : on va à la guerre. La question n’est pas de savoir si elle aura lieu, mais sous quelle forme. Il est cependant clair pour tout le monde que les deux principaux protagonistes seront les États-Unis, à l’immense potentiel militaire, et la Chine, qui a comme horizon de devenir la plus grande puissance mondiale d’ici 30 ans. Les tensions entre les deux pays ne peuvent qu’augmenter, jusqu’à la confrontation.

La France n’est pas en reste. On accuse souvent et avec raison la Russie de se militariser, mais la France la dépasse en ce domaine. Plus personne ne s’arrête dans la militarisation, en fait. Un jour, l’un est plus puissant, un autre jour, c’est l’autre. C’est ce contexte instable par définition qui fait que le Royaume-Uni tergiverse. Dans le fond, il n’en a rien à faire de l’Union européenne et de son inévitable moteur franco-allemand. Il dispose de son « Commonwealth » et il est bien connu que stratégiquement, c’est pratiquement un État américain.

Mais qu’y a-t-il de mieux que de faire en sorte que la manière de sortir de l’Union européenne se déroule de la manière la plus adéquate pour ses intérêts ? Et pour cela, il faut gagner du temps. Et comment gagner du temps, si ce n’est en ayant des élus européens fraîchement élus ? Il faut voir le chaos provoqué par la participation du Royaume-Uni. Normalement, les postes pour ses députés auraient dû être dispatchés à d’autres. Là, ce ne sera pas le cas. Il faudra le faire par la suite, mais à quoi va ressembler la suite ?

On voit également comment la Gauche est ici coincée. D’un côté, pour renforcer l’Union européenne, si on a l’espoir de la tourner dans un sens démocratique ( ce qui est discutable bien entendu ), il faudrait dire que le Royaume-Unis fait du sabotage. De l’autre, pour refuser l’esprit international de division, il faudrait saluer le fait que le Royaume-Uni soit resté jusque-là, et l’encourager à continuer…

Dans tous les cas, la Gauche est perdante. La raison en est que l’agenda est à la fois national et international, et que la Gauche est très différente selon les pays, notamment en France où elle est majoritairement post-industrielle, post-moderne, post-historique, post-nationale. Il n’y a pas le poids international qu’il y avait de par le passé, lorsque le mouvement ouvrier réussissait, au moins en partie, à exercer une pression à l’échelle de plusieurs pays. Si demain, il y avait une tension menant ouvertement à la guerre, il n’y aurait même pas les moyens d’une protestation internationale, si ce n’est symbolique.

> Lire également : nos articles sur le Brexit

Le Royaume-Uni est conscient de cela, tout comme il sait qu’au sein de l’Union européenne, il y a de nombreuses divisions. Il a donc les coudées franches. Il ne fait pas face à une opposition anti-guerre, anti-nationaliste, ni à l’extérieur, ni en son sein. Il ne fait pas non plus face à un front uni des pays de l’Union européenne. Il peut donc se balader, prolonger la bataille pour ses propres intérêts. Ce faisant, il renforce d’ailleurs ses contradictions internes, mais il s’en moque. On voit bien que le Brexit a été décidé par en haut et que l’avis des gens ne compte pas.

Tout cela est très mauvais et la situation va bien finir par être intenable à un moment. L’esprit anti-guerre doit absolument se renforcer, se généraliser à Gauche, sans quoi les vents mauvais qui arrivent seront meurtriers.

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Culture

Le film Human Traffic aura une suite, en réaction au Brexit

En 1999, le film Human Traffic portait un regard sur la jeunesse populaire britannique et le clubbing, lié à la musique techno. Vingt après, son réalisateur Justin Kiligan annonce qu’une suite de ce film cultissime en Grande-Bretagne est en préparation, et sera une réaction au Brexit.

Human Traffic a trop souvent été caricaturé en France comme étant une éloge un peu grotesque des drogues chimiques et de la défonce gratuite. C’est ne rien comprendre à ce film, qui est surtout le cri d’une jeunesse prolétarienne contre un monde désenchanté.

On y suit le week-end très intense d’un groupe de jeunes à Cardiff en 1999, sur fond de culture club des années 1990. Si la drogue est ultra présente, c’est un parti pris réaliste, mais pas une apologie gratuite. Ce dont il est question en permanence dans le film, c’est du besoin d’avoir des rapports vrais, intenses mais authentiques, ou plutôt intenses car authentiques.

Les drogues, largement liées à la musique techno, sont une tentative d’avoir ces rapports, en s’arrachant au manque de saveur de la vie quotidienne. C’est une fausse route bien-sûr, un paradis artificiel, et ce devrait d’ailleurs être l’un des grands combats de la Gauche que de détourner la jeunesse de la drogue et de l’alcool.

Cependant, le vrai sujet ici est celui de la réalité du monde, et c’est justement le grand intérêt du film que de parler de cela. Le groupe de jeunes attend le week-end avec impatience, comme échappatoire à des petits boulots insupportables et à des situations familiales trop pesantes. Qui n’a jamais rêvé d’envoyer balader son chef comme le fait Nina au début du film ?

Il faut absolument connaître ici cette scène culte, où le principal protagoniste, Jip, propose un nouvel hymne national pour le Royaume-Uni, une sorte d’utopie moderne.

Voici la transcription et la traduction de ce qu’il dit avant de chanter (une traduction de l’hymne est proposée après la vidéo) :

I can’t fucking relax. / Je n’arrive pas à me détendre putain.
Glad to seen I’m not alone, / Content de voir que je ne suis pas seul,

I really want to lose my inibitions. / J’ai vraiment envie de me lâcher.
You Know, be able to talk to strangers. / Tu sais, pouvoir parler aux inconnus.
Break the ice. / Briser la glace.
But I can’t be arsed either. / Mais je n’ai pas envie de me prendre la tête non-plus.
I don’t need this strees on my night off. / Je n’ai pas besoin de stresser un week-end
Britain, chill the fuck out, / Bretagne, lâche-toi putain,
and then show me how to do it. / Et montre-moi comment le faire.
I think it’s time for a new national anthem.  / Je crois qu’il est temps pour un nouvel hymne national.
You know, one I can relate to. / Tu vois, un truc qui me parle.

https://www.youtube.com/watch?v=cTpQcX1PsZM

Je fais en sorte d’être moi-même, de comprendre tout le monde, ce n’est pas rien comme mission. M’intéressant à tout le monde, j’essaie d’apprendre quelque-chose, mais je capte de moins en moins. C’est dur d’être cool ! Notre génération, aliénation, avons-nous une âme ? Urgence de la techno, réalité virtuelle, on est à court de nouvelles idées. Qui est la reine ?

Le rapport avec le Brexit est évident. La société britannique se replie sur elle-même, en s’imaginant qu’elle puisse s’en sortir ainsi, car cela fait déjà 20 ans, au moins, qu’elle est à « court de nouvelles idées ».

Human Traffic a été un succès populaire en Grande-Bretagne, car il correspondait à un état d’esprit, que le réalisateur résume ainsi :

« Je crois que le monde est un miroir d’intention, et si vous faites quelque chose avec l’intention de rassembler les gens, et que les bonnes personnes le voient, qui ressentent la même chose [alors] les gens peuvent se connecter avec cela. »

La culture clubbing n’a cependant pas été en mesure de porter l’utopie de l’ouverture aux autres. Cela est vécu comme un terrible échec par des gens comme Justin Kiligan, car il fait partie de la génération techno des années 1990, qui pensait pouvoir porter une alternative, des valeurs différentes et meilleures que la morale bourgeoise et le libéralisme. Le Brexit est un désaveu terrible pour lui, comme pour de nombreux britanniques.

Peut-être qu’il y croit encore, car il présente la suite de son film ainsi, en ayant l’air très motivé :

« C’est à propos d’une seule race, la race humaine, et c’est une réaction au Brexit », ajoutant que « si jamais une idée a été inventée à 5 heures du matin, après le club, c’est celle de parler à un inconnu. »

Cela peut paraître naïf, car il est évident que la drogue ne permet que de fausses rencontres, des ersatz de rapports sociaux, si l’on peut dire les choses ainsi. Il y a cependant une dignité à cela, de la part de gens qui n’ont pas trouvé le moyen de faire autrement.

Ce manque de lucidité est cependant une grande erreur, qui mène tout droit dans le mur. Si les classes populaires britanniques ont en grande partie soutenu le Brexit, ce n’est pas parce qu’elles seraient intrinsèquement réactionnaires. Le problème est qu’elles se sont fait broyer par le quotidien pendant de nombreuses années, et qu’elles associent maintenant l’ouverture aux autres à seulement de la décadence et du libéralisme.

> Lire également : Le chaos du vote sur l’accord de Brexit

On ne sait pas ce qu’aura à dire Justin Kiligan dans Human Traffic 2, et on a hâte de le savoir. Mais s’il s’agit juste de faire « une comédie à propos de la génération rave qui se déroule pendant un weekend à Cardiff, Londres et Ibiza », on peut être certain que cela ne suffira pas. À moins qu’il assume servir le libéralisme et la décadence, car il n’y a pas grand-chose de plus décadent en 2019 qu’un week-end à Ibiza…

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Ce que montre le chaos du Brexit sur le capitalisme

Loin d’être quelque chose d’organisé, le capitalisme est profondément chaotique. Les crises sanitaires, sociales, économiques, etc. sont le pendant inévitable d’un système fondé sur une compétition acharnée. L’expansion du capitalisme se ralentissant, ces crises vont s’exprimer de manière plus abrupte, mais les gens seront-ils en mesure de les interpréter correctement ?

« Vote Leave », Londres, 7 juin 2016

En Grande-Bretagne, les personnes avec des maladies chroniques ont été très inquiètes du fait que certains médicaments risquent de ne plus être disponibles. C’est en effet possible, mais aucune administration n’est capable d’évaluer cela, pas plus que les entreprises. Cette absence de maîtrise d’une chose aussi importante est très grave. Elle montre cependant une chose très importante : le capitalisme ne contrôle rien du tout.

Cela pose un double problème. D’abord, il y a le fait que les gens ont pris l’habitude de pouvoir consommer comme ils l’entendent, dans le cadre d’une société de consommation où une forme d’abondance est la règle. Si jamais il y a des manques, des choses devenant inaccessibles, les gens vont très mal le prendre. Ils ne vont pas se dire que le capitalisme est dépassé, ils vont simplement se dire qu’il y a du sabotage, des gens empêchant le capitalisme d’être lui-même. Les gilets jaunes ne disent pas autre chose, même si chez eux ce n’est pas le chaos du marché, mais l’affaiblissement du pouvoir d’achat qui joue.

Ensuite, il faut voir que cela implique des crises sévères, dont la nature ne peut pas être déterminée à l’avance. Il y a l’exemple de la crise des lasagnes produites illégalement avec de la viande de cheval, celle de la crise des pestes aviaire, porcine… celle des déchets plastiques dans l’océan, des déchets dans l’espace… Il y a le réchauffement climatique, les couches pour bébés contenant des produits dangereux… Le capitalisme s’occupant de tous les aspects de la vie, tous les aspects de la vie sont menacés.

Certains en ont conscience et disent, à l’instar du PCF ou de Benoît Hamon, qu’il faut renforcer l’État, les institutions européennes, les institutions internationales. Cela présuppose deux choses : tout d’abord que ces forces aient la capacité de rectifier le capitalisme, ensuite qu’elles aient le moyen de comprendre ce qui se passe pour organiser de telles rectifications. Or, bien malin celui qui est capable d’entrevoir un semblant de logique dans le chaos général qui se profile de plus en plus. Rien que l’incapacité à faire face au Brexit montre qu’une telle chose n’est pas possible. Si les meilleurs cadres d’un État moderne comme le Royaume-Uni ne parviennent pas à gérer une chose si importante, qui peut prétendre le faire à l’échelle mondiale ?

Et, de toutes façons, le capitalisme met toujours devant le fait accompli. Prenons l’exemple du chantier de l’EPR de Flamanville. Il fait partie de quelque chose de très surveillé, puisque le domaine du nucléaire exige beaucoup de sécurité. L’administration est donc aux aguets, surtout que le nucléaire fait partie des exportations « à la française ». Or, que voit-on ? Que le chantier, qui a débuté en 2007, va être prêt en 2020, ce qui l’amène à avoir… dix ans de retard. Une centrale nucléaire avec dix ans de retard, alors que les ingénieurs, les techniciens, l’État, etc., y accordent une attention extrême, sont censés tout planifier à la virgule près ? C’est dire le problème.

Dans tous les cas, de toute façon, la vérification, la surveillance, la supervision… demandent des moyens, et il n’y en a pas. Les États tout comme les grandes institutions sont en faillite. Dans de nombreux milieux d’ultra-gauche on fantasme sur un État de surveillance totale : non seulement ce n’est pas encore réalisable techniquement, mais surtout cela coûterait trop cher, alors que les États ont déjà des dettes gigantesques. Il faudrait un doublement, un triplement de l’activité économique et ce pendant des années pour que les États renflouent leurs caisses, et encore.

Il n’y a donc pas 36 solutions. Soit on rationalise à la hache ce qui relève du chaos, soit on se fait déborder par lui, en espérant que cela passe sans trop de casse. Il faut ici noter cette chose terrifiante quand on y pense : la société britannique attend de manière totalement passive de voir ce que va donner le Brexit. Elle ne manifeste nullement son mécontentement, son inquiétude ; elle attend sans rien faire, ne dépassant pas les murmures. C’est quelque chose de très grave, témoignant d’un déficit démocratique total.

Cela doit inquiéter, car quand on est de Gauche, on est démocratique, et donc on veut que la rationalisation soit faite par le peuple. Mais s’il n’y a pas de peuple à la hauteur pour prendre les choses en main ? Eh bien en ce cas, on a le grand risque que l’on connaît par le passé : la rationalisation se fait par une minorité démagogique s’appuyant sur le nationalisme pour rationaliser dans le sens du protectionnisme et de la guerre. Cela s’appelle le fascisme, qui au moyen du « corporatisme », du « socialisme » national… remet le capitalisme « en ordre », au moyen de « plans » qui ne sont que l’établissement d’une industrie au service de la guerre.

Il est d’autant plus dommage qu’à Gauche, beaucoup de gens aient abandonné la conception selon laquelle le capitalisme, c’est le chaos. Ils pensent surtout que le capitalisme est quelque chose d’organisé, mais dans un sens mauvais. Tout serait une question d’organisation « différente ». Ce n’est pas le cas du tout ; cela ne peut pas être le cas dans une forme sociale fondée sur la compétition, la concurrence. Et cela aboutit à l’illusion comme quoi le capitalisme obéirait aux lois, voire disposerait d’une certaine morale, de certains principes, ce qui est très grave, comme totalement illusoire.

Le capitalisme est chaos et si cela ne se voit pas lors de son expansion, car les déséquilibres ne durent pas longtemps, cela va être de plus en plus flagrant. Ne pas assumer son dépassement, ce serait laisser le champ libre au fascisme comme « réorganisation », « rétablissement », « rationalisation » en apparence du capitalisme, pour en faire une machine de guerre.

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Le chaos du vote sur l’accord de Brexit

Le Parlement britannique a massivement rejeté hier soir l’accord négocié par Theresa May avec l’Union Européenne pour organiser le Brexit, alors qu’il ne reste que quelques semaines avant l’échéance du 29 mars. Comment un tel chaos est-il possible alors que ce qui se passe est d’une très grande importance sociale, culturelle, et bien sûr économique ? Ce qui se révèle ici, c’est la quête exacerbée de chaque pays à tirer les marrons du feu, c’est-à-dire le renforcement du nationalisme.

Le chef de l’opposition travailliste Jeremy Corbyn a parlé d’une « défaite catastrophique » pour le gouvernement de Theresa May, la « plus grande depuis les années 1920 ». Le vote avait en effet été reporté depuis le 11 décembre pour éviter un tel camouflet. Il était considéré qu’à moins de 100 voix d’écart entre les pour et les contre, la ministre aurait une marge de manœuvre pour renégocier avec l’Union Européenne, mais il y a eu 230 voix d’écart.

Le résultat du vote était attendu tellement la situation est tumultueuse au Royaume-Unis, la seule question était celle de l’ampleur de ce rejet. Celui-ci fut donc très grand, avec 432 voix contre et seulement 202 voix pour, ce qui plonge le pays dans une grande instabilité.

Ce rejet massif relève lui-même d’une grande confusion, car les votes contre ont exprimé des opinions diverses, soit pour dire qu’il ne fallait pas d’accord du tout, soit pour dire qu’il fallait rester dans l’Europe, avec bien-sûr toutes les nuances intermédiaires.

C’est là quelque chose de très chaotique et le bon sens voudrait qu’on procède à un nouveau référendum pour savoir si vraiment il y a une majorité pour le Brexit dans le pays. Cependant, les énormes conflits d’intérêts économiques existant au sein des couches sociales dominantes britanniques empêchent toute rationalité.

Cette proposition d’accord était d’ailleurs elle-même très irrationnelle, parce qu’inacceptable par nature pour un pays. Elle consistait pour le Royaume-Unis, de fait, à garder les règles européennes tout en perdant son pouvoir de décision vis-à-vis des pays membres de plein droit. C’était un bricolage pour faire face à l’urgence, pour tenter de gérer une situation ingérable au vu des différentes contradictions que posent cette sortie de l’Union Européenne.

Il faut bien se douter en effet de l’importance d’un vrai problème de fond, pour que l’une des principales puissances mondiales ne sache pas à ce point si elle veut être ou non dans l’Union Européenne. Il y a au sein des couches dominantes britanniques des partisans d’une alliance avec les États-Unis, d’autres d’un repli sur le Commonwealth, enfin encore d’autres d’une ouverture à l’Union Européenne, sans parler des différentes variantes plus ou moins intermédiaires entre ces options.

On ne sait pas trop qui a le dessus et l’Union Européenne elle-même aimerait bien le savoir, pour savoir si elle doit laisser ouverte la porte, si elle doit la fermer lentement ou carrément brutalement. En clair, avec les événements d’hier soir, puisqu’il n’y a pas d’accord, on peut même imaginer que le Brexit soit repoussé jusqu’aux élections du printemps… à moins que les frontières soient subitement reformées de manière stricte dès le 29 mars avec un « hard-Brexit » !

La question des frontières est d’ailleurs un grand problème ayant empêché tout accord cohérent puisque la question de l’Irlande est très complexe. S’il n’y a plus l’Union Européenne, alors il faut d’une manière ou d’une autre une frontière physique, et donc une frontière terrestre entre l’Irlande du Nord et l’Irlande, qui entend de son côté plus que jamais rester dans l’Union Européenne. Sauf que personne n’imagine concrètement une telle frontière, même chez les plus ardents partisans du Brexit, cela d’autant plus que la question nationale irlandaise est encore très brûlante.

Il est évident qu’aucun décideur économique ne peut apprécier une telle situation, sans parler des gens normaux pour qui tout cela est très troublant. La société britannique ne peut qu’en être par ailleurs profondément tourmentée et divisée. Cela renforce l’ambiance anxiogène mondiale qui, avec Trump, Poutine, Erdogan, etc., n’en avait pas besoin.

Mais c’est malheureusement le sens de l’histoire. La Gauche n’a pas écrasé les forces faisant de la guerre un moyen de solution aux problèmes économiques et sociaux. On a beaucoup parlé du racisme comme vecteur d’une régression culturelle et sociale. Cela est juste, mais cela n’est jamais qu’une composante de la pratique de « diviser pour régner » allant de pair avec le principe comme quoi c’est par la guerre que se résolvent finalement tous les problèmes.

La mobilisation de la population vers de fausses solutions est un levier classique pour profiter d’énergies souvent sincères et aller plus efficacement dans le sens de la confrontation économique, politique, militaire. La question du Brexit, c’est évident, ne peut être comprise que dans son rapport avec la notion de guerre, de nationalisme, de bataille pour le repartage du monde.

Il faut souligner ici, pour ce qui nous concerne en France, le rôle absolument néfaste d’un Jean-Luc Mélenchon qui s’est empressé de saluer le résultat du vote :

« Accord Brexit rejeté à la chambre des Communes. L’Union européenne décompose les gouvernements qui pactisent avec elle »

« Le pire accord de libre-échange jamais accepté par la France vient d’être battu au Parlement anglais : pas de regrets »

Lui dont le succès est issu d’une vague de fond nationaliste ayant suivit le référendum sur la Constitution européenne en 2005, participe directement de ce climat délétère, voir franchement nauséabond, tendant à la guerre.

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Le Brexit, un pas vers la division, vers la guerre

L’accord ente l’Union Européenne et la Grande-Bretagne, qui doit encore être validé par le parlement britannique, est l’expression de la tendance au repli isolationniste des pays capitalistes, dans un contexte de bataille pour le repartage du monde.

Brexit

Les choses sont donc désormais fixées : le gouvernement britannique est parvenu à un accord avec l’Union Européenne au sujet du Brexit. Le document de l’accord fait 600 pages et celui-ci rentrera en vigueur le 29 mars 2019. Le parlement britannique doit encore valider cet accord le 11 décembre, ce qui ne va pas forcément de soi.

C’est en effet tout le paradoxe : une large partie de la population britannique n’est pas pour le Brexit, et c’est vrai même pour une partie importante des entreprises, des bourgeois et des grands bourgeois. Seulement voilà, ce qui décide en dernier ressort, c’est la tendance historique.

Or, la tendance historique est à l’affrontement pour le repartage du monde, parce que c’est nécessaire pour obtenir suffisamment de profits. La croissance interne ne suffit pas, elle ne peut jamais suffire, et la Grande-Bretagne a les moyens de faire sa propre aventure, de par les restes de son empire et sa puissance financière. Cela est d’autant plus vrai que l’Union Européenne est inéluctablement marquée par l’hégémonie du tandem franco-allemand.

Angela Merkel vient d’ailleurs d’affirmer que « les Etats souverains doivent aujourd’hui, devraient aujourd’hui, être prêt à abandonner leur souveraineté ».

Le Brexit est donc strictement similaire à l’élection de Donald Trump aux États-Unis. Il y a bien d’autres équivalents, comme la prise du pouvoir en Autriche, en Hongrie, en Italie, en Pologne, par des réactionnaires brutaux focalisés sur l’optique isolationniste – nationaliste. La récente élection de Bolsonaro au Brésil relève du même principe.

> Lire également : Présidentielles brésiliennes : le succès ultra-réactionnaire de Jair Bolsonaro

La croissance permise par l’ouverture des marchés en Europe de l’Ouest, puis son élargissement à l’Est après 1989, a fait son temps. Elle n’est plus assez effective et c’est désormais le chacun pour soi, d’autant plus que ne pas le faire équivaut à renforcer la Chine, qui s’est habilement placée depuis 20 ans comme « usine du monde ». Chacun entend désormais remettre les compteurs à zéro et privilégier sa propre situation, afin de parvenir à trouver une croissance, coûte que coûte.

Cela sous-tend naturellement deux choses : d’abord que l’écologie est un thème définitivement passé aux oubliettes, ensuite que la tendance à la guerre émerge de manière ouverte, alors qu’elle était passée à l’arrière-plan avec le cycle ouvert par 1989.

On fait ici face à un problème : si les gens en France reconnaissent cela, ils n’y croient pas pour autant, ou bien pensent que cette guerre sera loin, en Asie. Personne ne prend la guerre au sérieux, à part bien entendu les généraux de l’armée française, ainsi que le haut appareil d’État. C’est très grave, vu comment les choses peuvent se passer très vite.

Rappelons ici brièvement quelques tensions importantes, alors que l’Ukraine a décrété la loi martiale en raison de tension avec la Russie dans la région de la mer d’Azov, de la mer noire. L’Espagne veut à tout prix récupérer Gibraltar, que les Britanniques ne comptent jamais abandonner. L’Autriche veut donner la nationalité autrichienne aux germanophones au Tyrol du Sud, considéré par l’Italie comme le Haut Adige. La Hongrie compte bien annexer les territoires des pays voisins où les Hongrois forment la majorité, la remise en cause du partage d’après 1918 étant son obsession. La Bosnie est une poudrière bureaucratique et mafieuse sous pression de la Croatie et de la Serbie, cette dernière entendant bien récupérer le Kosovo, que l’Albanie souhaite quant à elle annexer.

Des tensions comme cela il y en a encore de nombreuses en Europe, et c’est encore pire dans le monde. Cela ne jouerait pas vraiment si la tendance était à l’unification, aux échanges, mais là le capitalisme se contracte ; en perte de vitesse, il reprend ses bases nationales et donc la tendance à la compétition nationale, au repartage, à la guerre.

Le Brexit est l’expression d’une telle tendance et elle est un avertissement de la terrible menace qui pèse sur les peuples du monde : le monstre de la guerre ressurgit !