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Écologie

Strasbourg: violent séisme causé par un projet industriel géothermique

Jeudi 3 décembre 2020, un séisme non-naturel de magnitude 3,5, suivi d’une secousse dépassant les 2 sur l’échelle de Richter, a été ressenti dans tout le Nord de Strasbourg. Des habitations ont été endommagées, des portes se sont effondrées, et nombre de familles ont été réveillées et terrifiées par la violence du choc. Toute la population n’a parlé que de cela dans les heures et les jours suivants. Heureusement, les dégâts sont restés mineurs et il n’y a pas eu de victimes, mais cela a posé ouvertement la question de la géothermie et à travers elle, de la gestion politique des projets industriels et de notre capacité collective à changer la vie.

La géothermie est une technologie qui consiste à forer le sol à une grande profondeur, de plusieurs kilomètres, pour atteindre des nappes d’eaux chauffés par l’activité magmatique de la Terre. Il s’agit de relier en pratique deux puits de forage, l’un pour injecter de l’eau pour générer une pression et un puissant courant, et de capter à un autre puits l’eau ainsi chauffée. Le circuit ainsi formé permet de disposer d’une énergie théoriquement renouvelable et « propre ». Cette énergie permet de disposer de quoi assurer le chauffage du réseau urbain notamment.

À vrai dire, c’est donc déjà une énergie dont les usages sont finalement relativement réduits, puisque se pose la question de l’usage de cette eau chaude en dehors des cinq mois d’hiver. La majorité de l’année, l’installation produit un surplus d’eau chaude qui ne correspond donc pas aux besoins, et ce surplus devra donc être rejeté dans les eaux ou l’atmosphère sous forme de vapeur d’eau. L’impact écologique de ce rejet a beau être faible sans doute, et encore cela n’est pas aussi simple, on peut de toute façon relever l’absurdité de produire pendant sept mois de l’année une grande masse de chaleur pour la rejeter en pure perte.

Le déploiement de cette énergie a en réalité toute une histoire en Alsace. Le sous-sol alsacien est sur le plan géologique un fossé d’effondrement, avec des remontées magmatiques qui permettent de recueillir de l’eau chaude de manière naturelle. C’est la raison pour laquelle depuis l’Antiquité il existe le long du Rhin des villes thermales comme Baden-Baden par exemple.

L’idée d’industrialiser l’utilisation de cette ressource a en soi une certaine logique. Depuis les années 1990, de nombreux projets ont donc vu le jour dans la région, en Allemagne ou en Suisse. Dans la pratique, le dispositif génère forcément un certain niveau de secousse et le risque de déstabiliser les couches du sous-sol est réel.

Le problème est que l’on ne connaît pas avec une grande précision l’organisation de ces couches et que l’on ne peut pas mesurer les effets des pompes nécessaires à l’instauration du circuit et les éventuels risques autrement que de manière empirique, par des tests et quelques modélisations dont la fiabilité repose justement sur une connaissance fine de la géologie locale, qui ne peut s’acquérir que par l’expérience.

Dans la région, beaucoup de projets ont donc dû être redimensionné ou même purement et simplement arrêté, comme à Saint-Gall en Suisse, suite à un séisme déclenché, moins important que celui ressenti jeudi 3 décembre dans le Nord de Strasbourg.

Sur la rive gauche le projet emblématique est celui de Soultz-sous-Forêts, dans le Nord de l’Alsace. Le premier forage y date de 1987. De nombreux errements ont conduit à réduire le plan à 2 forages sur les 4 réalisés. Le site présentait pourtant l’avantage d’un sous-sol étudié suite à l’exploitation pétrolière de la région au début du XXe siècle et un fluide naturel abondant : une eau saumâtre (salinité trois fois supérieure à l’eau de mer) présente en quantité importante dans les fractures naturelles du granit et qui circule naturellement sur de grandes distances. Les stimulations hydrauliques ont cependant provoqué de très nombreux séismes dont 4 d’une magnitude dépassant les 2 sur l’échelle de Richter, avec 2,9 de maximale. À pleine puissance la centrale produit 1,5 MWe, soit environ 10 GW/h par an.

Or, le schéma directeur des énergies adopté par les élus de l’Eurométropole de Strasbourg prévoit d’aller beaucoup plus loin encore, jusqu’à 620 GW/h produits par la géothermie, ce qui laisse forcément craindre que pour atteindre un tel niveau, la pression exercée sur le sous-sol pourrait être dangereuse. D’autant qu’un autre site de forage au Sud de Strasbourg, à Illkirch-Graffenstaden, a été abandonné en 2019 suite aux trop nombreux séismes.

Le site du Nord de Strasbourg, à Vendenheim, est en réalité encore plus problématique. Toute la structure du sous-sol y semble instable, et de toute façon inconnue, et l’entreprise qui exploite le site, Geoven, une filiale de Fonroche, procède littéralement au doigt mouillé, opérant des tests au coup par coup, y compris par des tirs d’explosifs.

La population se dresse donc de plus en plus contre ces projets. L’Alsace étant une région fortement industrialisée, les associations d’habitants, animées par des ingénieurs et des ouvriers qualifiées et par des personnes éduquées d’une manière générale y sont nombreuses et organisées. Le niveau de connaissance et la capacité à saisir les problèmes de cette nature sur le plan technique et d’en poser les enjeux est donc forte.

Cela se heurte directement aux prétentions gestionnaires de l’État et des équipes municipales de l’Eurométropole de Strasbourg, dominée par la petite-bourgeoisie éduquée de sensibilité centriste, de type démocrate-chrétien ou EELV. Ces derniers partagent la volonté de faire de Strasbourg une vitrine de la « transition énergétique », sur la base d’un « capitalisme rhénan » humaniste et responsable. L’idée est de proposer le développement d’un capitalisme appuyé par des « experts » conseillant les élus avec la coopération d’entreprises engagés dans une démarche responsable, dans la logique de la « transition ».

Sur cette ligne technocratique et gestionnaire, toute une série de projets ont ainsi été lancés au début des années 2000. Aujourd’hui, tous ces projets se heurtent à des contradictions de plus en plus nettes : le soutien aux chaufferies au bois par exemple génèrent une terrible pollution aux particules fines sans même résoudre la question de la réduction des gaz à effet de serre, contribuant au sinistre résultat qu’aujourd’hui la ville de Strasbourg est une des villes les plus polluées de France, avec un triste record des AVC des moins de 30 ans.

La géothermie entre aussi dans ce cadre. Vantée comme permettant de réduire les pollutions atmosphériques et le rejet de gaz à effets de serre, cette technologie devait être emblème écologique du « mix énergétique » développé à Strasbourg. L’entreprise Fonroche en elle-même répondait parfaitement à ce cadre, étant une sorte de start-up de l’énergie, saluée par Emmanuel Macron lui-même.

Seulement, on se rend compte aujourd’hui que cette entreprise agit de manière opaque, qu’elle a généré pour l’exploitation du site une filiale, Geoven, au capital social ridicule de 1000 euros, pour un projet de plusieurs centaines de millions d’euros. Le fond d’assurance couvrant les risques potentiels ne dépasse pas lui quelques dizaines de millions d’euros, et sous-estime donc gravement l’ampleur d’une catastrophe majeure, la zone étant presque totalement urbanisée. Enfin, le contrat signé avec Fonroche ne prévoit pas directement l’alimentation du chauffage urbain, mais l’achat des KW/h produits, y compris si ceux-ci n’auraient aucune destination, comme cela sera probablement le cas une grande partie de l’année donc.

La Gauche au pouvoir dans l’Eurométropole de Strasbourg, aujourd’hui dirigé par EELV, mais qui suit l’ancienne majorité emmenée autour du PS, avec les mêmes personnes de toute façon, reste donc bien silencieuse sur ce projet. C’est tout son projet de vitrine de la « transition » dans le cadre du capitalisme local qui est ébranlé en réalité. Il y a une nécessité bien entendu à penser une modernisation des utilisations et de la production énergétique, avec des moyens et des technologies qui ne manquent pas.

Mais toute la démarche technocratique et entrepreneuriale présentée comme allant de soi par les élus de cette majorité se trouve aujourd’hui mise en défaut à la base même. Face aux vertiges des contradictions complexes qui s’accumulent, le masque apparaît bien trop grand pour la petite-bourgeoisie entrepreneuriale et gestionnaire, qui n’arrive pas à dépasser ses propres préjugés, malgré toutes les capacités disponibles et qui se fait dépasser par une population organisée, très bien informée et qui se sent de plus en plus légitime à se faire entendre sur ces projets qui concernent directement la vie quotidienne.

Or les élus ne savent plus comment faire face à cette impasse. Ils sont piégés par leur propre routine : les dossiers avaient été bien montés, les entreprises bien choisies, l’argent bien géré. Comment en est-on arrivé là ? Jusque-là, le seul espace laissé à la population et à son avant-garde éclairée, était le cadre borné de la « gouvernance » qui consistait à faire s’asseoir les associations locales avec des experts, les élus et les entreprises concernées, en vue de négocier le consentement de la population, dans une logique libérale du lobbying participatif.

Mais le ton monte au sein des associations et dans les commentaires que l’on peut lire sur les réseaux sociaux, ou sur les médias locaux. Les élus de la petite-bourgeoisie éduquée sentent bien qu’il leur faudrait se mettre davantage au niveau de la population, et même disons le, à la remorque de ses éléments les plus avancés, puisque rien ne peut se décider sans le peuple et que le peuple peut tout. Celui-ci mesure toujours plus ses capacités et exige une place plus grande dans les débats. Mais malheureusement, il ne sait pas qu’il lui faut aussi pousser plus loin, prendre plus de pouvoir, décider réellement.

Les élus de la Gauche gouvernementale locale sentent que le masque du changement est trop grand pour eux, malgré leur engagement et leurs capacités. Les habitants, et les secteurs conscients du peuple, sentent qu’ils ont la capacité d’organiser, de penser, de mener le changement. Mais les uns et les autres ne voient pas encore le chemin vers la rupture qui ouvrira la voie à une réelle démocratie portée par le peuple et appuyée par les capacités de notre époque. Plutôt, ils ne le voient pas jusque-là. Pas encore.

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Politique

Beyrouth: une explosion meurtrière dans un pays déjà à l’agonie

L’explosion survenue après un incendie sur le port de Beyrouth mardi 4 août a été puissante et dévastatrice, à l’image de l’immense crise dans laquelle s’enfonce le pays depuis plusieurs mois. Le bilan accablant d’au moins 73 morts et 3700 blessés, en plus de la destruction de toute une partie de la capitale, ne fait qu’enfoncer encore plus un Liban déjà à l’agonie.

Le souffle de l’explosion de 2750 tonnes de nitrate d’ammonium dans le port de Beyrouth a été particulièrement violent et les fumées qui s’en dégagent visibles depuis Chypre, à 200 km de là. Les rues les plus proches ont été dévastées avec de nombreux écroulements. Quasiment toutes les vitrines des quartiers Hamra, Badaro et Hazmieh ont volé en éclat, marquant toute cette partie de la ville jusqu’à plusieurs kilomètres du port.

L’impact a été tellement fort que des voitures ont été soulevées, des airbags déclenchés, des gens projetés en l’air dans leur propre appartement, des portes d’habitations arrachées jusqu’à très loin du port. Il y a même un navire militaire dépendant de l’ONU qui a été endommagé, faisant des blessés graves sur l’embarcation.

Le chef de la Croix-Rouge libanaise a parlé de « morts et des blessés partout, dans toutes les rues et dans tous les quartiers, qu’ils soient proches ou éloignés de l’explosion ». Dans la soirée, alors que les premières opérations de sauvetage sous les décombres étaient à peine lancées, le ministère de la santé libanais annonçait que les hôpitaux de la ville étaient déjà saturés, les milliers de blessés affluant en masse.

Triste coïncidence, mais terriblement significative, un grand mouvement social des infirmiers était prévu ce mercredi 5 août 2020, suite aux vagues massives de licenciement dans les hôpitaux. Ceux-ci croulent sous les dettes depuis plusieurs mois, sans aides de l’État, devant par exemple se fournir en mazout sur le marché noir pour produire l’électricité que le réseau public ne leur fournit plus, ou seulement par intermittence.

D’ailleurs, dans l’après-midi avant l’explosion survenue sur le port de Beyrouth, des manifestants prenaient d’assaut le ministère de l’Énergie en raison de ces coupures massives d’électricité, parfois pendant 20 heures par jour dans certains quartiers. Le réseau public d’électricité perd chaque année 2 milliards de dollars et est dénoncé comme un des plus gros foyers de corruption.

À l’automne 2019, le pays a connu de grandes manifestations populaires face à la généralisation de la crise. Depuis, c’est encore pire. La monnaie libanaise a perdu 80 % de sa valeur par rapport à cet automne, les épargnant n’ont plus accès à leurs dépôts, la moindre marchandise est hors de prix… quand elle est disponible. Des choses comme les médicaments, la lessive ou encore les couches pour bébé deviennent très rares. Le troc s’est généralisé.

Le salaire d’un militaire n’équivaut qu’à 100 dollars, alors que le pays vit pratiquement que d’importations commerciales. Le Liban ne produit quasiment rien et son économie est totalement dépendante des grandes puissances et de ses voisins, tandis que de nombreuses familles vivent en partie grâce à l’argent envoyé par les émigrés, une « diaspora » de millions de personnes, souvent à l’étranger depuis plusieurs générations. On sait aussi qu’à Paris vit une oligarchie libanaise au mode de vie richissime.

Naturellement, le chaos est aussi politique avec une incapacité pour les classes dirigeantes à gouverner depuis la démission du gouvernement de Saad Hariri fin octobre. Le pays est dirigé selon un système de partition communautaire intenable, n’ayant pas d’autre perspective que la soumission aux exigences du FMI. En l’absence d’un mouvement démocratique et populaire organisé, la situation est bloquée, par incapacité à bouleverser toute la chaîne de corruption, de bureaucratie et de désorganisation généralisée.

Le 23 juillet 2020, c’est le ministre des affaires étrangères français Jean-Yves Le Drian qui est venu sur place pour exiger les mesures préalables à l’« aide » du Fonds monétaire international :

« Il est aujourd’hui urgent et nécessaire de s’engager de manière concrète dans la voie des réformes, c’est le message que je suis venu transmettre à toutes les autorités libanaises. »

Ces scandaleux propos de mise sous tutelle ne se ressentent que plus douloureusement aujourd’hui. les Libanais, avec les Palestiniens, ont toujours été les premières victimes dans la région des prétendus accords de paix maintenant en réalité une chape de plomb sur les peuples et la notion même de démocratie.

Le Liban, ce petit bout d’Orient à peine plus grand que la Corse avec officiellement 5,5 millions d’habitants, paye directement sa situation historique, n’étant au fond qu’un terrain d’affrontement entre puissances mondiales et locales, avec un main-mise de grandes familles issues de la féodalité.

Créé de toute pièce par la France en 1920 dans le cadre de son mandat sur les provinces syriennes après le démantèlement de l’Empire Ottoman, il n’a jamais été en mesure de connaître un véritable développement national, avec un fractionnement religieux extrême. De ce fait, des parties entières de son territoire échappent encore aujourd’hui à toute autorité centrale, l’aspect le plus connu récemment étant le sud du pays avec la main-mise du Hezbollah.

La France, puissance en perdition, ne parvient plus à y maintenir ses positions. Symbole de cela, l’effondrement de l’enseignement chrétien francophone, concernant des centaines de milliers d’élèves.

L’explosion de cet entrepôt du port de Beyrouth où était stockée 2750 tonnes de nitrate d’ammonium est ainsi terriblement exemplaire de la situation dramatique du Liban, comme de tout le Moyen-Orient. Ces matières explosives étaient là depuis 2014, cela était tout à fait connu, la proximité du bâtiment étant évité pour cette raison, etc. Mais en l’absence d’une autorité politique efficace, démocratique et au service du peuple, la catastrophe n’a pas été empêchée.

Que celle-ci ait eu lieu sur le port de Beyrouth est d’ailleurs un terrible symbole pour le Liban, tant le pays finalement ne fonctionne que grâce à ce port et ses importations, au cœur de la situation de crise actuelle.

L’humanité a encore beaucoup de chemin à parcourir dans sa quête d’un monde pacifique, prospère et harmonieux… Particulièrement dans cette région du monde, pourtant berceau de la civilisation. Mais rien ne sera possible tant que ce ne sera pas le peuple lui-même au pouvoir, avec des exigences démocratiques élevées, assumant tant la Raison que l’héritage historique de chaque partie de la grande famille humaine. C’est le programme du XXIe siècle sur la Terre.

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Écologie

Catastrophe industrielle à Rouen : tribune de plusieurs syndicats et associations

Voici une tribune signée par plusieurs syndicats et associations après la catastrophe industrielle de Rouen le mois dernier. La responsabilité de la direction de l’entreprise, avec l’aval du préfet, est pointée du doigt. Un certain nombre d’exigences sont formulées pour éviter une telle situation à l’avenir.

Tribune initialement publiée le 17 octobre sur 76 Actu :

« La catastrophe industrielle et environnementale qui a eu lieu dans la nuit du 25 au 26 septembre 2019 à Rouen met en avant et à plusieurs titres les dangers permanents que les industries représentent lorsqu’elles négligent leurs obligations en termes de protection contre les dangers inhérents à leurs activités.

Ces négligences coupables font courir aux salariés, aux populations et aux écosystèmes des risques graves à court et long terme. Des accidents comme celui-ci sont un véritable désastre tant humain qu’écologique. Pour pouvoir continuer à satisfaire suffisamment de rentabilité à ses actionnaires, l’industrie, à l’instar des autres secteurs de l’économie, rogne ses « coûts » sans fin sur le dos des travailleurs : multiplication de la sous-traitance, précarité, réduction des effectifs et des équipements, non-respect des règles de sécurité…

Lubrizol, une des premières sociétés industrielles de chimie, est présente en Amérique (56 sites), en Europe (45 sites), au Moyen Orient (7 sites) et en Asie (33 sites). Fondée en 1928, Lubrizol est une filiale de Berkshire Athaway, société d’investissement dirigée par Warren Buffet, l’un des plus gros milliardaires de la planète et qui compte Bill Gates dans son directoire.

L’usine de Rouen est implantée depuis 1951. Site Seveso à « seuil haut » comme 705 autres en France sur les 1312 sites Seveso, elle a déjà connu plusieurs incidents dont un nuage de Mercaptan en 2013, qui a donné lieu à un simple renvoi devant le tribunal de police et une condamnation à une amende ridicule de 4000 euros.

C’est bien la responsabilité de la direction de l’entreprise qui est engagée dans cet accident, en terme de sécurisation de l’ensemble du site, de son personnel, ainsi que de la sous-traitance. C’est elle qui, avec l’aval du préfet, a opté pour une sécurité a minima en réduisant les effectifs de sécurité et de surveillance.
Si les premiers éléments de l’enquête qui s’ouvre peuvent amener à penser que l’incendie a démarré dans une zone de stockage confiée à une entreprise sous-traitante de nettoyage, la responsabilité de Lubrizol reste néanmoins pleine et entière dans son rôle de donneur d’ordre.

Une nouvelle foi, la sous-traitance d’activités par des grands groupes, particulièrement dans ces secteurs (industrie chimique, pétrolière et nucléaire) pose problème, en particulier pour les tâches qui peuvent présenter le plus de risques de santé pour les salariés et les populations.

Les personnels de la sous-traitance connaissent très mal, par manque de formation, les risques technologiques auxquels ils sont confrontés pendant leur travail. Cette situation va s’aggraver avec la disparition des CHSCT en application des ordonnances Macron de 2017 ; et les attributions et moyens d’intervention des CSSCT (nouvelle instance obligatoire dans les sites Seveso), ne pallieront pas à leur disparition.

C’est également la responsabilité de l’État qui est engagée. Les moyens et les effectifs des inspecteurs.trices des installations classées pour la protection de l’environnement (Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement), n’ont pas été doublés, malgré les promesses faites, ce qui les rend insuffisants pour faire appliquer les dispositions réglementaires. Leur mission de contrôle des sites à risque n’est pas assurée efficacement. Il en est de même pour les services de l’inspection du travail, chargée notamment de faire appliquer les règles relatives aux incendies, explosions et stockage des produits dangereux dont les effectifs fondent à vue d’œil.

Alors que l’on découvre peu à peu que les premières annonces sur les quantités de produits partis en fumée ont été sous-évaluées, les chefs de services de l’État et le gouvernement passent leur temps à chercher à convaincre du peu de danger que courent les riverains de l’usine.

Les populations sont censées décider toutes seules s’il est préférable qu’elles partent loin ou qu’elles s’enferment dans leur lieu de vie, créant ainsi un sentiment d’angoisse généralisé d’autant plus justifié quand on sait que les fumées et les suies toxiques, au vu des produits qui ont brûlé, comportent des molécules cancérigènes et des perturbateurs endocriniens.

D’autre part, des catastrophes comme celles de Lubrizol nécessiteraient que soient prévu un plan d’évacuation des populations les plus exposées et de protection de l’ensemble des autres personnes des zones contaminées. Or, rien n’a été fait… car rien n’est prévu. Est aussi posée la question de l’aménagement du territoire, l’implantation des habitations qui, au fil des années, s’est dangereusement approchée des sites dangereux.

Au-delà des conséquences pour les salariés de Lubrizol et des sous-traitants (santé des travailleurs, chômage technique et perte de salaire), c’est toute la vie locale qui est gravement mise en danger par des industries dont le mode de gestion fait porter à la collectivité des responsabilités qui devraient lui incomber dans la logique « pollueur/payeur » ; il en est de-même des coûts sur l’environnement.

La situation dans la campagne avoisinante et dans toute la région couverte par les vents dominants est préoccupante : sols qui pourraient être empoisonnés pour une dizaine d’années, animaux malades, risques forts de nappes phréatiques polluées, impossibilité pour les paysans de poursuivre leurs activités, l’agriculture bio et les paysans en vente directe étant directement pénalisés. L’État n’a pas suffisamment accompagné le retrait des productions, faisant peser sur les paysans eux-mêmes la responsabilité de ces retraits.

On aurait tort de croire que ce qui s’est passé avec Lubrizol ne concerne que les habitants de Rouen et de sa région. Les risques industriels, les dangers de la recherche constante d’augmentations des dividendes financiers au détriment de l’investissement dans les appareils de production, de la sécurité des sites et des personnes sont partout où est implanté ce type d’industrie qui se doit d’être exemplaire en termes de sécurité et d’impact sur l’environnement et les écosystèmes.

Plus jamais ça, ni ici, ni ailleurs ! Nous exigeons :

• Que soit publiée in extenso la liste des produits brûlés, ce qui passe par la levée des secrets de fabrication ;
• Que la liste des molécules (PCB, dioxine etc.) qui ont potentiellement pollué les sols, soit connue ;
• Que soient diffusés les chiffres sur les maladies professionnelles des salariés actuels ou anciens de Lubrizol ;
• Que les populations soient prises en charge médicalement et que soit mis en place un suivi à long terme, plus particulièrement pour les femmes enceintes et les enfants ;
• Qu’une estimation du préjudice soit faite le plus rapidement possible par les services de l’Etat, de façon à ce qu’une aide d’urgence (sous forme d’avance) soit attribuée à toutes les victimes ;
• Que les salariés de LUBRIZOL ou d’autres entreprises soient protégés par les autorités s’ils souhaitent témoigner de leurs conditions de travail et de sécurité, ce qui implique un renforcement de la loi sur les lanceurs d’alerte ;
• Que l’Europe renforce les législations de surveillance des sites Seveso, et que l’Etat revienne sur l’assouplissement accordé en 2018 instaurant des périmètres de sécurité pour les projets immobiliers ;
• Que l’État prévoit, avec les moyens de mise en œuvre, un plan d’évacuation des populations vivant auprès de chaque site à haut risque, chimique ou nucléaire, ainsi que des exercices en conditions réelles ;
• La mise en place d’autorités sanitaires indépendantes et de procureurs indépendants ;
• La mise en place de CSSCT à compétences supra-légales étendues avec capacité d’expertise et de droit d’alerte ;
• Le rétablissement des CHSCT dans les entreprises et l’élargissement de leurs pouvoirs.
• Le renforcement des inspections du travail et des installations classées pour la protection de l’environnement en lien avec la Carsat et la Dreal.

Organisations signataires :
– Amis de la Terre France.
– Association Henri-Pézerat.
– Attac.
– Confédération générale du travail (CGT).
– Confédération paysanne.
– Criigen (Comité de recherche et d’information indépendantes sur le génie génétique).
– Fédération syndicale unitaire.
– Sciences citoyennes.
– Sol (Alternatives agroécologiques et solidaires).
– Union syndicale solidaires.
– Zone écologique autonome. »

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Écologie

Robin des Bois: «Un comité de transparence ou un comité de défense de Lubrizol ?»

L’association de défense de l’environnement Robin des bois a produit plusieurs communiqués à propos de l’incendie de l’usine Lubrizol à Rouen. C’est à chaque fois un point de vue techniques et documenté, servant le débat démocratique.

L’association qui existe depuis 1985 regroupe de nombreuses personnes ayant des connaissances très précises sur les questions environnementales, notamment en ce qui concerne l’eau. Elle avait participé avec succès au fameux procès de la marée noire de l’Erika.

Son premier communiqué à propos de l’incendie de Rouen rappelait la situation de l’usine Lubrizol avant l’accident, parlant ensuite de « marée noire atmosphérique», tandis que le communiqué numéro 4 pointait le caractère pour le moins opaque des stockages à Normandie logistique (située à proximité immédiate de Lubrizol) et donc son absence de surveillance.

D’après le communiqué :

« le stockage occulte de matières inflammables chez Normandie Logistique en quantités très importantes a posé un problème majeur aux pompiers et a failli propager l’incendie dans le site de Triadis lui-même assujetti à la directive Seveso (seuil bas) et à un poste de transformation haute tension EDF »

Il a depuis été révélé que 4250 tonnes de produits ont brûlé chez Normandie Logistique, portant à 9 505 tonnes la quantité de produits brûlés le 26 septembre.

L’association met aussi régulièrement à jour une page regroupant les principales informations sur la catastrophe industrielle de Rouen. C’est un travail très important qui doit être largement connu et être utile à la population : Comptoir d’informations Lubrizol.

Voici le communiqué numéro 6 de l’association Robin des bois, dénonçant les divers services de l’État semblant aller dans le sens de Lubrizol, plutôt que de la transparence démocratique :

« Un comité de transparence ou un comité de défense de Lubrizol ?

Communiqué Lubrizol n°6

En assimilant avec insistance les retombées au sol du panache de l’incendie au bruit de fond de la pollution historique et chronique, les divers services de l’État et en premier lieu la DREAL se font les avocats de la multinationale Lubrizol. Le représentant de l’industriel présent à la réunion d’installation de ce comité a bu du petit lait en entendant 15 jours après le jour J le préfet de Seine-Maritime et le directeur de la DREAL assurer avec constance qu’aucun pic significatif de pollution n’était attribuable à la catastrophe. Même l’inventaire de la mortalité des anguilles et des goélands argentés est flouté.

Dans le cours des échanges, le directeur de l’ANSES – Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail – a mis en avant l’insuffisance des prélèvements de contrôle. Il a indiqué que les éléments partiels ne montrent pas à ce jour de dépassement des seuils en dioxines et que les experts de l’ANSES travaillent pour rendre rapidement un premier avis prévu mardi 15 ou mercredi 16 octobre. Le ministre de l’Agriculture, sous la pression de députés et de la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles, s’est emparé de ces informations préliminaires et circonspectes pour annoncer en conférence de presse à l’issue de la réunion une reprise de la commercialisation du lait dans la soirée du vendredi 11 octobre. Le préfet de Seine-Maritime a résisté aux pressions. Il attend la décision formelle des ministères de l’Agriculture, de la Santé et de l’Écologie prise sur la base du futur avis de l’ANSES.

A la fin des débats, Mme Borne, ministre de la Transition écologique et solidaire, a eu des mots de vérité en confirmant que la circulaire relative à la gestion des impacts environnementaux et sanitaires d’évènements d’origine technologique en situation post-accidentelle de 2012 sera entièrement appliquée et en émettant des doutes sur la validité du Plan de prévention des risques technologiques -PPRT- autour de l’entreprise Lubrizol. Le fait que Normandie Logistique et surtout la quantification et la caractérisation des familles de produits stockés dans ses entrepôts n’aient pas été pris en compte constitue la principale défaillance du PPRT.

L’Agence de l’Eau Seine-Normandie se mobilise pour faire des prélèvements des sédiments de la Seine jusque dans l’estuaire. Le bassin versant nord du fleuve concerné par les retombées du panache sera également étudié. Les poissons, les algues et les crustacés feront aussi l’objet d’un suivi en recherchant la signature spécifique de l’incendie de Lubrizol et notamment le zinc. Il n’est pas exclu qu’un comptage des fibres d’amiante dans la colonne d’eau soit diligenté. Des recherches similaires vont être réalisées par l’Agence de l’eau Artois-Picardie.

Robin des Bois souhaite par ailleurs que dans les meilleurs délais le Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques soit saisi par le ministère de l’Écologie pour qu’il rende un avis sur les mesures à prendre pour améliorer les PPRT et les modalités d’information des populations en phase préventive et en phase d’urgence. »

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Société

La faible mobilisation à Rouen malgré le choc face à la pollution chimique

L’explosion de l’usine Lubrizol à Rouen a provoqué un gigantesque émoi dans la population, mais il n’existe pas de mobilisation populaire d’ampleur significative. Tout comme pour l’incendie de Notre-Dame à Paris, tout est géré de manière froide et administrative : s’il y a des protestations, elles ne produisent rien de politique.

L’absence d’une mobilisation d’envergure à Rouen montre que la Gauche ne dispose plus de relais populaires comme elle en avait par le passé. Le niveau d’organisation est à l’image du niveau de conscience politique : terriblement faible, pratiquement anéanti en-dehors des démarches corporatistes.

La conquête de la conscience de millions de gens demande un travail ardu ; que dire alors du fait de les organiser, de les habituer à s’organiser ? Si jamais le principe de révolution a un sens et qu’on est pas un blanquiste, un putschiste, alors on voit qu’on est extrêmement loin de l’auto-organisation de la société par elle-même !

Objectivement, les gens peuvent tout gérer, mais subjectivement, ils sont totalement déboussolés. Ce qui se passe à Rouen est une épreuve terrible pour les habitants et pourtant il n’existe pas de structuration sur le plan de l’organisation, de la politique.

Même si on est réformiste et pas révolutionnaire, on voit bien que c’est davantage la stupeur qui prédomine qu’autre chose. Il s’agit d’une sorte d’événement sorti de nulle part pour les gens, qui ont totalement perdu la moindre idée du fait de se concevoir comme une partie de la société.

Les gens se considèrent dans la société, mais pas une partie de la société. Ils prennent, ils donnent, ce n’est qu’un échange à dimension individuel :  voilà leur vision des choses. Il n’y a aucune considération générale, en terme de société, du pays lui-même.

Même l’extrême-Droite est d’ailleurs obligée de se tourner vers le discours identitaire , tellement la considération « nationale » exige déjà trop une remise en cause de l’amour-propre individualiste propre à une société de consommation maximalisée.

Toute la Gauche, qu’elle soit révolutionnaire ou réformiste, voit bien qu’il y a un problème de fond dans la réceptivité des gens et dans leur capacité à se tourner de manière consciente vers une critique raisonnée de la société. Les gens sont devenus rétifs à tout engagement passant par une dynamique générale, ils ne réagissent plus qu’en tant qu’individus.

Quiconque ose poser quelque chose de différent que ce prisme individuel est par définition une sorte de facho ou de conservateur vivant dans le passé. Il y a là un paradoxe puissant, car en même temps le Peuple, dans son ensemble, exige des normes, des règles, des principes. Il raisonne en termes d’universalisme.

Mais les gens, s’ils sont le peuple, ne s’accordent pas sur ce qu’ils sont. Chacun veut s’en sortir individuellement, ce qui produit des esprits petits-bourgeois ou bourgeois à l’infini, alors que le niveau de vie ne suit nullement derrière. Le décalage entre les illusions des gens et leur réalité sociale est immense – et quand ils le saisissent, ils deviennent aigris et cela donne des gilets jaunes.

Ce qui se passe à Rouen est donc un terrible exemple, un aveu de faiblesse gigantesque pour la Gauche. Les protestations des organisations populaires auraient été massives il y a 10, 20, 30 ans. Aujourd’hui il y a la simple constatation de ce que le gouvernement fait ou pas, avec une critique cherchant à être bien placé, mais passant toujours au-dessus de la réalité concrète, politique, de l’existence des gens.

Le capitalisme a véritablement engourdi les esprits à un degré très profond, les gens sont comme congelés. Comment les remises en cause futures vont-elles se dérouler ? Cela va être un profond traumatisme.

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5 000 personnes manifestent à Rouen où la confusion et l’inquiétude règnent encore

Ce sont 4 000 à 5 000 personnes qui se sont rassemblées sous la pluie hier à Rouen, pour réclamer des comptes alors que l’État a largement faillit dans sa gestion de l’accident de l’usine Lubrizol et que les inquiétudes sanitaires et écologiques sont de plus en plus grandes.

5 000 personnes, c’est à la fois beaucoup et en même temps très peu, car la situation est vraiment terrible à Rouen. L’odeur est toujours très forte dans l’agglomération et aucune information n’est en mesure de rassurer la population. C’est qu’au fond, personne n’est dupe et croit qu’il puisse ne pas y avoir de conséquences après un tel incendie.

La communication est difficile à interpréter car les informations sont nombreuses et diffuses. Ce sont en tous cas 5 253 tonnes de produits chimiques qui ont brûlé ce 26 septembre selon le chiffre officiel, alors forcément que cela laisse des traces et pas seulement celles qui sont visibles. Il faudra peut-être du temps aux personnes ayant les connaissances pour interpréter la longue liste de données dévoilée par la Préfecture sous la pression de la population.

En attendant, cela ne suffit pas, car ce qui compte n’est pas seulement ce qui est analysé maintenant, mais aussi ce qui peut ne pas être analysé, volontairement ou non. Il faut, comme l’a réclamé Corinne Lepage, qu’un état des lieux d’urgence de la situation soit fait sous la supervision d’une expertise indépendante. Elle a déposé pour cela un référé pour le compte de l’association Respire, réclamant la nomination de cet expert par la justice.

L’enjeu est évident et sera déterminant pour l’avenir, comme elle l’a expliqué à Paris-Normandie :

« Pour moi l’urgence actuelle, c’est d’une part la question de l’environnement et d’autre part, la question des éléments de preuve que chacun peut accumuler pour le futur. D’où l’idée de cet état des lieux d’urgence par un expert, une procédure qui n’est pas faite pour chercher des responsabilités ou des causes, mais pour faire un constat à un moment donné.

De quels éléments dispose-t-on ? Quelles analyses sont faites où à faire ?, etc. Ce que l’on entend par preuves, ce sont aussi des photos authentifiées, des prélèvements que les uns et les autres peuvent faire. Que des choses factuelles et qui seront discutées de manière contradictoire.

C’est-à-dire que si le président du tribunal nomme cet expert, la procédure sera opposable à l’État et à Lubrizol. Nous serons donc trois parties. Cette nomination peut être décidée dans la semaine. En tout cas, si le président n’en veut pas, il faudra qu’il le dise rapidement et nous ferons autre chose. »

La démarche de Corinne Lepage est peut-être partielle, cantonnée à l’aspect judiciaire dont ont peut douter de la fiabilité démocratique. En attendant, c’est la moindre des choses, car sans ça il n’y a rien et la population pourrait se retrouver au dépourvu si les risques redoutés sont avérés.

Si l’on résume la situation à Rouen, voici les principaux points qui apparaissent, la liste n’étant bien sûr pas exhaustive :

– sur 1000 fûts encore présents sur le site, 160 présentent un grand risque et devront être évacués précautionneusement car pouvant dégager de l’hydrogène sulfuré ;

– les pompages dans la Seine, sur le site et aux alentour ne sont pas du tout terminés et il n’y a pas de communication précise sur l’impact écologique et l’estimation du temps que cela va prendre ;

– les odeurs persisteront tant que les pompages ne seront pas terminés ;

– aucune fibre d’amiante n’apparaîtrait sur les surfaces et dans l’air le niveau serait extrêmement faible, inférieur aux seuils d’alerte ;

– il y a une inquiétude sur la question des HAP (Hydrocarbures Aromatique polycyclique, qui proviennent de la manipulation de solvants ou de la combustion d’hydrocarbures), sans que des réponses soient apportées à ce propos ;

– le Plans de prévention Lubrizol des risques technologiques n’avait apparemment pas envisagé le risque d’un tel incendie de l’usine ;

– il n’y a pas eu d’alarme dans la ville pour prévenir la population au moment de l’incendie, alors qu’il existe pourtant un protocole de confinement qui aurait du être appliqué immédiatement ;

– les pompiers avaient un équipement apparemment non-satisfaisant et ont largement été victimes de maux après leur intervention ;

– il n’y a pas eu de communication cohérente et semblant fiable pour un protocole de nettoyage des habitations, des lieux publics et des espaces naturels, que ce soit pour les particuliers ou les collectivités ;

– il y a de nombreux témoignages dans la population concernant des maux de ventre et des vomissements, ainsi qu’un témoignage d’un syndicat de police évoquant plusieurs policiers malades suite à leur intervention sur l’incendie ;

– l’agriculture et les élevages dans la zone du nuage sont entièrement impactés, tout comme les jardins et potagers des particuliers et associations ;

– des oiseaux et poissons ont été retrouvés morts après l’incendie et son immense nuage ;

– il y a une l’inquiétude des apiculteurs amateurs alors que les abeilles butinent actuellement dans la zone du nuage et mangeront cet hiver leur miel qui sera potentiellement pollué et peut-être nocif pour elles ;

– il y a une absence de compétence collective et indépendante, populaire, pour estimer la situation et organiser une expression démocratique massive après cet incendie.

On constate ainsi à Rouen, mais ce serait presque partout la même chose en France malheureusement, une grande désorganisation de la société civile, complètement atomisée et à la merci de l’État qui ballade tout le monde avec ses informations et ses non-informations.

C’est là bien évidement une grande faillite de la Gauche, qui dans une grande agglomération industrielle comme Rouen devrait être à la pointe et extrêmement bien organisée, sous l’égide de la classe ouvrière.

C’est à la classe ouvrière justement de mener le mouvement démocratique et populaire contre l’État et les industriels incapables d’assurer la sécurité. La classe ouvrière, quand elle s’exprime, sait de quoi elle parle. Elle dispose de la raison et du sens de l’intérêt collectif indispensable pour changer les choses, comme l’illustre très bien cet interview par France 3 Normandie d’un ouvrier ayant travaillé pour Lubrisol :

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Rouen : appel au rassemblement de la population mardi 1er octobre

L’ambiance a été particulièrement étrange à Rouen hier, malgré la communication gouvernementale visant à rassurer la population. L’odeur est insupportable dans l’agglomération qui est largement polluée par les retombées de l’incendie et les questionnements se font de plus en plus précis et nombreux. L’inquiétude est généralisée, alors que la confiance dans les autorités est très faible.

Un appel au rassemblement de la population mardi 1er octobre a été communiqué par Youth for climate – Rouen et signé par quelques organisations :

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Incendie industriel à Rouen : les habitants n’ont pas confiance dans les autorités

Un gigantesque incendie industriel s’est déclaré dans la nuit de mercredi à jeudi à Rouen, déversant des pluies d’hydrocarbure et une forte odeur dans toute l’agglomération. La Préfecture a annoncé qu’il n’y a pas de « toxicité aiguë », mais les habitants n’ont pas confiance.

L’incendie s’est déclaré au milieu de la nuit du 25 au 26 septembre 2019 sur le site de l’usine Lubrizol dans une zone industrielle de Rouen. L’usine qui produit des additifs pour lubrifiants et carburants est classée SEVESO seuil haut. C’est-à-dire qu’il s’agit d’un bâtiment considéré comme à haut risque, soumis à de nombreuses autorisations et vérifications, au point qu’on se demande comment un incendie y est possible. Malgré un précédant accident grave en janvier 2013, l’entreprise était d’après le préfet aux normes réglementaires.

Les pompiers, qui étaient plus de 200, n’ont pu maîtriser les flammes qu’en milieu de journée, plusieurs heures après le début du sinistre. Au plus fort, le panache de fumée a été long de 22km, pour 6km de large, ce qui est absolument gigantesque. Le nuage visible à des kilomètres à la ronde était terrifiant, très noir et très dense.

La première alarme dans la ville n’a pourtant retentit que vers 7h45 le matin, alors que l’incendie avait cours depuis plusieurs heures et que d’imposantes explosions s’étaient produites. Aucune information de confinement n’a pu être diffusée massivement dans la matinée, au point que certains établissements scolaires étaient dans le flou en attendant les consignes jusqu’à relativement tard dans le début de matinée.

Même les ouvriers venus prendre leur service à 5h du matin n’étaient pas au courant de l’incendie qui avait court depuis 2h40 du matin.

Il y a vraiment de quoi s’inquiéter de l’irresponsabilité des autorités quand on voit qu’un tel incendie sur un site classé à haut-risque ne produit quasiment aucune réaction immédiate, qu’il n’y a aucun plan d’information et de confinement massif et rapide qui est prévu. Il y a pourtant plusieurs autre usines du genre à Rouen, en pleine agglomération.

Les écoles ont finalement été fermées et les quelques élèves accueillis ont été confinés. Elles ne rouvriront que la semaine prochaine. Tel n’est pas le cas pour les autres établissements scolaires, collèges, lycées et les sites de l’université, qui rouvrent dès aujourd’hui (vendredi). La préfecture a fait savoir qu’il n’y a aucun danger, conseillant aux habitants de « reprendre une vie normale », excepté pour les personnes fragiles. Il est expliqué qu’après des premières analyses, il n’y a pas d’hydrogène sulfuré et de traces d’oxyde de soufre et d’azote, ce qui signifierait qu’il n’y a « aucune toxicité aigüe », sous-entendu rien de grave.

C’est difficile à croire. On se demande d’ailleurs pourquoi un tel établissement est classé SEVESO, avec toutes les difficultés que cela engendre, si finalement un gigantesque incendie en son sein est insignifiant. Ce n’est pas comme s’il y avait eu des dizaines de pompiers présents sur place, qui aurait pu contenir l’incendie dès les premières minutes.

On voit bien sur les images filmées sur place dans la nuit que les pompiers étaient au début peu nombreux et semblaient débordés par la situation, alors que des explosions retentissaient, comme par exemple sur cette vidéo diffusée par le site régional de France 3 :

Tout au long de la journée, les habitants de l’agglomération et des campagnes situées dans la direction de l’immense nuage ont subit une odeur très forte, ainsi que des traces d’hydrocarbures se répandant un peu partout.

Les images largement partagées sur les réseaux sociaux sont très impressionnantes et très inquiétantes, cela laisse imaginer ce qui a pu et peut être encore respiré dans l’air :

Malgré l’absence d’une consigne générale de confinement, la vie de l’agglomération a tournée au ralenti hier, avec quasiment personne dans les transports et les lieux habituellement fréquentés. Les habitants n’ont aucune confiance dans les autorités et leur prétention à les rassurer. Les réactions de défiance sont largement partagées par la population qui exige et va exiger de nombreuses réponses.

Cet accident montre à quel point le déficit démocratique est important en France, où tout est fait pour servir le capitalisme qui impose son rythme et ses risques à tout le monde, qui n’a pas de considérations pour la collectivité et l’environnement.