Delphine Batho a présenté sa candidature à la « primaire de l’écologie », organisée par EELV en vue de la présidentielle de 2022
C’est par une mise en scène journalistique sur BFMTV que Delphine Batho a annoncé et présenté sa candidature à la « primaire de l’écologie », organisée par EELV en vue de la présidentielle de 2022. Rien qu’avec ça, on se dira que c’est dommage, qu’il y avait mieux à faire, qu’une telle façon classiquement politicienne est loin d’être à la hauteur de l’enjeu. Il aurait pourtant fallu marquer le coup, probablement avec un document d’une grande densité, à l’image de ce qu’elle avait écrit à l’occasion du début de la crise sanitaire en avril 2020. Cela aurait eu une autre allure, sans parler du fait que démocratiquement et culturellement, c’était mieux que de réserver sa parole à un grand groupe médiatique.
Dommage, cela l’est d’autant plus que Delphine Batho est une femme politique de qualité, ayant cette capacité de s’adresser aux gens, de les écouter, de porter leur parole de manière à la fois simple et concrète, en exprimant de réelles préoccupations populaires. Le problème, c’est qu’à une époque comme la nôtre, cela ne suffit pas. Loin s’en faut.
Dans une telle situation de crise, écologique bien sûr, mais aussi morale, économique, sanitaire, sociale, culturelle, ce qu’il faut, ce sont des grandes idées, des grandes lignes. Il faut tracer une perspective qui soit immense, à l’image de l’immensité de la crise, des crises et de leurs enchevêtrements.
Delphine Batho, malheureusement, a fait le choix inverse. En 2018, elle a abandonné les grandes idées, en quittant la Gauche (elle qui était liée au PS depuis sa jeunesse), au profit de Génération écologie. Elle a choisi le pragmatisme, censée être synonyme de réalisme, en prônant un centrisme écolo « non partisan ».
Elle se retrouve maintenant coincée. D’un côté, elle n’est pas dupe de la situation et ne peut que constater l’immensité de la crise. De l’autre, sans grandes idées, elle doit bricoler avec des petites idées pour se démarquer et avoir quelque chose à proposer malgré tout.
Alors elle parle de « décroissance », mais sans aucun rapport avec ce que cela signifie vraiment. La décroissance est une idée réactionnaire très précise. Cela vient de l’extrême-droite et c’est une critique de la société industrielle sur un mode romantique. Si Delphine Batho était cohérente, elle ne pourrait pas dire que « ce n’est pas synonyme de récession » ou alors que cela permet de « créer des emplois ». C’est tout simplement antinomique avec la définition même de décroissance.
D’ailleurs, la candidate à la « primaire de l’écologie » n’est pas du tout « décroisssante » quand elle dit, de manière très juste, qu’il faut une industrie française du vélo. Mais cela n’est qu’anecdotique, à l’image de sa pseudo-définition de la décroissance qui est d’un populisme incroyable : ce serait dit-elle, les vides-greniers et Le bon coin…
Les petites idées, Delphine Batho va également les chercher du côté des catholiques, en reprenant le concept d’écologie intégrale (« 100 % écologie intégrale » est-il précisé sur ses visuels de campagne). Plus précisément, cela a été mis en avant par le pape « François 2 » avec son « encyclique » intitulée « Laudato si » en 2015.
Les véritables écologistes avaient à l’époque tout de suite compris de quoi il s’agissait en dénonçant un néo-pétainisme, une révolte contre le mode moderne faisant un hold-up sur l’écologie, tout comme les zadistes l’ont fait. Là encore, comme avec la décroissance, Delphine Batho ne va pas au bout des choses, puisqu’elle prétend en même temps relever de l’héritage des Lumières, de la laïcité.
Le pape ou les Lumières, il faut pourtant choisir. Car l’un fait clairement partie du problème, en rejetant la nature au profit d’un mysticisme pseudo-bienfaisant. Et l’autre fait clairement partie de la solution, en prônant le matérialisme philosophique, c’est à dire la reconnaissance de la nature, et donc l’écologie.
Ce n’est pas qu’une question philosophique et lointaine, idéologique et abstraite. C’est au contraire absolument concret et décisif. C’est de vision du monde qu’il s’agit, et c’est justement avec une vision du monde qu’on change les choses, si on veut réellement changer les choses. Delphine Batho le veut-elle ?
Si c’est vraiment le cas, alors elle a fait une erreur immense en rejetant la Gauche. Elle explique même maintenant qu’elle « s’en fout » du parcours des gens, que la Droite n’est miraculeusement plus un problème, que ce qui compte c’est d’agir, etc.
Pourtant, rouler en SUV et n’en avoir rien à faire des autres, c’est précisément cela une mentalité de droite, et c’est strictement opposé à l’écologie.
Au contraire, avoir l’esprit collectif chevillé au corps, c’est précisément une mentalité de gauche, et c’est uniquement de cette façon que l’humanité pourra envisager de mener la bataille pour la planète Terre.
Elle a raison de vouloir prendre le problème de l’écologie à bras-le-corps et d’agir immédiatement. Mais sans chambouler la société, sans assumer de révolution culturelle, rien ne sera possible.
Rien qu’un aspect, qui est tout à fait marquant : en vingt minutes d’émission où elle introduit son programme, jamais Delphine Batho n’a parlé des animaux, et encore moins de veganisme. Comment pourtant prétendre à sauver la planète, sans se préoccuper de ses habitants ? À moins que l’écologie ne soit qu’un prétexte à un néo-humanisme, à un anthropocentrisme s’imaginant moderne et pacificateur social.
Delphine Batho vaudra-t-elle mieux que cela ? L’accentuation de la crise et la polarisation de la société la forcera à choisir son camp.