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Lobby individualiste des deux roues: nouvelle capitulation, sur le contrôle technique

Le président Emmanuel Macron lui-même est venu annuler la réglementation.

Il y avait déjà eu à la toute fin du mois d’août la capitulation sur la remontée interfile des motards. Cette fois, c’est sur le contrôle technique. Le lobby des deux roues, notamment la Fédération Française des Motards en Colère, a réussi à bloquer une mesure pourtant européenne, en accusant la mesure d’être un « racket ».

On connaît le principe pour les voitures: de manière régulière, il faut aller faire vérifier sa voiture, passer un contrôle technique rendu toujours plus difficile. Si des choses ne vont pas, il faut réparer, cela coûte cher, de plus en plus cher. Il y a ici deux aspects. Le premier c’est que le capitalisme force à consommer, d’où des directives toujours plus pressantes. C’est un véritable gouffre financier à terme.

De l’autre, c’est une question de sécurité. Dans les faits, la mortalité sur les routes s’est totalement effondrée. C’était un véritable carnage dans les années 1960. Autrement dit, sur le plan technique, en tout cas, les voitures et les deux roues n’ont plus grand chose à voir avec leurs équivalents d’il y a quarante ans. C’est plus technique, plus fiable, plus électronique aussi.

Cela a un prix : c’est plus compliqué à vérifier. Et le contrôle technique empêche d’avoir des véhicules zombies (ce qui est à relativiser de par le nombre de lumpen roulant sans permis sans assurance dans des voitures sans contrôle technique).

En tout cas, et quoi qu’on en pense, aucune société ne peut accepter que des gens utilisent un moyen de transport en prétendant ne jamais le faire vérifier de manière neutre. On peut discuter de ce qu’il faut vérifier, mais dire comme les possesseurs des deux roues qu’il ne faut aucun contrôle, qu’il faut laisser les gens faire ce qu’ils veulent, que la société n’aurait pas son mot à dire, c’est inacceptable.

Car c’est ce que dit le lobby des motards : ceux-ci n’auraient de comptes à rendre à personne! Voici la prose turbocapitaliste de la Fédération Française des Motards en Colère:

Dans un contexte économique de plus en plus difficile, les usagers de 2 et 3 RM refusent de payer, même quelques dizaines d’euros, une prestation dont ils n’ont pas besoin pour assurer leur sécurité.

Et si le contrôle technique devait maintenir l’activité, et donc la rentabilité, des grandes enseignes de contrôle, elle condamnerait à terme celle de tous les préparateurs et accessoiristes moto puisque leurs clients ne pourraient plus « personnaliser » leur véhicule, même pour lui apporter des améliorations, qu’elles soient techniques ou esthétiques. Ce serait alors la fin de la « culture moto » telle qu’on la connaît depuis toujours.

Quand on connaît le prix d’une moto (et du casque et des gants et de son entretien nécessaire, etc.), ces propos sur les quelques dizaines d’euros ne sont pas seulement risibles : ils sont pathétiques comme l’est la figure du petit propriétaire se considérant au-dessus de toutes les lois et crachant sur les autres qui exigent une vie en commune sécurisée.

La Fédération Française des Motards en Colère a le même degré d’argumentation que le lobby de l’automobile, celui de chasseurs, que les gilet jaunes aussi d’ailleurs, bref de tous les beaufs pour qui l’État c’est moche ce n’est que les taxes laissez moi faire ce que je veux, etc.

Et les beaufs en deux roues ont eu le soutien direct du président de la République. Tout part de l’Union Européenne qui a décidé il y a quelques mois que, cette fois, il y en avait assez et que tout ce qui a deux roues et une puissance d’au moins 50 cm³ pour le moteur doit passer au contrôle technique tous les deux ans, dans toute l’Europe.

Et pareil pour ce qui a trois roues, pour les quads, les voitures sans permis, etc.

Cela donne un premier contrôle technique en 2023 pour les véhicules immatriculés avant 2016, en 2024 pour les ceux entre 2016 et 2020, et en 2025 pour ceux de 2021.

On notera que ce contrôle régulier existait déjà pour tous les deux roues déjà sous cette forme en Autriche, en Croatie, en Espagne, en Lituanie et en Italie. Inversement, la France ne faisait rien, comme la Finlande, l’Irlande et les Pays-Bas. Cela fait longtemps qu’il y a un débat en fait en France à ce sujet, mais à chaque fois le lobby des deux roues a été très offensif.

Et cela continue, puisque si le 12 août 2021 au matin le contrôle technique était annoncé publiquement, quelques heures après, il y a eu demande d’Emmanuel Macron de finalement ne pas appliquer la réglementation, qui est, officiellement, du point de vue gouvernemental « suspendue jusqu’à nouvel ordre ».

Le Monde explique ainsi l’argumentation populiste:

« Après avoir découvert cette mesure, le président de la République a décidé que ce n’était pas le moment d’embêter les Français », a expliqué un conseiller de l’exécutif. 

« Avec la crise sanitaire, le passe, on leur demande déjà beaucoup. On peut être pour la sécurité sans embêter les Français dans leur quotidien, a priori sans adhésion de leur part. »

Tel est le turbocapitalisme : c’est un capitalisme qui va jusqu’à élargir tellement la propriété qu’il supprime le droit, qu’il bouleverse tout pour permettre une consommation plus grande à tout prix, jusqu’au nihilisme.

Cabu nous manque!
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Réactions de « Ras Le Scoot » à la reculade sur le contrôle technique des deux roues

L’association se réjouissait le matin, pour déchanter dans la journée.

Voici le communiqué de l’association Ras le scoot :

Ras Le Scoot déplore la manoeuvre électoraliste d’Emmanuel Macron

Emmanuel Macron sacrifie la santé, la sécurité et la tranquillité des Français sur l’autel de l’électoralisme. 

Ras Le Scoot se réjouissait ce matin de la décision du gouvernement de faire entrer dans le droit commun les deux-roues motorisés, exemptés sans raison de contrôle technique en dépit de leur dangerosité, du bruit et de la pollution qu’ils provoquent et des bricolages improbables que leurs pilotes réalisent au mépris de la réglementation pour les rendre plus bruyants, plus rapides ou plus tape-à-l’oeil.

Le lobby motard avait fait savoir son intention de manifester bruyamment pour démontrer à tous la capacité de nuisance de ses engins. Il n’aura pas fallu une journée à Emmanuel Macron pour lui céder sur toute la ligne : désavouant son propre gouvernement et par simple fait du prince, il revient sur une mesure pourtant exigée par une directive européenne de 2014.

La France risque ainsi d’être condamnée en raison de calculs électoraux douteux. On se demande d’ailleurs s’ils seront payants : en dehors d’un lobby très bruyant mais très minoritaire, les Français sont dans leur ensemble exaspérés par les nuisances innombrables que leur causent les 2RM.

Ras Le Scoot remarque qu’Emmanuel Macron sait également choisir son moment : trois jours après la publication d’un rapport alarmant du GIEC, il fait le choix de laisser sans contrôle des véhicules très fréquemment montrés du doigt pour leur rejets polluants aggravés par la modification des échappements dont sont coutumiers les motards.

Dans une étude menée en 2018, le Conseil international sur le transport propre notait l’« impact disproportionné » des 2RM sur la pollution atmosphérique en ville : leurs émissions de monoxyde de carbone (CO) sont ainsi dix fois plus élevées que celles des voitures à essence et vingt fois plus que celles fonctionnant au diesel.

Ras Le Scoot se scandalise qu’une petite minorité parvienne à faire plier le président de la République, visiblement plus soucieux de grappiller des voix que de préserver la santé, la sécurité et la tranquillité des Français.

Trouvera-t-on un jour un politique courageux pour oser braver les oukases des lobbys motards sous lesquels sont contraints de vivre soixante-sept millions de Français ?

Voici le communiqué de l’association plus tôt en matinée, se réjouissant du contrôle technique instauré (et repoussé dans le foulée en fait).

Ras Le Scoot salue la mise en place du contrôle technique pour tous les deux-roues motorisés

Le gouvernement instaure à compter de janvier 2023 un contrôle technique pour les deux-roues motorisés. Partisan de cette mesure depuis sa naissance, Ras Le Scoot ne peut que saluer cette décision qui vient rompre avec des années d’hésitation des pouvoirs publics jusqu’alors tétanisés face au lobby motard.

C’est en effet au 1er janvier 2021 qu’une directive européenne fixait la date limite au-delà de laquelle les États membres devaient avoir mis en place cette mesure de sécurité routière.

Le contrôle technique auquel sont soumises les automobiles depuis 1991 s’impose maintenant comme une évidence tant il paraît inimaginable de laisser circuler sur les routes des véhicules susceptibles de mettre en danger les autres usagers.

Il est donc incompréhensible qu’il ait fallu attendre plus de trente ans pour mettre un terme au régime d’exception dont jouissaient les deux-roues motorisés, pourtant plus dangereux, plus bruyants et plus polluants que les voitures.

D’autres pays européens n’ont pas connu les mêmes atermoiements : les 2RM d’Allemagne, du Royaume-Uni ou d’Italie passent un contrôle technique obligatoire depuis le début des années 2000.

Ras Le Scoot relève, non sans une certaine satisfaction, que cette nouvelle obligation vise tous les 2RM, quand la directive européenne la circonscrivait aux seuls véhicules dont la cylindrée dépassait 125 cm3. Les scooters, qui représentent un tiers du parc des deux-roues motorisés, font en effet l’objet des modifications les plus lourdes, en particulier concernant leur échappement très fréquemment trafiqué afin d’en accroître les émissions sonores.

Il n’est pas une chaîne YouTube spécialisée qui ne fasse pas la promotion de ces pétarades qui importunent aussi bien les citadins que les ruraux, confrontés aux virées tonitruantes auxquelles invitent les routes dégagées des campagnes.

La liste des points de contrôle reste à établir : Ras Le Scoot appelle à la plus grande vigilance à cet égard sachant le lobbying intense dont sont capables les associations motardes. Toujours prêtes à brandir les nuisances qu’on leur reproche comme une arme, elles avancent la menace de manifestations assourdissantes.

Leur céder – comme ce fut déjà le cas lors d’une réforme avortée en 2017 – reviendrait à faire fi de l’exaspération des Français qui ne sauraient se contenter d’un contrôle a minima pour remplir les obligations européennes.

Compte tenu de l’accidentologie dramatiquement élevée de ce mode de transport, mais aussi des enjeux en matière de bruit et de pollution qui s’y rattachent, nous demandons que lui soient appliqués les mêmes critères de contrôle que les voitures. Une attention toute particulière doit être portée au bruit, dont les deux-roues motorisés sont la principale source en ville.

Si ce combat semble enfin remporté, Ras Le Scoot rappelle que les normes de bruit et de pollution auxquelles doivent obéir les 2RM et dont le contrôle technique améliorera le respect demeurent incroyablement laxistes en comparaison des normes automobiles.

À l’heure où les constructeurs de voitures, pressés par les pouvoirs publics, annoncent les uns après les autres l’échéance de leur transition vers les moteurs électriques, il est urgent d’étendre cette réflexion aux 2RM. C’est à l’échelle européenne que s’édictent les normes et à cette échelle qu’il convient de penser les nuisances qu’un mode de transport en retard sur son temps inflige à tous les Européens.

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Individualisme: la France capitule sur la remontée interfile des motards

Dangereuse, elle est pourtant normalement interdite.

La France est un pays d’individualistes et d’hypocrites, mais on a beau le savoir ce qui vient de se passer laisse tout de même sans voix. En effet, un décret publié vendredi 30 juillet au journal officiel a rendu de nouveau légal, pour trois ans et dans certains départements, la circulation des deux-roues motorisés entre deux files.

En réalité, on parle de la remontée des files de voitures, mais le libéralisme a choisi de masquer cela en employant une autre expression, comme s’il existait une troisième file virtuelle entre les voitures.

Beaucoup seront étonnés d’apprendre que c’est interdit, vu que c’est tout à fait courant en France… Même si au fond c’est un style vraiment né en Île-de-France, se répandant ailleurs, alors qu’il existe parfois des variantes, comme circuler sur la bande d’arrêt d’urgence dans les Bouches-du-Rhône…

Et pourtant, le code de la route interdit une telle démarche. Les deux roues motorisés doivent se comporter tels des voitures C’est le cas dans la plupart des pays occidentaux : Allemagne, Italie, Autriche, Suisse, Etats-Unis, Australie, l’Espagne, Danemark, Tchéquie, etc. La Grande-Bretagne est l’exception.

On a au mieux le droit de se remettre en place idéalement lorsque les voitures sont à l’arrêt. Mais on ne double pas entre deux files de voitures. Encore est-il que comme ces pays sont libéraux sur le plan des mœurs, en fait personne ne connaît la loi sauf si la police la fait appliquer. En Australie les motards sont ainsi tombés des nues lorsque l’Etat a voulu faire appliquer le code de la route, et cela dépend désormais des régions.

Dans d’autres cas la police applique la loi fermement. C’est le cas en Autriche et en Suisse, parfois en Allemagne et en Espagne, mais pas en France, bastion du libéralisme. D’où l’idée pour l’autoriser de procéder à une « expérimentation ». De 2016 à début 2021, la pratique a ainsi été autorisée dans certaines zones, officiellement pour évaluer la chose.

Comme on le voit, cela concerne des centres urbains. Et donc, au bout de cinq ans, le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement dit que cela ne va pas du tout, que dans les onze départements concernés, le nombre d’accidents avait augmenté de 12% là où il y avait circulation interfiles pour les motards.

On se dit alors que l’État français va faire comme les autres pays et interdire la démarche dans les faits. Officiellement, il l’a d’ailleurs fait le premier février 2021.

Eh bien non, pas du tout ! La Sécurité routière intervient et dit que le test ne s’appuie pas sur assez de données. C’est vrai que l’Île-de-France ne compte pas assez de motos et de voitures pour voir ce qu’il en est… Surtout au bout de cinq années… Ce n’est pas suffisant !

Et, donc, le décret autorise de nouveau la circulation interfiles dans les territoires suivants: l’Île-de-France, les Bouches-du-Rhône, la Haute-Garonne, la Gironde, l’Hérault, l’Isère, la Loire-Atlantique, le Nord, le Rhône, le Var, les Alpes-Maritimes, la Drôme, le Vaucluse, les Pyrénées-Orientales et la métropole de Lyon. 

On se demande alors : ne s’agit-il pas ici des zones les plus peuplées de France, pour la plupart ? Effectivement. Voici la liste des départements les plus peuplés de France, selon wikipédia. Sont mis en gras les zones concernées par la nouvelle expérimentation…

RangCodePopulationSuperficie en km2Densité en nombre d’habitants par km2
159Nord2 606 2345 743454
275Paris2 175 60110520 641
313Bouches-du-Rhône2 034 3575 087400
69Circonscription départementale du Rhône1 859 5243 249572
493Seine-Saint-Denis1 632 6772366 912
592Hauts-de-Seine1 619 1201769 221
633Gironde1 601 8459 976161
762Pas-de-Calais1 466 7436 671220
878Yvelines1 441 3982 284631
977Seine-et-Marne1 412 5165 915239
1044Loire-Atlantique1 412 5026 874206
1194Val-de-Marne1 396 9132455 702
1269MMétropole de Lyon
1331Haute-Garonne1 380 6726 309219
1491Essonne1 296 6411 804719
1538Isère1 263 5637 432170
1676Seine-Maritime1 255 8836 278200
1795Val-d’Oise1 238 5811 246994
1834Hérault1 159 2206 101190
1967Bas-Rhin1 133 5524 755238
2006Alpes-Maritimes1 086 2194 299253

S’ajoutent la Drôme, le Vaucluse et les Pyrénées-Orientales, soit 1,5 million de personnes. Ce n’est pas là une expérimentation, mais une légalisation masquée. C’est d’une hypocrisie sans noms.

La Déléguée interministérielle à la sécurité routière, Marie Gautier-Melleray, ne s’en cache même pas, puisqu’elle a expliqué à l’AFP que le but était :

« d’essayer de trouver les moyens de rendre cette pratique plus sûre pour les deux-roues et tous les autres usagers de la route (…).

Nous avons aussi noté une amélioration certaine des comportements et une meilleure acceptabilité sociale au fur et à mesure de l’expérimentation. »

C’est bien une légalisation. Il va d’ailleurs y avoir une une signalisation spécifique, une campagne d’information à ce sujet. C’est le triomphe des associations de motards, notamment la Fédération Française des Motards en Colère qui a combattu pour autoriser la remontée des files qui serait… au bénéfice de la société toute entière !

La question de fond est alors la suivante : les motards sont-ils des individualistes comme les automobilistes et par ailleurs les cyclistes ? Le capitalisme a-t-il réussi à produire un style individualiste de l’automobiliste, du motard, du cycliste ?

Absolument. Les gens se comportent comme des barbares, se croyant seuls au monde et tout puissant. C’est exactement ce que veut le capitalisme. D’où la légalisation de la circulation interfiles pour les motards.

L’autorisation de la circulation interfiles reflète tout à fait les valeurs capitalistes et la négation des principes d’ordre collectif, au nom de la « créativité » individuelle.

La personne de gauche qui n’a pas conscience de cela se comporte de manière individualiste en moto, de manière agressive et auto-centrée – elle est alors perdue pour la Cause, elle a été façonnée par le capitalisme à son image.

Le capitalisme cherche à atomiser les gens au maximum, à les « différencier » le plus possible, à les isoler, à les faire se comporter en individualistes. Dans une société capitaliste de consommation, chaque détail compte. Qui ne fait pas attention à cela est broyé sans même avoir combattu.