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Les motivations de la « doctrine Mitterrand »

François Mitterrand fit en sorte que des centaines d’Italiens liés à la lutte armée dans leur pays purent « recommencer » leur vie. Les raisons pour cela sont aussi complexes sans doute que la philosophie politique de François Mitterrand, mais on peut y voir à la fois un pragmatisme sécuritaire et un certain romantisme révolutionnaire.

François Mitterrand, une fois devenu président de la République, appliqua des mesures symboliques très fortes. L’une d’entre elles fut l’abolition de la peine de mort, une autre encore fut la suppression de la Cour de Sûreté de l’État, et il faut ajouter dans le domaine juridique la grâce des membres du groupe armé Action Directe alors emprisonnés. L’idée était qu’une sorte de nouvelle ère s’ouvrait, qu’il en était terminé avec le règne d’une Droite dure, brutale, anti-populaire. La Gauche était à l’œuvre et par conséquent, il n’y avait plus d’ennemis à Gauche, il fallait que tout le monde se retrousse les manches.

Lorsque des centaines de membres de groupes armés italiens déboulèrent en France, c’est le même principe qui fut appliqué. La doctrine Mitterrand est simple : pas d’extradition. Pour qu’il y en ait une, il faut qu’il y ait eu crime de sang, que les juges italiens le prouvent et le fournissent aux juges français, qui valideront cela ou pas. Autant dire que c’était en pratique casser toute possibilité en ce sens là. Cela implique également par contre, en échange, que les « réfugiés » en France ne commettent pas d’action illégales et s’intègrent dans la société française.

Officiellement, deux raisons furent invoquées. La première, c’est qu’il y avait un système juridique où les « repentis » échappaient à la prison s’ils fournissaient des informations. Celles-ci étaient-elles vraies ? Il n’était pas considéré par la Gauche française qu’on pouvait se fier à une telle démarche. La seconde raison est que le droit italien ne prévoyait pas qu’un procès réalisé en l’absence du prévenu soit recommencé après son arrestation. Ce n’était pas considéré comme juste.

Il n’était de toutes façons un secret pour personne que, pays de l’OTAN, l’Italie pullulait d’activités des services secrets, de mafias ainsi que de regroupements d’extrême-droite menant toute une série d’attentats, tous ces milieux étant plus ou moins liés. L’Italie était alors vue par tout le monde comme le pays malade de l’Europe dominé par un seul parti, la démocratie-chrétienne contrôlant tout l’État, un État par ailleurs toujours instable, toujours prompt à une justice d’exception, avec toujours la menace d’un coup d’État ou en tout cas d’une situation de rupture.

Le Parti socialiste avait en France tout à fait conscience de cela, notamment Claude Estier, bras droit de François Mitterrand. Hors de question pour la Gauche de se lier à l’administration d’un tel État et de lui faire des chèques en blanc.

Officieusement, deux autres raisons peuvent être fournies. La première, c’est une question pratique. Des centaines de personnes se retrouvant sans papier ni argent en France, avec une expérience de la lutte armée et un haut niveau de culture politique, cela risquait d’aboutir à des regroupements pour se fournir des papiers, des logements, de l’argent, le tout illégalement et avec un fond idéologique révolutionnaire. Les services secrets préféraient évidemment éviter cela, le Parti socialiste et le PCF également.

La seconde raison, c’est tout un romantisme révolutionnaire traversant les couches intellectuelles parisiennes, avec une réelle sympathie pour la Cause des personnes ayant fui l’Italie, un peu considérées, si l’on veut, comme les réfugiés de la guerre d’Espagne. Il était en tout cas plus ou moins considéré comme normal d’aider des gens de Gauche, idéalistes peut-être, mais dans une situation d’infortune. François Mitterrand a ainsi mis en place un système que la République Démocratique d’Allemagne, exactement au même moment, organisait pareillement pour les militants de la Fraction Armée Rouge ouest-allemande souhaitant se « réinsérer ». La RDA, par une décision au plus haut niveau, leur fournit une nouvelle identité, un emploi, un logement, une nouvelle vie.

Officiellement, ce n’est qu’à partir de 1985 que François Mitterrand exprima ouvertement ce que les médias qualifièrent de « doctrine ». En pratique, cela faisait plusieurs années que c’était mis en place. Les « réfugiés » vivaient leur vie, s’insérant dans la société française, et même s’ils éprouvaient pour certains des sympathies ou des accords idéologiques avec la lutte armée continuant en Italie sur un mode bien plus mineur qu’auparavant, ils étaient grosso modo entièrement déphasés. Ils construisirent donc au final une nouvelle vie et, si cela n’avait pas vraiment marché, retournaient dans leur pays une fois leur peine disparue aux yeux du droit italien en raison du temps passé depuis.

Ce processus, qui concerna grosso modo un millier de personnes mais surtout un noyau dur d’une centaine de personnes, se prolongea sur plusieurs décennies ; de moins en moins de personnes furent concernées, jusqu’à finalement une petite quinzaine désormais.

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La Gauche française doit défendre la « doctrine Mitterrand » face à la Droite italienne

Malgré les heurts diplomatiques très violents avec le gouvernement italien, Emmanuel Macron et son exécutif entendent collaborer ouvertement avec lui pour remettre définitivement en cause la « doctrine Mitterrand ». Le symbole est très fort et consiste en une violente attaque contre la Gauche française.

Emmanuel Macron est un partisan acharné du « et en même temps », ce qui le rend difficile à saisir. Il fait jouer du Daft Punk par l’orchestre militaire le 14 juillet, tout en défendant bec et ongles les chasseurs et leur style suranné. Et s’il dénonce ouvertement le gouvernement italien et son populisme, il le soutient entièrement dans son harcèlement concernant les Italiens réfugiés en France dans les années 1970, 1980, voire 1990.

Ces derniers jours, il est en effet beaucoup parlé de la remise en cause ouverte de la « doctrine Mitterrand », qui accorde un asile politique non-officiel à tous les Italiens qui ont participé aux activités de la Gauche ayant choisi de lutter par les armes dans leur pays et ayant par la suite choisi de refaire leur vie dans le nôtre. À l’époque, le Parti socialiste et la Gauche française avaient, pour de multiples raisons, considéré que c’était un devoir que de protéger ces ex-activistes. Aujourd’hui, la Droite italienne voit un espace pour briser cet obstacle et relancer son harcèlement contre tout ce qui est de Gauche en général.

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Emmanuel Macron et le gouvernement français soutiennent donc cette démarche. Dans une interview au Monde du lundi 18 février 2019, la ministre des Affaires européennes Nathalie Loiseau est explicite :

« Il n’y a aucune raison de s’opposer à une éventuelle extradition (…). Je pense que notre pays a longtemps vécu en sous-estimant le traumatisme qu’a pu être le terrorisme en Italie ou en Espagne et que l’on a traité avec une indifférence, que je ne partage pas, la violence aveugle qui s’est exercée chez certains de nos voisins. »

Le fait de parler de violence aveugle est d’une stupidité ahurissante, surtout après les attentats jihadistes, dont on voit immédiatement qu’ils n’ont rien à voir avec la violence politique des années 1970 et 1980. Il est également intéressant de voir qu’elle mentionne l’Espagne, dont tout le monde sait à Gauche que c’est un pays qui a été très profondément marqué par le franquisme. C’est une volonté de nier que l’Italie et l’Espagne ont une histoire tourmentée… Et ce d’ailleurs jusqu’à aujourd’hui, puisque les responsables indépendantistes catalans viennent de voir leur procès commencer !

Quant à l’Italie, tout le monde sait que ce pays ne s’en sort pas. Et c’est tout de même surprenant : dans ses tourments politiques, le pays est passé de Berlusconi à la Droite la plus assumée, et le gouvernement italien ne se prive pas de dénoncer Emmanuel Macron et le gouvernement LREM… qui soutiennent pourtant les demandes d’extradition !

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On a eu Luigi di Maio, vice-Premier ministre italien, qui en janvier a accusé la France de piller l’Afrique au moyen du franc CFA, en s’appuyant ouvertement sur les arguments du militant d’extrême-droite Kemi Seba, professant un ethno-différentialisme exacerbé et ouvertement antisémite. Et le même, par ailleurs dirigeant du « Mouvement 5 Étoiles » ultra-populiste, est venu début février en déplacement à Montargis, dans le Loiret, comme il l’explique dans un message :

« Aujourd’hui, nous avons fait un saut en France et nous avons rencontré le leader des Gilets jaunes Christophe Chalençon et les candidats aux élections européennes de la liste RIC d’Ingrid Levasseur »

Rappelons que ce Christophe Chalençon parlait encore récemment de groupes para-militaires prêts à rétablir l’ordre dans le pays…

C’est une situation inédite et la France n’a pas moins que rappelé son ambassadeur à Rome, pour la première fois depuis 70 ans, pour « consultations » à Paris, ce qui est en diplomatie un grand signe de protestation. Le communiqué officiel est sans ambiguïtés :

« La France a fait, depuis plusieurs mois, l’objet d’accusations répétées, d’attaques sans fondement, de déclarations outrancières que chacun connaît et peut avoir à l’esprit. Cela n’a pas de précédent, depuis la fin de la guerre. Avoir des désaccords est une chose, instrumentaliser la relation à des fins électorales en est une autre.

Les dernières ingérences constituent une provocation supplémentaire et inacceptable. Elles violent le respect dû au choix démocratique, fait par un peuple ami et allié. Elles violent le respect que se doivent entre eux les gouvernements démocratiquement et librement élus.

La campagne pour les élections européennes ne saurait justifier le manque de respect de chaque peuple ou de sa démocratie. Tous ces actes créent une situation grave qui interroge sur les intentions du gouvernement italien vis-à-vis de sa relation avec la France. À la lumière de cette situation sans précédent, le gouvernement français a décidé de rappeler l’ambassadeur de France en Italie pour des consultations. »

Cela n’empêche donc pas le gouvernement français de répondre favorablement aux pressions de ce même gouvernement au sujet des réfugiés italiens en France. Le ministre de l’Intérieur Matteo Salvini, d’extrême-droite, entend « récupérer » 14 personnes, qui selon lui « boivent du champagne sous la tour Eiffel »… Et le gouvernement français est d’accord pour participer à cette mise en scène de la Droite italienne la plus dure, la plus populiste.

La Gauche française ne peut pas rester passive à moins de se renier. Et cela d’autant plus après l’arrestation au Brésil de Cesare Battisti, qui s’était réfugié là-bas après un long périple depuis la France, qui avait renié sa parole liée à la « doctrine Mitterrand ». Le nouveau président brésilien, de la Droite la plus dure, a immédiatement donné satisfaction au gouvernement italien. Si le gouvernement français s’aligne, cela ne fera qu’appuyer la Droite.

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La « doctrine Mitterrand »

Au début des années 1980, des centaines de personnes ont quitté l’Italie pour se réfugier en France. Elles avaient participé à une sorte de grande vague où une partie de la Gauche avait pris les armes. François Mitterrand, devenu président de la République, appliqua ce qu’on qualifia de doctrine : il n’y aura pas d’extradition dans le cas de la volonté de refaire sa vie.

Ce qu’on appelle la « doctrine Mitterrand » fut mis en place en 1981, dès l’élection de François Mitterrand à la présidence de la république. C’est Louis Joinet, magistrat et conseiller pour la justice et les droits de l’homme du cabinet du premier ministre Pierre Mauroy, qui se chargea d’en formuler les principes. L’un de ses propos d’alors est que « le problème du terrorisme n’est pas tellement comment on y rentre, mais comment on en sort » ; il est à l’origine de l’expression ayant depuis fait florès : « la voie à la pacification ».

Le paradoxe est que cette doctrine n’aboutit à aucune formulation juridique, aucune contrainte légale ; tout était dans la parole donnée. C’était un accord tacite, consistant à dire la chose suivante : qui a fui l’Italie, car il a participé à la lutte armée d’une partie de la Gauche, peut rester en France malgré les condamnations dans son pays. Il ne sera pas extradé, mais à trois conditions : ne pas rester dans la clandestinité et donc choisir de vivre de manière ouverte, ne pas contribuer à la lutte armée en France, ne pas avoir d’accusations de crimes de sang en Italie.

Ce dernier point est ambigu, car pour de multiples raisons et toute une série de motivations, la France ne faisait pas confiance à la justice italienne, du moins quand la Gauche avait un grand poids. Cela changea de ce fait par la suite.

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Ce qu’on appelle la « doctrine Mitterrand » est donc en fait une consigne à l’appareil d’État, depuis les juges jusqu’aux policiers. Elle concerne un millier de personnes, alors qu’en Italie 25 000 personnes s’étaient retrouvées en délicatesse avec la justice.

François Mitterrand avait déjà formulé les traits généraux de la « doctrine » avant même son élection. Il faudra toutefois attendre 1985 pour qu’il la définisse pour ainsi dire publiquement, à l’occasion de la visite de Bettino Craxi, le chef du gouvernement italien. À l’issue de la conférence de Presse commune du 22 février 1985, les propos de François Mitterrand qui sont relatés sont les suivants :

« Les principes d’actions sont simples à définir. Ils sont souvent moins simples à mettre en oeuvre. Il s’agit du terrorisme qui est par définition clandestin ; c’est une véritable guerre. Nos principes sont simples. Tout crime de sang sur lequel on nous demande justice — de quelque pays que ce soit et particulièrement l’Italie — justifie l’extradition dès lors que la justice française en décide. Tout crime de complicité évidente dans les affaires de sang doit aboutir aux mêmes conclusions. La France, autant que d’autres pays, encore plus que d’autres pays, mène une lutte sans compromis avec le terrorisme. Depuis que j’ai la charge des affaires publiques, il n’y a jamais eu de compromis et il n’y en aura pas.

Le cas particulier qui nous est posé et qui alimente les conversations, est celui d’un certain nombre d’Italiens venus, pour la plupart, depuis longtemps en France. Ils sont de l’ordre de 300 environ — plus d’une centaine était déjà là avant 1981 — qui ont d’une façon évidente rompu avec le terrorisme.

Même s’ils se sont rendus coupables auparavant, ce qui dans de nombreux cas est probable, ils ont été reçus en France, ils n’ont pas été extradés, ils se sont imbriqués dans la société française, ils y vivent et se sont très souvent mariés. Ils vivent en tous cas avec la famille qu’ils ont choisie, ils exercent des métiers, la plupart ont demandé la naturalisation. Ils posent un problème particulier sur lequel j’ai déjà dit qu’en dehors de l’évidence — qui n’a pas été apportée — d’une participation directe à des crimes de sang, ils ne seront pas extradés.

Cela je l’ai répété à M. le Président du Conseil tout à l’heure, non pas en réponse à ce qu’il me demandait mais en réponse à un certain nombre de démarches judiciaires qui ont été faites à l’égard de la France. Bien entendu, pour tout dossier sérieusement étayé qui démontrerait que des crimes de sang ont été commis ou qu’échappant à la surveillance, certains d’entre eux continueraient d’exercer des activités terroristes, ceux-là seront extradés ou selon l’ampleur du crime, expulsés. »

François Mitterrand rappellera plusieurs fois cette « doctrine », qui était considérée à Gauche comme quelque chose d’intouchable. Relatons ici ses propos au 65e congrès de la Ligue des Droits de l’Homme, le 21 avril 1985 :

« Prenons le cas des Italiens, sur quelque trois cents qui ont participé à l’action terroriste en Italie depuis de nombreuses années, avant 1981, plus d’une centaine sont venus en France, ont rompu avec la machine infernale dans laquelle ils s’étaient engagés, le proclament, ont abordé une deuxième phase de leur propre vie, se sont insérés dans la société française, souvent s’y sont mariés, ont fondé une famille, trouvé un métier… J’ai dit au gouvernement italien que ces trois cents Italiens… étaient à l’abri de toute sanction par voie d’extradition. »

Dans les faits, l’État français s’adressa directement aux réfugiés italiens, notamment par l’intermédiaire de leurs avocats, surtout le cabinet de Henri Leclerc et Jean-Pierre Mignard, ainsi que celui de Jean-Jacques de Felice et Irène Terrel. Les avocats faisaient passer les noms et il y avait un processus individuel de remise d’une carte de séjour. Celle-ci avait une durée très variable, voire n’arrivait pas du tout, sans pour autant qu’il y ait pour autant un risque d’extradition. Ce processus de « déclaration » fut définitivement réalisé en 1984.

Cela provoqua évidemment une scission parmi les réfugiés politiques italiens, certains soutenant l’initiative au point d’assumer ouvertement une « dissociation » en 1987, comme l’espérait justement Louis Joinet, d’autres revendiquant la reconnaissance politique des affrontements des années 1970 et exigeant une amnistie.

Les réfugiés italiens avaient en tout cas réussi à exercer une pression efficace. L’Italie fit de nombreuses demandes d’extradition de nature « politique » : 5 en 1981, 76 en 1982, 110 en 1984, 38 en 1985, 30 en 1986, 15 en 1987… mais aucune ne fut acceptée. L’État italien, fou de rage, accusa même en 1984 la France de diriger les Brigades Rouges depuis une cellule spéciale à l’Élysée ! De telles accusations délirantes font partie du folklore du droit italien et le rendent d’autant plus dangereux.

En mars 1998, le premier ministre Lionel Jospin confirma encore la « doctrine Mitterrand » aux avocats Jean-Jacques de Felice et Irène Terrel :

« Maîtres, vous avez appelé mon attention par une lettre du 5 février dernier sur la situation de ressortissants italiens installés en France à la suite d’actes de nature violente d’inspiration politique réprimés dans leur pays. Vous avez fait valoir que la décision avait été prise en 1985 par le Président François Mitterrand de ne pas extrader ces personnes qui avaient renoncé à leurs agissements antérieurs et avaient souvent refait leur vie en France. Je vous indique que mon Gouvernement n’a pas l’intention de modifier l’attitude qui a été celle de la France jusqu’à présent. C’est pourquoi il n’a fait et ne fera droit à aucune demande d’extradition d’un des ressortissants italiens qui sont venus chez nous dans les conditions que j’ai précédemment indiquées. »

Seulement, la Gauche perdait toujours plus ses valeurs au cours de ce processus et les coups se révélèrent toujours plus forts, la pression toujours plus grande. Cela se montra en 2002 avec l’extradition de Paolo Persichetti, arrêté à la fin du mois d’août et directement extradé… Alors qu’il avait une fonction d’enseignant à Paris 8, une université basée à Saint-Denis et un bastion de la Gauche !

Et pour souligner encore le scandale que représenta l’extradition de cet ancien membre de l’Union des Communistes Combattants, il faut savoir qu’Edouard Balladur, comme premier ministre, avait accepté de signer le décret d’extradition en 1994, alors qu’il avait été arrêté à la fin de l’année 1993, et que c’est François Mitterrand lui-même qui prit l’initiative de publiquement appeler à sa libération !

Enfin, Paolo Persichetti avait vu son extradition justifiée pour un « crime de sang » : un repenti avait affirmé qu’il avait été l’auteur des coups de feu contre un général. Or, le procès en Italie le lava rapidement de cette accusation, mais le condamna à une lourde peine simplement pour l’appartenance à une « bande armée ».

Son extradition en 2002 était ainsi une attaque directe contre la « doctrine Mitterrand » et les valeurs de la Gauche. Il s’ensuivit, en 2004, l’accord pour l’extradition de Cesare Battisti, gardien d’immeuble et écrivain, qui prit le parti de s’enfuir au Brésil, et en 2007 de Marina Petrella, assistante sociale, que le président de la République Nicolas Sarkozy bloqua finalement.

Surtout, le Conseil d’État remit officiellement en cause la « doctrine Mitterand » en 2005, en niant toute valeur juridique :

« Considérant que, si le requérant invoque les déclarations faites par le Président de la République, le 20 avril 1985, lors du congrès d’un mouvement de défense des droits de l’homme, au sujet du traitement par les autorités françaises des demandes d’extradition de ressortissants italiens ayant participé à des actions terroristes en Italie et installés depuis de nombreuses années en France, ces propos, qui doivent, au demeurant, être rapprochés de ceux tenus à plusieurs reprises par la même autorité sur le même sujet, qui réservaient le cas des personnes reconnues coupables dans leur pays, comme le requérant, de crimes de sang, sont, en eux-mêmes, dépourvus d’effet juridique ; qu’il en va également ainsi de la lettre du Premier ministre adressée, le 4 mars 1998, aux défenseurs de ces ressortissants. »

Cela n’est que du blabla sans intérêt, reflétant simplement le changement de rapport de force politique entre Gauche et Droite.

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