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La liste Union de la Droite et du Centre aux Européennes

Affaiblie par la défaite de François Fillon, la concurrence libérale d’Emmanuel Macron et la concurrence néo-gaulliste du Rassemblement national, la vieille Droite et son parti, Les Républicains, espère profiter des élections européennes pour se refaire une santé électorale.

Les Républicains

Seulement, le créneau est très mince car, comme le résume un cadre (anonyme) du parti, « Nous sommes sur une ligne libérale-conservatrice. Mais Macron est plus libéral que nous et Le Pen est plus conservatrice que nous ! ».

Le but affiché est de reconquérir « Les 20% qui ont voté Fillon, [c’est] la droite convaincue », ce qui s’annonce compliqué puisque les sondages semblent indiquer que seule une moitié de ces ex-électeurs fillonistes sont certains de voter pour la liste LR.

La composition de la liste s’en ressent. François-Xavier Bellamy, professeur de philosophie versaillais, opposé « à titre personnel » à l’IVG, ainsi qu’au mariage homosexuel, très proche de Sens commun, passé par le « souverainisme » sans toutefois prôner la sortie de l’Union européenne, a toutes les qualités requises pour séduire le cœur de l’électorat de droite.

On trouve également d’anciennes figures sarkozystes (l’ancien président bénéficiant toujours d’une cote de popularité élevée), comme Brice Hortefeux, Nadine Morano, Didier Guillaume ou l’ancien préfet Frédéric Péchenard. Cette liste a également été rejointe par Les Centristes, nouveau nom du Nouveau Centre d’Hervé Morin (ex-ministre de Sarkozy), constitué par les membres de l’UDF qui avaient rallié la droite sarkozyste en 2007.

Pour ce qui est du projet européen, Les Républicains tiennent à se démarquer tant de l’européisme très marqué de la République en marche, que du nationalisme agressif et potentiellement chaotique du Rassemblement national. C’est que LR a besoin d’ordre et juge les trop grands changements dangereux.

Si l’on prend les questions militaires, LR critique l’OTAN, qui n’est pas « l’outil de la défense européenne », tout en la considérant comme un « outil de coopération avec nos alliés américains », et tout en prônant un renforcement de la « défense européenne », sans toutefois défendre le projet d’armée européenne.

On voit bien là qu’il s’agit de ménager les autres grandes puissances, pour éviter l’affrontement direct, tout en profitant du cadre de l’Union européenne pour affirmer les intérêts du capitalisme français. LR affirme d’ailleurs ouvertement que son « ambition », est d’« agir au cœur des institutions européennes pour être utiles, combatifs et efficaces au service des intérêts des Français ».

LR compte sur l’Union européenne pour protéger « nos entreprises » et « nos intérêts face aux géants de la mondialisation », promouvoir les entreprises françaises, l’agriculture française au sein de l’Union européenne. Cet aspect opportuniste au possible se sent également dans l’affirmation selon laquelle LR serait la formation politique la mieux placée pour porter la voix de la France, car elle est membre du Parti populaire européen, principal parti, et aurait donc ainsi plus d’interlocuteurs que les autres.

Évidemment, cet opportunisme purement bourgeois et purement français n’est pas affirmé directement, et LR compte s’afficher comme défenseur de l’Europe, comme civilisation, dans une démarche très réactionnaire.

Comme chez les « identitaires », ou quelqu’un comme Renaud Camus, on retrouve la défense des racines chrétiennes et gréco-latines de l’Europe (ce qui n’est pas faux, bien que ces racines soient idéalisées et souvent vidées de leur contenu) dans l’idée qu’il faudrait conserver ces racines dans leur « pureté » éternelle (ce qui est profondément réactionnaire). De la même manière, les timides mots sur l’écologie s’inscrivent non pas dans la défense de la Nature, mais de l’environnement « historique » du continent européen.

Enfin, la liste LR aborde, comme il se doit à Droite, le thème de l’immigration. L’amalgame est fait de manière très claire entre « immigration de masse », élargissement de l’UE ou de l’espace Schengen, et terrorisme islamiste. C’est, d’une manière feutrée, modérée, la même idée que le « grand remplacement » de Renaud Camus : tous ces immigrés, arrivant en masse, seraient une menace pour notre civilisation éternelle, et il s’agirait désormais d’une guerre de civilisation.

LR ne va pas, bien évidemment, jusqu’à prôner la « remigration ». Ici, il s’agit du discours habituel de la Droite sur la limitation de l’immigration légale et la lutte contre l’immigration illégale.

Habituel car, comme c’est toujours le cas, on évoque des solutions légales et techniques pour lutter contre l’arrivée des immigrés, mais sans jamais les considérer comme des êtres humains ayant leur dignité, et surtout sans jamais évoquer les causes de l’immigration que sont les ravages causés dans les pays de départ par les guerres et dictatures provoquées et soutenues par les puissances capitalistes, ou la destruction de l’environnement par ces mêmes puissances.

Face au discours uniquement compassionnel de la « gauche » post-moderne, des libéraux et de l’Église catholique, la droite propose un discours purement gestionnaire des « flux » massifs de migrants. Pour les premiers, les immigrés sont vus comme des individus devant « circuler librement », et représentant une « chance pour nous », en oubliant que l’immigration est un drame majeur pour ceux qui s’y lancent, puisqu’ils quittent leur pays poussés par la nécessité, et en faisant semblant d’ignorer que ce discours cache la volonté d’un main d’œuvre pour les capitalistes des pays d’arrivée.

Pour les seconds, Droite et extrême-droite, les immigrés représentent une masse à peine humaine, qui menacerait notre « civilisation », nos « nations », nos « identités ». Libéralisme compassionnel chez les uns, nationalisme et irrationalisme chez les autres.

Pour résumer, LR entend défendre les pions du capitalisme français au sein de l’Europe et mobiliser l’électorat conservateur autour de valeurs réactionnaires, pour maintenir l’ordre actuel, évitant les bouleversements qu’engendreraient un projet européen trop affirmé, ou une rupture trop franche avec celui-ci.

De la même manière, il ne s’agit pas d’affronter directement les puissances étasunienne et chinoise, mais d’utiliser l’Union européenne pour renforcer les positions du capitalisme français. Le parti Les Républicains s’affirme comme un parti vraiment conservateur, tâchant de se maintenir face à ses deux concurrents bien plus forts : LREM et le RN.

Son slogan pourrait être : « La prudence conservatrice ».

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La liste Renaissance soutenue par La République en marche aux Européennes

Le mouvement d’Emmanuel Macron La République en marche propose sa liste Renaissance pour les européennes. Un nom qui se veut progressiste, tourné vers l’avenir, qui se veut en même temps rassurant, inspirant la confiance, mais qui dans le fond autant que dans la forme est très inadapté et purement marketing.

La République en marche

Il faut regarder le programme proposé pour comprendre, car les idées ne sont pas neuves : du capitalisme modernisé. Ce libéralisme se détecte assez aisément. Les premières mesures présentées ont comme thème de faire de l’Europe « une puissance verte ». On peut penser ce que l’on veut de Benoït Hamon et son « Printemps européen », mais lui au moins a bien compris que l’écologie est un combat qui ne saura être mené que par la Gauche.

« Puissance verte » est un oxymore, d’ailleurs, dès l’instant où l’on reste dans le cadre capitaliste.

L’écologie ralentirait le capitalisme, puisqu’elle impliquerait forcément un haut niveau de contrôle sur la production (quoi, quand, comment et combien produire), ce qui n’est pas envisageable dans un système exigeant la croissance permanente.

Par conséquent, cela empêcherait l’Europe de devenir une « puissance » telle que souhaitée par les capitalistes. Pour cette raison, cet appel à une Europe plus verte n’est, au fond, qu’un vernis écolo destiné à s’attirer les faveurs de l’électorat de gauche, et une occasion d’investir dans l’ouverture de nouveaux marchés de l’écologie, comme pourraient l’être les voitures électriques par exemple.

C’est la même logique électoraliste qui pousse, un peu plus loin, à parler de la construction d’une Europe « de la justice sociale et fiscale ». Après tous les changements fiscaux et sociaux qu’a fait LREM, favorisant les gros capitalistes (les fameux « premiers de cordée » comme les appelle Emmanuel Macron) comme la suppression de l’ISF, il apparaît évident que ceux qui ont adopté la même approche politique, sociale et culturelle que ce parti n’ont absolument aucune intention d’améliorer la vie sur ces plans là… ou que leur perception de ce qui est « juste » socialement et fiscalement est totalement déformée.

Les points suivants sont un appel à renforcer la puissance militaire et diplomatique de l’Europe. Il s’agirait alors de « faire respecter l’Europe dans la mondialisation » ce qui signifie en réalité « utiliser l’Europe pour affronter les puissances chinoise et américaine ».

Il convient de rappeler que l’Europe n’est pas une puissance unie, car elle est avant tout constituée de nations dont dont les monopoles sont déjà concurrents dans de nombreux secteurs. Ce sont en réalité les puissances de la France et l’Allemagne dont il est question.

Par exemple, une mesure de la liste Renaissance est de « construire un Pacte avec l’Afrique en développant les investissements et des programmes scolaires et universitaires, en particulier à destination des jeunes filles ».

Est présenté ici un renforcement de la domination – surtout française – sur le continent africain via non seulement l’économie, mais également l’éducation. Il s’agit ici pour les exploiteurs de décider, avec leurs collaborateurs locaux, de ce que les exploités apprendront à l’école : cela donne un cachet plus « doux » à cette domination car il y est question d’éducation, mais qui est de gauche sait que lorsque l’on parle de capitalisme, la formation scolaire sert des intérêts particuliers.

Ce que veut vraiment Renaissance au travers de cette mesure, c’est former les cadres et les travailleurs en Afrique qui se mettront plus tard au service de la France. Le programme dit aussi qu’il faut « donner à l’Europe les moyens de se défendre » et « faire respecter nos valeurs et nos frontières », ce qui s’inscrit aussi dans cette dynamique de guerre, de domination économique et politique, et de préservation des intérêts des pays membres et du couple franco-allemand plus particulièrement.

La question de l’identité européenne est abordée, de la manière typique de la bourgeoisie moderniste.  « L’Europe s’est faite par la culture » (dans le cas de l’union européenne, cela est faux, car elle s’est faite artificiellement et par le haut contre les peuples), donc il s’agit de pousser les étudiants et les artistes à faire leurs études à l’étranger grâce à Erasmus.

Cela n’est pas fait dans une démarche d’ouverture aux différentes cultures nationales, mais plutôt de former plus efficacement la jeunesse pour les futurs besoin du marché du travail et de promouvoir une « culture européenne » artificielle qui s’appuierait sur l’art contemporain, sur Picasso… Le soutien à ces artistes et ces mouvements est ouvertement assumé, conformément à la position bourgeoise sur la question de la culture et des arts.

Le chapitre « rendre l’Europe aux citoyens » est fortement marqué de populisme. Le constat plutôt juste selon lequel « les français se sont éloignés de l’Europe […] car elle leur paraît trop inefficace et technocratique » est présenté. C’est en effet ce qui peut se passer lorsqu’un changement est imposé par le haut, et le phénomène de rejet ne concerne d’ailleurs pas que les Français.

L’Europe n’appartiendra jamais « aux citoyens », puisque son fonctionnement même est anti-démocratique et que ses institutions sont déconnectées de la vie des masses.

Y proposer « plus de transparence et d’action citoyenne » (comme de forcer le Conseil et le Parlement à étudier les suggestions de lois si 1 million de citoyens soutiennent) n’y changera rien, pas plus que cette promesse populiste de « lutte acharnée contre les lobbies » dont on peut facilement douter du sérieux. Ce n’est finalement rien de plus qu’une modernisation des institutions européennes, pour les rendre plus efficaces, tout en leur donnant un air démocratique.

On détecte également le post-modernisme libéral de la liste qui s’affirme à travers le point « Pour une politique féministe européenne » et concernant la lutte contre les discriminations. L’utilisation de l’acronyme LGBTI (Lesbiennes, Gays, Bisexuels, Transsexuels et Intersexes) dénote bien la philosophie post-moderne des « marcheurs ».

Quant au féminisme, derrière les grandes proclamations contre les violences faites aux femmes, les inégalités salariales ou de représentation, il n’y a strictement rien. LREM utilise l’image de Simone Veil, la ministre de droite libérale qui permit l’IVG, et défend « les droits sexuels et reproductifs » et « la contraception et l’IVG libres ».

La position de Gauche sur la question est que si l’IVG doit exister, le recours à cette pratique est loin d’être anodin, et que le plus important reste de lutter contre les causes des grossesses non voulues comme celles pouvant avoir lieu durant l’adolescence, ou pouvant être dues à l’inceste, au viol…

Ici, il n’est question que de rendre cet acte 100% libre. Cela est assez représentatif du pseudo-féminisme libéral, qui n’aura jamais la capacité de libérer les femmes de l’oppression patriarcale, puisqu’il les défend en tant qu’individus libres de leurs choix subjectifs, traitant leur corps comme bon leur semble. Il s’agirait, au contraire, de les défendre pour ce qu’elles sont : des femmes, égales aux hommes, partie prenante de notre société, hier féodale et aujourd’hui capitaliste.

Tout cela constitue un programme n’ayant rien de surprenant, venant d’un tel parti : capitalisme, libéralisme à tous les niveaux, un peu de populisme et « d’écologie » pour attirer le plus de monde possible, dans la logique « au delà du clivage gauche-droite ». Cette liste représente les intérêts d’industriels, et des « startuppers » des secteurs en développement (notamment liés au numérique)… de tous ceux qui, finalement, ressentent le besoin d’une Europe protégeant leurs intérêts.

Les 30 premiers candidats de la liste en sont l’illustration : uniquement des cadres, hauts et petits fonctionnaires, notables, petits-bourgeois, un exploitant agricole… Mais pas un seul ouvrier.

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La socialiste historique Élisabeth Guigou soutient Emmanuel Macron

Figure éminente de l’histoire du Parti socialiste, Élisabeth Guigou a écrit une tribune dans une publication ultra-libérale pour annoncer son soutien à la liste pro-Macron aux élections européennes. C’est toute sa vie politique qu’elle jette aux oubliettes, et la Gauche avec.

Incroyable, il n’y a pas d’autres mots. Qu’Élisabeth Guigou décide de soutenir la liste pro-Emmanuel Macron pour les élections européennes, c’est déjà agir tel un renégat quand on a été socialiste toute sa vie. Mais en plus le faire au moyen d’une tribune dans l’organe de presse ultra-libéral l’Opinion, là on est vraiment dans l’indignité la plus complète.

Vous vous imaginez ? On parle ici de quelqu’un au Parti socialiste depuis 1973 ! Qui auparavant était au PSU avec Michel Rocard… Qui a encore parrainé la candidature de Benoît Hamon pour la présidentielle de 2017… Quelqu’un qui est au bureau national du PS, qui a été secrétaire nationale du PS chargée des questions sociales de 1995 à 1997, secrétaire nationale du PS chargée de la réforme de l’État et des collectivités territoriales de décembre 2008 à 2012…

Quelqu’un qui, en tant que socialiste, a été entre autres député, député européen, ministre déléguée aux Affaires européennes du second gouvernement de Michel Rocard, ministre de la Justice puis ministre de l’Emploi et de la Solidarité du gouvernement de Lionel Jospin…

Quelqu’un qui, en mars encore, racontait avec fierté dans Libération avoir chanté l’Internationale et Le temps des cerises à la buvette de l’Assemblée nationale…

« Une nuit, en plein examen du projet de loi sur le pacs que je présentais, il devait être 2 heures du matin et on venait de subir quatre ou cinq heures de discours de Christine Boutin. J’étais sur le banc des ministres et je suis sortie faire un tour pour souffler. J’ai entendu des rires et j’ai alors vu une vingtaine de députés de tous bords à la buvette en train de boire et de chanter le Temps des cerises ou l’Internationale, sous la houlette de Louis Mexandeau [alors député PS du Calvados]. Je me suis jointe à eux quelques minutes qui m’ont fait oublier la fatigue. »

Comment Élisabeth Guigou peut-elle alors soutenir Emmanuel Macron ? Ce qu’elle explique dans la tribune qu’elle a écrit prend comme seul justificatif, comme seul indicateur, la construction de l’Union européenne, quelque chose « sans précédent et sans équivalent dans l’histoire du monde ». C’est là un peu vite oublier la formation des États-Unis d’Amérique, de l’Union Soviétique, de l’Union Indienne, etc.

Sans compter qu’elle précise immédiatement elle-même : « Il est vrai que ce fut avec le soutien des États-Unis dans un contexte de guerre froide », ou encore « l’ordre établi après 1945 sous l’égide des États-Unis cède la place à un monde imprévisible et dangereux ». C’est là ouvertement admettre que l’Union européenne n’est pas née sur une base de Gauche… et l’accepter. C’est là le drame d’Élisabeth Guigou. Elle est passée de la Gauche politique à la gauche des institutions, l’admettant elle-même en devenant la présidente de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale (2012-2017).

Elle a abandonné la Gauche et ses idéaux, pour se poser en pragmatique de gauche au sein des institutions. C’est le même parcours que François Hollande, Lionel Jospin et tant d’autres. Voici justement comme elle dresse le catalogue de ce que propose Emmanuel Macron, où on cherchera vainement quelque chose ayant un rapport avec le Parti socialiste des origines, dont elle a fait partie :

« Les propositions d’Emmanuel Macron ont le mérite de se concentrer sur quelques priorités : la souveraineté économique, technologique, monétaire, fiscale, sociale et écologique contre la concurrence déloyale des États dominants comme celle des géants du numérique et de l’intelligence artificielle ; la transition écologique financée par une banque du climat et la sécurité sanitaire, face à certains lobbies sans foi ni loi ; la cohésion sociale sans laquelle l’UE ne serait qu’un marché sans âme ; la protection et la promotion de l’Europe de la culture, qu’ont commencé d’incarner, bien insuffisamment, Erasmus et la protection des droits d’auteur ; la maîtrise des migrations par un meilleur contrôle partagé des frontières de l’Union et une solidarité accrue entre les États membres de Schengen ; la sécurité par la lutte contre les cyberattaques, et des règles européennes contre la diffusion par Internet des discours de haine et de violence ; de nouveaux progrès vers une défense réellement autonome, associant le Royaume-Uni en dépit du Brexit, dans un Conseil européen de sécurité intérieure. »

Dans Libération en mars, Élisabeth Guigou se plaignait du manque de reconnaissance des politiques, de « la violence, le mépris et l’antiparlementarisme ambiants… ». Mais ce sont des gens comme elle qui fabriquent cela. Quand on a défend toute sa vie des idées, et qu’on les jette par-dessus bord, on déboussole, on désoriente, on dégoûte. Et voilà ce que fait Élisabeth Guigou, et rien d’autre.

Et on ne sait même pas l’intérêt pour elle de le faire. Au lieu de chercher l’honneur de la loyauté et de s’inscrire dans la reconstruction de la Gauche, qui ne lui aurait pas coûté grand-chose, elle se vend pour strictement rien auprès de personne, car tout le monde s’en moque chez Emmanuel Macron, où elle va agir en simple anecdote pro-institutionnel. C’est idiot, et en plus c’est vide !

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«Pour une renaissance européenne», la tribune politique d’Emmanuel Macron

Le président français Emmanuel Macron publie aujourd’hui une tribune dans la presse des 28 pays de l’Union européenne, après avoir été en direct sur la télévision italienne dimanche soir. C’est un positionnement « européen » très fort, qui devrait lancer les débats en vue des élections, obligeant la Gauche à rentrer dans un débat de fond.

C’est une tribune assez courte, exposant le propos tout à fait classique d’un libéral partisan de l’Union Européenne comme « grand projet » moderne. Cela représente néanmoins une affirmation politique forte, qui marque le lancement de la campagne de son parti pour les élections européennes de mai prochain, et par la même de la campagne en général en France.

Que dit Emmanuel Macron, en s’adressant à tous les Européens ? Il dit deux choses : d’une part, qu’il y a une grande crise démocratique en Europe, avec une tendance au repli qui menace les sociétés dans leur fondement même ; d’autre part, qu’il faudrait la renaissance du « projet » européen, comme fer de lance du progrès.

C’est une affirmation très claire, synthétique, palpable, cohérente par rapport à sa démarche, qui est donc sur la table. Elle existe à côté de la proposition nationaliste, dans ses différentes variantes. Cela forme une orientation générale, une vision du monde qui est proposé, et qui consiste en bien plus qu’un catalogue de revendications.

Cela pose la nécessité pour la Gauche de s’affirmer elle aussi, afin d’avoir son projet, sa vision, sur cette grande table du débat politique.

Beaucoup de choses ont été dites à Gauche, mais il s’agissait surtout de constituer des listes, ou de tenter d’en constituer. Cela fut un échec, il n’y a pas d’unité, et cela rendra d’autant plus compliqué l’expression d’une vision. C’est pourtant indispensable.

La chose est compliquée, il est vrai, surtout qu’on a vraiment l’impression que les différentes forces à Gauche n’ont rien d’autre à dire que : « oui à l’Europe, mais plus sociale et écolo ».

Le problème est qu’Emmanuel Macron dit peu ou prou la même chose, mais de manière beaucoup plus convaincante, ou en tous de manière plus conforme à ce qu’est réellement l’Union Européenne.

Il faudrait s’organiser contre les « GAFA », les géants du numérique ? Pas de problème dit-il, en proposant « une supervision européenne des grandes plateformes (sanction accélérée des atteintes à la concurrence, transparence de leurs algorithmes…) » et évoquant même la question des impôts qui ne sont pas, ou presque, payés par ces grands groupes. Il faudrait se prémunir contre les lobbies de l’agroalimentaire ? Pas de problème là encore, selon lui, puisqu’il propose une « force sanitaire européenne », ainsi qu’une « évaluation scientifique indépendante ».

Il en est de même sur le plan social, où il propose d’en finir avec ce problème des travailleurs détachés avec un « bouclier social lui garantissant la même rémunération sur le même lieu de travail ».

Emmanuel Macron va même encore plus loin sur le plan écologique avec la prétention, absolument pas crédible, d’une ambition « 0 carbone en 2050 » et d’une « division par deux des pesticides en 2025 ».

La seule différence serait en fait sur la question de l’immigration, où les gens de gauche disent globalement « toujours plus », alors qu’Emmanuel Macron a bien compris que ce discours n’est pas acceptable pour les classes populaires, et parle de régulation et de frontières qui « protègent ».

La question se pose donc pour la Gauche de savoir s’il faut se mettre à la remorque de cette « renaissance » européenne, ou bien s’il faut au contraire proposer une vision du monde propre, nouvelle, réjouissante, et surtout concrète, cohérente.

Le piège à éviter étant bien sûr celui du repli nationaliste, avec cette grande difficulté pour la Gauche qui est d’avoir un regard critique sans pour autant céder aux chauvinismes, aux « brexits », aux raccourcis populistes, etc.

Voici donc la tribune d’Emmanuel Macron :

«Pour une renaissance européenne»

Citoyens d’Europe,

Si je prends la liberté de m’adresser directement à vous, ce n’est pas seulement au nom de l’histoire et des valeurs qui nous rassemblent. C’est parce qu’il y a urgence. Dans quelques semaines, les élections européennes seront décisives pour l’avenir de notre continent.

Jamais depuis la Seconde Guerre mondiale, l’Europe n’a été aussi nécessaire. Et pourtant, jamais l’Europe n’a été autant en danger.

Le Brexit en est le symbole. Symbole de la crise de l’Europe, qui n’a pas su répondre aux besoins de protection des peuples face aux grands chocs du monde contemporain. Symbole, aussi, du piège européen. Le piège n’est pas l’appartenance à l’Union européenne ; ce sont le mensonge et l’irresponsabilité qui peuvent la détruire. Qui a dit aux Britanniques la vérité sur leur avenir après le Brexit? Qui leur a parlé de perdre l’accès au marché européen? Qui a évoqué les risques pour la paix en Irlande en revenant à la frontière du passé? Le repli nationaliste ne propose rien ; c’est un rejet sans projet. Et ce piège menace toute l’Europe: les exploiteurs de colère, soutenus par les fausses informations, promettent tout et son contraire.

Face à ces manipulations, nous devons tenir debout. Fiers et lucides. Dire d’abord ce qu’est l’Europe. C’est un succès historique: la réconciliation d’un continent dévasté, dans un projet inédit de paix, de prospérité et de liberté. Ne l’oublions jamais. Et ce projet continue à nous protéger aujourd’hui: quel pays peut agir seul face aux stratégies agressives de grandes puissances? Qui peut prétendre être souverain, seul, face aux géants du numérique? Comment résisterions-nous aux crises du capitalisme financier sans l’euro, qui est une force pour toute l’Union? L’Europe, ce sont aussi ces milliers de projets du quotidien qui ont changé le visage de nos territoires, ce lycée rénové, cette route construite, l’accès rapide à Internet qui arrive, enfin. Ce combat est un engagement de chaque jour, car l’Europe comme la paix ne sont jamais acquises. Au nom de la France, je le mène sans relâche pour faire progresser l’Europe et défendre son modèle. Nous avons montré que ce qu’on nous disait inaccessible, la création d’une défense européenne ou la protection des droits sociaux, était possible.

Mais il faut faire plus, plus vite. Car il y a l’autre piège, celui du statu quo et de la résignation. Face aux grands chocs du monde, les citoyens nous disent bien souvent: «Où est l’Europe? Que fait l’Europe?». Elle est devenue à leurs yeux un marché sans âme. Or l’Europe n’est pas qu’un marché, elle est un projet. Un marché est utile, mais il ne doit pas faire oublier la nécessité de frontières qui protègent et de valeurs qui unissent. Les nationalistes se trompent quand ils prétendent défendre notre identité dans le retrait de l’Europe ; car c’est la civilisation européenne qui nous réunit, nous libère et nous protège. Mais ceux qui ne voudraient rien changer se trompent aussi, car ils nient les peurs qui traversent nos peuples, les doutes qui minent nos démocraties. Nous sommes à un moment décisif pour notre continent ; un moment où, collectivement, nous devons réinventer politiquement, culturellement, les formes de notre civilisation dans un monde qui se transforme. C’est le moment de la Renaissance européenne. Aussi, résistant aux tentations du repli et des divisions, je vous propose de bâtir ensemble cette Renaissance autour de trois ambitions: la liberté, la protection et le progrès.

Défendre notre liberté

Le modèle européen repose sur la liberté de l’homme, la diversité des opinions, de la création. Notre liberté première est la liberté démocratique, celle de choisir nos gouvernants là où, à chaque scrutin, des puissances étrangères cherchent à peser sur nos votes. Je propose que soit créée une Agence européenne de protection des démocraties qui fournira des experts européens à chaque État membre pour protéger son processus électoral contre les cyberattaques et les manipulations. Dans cet esprit d’indépendance, nous devons aussi interdire le financement des partis politiques européens par des puissances étrangères. Nous devrons bannir d’Internet, par des règles européennes, tous les discours de haine et de violence, car le respect de l’individu est le fondement de notre civilisation de dignité.

Protéger notre continent

Fondée sur la réconciliation interne, l’Union européenne a oublié de regarder les réalités du monde. Or aucune communauté ne crée de sentiment d’appartenance si elle n’a pas des limites qu’elle protège. La frontière, c’est la liberté en sécurité. Nous devons ainsi remettre à plat l’espace Schengen: tous ceux qui veulent y participer doivent remplir des obligations de responsabilité (contrôle rigoureux des frontières) et de solidarité (une même politique d’asile, avec les mêmes règles d’accueil et de refus). Une police des frontières commune et un office européen de l’asile, des obligations strictes de contrôle, une solidarité européenne à laquelle chaque pays contribue, sous l’autorité d’un Conseil européen de sécurité intérieure: je crois, face aux migrations, à une Europe qui protège à la fois ses valeurs et ses frontières.

Les mêmes exigences doivent s’appliquer à la défense. D’importants progrès ont été réalisés depuis deux ans, mais nous devons donner un cap clair: un traité de défense et de sécurité devra définir nos obligations indispensables, en lien avec l’OTAN et nos alliés européens: augmentation des dépenses militaires, clause de défense mutuelle rendue opérationnelle, Conseil de sécurité européen associant le Royaume-Uni pour préparer nos décisions collectives.

Nos frontières doivent aussi assurer une juste concurrence. Quelle puissance au monde accepte de poursuivre ses échanges avec ceux qui ne respectent aucune de ses règles? Nous ne pouvons pas subir sans rien dire. Nous devons réformer notre politique de concurrence, refonder notre politique commerciale: sanctionner ou interdire en Europe les entreprises qui portent atteinte à nos intérêts stratégiques et nos valeurs essentielles, comme les normes environnementales, la protection des données et le juste paiement de l’impôt ; et assumer, dans les industries stratégiques et nos marchés publics, une préférence européenne comme le font nos concurrents américains ou chinois.

Retrouver l’esprit de progrès

L’Europe n’est pas une puissance de second rang. L’Europe entière est une avant-garde: elle a toujours su définir les normes du progrès. Pour cela, elle doit porter un projet de convergence plus que de concurrence: l’Europe, où a été créée la sécurité sociale, doit instaurer pour chaque travailleur, d’Est en Ouest et du Nord au Sud, un bouclier social lui garantissant la même rémunération sur le même lieu de travail, et un salaire minimum européen, adapté à chaque pays et discuté chaque année collectivement.

Renouer avec le fil du progrès, c’est aussi prendre la tête du combat écologique. Regarderons-nous nos enfants en face, si nous ne résorbons pas aussi notre dette climatique? L’Union européenne doit fixer son ambition – 0 carbone en 2050, division par deux des pesticides en 2025 – et adapter ses politiques à cette exigence: Banque européenne du climat pour financer la transition écologique ; force sanitaire européenne pour renforcer les contrôles de nos aliments ; contre la menace des lobbies, évaluation scientifique indépendante des substances dangereuses pour l’environnement et la santé… Cet impératif doit guider toute notre action: de la Banque centrale à la Commission européenne, du budget européen au plan d’investissement pour l’Europe, toutes nos institutions doivent avoir le climat pour mandat.

Le progrès et la liberté, c’est pouvoir vivre de son travail: pour créer des emplois, l’Europe doit anticiper. C’est pour cela qu’elle doit non seulement réguler les géants du numérique, en créant une supervision européenne des grandes plateformes (sanction accélérée des atteintes à la concurrence, transparence de leurs algorithmes…), mais aussi financer l’innovation en dotant le nouveau Conseil européen de l’innovation d’un budget comparable à celui des États-Unis, pour prendre la tête des nouvelles ruptures technologiques, comme l’intelligence artificielle.

Une Europe qui se projette dans le monde doit être tournée vers l’Afrique, avec laquelle nous devons nouer un pacte d’avenir. En assumant un destin commun, en soutenant son développement de manière ambitieuse et non défensive: investissement, partenariats universitaires, éducation des jeunes filles…

Liberté, protection, progrès. Nous devons bâtir sur ces piliers une Renaissance européenne. Nous ne pouvons pas laisser les nationalistes sans solution exploiter la colère des peuples. Nous ne pouvons pas être les somnambules d’une Europe amollie. Nous ne pouvons pas rester dans la routine et l’incantation. L’humanisme européen est une exigence d’action. Et partout les citoyens demandent à participer au changement. Alors d’ici la fin de l’année, avec les représentants des institutions européennes et des États, mettons en place une Conférence pour l’Europe afin de proposer tous les changements nécessaires à notre projet politique, sans tabou, pas même la révision des traités. Cette conférence devra associer des panels de citoyens, auditionner des universitaires, les partenaires sociaux, des représentants religieux et spirituels. Elle définira une feuille de route pour l’Union européenne traduisant en actions concrètes ces grandes priorités. Nous aurons des désaccords, mais vaut-il mieux une Europe figée ou une Europe qui progresse parfois à différents rythmes, en restant ouverte à tous?

Dans cette Europe, les peuples auront vraiment repris le contrôle de leur destin ; dans cette Europe, le Royaume-Uni, j’en suis sûr, trouvera toute sa place.

Citoyens d’Europe, l’impasse du Brexit est une leçon pour tous. Sortons de ce piège, donnons un sens aux élections à venir et à notre projet. A vous de décider si l’Europe, les valeurs de progrès qu’elle porte, doivent être davantage qu’une parenthèse dans l’histoire. C’est le choix que je vous propose, pour tracer ensemble le chemin d’une Renaissance européenne.