Catégories
Politique

Les défections de la liste électorale des gilets jaunes conduite par Ingrid Levavasseur

Cinq jours après avoir annoncé qu’il en serait le directeur de campagne, le gilet jaune Hayk Shahinyan a finalement quitté la liste électorale conduite par Ingrid Levavasseur pour les élections Européennes. Cette grande confusion montre l’absence de rationalité et de perspective historique d’un mouvement qui n’est qu’une agitation hystérique des classes moyenne en perte de vitesse.

Ingrid Levasseur est une figure médiatique depuis le début du mouvement des gilets jaunes, mais elle est opposée à d’autres figures comme Priscillia Ludosky ou Eric Drouet.

Ces derniers ont un positionnement plus radical, imaginant plutôt un soulèvement insurrectionnel pour faire plier les institutions. Au contraire, la liste « gilets jaunes » s’imagine pouvoir changer les institutions en s’y intégrant.

Le nom de la liste est ouvertement populiste puisqu’il reprend l’anagramme du référendum d’initiative populaire (RIC) pour devenir «Rassemblement d’initiative citoyenne». Il n’y a pas de contenu, simplement un état d’esprit « gilet jaune » avec l’idée de surfer sur la vague du mouvement en rassemblant « des gens qui ont fait cette mobilisation depuis le début sur les ronds-points ».

Cela est donc fait à la va vite, sans véritablement de sérieux dans la forme elle-même. Rien que la question pourtant primordiale du financement n’est pas réglée puisqu’il a été proposé un « crowdfunding », alors que cela n’est pas vraiment autorisé par le code électoral.

Mais, plus significatif, il y a cette démission du directeur de campagne cinq jours après l’annonce de la liste. Hayk Shahinyan a en fait cédé à la pression des gilets jaunes qui ne supportent pas cette initiative. Ses justifications en disent long sur le caractère velléitaire des gilets jaunes, qui vont loin dans la prétention mais ne sont capables de rien assumer concrètement.

Voici ce qu’il dit pour se dédouaner, avec une prétention assez hallucinante pour quelqu’un qui abandonne ses comparses en plein vol :

« Ce que l’on reproche toujours à ceux qui nous « dirigent » c’est de ne jamais reconnaître leurs erreurs, être incapables par un égo surdimensionné de faire un pas en arrière pour corriger le tir et avancer mieux, penser avec arrogance que leurs certitudes incarnent la vérité.

Penser que le « doute » est réservé aux Hommes faibles.

J’ai toujours pensé que douter, à une dose raisonnable, est un signe de sagesse et d’intelligence, se poser des questions, se remettre en question, corriger ce qui doit être corrigé.

La précipitation avec laquelle je me suis laissé emporter dans une configuration différente de ce que je prônais depuis des semaines, suivie de la blessure grave de Jérôme que je connais et pour qui j’ai beaucoup de respect et l’accumulation des blessés graves, l’approche de la grève générale illimitée dont l’appel fut lancé, la certitude que quelque chose de structuré doit pourtant naître de tout cela, sous une forme ou sous une autre, l’approche d’une échéance électorale qui peut constituer une opportunité si elle est préparée de manière intelligente, la sortie prochaine de la période hivernale qui pourrait voir la mobilisation s’intensifier d’avantage, la fin du grand débat et les déceptions évidentes qui vont suivre et pourraient renforcer la mobilisation, et bien d’autres paramètres encore créent le doute.

Celles et ceux qui affirment avec certitude détenir LA solution, je m’en méfie toujours, je préfère ceux qui réfléchissent objectivement et calmement sans crier des affirmations en permanence.

J’ai pris la décision de me retirer de toutes mes activités, revenir à Lyon, et prendre une semaine pour analyser, réfléchir, préparer des propositions, et prendre du recul.

J’ai toujours été et je serai toujours un homme libre, que cela plaise ou non.

Je ne lâcherai pas le combat. Jamais.
Mais je dois retrouver du recul. »

Ces propos sont lamentables tellement ce n’est pas sérieux. On a là quelqu’un qui devait cinq jours avant diriger la campagne d’une liste promise à un grand écho médiatique, qui explique en fait que tout cela a été fait dans la précipitation et que peut-être bien qu’il va se passer autre chose de mieux autrement ! Il parle d’ailleurs d’une hypothétique grande grève générale, un mythe typiquement syndicaliste, alors que la liste qu’il devait diriger a en quatrième position un chef d’entreprise, ce qui est complètement antinomique.

Ce chef d’entreprise d’ailleurs, Frederic Mestdjian, qui reste sur la liste, le défend pourtant malgré sa défection. Il explique que « Hayk a besoin d’un peu de temps pour lui», précisant qu’il avait tout laissé de côté sur le plan professionnel et qu’il a des « échéances administratives ».

Tout cela n’a aucun sens et en dit long sur cette grande catastrophe politico-culturelle qu’est le mouvement des gilets jaunes. Cela part dans tous les sens, tout et n’importe quoi y est raconté sans que cela n’ait aucune valeur.

Notons également la défection de celui qui devait être en huitième position sur la liste, Marc Doyer. Il part pour ne pas nuire au projet suite aux critiques à propos du fait qu’il avait été candidat à l’investiture La République en marche (LaREM) aux législatives de 2017. Ce gilet jaune est donc un « déçu » d’Emmanuel Macron, qui passe d’un bord à l’autre, d’un populisme à un autre, sans aucune constance, sans aucune cohérence.

C’est typique, absolument typique, et il faut bien comprendre de toute façon que le gouvernement d’Emmanuel Macron voit d’un très bon œil cette liste gilets jaunes, tant pour affaiblir son opposition que comme moyen d’empêcher toute expression rationnelle, toute critique s’inscrivant dans la lutte des classes.

La Gauche française a ici une grande responsabilité, car en se retrouvant isolée, divisée, affaiblie, elle offre un boulevard pour ce type de démarche et cette grande confusion sociale.

Catégories
Politique

« Mon européenne » de Saez, une contribution très utile

La chanson « Mon Européenne » (mars 2017) du chanteur alternatif Saez exprime très bien l’état d’esprit des gens de gauche à propos de l’Europe. C’est une contribution très utile, alors que les élections européennes qui auront lieu fin mai 2019 posent un vrai problème à cause du nationalisme.

Saez est un chanteur très sympathique qui produit depuis de nombreuses années un rock alternatif de qualité, tantôt punk rock, guitare sèche ou piano/voix. Il connaît un grand succès mais n’a jamais renié ses principes et ne s’est soumis aux circuits commerciaux.

Il chante systématiquement la jeunesse et la classe ouvrière, défend l’humanité universelle sans renier l’héritage culturel français, hait le racisme et la bêtise humaine sans jamais tomber dans la mièvrerie catho ou les bons sentiments bourgeois. Il assume « notre mère la Terre » et fais part d’une grande sensibilité, comme avec son très saisissant et progressiste « Les enfants du Paradis » qui pleure les attentats de novembre 2015 à Paris.

Son « Européenne » porte quelque chose de populaire qu’on apprécie forcément quand on veut changer la vie sans se résigner à la société de consommation. Elle est « j’t’emmerde avec ta thune », « c’est pas la Bruxelles », « elle est ouvrière licenciée, non c’est pas la fille du progrès ».

Ce n’est clairement pas l’Union Européenne, car forcément quand on a des exigences sociales, on n’aime pas ce grand marché commun capitaliste. Cependant, on apprécie l’ouverture culturelle ; les populistes faisant du rejet de l’Union Européenne un thème mobilisateur font donc froid dans le dos.

C’est pour cela que l’« Européenne » de Saez ne veut pas du nationalisme :

« Elle a pas vraiment de frontières
Son corps c’est la planète entière
N’en déplaise au peuple bourgeois
Tu sais mon Européenne à moi »

Mais ce n’est pas non-plus un cosmopolitisme libéral, celui d’un Raphaël Glucksmann qui a eu, si l’on peut dire, le mérite d’assumer cet horrible fait : « Quand je vais à New-York ou à Berlin, je me sens plus chez moi, a priori, culturellement, que quand je me rends en Picardie ».

Au contraire, l’« Européenne » de Saez est ancrée dans l’histoire :

« Elle est accordéon sanglot
Elle est accorde-moi un tango
Elle est destin des origines
Elle est racine gréco-latine »

« Elle a des airs de statue grecque
Elle a des airs des Italies
Qu’on dirait Paris à Venise
Qu’on dirait Namur aux Marquises
C’est Gauguin qui peint la terre
Comme un pinceau vous dit mon frère »

De manière générale, jusqu’à récemment, il suffisait pour les gens à Gauche de critiquer les traités libéraux de l’Union Européenne tout en appréciant l’ouverture des frontières et la facilité des échanges culturels. C’était facile, consommateur, opportuniste, et finalement tout à fait conforme au libéralisme instigué par les classes dirigeantes ayant lancé ce grand marché commun.

Le problème est que les populistes ont, qu’on le veuille ou non, mis ce problème du libéralisme sur la table. Ils l’ont bien-sûr fait dans un sens nationaliste, prônant le repli comme avec le Brexit qui n’est qu’un moyen pour la bourgeoisie britannique d’emmener avec elle le peuple vers la guerre.

Le rejet populiste de l’Union Européenne est donc un piège et il s’agit de ne pas tomber dedans.

Faut-il à rebours, pour éviter ce piège, défendre unilatéralement l’Union Européenne, comme le fait un Ian Brossat du PCF ou encore le mouvement de Benoît Hamon dont une cadre députée européenne peut expliquer en réunion publique qu’elle est pour la dilution de la France dans un État européen ?

On imagine que non, car ce serait là suicidaire, impossible à assumer pour la classe ouvrière. Mais il faut en tous cas avoir une position, et pour cela il faut une vision, des valeurs claires. La chanson « Mon Européenne » de Saez n’est bien évidemment pas une position politique, mais c’est une vision du monde, utile pour essayer d’y voir clair et d’élaborer une position, alors que les élections européennes vont être un moment très compliqué pour les personnes progressistes, pour la Gauche.

Catégories
Politique

Européennes : la liste de Benoît Hamon est-elle vraiment « la seule de gauche » ?

Benoît Hamon a déclaré sur France Inter que seule la liste de Génération-s devrait être considérée comme de gauche aux prochaines élections Européennes. C’est là doublement faux : d’abord, parce que ce n’est pas là aller dans une démarche unitaire à Gauche… Ensuite, parce que Génération-s est tout aussi postindustriel, postmoderne que La France Insoumise.

Ce que les gens de Gauche doivent comprendre, c’est qu’il faut arrêter de faire les malins. Aux prochaines élections Européennes, on sait déjà que l’extrême-droite va frapper fort, en surfant logiquement sur le populisme des gilets jaunes. Quand à la Gauche, elle risque de se faire démolir, et ce n’est pas une bonne nouvelle. Même si on n’apprécie pas la Gauche participant aux élections, il n’est pas nécessaire d’être devin pour comprendre les conséquences que cela aurait.

Rappelons que les sondages donnent pour l’instant 2,5 % à Génération-s, autant au PCF, 6,5 % à Europe Écologie Les Verts, 4 % au PS et 9,5% à La France Insoumise. Même si l’on ajoute le NPA et Lutte Ouvrière, cela ne fait pas lourd, surtout si Marine Le Pen fait autant que tout le monde à elle toute seule.

Benoît Hamon a donc tort d’appeler à voter Génération-s en disant que c’est la seule liste de gauche. Même si c’était vrai, il aurait tort, car c’est l’unité qui doit primer, afin de faire revivre les réseaux de Gauche, qu’il y ait un renouveau d’idées, d’actions. Dire plusieurs mois avant les élections qu’il n’y a que soi, dans un contexte comme le nôtre, ce n’est pas une bonne chose.

On peut d’ailleurs prêter des arrières-pensées à Benoît Hamon à ce sujet. Car s’il est sympathique, il n’en a pas moins été formé à la technique éprouvée des « coups tactiques » de l’aile droite du Parti Socialiste dont il est issu, les « rockys » (pour rocardiens). Et en accusant les autres de manière opportune, il se dédouane de ses propres turpitudes.

Voici ce qu’il a dit en effet hier sur France Inter :

« La liste que je porterai sera la seule liste de gauche. »

« Aujourd’hui, avec les citoyens qui se retrouvent dans cette liste, nous reprenons le drapeau de la Gauche qui est à terre, il a été suffisamment piétiné. »

« Qui peut se revendiquer aujourd’hui comme une liste de gauche ? Les socialistes ? Ils proposent de continuer la coalition avec la droite européenne, cette coalition qui a amené à ce que l’Europe soit dans l’impasse. Jean-Luc Mélenchon ? Il renonce à l’idée même de Gauche au nom d’une stratégie qui vise à unifier le peuple contre l’oligarchie. Les Verts ? Ils reviennent aux thèses qu’on a connues il y a quelques décennies du ni Droite ni Gauche. »

« Si vous êtes de gauche, écologiste et européen, vous aurez une liste pour laquelle voter entre les libéraux et les souverainistes ou nationalistes de tout poil. »

« Nous ne serons pas seuls et j’espère bien que de l’écologie, du communisme, du socialisme, d’autres nous rejoindront. »

Benoît Hamon maintient le clivage droite-gauche : tant mieux. Mais pourquoi appeler les gens de l’écologie, du communisme, du socialisme, à le rejoindre, au lieu d’appeler à l’unité, ou bien inversement de les rejoindre ? Et rien qu’en utilisant le terme de « socialiste », le PS n’est-il pas finalement plus ancré à Gauche que Benoît Hamon ?

La Gauche dispose bien en effet de grands principes, au-delà des (grandes) différences : la référence au mouvement ouvrier, à la social-démocratie de la fin du 19e siècle et aux luttes syndicales, au Front Populaire, à la Résistance.

> Lire également : Benoît Hamon : Johnny Hallyday ou les Sisters of mercy?

On ne trouve rien de tout cela chez Génération-s, pour qui le mot socialiste est tabou et dont le seul projet social revendiqué est l’Union Européenne dans une version sociale et écologiste. Le résultat en est que le seul thème où Génération-s est hyperactif est celui des migrants, avec un soutien total à l’ultra-libéralisme politique sur ce thème. La base sociale des gens de Génération-s, dont les adhérents peuvent être tout à fait sympathiques au demeurant, est d’ailleurs entièrement étrangère aux couches populaires.

Benoît Hamon a donc doublement tort : tort de ne pas vouloir l’unité, tort de s’imaginer qu’il a catalysé toutes les valeurs de la Gauche dans son mouvement. Être sectaire quand on a raison est dommageable, même s’il y a une part de vérité. Mais être sectaire quand on a tort qui plus est, est contre-productif.

Et au-delà, vu l’état des forces, c’est irréaliste. Il faut être conscient d’une chose qui va être évidente : s’il y a dispersion, alors c’est le Parti socialiste qui seul s’en sortira, de par ses réseaux d’élus, ses cadres, son incrustation dans les institutions. Il ne faudra pas alors pleurer qu’on n’a quasiment pas de Gauche et que la seule qu’on ait c’est le PS !

Catégories
Politique

Le chaos du vote sur l’accord de Brexit

Le Parlement britannique a massivement rejeté hier soir l’accord négocié par Theresa May avec l’Union Européenne pour organiser le Brexit, alors qu’il ne reste que quelques semaines avant l’échéance du 29 mars. Comment un tel chaos est-il possible alors que ce qui se passe est d’une très grande importance sociale, culturelle, et bien sûr économique ? Ce qui se révèle ici, c’est la quête exacerbée de chaque pays à tirer les marrons du feu, c’est-à-dire le renforcement du nationalisme.

Le chef de l’opposition travailliste Jeremy Corbyn a parlé d’une « défaite catastrophique » pour le gouvernement de Theresa May, la « plus grande depuis les années 1920 ». Le vote avait en effet été reporté depuis le 11 décembre pour éviter un tel camouflet. Il était considéré qu’à moins de 100 voix d’écart entre les pour et les contre, la ministre aurait une marge de manœuvre pour renégocier avec l’Union Européenne, mais il y a eu 230 voix d’écart.

Le résultat du vote était attendu tellement la situation est tumultueuse au Royaume-Unis, la seule question était celle de l’ampleur de ce rejet. Celui-ci fut donc très grand, avec 432 voix contre et seulement 202 voix pour, ce qui plonge le pays dans une grande instabilité.

Ce rejet massif relève lui-même d’une grande confusion, car les votes contre ont exprimé des opinions diverses, soit pour dire qu’il ne fallait pas d’accord du tout, soit pour dire qu’il fallait rester dans l’Europe, avec bien-sûr toutes les nuances intermédiaires.

C’est là quelque chose de très chaotique et le bon sens voudrait qu’on procède à un nouveau référendum pour savoir si vraiment il y a une majorité pour le Brexit dans le pays. Cependant, les énormes conflits d’intérêts économiques existant au sein des couches sociales dominantes britanniques empêchent toute rationalité.

Cette proposition d’accord était d’ailleurs elle-même très irrationnelle, parce qu’inacceptable par nature pour un pays. Elle consistait pour le Royaume-Unis, de fait, à garder les règles européennes tout en perdant son pouvoir de décision vis-à-vis des pays membres de plein droit. C’était un bricolage pour faire face à l’urgence, pour tenter de gérer une situation ingérable au vu des différentes contradictions que posent cette sortie de l’Union Européenne.

Il faut bien se douter en effet de l’importance d’un vrai problème de fond, pour que l’une des principales puissances mondiales ne sache pas à ce point si elle veut être ou non dans l’Union Européenne. Il y a au sein des couches dominantes britanniques des partisans d’une alliance avec les États-Unis, d’autres d’un repli sur le Commonwealth, enfin encore d’autres d’une ouverture à l’Union Européenne, sans parler des différentes variantes plus ou moins intermédiaires entre ces options.

On ne sait pas trop qui a le dessus et l’Union Européenne elle-même aimerait bien le savoir, pour savoir si elle doit laisser ouverte la porte, si elle doit la fermer lentement ou carrément brutalement. En clair, avec les événements d’hier soir, puisqu’il n’y a pas d’accord, on peut même imaginer que le Brexit soit repoussé jusqu’aux élections du printemps… à moins que les frontières soient subitement reformées de manière stricte dès le 29 mars avec un « hard-Brexit » !

La question des frontières est d’ailleurs un grand problème ayant empêché tout accord cohérent puisque la question de l’Irlande est très complexe. S’il n’y a plus l’Union Européenne, alors il faut d’une manière ou d’une autre une frontière physique, et donc une frontière terrestre entre l’Irlande du Nord et l’Irlande, qui entend de son côté plus que jamais rester dans l’Union Européenne. Sauf que personne n’imagine concrètement une telle frontière, même chez les plus ardents partisans du Brexit, cela d’autant plus que la question nationale irlandaise est encore très brûlante.

Il est évident qu’aucun décideur économique ne peut apprécier une telle situation, sans parler des gens normaux pour qui tout cela est très troublant. La société britannique ne peut qu’en être par ailleurs profondément tourmentée et divisée. Cela renforce l’ambiance anxiogène mondiale qui, avec Trump, Poutine, Erdogan, etc., n’en avait pas besoin.

Mais c’est malheureusement le sens de l’histoire. La Gauche n’a pas écrasé les forces faisant de la guerre un moyen de solution aux problèmes économiques et sociaux. On a beaucoup parlé du racisme comme vecteur d’une régression culturelle et sociale. Cela est juste, mais cela n’est jamais qu’une composante de la pratique de « diviser pour régner » allant de pair avec le principe comme quoi c’est par la guerre que se résolvent finalement tous les problèmes.

La mobilisation de la population vers de fausses solutions est un levier classique pour profiter d’énergies souvent sincères et aller plus efficacement dans le sens de la confrontation économique, politique, militaire. La question du Brexit, c’est évident, ne peut être comprise que dans son rapport avec la notion de guerre, de nationalisme, de bataille pour le repartage du monde.

Il faut souligner ici, pour ce qui nous concerne en France, le rôle absolument néfaste d’un Jean-Luc Mélenchon qui s’est empressé de saluer le résultat du vote :

« Accord Brexit rejeté à la chambre des Communes. L’Union européenne décompose les gouvernements qui pactisent avec elle »

« Le pire accord de libre-échange jamais accepté par la France vient d’être battu au Parlement anglais : pas de regrets »

Lui dont le succès est issu d’une vague de fond nationaliste ayant suivit le référendum sur la Constitution européenne en 2005, participe directement de ce climat délétère, voir franchement nauséabond, tendant à la guerre.

Catégories
Politique

Ian Brossat du PCF et la défense de l’Union européenne

Ian Brossat sera le chef de file du PCF pour les prochaines élections européennes avec une position social-libérale qui n’est pas celle de la classe ouvrière. Sa ligne est de défendre l’Union européenne en expliquant que celle-ci pourrait être différente, plus sociale et moins libérale, avec un accent mis sur la défense de l’immigration.

L’Union européenne, c’est un grand marché organisé par des capitalistes pour faire du capitalisme, qui s’est structuré avec des institutions antidémocratiques. Si la Gauche n’avait pas autant abandonné la classe ouvrière, il serait impossible pour elle de ne pas rejeter franchement un tel projet.

Ian Brossat représente un tel recul de la culture ouvrière du PCF que sa position consiste aujourd’hui à carrément défendre l’Union européenne.

Lors d’un passage à la radio, il a exprimé cela de manière très nette :

« Je ne suis pas favorable à une sortie de l’Union européenne, mais je suis favorable à ce que l’Europe porte autre chose qu’une politique libérale. »

Il n’y a pourtant aucune raison pour la Gauche de ne pas vouloir sortir de l’Union européenne. C’est même relativement un détail dans le cadre d’une conquête d’un pouvoir démocratique et populaire, tellement c’est évident qu’il faut faire complètement autre chose.

La classe ouvrière a résolu depuis très longtemps cette question : la lutte et la conquête du pouvoir ont lieu dans le cadre national, mais la bataille doit s’organiser au niveau international. Il n’a jamais été question de s’organiser conformément aux alliances conclues entre les classes dirigeantes des différents pays.

Assumer de manière unilatérale le thème de l’« Europe », c’est par définition trahir l’internationalisme ouvrier. Il n’y a absolument aucune raison pour la Gauche de se lier moins au peuple algérien, qui ne fait pas partie de l’« Europe », qu’au peuple néerlandais, par exemple.

A moins bien entendu de n’être qu’un outil pour valoriser le capitalisme à visage humain, qui serait tellement idéal que tout le monde devrait venir y vivre… Ian Brossat correspond entièrement à cela, pour sa version parisienne. Jamais Paris ne s’est aussi embourgeoisé que ces dernières années, mais Ian Brossat est là pour maintenir la fiction d’un Paris engagé, populaire, écologiste, etc.

Le problème qui s’est posé à la Gauche cependant, c’est qu’il existe une tendance dans les classes dirigeantes qui rejette l’Union européenne, en affirmant le nationalisme.

Pour ne pas être mêlée à cette tendance, la plupart des forces de Gauche, dont le PCF, ont alors adopté une position très mesurée sur la question, en critiquant les traités européens, mais en prônant de manière floue une « Europe » qui pourrait être autre chose.

On a alors eu des positions alambiquées critiquant les institutions européennes, les textes européens, les pratiques de l’Union européenne, mais ne tranchant jamais la question de manière ferme et internationaliste.

Les libéraux en ont profité pour pas été capable de boycotter le referendum et s’est laissée imposer un thème qui n’est pas le sien. C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre la position du Parti Commumener une intense bataille idéologique sur la question de l’« Europe » et en faire un horizon indispensable pour tous ceux qui ne seraient pas réactionnaires. C’est la ligne d’Emmanuel Macron. Ian Brossat en est une force d’appoint.

Car un moment clef dans l’histoire politique de notre pays a été le référendum sur la Constitution européenne en 2005. La Gauche s’est retrouvée prise au piège, accablée par les modernistes pro-« Europe » d’un côté et torpillée par les populistes anti-« Europe » de l’autre. Qu’elle appelle à voter « oui » ou « non », elle renforçait forcément l’une ou l’autre des tendances.

La Gauche n’a pas été capable de boycotter le referendum et s’est laissée imposer un thème qui n’est pas le sien. C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre la position du PCF aux élections européennes de 2019 avec sa liste menée par Ian Brossat.

En tant que tel, ce n’est pas nouveau pour le PCF de dire qu’il faudrait une autre « Europe ». Le parti a même déjà été très loin dans cette position, en proposant en 2014 un projet de « refondation » de l’Union européenne très élaboré.

Cependant, jamais il n’a exprimé directement un attachement à l’Union européenne telle quelle. Parler de « refondation » ou dire ne pas être favorable à une sortie, ce n’est pas exactement la même chose.

Lors de l’université d’été du PCF à Angers, sur une vidéo diffusée en direct par un membre, le chef de file aux futures élections expliquait de manière plus précise sa position :

« Si le débat se résume à ça, nous ne pouvons pas nous situer dans une alternative qui serait une alternative entre “pro” et “anti” européens parce que très concrètement, si être “pro” européen c’est être favorable à l’ensemble des traités qui régissent l’Union européenne, évidemment que nous ne sommes pas européens, mais si être “anti” européen c’est être favorable au repli national, nous ne sommes pas favorables au repli national.

De la même manière, si être partisan de l’ouverture, c’est être partisan du libre échange généralisé conduisant à faire rentrer au sein de l’Union européenne n’importe quel produit réalisé n’importe comment à n’importe quelle condition sociale et environnementale, nous ne sommes pas favorables à ça.

Mais si être partisan de la fermeture cela signifie rejeter l’accueil des migrants, évidemment que nous sommes partisans de l’ouverture, bien au contraire.

Donc, la question qui nous est posée c’est bien de faire exploser ce faux clivage qu’on cherche à nous imposer à l’occasion de cette bataille des élections européennes.

D’ailleurs, quand on s’y pose quelques instants, cette opposition est en réalité une gigantesque arnaque. Quand on regarde le fond, ils nous disent qu’il y aurait une opposition qui structurait tout entre “pro” et “anti” européens, mais enfin, quand même !”

Une telle position, qui est une justification de sa défense de l’Union européenne, passe évidemment très mal à la base du Parti Communiste Français et provoque de nombreuses tensions.

En fait, le PCF se retrouve avec Ian Brossat dépourvu d’une expression propre. Car ce qu’il dit ne consiste ni plus ni moins qu’en la position sociale-libérale traditionnelle du Parti socialiste.

Cela n’est pas étonnant de part ses fonctions puisqu’il baigne totalement dans ce milieu avec ses responsabilités à la Mairie de Paris. Quand il évoque l’élection de Bertrand Delanoë en 2001, il dit tout naturellement « on », c’est-à-dire qu’il fait partie intégrante de cette dynamique dont Anne Hidalgo est aujourd’hui l’héritière, et dont il est un porte-parole.

Il s’agit là d’une grande métropole d’un pays riches qui, comme d’autres dans le monde, se sont choisi des maires « modernes » et « ouvert d’esprit », qui se sentent à l’étroit dans les frontières nationales et font de la libre circulation des personnes un thème primordial.

Ian Brossat est lui-même un habitant de Montmartre, le quartier bourgeois-bohème de Paris par excellence. Il est « ouvert d’esprit », et d’ailleurs il explique qu’il trouve cela très bien qu’il y ait un foyer de migrants à côté de chez lui.

C’est pour cela qu’il précisait à la radio sur RMC que, bien qu’il soit contre les politiques de travailleurs détachés, « Ça ne veut pas dire qu’on ne doit pas venir. » Et il ajoutait :

« Moi ça ne me dérange pas qu’il y ai des gens de toutes nationalités qui travaillent dans nos champs. Mais ils travaillent avec un contrat français. »

On a là une expression libérale typique, dans une forme « light », mais néanmoins anti-ouvrière. C’est-à-dire qu’il souhaite faire venir de la main-d’œuvre étrangère pour faire dans les champs le « sale boulot » que les travailleurs français n’acceptent plus de faire sans rien dire.

Cela en dit long sur l’état de déliquescence de la Gauche française.