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La vague nationaliste en Europe

Si l’on regarde les résultats de ces élections européennes dans leur globalité, le constat est flagrant : les nationalistes réalisent un percée générale sur le continent. Les députés d’extrême-droite seraient 115 au Parlement européen, soit trois fois plus que pour la dernière mandature.

Les commentaires sont nombreux sur les résultats des élections européennes. Parmi les plus courants, il y a celui comme quoi la vague d’extrême-droite aurait, finalement, été moins forte que prévue. Sur 28 pays qui se rendaient aux urnes, ce ne sont « que » six d’entre eux qui placent une formation nationaliste en tête, dont la France.

La vague semble ainsi stoppée et la poussée écologiste forme un écran de fumée sur une réalité bien plus grave. En effet, il y a une tendance de fond qui devrait être analysée comme le fait principal pour la Gauche.

En Finlande par exemple, il est parlé de la percée des écologistes. Il est vrai que les Verts passent de 14 % en 2014 à 16 % en 2019. Mais, avec comme ailleurs un regain de participation (43 %), le fait que le parti des « vrais Finlandais » ait obtenu 14 % (contre 12 % en 2014) a de quoi alerter. Les « Vrais finlandais » avaient déjà réussi à obtenir 39 députés au parlement lors des élections législatives d’avril.

La situation est bien plus avancée dans de nombreux autres pays, avec une extrême-droite ayant acquis une position hégémonique.

En Grande-Bretagne, l’option nationaliste s’est concentrée sur le Brexit et portait carrément le nom de Brexit Party. Cette liste a recueilli 31,6 % des suffrages contre 14 % pour les travaillistes sur fond d’abstention élevée (63 %). C’est un coup de vis donné aux intérêts nationalistes et aux élans guerriers.

Paralysée, la société civile anglaise se réfugie dans une abstention stérile alors qu’à la fin mars, ce n’était pas moins d’un million de personnes qui défilaient à Londres pour exiger un nouveau référendum sur le Brexit. Malgré une protestation écologique naissante avec le médiatique mouvement « Extinction Rebellion », les verts anglais ne réunissent que 11 % des voix, ce qui est plus faible qu’en France.

Avec ce nouveau score très favorable pour le Brexit, il y a là un aiguisement des rapports de forces avec une probable sortie sans accords de l’Union Européenne. Cela ne peut que renforcer la tension internationale générale, et il faut penser ici en particulier à la situation de Gribaltar, l’enclave britannique qualifiée de colonie par l’Espagne et depuis récemment par le Parlement européen.

De la même manière en Italie, la Liga obtient 33 % alors qu’elle en rassemblait seulement 6 % en 2014… Son allié populiste, le « Mouvement 5 étoiles », ne recueille que 17 % des suffrages et la véritable Gauche se retrouve loin derrière, écrasée et broyée. La coalition de gauche Coal La Sinistra n’atteint que 1,74 % et le reste de la Gauche italienne s’est faite torpillée par les libéraux-centriste du Partito Democratico, qui siège avec les socialistes européens.

C’est comme si tout était a refaire, car finalement les leçons du passé n’ont pas été comprises. Pourtant, s’il y a une leçon à retenir de la tradition antifasciste, c’est bien que l’arrivée d’une force nationaliste au pouvoir n’est pas l’expression passagère d’une « crise ». Elle est surtout, et essentiellement, une expression profonde de l’état dysfonctionnel du capitalisme en route vers le repli chauvin à l’intérieur et la guerre ouverte à l’extérieure pour se relancer. C’est pour cela qu’il trouve un appui solide dans la société et pas simplement dans l’« élite ».

Le cas de la victoire triomphante de la Liga aux élections européennes de 2019 en Italie en est une nouvelle illustration, et cela ne présage vraiment rien de bon…

Et que dire de la situation polonaise où le parti « Droit & Justice », ultra-conservateurs et complaisants avec les forces néonazies, a obtenu 45, 4 % des suffrages ? Pourtant dans ce pays, une très large alliance entre libéraux, conservateurs, verts, et sociaux-démocrates s’était bâtie pour empêcher son triomphe. Ce fut peine perdue puisque cette coalition obtient seulement 38,5 % des voix, alors même que l’augmentation de la participation des polonais a été spectaculaire (45,7 % contre 23, 8 % en 2014…) En Hongrie, le parti réactionnaire du premier ministre Victor Orban a obtenu 52 % des voix (51 % en 2014), avec 35 points d’avance sur le parti libéral en seconde position. Le Parti socialiste hongrois, allié aux Verts, n’obtient que 6,66 % des suffrages.

En Autriche, la Droite, qui avait placé depuis décembre 2017 un ministre d’extrême-droite au ministère de l’intérieur (tout récemment démis de ses fonctions), arrive largement en tête avec 10 points de plus que le SPÖ qui obtient 23,40 % des voix. Le FPÖ, l’extrême-droite, qui s’émancipe de plus en plus de la Droite, est en faction juste derrière avec un score important de 17,20 %.

C’est la déroute en Grèce pour la coalition de gauche « radicale » SIRIZA d’Alexis Tsipras qui a fait campagne « contre l’extrême droite » et « pour un front progressiste ». La Droite, qui a mobilisé de manière nationaliste en s’opposant à l’accord de reconnaissance de la Macédoine du Nord, arrive en tête des élections européennes avec 10 points d’écart et fait aussi un carton aux élections municipales et régionales qui avaient lieu en même temps.

Il faut parler de la Belgique également où c’est la division avec d’un côté l’extrême-droite qui fait un carton en Flandre et de l’autre la Gauche qui se maintient en Wallonie et arrive en tête du scrutin du collège francophone (avec 26,69 % pour le Parti socialiste et 14,59 % pour le Parti du travail de Belgique).

On est donc bien loin d’un essoufflement des nationalistes. Cela d’autant plus que dans les pays où cette force dirige ou domine la vie politique, elle est écrase les autres forces à plate couture.

Comment pourrait-il en être autrement ? C’est la tendance à la guerre qui s’exprime, et s’est une fois de plus renforcée ce dimanche 26 mai en Europe. La Gauche va devoir se ressaisir en assumant le Socialisme et une identité antifasciste, anti-guerre, à la hauteur de l’époque.

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Des socialistes anglais, espagnols, allemands, autrichiens… mais pas français, pourquoi ?

Pourquoi la social-démocratie est-elle encore si puissante en Allemagne, en Angleterre, en Espagne, en Autriche ? Parce que dans ces pays, la social-démocratie a été un mouvement de masse à l’origine. Elle est ancrée dans la population. Il n’y a jamais eu rien de tel en France.

Il faut bien une explication ! Pourquoi le Parti socialiste est-il si faible ? Parce qu’il a participé au gouvernement, qu’il est corrompu ! Allons donc ! En Allemagne et en Autriche, les socialistes participent aux institutions depuis 1945, ont formé d’innombrables gouvernements d’alliance avec la Droite. Ils sont pourtant toujours là ! En Angleterre, le Labour a été au pouvoir plusieurs fois, et Tony Blair était encore plus libéral que François Hollande. En Espagne, le PSOE a toujours plus trahi ses traditions aussi. Et il existe encore, puissant !

Non, la réponse ne peut pas être la corruption de la direction, la participation au gouvernement. Car une direction, cela se change, une orientation, cela se modifie. Mais justement, en Allemagne, en Angleterre, en Autriche, en Espagne, il y a une base pour impulser ce changement, pour le forcer. En France, il n’y a pas cela. Et cela s’explique par des raisons multiples.

Primo, le Parti socialiste n’a jamais atteint une réelle base de masse, il a toujours été un petit parti électoral avec beaucoup de voix, et ce déjà à l’époque de Jean Jaurès. Par contre, en Allemagne et en Autriche c’était un vaste mouvement politique marxiste qui faisait le choix de participer aux élections (et de former des syndicats). En Angleterre, c’était un mouvement syndical qui a fait le choix d’établir un parti politique et de participer aux élections pour gagner de l’espace pour ses revendications. En Espagne, ce fut un mouvement de masse également, avec une histoire plus tortueuse.

Secundo, les traditions historiques jouent. Les socialistes se sont donnés comme naissance historique le congrès d’Epinay, fusion organisé par François Mitterrand de plusieurs courants socialistes, dans les années 1970. Cela ne peut pas suffire. Les socialistes allemands, anglais, autrichiens, espagnols, assument eux un siècle de mouvement. Et vues les histoires tourmentées de l’Espagne, de l’Autriche, de l’Allemagne, forcément, assumer l’identité socialiste, cela pèse.

Tertio, même lorsqu’il y a eu des références au-delà des années 1970, les socialistes n’ont rien pu en faire. Léon Blum ? Ouvertement marxiste, pas possible. Jean Jaurès ? Parfait car mélangeant tout de manière confuse mais avec un grand lyrisme, et pourtant par là même inutilisable. Les autres ? Tous aussi confus, tous incapables de formuler une doctrine.

Restèrent donc les grandes personnalités. Les François Mitterrand, Michel Rocard, Lionel Jospin, ou même François Hollande. Des gens avec de la culture, de la prestance, de l’ambition mais politique, bien cadré, bien posé. Ce sont des gens qui sentent les choses, qui portent les événements, qui comprennent, et qu’on comprend, cette chose si rare en politique. Oui, mais tout cela n’a rien de spécifiquement socialiste comme approche, et une fois les types partis, que reste-t-il ? Pas grand-chose, au mieux, des décombres, au pire.

Il ne reste plus qu’à reconstruire par en bas, donc. Mais avec quelle base ? Le Parti socialiste a eu ces dernières années une base où les entrepreneurs prenaient une place toujours plus importante. À part certaines sections, l’embourgeoisement était flagrant. Ces gens-là sont partis, évidemment. Et les autres aussi ! Il n’y a pas eu la fierté d’être socialiste, de maintenir le drapeau. Même les derniers volontaires ont quitté le navire, allant avec Benoît Hamon faire autre chose ou bien parasiter Jean-Luc Mélenchon en attendant mieux.

C’est que le Parti socialiste était un parti comme les autres. Ce n’est pas le cas des partis sociaux-démocrates d’Allemagne, d’Angleterre, d’Autriche et d’Espagne. Cela ne veut pas dire qu’ils ne peuvent pas s’effondrer, s’enliser, échouer. Mais eux ont une histoire, alors que le Parti socialiste a montré qu’il n’aura été qu’un appareil électoral ou bien gouvernemental.

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Le dirigeant des Jeunesses socialistes d’Allemagne parle de collectivisation et de Socialisme

Au moyen d’une simple interview, le dirigeant des Jeunesses socialistes d’Allemagne Kevin Kühnert a provoqué une onde de choc politique en utilisant des termes tabous. La Droite est vent debout contre le projet social-démocrate réactivé de collectivisation partielle de l’économie, dans une sorte de fusion forcée capital-travail.

« Qu’est-ce que le Socialisme pour vous, Kevin Kühnert ? » Avec cette question en titre de son interview placé à la page 8 de sa parution du deux mai, le quotidien allemand Die Zeit savait très bien qu’une petite tempête politique allait traverser l’Allemagne. Cela n’a pas manqué. Imaginez ! Le lendemain du premier mai, il est parlé ouvertement de Socialisme, de nationaliser BMW !

C’est que le chef des Jeunesses socialistes a un point de vue bien arrêté, comme en témoigne sa position sur la nationalisation des grandes entreprises propriétaires d’appartements à Berlin. Et il est très populaire. Il fait un grand tour d’Allemagne dans le cadre des élections européennes et est très apprécié par la base du SPD. Il est considéré qu’avec lui, il y a un retour aux sources.

Dans l’interview, composée de 24 questions, Kevin Kühnert y va franco. En expliquant par exemple, que le Socialisme c’est la collectivisation de grandes entreprises, de manière démocratique. Qu’entend Kevin Kühnert par là ? Qu’il n’y a pas de droits d’auteur dans une entreprise et que ce n’est pas parce qu’elle a été lancée de par le passé avec un certain risque qu’aujourd’hui, une fois en place, les travailleurs n’ont pas une place aussi importante que les propriétaires. Le travail a autant d’importance que le capital. Et d’ailleurs, même la première voiture fabriquée par une entreprise ne l’a pas été par les propriétaires.

C’est un retour aux thèses social-démocrates ouest-allemandes des années 1970, mais dans le contexte actuel, c’est explosif. Car Kevin Kühnert explique ouvertement que le capital doit reculer. Quelqu’un qui a la propriété d’un terrain mais qui n’en fait rien doit se soumettre aux intérêts de la commune, en le lui vendant. Il y a ici une ligne de restriction du droit de faire ce qu’on veut avec sa propriété. C’est absolument inacceptable dans les règles traditionnelles du capitalisme… ou bien pour le capitalisme en général.

Pire encore pour ses détracteurs, Kevin Kühnert a expliqué que selon lui on devrait seulement posséder son propre logement, et pas plus. Il prône pour cela la mise en place de coopératives. Il n’est pas normal selon lui que quelqu’un vive du travail d’un autre par l’intermédiaire du besoin de logements. Il trouve cela injuste. Là, il attaque directement la question de l’accès à la propriété comme valeur en général.

Kevin Kühnert reste, on le notera, très vague quant à ce qu’il entend par Socialisme en tant que tel, et il ne répond pas à la question de la mise en commun des moyens de production, du marxisme. Il contourne ouvertement les questions en répondant suivant un leitmotiv très simple : il dit simplement que les choses sont inacceptables, qu’il faut dépasser le capitalisme par les collectivisations, mais en même temps qu’il se situe dans la démarche social-démocrate historique d’économie sociale de marché.

Est-il ici tacticien ou sincère ? En tout cas, au pays historique de Karl Marx, mais aussi de Rosa Luxembourg, et depuis l’interdiction du communisme organisé en Allemagne de l’Ouest au début des années 1950 (avec également l’interdiction de devenir fonctionnaire, etc.), une telle affirmation a provoqué de sacrés remous. Le quotidien populiste Bild assimile Kevin Kühnert à « Staline, Mao, Pol Pot, Castro, Ceausescu et Honecker » et le journal Handelsblatt dit pour provoquer que son programme est de fabriquer des Trabant (une marque est-allemande) dans les usines BMW et qu’il faudra les attendre pendant vingt ans.

Le responsable du forum économique du SPD, Michael Frenzel, est clairement pour son exclusion. Johannes Kahrs, figure de la droite du SPD, se demande ce que Kevin Kühnert a fumé. D’autres ont enjoint Kevin Kühnert à rejoindre Die Linke, bien plus à Gauche et en quelque sorte dans le prolongement culturel de la République démocratique allemande.

Le secrétaire général du SPD, Lars Klingbeil, a tenté quant à lui de calmer le jeu, en disant que c’était là une vision utopique, pas le programme du SPD. Car Kevin Kühnert n’est pas du tout isolé, ses soutiens sont nombreux, même sans être d’accord sur le fond avec lui, comme le vice-chef du SPD, Ralf Stegner, qui parle de tempête dans un verre d’eau. En fait, sans être forcément sur la même ligne que lui, de nombreux cadres du SPD reconnaissent ouvertement que le capitalisme touche à ses limites et que dans le pays, cela murmure beaucoup.

Même Reiner Hoffmann le patron du DGB, la principale centrale syndicale, le dit en parlant de l’initiative du dirigeant des Jeunesses socialistes : « Nous voyons le capitalisme dérailler ». Le barrage à Gauche est ainsi toujours plus vigoureux en Allemagne ; dans les sondages, le SPD, les Verts (bien plus à Gauche qu’en France, avec une dimension planificatrice de l’économie) et Die Linke rassemblent 45 % des voix. Il y a une tendance de fond et Kevin Kühnert l’exprime. L’idée générale est la suivante : il y a des domaines où le marché n’a rien à faire, du moins en tout cas pas à décider. Il ne faut donc fermer aucune porte à Gauche.

Kevin Kühnert a parfaitement conscience de cela, et s’il parle de collectivisation comme seul levier pour dépasser le capitalisme, il ne précise pas la nature de cette collectivisation, ni la forme de semi-socialisation des entreprises que cela implique, ni quels seraient les rôles du capital et du travail. Il laisse toutes les possibilités ouvertes. Ira-t-il jusqu’au bout de son raisonnement ? Rien n’est moins certain : beaucoup de figures historiques du SPD ont été auparavant des dirigeants des « Jusos », tel Gerhard Schröder, pour devenir ensuite des opportunistes carriéristes millionnaires.

Mais, dans tous les cas, cela penche à Gauche en Allemagne et la social-démocrate existe réellement. Et maintenant que le capitalisme est partout, l’idée de le faire reculer par une « collectivisation » porte en soi une charge terrible de luttes de classe, même si cela peut être flou, hypothétique, incohérent ou néo-réformiste.

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Le Royaume-Uni participera aux élections européennes

Le chaos politique du Brexit ne s’arrête pas. Sa source est il est vrai intarissable : c’est l’accroissement de la compétition internationale pour le repartage du monde. Les alliances se font et se défont, alors que les dépenses d’armement explosent. Avoir un pied dedans et un pied dehors est le plus grand luxe qu’on puisse se fournir.

Personne ne peut comprendre pourquoi le Royaume-Uni va participer aux élections européennes, alors que son gouvernement est très clair sur sa sortie prochaine. Si encore il y avait un doute, un nouveau référendum, mais non, ce n’est pas le cas. Le pays va sortir, c’est une certitude. Mais qu’est-ce qui est sûr alors que ces derniers jours, Donald Trump a relancé la guerre commerciale avec la Chine et que son armée aurait un plan d’invasion de l’Iran assez précis ? La tendance n’est-elle pas également à une production d’armement toujours plus grande, toujours plus sophistiquée ?

Si l’on prend les critères de la Gauche historique, la chose est très claire : on va à la guerre. La question n’est pas de savoir si elle aura lieu, mais sous quelle forme. Il est cependant clair pour tout le monde que les deux principaux protagonistes seront les États-Unis, à l’immense potentiel militaire, et la Chine, qui a comme horizon de devenir la plus grande puissance mondiale d’ici 30 ans. Les tensions entre les deux pays ne peuvent qu’augmenter, jusqu’à la confrontation.

La France n’est pas en reste. On accuse souvent et avec raison la Russie de se militariser, mais la France la dépasse en ce domaine. Plus personne ne s’arrête dans la militarisation, en fait. Un jour, l’un est plus puissant, un autre jour, c’est l’autre. C’est ce contexte instable par définition qui fait que le Royaume-Uni tergiverse. Dans le fond, il n’en a rien à faire de l’Union européenne et de son inévitable moteur franco-allemand. Il dispose de son « Commonwealth » et il est bien connu que stratégiquement, c’est pratiquement un État américain.

Mais qu’y a-t-il de mieux que de faire en sorte que la manière de sortir de l’Union européenne se déroule de la manière la plus adéquate pour ses intérêts ? Et pour cela, il faut gagner du temps. Et comment gagner du temps, si ce n’est en ayant des élus européens fraîchement élus ? Il faut voir le chaos provoqué par la participation du Royaume-Uni. Normalement, les postes pour ses députés auraient dû être dispatchés à d’autres. Là, ce ne sera pas le cas. Il faudra le faire par la suite, mais à quoi va ressembler la suite ?

On voit également comment la Gauche est ici coincée. D’un côté, pour renforcer l’Union européenne, si on a l’espoir de la tourner dans un sens démocratique ( ce qui est discutable bien entendu ), il faudrait dire que le Royaume-Unis fait du sabotage. De l’autre, pour refuser l’esprit international de division, il faudrait saluer le fait que le Royaume-Uni soit resté jusque-là, et l’encourager à continuer…

Dans tous les cas, la Gauche est perdante. La raison en est que l’agenda est à la fois national et international, et que la Gauche est très différente selon les pays, notamment en France où elle est majoritairement post-industrielle, post-moderne, post-historique, post-nationale. Il n’y a pas le poids international qu’il y avait de par le passé, lorsque le mouvement ouvrier réussissait, au moins en partie, à exercer une pression à l’échelle de plusieurs pays. Si demain, il y avait une tension menant ouvertement à la guerre, il n’y aurait même pas les moyens d’une protestation internationale, si ce n’est symbolique.

> Lire également : nos articles sur le Brexit

Le Royaume-Uni est conscient de cela, tout comme il sait qu’au sein de l’Union européenne, il y a de nombreuses divisions. Il a donc les coudées franches. Il ne fait pas face à une opposition anti-guerre, anti-nationaliste, ni à l’extérieur, ni en son sein. Il ne fait pas non plus face à un front uni des pays de l’Union européenne. Il peut donc se balader, prolonger la bataille pour ses propres intérêts. Ce faisant, il renforce d’ailleurs ses contradictions internes, mais il s’en moque. On voit bien que le Brexit a été décidé par en haut et que l’avis des gens ne compte pas.

Tout cela est très mauvais et la situation va bien finir par être intenable à un moment. L’esprit anti-guerre doit absolument se renforcer, se généraliser à Gauche, sans quoi les vents mauvais qui arrivent seront meurtriers.

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Un premier mai 2019 viennois comme tour de force social-démocrate

La social-démocratie autrichienne a connu la même crise que le Parti socialiste en France aujourd’hui. Repartie sur les fondamentaux, elle s’est totalement relancée.

Sur l’image ci-dessus, on voit la dirigeante de la social-démocratie autrichienne avec deux pins. Le premier montre le logo du parti entouré des étoiles de l’Europe. Le second indique « cent ans de Vienne la rouge, SPÖ », avec en logo un dessin représentant la cité Karl Marx, le plus grand HLM construit dans les années 1920 par la mairie social-démocrate, bastion ouvrier et lieu de la résistance au coup d’État austro-fasciste de 1934.

C’est un double positionnement qui témoigne d’une remise en question fondamentale, que le Parti socialiste a de son côté raté en France.

Il y a quelques temps, la social-démocratie autrichienne était pourtant pratiquement aussi mal que le Parti socialiste de notre pays. Les raisons étaient les mêmes, à ceci près que le SPÖ était qui plus est imbriqué dans l’appareil d’État depuis 1945, participant à des gouvernements de coalition avec la Droite. Autant dire que sa légitimité était brisée.

L’arrivée au gouvernement de la Droite et de l’extrême-Droite aurait donc pu porter le coup de grâce. Seulement, le SPÖ a fait le contraire du Parti socialiste en France : il est reparti puiser dans ses sources. N’ayant jamais abandonné ses traditions, il a pu relancer sa base, comme en témoigne le premier mai 2019.

Ce sont plus de 100 000 personnes, pour un pays d’un peu moins de neuf millions d’habitants, qui ont convergé de toute la ville vers la mairie. Celle-ci est un bastion social-démocrate depuis toujours, avec une grande majorité de la ville qui fut membre du parti dans les années 1920, diffusant un austro-marxisme multipliant les initiatives de grande ampleur, notamment dans la question du logement.

Voici la liste des points de rassemblements des 23 arrondissements de la ville. Vienne a une superficie de 414,89 km², contre 105,4 km² pour Paris intra-muros ; avec quasi deux millions d’habitants, elle est la seconde ville germanophone la plus peuplée. Pour cette raison, les habitants du 23e arrondissement sont venus en bus, étant trop éloignés du centre. Les autres sont venus par contre en cortège, parfois avec des orchestres, depuis les 22 autres arrondissements.

Voici une image de propagande du SPÖ, avec le maire de la ville. Sur la pancarte au fond à gauche, un peu floue, on lit : « Dépassement du capitalisme ! » Derrière le maire, le drapeau avec les trois flèches, entourés du cercle de l’unité, symbole de la social-démocratie autrichienne après 1945 ( il n’y avait auparavant pas le cercle ).

Sur cette autre affiche du SPÖ, largement propagée dans la ville de Vienne, on lit le slogan « Ensemble, nous sommes Vienne » et on voit Victor Adler, Autrichien juif qui fut le premier grand dirigeant de la social-démocratie, à partir de 1888. On notera que le SPÖ ne mentionne cependant jamais Otto Bauer, autre Autrichien juif, qui dirigea le parti durant les années 1920, mais défendait une ligne qui était alors la plus à gauche dans toute la social-démocratie européenne d’alors.

Le message du SPÖ sur les réseaux sociaux à l’occasion du premier mai. « Vive le premier mai », « L’être humain au lieu du monopole », « Le cortège de mai d’aujourd’hui se situe sous le signe des votes pour les élections européennes – toi aussi fais en partie. Ici la liste des rendez-vous ». Le slogan principal est « Vive le premier mai », « Liberté, égalité, justice ». En dessous : « Partage cette image si tu places les intérêts des employés avant ceux de ceux des monopoles ! ».

La photographie du grand rassemblement devant la mairie. Aux drapeaux du SPÖ et de ceux de l’Union européenne, s’ajoutait une variante de celui de l’UE, mise en rouge et avec les trois flèches.

La photographie de la mairie, avec le symbole des trois flèches au-dessus du podium, ainsi que des hommes en rouge sur la toile protégeant la réfection de la tour principale.

Le podium en gros plan, avec les trois flèches.

Le maire de la ville et la dirigeante de la social-démocratie autrichienne, Pamela Rendi-Wagner, tous deux avec des fanions rouges. Celui de la dirigeante est frappé du cercle et des trois flèches.

Au moyen de ballons, une banderole a été soulevée par la jeunesse du SPÖ, appelant à aller plus loin : « Cela suffit avec le silence, en avant pour l’opposition ! »

On notera qu’une section locale du SPÖ a fait une bannière pour rejeter Thomas Drozda, figure opportuniste : « Drozda, tu as regardé l’heure ? Il est temps de partir ! ». Il en est de même pour une autre section dont la bannière disait : « Il est cinq minutes avant minuit, y compris sur ta Rolex ! »

Naturellement, on pourra critiquer le programme, l’opportunisme, l’hypocrisie, etc. ; en attendant, il y a une Gauche, forte, puisant aussi dans ses traditions historiques. Et cela sans être à la remorque des syndicats. Il est vrai que ce qui aide, c’est qu’il n’y a en a qu’un et que les élections à la chambre du travail se font pas fractions. La fraction social-démocrate écrase tout le monde en faisant 60%, les autres étant au mieux très loin derrière.

Et cela sans les fonctionnaires, qui ne participent pas au vote de la dite chambre. Imagine-t-on en France la Gauche politique obtenir 60% dans les votes pour les syndicats du privé ? Et pourtant, c’est à cela qu’il faudra parvenir !

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Victoire du PSOE en Espagne

Le Parti Socialiste Ouvrier Espagnol a connu une victoire importante lors des élections législatives ce dimanche 28 avril 2019, dans un climat extrêmement tendu alors que les forces franquistes se réaffirment parallèlement aux velléités indépendantistes catalanes.

Les élections espagnoles ont largement attiré l’attention internationale. En effet, la bourgeoisie catalane avait tenté de mettre en place son indépendance, ce qui a été repoussé par l’État central, qui en même temps ne parvenait pas à faire cesser l’instabilité gouvernementale. La balance allait-elle pencher franchement à droite ou bien la Gauche saurait stabiliser la situation ? Le franquisme allait-il se réactiver, lui qui restait tapi dans l’État profond, l’armée, la haute-bourgeoisie ?

> Lire également : Les élections du 21 décembre 2017 en Catalogne

En ce sens, c’est une grande victoire du Parti Socialiste Ouvrier Espagnol, avec près de 29% des voix, accompagnées d’un un taux de participation massif (75,78 %). Cela fait 123 députés, contre 85 en 2016, et même s’il en faut 176 sur 350 pour une majorité absolue, la progression est notable et facile à interpréter.

C’est clairement une réponse populaire notamment à l’affirmation du parti d’extrême-droite VOX ces derniers temps, qui reçoit 10 % des voix alors que son orientation est néo-franquiste. Son dirigeant Santiago Abascal ne cesse de faire un travail de fond pour réactiver les fondamentaux franquistes, notamment national-catholiques (« Ce que nous défendons n’est pas moderne, ce sont les valeurs éternelles »).

Le PSOE assume de rejeter cela de manière frontale et c’est un marqueur important. Le slogan des partisans antifascistes ¡No pasarán! ( « Ils ne passeront pas ! » ) est scandé, dans un esprit de Front populaire. Tout comme la social-démocratie autrichienne qui mène un véritable travail de sape de l’alliance Droite / extrême-Droite, la social-démocratie espagnole parvient à se maintenir et à empêcher un basculement. On peut regretter son réformisme et son acceptation de la monarchie, son abandon de l’affirmation de la République, et même on doit le faire. Cependant, cela reste un frein significatif pour un basculement à droite.

Il faut comprendre pareillement le passage des libéraux de 32 à 57 députés, alors que le Parti Populaire, avec la Droite héritière du franquisme passe de 137 députés en 2016  à 66. L’Espagne résiste à une vague qui aurait pu être très brutale. La société aurait pu être fondamentalement décontenancée par tout le chaos provoqué par la possible sortie de la Catalogne. Il y aurait pu y avoir un retour général à une célébration de l’Espagne éternelle, catholique, royale, centralisée, etc. Cela n’est pas le cas, du moins seulement dans les marges de la société.

        « Nous sommes la Gauche »

Cela ne veut pas dire qu’il ne reste pas une quantité astronomique de questions et on voit mal comment la Gauche ne pourrait pas reprendre le drapeau de la République populaire et fédérale comme dans la seconde moitié des années 1930. C’est la seule sortie positive possible à une crise de l’État espagnol qui, à force de s’aggraver, ne pourra qu’aboutir à un renforcement massif des forces réactionnaires.

On notera également que si bizarrement Jean-Luc Mélenchon salue Podemos qui aurait fait une « magnifique remontada en Espagne », ce parti populiste passe en fait de 71 à 42 députés. Il a collé justement au PSOE et a perdu son aura revendicative. N’ayant pas de contenu lié à l’histoire espagnole, il s’efface. La social-démocratie, elle, avec ses solides traditions, l’emporte. Et de fait, seules les traditions de la Gauche de la période de la République espagnole peuvent tenir le choc.

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La ligne « François Mitterrand » du Parti social-démocrate d’Allemagne (SPD)

Le Parti social-démocrate d’Allemagne (SPD) vient de terminer sa grande convention pour établir sa plate-forme en vue des élections européennes. La différence est marquante par rapport au Parti socialiste en France, puisqu’on a quelque chose de très ouvert sur le plan des décisions, avec des compte-rendus et les documents proposés par les sections à la base, etc.

Sur le plan du contenu, cela reste dans les normes de la social-démocratie allemande, avec donc toujours une insistance sur la modernisation de l’économie et des sécurités pour les travailleurs, le refus des démantèlements sociaux et de la logique du militarisme.

On peut bien entendu critiquer cela comme hypocrite, vide de sens ou bien vain ; il n’en est pas moins vrai que le SPD assume une posture très François Mitterrand des années 1980, ce que le Parti socialiste ne parvient même pas à faire dans notre pays, ni même d’ailleurs Benoît Hamon ou Jean-Luc Mélenchon.

Voici également des extraits des différentes propositions qui ont pu y être faites, qui n’ont pas été choisi au hasard. De par leur contenu, ils font passer le PCF pour une sorte de mouvement de centre-gauche. Cela montre bien l’incroyable glissement à Droite de la politique française depuis une vingtaine d’années au minimum.

Voici ce que dit notamment le SPD de Berlin :

« Nous avons conscience que la prétendue « eurocrise », tant eu égard aux discussions sur le sens et la valeur d’un moyen de paiement européen unitaire, qu’à l’état et les possibilités de développement d’un niveau de structuration démocratique bourgeois, n’est en réalité qu’une crise des banques.

La discussion quant à une « crise de l’Union Européenne » est une manœuvre de diversion par rapport à la crise d’accumulation du capitalisme dans sa phase mondialisé, néo-libérale. La crise, en tant que telle, est immanente au système économique capitaliste.

Cette fois, les capitaux sont parvenus de manière quasi parfaite à socialiser les coûts de la crise. Les réflexes de défense de groupes inquiets dans la population, qui se sentent menacés par des pratiques néo-libérales comme la monétarisation dans tous les domaines de la vie, aboutissent au renforcement des forces nationalistes, dont le summum est le Brexit.

Le renforcement du nationalisme dans certains États et certaines régions de l’Union européenne ne se produit ainsi pas seulement au sens de stratégies d’entreprises pour s’assurer des structures de type monopolistes. Il s’agit également, en plus de cela, de détruire la base pour la solidarité et en même temps de masquer les véritables causes de la crise.

Les mouvements nationalistes actuels sont unis dans l’objectif de former un État sans droits pour la majorité de la population dépendante d’un salaire. C’est pour cette raison un devoir de la social-démocratie internationale, comme mouvement internationaliste, d’opposer une union sociale européenne au néo-libéralisme mondialisé. »

Voici un extrait de la proposition du SPD de Braunschweig :

« Le nationalisme, c’est la guerre ! Cette phrase connue de l’ancien président français François Mitterrand est toujours valable.

Les pères et mères fondateurs de l’Europe avaient directement sous les yeux ce qu’amènent le nationalisme et le fascisme : la mort, la souffrance, la haine et la destruction étaient encore présentes dans toutes les têtes des années après la guerre.

Il y avait besoin de courage et de vue à long terme pour aborder ensemble les problèmes urgents comme la faim, la reconstruction des infrastructures, ou le contrôle des biens importantes pour la guerre, et pour ainsi poser les fondements pour une Europe avec une paix durable. »

Voici un extrait de la proposition du SPD Unterbezirk Ennepe-Ruhr (Nordrhein-Westfalen) :

« Un capitalisme de plus en plus autoritaire, une démocratie vidée de son contenu et les peurs sociales existentielles, tout comme la perte de contrôle social et individuel, sont le terrain sur lequel fleurit la mentalité nationaliste.

Le processus de renationalisation et le renforcement de partis autoritaires ethno-patriotiques et nationalistes n’ont pas du tout encore été bloqués et fait reculer, bien que les partis de droite comme récemment en France ou aux Pays-Bas sont restés en-deçà des croissances de voix attendues (…).

La retombée dans le nationalisme – en particulier allemand – correspond à une pensée et une politique qui a aboutit à deux catastrophes désastreuses lors du dernier siècle.

Le SPD est dans son histoire tourné programmatiquement international et pro-européen, comme politiquement pour la paix et la solidarité. La voie va de la revendication « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! » du Manifeste communiste, à celle des « États-Unis d’Europe » du programme de Heidelberg, jusqu’à la politique de désescalade et de paix de Willy Brandt ou son rapport Nord-Sud sur la situation catastrophique dans le pays du Sud. »

 

https://www.youtube.com/watch?v=yUYaZmFJd3A

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Politique

Le chaos du vote sur l’accord de Brexit

Le Parlement britannique a massivement rejeté hier soir l’accord négocié par Theresa May avec l’Union Européenne pour organiser le Brexit, alors qu’il ne reste que quelques semaines avant l’échéance du 29 mars. Comment un tel chaos est-il possible alors que ce qui se passe est d’une très grande importance sociale, culturelle, et bien sûr économique ? Ce qui se révèle ici, c’est la quête exacerbée de chaque pays à tirer les marrons du feu, c’est-à-dire le renforcement du nationalisme.

Le chef de l’opposition travailliste Jeremy Corbyn a parlé d’une « défaite catastrophique » pour le gouvernement de Theresa May, la « plus grande depuis les années 1920 ». Le vote avait en effet été reporté depuis le 11 décembre pour éviter un tel camouflet. Il était considéré qu’à moins de 100 voix d’écart entre les pour et les contre, la ministre aurait une marge de manœuvre pour renégocier avec l’Union Européenne, mais il y a eu 230 voix d’écart.

Le résultat du vote était attendu tellement la situation est tumultueuse au Royaume-Unis, la seule question était celle de l’ampleur de ce rejet. Celui-ci fut donc très grand, avec 432 voix contre et seulement 202 voix pour, ce qui plonge le pays dans une grande instabilité.

Ce rejet massif relève lui-même d’une grande confusion, car les votes contre ont exprimé des opinions diverses, soit pour dire qu’il ne fallait pas d’accord du tout, soit pour dire qu’il fallait rester dans l’Europe, avec bien-sûr toutes les nuances intermédiaires.

C’est là quelque chose de très chaotique et le bon sens voudrait qu’on procède à un nouveau référendum pour savoir si vraiment il y a une majorité pour le Brexit dans le pays. Cependant, les énormes conflits d’intérêts économiques existant au sein des couches sociales dominantes britanniques empêchent toute rationalité.

Cette proposition d’accord était d’ailleurs elle-même très irrationnelle, parce qu’inacceptable par nature pour un pays. Elle consistait pour le Royaume-Unis, de fait, à garder les règles européennes tout en perdant son pouvoir de décision vis-à-vis des pays membres de plein droit. C’était un bricolage pour faire face à l’urgence, pour tenter de gérer une situation ingérable au vu des différentes contradictions que posent cette sortie de l’Union Européenne.

Il faut bien se douter en effet de l’importance d’un vrai problème de fond, pour que l’une des principales puissances mondiales ne sache pas à ce point si elle veut être ou non dans l’Union Européenne. Il y a au sein des couches dominantes britanniques des partisans d’une alliance avec les États-Unis, d’autres d’un repli sur le Commonwealth, enfin encore d’autres d’une ouverture à l’Union Européenne, sans parler des différentes variantes plus ou moins intermédiaires entre ces options.

On ne sait pas trop qui a le dessus et l’Union Européenne elle-même aimerait bien le savoir, pour savoir si elle doit laisser ouverte la porte, si elle doit la fermer lentement ou carrément brutalement. En clair, avec les événements d’hier soir, puisqu’il n’y a pas d’accord, on peut même imaginer que le Brexit soit repoussé jusqu’aux élections du printemps… à moins que les frontières soient subitement reformées de manière stricte dès le 29 mars avec un « hard-Brexit » !

La question des frontières est d’ailleurs un grand problème ayant empêché tout accord cohérent puisque la question de l’Irlande est très complexe. S’il n’y a plus l’Union Européenne, alors il faut d’une manière ou d’une autre une frontière physique, et donc une frontière terrestre entre l’Irlande du Nord et l’Irlande, qui entend de son côté plus que jamais rester dans l’Union Européenne. Sauf que personne n’imagine concrètement une telle frontière, même chez les plus ardents partisans du Brexit, cela d’autant plus que la question nationale irlandaise est encore très brûlante.

Il est évident qu’aucun décideur économique ne peut apprécier une telle situation, sans parler des gens normaux pour qui tout cela est très troublant. La société britannique ne peut qu’en être par ailleurs profondément tourmentée et divisée. Cela renforce l’ambiance anxiogène mondiale qui, avec Trump, Poutine, Erdogan, etc., n’en avait pas besoin.

Mais c’est malheureusement le sens de l’histoire. La Gauche n’a pas écrasé les forces faisant de la guerre un moyen de solution aux problèmes économiques et sociaux. On a beaucoup parlé du racisme comme vecteur d’une régression culturelle et sociale. Cela est juste, mais cela n’est jamais qu’une composante de la pratique de « diviser pour régner » allant de pair avec le principe comme quoi c’est par la guerre que se résolvent finalement tous les problèmes.

La mobilisation de la population vers de fausses solutions est un levier classique pour profiter d’énergies souvent sincères et aller plus efficacement dans le sens de la confrontation économique, politique, militaire. La question du Brexit, c’est évident, ne peut être comprise que dans son rapport avec la notion de guerre, de nationalisme, de bataille pour le repartage du monde.

Il faut souligner ici, pour ce qui nous concerne en France, le rôle absolument néfaste d’un Jean-Luc Mélenchon qui s’est empressé de saluer le résultat du vote :

« Accord Brexit rejeté à la chambre des Communes. L’Union européenne décompose les gouvernements qui pactisent avec elle »

« Le pire accord de libre-échange jamais accepté par la France vient d’être battu au Parlement anglais : pas de regrets »

Lui dont le succès est issu d’une vague de fond nationaliste ayant suivit le référendum sur la Constitution européenne en 2005, participe directement de ce climat délétère, voir franchement nauséabond, tendant à la guerre.