Catégories
Politique

Fondation du nouveau parti « Gauche républicaine et socialiste »

La gauche du Parti socialiste qui a quitté celui-ci sans avoir rejoint Benoît Hamon a décidé de finalement passer sous la coupe de la France insoumise. Elle en sera une composante lors des prochaines élections européennes.

Ce week-end s’est tenu à Valence un congrès constitutif d’une nouvelle organisation à gauche, ayant pris comme dénomination « Gauche républicaine et socialiste ». Au sens strict, ce n’est pas quelque chose de nouveau, car il s’agit de l’organisation de Marie-Noëlle Lienemann et Emmanuel Maurel, « Aprés », qui change de nom, abandonnant sa tentative d’exister de manière autonome. Marie-Noëlle Lienemann a exprimé ses regrets de la manière suivante :

« J’en veux à la gauche française, nous avions une trame idéologique potentielle pour résister à l’ultra-liberalisme; il faut créer de nouvelles formes politiques. Nous sommes dans une phase de décomposition. »

Il est apparu en effet soit qu’il n’y avait pas d’espace à gauche du Parti socialiste alors qu’il y avait déjà Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon, soit qu’il n’y avait pas les cadres pour développer une organisation aux contours bien délimités, selon comment on voit les choses. Le manque de temps ou de confiance en ses propres idées (ou moyens) a donc abouti à un changement radical d’orientation.

Marie-Noëlle Lienemann et Emmanuel Maurel, qui étaient depuis plusieurs mois alliés au Mouvement Républicain et Citoyen (MRC), ont fondé une nouvelle structure et rejoints Jean-Luc Mélenchon. La présence de l’ancien MRC dans la nouvelle organisation est un gage auprès de Jean-Luc Mélenchon, car c’est une structure « souverainiste » de gauche, fondé par Jean-Pierre Chevènement qui a toujours tenu une orientation qu’on peut qualifier comme « patriote » ou nationaliste de gauche.

De manière surprenante, ce positionnement souverainiste a été ouvertement assumé et exprimé par Emmanuel Maurel :

« La question de la souveraineté est essentielle. Souveraineté des peuples, reprise en main pour défendre les biens communs contre les intérêts privés. Cela passe par des ruptures radicales ! »

Il est, quoiqu’on pense de l’importance, de la validité de la question, toujours inquiétant de voir annoncer une « rupture radicale » au sujet d’une question nationale. La forme ici employée ne peut que choquer la Gauche. C’est cependant le prix à payer pour le passage dans le camp de la France insoumise.

Il ne s’agit par ailleurs pas d’une remarque dispersée, mais bien d’une approche générale ; en voici quelques exemples qui ont dits pendant le week-end de fondation :

« La politique de dumping, de casse sociale et la désindustrialisation en France et la politique « austéritaire » Bruxelloise sont les deux faces du même euro. »

« Le traité franco-allemand, c’est Merkel qui dit à Macron : « Donne-moi ta montre, je te donnerai l’heure. » »

Dans un même ordre d’idée, les gilets jaunes sont considérés comme quelque chose non seulement de très bien, mais même de nouveau. On l’a deviné, c’est le prétexte employé pour passer sur la ligne « populiste » de La France Insoumise. Gael Brustier a pour sa part considéré que « les gilets jaunes donnent une opportunité incroyable pour la gauche telle qu’elle n’en avait jamais eu depuis trois décennies » et Marion Beauvalet a expliqué que ce qui est intéressant c’est que c’est « un mouvement au-delà des clivages gauche/droite [qui] oppose le peuple et l’élite ».

> Lire également : Emmanuel Maurel et le mouvement ouvrier

On remarquera l’incohérence qu’il y a à parler de gauche d’un côté, de dépassement du clivage droite/gauche de l’autre, mais on devine que jeu de va et vient entre affirmation de la gauche et populisme va être incessant pour la Gauche républicaine et socialiste. Ce n’est qu’un début et on voit mal comment il va être continué à parler de Front populaire alors que La France insoumise a coupé les ponts avec l’histoire de la Gauche.

Emmanuel Maurel a pour sa part affirmé au sujet des gilets jaunes que :

« Il y a trop d’ambiguïté d’une partie de la gauche sur les gilets jaunes. Nous les soutenons ! »

Ce soutien est donc à ajouter à celui, tout récent, de la CGT, alors que pareillement l’ultra-gauche est désormais dithyrambique au sujet des gilets jaunes. Il y a là une véritable orientation nouvelle, résolument populiste ; on a d’ailleurs droit la semaine dernière à Marie-Noëlle Lienemann expliquant que l’émission de Cyrille Hanouna avait été quelque chose de positif au résultat conforme aux idées de gauche.

La base de la Gauche républicaine et socialiste est-elle d’accord avec tout cela ? Dans tous les cas elle va devoir s’y habituer, ou bien revenir dans le giron de la Gauche historique, qui reste à recomposer. Elle compte surtout sur son nombre, 2 538 personnes sont annoncées comme ayant participé au vote pour le choix du nom, pour pouvoir à un moment faire pencher la balance.

Le problème est que déjà que la rupture avec le Parti socialiste s’est déroulée de manière non démocratique, quoiqu’on pense du parti socialiste, aller rejoindre La France insoumise c’est franchement se lancer dans l’aventure.

On devine au fond qu’il est espéré que la formation de Jean-Luc Mélenchon n’est qu’une étape vers quelque chose de nouveau. Mais outre que c’est là du machiavélisme, que c’est là jouer avec le feu, comment espérer que la négation de la Gauche puisse aboutir à son renforcement ?

Catégories
Politique

Le populiste Alexis Corbière dans Valeurs Actuelles

L’interview du député Alexis Corbière dans le journal d’extrême-droite Valeurs Actuelles montre une nouvelle fois à quel point La France Insoumise n’a rien à voir avec la Gauche. Elle n’est qu’une variante de la réaction, du populisme.

À Gauche, les gens sont choqués de voir Alexis Corbière dans Valeurs Actuels. Cela ne se fait pas car c’est un journal d’extrême-droite, un journal d’opinion qui assume totalement ses positions réactionnaires, très liées à Marion Maréchal (elle y avait d’ailleurs signé son « retour »).

En fait, il n’y a pas vraiment besoin d’argumenter sur le sujet, c’est une ligne de démarcation en soi. Quelqu’un qui ne comprend pas où est le problème au fait d’accorder un entretien à Valeurs Actuels s’écarte de fait de la Gauche. Il est intéressant d’apprendre au passage que Ian Brossat ou Pierre Laurent l’ont fait par le passé ( pour ce dernier, en recevant carrément Valeurs Actuels dans son bureau au siège du PCF), ce qui les discrédite largement en termes d’antifascisme.

Alexis Corbière traite de « trolls » ceux qui pensent cela, tellement cette conception lui est étrangère. Plus ridicules encore sont les propos de sa compagne Raquel Garrido, qui qualifie les gens qui n’ont pas lu l’interview de « feignants », alors que celle-ci est réservée aux abonnés du site d’extrême-droite.

Il faudrait donc donner de l’argent à un site d’extrême-droite pour lire les propos de son compagnon, qui serait une « réponse à l’extrême-droite ». Ben voyons.

Des images de cette interview ont toutefois été diffusées, on peut donc en connaître le contenu sans donner un sous à des réactionnaires.

On se demande bien où cette personne à vu un discours à Gauche dans ces pages.

En guise de « 4 vérités », Alexis Corbière y explique seulement qu’il n’est pas d’accord sur la question de l’immigration, comme si d’ailleurs cela était un critère de gauche. Son propos n’est en fait qu’une variante de populisme. Il y a celui qui est contre l’immigration, avec Marine Le Pen, Marion Maréchal, Valeurs Actuels, et celui de La France Insoumise, qui est pour l’immigration.

La situation est d’ailleurs ridicule car sur ce terrain-là, l’extrême-droite traditionnelle est très habile et rodée, ce qui oblige le député « insoumis » à des circonvolutions pour justifier sa position.

Ces derniers propos au sujet des polonais, destinés à « taquiner » les lecteurs d’extrême-droite, sont d’ailleurs vraiment odieux, racistes. Cela ne vaut pas mieux que l’extrême-droite qui n’aime pas les arabes.

On comprend tout de suite, ce qui n’est pas une surprise quand on connaît la France Insoumise, qu’il s’agit en quelque sorte de proposer un FN compatible pour les arabes de France, alors que l’original serait lui plus pour les « blancs ».

Dans tous les cas, c’est le même populisme, le même style racoleur, les mêmes raccourcis, le même verbiage hostile à la Gauche. C’est d’ailleurs tout à fait assumé, et il répond « oui » quand on lui demande si son mouvement est populiste au même titre que le Rassemblement National.

Le mouvement des gilets jaunes, à l’origine des cette interview parce qu’il y a une convergence de point de vue à ce sujet entre Valeurs Actuels et Alexis Corbière, aura été un grand déclencheur en France pour le populisme et la convergence des populismes.

C’est un moment dont la Gauche doit se saisir pour affirmer ses valeurs et ses principes historiques, liés à la classe ouvrière. Il en va de la constitution d’un Front Populaire, indispensable rempart contre la montée du fascisme dont le populisme est un aspect de plus en plus évident et menaçant.

> Lire également : Les propos grandiloquents de Jean-Luc Mélenchon sur Eric Drouet

 

Catégories
Politique

Les outrances du populiste et grossier Jean-Luc Mélenchon

Jean-Luc Mélenchon est un personnage insupportable quand on est à Gauche. Ses dernières outrances, tout à fait réfléchies et mises en scène, reflètent son style grossier et populiste, faisant du coup de sang une expression politique en soi.


Que le mouvement La France Insoumise soit l’objet d’une manœuvre politique, c’est incontestable, tout comme cela l’était dans l’affaire visant François Fillon. N’importe quelle perquisition et n’importe quelle décision de Justice sont, par nature, politiques.

Quelle que soit la façon dont sont organisés les pouvoirs dans un pays, cela répond à un choix qui est fait par des individus, dans un cadre législatif donné mais aussi dans un contexte politique particulier, en fonction des rapports de force.

En l’occurrence, les perquisitions ont été autorisées par un procureur qui par définition est un représentant du pouvoir exécutif, subordonné au ministre de la Justice. Il n’est d’ailleurs pas habituel qu’un procureur autorise une perquisition chez un député en pleine enquête préliminaire alors qu’il n’y a pas l’ouverture d’une information judiciaire.

Surtout que sur le fond, nous ne sommes pas dans une affaire de corruption d’une ampleur phénoménale relevant d’une urgence absolue, mais dans un soupçon d’arrangements qui sont détestables mais tout à fait traditionnels pour la classe politique bourgeoise.

Est-ce à dire pour autant que « nous ne sommes plus dans un État démocratique normal », comme l’a fait le tribun Jean-Luc Mélechon avant de crier « résistance », poings vers le ciel ?

Bien sûr que non, on est ici en pleine légalité, dans le fonctionnement tout à fait normal de la République française. Elle n’est pas une entité neutre et abstraite mais une infrastructure servant des choix et des actions politiques, suivant les intérêts de ceux qui sont au pouvoir et des gens qu’ils représentent.

Seulement, pour dire et comprendre cela, il faut avoir un contenu. Il faut des principes, des références culturelles et idéologiques qui font que, de toutes manières, on est à la base dans le camp du peuple et de la classe ouvrière, qu’on a jamais prétendu à de quelconques illusions à propos de la « Justice » ou de la République.

Tel n’est pas le cas de Jean-Luc Mélenchon qui s’imagine au-dessus du reste de la population, exigeant un traitement de faveur par les institutions :

« Je ne suis pas un passant dans la rue, je suis le président d’un groupe parlementaire »

Il se présente comme un républicain « ultra », allant jusqu’à se prétendre « sacré » parce que député de cette même République. Cela est complètement artificiel mais peu importe car pour lui seule l’attitude compte. D’ailleurs, il a dit cela pendant qu’il se filmait en direct lors de la perquisition et s’est mis à hurler :

« Ne me touchez pas monsieur, vous n’avez pas le droit de me toucher. Personne ne me touche, ma personne est sacrée ! »

Sauf que, on voit bien sur la vidéo qu’il ne se fait violenter mais simplement bousculer légèrement par une personne passant dans un petit couloir, alors que lui s’agite dans tous les sens téléphone à la main en pleine perquisition. C’est-à-dire que le député de la France Insoumise cherchait à mettre en scène les choses, dramatisant le tout de manière ridicule.

L’épisode s’est poursuivi de manière encore plus grotesque devant le siège de son mouvement. Cela lui retombe naturellement sur le coin de la figure avec de nombreuses moqueries sur internet et le parquet de Paris a ouvert une enquête pour « menaces ou actes d’intimidation contre l’autorité judiciaire » et « violences sur personnes dépositaires de l’autorité publique ».

Le procureur général auprès de la cour d’appel de Paris, Catherine Champrenault, s’est même exprimé à la radio, ce qui n’est pas du tout une chose habituelle, pour enfoncer Jean-Luc Mélenchon. Elle a dénoncé « un coup de force » et s’est même justifiée en expliquant que s’il « était arrivé tout seul et calmement, il n’y aurait eu aucun problème pour qu’il accède aux locaux de son parti », ajoutant qu’il « a voulu rentrer en force ».

On a même un policier qui aurait porté plainte, tandis-qu’une syndicaliste (unité SGP Police FO) a expliqué à la télévision :

« J’ai de la colère car lors de cette perquisition, j’ai vu du mépris de classe face aux ouvriers de la police nationale […] Le contraire de ce à quoi nous a habitués monsieur Mélenchon. »

Cet épisode de la Police prouve d’ailleurs encore une fois l’inconsistance de Jean-Luc Mélenchon puisqu’il s’en est pris à des agents de Police avant de le regretter quelques heures après en disant qu’ils ne faisaient que leur travail… pour finalement critiquer le site Médiapart en disant qu’ils sont « pire que les flics » !

Ce genre de retournement renvoie au récent épisode marseillais où il avait traité Emmanuel Macron de xénophobe le matin (ce qui est absurde) avant de faire la causette avec lui et de ne pas assumer du tout ses propos le soir même.

Tout cela est l’expression d’un populisme des plus outranciers, capable de dire tout et son contraire selon l’opportunité, sans aucune analyse ni réflexion de fond. On a d’ailleurs exactement la même attitude vis-à-vis des médias, avec un épisode particulièrement hallucinant à propos de l’émission Quotidien. Il l’accuse d’avoir directement fourni des images à la police, alors que sur ces mêmes images en l’entend haranguer « laissez la presse faire son travail ! Filmez tout ! »

Le leader de la France Insoumise parle de liberté de la presse quand cela l’arrange mais insulte littéralement les journalistes et appelle à les « pourrir » quand ils ne vont pas dans son sens. Les propos qu’il a tenus à l’encontre de France Info sont à ce titre très rudes, relevant bien plus d’un style d’extrême-droite que d’une attitude de gauche :

« [Ils] ont l’air de ce qu’ils sont, c’est-à-dire d’abrutis, et tous les autres ont suivi sans réfléchir ».

On peut même penser que ce genre de propos dans la bouche de Marine Le Pen auraient fait le tour de l’Europe, tellement ce n’est pas une façon de faire et de dire !

Jean-Luc Mélenchon a largement surjoué la surprise et l’offuscation ces derniers jours, alors qu’il savait très bien les choses qui lui sont reprochées. Les mots du procureur de la République de Paris pour justifier l’ouverture d’une enquête préliminaire avaient été tout à fait explicites. Ils laissaient présager ce genre de suite :

«Les surfacturations dénoncées [par la Commission des comptes de campagne] tendent à faire sérieusement suspecter l’existence de manœuvres délibérées destinées à tromper l’organe de contrôle aux fins d’obtenir des remboursements sans cause.»

Jean-Luc Mélenchon se présente à longueur de journée comme un représentant du peuple contre ce qu’il appelle une « oligarchie », mais il se retrouve maintenant accusé d’avoir les mêmes pratiques que les gens qu’il prétend dénoncer.

C’est un retournement de situation terrible, et on peut aisément penser que cela va l’affaiblir durablement. Ce qu’on ne regrettera pas, bien entendu. Jean-Luc Mélenchon est un personnage très grossier, imbu de lui-même, qui n’a rien à voir ni de près ni de loin avec les valeurs et les principes de la Gauche qui sont défendues ici.

Catégories
Politique

Immigration : Jean-Luc Mélenchon désavoue Djordje Kuzmanovic

« Le point de vue qu’il exprime sur l’immigration est strictement personnel. Il engage des polémiques qui ne sont pas les miennes. » Voici les précisions envoyées par Jean-Luc Mélenchon au Nouvel Obs, suite aux propos de Djordje Kuzmanovic de La France insoumise, consistant en une véritable dissociation politique.

Djordje Kuzmanovic

Ce dernier, l’une des principales figures de La France insoumise, s’était dans l’interview exprimé favorablement sur le mouvement allemand Aufstehen de Sahra Wagenknecht. Voici ses principaux propos, qui reprennent la ligne historique du mouvement ouvrier pour tenter de se démarquer de la « gauche » postmoderne.

« Il y a maintenant trente ans, la social-démocratie a choisi de construire l’Union européenne libérale plutôt que de défendre les classes populaires. Pour se distinguer de la droite, cette gauche s’est concentrée sur des questions sociétales – le féminisme, les droits LGBT et les migrants – qui, d’ailleurs, ne sont pas spécifiquement « de gauche ». Bien sûr, ces sujets ne doivent pas être écartés, mais ils ne peuvent être séparés de ce qui doit être pour la gauche le cœur de son combat politique : la défense des classes populaires et la lutte contre le capital.

Sur la question migratoire, en particulier, la bonne conscience de gauche empêche de réfléchir concrètement à la façon de ralentir, voire d’assécher les flux migratoires, qui risquent de s’accentuer encore du fait des catastrophes climatiques. Plutôt que de répéter, naïvement, qu’il faut « accueillir tout le monde », il s’agit d’aller à l’encontre des politiques ultralibérales – ce que la social-démocratie a renoncé à faire (…).

La France est un pays de migrations. Mais, depuis 2012, avec l’accélération de la mondialisation, les inégalités s’accroissent et les dégâts environnementaux sont de plus en plus irréparables ; sans oublier l’explosion démographique. Cet ébranlement du monde jette les gens sur les routes et nous oblige à penser les choses différemment. Cependant, nous continuons d’insister sur le fait que ce ne sont pas les migrants qui posent problème, mais bien les destructions économiques qui poussent des millions de personnes à quitter leur pays ou leur région de naissance (…).

Les « no-borders » et l’extrême droite parlent toujours des migrants originaires de l’Afrique du Nord ou subsaharienne. Ces populations sont en réalité minoritaires par rapport aux flux migratoires européens qui sont le produit du dumping social en Europe. Les travailleurs polonais ne subissent pas l’arrivée de migrants africains, mais bien celle de travailleurs ukrainiens (…).

Lorsque vous êtes de gauche et que vous tenez sur l’immigration le même discours que le patronat, il y a quand même un problème… Ce que nous disons n’a rien de nouveau. C’est une analyse purement marxiste : le capital se constitue une armée de réserve. Lorsqu’il est possible de mal payer des travailleurs sans papiers, il y a une pression à la baisse sur les salaires. Cette analyse serait d’extrême droite ? Vous plaisantez.

Il faut engager une régularisation massive des sans-papiers de façon à obliger les employeurs à payer des salaires décents et que les salariés soient sur un pied d’égalité face à la loi. Enfin, il faut remédier au dumping social intra-européen. S’il y a un appel d’air, il vient du patronat qui maximise ses profits en exploitant la misère du monde. »

Tout cela ne fait somme toute qu’exprimer le point de vue classique, historique, du mouvement ouvrier. La Gauche, cela n’a jamais été le libéralisme ou l’anarchisme, mais la gestion de toutes les choses au moyen de la planification, le contrôle de tous les aspects de la vie sociale et culturelle par le peuple lui-même.

Seulement, lorsque Sahra Wagenknecht dit cela, elle a une crédibilité. Elle a toujours eu un discours servant de vecteur à des valeurs qui sont, peu ou prou, celles de la RDA historique. Les termes qu’elle choisit, les choses qu’elle met en valeur… tombent souvent en adéquation avec des points de repère historiquement à Gauche.

Mais lorsque c’est Djordje Kuzmanovic qui s’exprime, là cela tient moins. Il n’a jamais en effet tenu de discours avec les valeurs du mouvement ouvrier ou son histoire, à part quelques références romantiques à Jean Jaurès ou la Commune de Paris de 1871. C’est d’ailleurs quelqu’un qui est croyant, allant à l’église catholique orthodoxe russe Saint-Serge à Paris. C’est également un ancien militaire qui a été en Afghanistan et assume parfaitement l’Armée française ; c’est aussi « l’orateur national sur les questions géopolitiques » de La France Insoumise et rien que parler de géopolitique en dit déjà long.

Djordje Kuzmanovic est ainsi un souverainiste de gauche, qui surfe sur un thème et qui reprend des codes, mais pas quelqu’un assumant la mouvement ouvrier historique et ses valeurs. D’ailleurs, s’il était logique avec lui-même, il aurait rompu depuis longtemps avec La France Insoumise, qui est un vecteur très important des valeurs postmodernes, postindustrielles qu’il prétend dénoncer.

Jean-Luc Mélenchon n’a-t-il pas désigné Emmanuel Macron, il y a quelques jours, comme le « plus grand xénophobe qu’on ait », pour finalement aller à sa rencontre plus tard dans la même journée et parler d’une « légère exagération marseillaise » ?

C’est là du populisme et en acceptant cela, Djordje Kuzmanovic témoigne qu’il n’est finalement lui-même qu’un populiste.

Catégories
Société

Défaite de l’Allemagne en football et nationalisme français de la « France Insoumise »

La France Insoumise s’est lancée dans une opération de nationalisme anti-allemand forcené à la suite de l’élimination, au premier tour de la coupe du monde, de l’équipe d’Allemagne. Cette dernière a connu une défaite récurrente ces dernières années de la part du champion en titre s’imaginant pouvoir se reposer sur ses acquis et échouant à reconquérir son titre (et non pas simplement le conserver).

Ce qui ressort ici, ce sont les valeurs du nationalisme français le plus traditionnel qu’on retrouve chez la France Insoumise, en opposition frontale avec les valeurs de la Gauche qui n’ont jamais assimilé un peuple à son gouvernement, ni d’ailleurs un peuple à un préjugé négatif quelconque.

Malheureusement, ce sont bien évidemment les partisans de l’Union Européenne dans sa version libérale, capitaliste, qui ont été aux premières loges pour le dénoncer. Car c’est un affrontement entre libéraux et nationalistes auquel on assiste ici, ce qui est un piège terrible.

Les libéraux, les capitalistes, prétendant améliorer les conditions matérielles et empêcher la guerre grâce à l’Europe, ce qui est de moins en moins vrai et bientôt ne le sera plus du tout.

Les nationalistes veulent que leur pays tirent leur épingle du jeu le plus vite possible, en faisant cavalier seul.

C’est à cette catégorie qu’appartient la France Insoumise et son populisme. C’est bien toute une stratégie, profitant de toutes les opportunités. On a d’ailleurs Manuel Bompard, coordinateur des campagnes de la France insoumise, qui parle à cette occasion de dégagisme.

Djordje Kuzmanovic, responsable « géopolitique » de la France insoumise, a la même interprétation populiste. On remarquera qu’il présente la France comme une colonie allemande, ce qui est un discours relevant de l’idéologie nationale-révolutionnaire.

Bastien Lachaud, député LFI de Seine-Saint-Denis, a publié un tweet enlevé par la suite, disant :

Merci aux Coréens, Battiston est enfin vengé – Séville 1982 ! Dégageons Angela Merkel pour venger les peuples européens

Adrien Quatennens, député LFI du Nord, a tenu des propos dans le même esprit.

Jean-Luc Mélenchon a par ailleurs tout fait pour souligner le trait, déjà bien forcé.

Preuve de la démagogie de Jean-Luc Mélenchon, voici ce qu’il a pu mettre en avant juste avant ces propos.

Plus de guerre, plus de compétition, puis peu après la dénonciation nationaliste de l’Allemagne. Tout cela est d’ailleurs un fourre-tout lamentable, puisqu’en même temps on trouvait cela : Merkel associée aux panzers, qui dépouillerait la France.

L’échec de la Gauche est terrible : il accorde des espaces aux chauvins, aux nationalistes, aux antisémites, qui se prétendent contre le capitalisme, contre l’impérialisme, pour mieux mobiliser dans un sens nationaliste.

Ce qui est totalement ressemblant à l’Italie des années 1920, l’Allemagne des années 1930, avec l’utilisation du ressort « national » pour mobiliser prétendument pour du « social ».

Catégories
Politique

Retour critique sur la «marée humaine» du 26 mai 2018

La France connaît une vague de populisme sans précédent, un populisme qui est en train de balayer la Gauche dans toutes ses valeurs historiques, si ce n’est déjà fait.

C’est l’alliance de l’esprit individualiste et du corporatisme, avec un sens aigu de la paranoïa, un goût assumé pour les simplifications et les explications délirantes.

A chaque fois qu’on lit les discours anarchistes ou de la France Insoumise, on croit que la France est à deux doigts de l’insurrection, que la police matraque, torture et tue, que l’apartheid aurait été instauré, qu’il n’y aurait plus de droits sociaux.

La photographie suivante du 26 mai 2018, où Emmanuel Macron est présenté comme un SS, avec les « S » utilisant le logo du dollar, témoigne tout à fait de cela ; c’est le prolongement populiste de la pendaison de l’effigie d’Emmanuel Macron, de la mise au feu de sa marionnette, lors de précédentes manifestations.

Ce relativisme des crimes nazis est inacceptable ; il reflète bien d’une hystérie de gens des couches sociales intermédiaires utilisant un discours outrancier pour prétendre être les victimes absolues et les vrais protagonistes de l’Histoire.

On remarquera aussi ce qui semble bien être le drapeau israélien sur le bras droit, une allusion désormais classique dans la mouvance d’ultra-gauche et de la France Insoumise, avec cet antisémitisme classique comme socialisme des imbéciles.

C’est là en rupture avec toutes les valeurs historiques de la Gauche, et on ne s’étonnera donc pas que Jean-Luc Mélenchon, dans une interview accordée à Libération, récuse le terme de gauche.

– Pourquoi ne voulez-vous plus revendiquer le mot «gauche» ?

Il a été tellement faussé par la période Hollande…

– L’enjeu n’est-il pas alors de le réinvestir ?

Il est réinvesti par les contenus que nous mettons sur la table : planification écologique, Constituante, partage des richesses. Les idées sont des matières vivantes, elles deviennent des forces matérielles si les gens s’en emparent. Tant que le mot «gauche» signifiera «la bande à Hollande», il repoussera plus qu’il n’agrégera.

– Le mot «gauche» ne se réduit pas à Hollande ! Pour beaucoup de gens, la gauche, ça veut encore dire quelque chose…

Je suis un homme issu de la gauche. Tout notre groupe parlementaire de même. Parmi les responsables politiques, je suis sûrement celui qui a le plus écrit sur l’idée de gauche et qui l’a le plus nourrie. Je n’ai jamais dit que ça ne voulait plus rien dire !

Mais dans le combat que nous menons, il faut laisser de côté la fausse monnaie. La gauche, ça n’a jamais été la politique de l’offre ou la soumission aux traités libéraux de l’Union européenne. L’enjeu majeur de 1789 à aujourd’hui, c’est la souveraineté politique du peuple. Le mot «gauche» est né de cela ! Notre stratégie révolutionnaire, c’est la révolution citoyenne par la Constituante.

La Gauche, c’est le mouvement ouvrier, et certainement pas François Hollande… On ne raye pas plus de cent ans d’histoire, d’expériences, de lerçons comme cela! Jean-Luc Mélenchon est un démolisseur, un liquidateur, un fossoyeur.

Et il est terrible qu’il y a une capitulation face à lui, comme en témoigne la très longue liste des soutiens à son initiative de prétendue marée humaine :

Alternative et autogestion – Alternative libertaire – EPEIS -ATTAC – Climat social – Collectif des Associations Citoyennes – Collectif National pour les Droits des Femmes – Collectif La Fête à Macron – CGT – Coordination nationale de défense des hôpitaux et maternités de proximité – Convergence nationale de défense des services publics – DIDF – DIEM25 – Droit au Logement – Ecologie sociale – EELV – Les effronté.es – Ensemble – Femmes Egalité – Fondation Copernic – France Insoumise – Gauche Démocratique et Sociale – MJCF – Mouvement Ecolo – Mouvement National des Chômeurs et Précaires – Nouvelle Donne – NPA – PCF – PG – Parti Ouvrier Indépendant Démocratique – PCOF – PCRF – République et Socialisme – Résistance Sociale – Snesup-FSU – Solidaires  – Syndicat des Avocats de France  – Syndicat de la Magistrature – UEC – UNEF – Union Nationale Lycéenne (ont également appelé la FCPE et la FSU)

Mais de cela, tout le monde se fout, à part les gens liés aux syndicats et à leur corporatisme, ou bien à une sorte de romantisme anarchiste totalement hors sol. Le résultat est ainsi très clair pour la pseudo marée humaine.

La police a compté 21 000 personnes à Paris, le cabinet Occurrence travaillant pour des médias institutionnels en a dénombré 31 700, la CGT 80 000.

A l’échelle du pays, la CGT a revendiqué 250 000 personnes, le ministère de l’intérieur en a compté 93 315 (on remarquera le souci de précision).

En clair, la population française a totalement boudé cette pseudo révolte, ayant très bien compris de quoi il en retournait. Malgré le printemps et la grève des cheminots, la sauce ne prend pas, car personne n’est dupe : c’est le populisme et le corporatisme qui sont à l’oeuvre.

Ainsi que, ne l’oublions pas, le néo-libéralisme culturel, que cette photo de la sénatrice Esther Benbassa résume parfaitement. La nouvelle pseudo gauche prend entièrement l’ancienne Gauche à contre-pied sur le plan des valeurs culturelles.

C’est à cause de cela que de jeunes ouvriers vont chez les nazis, s’imaginant que la Gauche ce serait juste un néo-libéralisme où chacun peut faire ce qu’il veut, sans responsabilités ni devoirs, sans morale ni valeurs.

Une autre photographie est également emblématique : celle où un manifestant tient une pancarte où il est écrit qu’un poulet serait mieux grillé. C’est bien entendu une allusion aux policiers, avec un goût sinistrement morbide.

Cet anarchisme de pacotille – très ironique quand on voit la drapeau d’air France, depuis quand un travailleur assume le drapeau de son entreprise ? – prêterait au mieux à sourire (cela ne sera pas notre cas) si désormais la condition animale n’était connue de tous.

Culturellement, là aussi on voit bien la faillite morale et intellectuelle, au profit de la posture.

Ce populisme, cette négation du contenu, est intolérable et montre bien la nécessité d’en revenir aux fondamentaux du mouvement ouvrier.

Catégories
Politique

François Ruffin ou le populisme assumé

Le Parti Communiste Français (PCF) tente de se maintenir coûte que coûte malgré les coups de boutoir de la France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon. Pour ce faire a été notamment mis en place « une revue d’action politique du PCF », qui a comme nom « Cause commune« .

Il s’agit d’une revue d’intellectuels post-post-marxistes, c’est-à-dire relativement jeunes, coupés de toute tradition historique, mais saupoudrant leurs remarques de références à Karl Marx, à Octobre 1917, sans jamais de lien avec un quelconque contenu, mais afin de s’approprier une image de « gauche de la gauche ».

Son dernier numéro est consacré au populisme, une idéologie qui est revendiquée par la France Insoumise et notamment par François Ruffin dans une interview reproduite ici. C’est l’ancien dirigeant trotskyste Ni définition pertinente, ni projet d’avenir pour la gauche« .

C’est que le PCF est d’accord pour ne pas vouloir un retour aux fondamentaux – ce que nous, nous trouverons au contraire juste – mais il se considère comme post-mouvement ouvrier, pas comme une rupture totale avec le passé comme la France Insoumise et avec elle François Ruffin.

Fakir se revendique du « populisme de gauche » mais, si l’on en croit un entretien de 2016, bien avant d’avoir lu Chantal Mouffe. Par quel chemin y parvenez-vous ?

Je me souviens l’éditorial de Serge July dans Libé le lendemain du référendum de 2005 sur le traité de Rome. Amer devant la victoire du « non », il parle d’« épidémie de populisme ». À ce moment, pour moi, « populiste » renvoyait au « prix du roman populiste » qui récompense une œuvre qui « préfère les gens du peuple comme personnages et les milieux populaires comme décors à condition qu’il s’en dégage une authentique humanité ».

Populiste était pour moi un mot noble, pas une injure. Par ailleurs, ce mot décrivait parfaitement bien l’idée que je me faisais de mon activité de journaliste : peindre les vies populaires avec empathie. Chez Serge July, le mot servait à dénoncer, à condamner le peuple pour n’avoir pas été assez rationnel.

D’où l’idée chez moi de retourner le stigmate et de ne pas faire de ce mot un épouvantail. Voilà pourquoi avec Fakir, on n’a pas hésité à se dire « populistes », en précisant que nous étions populistes de gauche. Preuve au passage que le populisme n’élimine pas le clivage gauche-droite.

Qu’est-ce que le populisme pour vous ?

Le populisme, c’est d’abord une pratique. Une histoire. Chez les Whirlpool, certains ouvriers disent du mal des « assistés », etc. Il existe un clivage entre « nous », les ouvriers, et « eux », les assistés. Pratiquer le populisme, c’est leur proposer un autre adversaire.

Il s’agit pour moi de reconstruire un autre « nous ». Le « nous » des simples, des gens, des petits, etc. Cela fonctionnait ainsi avant les années 1980. Mais après, on a commencé à nous dire que cette manière de voir était archaïque, dépassée, etc. Au contraire, il faut y revenir, revenir au conflit entre les petits et les gros.

Et les classes sociales dans tout ça ?

Parler du peuple n’empêche pas de parler de classe. S’il faut parler de peuple, il faut aussi avoir conscience de sa diversité sociologique interne. Pour conquérir l’hégémonie, il faut réussir à dépasser deux divorces au sein du peuple.

Pour le dire vite, le divorce entre les « profs » et les « prolos », les deux cœurs sociologiques de la gauche. Et le divorce dans les milieux populaires entre enfants d’immigrés et enfants d’ouvriers des campagnes.

Parler de « peuple », abstraitement, ne risque-t-il pas de contribuer à rendre invisibles les classes populaires ?

La faible représentation des classes populaires est un problème général. Il n’y a qu’à regarder la composition des différents partis ou mouvements à gauche. C’est un problème de fond : comment rend-on la parole et un rôle aux classes populaires ? Comment fait-on monter des ouvriers, des aides-soignantes, etc., en responsabilité ?

Est-ce qu’il faut recréer des écoles de parti ? Compter sur la formation syndicale ? Je n’ai pas de recette toute faite. Juste, accuser le « populisme » de les rendre invisibles, ça me paraît à côté de la plaque.

Chantal Mouffe dit vouloir rénover la social-démocratie. Partagez-vous cet objectif ?

Je lis les livres de Chantal Mouffe. J’y prends des choses, mais pas tout. En ce qui concerne la social-démocratie, ce n’est pas pour moi un mot à dénigrer.

Le problème, c’est qu’il est revendiqué par des gens qui ne sont ni sociaux ni démocrates. Jaurès parle d’un « réformisme révolutionnaire », ce qui me va bien. Mais il manque évidemment la préoccupation écologique.

*François Ruffin est député (FI) de la Somme et rédacteur en chef de Fakir.

Entretien réalisé par Florian Gulli.

Cause commune n° 3 – janvier/février 2018