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Meeting commun de la Gauche du 11 décembre 2019

Ce meeting rassemblant les principales structures de la Gauche a malheureusement été occulté par a présentation le même jour du projet de réforme des retraites par le Premier ministre. Rassemblant de manière la plus large, il a consisté en une tentative du PCF de ressouder des forces assumant de vivre à l’écart les unes des autres.

Le meeting a eu lieu à Saint-Denis dans le nord parisien, ville historiquement composante de la « banlieue rouge » cerclant Paris. C’est un bastion historique du PCF et c’est lui qui a organisé ce meeting devant traiter de la réforme des retraites. Bien entendu, il s’agissait surtout de refaire parler entre elles les différentes composantes de la Gauche.

L’esprit unitaire a prédominé, au point que Le Monde, dans son article au sujet du meeting, liquide la présentation des présents :

« La liste complète des participants est trop longue pour être reproduite de manière complète. »

Le journalisme de ce début de 21e siècle est un étonnement permanent. Il est vrai cependant que cela relève d’un esprit anti-politique propre à notre époque. Déjà que la lutte politique a toujours été difficile pour la Gauche, dans un climat de simplisme, de populisme et de libéralisme général, c’est encore plus dur.

Étaient donc présents des représentants du Parti socialiste, de Génération-s, de Lutte ouvrière, du Nouveau parti anticapitaliste, de La France insoumise, d’Europe Écologie-Les verts, de Place publique, de Gauche démocratique et sociale ainsi que des radicaux de gauche. À cela s’ajoute également la Gauche républicaine & socialiste, systématiquement « oubliée » dans les médias. La présence de sa représentante Marie-Noëlle Lienemann est parfois mentionnée pourtant.

Une telle amplitude fait que le meeting avait par conséquent son importance ; rien que sa tenue est déjà une contribution certaine, même si volontariste, à l’inévitable unité à venir. Tout le monde était d’ailleurs d’accord qu’il fallait aller dans le sens d’une mobilisation, d’une intervention accrue pour contrer le gouvernement et établir un contre-projet.

Les dissensions, si elles ont été évitées de manière formelle, n’ont toutefois pas manquer d’affleurer et de parasiter, voire paralyser le meeting. Au grand dam du PCF qui s’est placé à cette occasion comme assumant le rôle d’interface entre tout le monde. Il n’a pas ménagé ses efforts en ce sens, tant en prenant le risque d’organiser le meeting, en servant d’organisateur des discussions, en poussant à un esprit unitaire.

C’est que le PCF a aussi le plus à perdre d’un éventuel échec, car il est coincé. Il y a en effet d’un côté les réformistes gouvernementaux se considérant comme incontournables de toutes façons (le PS et EELV), acceptant le système des retraites à points, ne voulant pas reculer l’âge de la retraite, bref soucieux d’apparaître comme institutionnels à tout prix, « réalistes », etc. Ils ne veulent pas faire reculer l’âge de départ à la retraite, ils sont prêts à négocier avec Emmanuel Macron un système de retraites à points.

Il y a de l’autre ceux pour qui il faut mettre de l’huile sur le feu pour tirer son épingle du jeu (LFI surtout, mais aussi le NPA ou Lutte Ouvrière). On penche de ce côté-ci dans le sens d’une rupture complète et d’un refus du Parti socialiste. Le représentant de LFI a clairement dit d’ailleurs, sans hésiter aucunement, qu’il n’y aurait pas de projet commun en raison des trop grandes différences existantes.

Ce n’a cependant aucune perspective de tracée pour l’instant, car tous les participants considèrent que tout dépend du mouvement contre la réforme des retraites. Un meeting dans un esprit unitaire est d’ailleurs prévu pour bientôt à Beauvais.

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«Appel à une candidature unique de la gauche à l’élection présidentielle 2022»

Une initiative a formé une plate-forme pour qu’en 2022, la Gauche ne présente qu’un seul candidat aux prochaines élections présidentielles, sur la base d’un dénominateur commun à la fois social, humaniste et écologiste. Si le dénominateur commun en question peut évidemment se discuter, dans tous les cas c’est une évidence qui s’affirme d’elle-même alors que les menaces ultra-libérales et d’extrême-Droite ne cessent de se renforcer.

Le site uniondesgauches2022.org propose un embryon de programme et une pétition pour, en amont, contribuer à une candidature unique de la Gauche aux présidentielles de 2022. Parmi les idées mises en avant, il y a le passage suivant qui est très bien tourné et qui parlera de manière naturelle à tous les gens de gauche :

« Le sentiment d’appartenance à une société commune, prérequis indispensable à la vie démocratique, a été brisé par une double peine.

D’une part, le modèle libéral dominant impose une compétition permanente au citoyen/consommateur dont la réussite est mesurée à l’aune de son enrichissement par rapport aux autres.

D’autre part, le discours réactionnaire et omniprésent de l’extrême droite enferme notre société dans une vision communautariste qui oppose les citoyens, à mille lieues de nos valeurs universalistes historiques.

Face à cette menace, la gauche se mobilise pour défendre une société du commun. »

On ne dira pas : c’est beau, parce que tout cela est dramatique. On dira donc : c’est bien. Très bien même ! Rien que ces quelques lignes devraient suffire à établir la base de l’union, permettant de débattre, proposer, discuter ensuite de comment faire, comment interpréter la situation, etc.

L’initiative mise en place cherche cependant directement à aller plus loin. On a donc plusieurs thèmes, avec à chaque fois un petit résumé et les liens vers les positions d’Europe Écologie-Les Verts, du Parti socialiste, de La France Insoumise et du PCF. On a donc :

– en finir avec la monarchie présidentielle pour remettre le citoyen au coeur de la décision publique ;

– reprendre le contrôle sur les banques et la finance ;

– redistribuer plus justement les richesses ;

– refonder une société du commun et du vivre-ensemble ;

– défendre nos services publics pour préserver le modèle social français ;

– accueillir et intégrer dignement les réfugiés ;

– passer au 100% renouvelable ;

– encourager une économie verte et relocalisée.

L’idée est bien sûr de ne pas en dire trop peu et d’essayer de dynamiser le tout le plus rapidement possible… De par l’état des forces de la Gauche, d’ici les élections présidentielles en 2022 mieux vaut s’y prendre tôt, effectivement !

On peut toutefois – pour faire quelques remarques tout de même – regretter des incohérences.

Dire qu’il faut en terminer avec la monarchie présidentielle est par exemple excellent, c’est le cœur de la Gauche historique d’ailleurs. Notons tout de même en passant que tous les partis de Gauche ayant été au gouvernement s’en sont finalement bien accommodés, de cette Ve République née d’un coup d’État militaire…

Mais passons, le souci vient du fait qu’il est demandé que soit renforcé le pouvoir des villes et régions, et réinventé le rôle des députés. Cela ne marche pas, car est ici oublié le Sénat, ce bastion des forces réactionnaires s’appuyant sur les élus des collectivités territoriales, cet arrière-pays réactionnaire… Soit on renforce les députés (aux dépens du Sénat), soit on renforce le local, mais les deux en même temps, ce n’est pas possible.

C’est pourquoi, finalement, une vraie Gauche ne peut qu’aller dans le sens de la disparition du sénat et des préfets, ces avant-postes relevant obligatoirement de la Droite. Ce qui amène au vrai problème de fond, d’ailleurs. Il n’est en effet pas possible de combiner :

– la décentralisation, les concertations citoyennes, le renforcement du local… comme le veut la tradition de la seconde Gauche rejointe finalement par le PCF,

– avec l’affirmation politique de la Gauche, qui ne peut exister que dans le dépassement des particularismes locaux et la proposition au niveau de tout le pays.

Ce nécessaire besoin de la Gauche d’exister au niveau national, sans quoi elle se dilue dans l’arrière-pays réactionnaire, dans la France profonde, a été vrai pour tous ses marqueurs : la Commune de Paris de 1871, le Front populaire de 1936, mai 1968, tout comme évidemment l’union de la Gauche en 1981.

On voit mal comment l’union des gauches en 2022 pourrait éviter de proposer quelque chose de fort sans se faire littéralement massacrer par les libéraux d’un côté et l’extrême-Droite de l’autre. Il y a de sacrés défis qui nous attendent !

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Grève lancée le 5 décembre 2019: la Gauche politique est le seul repère

Le climat est délétère et il y a envie d’en découdre. Le souci est que tout le monde a envie d’en découdre, c’est vrai autant à Gauche qu’à Droite. Sauf que la Gauche est déstructurée, alors que la Droite est en reconstitution, avec une extrême-Droite formant un véritable pôle. Toute réduction à du syndicalisme, tout suivisme de la part de la Gauche politique serait un suicide. Cela va être malheureusement difficile de par les tendances à l’auto-intoxication promues par l’ultra-gauche, les syndicats et les populistes de La France Insoumise.

Le grand risque du mouvement de grève qui s’ouvre ce 5 décembre 2019, c’est l’auto-intoxication. On peut critiquer les cadres historiques du Parti socialiste, comme Jean-Christophe Cambadélis et Julien Dray, pour leur froid pragmatisme et leur sens, disons, de faire prendre aux choses une tournure relevant du calcul. Mais au moins avec eux les choses sont présentés comme elles sont.

Au contraire, prenons ce que dit le média Révolution Permanente, expression d’un courant du Nouveau Parti Anticapitaliste, dans l’article Vers une grève générale politique contre Macron ?. La première phrase est la suivante :

« Tout indique que la grève générale du 5 décembre sera d’une ampleur absolument inédite, sans doute la plus grosse mobilisation depuis celles de 1995, 2006 et 2010. »

Ce serait donc une ampleur « absolument inédite », mais on l’aurait déjà vu pas moins de trois fois ! Comment peut-on raconter une chose pareille ? Et c’est typique, c’est malheureusement un excellent exemple de ce qu’on voit régulièrement dans les expressions de soutien à la vague de grève qui se lance.

Pour les uns, on est à deux doigts de la démission d’Emmanuel Macron, de la fin du gouvernement, voire du capitalisme. Pour d’autres, il y a phénomène de convergence de tous les mouvements possibles qui est en train de se jouer.

Les gilets jaunes – un mouvement réactionnaire culturellement qui a toujours concerné une minorité du pays – aurait révolutionné les luttes et les syndicats se mettant en branle, tout va changer du tout au tout !

Ce n’est pas réaliste. Si le mouvement prend vraiment de l’ampleur, alors cela sera :

– une bataille ardue faisant une expérience formidable ;

– mais une bataille avec des larmes et du sang, au sens propre ;

– produisant inévitablement une puissante vague de Droite en réaction,

– provoquant un électrochoc à Gauche avec une compréhension que tout va se jouer à pas grand-chose, vu le peu de temps qu’il reste avant l’instauration d’un régime au minimum autoritaire et nationaliste.

Il faut arrêter de vendre du rêve, de prétendre qu’Emmanuel Macron c’est le fascisme, que la police frappe tout le monde et démantèle les manifestations. Parce que c’est ce qu’on lit, dans une surenchère folle.

Il faut les faits, politiquement. Et la Gauche est inexistante politiquement, alors que l’extrême-Droite a une véritable proposition stratégique. Que le programme de Marine Le Pen ne tienne pas debout n’est pas la question : pour l’instant, au moins la moitié des ouvriers sont attirés par cela. Il faut ajouter qui plus est à ce panorama la vague de type « conservatrice révolutionnaires » portée par Marion Maréchal, Éric Zemmour, Valeurs Actuelles, etc.

Soit le mouvement se lançant le 5 décembre devient politique et culturel, parce qu’il porte la lutte des classes. Soit il se réduit à une protestation économico-contestataire sans envergure et c’est l’échec assuré.

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Le 86e congrès de l’UNEF du 6 au 8 décembre 2019

Le syndicat étudiant UNEF, historiquement une véritable usine à cadres pour la Gauche, va tenir son 86e congrès alors qu’elle est à un tournant. Elle a perdu en effet son approche historique d’organisation de masse pour devenir pratiquement une structure politique de la « Gauche » postmoderne, avec une démarche très sectaire.

Le 86e congrès de l’UNEF a lieu du 6 au 8 décembre 2019 à Lille, alors que l’organisation est en perte de vitesse dans la jeunesse depuis plusieurs années et est même passée au second plan dans les institutions étudiantes derrière la FAGE.

L’UNEF a rompu en effet avec la tradition de la Gauche historique – avec ses innombrables débats de tendance et ses liaisons avec les partis politiques – et ses militants agissent littéralement comme ceux d’une organisation politique avec des revendications ultra-minoritaires et sectaires.

Si les éléments les plus radicaux allant en ce sens sont parties – formant en mai 2019 la Fédération syndicale étudiante l’orientation de ce type reste hégémonique et l’organisation risque pas moins que l’auto-destruction.

Les seules réponses à la crise qui sont proposées par les quatre tendances en prévision du congrès sont en effet la fuite en avant dans les thématiques « minoritaires » propres à la « Gauche » postmoderne ainsi qu’une puissante décentralisation.

La Tendance Action Syndicale (TAS), la Tendance Action Collective et Luttes Étudiantes (TACLE) et la Tendance Réformiste pour une Alternative Démocratique et Écologiste (TRADE) ne parviennent de toutes façons pas à peser sur la Tendance Majorité Nationale. Celle-ci dispose de la majorité depuis 2001 et provient même de la fraction majoritaire dans l’UNEF-ID, lié au Parti socialiste, depuis 1994.

Pour comprendre à quel point c’est l’échec, il suffit de regarder le programme de la Tendance Action Syndicale (TAS). Rien que la première page dispose d’une demi-page de notes en petits caractères pour expliquer des concepts comme crise du capitalisme, matérialisme dialectique, fascisme, capitalistes, État, crise politique/économique.

Tout cela est indéniablement important, intéressant, on ne peut pas en disconvenir. Mais s’imaginer que c’est le lieu pour cela ou que des notes en petits caractères vont élever le niveau idéologique, politique, c’est de l’ultra-gauchisme, purement et simplement.

Il en va de même pour la Tendance Action Collective et Luttes Étudiantes (TACLE), liée au NPA, qui nie totalement que la poignée d’activistes étudiants est totalement marginalisée chez les étudiants et s’imagine représenter une minorité politique à deux doigts de la prise du pouvoir :

« Nous avons donc une responsabilité, celle d’être une génération forgée à la chaleur de l’affrontement à ces attaques et à ce gouvernement capitaliste. Une génération militante formée, forgée et construite dans les Assemblées Générales massives contre la loi ORE, dans les grèves, dans les blocages, dans les manifestations massives, dans les actions coups de poing. »

La Tendance Majorité Nationale n’échappe à cette lecture fantasmée et décalée ; voici les premières lignes de son document :

« «La plus grande gloire n’est pas de ne jamais tomber, mais de se relever à chaque chute»

Nelson Mandela

Introduction: Etats-Unis, Brésil, Grande-Bretagne, Inde, Italie… Les forces réactionnaires et d’extrême-droite n’ont cessées de gagner du terrain ces dernières années aussi bien par la voie 8électorale que sur le plan des idées.

Pendant que le Brésil de Bolsonaro se referme sur lui-même, sacrifie l’Amazonie au nom de sa politique, coupe drastiquement sur le financement de l’enseignement supérieur et impose des lois homophobes, l’Inde persécute les personnes musulmanes de la région du Cashemir.

Néanmoins les populations mondiales ne restent pas silencieuses, et s’élèvent pour exiger démocratie et justice sociale: Algérie,Soudan, Hong Kong, Turquie etc. ici aussi la liste est longue. »

La Tendance Réformiste pour une Alternative Démocratique et Écologiste (TRADE) propose quant à elle l’abandon de tout projet global et un fédéralisme permettant une autonomie complète.

« Adopter une approche Bottom-Up : décentraliser

Notre organisation se doit d’être plus humble et de revenir à une structure décisionnelle locale, avec le développement de tracts locaux, de chartes graphiques locales. L’Unef se réalisera pleinement lorsqu’elle fera la somme de ses racines en un tronc commun et non pas en imposant à une multitude de branchages une seul voie. C’est l’appauvrissement des idées et des moyens d’actions qui nous touche par l’incapacité à renouveler nos méthodes militantes.Il faut accorder un poids plus important aux sections locales en leur accordant une autonomie accrue. »

On l’a compris : la majorité veut faire comme avant, les autres tendances exigent l’autonomie des sections, alors que dans tous les cas les seules valeurs communes sont un activisme estudiantin avec des thématiques telles l’écriture inclusive, les revendications « LGBT+ », etc.

Alors que la seule solution, pour que l’UNEF se maintienne et se reconstruise, est un retour aux fondamentaux, aux enseignements de l’UNEF-ID et de l’UNEF (dite « SE ») des années 1980, avec une cessation de la prétention à être ce qu’elle n’est pas : une organisation politique.

L’UNEF ne peut exister que comme mouvement de masse ; qu’il y soit parlé politique et que la politique décide, tant mieux, car le syndicalisme en soi n’aboutit à rien. Mais la négation du syndicalisme, sa transformation en un jeu « hyper-révolutionnaire » ultra-minoritaire se mettant sur le même plan que le monde du travail, c’est de la simple vanité et surtout un suicide.

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«Le PS appelle ses militants et sympathisants à se joindre aux manifestations du 5 décembre prochain»

Voici le communiqué du Parti socialiste pour les manifestations du 5 décembre 2019.


Lire également
: Est-ce le « soviet » qui manque à la Gauche française ?

« Le PS appelle ses militants et sympathisants à se joindre aux manifestations du 5 décembre prochain

À l’appel de plusieurs fédérations et confédérations syndicales, un préavis de grève reconductible a été déposé pour le 5 décembre prochain et un appel à manifester a été lancé afin de protester contre la réforme des retraites inscrite à l’agenda politique par le président de la République.
En entretenant volontairement le flou sur une réforme qui semble conçue uniquement dans une logique comptable au détriment du niveau des pensions et de la solidarité collective, le président de la République et le gouvernement méprisent les craintes légitimes de nos concitoyens.
Nous réaffirmons notre attachement à un système de retraite qui place en son cœur la solidarité par la répartition, qui prend pleinement en compte la pénibilité du travail, qui reconnaît les carrières longues et le droit à une retraite progressive, et qui assure à tous les retraités un revenu juste et décent.
Mais la mobilisation du 5 décembre est devenue plus qu’un rassemblement pour la défense des retraites. Chaque jour, nous mesurons la volonté d’un nombre croissant de citoyens de poser un acte de combat face aux inégalités qui déchirent le pacte social, face aux politiques du gouvernement qui précarisent les plus fragiles et renforcent les plus privilégiés au détriment des classes moyennes et populaires.
Réforme des retraites, de l’assurance-chômage, dégradation des services publics – l’état de l’hôpital public est l’exemple le plus criant – précarisation croissante du travail illustrée par la situation des travailleurs des plateformes numériques, ou encore colère croissante de la jeunesse face à ses conditions dégradées de vie, d’études, ou d’entrée dans la vie active. Voilà autant de raisons supplémentaires de se mobiliser le 5 décembre pour dire STOP à une politique néolibérale qui fait système et sape les fondements de notre pacte social par la destruction de l’État social, l’accroissement des inégalités dans les territoires, l’individualisation des mécanismes de solidarité et l’escamotage permanent du dialogue social.
Ainsi, le Parti socialiste apporte son soutien à la manifestation du 5 décembre et appelle ses militants et sympathisants à se joindre aux cortèges pour dénoncer une vision de la société qui se résume à la loi du premier de cordée. Ensemble, défendons notre modèle social et les services publics qui sont nos biens communs ; ensemble, appelons au retour de réformes solidaires et de progrès social ; nous voulons une vie digne pour toutes et tous, un salaire juste, une action publique au service de l’émancipation et de la solidarité collective. »
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Est-ce le «soviet» qui manque à la Gauche française?

La soumission de la Gauche politique aux syndicats lors des luttes sociales est une tradition en France. Cela va pourtant à l’encontre de l’expérience en Europe, où ce sont les syndicats qui reflètent normalement sur le plan économique les perspectives tracées de manière politique. Le Parti socialiste se place ici dans cette expérience européenne en appelant à la grève du 5 décembre 2019 sans se placer dans la perspective syndicale.

Y a-t-il un problème d’organisation démocratique des travailleurs en France ? À la fin de la Première Guerre mondiale, la forme du « soviet », du conseil des travailleurs, a été assimilée dans une large partie de l’Europe, mais justement pas en France. C’est pourtant une forme qui permet la politique, alors que le syndicalisme à la française l’interdit.

Toute la Gauche a soutenu le principe des « soviets » lorsqu’il est apparu. Seule une partie de la Gauche – Lénine et les bolcheviks – considéraient que c’était la forme du « nouveau pouvoir » propre au socialisme. L’autre partie considérait que c’était la République, avec une représentation nationale « à l’ancienne ».

Mais tout le monde considérait que dans une période de troubles, la formation de « conseils » de travailleurs dans les entreprises était une chose cohérente, une mobilisation tout à fait dans l’ordre des choses. Les élections au sein des soviets en Russie montraient que l’ensemble de la Gauche y participaient (anarchistes, bolcheviks, menchéviks, socialistes révolutionnaires, etc.)

Et la crise ouverte en 1917 a provoqué la naissance de soviets dans de nombreux pays, souvent de manière massive, comme en Allemagne, en Italie, en Hongrie, en Autriche, en Finlande, bien sûr en Russie, etc.

Les pays les plus stables n’ont pas été touchés ; il n’y a donc pas eu de soviets en France, ni en Grande-Bretagne, deux pays où le syndicalisme était également puissant. Si cette question du syndicalisme est importante, c’est qu’on peut également voir que, par la suite, la forme « soviétique » n’est jamais apparue ni en France, ni en Grande-Bretagne.

Il y a bien sûr eu des assemblées générales de travailleurs dans une entreprise en lutte. Mais il n’y a jamais eu de prolongement de cette assemblée jusqu’à former une structure compacte prenant les décisions. Dans ces assemblées d’ailleurs, ce n’était pas les partis politiques de la Gauche qui formaient des tendances, mais seulement les syndicats.

Or, le problème est simple à comprendre : comment la Gauche peut-elle exister chez les travailleurs s’il n’existe aucun espace où ceux-ci peuvent se confronter à la politique de la Gauche ? La déclaration commune de novembre 2019 de la quasi totalité de la Gauche (hors PS) dit en définitive : nous serons la caisse de résonance politique des luttes syndicales.

Mais une telle chose ne peut pas exister. C’est pourquoi le Parti socialiste s’est montré bien plus intelligent, conséquent, logique, en ne signant pas la déclaration commune et en faisant son propre texte affirmant que la question n’était pas que syndicale, qu’elle touchait toute une vision du monde.

La déclaration commune dénonce évidemment le libéralisme économique également, mais en se plaçant dans l’orbite des syndicats. Le communiqué du Parti socialiste prend bien soin de terminer sur une note indéniablement politique. Il n’y a d’ailleurs pas le mot « syndicat », le flou étant savamment entretenu dans la première phrase, et dans la première phrase seulement :

« À l’appel de plusieurs fédérations et confédérations syndicales… »

Aucune référence aux syndicats n’est alors plus faite de tout le long communiqué ! On peut reprocher au Parti socialiste de faire de la mauvaise politique – mais en attendant, il en fait, contrairement aux signataires de la déclaration commune.

Tant que les travailleurs en France ne sauront pas en mesure de mettre en place une assemblée générale, de lui conférer un statut organisé, tant qu’ils maintiendront la fiction de la « lutte syndicale », on sera ainsi toujours à la traîne, dans une impasse avec d’un côté les réformistes électoralistes, de l’autre les syndicalistes « ultras ».

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[Tribune] Retraites : contre l’individualisme, nous choisissons la solidarité

Voici une tribune initiée par Ensemble ! et signée par Europe Ecologie-les Verts (EELV), Gauche démocratique et sociale (GDS), Génération·s, Mouvement pour la démocratie en Europe (Diem 25), Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), Nouvelle Donne (ND), Parti communiste français (PCF), Parti communiste des ouvriers de France (PCOF), Parti de Gauche (PG),Pour une écologie populaire et sociale (PEPS), République et socialisme (RS) ainsi que François Ruffin de la France insoumise.

On y retrouve donc toute la Gauche électoraliste qui est hors du Parti socialiste :

« Retraites : contre l’individualisme, nous choisissons la solidarité

Les forces politiques et les personnes soussignées s’opposent totalement au projet de retraites d’Emmanuel Macron et soutiennent les mobilisations syndicales annoncées pour le mettre en échec le 5 décembre, ainsi que les appels à la grève reconductible.

E. Macron parle de droits «universels» ? Ils seraient en réalité «individualisés» et réduits.

C’est au Parlement de Versailles en juillet 2018 que E. Macron a proclamé son projet. Il veut «un Etat providence du XXIe siècle, émancipateur, universel…» et «protéger nos concitoyens non selon leur statut et leur secteur d’activité, mais de manière plus juste».

Plus «juste» ? Pour l’assurance-chômage, le Président avait déjà promis «l’universalité». Or avec sa «réforme», plus d’un million de personnes verront leurs droits amputés et paieront de leurs poches les 3,8 milliards d’économies imposées par l’Etat jupitérien. Très belle «émancipation» !

Dans le monde selon E. Macron, les statuts collectifs disparaissent. Il ne reste que l’individu face à son destin, évoluant sur le marché, traversant la rue pour obtenir un emploi, surveillant son compte de retraite à points pour arbitrer entre la prolongation de son travail et son niveau de pension. A condition bien sûr de ne pas être au chômage, en maladie, ou en invalidité, comme beaucoup de salarié·es après 60 ans.

E. Macron oublie que le projet du Conseil national de la résistance (CNR) visait une Sécurité sociale universelle, mais avec des droits en progrès. Il veut qu’on oublie que ces conquêtes résultent d’une mobilisation populaire obtenant qu’une part plus élevée de la richesse soit attribuée aux retraites et à la santé, donc au bien vivre. Il a fallu pour cela augmenter la part du PIB accordée aux retraites, de 4% jusqu’à 14% d’aujourd’hui, pour améliorer le taux de remplacement entre la pension versée et les meilleurs salaires. Ce taux atteignait 75%, avant les contre-réformes accumulées depuis 1993. Ainsi la retraite a représenté une prolongation de son revenu pour des activités nouvelles et libres. Cette répartition de la richesse a permis d’universaliser des droits pour des retraités plus nombreux et un progrès de l’espérance de vie.

Cependant, une forte injustice persiste en raison de la scandaleuse inégalité salariale entre femmes et hommes, réduisant en moyenne leurs pensions de 40% sur celles des hommes. Or l’application effective de l’égalité salariale permettrait un afflux de ressources : 6 milliards d’euros au moins. Il est donc tout à fait possible d’améliorer ce qui existe. Et aussi de réduire les inégalités inacceptables dues à la pénibilité du travail. Même Edouard Phillipe a reconnu qu’il n’y a pas vraiment de «déficit» et que le système actuel est «encore bon».

Alors pourquoi s’acharner à le démanteler ? Parce que ce gouvernement veut à tout prix obliger les travailleurs, femmes et hommes, y compris les indépendants, à s’adapter aux règles du libéralisme : les droits coûteraient trop chers parce qu’ils sont socialisés et incluent une solidarité collective (carrières incomplètes, années de chômage, enfants). Au lieu d’une retraite où la prestation est d’avance garantie, ce pouvoir cherche à imposer un système où seule la cotisation est définie. Chacun sait ce qu’il cotise pour acquérir des points, mais personne ne sait quelles prestations seront versées. La conversion des points en pension pourra évoluer en fonction de la marche générale de l’économie. Le gouvernement aura la haute main sur ce choix à chaque budget annuel de la Sécurité sociale. La «caisse des retraites» où siègeront les syndicats ne pourra donner qu’un avis.

La propagande du gouvernement sonne bien, mais elle est une tromperie.

«Un euro cotisé donnera les mêmes droits pour tous» ? Peut-être, mais appauvris. En effet le calcul des droits à pension s’effectuerait sur toute la carrière, alors qu’aujourd’hui il se fait sur les 25 meilleurs salaires dans le privé, et les derniers mois dans le public. Conséquence : la moyenne des salaires baissera en incluant les mauvaises années. La pension baissera en proportion. Le recul de l’âge de la retraite est aberrant alors qu’à 62 ans, 40% des seniors sont inscrits à Pôle Emploi.

Un «Etat providence du XXIe siècle» ? Appauvri encore ! La part des retraites dans la richesse nationale serait plafonnée (14% du PIB), alors que depuis 1945 elle a progressé. Les cotisations ont augmenté : les actifs et les retraités sont solidaires pour déterminer la part de valeur qui va au bien commun. Ce n’est pas aux propriétaires financiers et de dividendes de décider. Alors qu’ils s’approprient toujours plus de richesses sans aucun effet sur le chômage.

Des droits «dès le premier euro» ? On promet que les jeunes auraient des droits au premier euro cotisé. Mais si la part totale des retraites est gelée, toute avancée des uns sera prise sur les autres. On aura une division accrue au lieu de droits égaux ! Ainsi, les pensions de réversion vont diminuer, ce qui pénalisera encore les femmes. Macron veut en réalité rendre «naturelle» la précarité des temps partiels et des CDD au lieu de les combattre.

«Un système plus juste» ? Faux ! E. Macron veut rayer le mot «pénibilité du travail» du vocabulaire alors même que celle-ci participe largement à réduire l’espérance de vie en bonne santé. Que de retraites volées à celles et ceux qui en auraient le plus besoin !

La retraite par points ? Le secteur privé la connaît déjà, avec les «complémentaires» par points qui ne cessent de se dégrader. Les «complémentaires» sont le cheval de Troie introduit pour habituer à un système individualiste. Comme c’est le cas aussi en Suède souvent portée en exemple. En France, sous la pression du Medef, les pensions «complémentaires» ont été gelées de 2016 à 2018, et une baisse de 10% est prévue à partir de 2019. Ni Macron ni les patrons ne veulent plus parler de hausse de cotisations.

Etat «providence» ? Plutôt un tremplin vers la capitalisation pour les plus riches ! En effet, la baisse programmée du montant des retraites incitera ceux qui en ont les moyens à se tourner vers les fonds de pension. Les salaires au-dessus de 120 000 euros annuels ne cotiseraient plus au régime à points mais pourraient souscrire une épargne privée. Le ver serait dans le fruit.

Au total, la contre-réforme des retraites participe d’un plan de destruction des systèmes de solidarité : suppression des services publics, réforme punitive de l’assurance chômage, privatisations (ADP), attaques contre tous les statuts salariés.

Contre ce bouleversement de société, notre alternative repose sur un socle de droits universels : une retraite à 60 ans avec un taux de remplacement à 75% indexé sur les meilleurs salaires, garanti pour tous et toutes. Mais aussi un droit collectif à un départ anticipé en fonction de la pénibilité du travail, pour une retraite en bonne santé. Cela exige une augmentation des cotisations socialisées incluant les profits financiers. Et une baisse du chômage par la réduction du temps de travail apporterait aussi des ressources.

Les mobilisations syndicales unitaires seront décisives à partir du 5 décembre ! Nous appelons la population à leur apporter un soutien massif !

Signatures :

Europe Ecologie-les Verts (EELV) : Sandra Regol, porte-parole ; Alain Coulombel, secrétaire national adjoint

Ensemble ! : Clémentine Autain, députée de La France insoumise (FI), Myriam Martin, porte-parole, conseillère régionale LFI Occitanie; Jean-François Pellissier, porte-parole

Gauche démocratique et sociale (GDS) : Gérard Filoche, porte-parole ; Anne de Haro, GDS Ile de France

Génération·s : Guillaume Balas et Claire Monod, coordinateurs nationaux

Mouvement pour la démocratie en Europe (Diem 25) : Emma Justum, coordination nationale

Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) : Olivier Besancenot, Christine Poupin, Philippe Poutou, porte-parole

Nouvelle Donne (ND) : Aline Mouquet, co-présidente, Gilles Pontlevoy : co-président

Parti communiste français (PCF) : Cathy Apourceau-Poly, membre de la direction du PCF, sénatrice du Pas-de-Calais ; Pierre Dharreville, membre de la direction du PCF, député des Bouches-du-Rhône

Parti communiste des ouvriers de France (PCOF) : Véronique Lamy et Christian Pierrel, coporte-parole

Parti de Gauche (PG) : Eric Coquerel, député FI, co-coordinateur du PG; Danielle Simonnet, conseillère de Paris, co-coordinatrice du PG

Pour une écologie populaire et sociale (PEPS) : Sergio Coronado, Jean Lafont, Elise Lowy, Bénédicte Monville

République et socialisme (RS) : Marinette Bache, conseillère de Paris ; Lucien Jallamion, secrétaire national ; Mariane Journiac, secrétaire nationale

François Ruffin, député La France insoumise de la Somme.

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Une déclaration commune sans âme, une soumission aux syndicats

Toute la Gauche liées aux élections d’une manière ou d’une autre mais hors du Parti socialiste, a signé une déclaration commune défendant la solidarité contre l’individualisme dans la grande bataille des retraites qui va se dérouler en décembre 2019. Cette déclaration commune est toutefois sans âme, avec une approche réductrice à quelques mesures économiques, assumant une soumission complète aux syndicats. Or, c’est précisément cette soumission du politique au syndicalisme qui est la cause de la faillite de la Gauche française.

On retrouve dans la déclaration la plupart des mouvements de l’ancien « Front de Gauche » (Parti de gauche, Parti communiste français, République et socialisme, Ensemble !, Parti communiste des ouvriers de France).

On a également les anciennes structures de la gauche du Parti Socialiste : la Gauche démocratique et sociale et Génération-s.

À cela s’ajoute Europe Écologie-Les Verts, le Nouveau parti anticapitaliste, Nouvelle Donne, Mouvement pour la démocratie en Europe (Diem 25), Pour une écologie populaire et sociale, ainsi que la France Insoumise.

La liste des signataires de la déclaration commune témoigne donc de l’unanimité générale, à part de Lutte Ouvrière, qui pose cependant la même problématique. Sa propre déclaration dit ainsi :

« Quoi que l’on pense des confédérations syndicales et de leurs calculs divers et variés, il faut y aller. Nous n’avons que trop attendu pour réagir et nous opposer aux reculs imposés par le gouvernement ou le grand patronat. Le 5 décembre nous offre la possibilité de dire « ça suffit ». Profitons-en ! »

Le début et la fin de la déclaration commune générale sont exprimés de la manière suivante :

« Les forces politiques et les personnes soussignées s’opposent totalement au projet de retraites d’Emmanuel Macron et soutiennent les mobilisations syndicales annoncées pour le mettre en échec le 5 décembre, ainsi que les appels à la grève reconductible (…).

Les mobilisations syndicales unitaires seront décisives à partir du 5 décembre ! Nous appelons la population à leur apporter un soutien massif ! »

Le souci n’est bien entendu pas d’appeler à se mobiliser. Le souci est de soumettre la Gauche politique aux syndicats, c’est-à-dire de niveler par le bas les nécessaires besoins théoriques, culturels, programmatiques de la Gauche.

De plus, c’est un piège, car le front syndical n’est pas du tout unifié. L’idéal serait d’ailleurs normalement pour la Gauche d’appeler à la mobilisation générale sous un seul drapeau, pas de former une « alliance ». Tout le monde sait très bien qu’une union de la CFDT – désormais le premier syndicat en France -, de la CGT et de la CGT-Force Ouvrière ne peut être que fragile, temporaire, vouée à l’échec à moyen terme.

Cependant, cette erreur de la Gauche liée aux élections est malheureusement très simple à comprendre. La réforme des retraites est présentée comme un « bouleversement de société ». Cela signifie qu’il est fait une séparation entre le libéralisme politique, culturel, et le libéralisme économique.

Or, le triomphe dans l’opinion publique du libéralisme politique, culturel, implique immanquablement le triomphe du libéralisme dans le domaine économique. La bataille des idées a déjà été perdu, car elle n’a pas été menée, en raison de la liquidation de la Gauche historique.

La déclaration commune a donc tout faux et cela va se lire de deux manières : soit parce que, fort heureusement, le mouvement populaire va avoir une telle charge relevant de la lutte des classes que cette déclaration paraîtra ridicule. Soit parce que, malheureusement, il n’y aura aucun débouché politique à Gauche et que l’extrême-Droite s’imposera au moyen de la démagogie anticapitaliste.

Les temps sont tourmentés, les défis immenses ; la déclaration commune contourne cela, c’est un suicide politique consistant à attendre que les syndicats réussissent. Mais réussir à quoi ? Jamais dans l’Histoire les syndicats n’ont amené une modification dans une société. On paie ici encore et toujours le prix de la soumission de la Gauche politique à la Charte d’Amiens de la CGT de 1906.

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«La République en première ligne» du Printemps républicain le 30 novembre à Paris

Le mouvement Le Printemps républicain organise samedi 30 novembre un événement intitulé « La République en première ligne » avec comme objectif  « la reconstruction d’une force politique républicaine et progressiste », en confrontation avec cette « large partie de la gauche [qui] a choisi le déshonneur » en manifestant contre l’«islamophobie».

 

Le Printemps républicain est un rassemblement qui été considéré comme représentant surtout l’aile droite du Parti socialiste, avec une ligne républicaine « ultra » de centre-Gauche dans la lignée des positionnements de Manuel Valls. Le lancement de ce mouvement en 2016 avait cependant rassemblé plusieurs sensibilités signant son manifeste, depuis l’actuel dirigeant du PS Olivier Faure jusqu’à Emmanuel Maurel, qui a quitté le PS avec une critique par la gauche pour fonder Gauche républicaine et socialiste.

Le mouvement avait été fondé après le grand choc des attentats de 2015 et dans la foulée de l’esprit « Charlie ». C’est donc logiquement qu’il a été au cœur de la critique de gauche de la manifestation contre « l’islamophobie », avec notamment Amine El-Khatmi comme figure représentant le mouvement ces dernières semaines dans les médias.

Voici donc l’appel à l’événement « La République en première ligne », dont le programme précis n’est pas encore dévoilé.

« Chère amie,

Cher ami,

La manifestation contre l’islamophobie du 10 novembre dernier a marqué un tournant. En se rendant à ce rassemblement, en signant un appel à manifester avec des islamistes, en cautionnant par sa présence un parallèle insupportable entre le sort des musulmans en France aujourd’hui et celui des juifs sous l’occupation et la Shoah, en prenant part à un défilé durant lequel la foule a scandé Allahu Akbar à quelques centaines de mètres du Bataclan et des anciens locaux de Charlie Hebdo, une large partie de la gauche a choisi le déshonneur.

Un choix historique s’offre désormais à nous. Ce choix, nous le formulons depuis la naissance de notre mouvement. Il est notre raison d’être. C’est pourquoi nous sommes décidés à contribuer, avec les formations républicaines et progressistes qui le voudront, à entamer dès maintenant la reconstruction d’une force politique républicaine et progressiste.

C’est dans ce contexte que le Printemps Républicain a le plaisir de vous convier à l’événement La République en première ligne qui aura lieu le samedi 30 novembre à partir de 14h à La Bellevilloise à Paris.

Lors de ce rassemblement, nous aurons l’occasion de mettre à l’honneur les premières lignes de la République : les fonctionnaires qui protègent, soignent et éduquent ainsi que des élus et des citoyens courageux et engagés, défenseurs de la liberté d’expression, thème qui sera particulièrement mis à l’honneur. Ils nous parleront de leurs combats, ceux relatés dans Combats pour la France, le livre d’Amine El Khatmi. De grands témoins et des personnalités publiques de premier plan seront également présents.

L’inscription à cet événement est obligatoire (en se rendant sur le site www.printempsrepublicain.fr). L’événement est gratuit mais vous avez la possibilité de faire un don pour aider le Printemps Républicain, qui ne vit que des cotisations de ses adhérents, d’assumer le coût de cette journée.

Le programme complet sera dévoilé dans les prochains jours. »

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Gilets jaunes: un «anniversaire» raté

Les gilets jaunes avaient promis de célébrer leur première année d’existence de manière volontaire et efficace. Cela a bien entendu été une déroute de plus, avec même une qualité supérieure dans la défaite.

La France frémit, cela commence à bouillir et pourtant il n’y a pas eu de mobilisation favorable aux gilets jaunes. La lutte de classe reprend ses droits et la parenthèse « jaune » se referme.

Quelques centaines à Toulouse, 500 à Saint-Étienne, autour d’un millier à Marseille, Nantes et Lyon, 1500 à Montpellier, 1800 à Bordeaux, quasiment 5000 à Paris, 28 000 en tout. C’est extrêmement peu, mais les gilets jaunes n’ont jamais été vraiment nombreux de toutes façons, malgré tout le bruit qui a été fait autour d’eux. Ils n’ont pas non plus eu une quelconque influence dans la société française.

Jamais les ouvriers ne se sont tournés vers eux. Ils n’ont pas donné naissance à un style de lutte, ils n’ont pas donné naissance à des grèves, ils n’ont pas donné naissance à des dirigeants politiques. Ils en sont restés au niveau d’une passion française, le psychodrame.

Eux-mêmes sont le premier à le reconnaître : rien n’a changé au bout d’un an. Ils ne se remettent pas en cause pour autant, ce qui va renforcer de manière significative le populisme et l’antisémitisme. Il faudra bien expliquer par un « complot » l’échec complet, puisque les luttes de classes sont refusées.

Quant à l’ultra-gauche, elle a réussi à organiser de la casse, mais cela fut encore quelque chose de totalement ritualisé. Il y a bien eu des tentatives de sortir de cela à Paris, en occupant la salle de concert désaffecté La Flèche d’or pour en faire une « maison » contestataire ou en manifestant par surprise à 200 au niveau de la galerie commercial des Halles. Cela n’a pas fonctionné, car la police française a une stratégie bien précise : pas d’intervention sauf dans le cas où c’est « constructif ».

C’est cela que n’ont toujours pas compris les casseurs de Nantes ou de place d’Italie à Paris, réussissant divers feux de poubelle, quelques barricades sur le tas, des bris de vitrines, des graffitis divers, etc. L’État a laissé couler, sachant que là où il n’y a pas de proposition politique, tout est vain.

Nous revoilà d’ailleurs dans la même situation grosso modo qu’avant la fusion des socialistes français en 1905. On a des syndicalistes braillards, des anarchistes casseurs, une gauche électoraliste et un peuple qui reste totalement à l’écart de tout cela.

La grande question est de savoir maintenant ce qui va se passer en décembre, dans quelle mesure le cœur populaire du pays va se mettre en branle ou pas. Il est en tout cas déjà clair que la proposition stratégique des gilets jaunes a été réfuté par le peuple. C’est déjà donc indirectement un pas en avant vers une forme politique, de gauche, s’ancrant dans les valeurs du socialisme.

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La médiocrité petite-bourgeoise a contaminé la Gauche

La Gauche a toujours assumé la grandeur d’esprit, un regard historique plein d’ampleur, l’exigence de la raison, ainsi que le besoin d’un haut niveau de connaissances. L’ancrage social de la petite-bourgeoisie en France a amené celle-ci à faire une irruption dans la Gauche qui a anéanti tout cela, au nom d’un pragmatisme censé amener des résultats, mais ne provoquant que défaites et populisme.

Il a toujours existé en France une tradition populiste, dont l’expression la plus développée fut le syndicalisme révolutionnaire. La politique, cela ne servirait à rien, il faudrait faire simple, le plus simple possible, se mettre au niveau le plus bas, pour toucher le plus de monde possible. Vouloir une organisation avec des positions très développées serait contre-productif et même carrément nocif, car faisant triompher les intellectuels.

Malgré cette prétention syndicaliste révolutionnaire – ou syndicaliste tout court puisque le syndicalisme français vient de là – il n’a jamais existé en France de structure populaire atteignant une ampleur massive. Les syndicats actuels se veulent ainsi représentatifs de tous les travailleurs, mais leurs adhérents ne forment qu’un nombre limité. Et cela a toujours été le cas.

Qui plus est, au nom d’être en mesure de s’adresser à tous les travailleurs, cette approche réduit toute la réflexion à sa portion congrue, évitant tout « intellectualisme », mais permettant alors en réalité le succès de la médiocrité petite-bourgeoise.

Le style pastis-merguez de la CGT n’est en effet nullement populaire. Quand on s’organise en tant qu’ouvrier on fait les choses sérieusement – ou bien on ne les fait pas. Se comporter de manière dilettante est un luxe qu’aucun ouvrier ne s’accordera, ou alors il le fera dans son temps libre, et pas pour s’occuper de politique ou d’économie ou quoi que ce soit encore. C’est d’ailleurs pour cela que les ouvriers restent à l’écart de tout cela, que depuis les années 1950-1960 ils évitent la politique.

La seule grande politique ouvrière qui restait, c’était la CGT, mais dans un grand compromis avec le vécu petit-bourgeois, faisant du petit-bourgeois pavillonnaire le grand objectif d’élévation sociale des ouvriers. Seule une poignée de mouvements « gauchistes » ont essayé, avant et surtout à partir de mai 1968, de provoquer des électro-chocs, pour aller de l’avant du côté ouvrier. Comme on le sait, ce fut un échec.

Et on se retrouve maintenant avec une Gauche lessivée sur le plan des idées, avec une tradition ouvrière de cinquante années à ne rien faire, avec une petite-bourgeoisie disposant de décennies de vécu, mais n’ayant toujours pas de constance, de caractère. Ce qu’elle est vaniteuse, pourtant ! La Gauche aurait dû démolir directement les gilets jaunes, en disant : quoi, vous prétendez du jour au lendemain et sans efforts faire mieux que Léon Blum et Maurice Thorez, que Jean Jaurès et François Mitterrand, que Georges Marchais et Henri Krasucki ?

Cela ne fait pas forcément rêver, dirons certains. Peut-être, mais dans tous les cas la classe ouvrière a les dirigeants qu’elle mérite. Ceux-ci sont forcément à son image et ce n’est pas en visant un socialisme par l’intermédiaire des municipalités et des départements qu’on s’ancre dans l’Histoire.

Voilà pourquoi, alors que des défis historiques se posent en France, on va au désastre ! À moins de reconstituer la Gauche historique sur une base solide, avec des exigences de haut niveau, en imposant à la petite-bourgeoisie qu’elle soit soumise, qu’elle cesse de contaminer sa médiocrité.

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Le suicide n’est pas une forme politique

La tentative de suicide d’un jeune est une chose horrible, c’est un drame qui est une expression de désespoir. Cela ne saurait être autre chose. Y voir un caractère politique, comme avec la tentative de suicide d’un syndicaliste étudiant à Lyon, c’est accorder une valeur à l’autodestruction, ce qui est totalement étranger historiquement au mouvement ouvrier.

Le syndicalisme étudiant, en cherchant à mobiliser autour de ce drame, témoigne qu’il est définitivement passé dans le camp de la « Gauche » postmoderne et qu’il n’a aucune considération pour les classes sociales.

La Gauche a des responsabilités et il faut être absolument clair : le suicide et la grève de la faim sont des formes totalement étrangères au mouvement ouvrier. C’est une autodestruction, qui a toujours été réfuté comme étrangère au mouvement de l’Histoire. Il faut donc absolument tout faire pour éviter que des gens, par désespoir, par impression de se heurter à un mur, contourne le patient travail politique de gauche au profit d’une action autodestructrice « spectaculaire ».

En ces temps troublés, de faiblesse sur le plan des idées, ce genre d’actions est d’autant plus « fascinante », sans parler des réseaux sociaux qui en amplifie « l’écho ». Il y a donc lieu pour la Gauche de réfuter catégoriquement ce genre d’approches, d’empêcher que cela devienne une forme « acceptable ».

Il y a donc beaucoup de légèreté de la part de syndicalistes étudiants de la « Gauche » postmoderne à profiter d’un acte de désespoir pour récupérer la chose politiquement et tenter de faire du bruit au sujet de la précarité étudiante. Plusieurs jours après la tentative de suicide, ils cherchent à profiter de la juste émotion pour mobiliser. C’est là un jeu extrêmement dangereux, qui peut avoir des conséquences atroces. Intégrer un acte irrationnel comme le suicide dans un dispositif à prétention politique, c’est banaliser l’acte.

En agissant ainsi, on donne de la valeur à un tel acte, on reconnaît qu’il aurait été déclencheur, révélateur. On le reconnaît comme jouant un rôle socialement, ou sur le plan des idées. C’est une véritable catastrophe, un déni total de la raison.

Surtout que dans le peuple la règle est très claire : quand on a une famille, on ne se suicide pas. Dans le peuple on assume ses responsabilités, quitte à souffrir, toute sa vie. C’est ce que font 35% d’Argentins vivant dans le dénuement, pour qui la moindre chose est un luxe, dont 10 % qui ont basculé dans cette misère d’un coup ces dernières semaines. Et c’est ce que font des millions et des millions de personnes en France également, dans des conditions moins difficiles matériellement mais avec autant de souffrance morale.

Car la vie quotidienne dans cette société est, objectivement, un cauchemar. Et la réponse n’est jamais le suicide, toujours la lutte. La classe ouvrière ne se suicide pas. Qui dans le monde accordera un sens au suicide d’une personne jeune, qui a des parents qui peuvent l’héberger, qui a une petite amie, qui a la sécurité sociale grâce aux avantages sociaux, qui a disposé d’une bourse les années précédentes ? Qui plus est dans l’un des pays les plus riches du monde… Non ce n’est pas possible d’accorder une valeur à un tel acte. Il ne faut pas valoriser des actes aussi destructeurs ; rien ne peut en sortir de bon.

Et il ne s’agit pas de « précarité » étudiante ou de passer au 32 heures pour supprimer le chômage. C’est de toute la société qu’il s’agit, dans son rapport au travail, à la nature, à la vie elle-même. Cela va bien plus loin que de voir en la source des problèmes François Hollande. Ce dernier devait être présent à Lille et des étudiants de la « Gauche » post-moderne en ont profité pour déchirer les exemplaires de son dernier livre. Déchirer un livre ! Comment peut-on, en France, déchirer un livre ? Mais qui sont ces gens !

Il est vraiment terrible de voir comment en ce moment la France refuse la lutte des classes, comment on demande à l’État d’améliorer les choses et comment on trouve dans quelques gouvernants des bouc-émissaires. Les gilets jaunes sont un terrible exemple et les suicides « argumentés » récents  – comme celui d’une directrice de maternelle à Pantin – en sont un autre exemple, dramatique.

Il faut impérativement une sortie par en haut, ce que seuls les ouvriers peuvent apporter en rentrant dans la bataille. Sans eux, rien ne peut bloquer cette spirale du négatif.

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La tribune des «organisations de jeunesse» liées à la Gauche contre «l’islamophobie»

Dans une tribune publiée dimanche 10 novembre 2019, des dirigeants de la plupart des « organisations de jeunesse » liées à la Gauche appelaient à se joindre à la marche du jour contre « l’islamophobie ». La dirigeante de l’UNEF Mélanie Luce était d’ailleurs au premier rang du cortège derrière la banderole, au milieu de militants politique de l’islam.

La tribune, publiée sur le très bobo-libéral huffingtonpost.fr, est typique de ces propos qui divisent profondément la Gauche. Les « organisations de jeunesse » liées à la Gauche ( à l’exception notable des « jeunes communistes », qui appelaient toutefois à la manifestation ) ont fait le choix de jouer à fond cette carte de « l’islamophobie » en dénonçant une situation « d’une gravité extrême ».

Le panorama qu’elles dressent décrit un pays qui serait complètement arriéré sur le plan des mentalités, avec un racisme omniprésent et une guerre quasiment officielle menée contre les musulmans. On serait à les croire à l’aube d’un nouveau massacre de la Saint-Barthélemy.

C’est grandiloquent, mais tellement typique d’une partie des « organisations de jeunesse » liées à la Gauche, totalement petite-bourgeoises dans leur style, qui ont pour habitude de jouer la sur-enchère sur tout un tas de sujet, en espérant peser ainsi.

Il est donc affirmé qu’il y aurait une montée sans précédent de « l’islamophobie » et que leurs organisations exprimeraient la colère de leur génération disant « STOP » à cela. La « laïcité » serait instrumentalisée avec pour « simple objectif d’exclure petit à petit les femmes voilées de l’espace public. »

Les Jeunes Socialistes, les Jeunes Génération-s, les Jeunes Ecologistes, les Jeunes insoumis.es ou encore l’UNEF donc, ont un discours tellement auto-intoxiqué, pour ne pas dire saboté, ôté de toute substance de gauche, qu’ils en arrivent à écrire dans cette tribune une énormité populiste comme :

« Nous, organisations de jeunesse, rassemblons l’ensemble des jeunes quelles que soient leurs convictions et refusons les amalgames. »

Cela n’a aucun sens de dire que des organisations censées être de gauche rassemblent l’ensemble des jeunes. C’est une négation complète de la politique, de la bataille politico-culturelle de la Gauche contre la Droite d’une part et du grand travail de fond de la Gauche vis-à-vis des conceptions erronées au sein du peuple d’autre part.

Cette fausse Gauche, totalement convertie au post-modernisme, n’a plus aucun repère, car sa seule boussole est la quête unilatérale de l’extension infinie des « droits » individuels. Le voile, particulièrement mis en avant comme symbole de « l’islamophobie », est considéré dans cette optique comme une option parmi les autres à laquelle il faudrait avoir libre accès dans le grand supermarché des identités.

Voici la tribune :

« Notre génération ne sera pas celle de votre islamophobie!

A nos gouvernant·e·s, à tou·te·s ceux·elles qui alimentent l’islamophobie ambiante.

Notre génération est le témoin d’une montée sans précédent de l’islamophobie à laquelle nous disons STOP ensemble! Violence, discours islamophobe, stigmatisation, amalgame sont devenus progressivement notre quotidien. Nous avons grandi dans cette violence morale, physique et symbolique qui n’a cessé de croître ces dernières années et les quatre semaines qui viennent de s’écouler auront marqué un tournant.

Quatre semaines durant lesquels Emmanuel Macron a appelé à la construction d’une “société de vigilance” pour combattre l’“hydre islamiste”, quatre semaines durant lesquels Christophe Castaner et l’Université de Cergy ont établi le port de la barbe, le fait de ne pas faire la bise ou encore tout simplement certaines pratiques spécifiques à la religion musulmane (comme une pratique rigoriste durant le ramadan) comme des “signes de radicalisation”. Quatre semaines d’émissions titrant “Réformer l’islam ou le combattre?”, “Faut-il interdire le voile dans l’espace public?” etc. Quatre semaines pendant lesquelles une mère accompagnatrice de sortie scolaire a été humiliée et enjointe à sortir d’un conseil municipal simplement parce qu’elle porte le voile. Quatre semaines durant lequel Jean-Michel Blanquer a annoncé le besoin de signaler les “petits garçons” musulmans qui ne souhaiteraient pas tenir la main à des filles… Quatre semaines ayant abouti non seulement à l’adoption d’une loi par le Sénat interdisant le port de signes religieux par les parents accompagnateur·rice·s de sorties scolaires mais aussi à un attentat islamophobe à la mosquée de Bayonne blessant deux personnes.

Alors que certain·e·s disent défendre la fraternité de la société française, dans le même temps, il·elle·s stigmatisent les personnes musulman·e·s ou perçues comme telles. La situation que nous vivons est d’une gravité extrême.

Nous, organisations de jeunesse, rassemblons l’ensemble des jeunes quelles que soient leurs convictions et refusons les amalgames. Nous exprimons la colère de notre génération. Une colère contre l’instrumentalisation de la laïcité à des fins islamophobes. Une colère de voir certaines d’entre nous stigmatisées, humiliées, enjointes à se dévêtir au nom du féminisme. Être féministe c’est défendre le libre choix des femmes de leurs convictions, de leurs habits, de leur vie. Être féministe c’est défendre l’émancipation des femmes et revendiquer une égalité réelle. Être féministe c’est un combat à plein temps et pas uniquement quand cela vous arrange.

Nous refusons de nous voir divisé.e.s entre les bon·ne·s et les mauvais·e·s citoyen·ne·s, nous refusons l’exclusion d’une partie d’entre nous de l’espace public, nous refusons d’être pris à parti pour participer à l’amplification de la haine que subissent les musulman·e·s, nous refusons de vivre dans une “société de vigilance”.

À l’inverse de la société qui nous est promise, les jeunes aspirent à une société inclusive, où chacun·e a sa place et où l’on ne dicte pas aux femmes comment s’habiller, où on ne les oblige ni à se couvrir ni à se découvrir. Nous défendons une société laïque au sens de la loi de 1905 reposant sur deux principes: la neutralité de l’état et la liberté de culte des individus. Nous nous opposons donc à l’instrumentalisation en cours de la laïcité à des fins islamophobes ayant pour simple objectif d’exclure petit à petit les femmes voilées de l’espace public. Nous refusons toutes modifications législatives visant à restreindre la liberté de culte. Nous lutterons par tous les moyens à notre disposition pour rejeter l’islamophobie.

L’islamophobie n’est pas un débat de société, c’est une discrimination qui doit cesser.

Nous appelons à participer à la marche du 10 novembre à Paris et aux actions menées partout en France afin de dire, ensemble, STOP à l’islamophobie et aux messages de haine.

Les signataires:
Nathan Abou, Jeunes Socialistes
Alice Bosler, Jeunes Génération-s
Maxime Carpentier & Claire Lejeune, Jeunes Ecologistes
Aline Coutarel, Mouvement Rural de la Jeunesse Chrétienne (MRJC)
Aurélien Le Coq, Jeunes insoumis.es
Mélanie Luce, Union Nationale des étudiants de France (UNEF)
Héloïse Moreau, Union National Lycéenne (UNL)
Taylan Tuzlu, Didf-jeunes
Damien Chartes, Solidaires étudiant-e-s
Radia Bakkouch, Coexister »

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Le 10 novembre, l’immense fracture dans la Gauche

La manifestation « contre l’islamophobie » du 10 novembre 2019 a provoqué une fracture complète à Gauche. Ceux qui ont soutenu la manifestation voient l’autre camp comme composé d’arriérés n’ayant pas saisi la nature coloniale, raciste de l’État français. Les autres sont à juste titre horrifiés de comment ce qu’on doit appeler la « Gauche » post-moderne est populiste, clientéliste et n’hésite pas à balancer par-dessus bord le moindre acquis de l’héritage historique de la Gauche.

Il y a d’un côté le mépris, de l’autre un sentiment d’horreur. La « Gauche » qui a manifesté le 10 novembre a un mépris profond pour la Gauche qui a refusé de venir : elle considère qu’il fallait être là, que sinon on est déconnecté du réel, que ceux qui ne viennent pas sont méprisables, car finalement racistes au fond d’eux-mêmes.

L’autre Gauche – la vraie – est horrifiée de voir des gens manifester aux côtés de représentants de l’Islam politique, dont l’agenda est de former une ligne communautariste pour établir une contre-société parallèle. Son haut-le-cœur est immense, son rejet total.

La cassure est là et elle est partie pour rester. On ne peut pas avoir deux histoires et il n’y a pas de place pour deux parcours radicalement différents, deux sensibilités aux antipodes. La Gauche s’est cassée en deux, littéralement.

Il y a désormais deux camps indissociables et on aurait d’ailleurs tort de penser que l’un est plus fort que l’autre. Il est vrai que, à l’appel de la manifestation du 10 novembre, on trouve l’ultra-gauche (Lutte Ouvrière, le NPA, etc.), la CGT, La France Insoumise, le syndicat étudiant UNEF.

Mais il y a déjà eu des défections avant le rassemblement : Yannick Jadot d’EELV (qui n’est finalement pas d’accord sur tout), Adrien Quatennens de LFI (étant certainement la future tête du mouvement, il cherche en fait à ne pas se « griller »), François Ruffin (qui explique qu’il était en vacances à Bruxelles mangeant des frites et des gaufres avec ses enfants quand il a signé et que de toutes façons dimanche il joue au football).

Et plus sérieusement, le Parti socialiste n’a pas appelé à la manifestation, ni la Gauche républicaine et socialiste. Une partie du PCF n’a pas été de la partie et on peut se douter que c’est valable même pour une partie de la CGT. Une partie de l’extrême-Gauche a rejeté la manifestation du 10 novembre également.

Quant aux gens de gauche, ils ont refusé cette mascarade et ne se sont pas mobilisés. Très peu de monde s’est d’ailleurs mobilisé, à part une sorte de bulle intellectuelle et militante que l’extrême-Droite définit aisément comme islamo-gauchiste, tellement c’est une alliance caricaturale autour de thèmes sociaux et identitaires, dans l’esprit de la Gauche anglo-saxonne.

Politiquement, la Gauche est carbonisée, mais ses traditions existent et la manifestation du 10 novembre s’y oppose frontalement. C’était une agression caractérisée. La réponse est donc naturelle, c’est celle d’une défense des valeurs, d’une protection d’une histoire. La Gauche n’a pas fait tout cela pour se retrouver dans cette situation, pour tomber aussi bas.

La « Gauche » post-moderne a pensé enterrer la Gauche historique le 10 novembre. En réalité, elle n’a fait que contribuer indirectement à son retour, à sa maturation pour la période prochaine.

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La manifestation parisienne du 10 novembre 2019 contre «l’islamophobie»

Le battage médiatique a été très intense avant la manifestation et la grande majorité des structures de gauche ont appelé à se mobiliser. Pourtant, tout comme pour la manifestation en faveur des Kurdes de Syrie faisant face à la Turquie, la mobilisation a été faible, avec 13 000 personnes. Et surtout, elle a été totalement parisienne, dans un mélange de bobos de gauche et de petits-bourgeois musulmans cherchant à s’incruster socialement dans le panorama bourgeois. Cela n’a rien à voir avec la Gauche.

Bras dessus bras dessous, très contents d’eux, toujours prompts à poser : telle était l’attitude des gens issus de la Gauche présents à la manifestation contre « l’islamophobie », ce concept flou visant à présenter en général la religion musulmane comme une victime. C’est ici la rencontre de l’Islam politique et d’une Gauche ne raisonnant plus en termes de capitalisme ou de classe, mais en terme d’individus avec des droits. L’extrême-Droite rêvait d’un islamo-gauchisme, les courants post-modernes de la Gauche ont exaucé ses vœux.

La seule exception à l’esprit à la fois allègre et niais ayant prédominé fut Benoît Hamon, dont on comprend le manque d’emballement, au point de venir à la manifestation l’Équipe à la main (ouvert à la page 29, l’article traitant de la défaite de l’aviron bayonnais contre Pau – rappelons que l’origine de l’appel à manifester est l’attentat d’une personne âgée raciste contre une mosquée à Bayonne). Que fait-il dans cette galère?

À cette posture générale bobo de gauche battant le pavé parisien s’est ajoutée une petite-bourgeoisie musulmane clairement revendicative sur un mode identitaire. L’ancien directeur exécutif du Collectif contre l’islamophobie en France Marwan Muhammad n’a pas eu de mal à faire scander « Allahu Akbar » à la foule à la fin de la manifestation. On n’a d’ailleurs pas échappé à des comparaisons délirantes avec la persécution des Juifs par l’Allemagne nazie.

Cela a bien entendu fait scandale, car nous sommes en France et il y a une connaissance de l’histoire qui n’est pas nulle. La conscience morale est réelle, contrairement aux affirmations délirantes comme quoi les musulmans de France seraient harcelés, pourchassés, etc.

Esther Benbassa, sénatrice EELV et une grande figure de l’ultra-libéralisme dans les mœurs, s’est faite littéralement détruire pour avoir cautionné cette utilisation d’une étoile jaune en version « musulman ». Elle prétend n’avoir rien vu et que de toutes façons ce n’est pas grave, voire une allusion positive contre l’antisémitisme, etc. C’est là un relativisme inévitable de la part de gens sans valeurs.

On n’a pas échappé non plus à une action au nom des FEMEN, celles-ci niant par contre toute manifestation. Cela a bien entendu provoqué tout un remue-ménage dans le cortège, pour une revendication en faveur de la laïcité qui, d’ailleurs, a perdu son sens.

La manifestation du 10 novembre 2019 a en effet rappelé une chose que trop de monde a oublié dans une France endormie. La laïcité n’a été qu’un compromis entre la moitié de la France farouchement opposé aux religions et l’autre moitié favorable au catholicisme. Or, un compromis n’est pas fait pour durer, il est prétexte à la lutte pour un nouveau rapport de force. La marche du 10 novembre 2019 a ainsi à la fois été tout à fait religieuse, tout en se prétendant entièrement laïque.

Faut-il avoir perdu l’esprit pour participer à une telle chose quand on se dit de gauche ?

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Culture

Gauche historique contre post-modernes il y a 30 ans

À l’occasion de la mort de Gilles Bertin, il a été parlé de la bande dessinée « Z craignos », un très réussi portrait des ambiances branchées, alternatives, rebelles du Paris du début de la fin des années 1970 et du début des années 1980. Un épisode particulier montre que la problématique Gauche historique / post-modernes ne date pas d’hier.

L’idée est simple. Z craignos est un petit-bourgeois sensible et philosophe, qui se balade dans différents milieux et en tire des conséquences d’ordre moral et intellectuel, voire esthétique. Il veut bien participer à quelque chose, mais il veut être convaincu. Il ne l’est finalement jamais.

Ici, il va à un concert alternatif, intitulé No New York, qu’on devine dans l’esprit no wave expérimental de l’époque avec son côté post-new wave, post-punk, post-disco, etc. Le chanteur commence d’ailleurs à attraper quelqu’un par les cheveux dans le public. On doit être ici en 1979-1980.

La chanson présentée ici date de 1979 et anticipe cette démarche syncrétique, intellectualisante dont les Talking Heads, XTC ou Wire sont des exemples fameux (et incontournables dans la culture musicale). Voici la chanson dans ses deux versions : celle avec le groupe newyorkais et celle en solo, plus rythmée.

Ce qui se passe alors est justement un portrait du conflit entre la Gauche historique et les post-modernes. Deux groupes se font en effet face, tous deux relevant du mouvement autonome, des gens révolutionnaires mais ne se pliant pas à la culture conservatrice prédominante en France et acceptée par le PS et le PCF. On parle beaucoup de violences policières en ce moment. Mais ce n’était strictement rien par rapport à la chape de plomb des années Giscard…

Les gens désignés ici comme « ex maos libertaires » criant offensive autonomie – en réalité Au-to-no-mie et o-ffen-sive ! – sont les adeptes de la Gauche historique. Ils se situent dans le prolongement des années 1960 et de la Gauche prolétarienne pour une part, ainsi que de la mouvance communiste libertaire tournée vers les travailleurs, d’autre part. Cette mouvance veut des ouvriers en grève, des mouvements de masse associées à une guérilla, la révolution, etc.

L’autre groupe est quant à lui organisé autour de la revue Marge, qui appelle à la révolte individuelle, valorise les prostituées, les toxicomanes, les délinquants, les travestis, etc. C’est la marge qui porterait la vérité grâce à la transgression. Cette mouvance est appelée l’autonomie désirante. C’est le grand ancêtre des post-modernes et son influence dans l’histoire des idées a été importante en France.

Forcément, la rencontre entre les deux groupes tourne très mal.

On notera par ailleurs que la mouvance de l’autonomie offensive a très vite disparu, dès 1982 (Action Directe en est largement issue), laissant l’hégémonie totale à la mouvance rebelle-criminelle caractérisant alors l’autonomie française.

L’auteur Jean Rouzaud – qui a un regard extérieur mais a très bien ressenti les choses et en dresse un très bon portrait – nous amène alors dans la troisième grande famille de la Gauche non institutionnelle d’alors : les zadistes…

Évidemment avant cela ne s’appelait pas encore les zadistes. Mais la tradition était déjà là, puisqu’elle vient des années 1960-1970, notamment avec le mouvement anti-militariste dans le Larzac et l’installation en communautés, « le retour à la terre » comme dans la Drôme, etc.

Comme quoi, malgré les prétentions des uns et des autres, rien n’a été inventé! C’est pratiquement les mêmes lignes de fraction qu’auparavant. Sauf que cette fois, cela ne concerne plus quelques mouvances, mais des pans entiers de la Gauche. Les thèses ultra-individualistes de la revue Marge sont pratiquement celles, pour beaucoup, de l’État français aujourd’hui…

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Politique

Communiqué de la Gauche républicaine et socialiste (GRS) qui ne s’associe pas à l’appel pour la marche contre «l’islamophobie» dimanche 10 novembre

Voici le communiqué de la Gauche républicaine et socialiste (GRS), le parti fondé par Marie-Noëlle Lienemann et Emmanuel Maurel après leur départ du Parti socialiste. GRS est proche de la France insoumise et de Jean-Luc Mélenchon, mais on constate ici une divergence de fond sur un sujet important. Alors que beaucoup de membres de La France insoumise critiquaient encore il y a quelque temps la notion d’« islamophobie », voilà qu’ils ont totalement cédé par opportunisme. Tel n’est pas le cas de la Gauche républicaine et socialiste, qui reste ferme sur ses principes.

« LA GAUCHE RÉPUBLICAINE ET SOCIALISTE NE S’ASSOCIERA PAS À L’APPEL RÉDIGÉ EN VUE DE LA MANIFESTATION DU 10 NOVEMBRE PROCHAIN

La Gauche Républicaine et Socialiste (GRS) dénonce tous les racismes, et notamment ceux qui prennent pour prétexte la religion. Elle condamne fermement l’attitude de l’élu d’extrême droite qui s’en est pris à une mère, devant son enfant, alors qu’elle n’avait enfreint aucune loi ni règlement.Le dénigrement, la discrimination et l’hostilité à l’encontre de nos compatriotes de confession musulmane en cours dans certains milieux, partis et médias sont intolérables.

La République française doit s’y opposer de toutes ses forces, en faisant vivre ses principes de Liberté, d’Égalité et de Fraternité. Elle doit aussi poursuivre sans relâche et punir avec la plus extrême sévérité les criminels qui attentent à la liberté de culte et à la vie des croyants, comme cela s’est produit à Bayonne le 28 octobre dernier.

Des intellectuels progressistes, des formations politiques et des organisations de défense des Droits de l’Homme ont voulu alerter l’opinion sur le grave danger que courrait notre pays en s’abandonnant de nouveau, malgré les enseignements de l’Histoire, au poison des guerres de religion. Nous partageons leur indignation et nous leur témoignons notre fidèle amitié.

Mais la GRS ne peut s’associer à l’appel rédigé en vue de la manifestation organisée le 10 novembre prochain. Des formulations avec lesquelles nous sommes en profond désaccord y donnent à croire que la critique d’une religion serait assimilable, en tant que telle, à du racisme. Nous ne pensons pas, en particulier, que soient « liberticides » les lois de 2004 sur l’interdiction du port de signes religieux ostensibles à l’école ; et de 2010 sur l’interdiction de se couvrir le visage dans l’espace public.

Comme l’écrasante majorité des Français, la GRS soutient ces lois. Elle relève enfin que parmi ceux qui manifesteront dimanche, certaines personnalités et organisations portent un programme de régression de la laïcité, visant à instaurer une primauté de la foi sur la loi et un statut de la femme incompatibles avec les valeurs de notre République.

Militante pour une République en actes, émancipatrice partout et pour toutes et tous, la GRS appelle la gauche et les républicains sincères à mener le double combat qu’impose la situation :

• Contre toutes les tentatives d’imposer à la République des statuts particuliers bafouant ses principes, dont l’islam politique est l’une des indiscutables manifestations,

• Pour le respect dû à chacune et chacun d’entre nous, quelle que soit son origine, son genre, son orientation sexuelle, ses opinions ou sa religion. »

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Politique

Il y a trente ans, la chute du mur de Berlin le 9 novembre 1989

Le mur de Berlin qui s’est effondré il y a trente ans le 9 novembre 1989 signifiait la réunification tant attendue de l’Allemagne. La déchirure qu’avait connu ce pays se terminait enfin, pour la plus grande joie de la population. Que certains comme Jean-Luc Mélenchon y voient une « annexion » reflète une incompréhension complète de l’histoire allemande et en particulier de la ville de Berlin.

Pour comprendre le sens de la chute du mur de Berlin, il faut retracer ce qui s’est passé depuis 1945. Cette année-là ne fut pas du tout perçue par les Allemands comme celle de la libération, mais bien comme une défaite. Les communistes étaient horrifiés par la mentalité dominant la quasi totalité des gens.

Ils accentuèrent alors encore plus leur volonté d’unité avec les socialistes et proposèrent directement une fusion. Les socialistes étaient en grande partie d’accord, mais ils se méfiaient des communistes et exigeaient que cela devait prendre du temps.

Les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France ne voulaient évidemment pas en entendre parler. Ils appuyèrent donc la droite des socialistes, qui firent scission. Il y avait alors deux centres : un à Berlin avec Otto Grotewohl, l’autre à Hanovre avec Kurt Schumacher.

La pression de la guerre froide précipita la tendance. Dans la zone contrôlée par les soviétiques, les socialistes s’unifièrent avec les communistes, alors qu’à l’ouest sous l’égide de Kurt Schumacher les socialistes mirent en place un SPD très violemment anti-communiste, le parti communiste se faisant rapidement interdire, avec des interdictions massives d’emploi pour eux dans la fonction publique.

Au départ, l’Allemagne de l’Est ne cessa d’appeler à l’unification de l’Allemagne. Mais avec la « coexistence pacifique » finissant par triompher, cela fut abandonné. L’hymne à l’est, Auferstanden aus Ruinen (en français « Ressuscitée des ruines »), perdit ses paroles qui soulignaient l’unité allemande. Le régime est-allemand ne se définit plus alors comme la partie démocratique de l’Allemagne, mais pratiquement comme un autre pays. Le traité fondamental RFA-RDA entérine cette coupure entre deux États, pratiquement deux pays.

Il faut toutefois comprendre qu’il y avait Berlin-Ouest et qu’au cours de ce processus, cela posait problème à la ligne nouvelle de la RDA, car affirmer un pays nouveau est une chose, posséder une enclave sur son propre territoire en est une autre.

Il faut souligner ici que Berlin-Ouest ne relevait officiellement pas de la RFA. Dans les faits, c’était bien le cas, mais officiellement c’était une sorte d’entité autonome. En murant Berlin-Ouest en 1961, la RDA coule pour ainsi dire dans le béton cette entité autonome, afin d’être en mesure d’affirmer le caractère désormais national de la RDA.

C’était là totalement vain. Toutefois, la population encadrée par un État satellite d’une URSS surpuissante et conquérante dans les années 1970 et 1980 ne fut pas en mesure de s’y opposer. Seuls deux courants politiques s’y opposèrent.

Il y eut ainsi le KPD/ML, une organisation ouest-allemande se revendiquant de Mao Zedong qui créa des sections à l’Est et appela à l’unification. Ces sections furent écrasées au bout de quelques années.

Il y eut surtout les néo-nazis, dont la mouvance explose parallèlement à l’affirmation de la RDA comme étant pratiquement une nation. Pour cette raison, à la tombée du mur, la violence néo-nazie en Allemagne de l’est fut immense et d’une brutalité extrêmement forte. Ces derniers jours en Allemagne, il y eu une très importante vague de messages sur Twitter, très largement médiatisée, traitant des #baseballschlaegerjahre (les années des frappeurs à la batte de baseball).

Pour avoir un équivalent, il suffit d’imaginer une petite ville, avec des cités dortoirs comme on en a en France et au lieu qu’il y ait des groupes de « racaille » formés de déclassés semi-criminels, il y avait des gangs néo-nazis quadrillant ce territoire formant une « zone nationale libérée ».

Il a fallu une énorme mobilisation antifasciste pour y mettre relativement un terme. Il est toutefois considéré que les succès à l’est de l’AFD reposent en bonne partie sur toute une génération d’anciens jeunes néo-nazis arrivés à l’âge adulte et servant de base populaire « sérieuse » à ce mouvement.

C’est l’un des sous-produits ignobles de la séparation de l’Allemagne, cette horreur qui a défiguré un pays et un peuple, comme il défigure encore le peuple coréen aujourd’hui. On ne peut pas couper un peuple en deux. La chute du mur de Berlin était en ce sens inévitable et c’était une affirmation démocratique inévitable.

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Politique

Les réactions à l’appel pour le 10 novembre contre «l’islamophobie»

L’appel à une marche ce dimanche 10 novembre 2019 contre « l’islamophobie » génère beaucoup de remous à Gauche. Il y a en effet de nombreuses réticences à l’offensive de la « Gauche » post-moderne alliée aux courants politiques musulmans à visée culturelle et aux courants « décoloniaux ». Voici un aperçu des réactions les plus significatives.

La réaction la plus marquante a été celle du Parti socialiste mardi 5 novembre, à l’issue de son Bureau National. De part sa tradition, à la fois institutionnelle et de gauche, le PS ne pouvait en effet pas se joindre à un appel ayant une dimension communautaire et religieuse aussi évidente.

Il y a également des personnalités qui se sont particulièrement exprimées sur le sujet, comme le socialiste Amine El-Khatmi, élu PS d’Avignon. Engagé depuis longtemps contre la montée de l’islamisme et du communautarisme, il fait partie des personnes lucides sur le mot « islamophobie », qu’il sait être « imposé dans le débat public par les islamistes ».

Il a eu des propos très appuyés au sujet de la marche de dimanche :

« Lorsqu’une partie de la Gauche va manifester avec des islamistes autour d’un mot d’ordre, l’islamophobie, qui est le refus d’une critique de la religion : oui, je le dis, c’est une trahison. De l’esprit « Charlie », de l’esprit du 11 janvier 2015 et plus que ça encore, c’est la trahison des combats historiques de la Gauche pour l’émancipation des individus, pour la liberté de conscience, pour le droit aux citoyens de s’élever de l’assignation à résidence identitaire. »

Ce discours incarne largement le sentiment des gens liés à la Gauche historique en France, avec bien sûr des nuances suivant les courants. Mais ce n’est pas celui de la « Gauche » post-moderne, hégémonique dans la direction des organisations, qui ne veut plus de la Gauche historique et préfère une alliance avec des courants politiques musulmans.

> Lire également : L’appel «anti-islamophobie» pour le 10 novembre de la Gauche post-moderne

Cette contradiction génère de nombreuses tensions, visibles au PCF notamment. Sa direction, qui est plus que poreuse au post-modernisme, acceptant l’écriture inclusive ou la question des « trans », a donc dû prendre des pincettes sur le sujet.

Le premier secrétaire du PCF Fabien Roussel n’a ainsi pas signé l’appel, pour ne pas engager l’organisation, en se contentant d’expliquer benoîtement qu’il ne s’y était « pas retrouvé ». L’appel a cependant été largement diffusé dans le PCF et ce sont des personnalités individuelles qui se sont chargées de le signer et même de le défendre.

C’est le cas de Ian Brossat, évidemment, mais aussi des députés Stéphane Peu et Elsa Faucillon, qui assume jusqu’au bout l’appel à marcher contre « l’islamophobie » :

« Face aux pressions, nous ne devons pas céder mais serrer les coudes pour soutenir nos concitoyens de confession musulmane »

Les réticences des gens de gauche face à cet appel révèle aussi un opportunisme grossier de la part de certaines personnalités l’ayant signé, mais feignant ensuite de n’avoir pas bien compris ce qu’ils signaient. C’est le cas Yannick Jadot (EELV), d’Adrien Quatennens (LFI) ou encore de François Ruffin (LFI) qui explique de manière grotesque n’avoir pas porté une attention suffisante au texte car il était avec ses enfants en Belgique « en train de manger des frites et des gaufres » et que de toutes manières, il ne sera pas là dimanche car il a « foot »…

Caroline de Haas pour sa part a demandé à ce que sa signature soit retirée de l’appel, mais elle se rendra quand-même à la marche dimanche pour en profiter.

Opportunisme également, mais dans l’autre sens : Eric Coquerel de la France insoumise explique qu’il a changé d’avis sur le terme « islamophobie », qu’il rejetait avant, qu’il assume maintenant. Selon lui, la critique de l’alliance avec des courants musulmans politiques serait un « universalisme abstrait » et :

« le risque de dérive communautariste, c’est-à-dire la capacité d’une communauté de subordonner les lois de notre République aux lois d’une religion ou de ses intérêts particuliers, n’a pas aujourd’hui de réalité de masse. »

Jean-Luc Mélenchon pour sa part « persiste et signe » sur l’appel, car « il faut savoir faire bloc quand l’essentiel est en jeu». Il en profite également pour lancer une petite pic propre à satisfaire les antisémites, expliquant qu’il soutient l’appel :

« pour ce qu’il y a dans le texte et pas en raison de ceux dont je découvre ensuite qu’ils l’ont également signé. Sinon, je n’aurais jamais signé de texte dans le passé avec Bernard-Henri Lévy ni avec le Crif ».

David Cormand, dirigeant d’EELV, ne regrette « pas du tout » d’avoir signé l’appel avec lequel il n’a « aucun problème », se disant même surpris par « la fébrilité » de certains. C’est peu ou proue la même chose chez Génération-s, qui prétend que :

« Il y a une attaque continue et extrêmement violente contre les populations musulmanes en France et Génération.s sera présent dimanche »

Clémentine Autain, figure du post-modernisme en France, est en première ligne pour défendre l’appel et combattre la Gauche historique :

« Nous devons être là car il y a une responsabilité de la gauche. J’appelle à ce que les forces progressistes y soient les plus nombreuses possible, parce que c’est nous qui donnerons le la ! »

Elle justifie cela par des propos grandiloquents, d’un populisme outrancier :

« Si on continue comme ça, on va vers la guerre civile ! »

« Nous traversons une période dangereuse, dans laquelle les musulmans sont la cible d’une haine qui met en jeu les valeurs républicaines »

Enfin, du côté des organisateurs, il y a eu des réactions très virulentes aux critiques venues de la Gauche, notamment de la part de Madjid Messaoudene, élu de Saint-Denis :

«  Il y a une tentative de sabotage de la part de la fachosphère et de la gauche, on en prend note : les polémiques du RN sont reprises par le PS ».

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Politique

Le Parti socialiste ne participera pas à la manifestation du 10 novembre contre l’«islamophobie»

Voici la résolution du Bureau National du Parti socialiste expliquant pourquoi il ne prendra pas part à la manifestation du 10 novembre contre l’« islamophobie » :

« Résolution adoptée au Bureau National du 5 novembre 2019

L’attentat perpétré il y a quelques jours à la mosquée de Bayonne est un acte odieux contre nos concitoyennes et concitoyens de confession musulmane et donc contre la République.

La parole raciste à l’encontre des Françaises et Français de confession musulmane s’est libérée, facilitant les passages à l’acte. Des insultes quotidiennes à l’attentat de Bayonne, nos compatriotes sont la cible de l’extrême droite identitaire. Nous condamnons toutes celles et tous ceux qui arment par leurs discours la haine à leur encontre.

Il appartient à la République toute entière de se dresser contre les paroles, les actes et les promoteurs de haine à l’encontre des musulmans.

Pour autant, le Parti socialiste ne participera pas à la manifestation du 10 novembre.

Nous ne voulons pas nous associer à certains des initiateurs de l’appel. Nous ne nous reconnaissons pas dans ses mots d’ordre qui présentent les lois laïques en vigueur comme «liberticides».

Nous nous reconnaissons au contraire dans la France républicaine où la laïcité garantit la liberté de conscience et la liberté religieuse à chacune et chacun, comme le droit de critiquer les religions.

Le combat contre la haine des musulmans doit être celui de la République toute entière, nous appelons l’ensemble des organisations républicaines à se retrouver pour porter ensemble ce combat. »

 

> Lire également : L’appel «anti-islamophobie» pour le 10 novembre de la Gauche post-moderne