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La liste « Urgence écologie » pour les élections européennes

Une liste a été déposée au nom d’ « Urgence écologie », regroupant derrière le philosophe Dominique Bourg, les petits partis Génération écologie (19 membres sur la liste finale), présidé par Delphine Batho, le Mouvement écologiste indépendant d’Antoine Waechter, l’Union des démocrates et des écologistes (UDE), et le Mouvement des progressistes fondé par Robert Hue.

Urgence écologie

On notera que le délégué général de l’UDE, Mathieu Cuip, affirme que son parti soutien la liste LREM-MoDem, tandis que son secrétaire général adjoint, Christophe Rossignol, a officiellement déclaré soutenir « Urgence écologie ».

Que peut-on dire de cette liste ?

Déjà, il s’agit d’une alliance très opportuniste entre plusieurs organisations issues d’horizons différents :

  • Génération écologie (GE) a été tour à tour alliée avec le centre-droit ou le centre-gauche au gré des élections – une fois alliée de l’UMP sarkozyste, une fois dans le giron du Parti radical de gauche (et donc indirectement du Parti socialiste). Sa nouvelle présidente, éphémère ministre de l’écologie sous François Hollande, a fait campagne aux législatives en se revendiquant de la « majorité présidentielle », puis a essayé de prendre la direction du Parti socialiste en tenant un discours assez marqué à Gauche, avant de devenir directement la patronne de GE.
  • Le Mouvement des progressistes (MDP), prétendant vouloir rassembler la Gauche (il se nommait alors « Mouvement unitaire progressiste »), est passé derrière le PS de Hollande. Son fondateur, l’ex-dirigeant du PCF Robert Hue, est même devenu officiellement « représentant spécial » des intérêts économiques du capitalisme français en Afrique du Sud. Après la bérézina hollandiste, le MDP a tenté de présenter la candidature de Sébastien Nadot aux présidentielles, au sein de la « Belle Alliance populaire » du PS, puis de manière indépendante, avant de se rallier directement à Emmanuel Macron, Nadot étant élu député sous l’étiquette LREM. Il a, depuis, été exclu du groupe LREM (pour avoir refusé de voter le budget du gouvernement…).
  • L’UDE, incluait autrefois « Ecologistes » (l’aile la plus opportuniste d’EELV, dont le fondateur, François de Rugy, est aujourd’hui ministre de l’écologie), Génération écologie, et le Front démocrate de l’ex-MoDem Jean-Luc Bennahmias, opportunément rallié au PS sous le quinquennat d’Hollande. C’est aujourd’hui une coquille vide, dont les rares membres ne cherchent qu’à survivre électoralement.
  • Le Mouvement écologiste indépendant (MEI), lui, est issu de ces « Verts » qui refusaient d’ancrer l’écologie à gauche, contrairement à EELV. Rejetant le « collectivisme » (qui est, par essence, « totalitaire ») et le « libre-échangisme », le MEI défend une « économie de marché régulée » et une consommation écologique. Rejetant EELV, mais s’y alliant pour les élections, lorgnant vers le MoDem, le MEI a aussi participé à l’Alliance écologiste indépendante, fondée par le millionnaire Jean-Marc Governatori (qui finance aujourd’hui la liste « gilets jaunes » de Francis Lalanne), liée à la scientologie, au mouvement raëlien, entre autres sectes, ainsi qu’à l’extrême-droite.

Qu’en est-il du contenu ?

« Urgence écologie » défend un programme de « changement radical », appuyant son discours sur la constatation d’une destruction massive de la Nature. Les constats sont justes et il est vrai que ce rappel est toujours nécessaire.

Le document programmatique de la liste comporte ainsi de nombreux graphiques présentant divers aspects de la destruction de la Nature par les activités humaines.

« Le premier élément de cette campagne est de dire la vérité sur l’accélération de la destruction de la biodiversité. C’est une hécatombe, la nature est en train de mourir »

Revendiquant un « nouveau modèle de civilisation », « Urgence écologie » défend des mesures qui peuvent sembler intéressantes, comme le ré-ensauvagement de l’Europe, l’interdiction des liaisons aériennes lorsque le même trajet est possible en train en un temps raisonnable, l’abolition de l’élevage ou de la pêche industriels, etc.

Toutefois, les limites de ce projet apparaissent bien vite.

Tout comme Yannick Jadot, cet attelage d’opportunistes considère que l’écologie n’est « ni de droite ni de gauche » et rejette très clairement la Gauche : «L’urgence ce n’est pas de sauver la gauche mais la planète». C’est, finalement, le même discours qui est tenu par la liste d’EELV et, d’ailleurs, « Urgence écologie » a d’ors-et-déjà annoncé que ses élus siégeront avec leurs frères ennemis d’EELV.

« Urgence écologie » affirme également la chose suivante :

« On est pas un parti supplémentaire de tel ou tel bord du paysage politique. Le propos c’est de dire que maintenant la question qui est centrale c’est l’écologie. »

« Ni droite, ni gauche », « au-dessus des partis », « citoyens contre technocrates », critique de la « consommation », mise en avant de la « décroissance »… Il n’y a rien là de très neuf et on retrouve les thèmes classiques de l’altermondialisme (défense de l’homéopathie, de l’herboristerie, du cannabis thérapeutique), mêlés à ce qu’il faut de populisme et de flou opportuniste pour que ça fasse « moderne ».

En fait de « nouveau modèle de civilisation », « Urgence écologie » prône un capitalisme vert, à travers des baisses de charges pour les entreprises « écolos », l’interdiction des activités polluantes mais l’investissement au service du capitalisme «éthique ». On voit d’ailleurs que le projet de décroissance porté par « Urgence écologie » est en fait une défense du petit capitalisme, à travers les « monnaies locales » notamment.

Si ces gens montrent les muscles face aux « lobbys », qu’ils veulent fermement encadrer et séparer des institutions européennes et nationales, et s’ils parlent de réguler drastiquement les activités des grands capitalistes, jamais il n’est question de remettre en cause ou d’attaquer de front le capitalisme.

Derrière le discours sur les « citoyens », on retrouve toujours la défense des « réseaux d’élus », des associations les plus institutionnelles. C’est bien le vieil opportunisme électoraliste des pseudo-écologistes qui se fait jour.

Des carriéristes qui utilisent le combat écologique pour se faire une place au chaud, soit en se faisant élire de manière autonome, soit en s’alliant et en négociant avec des structures plus grosses. « Urgence écologie » parle d’ailleurs d’une logique de « rapport de force » pour influencer les autres élus, les partis plus forts, les institutions.

En se faisant les hérauts de la « transparence », ils ne sont au service que de leur carrière et d’une relance colorée en vert des institutions de l’Union européenne et du capitalisme plus généralement. Prévoyant qu’on pourrait leur faire remarquer que leur modernisation de l’Union européenne nécessiterait l’assentiment des autres États, ils proposent la création d’une « Communauté Ecologique Européenne avec les pays volontaires » car « on ne peut plus attendre un consensus […] pour agir ».

L’idée est que, si on ne peut changer l’UE, alors il faut commencer à agir via une autre structure. S’il est impossible de convaincre les autres pays de l’UE de faire une politique écologique, alors il sera possible de les convaincre de faire une politique écologique en dehors de l’UE. C’est très peu crédible, et on voit bien là une annonce tonitruante qui cache un vide sidéral.

Ces petits partis ont beau affirmer leur pseudo-radicalité (alors qu’ils sont parmi les plus modérés depuis toujours), ils ont bien du mal à masquer que la première urgence qui les préoccupe, c’est celle de leur carrière. Ils ne peuvent plus se rattacher au PS, difficilement avec LR, et LREM n’a que faire d’eux. Il leur faut donc s’affirmer de manière autonome en espérant pouvoir se raccrocher aux branches politiciennes de forces plus importantes.

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Faut-il voter pour la liste de Lutte Ouvrière ?

L’organisation trotskiste présente une liste aux élections européennes, afin d’appeler au combat des travailleurs contre le grand capital. Cela se veut cependant uniquement une candidature témoignage, la politique étant totalement rejetée. Lutte Ouvrière scie ainsi la branche sur laquelle elle est assise.

À la dernière place de la liste de Lutte Ouvrière, on trouve symboliquement Arlette Laguiller. Cette dernière fut à un moment très connue dans notre pays ; il y a eu un réel mouvement de sympathie pour cette femme qui, à travers plusieurs décennies, a maintenu le flambeau d’une certaine affirmation sociale de type révolutionnaire. Son opiniâtreté a payé. Lutte Ouvrière n’a toutefois pas su quoi faire de cela et la sympathie a disparu, l’indifférence vis-à-vis de Lutte Ouvrière reprenant le dessus.

C’est que Lutte Ouvrière présente un paradoxe. Son discours est tourné vers les ouvriers, les socialistes, les communistes, appelant à la lutte. Mais ces luttes ne sont jamais définies, le seul horizon étant le renversement du capitalisme. Lutte Ouvrière est en effet une organisation dont l’idéologie est « gauchiste ». Sa logique est celle du débordement permanent au moyen des revendications économiques et sociales. Il n’y a pas d’espace pour les réflexions sur l’actualité politique ou culturelle.

Pour Lutte Ouvrière, toute actualité politique est un piège pour les travailleurs, une perte de temps. Les actualités culturelles sont également considérés comme une dispersion pour les militants, et même pour les travailleurs. La seule chose qui compte, ce sont les revendications contre le patronat afin de former une organisation prête au renversement du capitalisme. Cela a pu en fasciner certains, voyant là un sincère romantisme révolutionnaire ; cela a pu aussi dégoûter et donner une impression de sectarisme, voire de secte.

Dans les années 1970, cela a empêché la fusion prévue avec la Ligue Communiste Révolutionnaire, elle aussi trotskiste. La LCR, elle, cherchait inversement la « dialectique des secteurs d’intervention », les militants partant à la conquête des associations, des mouvements, suivant l’adage « tout ce qui bouge est rouge ». De là vint la mise en valeur des « mouvements sociaux », ce qui assurera à la LCR un important succès pavant la voie au Nouveau Parti Anticapitaliste, qui lui ne donnera rien.

Les militants de Lutte Ouvrière et de la LCR se distinguaient ainsi radicalement. Pour entrer à Lutte Ouvrière, il fallait auparavant montrer patte blanche, suivre un certain moule. Pas de boucles d’oreille pour les hommes, ni de cheveux longs, il fallait également un habillement passant inaperçu dans les milieux populaires. Les militants se fréquentent entre eux et ne connaissent pas d’autres horizons. Le style était rigoureusement conservateur sur le plan des mœurs. À la LCR, il était au contraire décadent, avec le culte de l’amour libre, du style de vie hédoniste, etc. Les deux ne pouvaient pas s’entendre pour cette raison même.

Lutte Ouvrière n’est aujourd’hui, évidemment, que l’ombre d’elle-même. Elle cède à la pression du capitalisme moderne ; elle est par exemple prête aujourd’hui à la légalisation du cannabis, que jamais elle n’aurait accepté de par le passé. Son accentuation militante sur la clandestinité a disparu : pour connaître la liste des cadres, il suffit de regarder les listes électorales, et même les tracts donnent des numéros de téléphone. Le ton n’est pas du tout triomphaliste et il est clairement expliqué qu’il faut tenir en attendant des temps meilleurs.

Les gens qui votent pour Lutte Ouvrière ne s’intéressent la plupart du temps pas à tout cela. Il y a toujours un vote très à gauche en France, quelle que soit la liste. C’est histoire de montrer l’attachement à une affirmation révolutionnaire. Ce faisant, ce n’est pas politique, c’est romantique. Cela a sa dignité, évidemment. On peut dire qu’on veut la révolution et ne pas trouver d’espace politique pour aller de l’avant. On vote alors pour le symbole. Lutte Ouvrière dit elle-même que voter pour sa liste, c’est faire le témoignage qu’il faut faire avancer la cause des travailleurs.

Certains diront que si la liste faisait 10 % cela aurait un sens, et qu’avant c’était plus facile dans tous les cas, car il y avait une Gauche. Les mauvaises langues diront que justement de tels gauchistes n’ont jamais pu vivre qu’à l’ombre des grands partis de gauche, des gouvernements de gauche. Il y au moins une part de vérité. Mais inversement, Lutte Ouvrière a été totalement oublié par les listes de gauche aux européennes. Personne n’a essayé de discuter avec elle, même si on connaît le résultat d’avance. Lorsque les médias ont mis Lutte Ouvrière de côté pour le grand débat, personne ne les a soutenus, et pourtant Lutte Ouvrière a en France plus de légitimité, même électorale, que Génération-s de Benoît Hamon.

Le choix de voter pour Lutte Ouvrière dépend donc d’une certaine mise en perspective. On peut dire qu’on fait un vote témoignage et cela d’autant plus si on apprécie la démarche de Lutte Ouvrière, ou même si on se dit, qu’au moins, il y a quelqu’un pour qui le mot ouvrier n’est pas un gros mot ! On peut aussi voter pour une autre liste, qui elle fait par contre de la politique et ne dit pas la même chose à chaque élection. En espérant ainsi que les choses se décantent. Évidemment, on peut aussi malheureusement ne pas voter, en considérant qu’il faut une remise à plat et que là on ne fait que contourner les problèmes.

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Le parti animaliste aux élections européennes

Mouvement apolitique défendant une noble cause, le parti animaliste a mis en place une liste comportant exclusivement, à très peu de choses près, des gens relevant de la bourgeoisie, des entrepreneurs, des cadres. C’est là ne pas être capable de relier la question animale aux enjeux d’une époque attendant des changements profonds et populaires.

Pour ces élections européennes, il y a un « parti animaliste » qui se présente. Si l’on est sincèrement de gauche, alors on entrevoit quelque chose de positif. La question animale se pose enfin et cela devient un thème incontournable. Cela manquait véritablement et il est indéniable que le véganisme est depuis longtemps une valeur sûre de la Gauche dans de nombreux pays déjà, tels l’Allemagne ou l’Autriche.

Le thème était en fait déjà présent dans le mouvement ouvrier dès le début, avant de disparaître une fois qu’il a été récupéré par l’anarchisme, qui lui-même l’a abandonné. Il revient et c’est une bonne chose… À condition que le regard qu’on porte sur lui soit cohérent. À moins en effet de considérer que le rapport aux animaux, à la nature, ou encore celui des hommes sur les femme, soit un phénomène qui se balade au-dessus de l’économie et de la société, on ne peut pas échapper à la nécessité d’une analyse liée au capitalisme.

Quand on dit cela, cela ne veut pas dire qu’il suffit de penser qu’une fois le capitalisme critiqué, on est dans le bon camp. Il faut analyser la société et voir les valeurs qui vont avec. Le fait de manger de la viande de manière massive est une conséquence d’une démarche du capitalisme lui-même, qui cherche des moyens de se renforcer et qui voit une possibilité pour cela avec des gens toujours plus gros.

Le capitalisme exige également l’individualisme, l’indifférence aux autres, des choix purement individuels, en toute « conscience ». L’empathie et la compassion sont donc rejetés, tout comme l’exigence de la sensibilité par rapport aux vivants. Être véritablement à Gauche, c’est ici saisir cela et assumer une démarche personnelle ouverte à la nature, aux animaux, à la végétation. C’est ni plus ni moins quelque chose qui relève du Socialisme, ou du Communisme, comme on le voudra. En tout cas, c’est le sens de la socialisation la plus large, du partage le plus grand.

Or, le Parti animaliste ne se situe pas du tout dans une telle perspective. Et pour cause ! On trouve sur son site la liste des candidats. Qu’y trouve-t-on ? Plusieurs responsables des Ressources Humaines, un chef d’entreprise, une avocate, une ancienne conseillère en communication, un commercial, un ingénieur consultant, une maître de conférences, une analyste recherche, une professeure en marketing, des juristes, une gestionnaire marchés publics, une indépendante en conseil en stratégie, un directeur commercial, plusieurs professeurs, une responsable Administratif et Financier, etc.

Humainement, ces gens ont très certainement un rapport positif aux animaux, ils sont dans le bon camp. Mais de par leur nature sociale, ils contribuent inéluctablement à appuyer le capitalisme. Ils sont étrangers à la classe ouvrière, voire même ils sont eux mêmes des capitalistes. On sait bien ce qu’est notamment quelqu’un s’occupant des Ressources Humaines aujourd’hui dans notre pays… C’est une fonction qui, par définition même, s’oppose fondamentalement aux intérêts des salariés, c’est une arme de l’entreprise contre eux…

Pourtant, n’est-ce pas le système tel qu’il existe qui amène un rapport néfaste pour les animaux ? Et ne faut-il pas être cohérent ? Car des gens qui ont une position sociale très favorable dans un système ne remettent pas en cause le système. Des gens qui font partie d’un système ne peuvent pas aller au bout d’une logique prônant son renversement, son dépassement. Immanquablement, il y aura une capitulation, car ces gens vivent par le système lui-même. Seul le mouvement ouvrier peut porter quelque chose qui aille jusqu’au bout.

Et, pire encore, l’idée de faire de la défense des animaux un thème indépendant de tout le reste, est une attaque directe à l’idée d’un projet révolutionnaire bouleversant tous les aspects de la vie quotidienne telle qu’on la connaît. D’ailleurs, le système appuie lui-même le Parti animaliste, qui existe en participant aux élections et en touchant des fonds par conséquent de l’État, après avoir récolté des voix avec des affiches présentant des animaux, histoire de s’attirer les sympathies. Il se revendique haut et fort comme au-delà des classes sociales :

« La question animale est transversale, elle concerne toutes les familles politiques, toutes les catégories sociales, les ruraux comme les urbains, les jeunes comme les personnes âgées, … »

Rien n’est pourtant au-dessus des classes sociales. La question animale d’ailleurs moins qu’une autre peut-être. La défense des animaux est portée en très grande majorité par des femmes, et en grande majorité par des personnes d’un certain âge, et en grande majorité par des gens d’origine populaire. Cette vérité est très lourde de sens. Elle a toute sa dignité et est un appel à transformer la réalité, car ici des valeurs s’expriment qui exigent la compassion.

Cela n’a rien à voir avec des gens des hautes couches sociales qui, par en haut, veulent un changement, même s’il apparaît comme positif. Aucun changement n’est possible par en haut. C’est le peuple seul qui transforme la réalité. Qui veut défendre les animaux agit pour mobiliser le peuple et ne réduit pas en le véganisme un phénomène bobo, mais en saisit la portée historique, en liaison avec le Socialisme.