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Communiqué de Delphine Batho critiquant le référendum sur l’écologie dans la Constitution

Emmanuel Macron a annoncé en fin de soirée lundi 14 décembre qu’il compte organiser un référendum sur l’inscription de l’écologie dans l’article 1 de la Constitution. Voici le communiqué de Delphine Batho, présidente de Génération Écologie, qui comme souvent a très bien compris ce qui se tramait et émet une critique très juste de la proposition, tant au nom de la démocratie qu’au nom de l’écologie elle-même.

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Néonicotinoïdes: Génération Écologie lance une campagne pour le maintien de l’interdiction

Le parti politique Génération Écologie lance une campagne pour dénoncer le grand recul gouvernemental quant à l’interdiction des néonicotinoïdes. Voici le communiqué du 2 septembre 2020 présentant cette campagne, incluant un lien vers une brochure d’information.

L’interdiction des néonicotinoïdes est un enjeu écologique majeur, que Génération Écologie présente de manière très précise dans une brochure de 20 pages. On regrettera cependant l’accent qui est mis sur les abeilles d’élevage, alors que l’apiculture ne relève aucunement de l’écologie et que la question des insectes pollinisateurs ne se résume aucunement à celles des abeilles d’élevage. Il y a là probablement un choix qui est fait en termes de communication, qui n’enlève toutefois rien au sérieux du propos sur le pesticide tueur d’insectes.

Voici le communiqué de Génération Écologie :

« Néonicotinoïdes : quand c’est non, c’est… NON !

Génération Ecologie lance une campagne contre le projet de loi remettant en cause l’interdiction des néonicotinoïdes.

L’enjeu est absolument vital : la toxicité des néonicotinoïdes a des conséquences monstrueuses qui entraînent l’effondrement accéléré des pollinisateurs, des insectes, des oiseaux, impactent l’ensemble du vivant, y compris la santé humaine.

L’objectif de notre campagne est de démontrer que la réhabilitation des néonicotinoïdes par le gouvernement est basée sur un mensonge.
Les propos des ministres témoignent d’un incroyable obscurantisme niant les conclusions de plus de 1 221 études scientifiques. Leur décision s’effectue sous la pression des lobbys de l’industrie du sucre, dont nous prouvons qu’ils n’ont jamais cessé d’agir dans les coulisses du pouvoir pour obtenir la remise en cause de la loi de 2016.

Génération Ecologie appelle à une mobilisation citoyenne indispensable et urgente

– par la diffusion de la brochure d’information « NÉONICOTINOÏDES : quand c’est non, c’est… NON ! »

Cliquez sur l’image pour télécharger la brochure :

 

– la création de collectifs citoyens avec des réunions publiques dans les territoires :

NANTES (44) le 10/09/20
PONT L’ABBE (29) le 11/09/2020
CABRIES-CALAS (13) le 13/09/20
AZAY-LE-BRÛLÉ (79) le 17/09/20
BORDEAUX (33) le 18/09/20
LE VIGAN (30) le 18/09/20
ITTEVILLE (91) le 19/09/20
GUINGAMP (22) le 20/09/20
ROUEN (76) le 24/09/20
PARIS & ILE-DE-FRANCE Facebook live le 24/09/20
PAU (64) le 25/09/20
MONT-DE-MARSAN (40) le 26/09/20
LYON (69) le 26/09/20
TOURS (37) le 26/09/20
BOURGES (18) le 26/09/20
BRESSUIRE (79) le 29/09/20
et aussi STRASBOURG, MONTPELLIER, LILLE, METZ, SAINT-JUNIEN, SAINT-DENIS DE LA REUNION, SAINT-ETIENNE… dates à venir !

Pour organiser une réunion dans votre commune : contact@generationecologie.fr

– une adresse à l’ensemble des partis démocratiques et syndicats afin d’envisager des initiatives communes pour cet enjeu vital qui n’est pas celui d’un camp politique mais concerne notre survie. »

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Écologie

Le Covid-19 et les critiques écologistes du mode de vie

La gauche « alternative », au sens le plus large, insiste particulièrement sur une remise en cause nécessaire à la suite de la crise sanitaire actuelle. Elle ne se contente pas de vouloir un système de santé plus performant, elle attend une critique d’aspects qu’elle considère comme prévalents dans le monde aujourd’hui.

Il y a évidemment les écologistes récents, pour qui l’écologie n’est qu’une camelote prétexte à des discours anticapitalistes relookés. Il y a tout un discours de « front uni » qui est hautement révélateur d’une tendance au bric-à-brac masquant avec difficulté une incapacité à combiner le fait d’être de gauche et d’être écologiste (ou encore vegan, ou les deux).

L’un des exemples les plus marquants, c’est la revue en ligne Reporterre, qui a été littéralement incapable d’analyser la crise suivant un point de vue autre que anti-État. Le discours zadiste assumé (avec également une bande dessinée réussie mais caricaturale) témoigne d’une indigence intellectuelle concernant les points les plus fondamentaux de l’écologie.

Il y a heureusement des initiatives cohérentes, car portées de véritables réflexions. Il va de soi que ces réflexions ne datent pas d’une semaine, ni même d’un an ; elles représentent un véritable travail de fond, obscur alors, mais qui apparaît en pleine lumière.

L’Analyse politique de la pandémie de Covid-19 de Génération écologie est ici exemplaire, il est d’un très haut niveau et il cogne extrêmement fort. Il est parlé de rupture historique et il est appelé à une véritable révolution intellectuelle. Tout se résume d’ailleurs lorsqu’il est expliqué que :

« La pandémie n’est donc pas un perturbateur « extérieur » à notre monde, mais le produit d’une époque, l’Anthropocène »

On reconnaît là l’approche globale, systémique, planétaire, qui cherche à mettre les choses en perspective. C’est un positionnement qu’on a déjà pu voir dans le document du PCF(mlm), La maladie à coronavirus 2019 (COVID-19) : un produit du mode de production capitaliste. Dans les deux cas, on a une lecture catastrophiste – ou réaliste, ou les deux -, avec l’idée que tout le monde doit changer de mode de vie et que c’est cela, une révolution. Il va de soi que cela change justement de ceux qui disent que tout est la faute des gens au pouvoir et qui s’arrêtent à cela.

On a quelque chose de moins puissant, de moins nouveau, mais inversement de particulièrement ancré dans la culture de la seconde gauche des années 1970 avec les propos de Guillaume Balas, de Génération-s. Dans L’Humanité, il reprend le discours qui fut celui du PSU et plus particulièrement d’un de ses prolongements politiques, l’AREV (l’Alternative Rouge et Verte). L’AREV disposait d’une vraie capacité d’initiative au début des années 1990, mais n’est pas parvenu à réaliser une synthèse écologiste de gauche.

Guillaume Balas reprend ce discours « post-capitaliste » :

« C’est l’ensemble des sociétés humaines telles qu’elles fonctionnent qui doit être remis en cause. Une phase de l’histoire de la mondialisation s’achève. On ne peut plus continuer avec des interconnexions sans contrôle, ni avec un modèle qui étend sans cesse les activités humaines sans respecter les territoires naturels.

Mais, nous ne pouvons pas rompre avec le productivisme sans remettre en cause la doctrine néolibérale du libre-échange absolu, voire le modèle capitaliste et son exaltation de la propriété privée comme valeur première.

Il nous faut réfléchir à des sociétés postcapitalistes à la fois démocratiques – face à la tentation de l’autoritarisme et du nationalisme –, écologiques, et avec une nouvelle forme de répartition des richesses et de la protection sociale. »

Julien Bayou, le secrétaire national d’EELV, tient un discours tout à fait similaire, le contenu en moins. On a pareillement un appel à changer tout de fond en comble, mais il n’est pas dit comment.

« La pandémie en cours nous appelle à reconstruire l’ordre du monde. Ni plus ni moins. L’enjeu, pour les écologistes, est immense.

Il s’agit de démontrer que le coronavirus n’est pas qu’une crise sanitaire, mais qu’il est le nom du dérèglement du monde. Le coronavirus démontre de manière paradigmatique l’ampleur des transformations que nous allons devoir engager pour faire face au réchauffement climatique. Il nous faut réinventer nos valeurs, modifier nos priorités (…).

Nous devrons proposer un imaginaire post-crise qui ouvre d’autres solutions que le dogme de la croissance, que la priorité donnée au court terme sur le long terme, que l’obsession pour la rentabilité. »

Il y a tout en cas deux positions qu’on peut cerner ici. Une logique post-crise, ou post-capitaliste, en tout cas « post », avec EELV et Génération-s. Et un appel au dépassement de toute une époque avec Génération Écologie et le PCF(mlm). Au-delà des différences, on a en tout cas bien quelque chose qui sonne authentiquement comme étant du 21e siècle.

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Génération Écologie: «Analyse politique de la pandémie de Covid-19»

Voici l’analyse publiée par Génération Écologie, dont l’une des principales figures actuellement est Delphine Batho, ancienne ministre de l’Écologie et issue du Parti socialiste. On a ici un document d’une grande qualité, marquant une véritable conscience écologiste et un sens profond de la responsabilité politique, de la chose publique, et donc de l’État.

[le document est aussi disponible en PDF]

« Analyse politique de la pandémie de Covid-19

1. La pandémie provoque une rupture historique 

L’épidémie, qui a débuté en novembre 2019 à Wuhan en Chine, est le fait d’un nouveau coronavirus séquencé pour la première fois le 5 janvier dernier : le SARS-CoV-2, virus responsable de la maladie Covid-19. Si l’OMS a décrété l’état d’urgence de santé publique de portée internationale le 30 janvier, il a fallu attendre le 11 mars pour qu’elle soit reconnue comme « pandémie ».

Inédit par sa vitesse de propagation, le Covid-19 a infecté plus d’un million de personnes et provoqué 63 437 décès dans 190 pays à ce jour. Le nombre de morts dans le monde évolue de façon exponentielle : il a doublé au cours de la dernière semaine.

En France, 89 953 personnes sont officiellement reconnues comme contaminées par le Covid-19 et au moins 7560 personnes sont décédées en un mois.  Ici comme ailleurs dans le monde, les données officielles sur la pandémie sont largement sous-évaluées en raison de l’absence de dépistage massif et de recensement de la totalité des décès liés au virus (par exemple au moins 2 028 décès liés au coronavirus dans les Ehpad en France qui n’étaient pas comptabilisés initialement).

Cette catastrophe sanitaire a imposé progressivement sur tous les continents une quasi mise à l’arrêt des activités économiques et sociales. Près de 50% de la population mondiale est désormais concernée par des mesures de confinement restrictives des libertés fondamentales (3,84 milliards de personnes), provoquant des réactions en chaîne qui illustrent les vulnérabilités d’un système de production, de distribution et de consommation tout entier caractérisé par l’interdépendance et la recherche du profit à court terme. Ce brutal retour au réel, à nos fragilités et à nos conditions vitales d’existence, constitue une marche descendante qui nous rapproche d’une logique d’effondrement systémique dont nous vérifions in situ les mécanismes et les effets domino, et dont nous mesurons les risques pour la paix et la sécurité civile.

Le plus dur de la catastrophe sanitaire est encore devant nous, tant en termes de pertes humaines, que de conséquences sociales, économiques et sociétales de toute nature. S’y s’ajoutent des conséquences psychologiques et morales très lourdes et générant des effets à long terme liés à l’état de stress traumatique. Si tous les effets de ces bouleversements ne peuvent être anticipés dans une situation marquée par son instabilité et ses incertitudes, il est d’ores et déjà évident que plus rien ne sera comme avant. Ce choc ne constitue pas seulement, pour l’humanité, une interruption brutale dans la marche du monde, mais une rupture historique.

Les dogmes de l’efficacité autorégulatrice du marché et de la supériorité des enjeux économiques sur toute autre considération, les visions du monde ignorantes de notre appartenance au vivant et marquées par la négation des limites planétaires, ont été balayés par les faits en quelques semaines. Pour protéger la vie humaine, c’est la puissance publique qui est appelée au secours. Il n’y a plus de Pacte de stabilité européen, plus de limite à la dépense publique, même le Medef en appelle à des nationalisations. Quand tout s’effondre, il ne reste que l’Etat.

En ce sens, nous ne considérons pas les événements actuels comme une « crise », dont la parenthèse, une fois refermée, conduira à un retour « à la normale », c’est-à-dire à la situation antérieure, à l’identique. Nous refusons d’entretenir ce mythe de l’« après ». Il résulte en fait du covid-19 un nouvel état du monde.

2. Une maladie reliée aux destructions écologiques

Cette catastrophe sanitaire fait partie du grand tout de la destruction écologique irréversible.

Le Covid-19 est une zoonose, c’est-à-dire une maladie transmise à l’homme à partir d’animaux vertébrés, sauvages ou domestiques. Avant lui, SRAS et Ebola avaient pour origine des chauves-souris (en Chine et en Guinée), tandis que la grippe H1N1 venait probablement d’un porc au Mexique. Il faut en général plusieurs années de recherche pour établir avec certitude la chaîne de transmission d’un virus de l’animal à l’humain. Concernant celui à l’origine de la maladie Covid-19, l’hypothèse scientifique privilégiée est une recombinaison entre deux virus, l’un provenant d’une chauve-souris, l’autre du pangolin, au sein d’un organisme aujourd’hui inconnu. Il est en tout état de cause certain que le virus est apparu à Wuhan (province de Hubei) en Chine et n’a pas été créé en laboratoire.

Les coronavirus existent naturellement dans le monde sauvage et peuvent se recombiner. On ne connaît pas encore avec certitude le patient 0, et donc le contexte de franchissement de la barrière d’espèces. Néanmoins, il est prouvé que certaines activités humaines favorisent l’émergence des zoonoses. Selon l’OMS, 75% des agents pathogènes des maladies infectieuses émergentes sont des zoonoses. Les virus sont des micro-organismes qui, lorsqu’ils trouvent un hôte abondant, se multiplient efficacement. Le choc biologique lié à l’expansion humaine colonisant les espaces du monde sauvage, la déstabilisation des écosystèmes, la déforestation, le braconnage, le stockage dans des conditions délétères d’espèces sauvages ainsi que leur consommation augmentent les voies de contaminations et de recombinaison des virus vers l’espèce la plus efficace pour se disséminer : l’espèce humaine. Plus nous détruisons les écosystèmes et maltraitons les animaux, plus nous favorisons l’émergence de telles épidémies. Il est établi que le réchauffement climatique va aussi provoquer de nouvelles pandémies, que ce soit par l’extension géographique des vecteurs d’infection (moustiques, tiques) ou par la libération d’agents pathogènes conservés dans le pergélisol.

Reléguée au second plan dans le débat public, objet de théories complotistes niant les connaissances scientifiques, la cause originelle du Covid-19 est probablement directement liée à la destruction massive de la biodiversité. 

La particularité de l’épidémie actuelle est aussi la vitesse de propagation du virus. Il n’a fallu que trois mois au Covid-19 pour arriver en Europe. L’intensification des déplacements humains ces vingt dernières années est un facteur d’accélération majeur, de même que la massification urbaine. Entre 2002 et aujourd’hui les flux de passagers aériens ont été multipliés par presque trois.

Si l’hypothèse que la pollution atmosphérique peut propager le virus a été formulée par des chercheurs italiens, il est en revanche certain que les pathologies liées à la pollution de l’air, première cause de mortalité dans le monde, à la sédentarité et à la malbouffe (obésité), et plus largement à la dégradation de la santé environnementale, affaiblissent l’immunité et aggravent la vulnérabilité de l’espèce humaine face à de nouveaux agents pathogènes.

3. Une catastrophe de l’Anthropocène

La pandémie n’est donc pas un perturbateur « extérieur » à notre monde, mais le produit d’une époque, l’Anthropocène, tant elle est marquée par toutes ses caractéristiques : origine liée à la perturbation anthropique du vivant, vitesse de propagation planétaire, augmentation exponentielle du nombre de cas et de victimes, conséquences immédiates sur l’économie mondiale des mesures de confinement faute de capacités sanitaires suffisantes, aggravation spectaculaire des inégalités, …

Un système d’approvisionnement mondialisé dont la gestion se fait à flux tendus, interdépendants les uns des autres, est intrinsèquement vulnérable. Le pétrole est la condition de ce système dans lequel il n’y a pas de stocks, l’utilisation des énergies fossiles assurant une distribution constante.

Soulignons aussi que le développement de la pandémie a été accéléré par le « corona-obscurantisme » dont ont fait preuve les gouvernements Destructeurs (Chine, Etats-Unis, Royaume-Uni, Brésil, Russie etc), occultant ou mettant en doute les alertes scientifiques, sur fond de tensions géopolitiques entre grandes puissances, livrant ainsi les populations à une contamination massive. Le retard apporté en Chine à donner l’alerte sur le virus (près d’un mois) est également le résultat de l’absence de libertés publiques et de liberté de la presse (lanceurs d’alerte emprisonnés, journalistes étrangers expulsés). La pandémie illustre la faillite des populistes, des régimes autocratiques et des égoïsmes nationaux face à toute situation d’urgence internationale qui nécessite de rechercher non pas la rivalité entre nations, mais la coopération. Il est désastreux, pour l’Europe, qu’elle n’ait pas saisi rapidement l’occasion de faire la démonstration inverse, celle de l’entraide dans un espace démocratique. Et désolant qu’elle n’ait finalement réagi que par des mesures financières, pour limiter le krach des marchés financiers.

L’explosion des inégalités consubstantielle au modèle de civilisation actuel est exacerbée par l’épidémie, entre les pays et à l’intérieur de chacun d’eux : impossible de se confiner dans un bidonville, de respecter les gestes barrières sans accès à l’eau ; impossible d’essayer de se substituer à l’école en faisant classe aux enfants sans livres, sans internet, dans un logement exigu… L’Afrique est confrontée à un risque d’effondrement économique et sanitaire. Ici, pendant que les uns peuvent télétravailler, les autres sont au chômage partiel ou exposés au risque sans protection dans leur métier.

La pandémie met en lumière les effets ravageurs de la marchandisation de toutes les sphères vitales des activités humaines (santé, alimentation) et des politiques ultra-libérales d’affaiblissement de l’État. Les délocalisations industrielles, la perte de souveraineté sur les biens et services essentiels, l’appauvrissement des systèmes de santé (manque de lits, de matériels, de soignants…), la réduction des moyens des services publics, débouchent sur une catastrophe sanitaire majeure et une restriction des libertés fondamentales faute de capacité à prévenir la contagion (tester, isoler les seuls porteurs du virus…) et soigner.

Affaibli dans ses moyens d’actions, l’Etat, dont la première mission fondamentale est la protection de la sécurité de la population, a perdu en compétences, en expertise, ainsi qu’en capacités opérationnelles et d’anticipation. Le règne de la technobureaucratie, soumise à l’influence des lobbys et à l’hypercentralisation de la Vème République, aggrave les dysfonctionnements et entraîne une perte de réflexes élémentaires en situation de crise.

Ainsi s’explique l’aveuglement de l’Etat et de ses agences, sous-estimant les risques liés à l’épidémie, ne prévoyant rien, ou trop tard, pour les besoins matériels les plus essentiels (masques, tests, respirateurs…), s’auto-congratulant pendant des semaines que « la stratégie française marche », délivrant les informations au compte-goutte par peur d’une panique qui mettrait l’économie à l’arrêt, moquant le confinement italien « contre-productif », avant de se résigner à suivre le même chemin, acculés par la science et par les faits. La cohésion nationale de la France, et l’Etat lui-même aujourd’hui, tient non plus d’abord « par le haut », mais surtout « par le bas », parce que les soignants, les policiers et gendarmes, les pompiers, les caissières, les livreurs, les transporteurs, les agriculteurs, des entrepreneurs, les élus locaux, les éboueurs, les travailleurs sociaux, les enseignants, les associations,… font preuve d’un dévouement exceptionnel dans l’exercice de leurs missions fondamentales et vitales pour la République. Des trésors d’ingéniosité, de « système D » et d’adaptation en mode dégradé, se déploient tous les jours pour pallier les défaillances dont sont responsables, non seulement le gouvernement actuel, mais également ceux des trois derniers quinquennats. Dans ces conditions, résumer les conséquences politiques à retenir de la pandémie à la mise en cause de la responsabilité du seul pouvoir actuel est un raisonnement à courte vue auquel les écologistes ne peuvent souscrire. Il occulte la responsabilité principale : celle d’un modèle de civilisation destructeur qui a constitué la norme de référence depuis des décennies.

En quelques jours ou quelques semaines, nous avons vu à l’œuvre face à l’épidémie les mêmes mécanismes que depuis des années face au changement climatique : déni, chacun pour soi, prises de conscience tardives, inertie, décalage entre les intentions proclamées et la mise en œuvre effective des actions…

4. Le début d’une récession sans équivalent

La pandémie et les mesures de confinement ont provoqué un choc économique sans équivalent. La crise qui en résulte est vraisemblablement d’une ampleur supérieure à la crise de 1929. Elle risque de déboucher sur une dépression longue car il s’agit d’abord d’une crise de l’économie réelle, avec une mise à l’arrêt de pans entiers de la production industrielle et de la consommation d’abord en Chine, puis partout dans le monde. Outre les secteurs parmi les premiers impactés (tourisme, baisse de 90% du trafic aérien dans les prochains mois, restauration,…), en France 50% de la production industrielle, 85% de l’activité du secteur du bâtiment et des travaux publics, 50% de l’activité des services, sont à l’arrêt. Des risques pèsent sur les chaînes d’approvisionnement et de production pour les fonctions vitales les plus essentielles, à commencer par l’alimentation.

La panique boursière initiée par les décisions de l’Arabie Saoudite et de la Russie provoquant une baisse du prix du baril de pétrole, s’est conjuguée aux conséquences de la pandémie et du ralentissement du commerce international (baisse de la demande en pétrole), encourageant les investisseurs à liquider leurs actifs. Il est probable qu’à termes, le sous-investissement dans les capacités de production pétrolière débouchera sur une augmentation des prix du baril et sa forte volatilité. Dans l’immédiat, un tiers de la capitalisation boursière a été perdu en deux semaines. Le secteur bancaire est en difficulté. Les faillites d’entreprises vont se multiplier. Les conséquences sociales sont d’ores et déjà monstrueuses, avec 10 millions de nouveaux chômeurs aux Etats-Unis en deux semaines, record historique absolu.

Dans l’urgence, le recours essentiel pour la survie du tissu industriel est l’intervention massive des Etats, ou de répondre aux besoins de « l’économie de guerre » liés à la pandémie elle-même par des reconversions rapides des outils de production et l’adaptation à la demande d’une économie relocalisée. Or au-delà de la gestion défaillante de la catastrophe sanitaire, les mesures prises ou annoncées jusqu’à ce jour sur le front économique traduisent avant tout la volonté de sauver ou de reconstruire le système de production et de consommation à l’identique, à l’image des mesures prises en 2008-2009 pour sauver le secteur financier, sur le mode du « business as usual ».

5. Réinventer, plutôt que reconstruire

Ecologistes, nous sommes dans le camp de ceux qui font le choix de la cohésion nationale, qui agissent ou qui simplement applaudissent aux fenêtres tous les soirs. La gravité des circonstances impose de placer au-dessus de tout l’esprit de responsabilité et la mobilisation générale pour sauver des vies. Nous l’avons dit depuis le début de l’épidémie : la santé d’abord !

Notre boussole est celle de la sécurité de la population et de ses besoins essentiels. Dans l’immédiat et à long terme. A ceux qui veulent « reconstruire » le monde d’hier, nous opposons la détermination de celles et ceux qui veulent réinventer un monde harmonieux. L’aspiration à de nouveaux modes de vie, à une nouvelle hiérarchie des valeurs, à un monde respectueux du vivant et bienveillant, à une nouvelle gouvernance démocratique, n’a pas disparu avec le coronavirus, bien au contraire. Tout s’accélère pour les écologistes !

La pandémie est une catastrophe dont nous mesurons le prix humain et qui concentre toutes les urgences de notre époque. Pour nous, le coronavirus n’est pas, comme on a pu l’entendre parfois, une « opportunité » ou une épreuve « salutaire ». La maladie et le confinement ne sont pas une expérience de la « sobriété » ou de la « décroissance », mais une privation de liberté, de travail, d’éducation, de relations humaines et sociales, ainsi que de relations avec la nature. Ils n’ont rien de commun avec l’adhésion à un changement culturel des comportements et présentent aussi une part de risques d’effets rebond et de frénésie consumériste. Leurs effets environnementaux (baisse des émissions de CO2, baisse de la pollution de l’air, baisse de la consommation d’énergie et de matières premières) ne seront que temporaires si des changements profonds ne sont pas choisis collectivement et durablement au regard d’une autre catastrophe, elle irréversible, le changement climatique et la perte de biodiversité résultant du dépassement des limites planétaires.

Nous sommes en train de vivre un moment de bascule de l’histoire dont il peut sortir le pire ou le meilleur. Réinventer le monde commence par retrouver le sens de l’essentiel. A nos yeux, au-delà des urgences immédiates, l’enjeu actuel n’est pas de « recycler » comme une sorte de « prêt à penser » une longue liste de mesures programmatiques conçues dans le monde d’avant la pandémie, mais bien d’affirmer que la transformation que nous appelons de nos vœux doit avoir pour point de départ un questionnement plus fondamental. Tout peut et doit être ré-interrogé :

  • De quoi avons-nous vraiment besoin pour vivre ? 
  • De quoi dépend notre sécurité ? 
  • Quelles sont les activités indispensables à l’épanouissement humain et à la société dans son ensemble ? 
  • Quels biens communs et activités sociales doivent être protégés des logiques de marché ? 
  • Comment réduire nos dépendances et garantir notre résilience face aux menaces et aux risques du 21èmesiècle ? 

Sur la base d’un premier inventaire de l’essentiel, nous proposons à toutes celles et ceux qui le souhaitent, d’échanger pour identifier des choix de rupture crédibles à proposer à nos concitoyens.

Les événements actuels donnent tort à toutes celles et ceux qui, fatalistes ou résignés, pensaient que la politique ne sert à rien et qu’il est impossible de changer le monde. En quelques jours, ce sont bien des décisions politiques, et non économiques, qui ont guidé des choix lourds de conséquences pour nos vies quotidiennes et nos sociétés. Fait notable, après des semaines de déni et de déficience, cette fois les données scientifiques ont pris place dans le fondement et la justification de ces décisions politiques.

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Delphine Batho préside Génération Écologie et abandonne la Gauche

Alors qu’elle annonçait son départ du Parti socialiste, Delphine Batho avait expliqué en mai 2018 qu’elle prendrait la tête du mouvement Génération Écologie. Sa présidence est maintenant officielle depuis la convention nationale de Nantes le dimanche 9 septembre 2018. De ce fait, elle abandonne sa tradition politique de gauche et rend caduque sa démarche au service de l’écologie.

Delphine Batho a un parcours de gauche tout à fait typique. Elle a présidé l’organisation lycéenne FIDL, s’est faite remarquer pendant un mouvement de jeunesse concernant l’éducation en 1986 puis a assuré la vice-présidence de SOS racisme, avant de devenir cadre du Parti socialiste.

Elle a voulu se présenter à la direction de ce parti en janvier 2018, et présidait le groupe « Nouvelle Gauche » à l’Assemblée Nationale avant son départ en mai 2018.

Une écologie non partisane

C’est donc un revirement qu’elle opère en rejoignant une organisation marquée à droite, qui a par exemple produit le Ministre et soutien fidèle d’Emmanuel Macron, François de Rugy. Cela d’autant plus que lors de l’écartement de sa candidature à la direction du Parti socialiste en janvier dernier, elle parlait encore de la Gauche et s’exprimait par rapport à la Gauche.

> lire également Delphine Batho : “Mitterrand, réveille-toi, ils sont devenus fous !”

En fait, Delphine Batho est typique de ces politiques qui ont fait ou voulu faire de l’écologie un thème en tant que tel, de manière non partisane en apparence, mais tout à fait soumise à la réalité sociale et économique du capitalisme en réalité.

Les membres des « Verts » ont historiquement toujours vu ce problème et ont systématiquement cherché à justement s’affirmer « de gauche », bien que cela a en fin de compte surtout servit l’opportunisme de quelques individus.

Le discours de Delphine Batho n’est pas celui-là. Elle explique maintenant que :

« Génération Écologie devient le parti de l’écologie intégrale. Pour nous, c’est l’impératif écologique qui doit déterminer toutes les décisions de politique économique, les choix sociaux éducatifs, culturels, etc. On est en rupture complète avec les visions qui voient l’écologie comme un département ministériel parmi d’autres. On met cet enjeu au centre de tout. Nous voulons faire émerger une force nouvelle dans le paysage politique. »

L’écologie est présentée comme ayant une existence propre, se suffisant à elle-même, en dehors des cadres idéologiques traditionnels.

C’est une définition anti-politique, qui revient à neutraliser la question écologique en lui ôtant sa dimension subversive et critique vis-à-vis du système en place. Et en se rendant volontairement vulnérable par rapport à la Droite sur le plan politique et sur le plan des valeurs.

Écologie et utopie de gauche

Pour la Gauche, le socialisme est censé représenter le projet de société de manière globale, intégrant toutes les questions, tous les sujets. L’écologie, de ce point de vue, n’est qu’un aspect de la critique du capitalisme puisque c’est l’essence même de l’économie de marché et de la privatisation des profits qui empêche d’adopter un rapport correct à la Nature.

Il y a eu, et il y a encore, la nécessité d’avoir une affirmation culturelle écologiste spécifique. C’est indispensable pour les personnes afin de porter un style de vie et une radicalité subjective à la hauteur des enjeux historiques pour la planète Terre. C’est aussi nécessaire politiquement, parce que sans ça les exigences écologiques peuvent rapidement fondre ou être relativisées par rapport à telle ou telle nécessité économique ou sociale.

Pour autant, cette affirmation culturelle écologiste ne suffit pas. Ce n’est qu’un aspect de la critique et de l’utopie de gauche.

La démarche portée par Génération Écologie est exactement l’inverse de cela.

Culturellement, on peut dire que c’est le grand vide, et politiquement il n’y pas de rapport avec les classes populaires et la classe ouvrière. Il n’y a pas du tout un style, une attitude « écolo », mais plutôt un appareil politique intégré aux institutions et abordant la question de manière technique, bourgeoise.

La preuve d’ailleurs est que cette organisation qui revendique 2000 membres n’est pas capable d’avoir un site internet digne de ce nom proposant un véritable contenu. Sa seule actualité est en fait de soutenir Nicolas Hulot, puis de souhaiter « bon courage» à François de Rugy qui le succède au ministère de la transition écologique et solidaire.

Il faut en effet une grande arriération sur le plan culturel pour s’imaginer comme elle le fait qu’en 2018, « l’écologie est de plus en plus majoritaire culturellement dans la société ». Bien sûr que les gens en général ne veulent pas laisser une planète poubelle à leurs enfants ou peuvent-être affectés par exemple à l’idée que les océans sont de plus en plus des grandes poubelles à la merci du plastique de l’industrie.

Mais enfin cela ne suffit pas à faire un engagement culturel permettant le changement. C’est au mieux un constat pessimiste n’aboutissant pas à grand-chose, quand ce n’est pas finalement un prétexte au cynisme et au relativisme.

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Delphine Batho se retrouve là car elle a échoué à gauche. Elle n’a jamais fait le choix de la radicalité mais a toujours pensé que le système était réformable, qu’on pouvait arriver à quelque chose avec les institutions et les grandes entreprises.

Elle s’est donc retrouvé confronté à des enjeux immenses, sans avoir les moyens d’y faire face. Sur le plan personnel, elle a très mal vécu de se retrouver confrontée à des lobbies. C’était d’ailleurs l’objet de son éviction du Ministère de l’écologie sous François Hollande, après qu’elle avait critiqué le budget de son administration et compris que cela répondait à des influences privées.

« Est-il normal que le PDG de Vallourec, Philippe Crouzet, ait annoncé ma chute prochaine voilà des semaines aux États-Unis ? » avait-elle demandé de manière franchement dégoûtée à l’époque.

Son point de vue et sa démarche sont strictement équivalents à ceux de Nicolas Hulot. Il y a la même focalisation sur la question des lobbies, la même « neutralité » transpartisane, et surtout la même incapacité à être à la hauteur des enjeux malgré des constats tout à fait pertinents et réalistes.

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Une radicalité dans la forme seulement

En abandonnant la Gauche, Delphine Batho abandonne aussi sa capacité à se rendre utile et à servir la planète Terre. Sa démarche restera peut-être confidentielle, mais elle risque aussi de faire perdre beaucoup de temps et d’énergie écologiste.

Le problème avec des gens comme Delphine Batho, c’est que le discours propose une grande radicalité dans la forme, mais il n’y a pas derrière les moyens idéologiques et culturels de les assumer.

Cela est tellement évident lorsqu’on lit une telle déclaration, engagée en apparence, mais tellement naïve et soumise au mode de production capitaliste quand on voit ce qui est proposé ensuite :

« L’anthropocène, c’est la guerre. C’est le nom qu’on donne à cette nouvelle ère, dans laquelle nous sommes, en train de détruire le vivant et les conditions qui permettent l’existence humaine sur terre. Aucune institution internationale, aucune institution démocratique ne résistera aux guerres pour l’énergie, pour l’eau. On voit ce que cela entraîne aujourd’hui en termes d’impact sur les mouvements de population et migratoires. C’est une logique de déstabilisation profonde de toutes les sociétés et des institutions démocratiques.

Pour moi, c’est ça le vrai clivage. Il est entre les Terriens, c’est à dire ceux qui sont lucides sur cette situation et qui veulent y apporter une solution et ceux qui sont dans le camp des « écocideurs », qui font preuve ou d’aveuglement ou, c’est plus grave, de cynisme, dont le chef au niveau planétaire est Donald Trump. »

Et donc, plus loin :

« Génération Écologie, c’est le contraire des Verts. Ils ont eu leur chance et l’ont laissé passer. Ils sont devenus un des partis de gauche. Moi, j’inscris l’écologie intégrale dans la définition d’un nouveau clivage entre ceux qui sont les promoteurs des logiques destructrices de l’anthropocène et ceux qui sont des Terriens. Les Verts, ils ont passé leur temps à taper sur Nicolas Hulot au lieu de l’aider, de créer les rapports de force dans la société, dans le paysage politique, pour pousser. Comme je l’ai fait sur les néonicotinoïdes, sur le glyphosate. Ils ont passé leur temps à l’affaiblir.

Ça n’a pas rendu service à la cause et donc, en fait, la direction nationale des Verts est devenue une machine à trahir l’écologie. Et ils ne se sont jamais attelés à la question fondamentale qui est, et c’est mon projet, comment on rend l’écologie majoritaire en France. Avoir un président de la République qui soit pour l’écologie, un Premier ministre qui soit pour l’écologie, un ministre des Finances qui soit pour l’écologie, etc. Et ça ça passe par un travail de fond sur la crédibilité économique et sociale d’un projet qui place cette question-là au centre de tout. »

Delphine Batho critique ouvertement la Gauche et s’écarte de la tradition de changement politique vers le socialisme, vers une société nouvelle débarrassée du profit individuel et des valeurs de la bourgeoisie.