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Écologie

Chasse à courre: «Henri Barbusse dans notre panthéon»

AVA, qui est à la pointe de la dénonciation de la chasse à courre, a publié un excellent texte d’Henri Barbusse, une grande figure de la Gauche française. Il s’agit d’Hallali, qui dénonce avec des mots d’une grande justesse et d’une grande humanité l’horreur de la chasse à courre.

On retrouvera le texte en entier sur le site d’AVA : ava-france.org/2020/11/13/henri-barbusse-hallali

Ce texte est d’une grande valeur et fait indéniablement partie du patrimoine de la Gauche, il faut le connaître, le mettre en valeurs et le diffuser !

Remarquons que c’est très bien vu de l’avoir publié le 11 novembre, puisque le parallèle est fait avec l’écrivain Maurice Genevoix, qui a été intronisé au Panthéon par Emmanuel Macron en raison de son œuvre sur la première guerre mondiale, Ceux de 14. On le sait, Henri Barbusse est également connu pour son œuvre sur la Grande guerre : Le feu, journal d’une escouade.

Il s’avère que Maurice Genevoix a également écrit sur la chasse à courre, avec un point de vue totalement opposé à celui d’Henri Barbusse. On a là deux styles, deux approches, deux visions du monde, qui se font face et ne sont absolument pas compatibles !

Voici le petit résumé d’AVA présentant cette opposition avec une grande acuité :

« HENRI BARBUSSE DANS NOTRE PANTHÉON 🏛🕊

⚫ À l’occasion des commémorations du 11 novembre, le Président de la République a choisi de faire entrer au Panthéon l’écrivain Maurice Genevoix, témoin actif de la 1ère Guerre Mondiale. D’autres voix lui préféraient Henri Barbusse.
Chez AVA, il y a un révélateur qui permet de les départager : leur rapport à la chasse à courre ! Tous les deux ont écrit sur le sujet, avec des points de vue diamétralement opposés.

🦌📯 Maurice Genevoix, dans son roman « La Dernière Harde », développe point par point toute la vision mystico-romantique des veneurs sur la Nature. On y suit un cerf sauvé plusieurs fois de la mort par le piqueux d’un équipage, un homme « juste ». S’il a été blessé au cours d’une chasse à courre, ce n’est pas du fait des veneurs mais de celui d’un cerf chassé, qui a livré son congénère à la meute pour « donner le change ». Le cerf est hébergé et soigné chez le valet, puis, repartant dans les bois, il meure volontairement par la main même de son « bienfaiteur », en se jetant contre sa dague. Bref, un pur fantasme de veneur :
« De lui-même, résolument, il a poussé sa poitrine profonde contre la pointe qui le touchait. Et en même temps il a plié les deux genoux pour se coucher sur la terre, et trouver enfin son repos. »
Genevoix (membre de l’Institut de France qui possède la forêt de Chantilly et y organise la chasse à courre) romance la chasse et la mort, comme un jeu symbolique qui mettrait en avant la dignité du monde animal, sa « liberté ». C’est tout à fait la vision des veneurs quand ils disent « Plutôt que de laisser l’opinion se focaliser sur leur mort, tachons seulement de montrer qu’ils ont une belle qualité de vie. Pour leur garantir la seule qui leur convienne, celle d’animal libre, ils doivent en payer un prix qui n’est autre que l’impôt du sang. »

🌳 De son côté, dans « Hallali » (1914), Henri Barbusse raconte un événement réel, que beaucoup d’habitants de sa forêt, celle d’Halatte, connaissent pour l’avoir vécu eux-mêmes : un équipage de chasse à courre traque un cerf jusque dans son jardin et il s’interpose pour tenter de le sauver ! 🏠🙅‍♂️
Il décrit l’impatience voyeuse de la foule des suiveurs, leur obséquiosité :
« – Il ne veut pas qu’on entre, l’insolent !
– Offrez-lui de l’argent !
Toutes ces figures portaient la marque du même instinct de meurtre, brusquement déchaîné par l’obstacle. A travers les paroles, les prétextes, les contraintes, cela se faisait jour sur leurs traits. »
🐶 Puis il se tourne vers les chiens :
« A côté des groupes si passionnément décontenancés, le hurlement des chiens prenait quelque chose d’innocent : les chiens esclaves n’avaient contre le cerf que la haine des hommes… »
Face à la pression violente de l’équipage et de sa cour, cet ancien poilu, victime de la Grande Guerre et le 1er de ses dénonciateurs, a cette révélation :
« En songeant aux cris sanguinaires qui m’assaillaient, je compris à quel point la créature humaine et animale, qui diffèrent si prodigieusement dans la vie, se ressemblent pour mourir, et que tous les êtres vivants s’en vont fraternellement. »
Il empoigne la carabine du piqueux, mais en vain, Barbusse est soulevé et projeté par la foule…

⚔🚫 De leur expérience commune de la guerre et de la mort, ces deux écrivains tirent des conclusions bien différentes.
Barbusse, lui, voit dans la chasse à courre un vecteur de brutalité primitive chez l’Homme, qu’utilisent les dominants pour les jeter les uns contre les autres.
Dans son roman « Clarté » (1919), il fait dire à un prince lors d’une curée :
« On se déshabitue trop du sang à notre époque prosaïque, humanitaire et bêlante. Ah ! Tant que les peuples aimeront la chasse, je ne désespérerai pas d’eux ! »

Pour AVA ainsi que tous les habitants victimes de la chasse à courre, aucune hésitation : c’est Henri Barbusse qui figure dans notre Panthéon ! 🕊✊  »

À nouveau, voici le lien pour lire Hallali d’Henri Barbusse sur le site d’AVA : https://ava-france.org/2020/11/13/henri-barbusse-hallali/

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Société

La première guerre mondiale, ce grand non dit en France

Malgré son importance et son caractère de boucherie générale, de militarisme et de fanatisme, la première guerre mondiale est considérée en France comme une petite période à part, dont finalement personne ne serait responsable.

Soldats français à l'assaut sortent de leur tranchée pendant la bataille de Verdun, 1916.

La première guerre mondiale a été une horreur, et surtout une horreur où les Français ont participé avec beaucoup de bonne volonté. Le patriotisme a été tellement généralisé qu’il n’y a eu aucune opposition à la guerre ; les socialistes de la SFIO et les syndicalistes de la CGT sont eux-mêmes passés dans le camp de l’affrontement.

On a beau jeu de dire aujourd’hui que les soldats sont partis la fleur au fusil, car ils pensaient revenir vite. C’est là un raccourci qui masque que, concrètement, tous les Français faisaient confiance à la « République », considérée comme critiquable peut-être, mais objective en ce qui concerne les questions générales.

C’est tellement vrai qu’il ne reste aucune mémoire de cela. Normalement, la guerre laisse des traces, en littérature, dans les films, dans la culture en générale. Non pas sous la forme générale de la guerre, mais dans le détail, dans le vécu, dans des anecdotes, des mémoires.

Or, là il n’y a rien. C’est comme si la guerre avait été celle de la République, qu’on a gagné en 1918, et que cela s’arrête là. Cela a d’autant plus été vrai que la guerre a été gagnée.

Le seul roman de grande valeur sur la guerre, c’est Le feu, journal d’une escouade, de Barbusse, mais il a été publié pendant la guerre elle-même. Il y en a eu d’autres et il y a également eu des films, cependant ils parlent de la guerre comme d’un phénomène comme un autre. Aucun ne touche sa dimension réelle : des millions de morts, une boucherie, la militarisation complète de la société, le fanatisme nationaliste, etc.

Même le roman de Barbusse ne le fait pas par ailleurs. Et après la guerre, la Gauche n’en parlera pas non plus, les socialistes étant trop heureux de faire oublier leur soutien, les communistes s’imaginant que la France commence en 1920 avec leur apparition.

Pourquoi tout cela ? Parce que la France a réussi à imposer la vision unilatérale que la seule responsable de la première guerre mondiale, ce serait l’Allemagne. Même pas d’ailleurs l’Allemagne impériale, non l’Allemagne tout court. La France a réussi ainsi à entièrement encadrer l’opinion publique, tout en donnant également des ailes aux nationalistes allemands, notamment les national-socialistes, sans parler des réparations énormes coulant la république allemande née des décombres de l’empire.

On a ici affaire à un véritablement problème, celui de la lecture historique et de la mémoire. Sans Gauche organisée, les idées l’emportant sont celles des classes dominantes, et celles-ci racontent les choses du passé selon leurs intérêts du présent.

La France est en réalité un pays coupable autant que l’Allemagne de la première guerre mondiale ; ce sont les banques, la grande bourgeoisie, les industriels liés aux fabriques de matériel pour la guerre qui ont poussé les choses jusqu’au point de non-retour, précipitant le pays dans la guerre.

Il y a ici une autocritique française à faire quant à la direction du pays. Une autocritique ne pouvant aboutir qu’à la conclusion suivante : c’est à la classe ouvrière, au prolétariat, de diriger le pays, en tant que classe, et non pas à une bourgeoisie prête à l’aventure militaire pour satisfaire ses intérêts, ses besoins de profit.

Publicité du Crédit Lyonnais pour un emprunt national pendant la 1ere guerre mondiale.
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