Catégories
Politique

Jean-Christophe Cambadélis annonce le républicanisme de gauche

Jean-Christophe Cambadélis est un cadre socialiste historique. Il propose une idéologie clef en main, de centre-gauche et affirme que c’est lui ou bien les libéraux et les nationalistes.

Jean-Christophe Cambadélis est connu pour être l’un des cadres socialistes les plus éprouvés, les plus politiques, alliant rigueur et opportunisme, clairvoyance et coups à trois bandes. C’est l’exemple même du cadre passé par l’extrême-gauche étudiante trotskiste, habitué aux mouvements des masses et aux coups fourrés, pour rejoindre le Parti socialiste et obtenir ainsi une stature étatique.

Pour cette raison, il a expliqué au Journal du Dimanche qu’il ne se sentait pas hors-jeu pour 2022, et c’est vrai. C’est un homme mesuré dans tous les domaines, il n’a pas perdu sa crédibilité comme François Hollande même s’il dit finalement la même chose, c’est un homme de réseaux.

Jean-Christophe Cambadélis a d’ailleurs fondé en septembre le réseau « Nouvelle Société » et le jeudi 19 novembre il a tenu une conférence de presse pour annoncer un projet de ce réseau, intitulé « La République impartiale – Mémorandum pour un républicanisme de gauche ».

Ce qu’on y trouve est une savante cuisine. Il y est dit la chose suivante : c’est nous ou bien le populisme, ou bien les libéraux. Nous sommes les seuls crédibles, ce sera nous ou un avatar français de Donald Trump, nous ou un Emmanuel Macron au libéralisme débridé.

Comme il faut rassembler, il faut être de centre-gauche : c’est la thèse des 51 % de François Hollande, pour qui la Gauche ne peut pas être majoritaire. Comme il faut être crédible, il faut se la jouer républicain dur : c’est la thèse de Manuel Valls. Comme il faut tout de même donner des gages à la Gauche, il faut parler de défendre les acquis et revendiquer l’opposition au nationalisme et à la guerre.

Comme il faut légitimer tout ce bric-à-brac, il y a la République comme concept traditionnel chez les socialistes depuis Jean Jaurès et on lit dans le mémorandum :

« La gauche, occupée à la question sociale et à l’extension des libertés individuelles a, petit à petit, délaissé la défense et l’approfondissement de la République. Elle n’a voulu voir que ses insuffisances, ses trahisons, ses limites.

Elle a pensé révolution, évolution, libération. Ce qui fut nécessaire. Mais elle a relégué la République au magasin des accessoires. Et aujourd’hui, voici la République remise en cause, attaquée de toutes parts. »

Répétons-le encore une fois : François Hollande ne peut qu’être d’accord, Manuel Valls aussi. On a du mal à penser qu’ils n’ont pas été consultés ou qu’ils ne sont pas, d’une manière ou d’une autre, de la partie. Au minimum ils convergent avec Jean-Christophe Cambadélis.

La ligne de celui-ci est très clairement radicale de gauche et évidemment on ne trouvera rien sur la classe ouvrière et le peuple, à part une dénonciation des communistes ici et des maoïstes là-bas. Pas de socialisme, pas de capitalisme, pas de bourgeoisie, pas de propriété, etc. Les concepts employés ont de ce fait un côté à la fois flou et poétique assumé : « égalité réelle », « liberté ordonné », « fraternité laïque ».

Quel est donc le message passé ici à la Gauche ? C’est, en quelque sorte : c’est nous ou le fascisme. C’est à peu près clair. Le message, c’est : vous ne parvenez rien, vous ne pouvez pas parvenir à quelque chose. Nous sommes les seuls crédibles dans le cadre d’institutions que vous n’aimez pas, mais que vous ne pouvez pas remplacer. De plus, les mouvements populaires partent dans le populisme et le nationalisme : vous devez donc défendre ces institutions pour survivre vous-mêmes.

C’est très fin, c’est très politique, c’est très Jean-Christophe Cambadélis. Mais c’est trotskiste aussi, c’est-à-dire unilatéral et calculateur, fabriqué en laboratoire. La vie est bien plus complexe que ces plans sur la comète et il est parlant que le mémorandum ne parle pas des animaux, ce qui en 2020 est aberrant. Au-delà même de son absence de « croyance » en les chances de la Gauche historique, cette absence en dit long sur un certain côté hors-sol.

Si on ajoute à cela la crise et le retour politique de la classe ouvrière, alors le projet de Jean-Christophe Cambadélis apparaît comme tout à fait réaliste… et en même temps un rêve parisien coupé des réalités. La France va au conflit, c’est inévitable et aucun pompier « républicain » ne peut empêcher les contradictions de s’exprimer. L’heure de François Hollande est passé : l’heure est à l’Histoire.

Catégories
Politique

Le PS entre suivisme, radicalisme républicain et «nouveaux socialistes»

Le Parti socialiste tenait son université d’été à Blois et l’aile droite y est intervenue, parallèlement à François Hollande qui l’a fait depuis les médias. Cela témoigne de deux lignes antagoniques au PS.

Il y a, pour résumer, deux lignes au Parti socialiste. La première, c’est celle de son dirigeant, Olivier Faure. Il a compris que la France a changé, que le Parti socialiste est débordé sur certaines questions, notamment la question écologiste ou celle des animaux. Il sait que le PS est méprisé voire haï en raison de sa participation au gouvernement pendant des années. Il est tourné vers la modernité et il dit ainsi : on passe notre tour, on laisse EELV prendre la main, et soit on fusionnera avec, soit on aura une bonne place pour la suite.

C’est pour cela que l’université d’été du PS s’est intitulée « le RDV de la gauche d’après », qu’étaient invité notamment Julien Bayou, Éric Piolle et Yannick Jadot d’EELV, Pierre Lacaze du PCF, Clémentine Autain de La France insoumise, avec une belle mise en scène avec Yannick Jadot, en pole-position pour être le candidat aux présidentielles représentant ce positionnement.

La seconde ligne, c’est celle de François Rebsamen, le maire de Dijon, qui au séminaire des élus, la veille de l’ouverture de l’université d’été, a dézingué la ligne d’Olivier Faure. Son raisonnement est le suivant : le Parti socialiste a un immense réseau d’élus, lui seul a des cadres d’envergure gouvernementale en comparaison au PCF et encore plus à EELV. Lui seul peut se positionner au centre-gauche et seul le centre permet d’avoir 51 % aux élections. Par conséquent, tout le monde sera obligé de se plier aux exigences du Parti socialiste.

C’est une ligne en quelque sorte similaire à celle du Parti Démocrate américain ; en France, elle a été théorisé par François Hollande. Ce dernier est intervenu justement deux fois ce week-end. Dans le journal Ouest-France, il a expliqué que :

« Il ne peut y avoir d’alternative à gauche sans une grande force centrale et le PS a le devoir de jouer ce nouveau rôle. »

Ce parasitage n’a pas été apprécié par Olivier Faure, qui sur France 3 a expliqué que :

« Il sait très bien que nous nous réunissons en ce moment, et il cherche à polluer cet événement par sa prise de position. »

François Hollande est cependant également passé au 20 heures de France 2, notamment pour demander la gratuité des masques dans le système scolaire et universitaire, alors que Stéphane Le Foll, maire du Mans, expliquait au Journal du dimanche que :

« Le PS ne doit pas s’effacer au profit des Verts. »

S’il est évident qu’il vaut mieux passer une soirée avec Olivier Faure le convivial accommodant, c’est bien l’aile droite de François Rebsamen – c’est-à-dire en fait de François Hollande – qui est dans le vrai… si l’on récuse la Gauche historique.

EELV, c’est une aventure fictive. Alors soit on retourne à la Gauche historique, soit on bascule dans le radicalisme républicain. C’est le choix de François Hollande historiquement et, par contre, là où il se trompe, c’est lorsqu’il croit que le PS peut se maintenir sur une telle ligne, alors qu’il ne peut qu’imploser dans une foule de petites structures, les radicaux ayant toujours existé sous cette forme.

Apparaît ainsi comme encore plus réaliste, Jean-Christophe Cambadélis, qui a dirigé le Parti socialiste pendant longtemps et organise fin septembre à Paris la convention nationale de « Nouvelle société ». Il sait que la voie du suivisme d’EELV est suicidaire pour le PS mais que le radicalisme républicain amènerait tout autant une dissolution du PS. Il propose donc de refaire un congrès d’unification des socialistes d’Epinay de 1971, en agglomérant les contestations pour former des « nouveaux socialistes ».

Il veut, de fait, reconstituer le Parti socialiste dans sa fonction historique. Cela tient pour le coup bien plus que la perspective d’Olivier Faure et de François Hollande. C’est beaucoup plus conforme à la dynamique politique qui a toujours été celle de la Gauche en France. C’est ainsi beaucoup plus réaliste et en phase avec le courant socialiste dans sa nature française.

On peut se demander toutefois comment Jean-Christophe Cambadélis compte trouver des cadres pour un tel projet, car avant 1971 il y avait une véritable effervescence politique et que celle-ci est devant nous, pas derrière nous. Jean-Christophe Cambadélis pense que la crise est déjà en place, vite passée, et là il montre qu’il saisit le présent de manière subtile, mais qu’il a du mal avec l’avenir. Les socialistes français ont toujours donné des Jean Jaurès, des Léon Blum, des François Mitterrand, jamais des Rosa Luxembourg ou des Lénine : l’avenir, pour eux, n’est que le présent de demain.

Catégories
Politique

Jean-Christophe Cambadélis propose une Gauche de l’intégrité humaine

Jean-Christophe Cambadélis, figure historique de la Gauche – il a été à la tête de l’Unef-ID et premier secrétaire du Parti socialiste – a publié une longue lettre sur la Gauche de demain. Mais il croit que le monde de demain sera le même.

Jean-Christophe Cambadélis est l’un des observateurs les plus précis et techniques de ce qui se passe en France, aussi faut-il accorder son attention à sa lettre à un ami de gauche. Il y reprend ses thèses de 2017 pour un « nouveau progressisme » et prône une gauche « girondine », c’est-à-dire, pour traduire cela de manière contemporaine, non centralisatrice et rétive aux démarches autoritaires.

Cela est d’autant plus étrange que lui-même avoue qu’une nouvelle époque s’ouvre :

« Le siècle commence aujourd’hui, comme le précédent avait débuté avec l’assassinat le 28 juin 1914 de l’archiduc François Ferdinand de Habsbourg ouvrant un siècle de guerres, de révolutions ou de décolonisations. Les siècles s’ouvrent toujours sur des drames. Car l’histoire humaine est dramatique. »

Seulement, pour Jean-Christophe Cambadélis, qui est qu’on le veuille ou non corrompu par le capitalisme, rien ne peut vraiment changer. Ainsi, si le gouvernement actuel échoue, alors forcément ce sera au tour de la Gauche si elle se présente comme assez crédible :

« La gauche peut pour une fois penser le monde et ne pas seulement le panser. L’Homme, l’intérêt commun, devient l’espace d’un instant supérieur à l’économie et la société marchande. Et, pour la France confinée, l’échelle des valeurs a changé. »

Jean-Christophe Cambadélis est pourtant tout sauf un naïf alors comment peut-il penser quelque chose d’aussi basique ? C’est que son raisonnement est, comme à son habitude, subtil, très subtil, trop subtil. On a ici le même machiavélisme que chez Jean-Luc Mélenchon, avec une tradition trotskiste de calculs de rebonds par la bande à n’en plus finir.

Ce que veut dire simplement Jean-Christophe Cambadélis, c’est qu’il faut réussir justement ce que Jean-Luc Mélenchon n’est pas réussi à faire : établir une proposition suffisamment construite pour dépasser les concurrents.

En se la jouant « mesuré » et gestionnaire, avec un humanisme bon teint, cela suffira à dépasser toutes les autres tendances politiques :

« National-populiste, libéral-autoritaire, libéral-libertaire, gaullisto-souverainiste, écolo-libéral ou écolo-rupturiste, gaucho-populiste, les offres ne manquent pas.

La gauche doit, elle, proposer son nouvel axe : elle doit se présenter avec son nouveau drapeau. La social-démocratie attendait les dividendes de l’État providence. La nouvelle gauche doit mettre l’intégrité au cœur de la production du marché et des échanges. »

Cela ne tient bien entendu pas debout. Car soit il a tort et à ce moment-là le chaos qui va s’installer va amener à une polarisation où il sera enfin parlé de capitalisme, terme que Jean-Christophe Cambadélis s’évertue à ne jamais employer (à part pour dire une seule fois « le système capitaliste libéral s’arrête ; le confinement est mondial »).

Soit il a raison mais alors avec ce concept de « gauche de l’intégrité humaine » autant assumer de défendre la position de Benoît Hamon, qui dit la même chose depuis plus longtemps, ou bien François Hollande pour une version plus édulcorée.

Et puis quel sens y a-t-il pour Jean-Christophe Cambadélis à parler de « l’Euro-Méditerranée » qui serait « nécessaire à une Euro-Afrique », franchement ! C’est là de la « géopolitique » qui ne fait même pas semblant d’assumer les velléités impériales françaises.

On a connu Jean-Christophe Cambadélis plus inspiré. Mais sa source d’inspiration s’est tarie, car le terrain a totalement changé et ce n’est plus le sien. Sa mise en perspective est trop calme, trop posée, trop mesuré, pour ne pas être en total décalage avec l’Histoire. Dire comme il le fait qu’une ère nouvelle s’ouvre et se contenter de dire qu’il va suffire de réguler le marché sur la base de l’intégrité humaine, c’est flou, idéaliste, abstrait, hors-sol.

Et ce n’est pas de Gauche. Le mouvement ouvrier nomme les choses comme elles sont. Qui fait tout pour ne pas parler du capitalisme et de la bourgeoisie avait tort ; avec la crise actuelle, il a encore plus tort. Tout s’effondre, la nature subit des assauts toujours plus majeurs, les capitalistes vont faire payer la crise aux travailleurs, et il faudrait penser qu’une Gauche néo-gouvernementale pourrait rétablir le monde d’avant, qui par ailleurs était odieux ?

C’est invraisemblable.

Catégories
Politique

Après le mythe de la grève générale, le populisme du référendum

La grève générale n’étant clairement pas en vue, il fallait trouver un autre mythe mobilisateur de la part du PCF et de La France insoumise pour sauver la CGT. C’est l’Humanité qui s’est chargée de la mission, avec un grand appel à un référendum. Il faut sauver le soldat CGT.

Si la CGT coule, alors tout un pan de la Gauche s’écroule. Pas celle liée au Parti socialiste, car elle s’appuie de son côté sur des valeurs, un programme. Mais celle liée au PCF, à La France insoumise, au NPA, c’est-à-dire « à la gauche de la gauche », qui vit de surenchère.

S’il n’y a plus la CGT, il n’y a plus le levier de la surenchère. Et c’est la fin de tout. Il ne reste alors que les idées, le programme, les valeurs, et cela ne pèse pas lourd, tellement le populisme a fait des ravages.

L’ultra-gauche peut bien de son côté commencer à dénoncer une CGT qu’elle a entièrement soutenu jusque-là. Elle ne fait que revenir à son culte de la marginalité après un traditionnel suivisme syndical à la première occasion. Hier, les chasubles CGT, les cortèges CGT, aujourd’hui les postures de regret du manque d’élan, de la « trahison » des dirigeants. Rien de plus classique. On connaît l’adage : « la crise est une crise de la direction révolutionnaire ». L’ultra-gauche connaît son Léon Trotski.

Mais le PCF et LFI ont de l’ambition. Sans la CGT, il n’y a plus les moyens de cette ambition. Il faut donc agir avant qu’il ne soit trop tard. Ce qui se lit ici, c’est l’étrange rapport, très pervers, entre la gauche de la gauche et le syndicalisme. Il y a des non-dits, des zones réservées, un équilibre précaire mais en même temps une grande connivence, etc. Il y a un accord masqué qui, véritablement, pourrit la primauté de la politique et ce depuis les débuts de la CGT.

Il y a par conséquent une dépendance à la CGT, que le PCF et LFI la reconnaissent comme essentielle. Il faut donc sauver la CGT, qui va dans le mur. Mais comment faire pour ne pas la compromettre, pour qu’elle sauve la face ? D’où l’idée de demander un référendum, avec une pétition en ce sens, signée des principales figures de la « gauche de la gauche ».

La CGT, anti-politique, ne le signera pas, surtout lancée dans la grève, du moins officiellement. Si elle le fait, elle remettrait en cause sa propre logique syndicaliste. Elle ne peut donc pas vraiment être vexée. Surtout que c’est l’Humanité qui lance la pétition. On a aussi parmi les signataires Patrick Le Hyaric, qui est directeur de l’Humanité, ainsi que Bernard Thibault, ancien secrétaire général de la CGT.

Les angles sont donc arrondis. Et pour sauver le soldat CGT, on a Ian Brossat du PCF, ainsi que Adrien Quatennens et Jean-Luc Mélenchon de La France Insoumise. On a Marie-Noëlle Lienemann et Emmanuel Maurel de la Gauche républicaine et socialiste et Gérard Filoche de la Gauche démocratique et sociale.

On a Julien Bayou, qui est secrétaire national d’EELV, et Alain Coulombel, porte-parole d’EELV. On a Clémentine Autain de La France insoumise et Guillaume Balas, coordinateur de Génération-s.

On a également des figures d’arrière-plan, comme Pouria Amirshahi, ancienne figure majeure du syndicalisme étudiant et actuel directeur de publication de Politis, Willy Pelletier qui est coordinateur général de la fondation Copernic, Alain Obadia qui est président de la fondation Gabriel-Péri.

La liste initiale comporte également des avocats, des intellectuels, des chercheurs, des artistes, des économistes, etc. avec quelques ambulancier, sans profession et chauffeur poids lourd pour donner un côté populaire.

Est-ce que cela suffira ? Certainement pas. C’est même plus un signe d’effondrement qu’autre chose. Car la véritable actualité n’est pas dans ces noms. Elle est dans le fait que les hauts cadres du Parti socialiste ont également signé la pétition, et notamment Olivier Faure, qui est secrétaire national du PS, et Jean-Christophe Cambadélis, ex-premier secrétaire.

Qu’Olivier Faure veuille faire bien, soit. Mais que viennent faire les autres signataires, et notamment Jean-Christophe Cambadélis ? Ce dernier a un regard extrêmement précis et aguerri. Il disait tout récemment, avec justesse, au sujet des municipales :

« La gauche, elle, va toucher le fond de la piscine alors que le PS gardera pour l’essentiel ses bastions. Le PCF aussi, grâce à une alliance jugée hier impossible avec le PS. Même si ce sera l’arbre qui cachera la forêt des reculs du premier tour, la rupture avec la France insoumise va coûter chère au PCF et à la France insoumise.

Les écologistes seront globalement très hauts et devant les socialistes là où la gauche n’est pas sortante. Dans les villes de Besançon, Bordeaux etc. où la gauche est unie avec eux, ils peuvent même virer en tête. Reste que l’écologie est un vote de 1er tour, pas ou pas encore de rassemblement.

Quant à la France insoumise, elle est réduite à une posture de témoignage protestataire, ayant du mal à exister dans ce scrutin qui est pour elle encore plus difficile que les européennes. »

Et il ajoutait, présentant sa solution :

« Mais, encore une fois, le problème de la gauche c’est la faiblesse et le manque d’attractivité du PS. Ce n’est pas un problème de personnes mais une question structurelle. La marque est obsolète, il faut la refonder (…). Ce renouveau, cette réinitialisation du PS nécessite de dépasser le PS. »

Jean-Christophe Cambadélis croit-il qu’une Gauche, qu’il qualifie de « réformiste », peut naître d’un appel populiste à sauver une CGT antipolitique qui a mené un mouvement de protestation dans le mur ?

Cet appel au référendum est un suicide pour la Gauche politique. Il est une énième tentative de contourner les problèmes, les questions de politique, d’économie, de morale, de société, de valeurs. Il n’est aucunement possible d’échapper à la seule solution possible : constituer une Gauche consciente, organisée, structurée, établie de manière stricte.

Cela n’est pas possible avec une Gauche populiste, libérale culturellement, refusant l’organisation au nom de « mouvements », ne cherchant jamais à établir des structures locales menant un travail sur le long terme.

Le signe qu’on a ici, c’est que le Parti socialiste lui-même agonise – pas qu’il va contribuer à une structuration à Gauche. Sinon il ne se retrouverait pas là.

Catégories
Politique

Tribune de Jean-Christophe Cambadélis : « Il faut construire, bâtir et élaborer un cycle nouveau. »

Dans une tribune publiée par le Journal du Dimanche, Jean-Christophe Cambadélis appelle la Gauche à se reconstruire dans un nouveau cycle.

S’il peut être considéré comme une figure usée représentant un certain passé ayant échoué, Jean-Christophe Cambadélis compte néanmoins parmi les figures importantes d’une Gauche ayant réussi à conquérir tous les pouvoirs en France et ce à plusieurs reprises.

D’ailleurs, il ne considère pas lui-même avoir échoué, car la mission de la Gauche consisterait simplement à « dompter » le capitalisme, pour y introduire « une part de justice, d’égalité et d’humanité ».

Pour lui, la Gauche est quelque-chose de très large, de très sociétale et il considère qu’elle représente encore beaucoup de choses et de gens en France. Cependant, il admet cette évidence que tous les compteurs doivent être maintenant remis à zéro entre les forces, entre les courants. « Tout est pardonné », dit-il avant de conclure qu’« il faut que l’on se parle ! »

Le Rassemblement national de Marine Le Pen représentant une menace très sérieuse, il s’agit donc selon lui de ne pas jouer avec le feu au risque de tout perdre.

Voici sa tribune :

« Il manque de tout à gauche : d’union, de stratégie d’ensemble et de nouveaux concepts. Surtout de bienveillance et d’humilité. La gauche est un « no man’s land » où les ambitions ne manquent pas, où l’inimitié est partout et la dynamique nulle part. La gauche n’est pas pour autant détruite. Cumulée électoralement, elle avoisine les 30%. Socialement, elle est sans équivalent. Au niveau local, la gauche municipale est un réseau solide et structurant.

Culturellement, même si elle a beaucoup perdu, elle produit, crée et agit partout sur le territoire. Intellectuellement, même si sa domination sans partage est entamée par le libéralisme, elle reste bien vivante. Et malgré le nomadisme électoral, un Français sur deux se dit de gauche.
La gauche est divisée, atomisée, percluse de querelles de chefs, ce qui la rend sans ressort pour la conquête du pouvoir. Alors que ceci serait ô combien nécessaire à la France d’aujourd’hui.

Évidemment, les écologistes peuvent critiquer l’absence de radicalité dans la transition écologique. Mais c’est par la gauche qu’ils ont pu peser, obtenir des ministres, une présidente de région, voire un groupe parlementaire. Ils ont participé à un gouvernement qui a imposé un accord mondial historique sur le climat. Et combien de collectivités locales où les écologistes travaillent au quotidien avec toute la gauche… Jamais ceci n’aurait été possible en incarnant un « ni droite ni gauche ».

Chacun le sait, l’écologie est avec le numérique la question de notre temps. Mais l’écologie ne règle pas la nouvelle question sociale, tellement prégnante dans le capitalisme immatériel. Et celle-ci ne règle pas la question écologique. Alors un courant écologiste durable ne peut être dans un seul parti. Et un parti de gauche sans l’écologie est un couteau sans lame. La gauche et les écologistes sont condamnés à s’entendre. Comme le dit avec raison son secrétaire national David Cormand : « Il faut faire 50% pour gagner une élection. Et même dans mes rêves les plus fous, je ne vois pas les écolos les faire seuls ».

A gauche les fractures sont nombreuses. Une partie reproche à l’autre de l’avoir entravée dans son action et cette dernière reproche à la première d’avoir dévoyé son projet. Chacune porte une part de l’échec. Car les leaders de l’une ont gouverné avec l’autre. Et celle qui ne gouvernait pas n’a pas réussi à proposer une alternative majoritaire. Elles ont été irréconciliables. L’une a fait perdre l’autre, qui lui a bien rendu. La gauche réformiste s’est effondrée dans la présidentielle. Et la gauche radicale est revenue à son étiage aux européennes.

Il est possible de faire de ces revers un bien. Personne ne peut dire : « la gauche, c’est moi ». Il y a une fenêtre pour l’union. Aux municipales d’abord. Il n’est pas compréhensible que, ayant gouverné, travaillé, espéré ensemble dans les collectivités locales, nous partions en ordre dispersé. La compétition est utile à condition qu’une unité soit au rendez-vous.

Si nous en restons là, les écologistes d’un côté, la gauche de gouvernement de l’autre, la gauche radicale, la gauche républicaine, la gauche européenne, la gauche mouvementiste, et pour finir, dans chaque famille, les divisions d’hier et les ambitions d’aujourd’hui, alors la gauche s’abîmera et trônera sur les étagères de l’Histoire.

L’enjeu, c’est la nouvelle France. Qui ne voit pas que seule la gauche est en capacité de construire une transition social-écologique au nouveau capitalisme numérique immatériel?

Les gauches ont forgé leur réflexion et déployé leur action dans le capitalisme industriel. Elles ont introduit une part de justice, d’égalité et d’humanité dans ce capitalisme. C’est tout l’enjeu du nouveau combat pour domestiquer écologiquement et socialement le capitalisme immatériel. C’est la nouvelle frontière de la gauche, les querelles de l’ancien monde n’ont plus leur place dans celui qui vient.

Ces nouveaux combats sont propres à fonder une nouvelle unité et un nouveau progressisme. L’un ne va pas sans l’autre.
Il y a une autre raison de surmonter nos querelles d’un autre temps. L’urgence de la situation politique. Qui ne voit pas qu’Emmanuel Macron est devenu un rempart de papier face à Marine Le Pen? Rejeté par près de 70% du pays, il est détesté à gauche et à droite. La dédiabolisation des frontistes du Rassemblement national, combinée à la détestation maximale d’Emmanuel Macron, crée les conditions d’un tournant obscur dans un pays agité par les amertumes de toutes sortes.

L’effondrement du clivage gauche droite a libéré les populismes et donné une nouvelle force au national-populisme, incarné par la famille Le Pen. Dans un pays où la crise du résultat produit un profond « du pareil au même », le maintien de Macron par le rejet des extrêmes n’est jouable que si le consensus est grand autour de ce dernier. Ce qui, à l’évidence, n’est pas le cas.

La droite n’est pas en état de faire barrage comme chacun peut le constater. Et si la gauche est divisée en chapelles hostiles, alors le terrain est dégagé pour le lepénisme et ses 11 millions d’électeurs au second tour de la présidentielle.  Face à une France politique en décomposition, la force relative mais compacte du lepénisme permet d’envisager le pire.

On se rassurera à bon compte aux municipales, régionales, départementales, mais la machine infernale est en place. Et ce n’est pas l’accélération libérale et la stratégie du débauchage, enrôlant les malgré nous du macronisme, qui va changer la donne.

Alors, chers amis, où que vous soyez, quels que furent vos engagements d’hier, tout est pardonné. Tout doit être surmonté, avec bienveillance, humilité et imagination. Il faut construire, bâtir et élaborer un cycle nouveau.
Cela ne passera pas par un seul parti, encore moins par une seule personnalité, mais par un nouveau « tous ensemble ».

Il faut que l’on se parle! Réconcilions-nous. »