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Johnny Hallyday et le rôle négatif de ses 392 reprises

Le Parisien a publié un article très intéressant sur la proportion de reprises dans le nombre total de chansons de Johnny Hallyday. Les journalistes de ce quotidien ont comptabilisé pas moins de 392 reprises sur le millier de chansons faisant partie du répertoire de Johnny Hallyday.

C’est un chiffre vraiment extrême, qui souligne un problème de fond : le manque de maturité qui a longtemps existé en France dans l’assimilation de la culture rock. A part Téléphone et Noir Désir, ou encore peut-être Trust ou encore les Rita Mitsouko, la France a été incapable de produire de manière continue des groupes de rock d’une véritable ampleur.

Il y a eu une gigantesque consommation de groupes et de chanteurs anglais et américains, mais une vraie incapacité de se lancer soi-même. Johnny Hallyday a certainement joué ici un très mauvais rôle, parce qu’il a empêché une assimilation correcte, passant en sous-main, de manière dévoyée, la culture rock.

Johnny Hallyday était en effet un chanteur d’adaptation, faisant passer de la musique en contrebande, en brisant sa réelle nature, en l’asservissant au son de la variété.

Johnny Hallyday a repris tout ce qu’il pouvait, d’Aretha Franklin à Lynyrd Skynyrd ou Bob Dylan et Jon Bon Jovi, pour prétendre avoir une authenticité, en fait fictive. La liste sur son site officiel fait pratiquement dix pages.

Il n’était pas un passeur de musique, contribuant à la découverte des originaux, ou quelqu’un modifiant dans le sens d’une interprétation réellement différente, mais un pillard, s’appropriant le prestige d’une musique évoluée, pour la démolir dans le sens de la conformité avec l’esprit variété et radio.

Voici par exemple Génération banlieue (1984), où il chante que la banlieue va exploser, que cela va péter, etc, ce qui est plutôt ironique pour un multi-millionnaire ayant toujours fui le fisc français. Juste après, on a l’original de Warren Zevon, un chanteur important de la culture américaine, considéré comme une sorte de musicien des musiciens, comme l’a défini Bob Dylan.

C’est odieux, parce qu’il y a un lissage musical, une réduction du texte à des éléments caricaturaux, un décalage total par rapport à l’esprit originel.

Voici une autre chanson, qu’il « emprunte » à Aretha Franklin.


Les mimiques de Johnny Hallyday sont ici clairement une tentative de s’approprier le prestige de l’approche d’Aretha Franklin, mais il n’y a évidemment strictement rien à voir.

Le masque de l’émotion a vraiment servi à empêcher d’aborder la culture selon un angle authentique.

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Johnny Hallyday et les Zéniths comme salles de concerts

Johnny Hallyday a marqué de son empreinte ce qu’est la musique en France depuis les années 1960. Ses concerts sont reconnus comme des monuments de divertissement spectaculaires, réunissant un grand nombre de spectateurs acquis à son style de musique de variété souvent teintée de rock’n’roll.

Le chanteur était au centre de séries de spectacles destinés à être joués à travers le pays selon le principe des tournées. Chaque tournée est alors conçue comme une entreprise indépendante, réunissant temporairement des investisseurs autour du projet, dans le but de réaliser des profits.

Ainsi par exemple, le « Tour 66 » réalisé par Johnny Hallyday en 2009-2010, dernière grande entreprise du genre autour du chanteur, aurait généré plus de 60 millions d’euros de bénéfices, sans compter les ventes de produits-dérivés.

De telles entreprises nécessitent des infrastructures adaptées à les accueillir, ces spectacles réunissant en effet jusque 20 000 spectateurs par soir. Les concerts se déroulent dans des stades ou de très grandes salles de spectacles.

C’est la politique culturelle menée par Jack Lang au début des années 1980 qui a permis l’essor de ce type d’entreprises de divertissement.

Le ministre a encouragé les grandes villes à construire de grandes salles pour accueillir la musique pop en plein essor à cette époque. Ce sont les Zéniths, dont les cahiers des charges très stricts, tant sur le plan de l’architecture que sur celui de la localisation, ont tous été élaborés sur le même modèle.

Dix-sept salles dont certaines ont une capacité de 9000 places seront construites en périphérie des principales agglomérations françaises.

Johnny Hallyday a été l’un des conseillers techniques du Ministère de la Culture pour la conception du Zénith de Paris, ouvert en 1984.

Jean-Claude Camus, le principal producteur de Jonnhy Hallyday entre 1961 et 2009, a lui-même été l’exploitant du Zénith de Saint-Étienne durant de nombreuses années.

Construits avec de l’argent public provenant de l’État et des collectivités locales, les Zéniths sont exploités comme des entreprises dont la survie dépend de la réalisation de bénéfices importants, par l’organisation de concerts géants.

Ce modèle économique s’oppose à la production de spectacles moins consensuels ou plus pointus, sans parler évidemment des artistes des scènes alternatives, incapables de réunir une quantité de spectateurs suffisantes.

Johnny Hallyday aura été la figure de proue des concerts-monstres à la française, l’idole de milliers de personnes arrivant en voiture à la périphérie des villes, pour des spectacles stéréotypés, conçus pour satisfaire facilement le plus grand nombre, de manière passive et commerciale.

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Emmanuel Macron sur Johnny Hallyday à l’église de la Madeleine

Transcription du discours du Président de la République – Hommage populaire à Johnny Hallyday en l’église de la Madeleine

Mes chers compatriotes,

Vous êtes là pour lui, pour Johnny HALLYDAY.

Près de 60 ans de carrière, 1.000 chansons, 50 albums. Et vous êtes là, encore là, toujours là.

Je sais que vous vous attendez à ce qu’il surgisse de quelque part. Il serait sur une moto, il avancerait vers vous. Il entamerait la première chanson et vous commenceriez à chanter avec lui.

Il y en a certaines qu’il vous laisserait chanter presque seuls. Vous guetteriez ses déhanchés, ses sourires.Il ferait semblant d’oublier une chanson et vous la réclameriez, alors il la chanterait.

Vers la fin, il présenterait ses musiciens et vous applaudiriez, vous applaudiriez plus encore pour que cela ne finisse jamais. Et dans un souffle, en n’osant pas vous l’exprimer trop fort, alors il vous dirait qu’il vous aime.

Alors oui, ce samedi de décembre est triste. Mais il fallait que vous soyez là pour Johnny parce que Johnny depuis le début était là pour vous.

Dans chacune de vos vies, il y a eu ce moment où l’une de ses chansons a traduit ce que vous aviez dans le cœur, ce que nous avions dans le cœur : une histoire d’amour, un deuil, une résistance, la naissance d’un enfant, une douleur.

Dans sa voix, dans ses chansons, dans son visage il y avait cette humanité indéfinissable qui vous perce à jour et qui fait qu’on se sent moins seul.

C’est comme cela que Johnny est entré dans nos vies, par ce blues qui dit nos misères et nos bonheurs, par ce rock qui dit nos combats et nos désirs et pour beaucoup il est devenu une présence indispensable, un ami, un frère.

Et je sais que certains aujourd’hui ont le sentiment d’avoir perdu un membre de leur famille, je sais que beaucoup d’entre vous depuis quelques jours découvrent une solitude étrange.

Mais vous aussi, vous étiez dans sa vie. Vous l’avez vu heureux, vous l’avez vu souffrir. Vous avez vécu ses succès et ses échecs.

Vous l’avez vu parcourir le moindre recoin du pays, passer près de chez vous, chanter dans les petites salles et dans les plus grands stades. Vous l’avez vu frôler la mort plusieurs fois et vous avez tremblé pour lui. Vous avez aimé ses amours, vous avez vécu ses ennuis et à chaque instant, vous l’avez aidé parce qu’il savait que vous étiez là pour lui.

Nous sommes là avec sa famille : avec Sylvie VARTAN, Nathalie BAYE, Laeticia HALLYDAY ; avec ses enfants David, Laura, Joy et Jade, avec ses petits enfants, Emma, Ilona, Cameron.

Et je n’oublie pas que pour eux, c’est aussi un jour de souffrance intime. Nous vous avons si souvent volé votre mari, votre père, votre grand-père, aujourd’hui nous devons aussi vous le laisser un peu parce que ce deuil est d’abord le vôtre.

Nous sommes là avec sa marraine, avec ses musiciens, avec ses paroliers, ses équipes, ses amis, avec ses compagnons de route de toujours. Eux aussi sont déjà un peu plus seuls, ils chercheront cette énergie qui emportait tout sur scène.

Ils devront désormais retenir les mots et les mélodies que personne d’autre ne pouvait chanter ; et ils attendront le copain, l’ami, celui dont ils aimaient les longs silences et l’œil qui à un moment sourit.

Mais tous, tous au fond d’eux-mêmes savent depuis longtemps que Johnny était à vous, Johnny était à son public, Johnny était au pays.

Parce que Johnny était beaucoup plus qu’un chanteur, c’était la vie, la vie dans ce qu’elle a de souverain, d’éblouissant, de généreux et c’était une part de nous-mêmes, c’était une part de la France.

Que ce jeune belge décidant de prendre un nom de scène anglo-saxon soit allé chercher très loin le blues de l’âme noire américaine, le rock’n’roll de Nashville pour le faire aimer aux quatre coins du pays était hautement improbable. Et pourtant, c’est un destin français.

Dix fois, dix fois il s’est réinventé, changeant les textes, les musiques, s’entourant des meilleurs mais toujours il a été ce destin et toujours vous étiez au rendez-vous. Il a été ce que Victor HUGO appelait « une force qui va ».

Il a traversé à peu près tout sur son chemin, il a connu les épreuves, les échecs. Il a traversé le temps, les époques, les générations et tout ce qui divise la société.

Et c’est aussi pour cela que nous sommes ensemble aujourd’hui, c’est aussi pour cela que je m’exprime devant vous. Parce que nous sommes une nation qui dit sa reconnaissance. Parce que nous sommes un peuple uni autour d’un de ses fils prodigues.

Et parce qu’il aimait la France, parce qu’il aimait son public, Johnny aurait aimé vous voir ici.

Il ne savait pas vraiment exprimer ce qu’il vivait, il préférait les silences. Alors il chantait les mots des autres, les chansons des autres. Il n’osait pas avouer ce qu’il ressentait, il aimait la pudeur.

Alors il se brûlait au contact du public, dans la ferveur de la scène et il s’offrait entièrement, terriblement, furieusement à vous.

Il aurait dû tomber 100 fois, mais ce qui l’a tenu, ce qui souvent l’a relevé c’est votre ferveur, c’est l’amour que vous lui portez.

Et l’émotion qui nous réunit ici aujourd’hui lui ressemble. Elle ne triche pas. Elle ne pose pas. Elle emporte tout sur son passage. Elle est de ces énergies qui font un peuple parce que pour nous, il était invincible parce qu’il était une part de notre pays, parce qu’il était une part que l’on aime aimer.

Alors au moment de lui adresser un dernier salut, pour que demeure vivant l’esprit du rock’n’roll et du blues, pour que le feu ne s’éteigne pas, je vous propose où que vous soyez, qui que vous soyez pour lui dire merci, pour qu’il ne meure jamais d’applaudir monsieur Johnny HALLYDAY.

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Johnny Hallyday : les éditoriaux élogieux du Figaro et de l’Humanité

Voici l’éditorial du Figaro sur Johnny Hallyday, puis celui de l’Humanité.

humanite.fr

L’éditorial de Patrick Apel-Muller.

Johnny Hallyday. À cœur perdu

Johnny n’aura pas eu la mort violente et inattendue de James Dean, celle dont il disait rêver. Les mots de Jack London auraient pu l’accompagner : « J’aime mieux être un météore superbe plutôt qu’une planète endormie. La fonction de l’homme est de vivre, non d’exister. Je ne gâcherai pas mes jours à tenter de prolonger ma vie. Je veux brûler tout mon temps. »

L’angoisse de mourir et la peur de perdre ont accompagné ses flamboiements et sculpté un destin que les Français ont aimé, parce que dans ce pays on aime aussi les chutes et les douleurs, les rédemptions et le panache, le dur désir de durer et le sens du rebond. L’amour toujours, l’élan animal, la faiblesse avouée, les peines revendiquées…

Sa musique a changé, mais pas nos frissons. Il a posé ses braises au long du chemin de toutes les générations et elles scintillent encore, témoins d’une perte ressentie presque unanimement.

Bien sûr, il eut ses conformismes – notamment politiques –, ses écarts fiscaux, les commandes que commandaient ses dettes. Mais même quand la France répétait « ah que » derrière les Guignols de l’info, la moquerie signait le statut de monument national, de chronologie musicale de nos vies.

Avec lui, nous aurons dansé le rock et le twist, goûté les slows et la romance, réconcilié le blues et la chanson française. Nous nous serons sentis biker, yé-yé, hippie, bidasse, flambeur magnifique ou amoureux lumineux, puis solitaire et trahi.

Ses contradictions dessinent une carte en forme d’Hexagone. Il chanta Chirac, aima Sarkozy, puis en perdit le goût, mais il versa des cachets pour soutenir le mouvement des sidérurgistes lorrains en 1979 et fit de ses passages à la Fête de l’Humanité des monuments. Parce que là était le peuple, les gens qu’il aimait et dont il se sentait.

Tout cela restera. Sa jeunesse insolente et les rides des épreuves, la voix qui arrache ou qui caresse, la mort trompée et gagnante au bout du compte.

Sa fin, il l’a aussi donnée au public, chantant au-delà des maux, marquant jusqu’à son dernier souffle qu’il était avec nous. Les agacements n’y changeront rien. Il a joliment « brûlé tout son temps ».

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Benoît Hamon : Johnny Hallyday ou les Sisters of mercy?

La comparaison de Johnny Hallyday avec la tour Eiffel qu’a faite Benoît Hamon est vraiment incompréhensible. Ou, plutôt, elle témoigne du fait que Benoît Hamon a sciemment fait de la démagogie.

Au détour d’une petite biographie que Libération lui consacre en 2007, on apprend que celui-ci a eu trois périodes niveau goûts musicaux :

Jeune, il n’est pas très lecture. Cela lui viendra plus tard: Primo Lévi, Gide, Gary, Cocteau, Gramsci. Il préfère la musique. Exhume trois strates datables au carbone 14. 1) Du hard rock (AC/DC, Trust). 2) De la new wave (Cure, Sisters of Mercy, encore les soeurs.) 3) Du rap. «J’écoute NTM, quand ma nana n’est pas là.»

Benoît Hamon, lorsqu’il avait gagné les primaires du Parti socialiste, avait accordé une interview au magazine Rolling Stone, présentant de manière plus poussée ses propres goûts musicaux. Le premier 45 tours qu’il a acheté était de Status Quo, puis il a écouté AC/DC, Motörhead, Saxon.

Après cette vague de son rock lourd et métallique, il est passé à la cold wave, avec Joy Division, The Cure (de la période très sombre de la fameuse trilogie) et les Sisters of mercy.

Ses goûts, ici, sont typiquement ceux des gens alternatifs au début des années 1980 : la minorité qui n’écoutait pas la musique commerciale dominante.

On se tourne alors vers le heavy metal, le punk, la cold wave, ou encore dez manière plus marginale vers le hip hop ou la musique electro-industriel.

On s’identifie à une certaine sensibilité exprimée de manière profonde, s’éloignant du caractère neutre, fade, répétitif d’une vie quotidienne dans une société morne et ennuyeuse.

C’est l’époque où, dans chaque lycée, il y avait quelques métalleux, quelques punks, quelques gothiques, tous ayant en commun de ne fréquenter que des gens pareillement tournés vers des musiques non commerciales.

Il y avait un besoin de distinction avec les normes dominantes. Benoît Hamon le revendiquait par ailleurs lui-même dans l’interview :

A ce propos, quand vous sortiez à Brest pour écouter de la bonne musique, c’était où votre QG ?

On allait tous au Mélo. Cette boite était le point de rendez-vous pour tous les amateurs de cold-wave. C’était le club rock incontournable de la ville. Au moins, là-bas on savait qu’on n’allait pas se retrouver encerclé par Michel Sardou ou François Valéry, la programmation musicale affichait clairement les couleurs.

« Encerclé » est un mot tout à fait bien choisi. Trouver un endroit où passait de la musique alternative, c’était briser l’encerclement de la ringardise, du consensus comme quoi dans la société tout est bien, tout va bien, etc.

Comment peut-il alors en arriver à Johnny Hallyday ? Dans la même interview, quand on lui la poste la question du rock français, il nomme les groupes Téléphone, Bijou, Starshooter, Noir désir. Il mentionne également Miossec.

Il ne parle pas de Johnny Hallyday. Si c’était une référence digne, en termes de référence, de comparaison avec la tour Eiffel, pourquoi ne pas le nommer ?

Dans une autre interview, il cite comme référence Trust, raconte qu’il appréciait (un peu) les Béruriers noirs et explique qu’il écoutait également les Stray cats, un groupe de rockabilly – psycho.

Il nomme également plusieurs groupes de New wave montrant qu’il s’y connaît au moins plutôt pas mal : Public Image Limited, Killing Joke, UltraVox, Depeche Mode, Talk Talk, Lords of the New Church.

Les gens qui écoutent ce genre de groupes ont deux caractéristiques : d’abord, le niveau musical est très poussé, ensuite c’est souvent une musique qui « rippe », qui a des sons perturbés, qui cherche à se démarquer musicalement des sons « traditionnels », pour souligner la rupture avec le consensus musical dominant et la société qui va avec.

Jamais ils n’écouteraient Johnny Hallyday ! Ce dernier recevait soit une indifférence complète, soit un mépris assumé. Johnny Hallyday, tout le monde savait qu’il se présentait comme un passeur de rêve et de sentiments, mais c’était juste symbolique, sans réelle profondeur, que c’était de la variété.

Joy Division ou les Smiths, par contre, voilà qui musicalement et sur le plan du vécu, représentait bien autre chose…

Benoît Hamon le sait très bien et a adopté la posture du démagogue en comparant Johnny Hallyday à la tour Eiffel. Il s’est plié au consensus.

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Johnny Hallyday : l’homélie de Monseigneur de Sinety

Voici le texte de l’homélie faite lors de « l’hommage populaire » à Johnny Hallyday, par le vicaire général de l’archidiocèse de Paris, le père Benoist de Sinety.

«Avec une seule poignée de terre, Il a créé le monde

Et quand Il eut créé la Terre, tout en faisant sa ronde

Le Seigneur jugeant en somme qu’il manquait le minimum

Il créa la femme et l’amour qu’elle a donné aux hommes.»

En ce jour où une foule immense communie à la même tristesse, autour de vous Laeticia, Jade et Joy, autour de vous David et Laura, autour de vous leurs mamans, voici que ce refrain chanté par un jeune homme au début des années 60, peut retentir de nouveau.

Ces paroles résonnent comme en écho à celles que nous venons d’entendre, paroles initiales du Livre de la Vie: «La vie s’est manifestée!». L’Apôtre Jean pousse ce cri de joie en écrivant aux premières communautés chrétiennes: oui la vie s’est manifestée et elle se manifeste encore, jour après jour, comme un don inestimable qui nous est confié en partage, à nous, hommes de toutes conditions, de tous peuples et de toutes cultures.

En entendant la nouvelle de sa mort, beaucoup ont été saisis de chagrin, d’angoisse, de détresse: ainsi celui qui avait accompagné tant de moments heureux ou douloureux de nos existences ne chanterait plus, sa voix s’est éteinte…

Même si chacun au plus intime de lui-même se reconnaît finalement mortel, on en vient à rêver que ceux que nous aimons et que nous admirons, ne connaissent jamais de fin. Et lorsque les ténèbres du deuil paraissent, un froid glacial saisit nos cœurs et nos esprits.

Il y a deux mille ans, un homme naquit. Il se manifesta à ceux qui attendaient du Ciel un Envoyé, comme le Messie, le Christ. Ceux qui le reconnurent comme tel, le suivirent, pensant qu’Il leur donnerait de voir un royaume humain inédit, que rien ni personne ne pourrait détruire. Ils le suivirent sur les chemins de Judée et de Galilée, de Samarie et jusqu’au Temple de Jérusalem.

En l’écoutant parler, en le regardant guérir l’aveugle de ses obscurités, purifier le lépreux des rejets qu’il inspire, relever la femme que tous veulent lapider, accueillir l’étranger que nul ne veut recevoir, relever ceux qui étaient morts, ceux qui le suivent apprennent à comprendre qu’en ce Jésus se révèle le visage de Dieu.

Et pourtant, un jour, celui qu’ils pensaient être roi sur terre, fut suspendu à la croix d’infamie. Les ténèbres semblaient devoir tout recouvrir: qu’espérer alors et qui croire? A cette question, le matin de Pâques apporte une réponse éclatante.

Celui qui était mort est vivant, le Christ est ressuscité. Désormais, tout homme peut entendre de ses oreilles une Espérance nouvelle: l’Amour est incorruptible. Ce que nos rêves osaient à peine envisager est bien la réalité: la mort n’est pas le dernier mot de nos histoires. S’il n’est pas roi sur la terre, le Christ est bien le Roi de cette terre nouvelle vers laquelle nous marchons, cahin-caha, où la mort disparaît!

«Recherchez avec ardeur les dons les plus grands», je vais vous en indiquer le chemin par excellence écrit Paul aux chrétiens de Corinthe. A ceux qui vivent dans cette cité antique où les plaisirs et les richesses coulent à flots, quel autre chemin vers le bonheur donner que de profiter de tout cela sans vergogne?

Que sont, pourtant, nos vies sans l’Amour? Non pas l’amour éphémère d’une passion aussi intense que fugace, non pas l’amour égoïste et narcissique, mais l’Amour véritable qui nous fait reconnaître dans l’autre un frère à aimer, l’amour exigeant qui nous invite à aimer comme Jésus lui-même a aimé.

Lequel d’entre nous ne mesure l’infini vide que procurent, au bout du compte, les objets de ce monde pour lesquels nous déployons pourtant tant d’efforts et d’énergie?

Qui n’a jamais ressenti, enfant, la déception devant le jouet tant espéré qui, sitôt obtenu, devient moins séduisant, moins excitant? Rien ne peut combler le cœur de l’homme sinon l’Amour. C’est cet Amour qui nous rend capables de sortir de nous-mêmes, de croire que nous valons plus que nous n’osons l’envisager, de comprendre que nous sommes appelés à l’immortalité.

À la différence de beaucoup d’entre nous, Jean-Philippe Smet n’a peut-être pas reçu dans les premiers instants de son existence cet Amour qui est dû pourtant à toute vie naissante. Ces regards absents, sans doute, les a-t-il guettés tout au long de sa vie et s’est-il profondément réjoui de les trouver auprès de ceux qui l’ont aimé du plus proche au plus lointain.

Mais il avait, un jour de son enfance, entendu retentir au plus secret de son être ces mots prononcés de la bouche même de Dieu: au jour de son baptême ces paroles ont été déposées en lui «Tu es mon enfant bien-aimé, en toi je mets toute ma joie».

«On peut me faire ce qu’on voudra, je resterai chrétien. Je suis sûr que Jésus, lui, ne m’en veut pas» dira-t-il plus tard alors que des journalistes l’interrogent sur sa foi.

À sa manière, tout au long de sa vie, il a cherché l’Amour et il a compris que le moyen le plus certain d’y parvenir était d’aimer, d’aimer sans compter, d’aimer toujours.

C’est pour cela que nous sommes là, parce que nous avons un jour compris, à travers ses chansons, sa générosité et sa disponibilité, que nous étions aimés de lui. Si la voix du chanteur et ses mélodies touchent en nous l’intime c’est qu’elles nous révèlent son désir et que ce désir nous bouleverse parfois.

Toute vie est mortelle mais ce qui ne meurt jamais c’est l’Amour: l’amour dont nous avons été aimés et l’amour dont nous aimons: ces liens tissent en chacun de nous un être spirituel immortel, éternel. Ces liens nous mettent dans une communion de plus en plus intime avec Dieu même ; ils nous divinisent.

La vie de Johnny Hallyday, parce qu’elle a manifesté l’Amour, y compris dans ses pauvretés et dans ses manques, nous invite à lever les yeux vers Celui qui en est la source et l’accomplissement.

Celui dont il nous dit, en reprenant l’image biblique, qu’avec «une poignée de terre il a créé le monde» afin d’y faire vivre l’Amour.

Oui, à chacun de vous cette promesse est renouvelée aujourd’hui: votre vie est précieuse, tellement précieuse. Ensemble, nous sommes invités à cheminer en ce monde, frères et sœurs, en laissant l’amour accomplir en nous le don de nous-mêmes.

Chacun d’entre vous est infiniment aimé de Celui qui ne cesse de nous créer et qui nous appelle le jour venu à le contempler face à face. Quels que soient votre existence, ses doutes, ses hontes, ses renoncements, ses blessures, cet Amour dont Dieu vous aime ne passera jamais. Il est le seul bien, la seule promesse que rien ni personne ne pourra jamais nous enlever, nous arracher.

«Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés» dit Jésus à ceux qui cherchent le chemin de la Vie.

Comme Jean-Philippe, devenu Johnny Hallyday, nous sommes tous appelés à laisser percer en nous cette lumière divine qui fait de nous des icônes de l’Amour de Dieu plutôt que des idoles dont la vie s’épuise.

Entre dans la Lumière Johnny Hallyday, une Lumière, un Feu qui ne s’éteint jamais. Te voilà accueilli par un Père qui ouvre les bras à l’enfant tant aimé, toi qui as tant cherché et tant donné aussi.

Avec toi, nous l’entendons te dire pour toujours ces paroles qui viennent en écho jusqu’à nous car elles nous sont aussi adressées, sans aucun doute possible: «Que je t’aime, que je t’aime…» Amen.

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Hommage à Johnny Hallyday : les motos, les Hells Angels et Emmanuel Macron

Quand on pense aux années 1960 d’un point de vue de gauche, on pense à des années de profond conservatisme, mai 1968 venant tenter de rétablir un équilibre.

Johnny Hallyday est lui le symbole du rêve américain, ancré dans les valeurs de droite. C’est pour cette raison que lors de « l’hommage populaire » fait samedi 9 janvier 2017 à Johnny Hallyday sur les Champs-Élysées, il y avait 700 motos comme cortège.

Le motard se veut individualiste, rebelle et conformiste en même temps. Plus de deux mille autres motards se sont d’ailleurs greffés à un moment au cortège, avec l’accord de la police.

De manière plus grave, le cortège des 700 motos « officiels » avait à sa tête… les hells angels. Cette structure de motards est considérée par les polices européennes comme une organisation criminelle reine en coups de communication pour se donner une image favorable.

C’est quelque chose d’extrêmement grave et cela montre que les institutions étaient prêtes à n’importe quel compromis pour mobiliser en faveur de l’hommage national.

Du monde, il y en avait, plusieurs centaines de milliers de personnes, mais le pari était toujours risqué , car si Johnny Hallyday a ses fans, la majorité du pays est indifférente, voire même hostile.

Les audiences des dispositifs spéciaux mis en place à la télévision n’ont ainsi été que correctement suivis (pas de changement pratiquement pour les chaînes d’information continue, et 14,9 % de part d’audience pour TF1, 14,4 % pour France 2, 4,1 % pour M6, 1,9 % pour C8, 0,5 % pour Cstar).

De manière opportune, la préfecture de Paris a donc refusé de donner des chiffres sur le nombre de gens venus assister à l’hommage national. Il y avait du monde, le président de la République a parlé, c’est censé suffire.

Et il a parlé de… moto, bien sûr :

« Vous êtes là pour lui, pour Johnny Hallyday. Près de 60 ans de carrière, et vous êtes là. Encore là. Toujours là. Je sais que vous vous attendez à ce qu’il surgisse de quelque part, en moto, il entamerait la première chanson et vous commenceriez à chanter avec lui. »

C’est une transformation de Johnny Hallyday en figure christique. Concluons donc sur une anecdote intéressante, de parce qu’elle révèle. Lors de « l’hommage populaire », il y avait Daniel Rondeau qui a pu notamment dire :

« Dans les friches de la France abandonnée comme dans les donjons de l’establishment, c’est le même cœur qui bat pour lui. Oui, notre cœur français bat pour toi, Johnny. »

Celui-ci expliquait qu’il avait des « liens mystérieux » avec Johnny Hallyday, qu’il connaît bien depuis sa publication en 1982 « L’âge-déraison : véritable biographie imaginaire de Johnny H. ».

C’est une sorte de biographie poétisée racontant la vie intérieure de Johnny Hallyday, présenté comme un grand tourmenté exprimant sa sensibilité à travers le rock’n’roll.

Daniel Rondeau, en vénérant Johnny Hallyday, réglait les comptes avec son propre passé de gauche. Auparavant, il avait rejoint la Gauche Prolétarienne maoïste et participé au mouvement d’établissement dans les usines.

Son éloge de Johnny accompagne la direction des pages culturelles de Libération, une carrière littéraire, un poste d’ambassadeur, puis de délégué permanent de la France auprès de l’UNESCO.

« L’âge-déraison : véritable biographie imaginaire de Johnny H. » commence de la manière suivante :

« Pour tout le monde, c’était Johnny. Un Américain à Paris. Il était grand, plutôt beau gosse et très nerveux. Agité. Surtout des jambes et des pieds. On pourrait dire qu’il avait du rythme. Une drôle de façon de rouler les mécaniques. Tout dans la hanche. De la balance, une grande vibration et un certain sens de l’épate. »

C’est une comparaison, évidemment, à Elvis Presley, avant que les lignes qui suivent n’assimilent Johnny Hallyday à James Dean, puis racontent comment des jeunes Parisiens tentent de vivre le rêve américain à leur manière, dans une rébellion conformiste à travers une récupération du style de leurs idoles américaines.

Le roman est ainsi une valorisation esthétique de Johnny Hallyday, avec un sens très précis : dénoncer mai 1968. C’est aussi le sens de « l’hommage populaire ».

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Johnny Hallyday : un « rêve américain » opposé à la Gauche

Johnny Hallyday expliquait au début de sa carrière :

« Hallyday, c’est mon vrai nom et mon père est américain. »

Ce n’était pas vrai, mais cela en dit long. Car il y a une attitude systématique chez les fans de Johnny Hallyday : la mise en valeur du rêve américain. Johnny Hallyday est présenté un écorché vif, mais surtout dans la mesure où il est montré comme le type qui a réussi à faire ce qu’il veut.

Les gens aimant Johnny Hallyday ne l’aimaient malgré son style de vie, mais en raison de son style de vie. Ils valorisaient le côté « rêve américain » littéralement opposé aux valeurs de gauche.

Regardons ce qu’il en était. Johnny Hallyday vivait à Marnes-la-Coquette, une ville de 1700 habitants dans l’ouest parisien, qui est autant soporifique que propre, de par sa particularité d’être dans le top 5 des villes où les habitants ont les revenus les plus élevés. Ce n’est pas vraiment rock’n’roll roll.

A cette résidence de 900 m² de Marnes-la-Coquette (à quoi il faut ajouter un parc d’un hectare, une piscine, un tennis, un cinéma, etc.) s’ajoute un 650 m² à Los Angeles dans le richissime quartier de Pacific Palissade, ainsi qu’un 500m² sur l’île de Saint-Barthélémy et un chalet dans la ville suisse de très haut standing Gstaad.

Johnny Hallyday a également vécu longtemps à Saint-Tropez, dans la villa Lorada (1000², piscine de 500 m, piste d’hélicoptère, etc.).

Ce ne sont pas seulement des résidences luxueuses. Il s’agit surtout là d’endroits d’un conformisme le plus complet, des lieux qui appartiennent aux rendez-vous les plus classiques des gens richissimes.

Toute personne de gauche s’ennuierait à mourir dans des endroits remplis de gens très propres sur eux, superficiels et ostentatoires, vivant dans une bulle entièrement séparée de la société.

Ce n’est vraiment pas rock’n’roll roll et de toutes manières, quelqu’un qui est vraiment à fleur de peau n’est pas en mesure de dépenser entre 6 et 7 millions d’euros par an, comme le faisait Johnny Hallyday.

Lequel d’entre nous serait capable de dépenser 20 000 euros par jour ? On ne saurait même pas quoi acheter avec tant d’argent. En réalité, Johnny Hallyday était un flambeur, qui vivait de ses performances scéniques.

Johnny Hallyday demandait des chansons à des paroliers et des musiciens, les enregistrait (ce qui fait 50 albums studio) et surtout les jouait sur scène (ce qui fait 29 albums live). Sa vie fastueuse s’appuyait sur ses concerts (il en a fait 3 257).

Il a donc mis en avant une certaine image, tout en vivant de manière décadente entre drogues et alcools, présentant ses excès comme rock’n’roll et maquillant les tourments des gens riches en existentialisme populaire.

Les gens favorables à Johnny Hallyday appréciaient cela, car ce dont ils rêvaient eux-même, c’est de vivre ce rêve américain. Les coups de tête de Johnny Hallyday étaient appréciés en ce sens.

C’est son côté aristocrate capricieux. Dans les années 1960, il a un accident avec sa  Triumph TR3? Il en rachète une seconde.

Elle aussi détruite dans un accident, il se procure une Jaguar Type-E. Qu’il détruit, pour la remplacer par une Ferrari 250 GT Pininfarina… Elle aussi accidentée, remplacée alors par une autre Ferrari…

Les achats ne cesseront jamais : Porsche 356, Aston Martin DB6, Lamborghini Miura P400 (celle-ci étant fracassée dans un accident)… C’est un processus sans fin et quel symbole qu’en 1968, l’année de la fameuse révolte, Johnny Hallyday roule en Rolls Royce (Phantom 5 et Silver Shadow).

La liste des modèles est sans fin, avec également des Mercedes (450 SEL, 560 AMG), un hummer, une Panther De Ville… Ou encore une Lamborghini Aventador SV, une Rolls Royce Phantom Drophead Coupé, une Cadillac Serie 62 Cabriolet Custom, une AC Cobra, une Ford GT, etc.

Pour donner le ton, il y a une anecdote connue : un ami vient voir Johnny Hallyday un matin en Ferrari Testarossa. L’après-midi même, il s’en commande une.

C’est le principe du caprice, de la capacité à faire « ce que l’on veut ». Et surtout de luxueux et de visible.

Il en va de même pour la moto. Johnny Hallyday n’était pas un « motard », preuve en est il a eu de très nombreuses voitures de luxe et ces deux cultures n’ont rien à voir.

Et même en moto, il prend du luxe, en piochant avec un éclectisme troublant pour qui aime la moto : la moitié des motos qu’il a eu étaient des Harley-Davidson, mais il y aussi eu des motos Triumph, Ducati, Kawasaki, Yamaha, Honda.

Pour quiconque aime la moto, ce mélange des goûts est vraiment étrange ; il y a au moins trois écoles de pensée du rapport à la moto qui s’opposent dans de tels choix.

Mais tout cela n’a jamais compté pour personne, car Johnny Hallyday était simplement le symbole du rêve américain : les uns ne le prenaient pas en compte, les autres voyaient en lui le « self made man », l’homme qui a réussi par lui-même, en restant lui-même.

Ce n’est pas sans rappeler une certaine fascination populaire pour Donald Trump. C’est le même type de régression.

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Magyd Cherfi capitule devant Johnny Hallyday

Magyd Cherfi a commis une pathétique tribune dans Libération. L’ancien chanteur de Zebda y explique qu’en tant que personne de gauche, il aurait dû forcément considérer Johnny Hallyday comme un beauf faisant de la variété.

Les valeurs de gauche ne feraient pas le poids face à la dimension christique de Johnny Hallyday!

Au lieu de se remettre en cause et d’élever son niveau, Magyd Cherfi a préféré basculer chez les beaufs, au nom du fait qu’au moins ce serait populaire. C’est le principe de la capitulation culturelle et une fois qu’on perd ses valeurs culturelles de gauche, on n’est tout simplement plus de gauche…

TRIBUNE
Johnny, plus qu’une voix, par Magyd Cherfi
Par Magyd Cherfi, Chanteur — 6 décembre 2017

J’ai fait partie de ces ados qui, dans les années 80, se moquaient de Johnny, à cause de ses fautes de syntaxe, de grammaire, de conjugaison, que sais-je.

C’étaient des années encore «politiques» et l’on portait encore à gauche. On ricanait de son inculture, on riait de sa beauté irréelle, de son allure d’apollon achevé, on moquait ses chansons, leur romantisme échevelé, parfois leur aspect réac.

On raillait son manque d’érudition, son vocabulaire étriqué. On se rassurait qu’un dieu puisse être faillible à ce point. C’était trop facile d’écrabouiller une idole accessible par son humanité.

J’ai fait partie de ces bobos d’avant l’heure qui déifiaient Ferré, en oubliant que le plus réac n’est pas celui qu’on croit. J’ai fait partie de ces prétentieux, sauf qu’en cachette j’achetais ses albums, à Johnny, je bavais du «beau» cousu main.

J’écoutais, agenouillé, une voix plus qu’un texte qui me dévastait, et repartais ailé. Oui, j’ai fait partie des «honteux» qui se croyaient une avant-garde et ne supportaient pas cette ombre venue de plus haut que tous les espoirs.

Il était le mégaphone de tous les appels au secours

J’oubliais que cet homme était plus qu’une voix et cette voix incarnait une détresse des bas-fonds et en même temps une lueur plus haute que les croix portées.

C’était une vibration qui détruisait les migraines, qui carapaçait les cœurs blessés. Elle redressait des corps fourbus et permettait qu’ils embauchent le matin dans les pires boulots, les tâches les plus ingrates.

C’était une voix qui venait au secours de la nôtre. Qui la musclait les jours de colère. Elle se plaquait à nos cordes vocales pour les secourir des cris de détresse étouffés. Il était le mégaphone de tous les appels au secours, oui, un mégaphone d’en bas.

Il portait sans s’en rendre compte la voix de tous les sans-voix, celle des exclus de tous les systèmes, il offrait un alphabet manquant au non-érudit, une plaidoirie à l’âme blessée, il offrait l’argument défaillant chez les démunis du verbe. Son répertoire est devenu une bible, une plaidoirie des muets cette masse inconfortable, la gloire des malheureux.

Cet homme, en ne voulant que se consoler, revigorait l’orgueil des battus, il battait en brèche tous les idéaux d’un monde meilleur, la promesse électorale et la prophétie divine mêlées.

C’était un dieu sans promesses que pour lui-même. Il vieillissait, souffrait, buvait, fumait et survivait à ses propres tares.

Il apaisait la peine du pauvre, du paria, du SDF, du chômeur

Ce Johnny, c’était pas un rockeur, c’était pas un chanteur mais un cataplasme de nos frustrations, un pansement de tous les malheurs de la vie. C’était un organe qui vous recousait le cœur les jours endeuillés.

Ce Johnny était plus que lui-même, il incarnait la consolation, il colmatait les douleurs prolétaires.

Il consolait les survivants des pires malheurs, tous les déclassés. Tous s’identifiaient à cet homme qui suggérait la possibilité de victoires sur le mauvais sort. Il devenait le grand remplaçant d’un être manquant, un cher disparu, une mère trop tôt partie, un enfant blessé.

Il apaisait la peine du pauvre, du paria, du SDF, du chômeur, de la femme battue, du Noir, de l’Arabe, du manouche, de celui même qui ne comprenait pas un traître mot de français.

Son chant allait au-delà du texte, au-delà de la chanson. Toujours il a été plus fort que ses airs, plus fort que lui.

Lui, gueule d’ange, chantait «qu’est ce qu’elle a, ma gueule ?» et tous les moches s’identifiaient à la simple intonation de la sincérité – prouesse.

Sa voix construisait un barrage de paupières contre les larmes de tous les chagrins, un barrage derrière lequel nous nous réfugions et j’ai pas l’impression à l’heure de ce deuil d’en faire des tonnes.

Aujourd’hui, je pleure un mort qui n’est pas de ma famille mais ne l’était-il pas ?

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Johnny Hallyday : les unes des quotidiens nationaux et régionaux

Voici les unes des quotidiens nationaux et régionaux, avec leur éloge de Johnny Halliday, qualifié par le président Emmanuel Macron de « héros français ».

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Florilège des éloges de Johnny Hallyday

Voici quelques exemples importants, au moins symboliquement et sur ce que cela retranscrit comme système de valeurs, des éloges de Johnny Hallyday.

 

 

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Décès de Johnny Hallyday : le communiqué de l’Élysée

Johnny Hallyday est un excellent exemple de pourquoi nous allons exister agauche.org. C’est un écorché vif qui est capable d’exprimer des émotions. Mais ce n’est ni un auteur, ni un compositeur.

Il est resté orienté dans un registre rock – variété particulièrement régressif, à l’image d’une France refusant catégoriquement toute évolution, tout changement. Sa carrière a été soutenue par tous les médias, en faisant une icône au-dessus des classes sociales, de toute critique aussi.

Les attitudes concernant Johnny Hallyday sont particulièrement régressives : il était intouchable, on lui accordait une dimension pratiquement christique.

Johnny Hallyday est l’exemple significatif du poids culturel de la France profonde, d’ouvriers capables de voter pour une droite « populaire », et cela pendant plusieurs décennies. Comme si le monde ne changeait pas, comme si aucun changement n’était jamais possible…

Emmanuel Macron, qui se veut résolument moderne, l’a parfaitement compris et le communiqué de l’Élysée est un parfait exemple de démagogie et de contribution à l’endormissement des gens.

On a tous en nous quelque chose de Johnny Hallyday.

Celui qui se disait fils de personne, né à Paris, un soir de juin 1943, s’appelait Jean-Philippe Smet et fut rapidement mieux connu sous le nom de Johnny.

La rock’n’roll attitude qu’il importa des Etats-Unis fit de lui l’idole des jeunes dans les années 60, et une figure de la génération yé-yé. Lorsque passa le bon temps du rock’n’roll, le public aurait pu l’abandonner. Il n’en fut rien. Une autre vie pour lui commença.

Celle d’un artiste puisant dans la musique qu’il aimait, qui venait du blues, du rock, de ces Etats-Unis rêvés. Celle d’un homme resté l’enfant qui faisait le rêve tout bleu de Nashville. Il tirait de cela une sincérité et une authenticité qui maintinrent vivant le feu qu’il avait allumé dans le cœur du public. Depuis plus de 50 ans, il était une icône vivante.

Il était le bad boy qui chantait l’amour, le rocker sentimental qui défiait Gabrielle ou Sarah, le cœur tendre allant de conquêtes en déchirures. Nous avons souffert et aimé avec lui.

A travers les générations, il s’est gravé dans la vie des Français. Il les a conquis par une générosité dont témoignaient ses concerts : tantôt gigantesques tantôt intimes, tantôt dans des lieux démesurés, tantôt dans des salles modestes.

Il chantait avec la même passion à Las Vegas et au Stade de France qu’à Epinal, Rodez ou Bar-le-Duc. Il n’a jamais vieilli parce qu’il n’a jamais triché. Parce qu’il est resté simple et amoureux de la vie. Et parce qu’il savait que le secret pour ne pas vieillir est d’avoir plusieurs vies.

Jusqu’au bout, libre dans sa tête, il aura été cette présence familière, cette voix tant de fois imitée, cette personnalité osant vivre pour le meilleur, et communiquant une énergie fraternelle à ce public qui en retour lui criait : « Que je t’aime ». Ce public aujourd’hui est en larmes, et tout le pays est en deuil.

Tout au long de sa carrière, il sut s’entourer des meilleurs – musiciens, compositeurs, paroliers -, les associant pleinement à ses succès et partageant souvent la scène avec un sens profond de l’amitié, qu’il s’agisse de plus jeunes que lui ou de ses immédiats contemporains comme récemment Eddy Mitchell et Jacques Dutronc.

Il s’honorait parfois aussi de la présence à ses côtés de quelques-unes de ses idoles, comme Lionel Richie.

De Johnny Hallyday nous n’oublierons ni le nom, ni la gueule, ni la voix, ni surtout les interprétations, qui, avec ce lyrisme brut et sensible, appartiennent aujourd’hui pleinement à l’histoire de la chanson française. Il a fait entrer une part d’Amérique dans notre Panthéon national.

Le Président de la République et son épouse présentent à Laeticia Hallyday, à ses filles Joy, Jade et Laura, à son fils David, à ses musiciens, à son équipe, à ses amis, à ses fans, leurs sincères condoléances.