Catégories
Politique

Municipales: la Gauche suffisamment unie pour battre Édouard Philippe au Havre?

Le candidat PCF tête de la liste « un Havre citoyen » est arrivé second au premier tour des municipales au Havre avec un score significatif, mais a refusé l’alliance avec une autre liste de gauche. L’enjeu est pourtant très grand pour le second tour, d’abord car c’est une ville ouvrière qu’il faut reprendre des mains de la Droite, ensuite car il s’agit d’infliger une grande défaite politique au gouvernement, le Premier ministre Édouard Philippe étant lui-même tête de la liste donnée favorite.

La liste portée par le candidat PCF Jean-Paul Lecoq a fait un score meilleur que ce qui était attendu au premier tour de l’élection municipale au Havre en mars dernier. Avec près de 36 % des suffrages (environs 15 000 voix), c’est la seule liste maintenue au second tour contre celle du maire sortant Édouard Philippe (43,6 %, 18 000 voix), dont le poste est assuré par intérim depuis qu’il est premier ministre.

La liste proposée par EELV en alliance avec le Parti socialiste, les Radicaux de gauche et Place publique est arrivée troisième avec un peu plus de 8 % (3400 voix) et celle du Rassemblement national, quatrième avec un peu plus de 7 % (3000 voix).

Comptant sur sa propre dynamique, la liste du candidat PCF Jean-Paul Lecoq n’a pas souhaité une fusion avec l’autre liste de gauche, dont les membres ont simplement été invités à se joindre au comité portant la liste. Le candidat EELV Alexis Deck avait pourtant accepté de retirer son propre nom, afin de permettre une fusion, mais l’entente n’a finalement pas abouti (si tant est qu’elle eût été possible).

Cela a provoqué beaucoup de colère, d’abord par le candidat EELV Alexis Deck lui-même malgré son soutien, ensuite par les Radicaux de gauche qui se sont dit « indignés de l’absence de fusion entre les listes de gauche ».

Seule l’issue du scrutin le 28 juin dira si le PCF a eu raison de se permettre un tel « luxe », mais c’est en tous cas un risque qui paraît inconsidéré vu la faiblesse de la Gauche à notre époque, au Havre comme partout en France.

Il faut rappeler ici que le PCF s’est fait arracher cette grande ville ouvrière des mains par la Droite en 1995, à une époque où ce parti était encore très implanté et que c’était un ouvrier qui était maire depuis 1971. Jean-Paul Lecoq, fils d’ouvrier, né au Havre, a d’ailleurs adhéré au PCF à cette époque, alors qu’il n’avait que 15 ans.

Mais l’époque a bien changé et, comme partout en France, c’est surtout l’abstention qui est forte dans la classe ouvrière, ainsi que dans les classes populaires en général. La liste dite citoyenne de Jean-Paul Lecoq du PCF n’a ainsi « que » 15 000 voix sur les 105 000 personnes inscrites, auxquels il faut ajouter nombre de personnes même pas inscrites sur les listes électorales. On imagine que cela devrait inciter à un peu plus de modestie quant au fait de se permettre de refuser une fusion avec une liste de gauche. Surtout en ces temps de crise qui se profile.

En face, Édouard Philippe bénéficie pour sa part d’une véritable dynamique bourgeoise, se présentant comme quelqu’un ayant modernisé la ville et profitant maintenant d’une notoriété nationale, etc.

Dans un tel contexte, on a du mal à imaginer comment la liste « un Havre citoyen » pourrait faire le plein de voix manquantes contre un candidat robuste et très implanté. À moins que le PCF au Havre s’imagine pouvoir profiter de la France insoumise et de sa dynamique populiste/gilet jaune ? C’est en tous cas ses principales figures qui se déplacent au Havre pour soutenir, avec François Ruffin et Clémentine Autain dans la semaine, puis Jean-Luc Mélenchon lui-même attendu ce vendredi.

Du côté du PS, qui soutient la liste (et c’est la moindre des choses), ce n’est pas son premier secrétaire qui s’est déplacé au Havre, mais simplement Corinne Narassiguin, une personnalité bien moins connue, bien qu’ayant un rôle important au PS.

Jean-Paul Lecoq bénéficie cependant du soutien marquant de la CGT des travailleurs portuaires du Havre et a prévu de s’employer lui-même à convaincre dans les quartiers populaires, avec un camion sono. Il aura cependant besoin d’un peu plus que des « peut-être » pour arracher des voix ouvrières et populaires, car ce qu’il raconte dans la presse ne fait pas vraiment rêver… :

« Ce n’est pas nous qui disons que c’est bien plus qu’un scrutin local, ce sont les autres qui nous le disent. On porte un projet qu’on a créé avec les havrais en expliquant que l’on va porter une autre vie au Havre, on va essayer de rendre les gens plus heureux, d’essayer d’améliorer leurs conditions de vie. »

Catégories
Politique

Grève nationale des dockers samedi, après l’assassinat sauvage d’un docker au Havre

La CGT des travailleurs portuaires appelle à une journée de grève ce samedi 20 juin 2020 dans l’ensemble des ports français, en hommage à Allan Affagard. Ce docker du Havre, délégué syndical, a été sauvagement assassiné en rentrant chez lui la semaine dernière et le trafic de drogue est directement mis en cause.

Allan Affagard a été retrouvé au petit matin sur le parking d’une école avec le corps sévèrement mutilé (les détails sont ignobles). La CGT pointe directement du doigt le trafic de drogue, à propos duquel elle alerte depuis longtemps.

La police judiciaire a tenu à préciser à la presse qu’il était mis en examen dans un dossier de trafic de stupéfiants, toujours en cours d’instruction, pour des faits datant de 2017. Cependant, la CGT, son syndicat, réfute totalement qu’il puisse être lié au trafic de drogue, en expliquant au contraire :

« Notre camarade Allan n’a jamais été condamné pour le moindre fait concernant le trafic de drogue et pour quoi que soit d’autre d’ailleurs ; à l’inverse, il a toujours été au front pour combattre ce fléau pour le port du Havre, et donc pour les ouvriers dockers »

L’ouvrier docker de 40 ans était par ailleurs père de famille, sportif et impliqué dans son club de rugby, le Racing Club Port du Havre. Son syndicat le décrit comme « un frère d’armes apprécié par tous. »

La grève de samedi, en plus de l’hommage indispensable à un camarade disparu dans des conditions atroces, sera également importante pour dénoncer les trafics de drogue dans les ports.

Voici le communiqué de la CGT des Travailleurs Portuaires du Havre :

Catégories
Politique

La CGT et la CGT–FO à la croisée des chemins

La Fédération nationale CGT des Ports et Docks est rentrée dans la bataille, avec un blocage des ports pour 72 heures. La CGT abat une nouvelle carte, avec l’appui de la CGT-FO. Tous deux jouent leur existence et le risque d’une déroute apparaît comme de plus en plus tangible.

Le Premier ministre Édouard Philippe étant auparavant maire du Havre, la ville est un symbole important dans la lutte contre la réforme des retraites. La Chambre de commerce et d’industrie (CCI) du Havre comptait organiser une soirée pour présenter ses « voeux », elle en a été empêchée par quelques centaines personnes, principalement des dockers.

L’initiative a été mouvementée ; barricadée à l’intérieur des locaux de la CCI, les forces de l’ordre ont en effet subi les lancers de fumigènes et de pétards. Un commissaire de police a eu la très mauvaise idée de ramasser un pétard, dont l’explosion lui a arraché un doigt.

Quelques jours auparavant, la mairie avait subi également l’interruption de ses vœux. Les manifestants en avaient profité, en pénétrant les lieux, pour s’approprier les petits fours et le champagne.

Tout cela est intéressant, indéniablement, si l’on regarde de manière abstraite. Car en pratique, cette lutte est une dernière tentative de relancer, par le forcing, un mouvement de lutte contre la réforme des retraites qui est en train d’agoniser du côté des cheminots et de la RATP.

Concrètement, c’est la fédération nationale CGT des Ports et Docks qui est rentrée dans la bataille, bloquant pour 72 heures différents ports (Le Havre, Marseille, La Rochelle, Bordeaux, Rouen, Dunkerque, Nantes-Saint-Nazaire).

Ce que cela veut dire, c’est qu’on a pas ici affaire à une lutte impliquant les travailleurs, par en bas, sur la base de leurs propres décisions. On est dans une intervention tactique de la CGT, qui en appelle à une fédération très forte pour ajouter du poids dans la balance. On est donc encore et toujours dans le principe de la lutte syndicale par procuration, dans le substitutisme.

Il est évident que cela ne peut aboutir à rien et que cela ne fait que renforcer l’image d’un conflit opposant la CGT au gouvernement. Il est d’ailleurs marquant que la CGT -Force Ouvrière est sur la même position que la CGT, alors que normalement ce sont des frères ennemis s’ignorant. Ce qui est en jeu, c’est vraiment la question historique de savoir s’il y aura demain la place pour une cohabitation, comme c’est le cas depuis les années 1960, du patronat et de syndicats apparemment combatifs, le tout se neutralisant dans des instances mises en place par l’État.

Il ne faut pas se leurrer. C’est toute la tradition de la CGT qui risque de passer à la trappe. Ce qui est en jeu, c’est l’idée de la CGT et de la CGT-FO d’un syndicat à la fois intransigeant mais négociant, arrachant des acquis au sein de négociations institutionnalisées, proposant des contre-projets.

Si la réforme des retraites passe, alors il n’y aura plus de place que pour le syndicalisme non plus de cogestion – ce que sont la CGT et la CGT-FO – mais d’accompagnement moderniste, ce qu’est la CFDT.

Les conséquences seraient bien entendu politiques également, car le Parti Communiste Français est l’expression de la CGT, alors que de toutes façons une bonne partie des restes de la Gauche politique – qu’on sait terriblement affaiblie – s’appuie sur le monde syndical.

Il est ainsi normal que les dirigeants syndicaux, comme ce mercredi 15 janvier dans un  live Mediapart, ne cessent d’expliquer qu’il se passe quelque chose dans tout le pays… mais qu’en même temps, il n’y pas de bouton pour forcer la grève générale. Tout cela est incohérent, mais il s’agit de tenir, en espérant que la lutte des classes reprenne suffisamment tôt pour sauver les syndicats.

Auparavant, l’État faisait tout pour justement pour les sauver, comme en mai 1968, alors qu’ils étaient dépassés. Mais le capitalisme français dans la rude bataille à l’échelle mondiale ne peut plus se permettre tout cela. Il faut moderniser à marche forcée… et l’objectif est clairement de faire de la CFDT le seul interlocuteur, et à terme le syndicat hégémonique, voire unique.