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Tribune: «Violences contre des survivantes de la prostitution»

Voici une tribune initialement publiée dans L’Humanité ce lundi 16 mars, pour dénoncer ces agressions révoltantes de féministes défendant l’abolition de la prostitution le 8 mars dernier.

Une vidéo de l’agression parisienne a d’ailleurs été publiée par un journaliste indépendant. Ce qu’on y voit est insupportable et indéfendable !

Voici la tribune :

« Violences contre des survivantes de la prostitution

Texte collectif

S’il est un système qui résume toutes les exploitations, toutes les oppressions, toutes les discriminations, c’est le système prostitutionnel.

S’il est des personnes, très majoritairement des femmes, qui ont tout vécu, tout subi sur l’échelle des violences sexistes et sexuelles, ce sont les victimes de la prostitution.

Et s’il est des femmes courageuses, ce sont bien les survivantes qui s’engagent dans le combat contre ce système. Un combat jalonné par la misère et la précarité, et par-dessus tout, marqué par les insultes et les menaces, y compris contre leur vie. Car ces femmes, elles, osent s’attaquer à des réseaux internationaux parmi les plus puissants et les plus cruels au monde.

Alors, s’il est un lieu où elles devraient être accueillies, protégées et célébrées comme les héroïnes qu’elles sont, ce sont bien les mobilisations féministes.

Et pourtant… Bruxelles, Paris, Toulouse, Marseille… Insultes, arrachages de banderoles et jusqu’aux agressions physiques contre des militantes et militants abolitionnistes se multiplient au rythme de l’extension du mouvement en faveur des droits des femmes. Des survivantes ont subi des coups, en France, dans le cadre des manifestations du 8 mars. Et alors qu’ensuite la plupart des manifestant·e·s célébraient dans la joie le grand succès des mobilisations, deux d’entre elles passaient cette même nuit entre commissariat et urgences médico-judiciaires.

Solidaires de toutes les associations abolitionnistes qui les soutiennent, on ne peut pas se taire face à cette réalité et face au lynchage, particulièrement ignoble, des survivantes de la prostitution !

Au-delà d’assurer les victimes de notre pleine solidarité et soutien, nous tenons à réaffirmer notre engagement dans la lutte contre cette violence extrême qu’est la prostitution. Il incombe au gouvernement de financer, renforcer et garantir le parcours de sortie de cet enfer.

Signataires

Jocelyn Adriant-Mebtoul, Présidente de la CLEF

Clémentine Autain, Députée FI

Zahra Agsous, Maison des Femmes de Paris

Ana Azaria, présidente de Femmes Égalité

Marie-Noelle Bas, Chiennes de garde 

Flor Beltran Las Rojas, collectif de femmes latino américaines, 

Hélène Bidard, Responsable nationale de la commission féministe / droits des femmes du PCF.

Oriane Bonnazi, Femmes Gilets Jaunes

Claire Charlès, Secrétaire générale des Effronté-es

Monique Dental, Réseau féministe “Ruptures

Claire Desaint, Femmes pour le Dire, Femmes pour Agir

Marie-Hélène Franjou, Amicale du Nid

Cécile Gondard Lalanne, porte-parole de l’Union syndicale Solidaires

Cherifa Khiari, Comité de soutien aux Femmes du Palais

Le Planning Familial 94.

Le Planning familial Paris.

Mélanie Luce, présidente de l’UNEF

Myriam Martin, porte parole Ensemble!

Nelly Martin, Marche Mondiale des Femmes France

Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT

Florence Montreynaud, « Encore féministes ! »

Catherine Morin Le Sech, co-présidente de CQFD Lesbiennes Feministes

Maud Olivier, ECVF

Céline Piques, porte-parole d’Osez le Féminisme !

Emmanuelle Piet, Collectif féministe contre le viol

Claire Quidet, Mouvement du Nid

Lorraine Questiaux, militante féministe et avocate.

Sabine Salmon, Femmes solidaires

Muriel Salmona, Mémoire Traumatique et Victimologie 

Roselyne Rollier, Maison des Femmes Thérèse Clerc de Montreuil

Suzy Rotjman, porte-parole du Collectif National pour les Droits des Femmes

Benoît Teste, secrétaire général de FSU

Aurélie Trouvé, porte parole d’ATTAC »

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Société

« L’Huma » et les courses hippiques

On ne lit pas forcément L’Humanité, quotidien qui n’est plus que l’ombre de lui-même, porté à bout de bras par l’argent de l’État et même de grands financiers. Mais, sans préjuger de la médiocrité générale sur le plan journalistique, car toute la presse est ainsi, voir qu’il y a dedans les résultats de courses hippiques ne peut laisser qu’un goût amer.

Quoi ?! Le journal fondé par Jean Jaurès, le journal historique des socialistes, puis du PCF, tombant aussi bas ?

La Gauche n’a jamais encore mené de bataille d’opinion contre les jeux d’argent, c’est là un grand malheur et une profonde erreur. Lorsque, en plus, il y a une utilisation d’animaux, c’est vraiment lamentable. On imagine la condition de ceux-ci, dans un environnement en plus nécessairement façonné par une pression terrible pour le succès.

Tout milieu capitaliste visant à « triompher » implique de fait la corruption, la triche, le dopage, etc. Seuls des naïfs peuvent penser que tout est fait dans les règles et qu’il n’y a pas de manipulations, de coups bas, de consommation de produits stupéfiants pour tenir le coup, etc.

Alors voir L’Humanité fournir des pronostics pour les courses hippiques, c’est terrible, c’est Jean Jaurès au PMU. C’est la Gauche cédant devant l’aliénation, l’appât du gain facile en contournant le travail, réduisant les animaux à des outils de divertissement…

Voir dans L’Humanité qu’il est conseillé de parier sur « Futbolisto », « Hell’s queen », « Elan du rocher », que « Mille rubis » est un bon outsider, tout comme « Etincelle de rêve » ou « Electra du vivier », c’est un choc. Ce n’est pas étonnant quand on y pense, la capitulation devant les beaufs étant ce qu’elle est, mais quand même.

Si à cela s’ajoute une prose revendicative, avec les bons conseils donnés telle une consigne politique, là par contre, on touche un sacré fond.

« Prudence. Cet été, les quintés donnent souvent lieu à des arrivées improbables. C’est essentiellement dû à la médiocrité des lots proposés, comme par exemple le vendredi soir à Cabourg, où l’incohérence des programmes et l’inconséquence des dirigeants ont pour conséquence un déficit de participants. Cela oblige à choisir comme « quinté » des cours de médiocre niveau. Parieurs, la prudence est de mise… »

Parieurs de tous les pays, unissez-vous ! Les organisateurs de courses hippiques ne sont pas à la hauteur des exigences des prolos PMU ! Il faut plus de lots, pour de meilleurs entreprise proposant de meilleur chevaux-esclaves. On en veut pour notre argent !

Comment L’Humanité espère-t-il être un quotidien qui sort de sa profonde crise avec un positionnement pareil ? C’est un véritable suicide et peut-être est-ce ici une allégorie de la Gauche anéantie en France, justement car elle a échoué sur le plan des valeurs. Ne disons pas qu’elle a trahi les ouvriers, car ce sont aux ouvriers de faire la Gauche justement. Disons plutôt : la Gauche n’a pas été en mesure de préserver ses valeurs et elle s’est faite mangée par les valeurs du capitalisme.

Même en arguant qu’un organe de presse ne peut pas aller trop loin, voir les courses hippiques est déjà un suicide culturel. Il en va de même pour la FSGT, la structure dédiée au sport issu du mouvement ouvrier qui assume ouvertement le MMA : on perd là par définition toute affirmation de la non-violence, du refus de faire du mal aux autres, du sport comme développement personnel, dans un cadre collectif, ne se faisant pas aux dépens des autres.

Il est ici vraiment fascinant de voir la Gauche française, ces dernières années, massivement mentionner Antonio Gramsci en disant qu’il faut prendre en compte la question culturelle pour gagner les gens et ne rien faire derrière. C’est bien la preuve d’un problème de fond.

Et ce problème ramène aux débuts du mouvement ouvrier en France. On ne sort pas de l’opposition stérile entre électoralistes opportunistes d’un côté, syndicalistes anti-politiques de l’autre. Cela se fait aux dépens de la culture et on en paie le prix encore aujourd’hui. Ni les électoralistes, ni les syndicalistes n’ont besoin de la culture… alors que c’est essentiel pour qu’il y ait une réelle base populaire portant le Socialisme en termes de valeurs concrètes !

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Politique

La crise du journal l’Humanité

Le journal l’Humanité a été un élément historique du mouvement ouvrier français. Il est depuis de nombreuses années en perte de vitesse et a été placé jeudi 7 février en redressement judiciaire avec poursuite d’activité par le tribunal de commerce de Bobigny.

La bourgeoisie en France a toujours disposé d’une presse de qualité et ce fut un enjeu majeur pour la classe ouvrière d’en disposer également. Le journal l’Humanité a rempli ce rôle très tôt dans l’Histoire, d’abord sous l’égide des socialistes et de Jean Jaurès puis directement du Parti communiste.

Alors qu’il tirait au mieux de son histoire à 400 000 exemplaires en 1945, le titre a enclenché un long déclin strictement parallèle à celui du PCF pour ne plus tirer qu’autour de 100 000 exemplaires dans les années 1980.

Il s’est déclaré en cessation de paiement le mois dernier et le tribunal de Bobigny le maintient maintenant sous tutelle pour une période de six mois. Deux administrateurs judiciaires ont été désignés et une « spécialiste » du sauvetage d’entreprises est chargée de redresser la barre.

Le tirage de l’Humanité a oscillé pour la période 2017/2018 entre 45 000 et 50 000 unités. De manière plus précise, il faut regarder sa diffusion payée qui a été pour cette période de 32 724 exemplaires quotidiens. Cela a représenté un recul de 6,24 % par rapport à la période 2016/2017, elle-même en recul par rapport à la période précédente.

À titre de comparaison, la diffusion payée du Figaro a été pour 2017/2018 de 308 953 exemplaires et celle du Monde de 283 678 exemplaires. Les diffusions payées des Échos, de La Croix et de Libération ont été respectivement de 128 573, 87 883 et 69 636 exemplaires.

Les chiffres de ventes de l’Humanité apparaissent donc comme relativement faibles, mais représentent tout de même quelque-chose de conséquent. Cela est possible grâce à une base liée au PCF tenant absolument à acheter « l’Huma » par tradition, refusant par exemple par principe toute offre de réduction. L’influence politique de l’Humanité est cependant très faible, quasiment nulle.

Son expression ne consiste globalement qu’en un para-syndicalisme vaguement antilibéral, faisant de ce journal bien plus celui de la CGT que du PCF. Sur le plan du style, des valeurs, de la culture, il n’y a absolument rien d’alternatif, de propre à la classe ouvrière, au point qu’une figure réactionnaire comme Natacha Polony a récemment appelé à « sauver l’Huma » sous prétexte de ses pages littéraires.

L’Humanité n’a pas, ou plus, été capable de proposer une expression organique pour le prolétariat, c’est-à-dire d’affirmer en même temps le besoin de civilisation et l’antagonisme vis-à-vis de la bourgeoisie. Cela fait que le journal ne correspond pas du tout à la vie quotidienne des masses, à leur réalité. Il n’a jamais rien été compris aux jeux-vidéos, au sport, à la musique techno ou métal, à la protection animale, au cinéma, à la mode ou encore à internet.

Le journal est surtout passé largement à côté de la marche du monde de ces trente dernières années. Cela fait que l’Humanité n’a jamais vraiment parlé d’écologie, si ce n’est de manière abstraite et très récemment, pour seulement coller à l’air du temps, comme l’a fait également la bourgeoisie (en mieux) dans ses propres journaux comme Le Figaro ou Le Monde.

Si l’Humanité n’a pas encore disparu, c’est qu’il est porté à bout de bras par une somme immense de subventions d’État et des souscriptions régulières. Sur le plan commercial, le titre n’est en fait absolument pas viable, se maintenant dans une illusion totale par rapport à ce qu’il est réellement. La taille de sa rédaction est disproportionnée par rapport à ses ventes et il est connu que les salaires y sont élevés pour la profession, avec quasiment que des gens ayant le statut de cadre.

Alors que le reste de la presse s’est réformé avec l’avènement du numérique, le site internet de l’Humanité est d’une pauvreté affligeante, ayant une existence très faible.

Il y a pourtant avec internet un outil formidable pour faire un quotidien de la classe ouvrière, avec des coûts de production plus faibles, ou en tous cas bien plus faibles qu’avec le papier et ses lourds réseaux de distribution, qui par ailleurs se dégradent.

Cette question d’internet n’est de toutes façons qu’un aspect, car en réalité la presse continue d’exister en grande proportion en France. Les quotidiens régionaux sont encore très lus dans les classes populaires. La diffusion payée de Ouest-France, le plus tiré, est par exemple de 659 681 exemplaires. Si l’on cumule les 53 quotidiens régionaux, cela donne un chiffre immense avec une diffusion totale payée de presque 4 millions d’exemplaires.

Il y a là un potentiel énorme, et la Gauche devrait absolument se soucier d’arracher des milliers de prolétaires de la lecture de ces quotidiens horribles, lisses, faisant des faits-divers leur fonds de commerce et des simplifications leur moyen d’expression. Mais ce n’est pas ici que regarde « l’Huma », préférant organiser une grande soirée parisienne pour bobos à La Bellevilloise le 22 février. Qu’il soit mit en avant en tête d’affiche de cette soirée le peintre d’art contemporain Hervé Di Rosa en dit long sur les aspirations de ses organisateurs. On sait pourtant très bien qu’il n’y a aucun rapport, ni de près ni de loin, entre ce genre d’artiste abstrait et les classes populaires.

Hervé Di Rosa est d’ailleurs très engagé dans le soutien, comme le rapporte le site internet du Parisien :

« Je n’ai jamais eu ma carte, mais j’ai une longue histoire avec ce journal. Mon père était à la CGT à la SNCF. L’une de mes filles est communiste. Quand il y a une crise, je réponds présent, même si moi, je suis catholique. Le PCF est un parti qui a accueilli tellement d’artistes, de Picasso à Fernand Léger. Cette époque est révolue, mais le journal reste très intéressant, avec des points de vue différents qu’on ne lit pas ailleurs, y compris sur l’art. Si ça s’arrêtait, ce serait quand même terrible. »

On peut citer également le soutient de Jean-Jacques Aillagon, ancien ministre de la Culture de Jacques Chirac, qui a présidé le Château de Versailles :

« Même si vous n’êtes pas toujours d’accord avec ce journal, comment imaginer l’humanité sans L’Humanité ? Personne ne peut rester insensible à ce titre créé par Jaurès, toujours de qualité, et que je continue de lire presque chaque jour. Il représente une grande famille de pensée à la gauche de la gauche. Dans le débat politique, il est nécessaire. »

Dis-moi qui te soutient et je te dirai qui tu es, pourrait-on dire. Et manifestement, l’Humanité n’est pas l’organe de presse de la classe ouvrière organisée, de la Gauche historique, de l’alternative au capitalisme.

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Culture

Johnny Hallyday : les éditoriaux élogieux du Figaro et de l’Humanité

Voici l’éditorial du Figaro sur Johnny Hallyday, puis celui de l’Humanité.

humanite.fr

L’éditorial de Patrick Apel-Muller.

Johnny Hallyday. À cœur perdu

Johnny n’aura pas eu la mort violente et inattendue de James Dean, celle dont il disait rêver. Les mots de Jack London auraient pu l’accompagner : « J’aime mieux être un météore superbe plutôt qu’une planète endormie. La fonction de l’homme est de vivre, non d’exister. Je ne gâcherai pas mes jours à tenter de prolonger ma vie. Je veux brûler tout mon temps. »

L’angoisse de mourir et la peur de perdre ont accompagné ses flamboiements et sculpté un destin que les Français ont aimé, parce que dans ce pays on aime aussi les chutes et les douleurs, les rédemptions et le panache, le dur désir de durer et le sens du rebond. L’amour toujours, l’élan animal, la faiblesse avouée, les peines revendiquées…

Sa musique a changé, mais pas nos frissons. Il a posé ses braises au long du chemin de toutes les générations et elles scintillent encore, témoins d’une perte ressentie presque unanimement.

Bien sûr, il eut ses conformismes – notamment politiques –, ses écarts fiscaux, les commandes que commandaient ses dettes. Mais même quand la France répétait « ah que » derrière les Guignols de l’info, la moquerie signait le statut de monument national, de chronologie musicale de nos vies.

Avec lui, nous aurons dansé le rock et le twist, goûté les slows et la romance, réconcilié le blues et la chanson française. Nous nous serons sentis biker, yé-yé, hippie, bidasse, flambeur magnifique ou amoureux lumineux, puis solitaire et trahi.

Ses contradictions dessinent une carte en forme d’Hexagone. Il chanta Chirac, aima Sarkozy, puis en perdit le goût, mais il versa des cachets pour soutenir le mouvement des sidérurgistes lorrains en 1979 et fit de ses passages à la Fête de l’Humanité des monuments. Parce que là était le peuple, les gens qu’il aimait et dont il se sentait.

Tout cela restera. Sa jeunesse insolente et les rides des épreuves, la voix qui arrache ou qui caresse, la mort trompée et gagnante au bout du compte.

Sa fin, il l’a aussi donnée au public, chantant au-delà des maux, marquant jusqu’à son dernier souffle qu’il était avec nous. Les agacements n’y changeront rien. Il a joliment « brûlé tout son temps ».