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Vie quotidienne

Les fast-foods ont entièrement conquis la France

Le succès de McDonald’s a accompagné la généralisation de l’industrie de la viande. McDonald’s est une entreprise qui a des milliards de dettes, et qui peut se le permettre, car elle achète des locaux. Ceux-ci sont loués pour une somme élevée à des franchisés vendant des burgers. McDonald’s est ainsi une entreprise immobilière qui a accompagné la disponibilité de la viande.

Le capitalisme des fast-foods des années 1989-2021 est relativement différent, car il procède lui d’un petit capitalisme profitant de l’expansion massive de l’industrie de la viande. En vingt ans, le nombre de fast-food est passé de 13 000 à 52 500 en France.

Ce qui souligne bien l’expansion du capitalisme dans ce domaine, c’est que ce ne sont pas simplement les très grandes villes qui sont visées. On n’est pas dans une consommation conviviale superflue, allant avec un style de vie urbain. On est dans la vie quotidienne, dans le 24 heures sur 24 du capitalisme.

Prenons Dole dans le Jura. On y trouve 27 fast-foods. La plupart des Français ne savent pas où est Dole. Pareil pour Blagnac, avec 28 fast-foods, Givors avec 26. Et si on touche à des villes plus connues, mais de dimension très restreinte, on a 53 fast-foods à Tarbes, 63 à Valenciennes, 45 à Bourg-en-Bresse, 43 à Melun, 56 à Narbonne.

Et que dire pour les 175 fast-foods à Saint-Étienne, les 236 à Lille, les 178 à Grenoble, les 136 à Perpignan, les 122 à Nancy, les 138 à Rouen ?

Rouen, c’est… 110 000 habitants. On y trouve 147 médecins généralistes libéraux. Il y a à Rouen autant de médecins que de fast-foods. Rien qu’avec cela, vous avez un constat de débâcle civilisationnel.

Conformément au style de cette débâcle, les fast-foods se divisent en trois tiers.

Le premier consiste en les vendeurs de burgers ; grosso modo, plus il y a des fast-foods, plus la part des burgers est grande en proportion, mais ce n’est pas une règle absolue. On est ici dans la malbouffe rassurante, conventionnelle, d’orientation familiale.

Un autre tiers tient les vendeurs des kebabs. On est ici dans le pseudo exotisme et parfois le vrai communautaire, avec en vue un empiffrage à visée amicale.

Le dernier, ce sont les vendeurs de tacos, avec à l’arrière-plan le « French tacos », qui n’est pas du tout un tacos mexicain d’ailleurs. On parle ici d’une bombe calorique (trois fois un burger!), une sorte de monstre de Frankenstein de la malbouffe mêlant le wrap, le kebab, le panini, le burrito, avec des variantes allant jusqu’à 800 grammes, pleines de matières grasses, acides gras saturés, sucre, sel…

Pas étonnant que la chaîne O’Tacos ne diffuse aucune information nutritionnelle ; on parle ici d’un monstre capitaliste, avec pratiquement 300 restaurants, dont toutes les viandes sont halal, contrairement au KFC par exemple. C’est un point important, car les fast-foods visent toujours un public bien délimité, à part McDonald’s qui vise tout le monde (« venez comme vous êtes »).

Les fast-foods jouent une fonction sociale, ils sont en un certain sens parallèle aux réseaux sociaux. Les lieux de socialisation ont toujours existé bien sûr, tel le fameux café français, avec son comptoir en zinc. Mais les fast-foods sont un lieu de passage, de refuge, où les gens ont les mêmes attitudes individualistes et de repli sur soi qu’avec les réseaux sociaux.

C’est le même esprit turbocapitaliste de pseudo-convivialité, ici bien entendu sur le dos en particulier des animaux car les prix des fast-foods reposent ni plus ni moins que sur la tyrannie industrielle pratiquée sur les animaux d’élevage.

Il est évident qu’aucun changement n’aura lieu en France tant que l’idéologie des fast-foods ne sera pas brisée, et ce tant pour les burgers, les French tacos que les kebabs. En un sens, on peut dire que le panorama politique tient aux partisans des burgers (les pro-Américains), des French tacos (les nationalistes), des kebabs (les « post-modernes »). Qu’ils aillent tous au diable !

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Société

Malbouffe : l’agrobusiness joue la carte du terroir

Les intérêts de l’agrobusiness français s’insurgent contre la généralisation du nutri-score.

Yuka sur téléphone portable est un véritable phénomène de masse : on compte 25 millions d’utilisateurs de cette application qui permet de scanner chaque produit alimentaire afin d’en connaitre un score établi sur la base de sa composition.

Témoin d’une véritable propension des gens à s’informer sur l’alimentation qui, on le sait, est dans les mains de grandes firmes industrielles qui jouent avec la santé des gens, l’application Yuka n’est pas la seule puisqu’il y a aussi le fameux nutri-score, directement imprimée sur les emballages alimentaires depuis 2016.

Allant de A à E, ce score se penche sur la qualité nutritionnelle de chaque aliment, en se basant sur l’analyse des apports caloriques, la teneur en sucre, en graisses saturées et en sel, et non pas donc les additifs. Ce nutri-score fait suite à une pression populaire quant à la connaissance de la composition réelle des aliments consommés.

Or, voilà, le nutri-score va devenir obligatoire à l’horizon 2022 pour tous les produits pré-emballés. Et là, le concept de « malbouffe » prend un tout autre relief.

Un hamburger de l’infâme Mac Donald n’est pas pire qu’une raclette savoyarde traditionnelle. Leur teneur très élevée en graisses saturées, en sel et leur forte charge glycémique, génère des conséquences terribles à moyen long terme en termes de maladies cardiovasculaires. C’est d’ailleurs pour cela qu’est en train de se constituer une vaste coalition des fromagers français autour de la défense des aliments du terroir.

Ce lundi 11 octobre avait par exemple lieu une conférence de presse de la Confédération générale des producteurs de lait de brebis et des industriels de Roquefort (CGPLBIR) à Millau pour protester contre l’obligation du nutri-score. Et en effet, le fromage roquefort va être classé en catégorie E, soit la pire des classements car il est trop gras et trop salé.

Derrière le coup de communication à base de mot clef #roquefortsansnutriscore, c’est surtout l’agrobusiness français qui s’insurge au nom du terroir contre l’aspiration démocratique à connaître la qualité des aliments.

Car derrière l’image « terroir » du roquefort, il y a surtout Lactalis, le monopole du lait en France, qui domine sa production. Lactalis, c’est le premier acteur laitier dans le monde. Derrière la contestation portée par « le roquefort », c’est donc bien toute la filière laitière française qui est en alerte.

Pour masquer la réalité, l’agrobusiness se réclame de différentes appellations, comme les AOP, les AOC, et le roquefort est le fromage fer de lance, détenant une aura nationale, voir étant carrément un dispositif culturel du « terroir » français, pour battre en brèche l’exigence nutritionnelle.

On remarque ici d’ailleurs le soutien avéré de Carole Delga, présidente PS de la région Occitanie, aux revendications de Lactalis à exempter les appellations régionales du nutri-score en 2022. Au lieu de participer à l’élévation de la conscience populaire, Carole Delga se fait ici la porte-parole des grandes entreprises agroalimentaires les plus néfastes.

Ces attaques vont dans le même sens que celles du printemps 2021 lancées par la Fédération française des industriels charcutiers traiteurs (FICT) contre l’application Yuka pour « dénigrement » et « pratiques commerciales déloyales trompeuses » à propos de son classement les conservateurs nitrite et nitrate, en « cancérogènes probables », à l’instar de l’OMS.

Ce qui apparait au grand jour dans cette histoire, c’est que malgré les appellations « terroir », les AOP et autres AOC, n’échappent pas à la règle de la « malbouffe ». Le mythe est ainsi mis à nu et l’objectif de notre époque se doit maintenant de reconstruire une alimentation véritablement saine, et soutenable écologiquement.

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Culture

Le goût du Kebab, c’est la marinade

Et seulement la marinade.

L’anecdote racontée par Le Parisien est la suivante : deux membres de l’équipe du « Meilleur kebab de Paris » ont ouvert un kebab juste à côté, « Les frères des Batignolles », provoquant naturellement un procès dans la foulée pour concurrence déloyale. L’histoire fait du bruit, car le premier kebab connaissait un très grand succès, avec jusqu’à trois-quart d’heure de queue. Le cuisinier explique cela ainsi :

« Un kebab, on y retourne pour le goût. Et le goût, c’est moi. J’ai inventé notre marinade au gramme près. »

Et il a raison, car contrairement à ce que pensent les gens le plus souvent, ce n’est pas du tout la viande qui donne le goût au kebab, mais la marinade. La viande du kebab, en fait du Döner kebab, n’a en effet aucun goût, et pour cause : c’est un produit de l’industrialisation systématisée de l’alimentation d’origine animale. C’est ce qu’on appelle la « malbouffe », un terme inapproprié ou plutôt insuffisant puisqu’il ne prend pas en compte la question animale.

Ce qui s’est déroule est assez simple. Historiquement, les viandes grillées et assaisonnées ont été utilisées dans ce qui relève, pour schématiser, de la Perse et de l’empire ottoman. Au 19e siècle, dans la ville de Bursa en Turquie actuelle, un cuisinier met en place un rôtissoire vertical, en enlevant les os et les nerfs, coupant des tranches longues.

Puis au 20e siècle, l’idée est récupérée et modifiée. Le principe est de récupérer tous les restes de viande de l’agro-industrie, les morceaux les moins chers possibles, souvent invendables. Comme l’agro-industrie commence à employer de manière toujours plus massive les animaux, ces morceaux sont de plus en plus nombreux et forment le cœur même du bénéfice des commerçants de kebabs, toujours plus nombreux.

Ces morceaux, de viandes issues d’animaux différents, sont découpés et pétris jusqu’à former un grand ensemble. Et c’est là que le marinade intervient. Ces morceaux de viande rassemblés dans un tas informe sont en effet horribles à tous les niveaux : de par ce qu’elles induisent dans le rapport aux animaux, sur le plan de la santé, du point de vue nutritif… Mais pour les commerçants c’est un moyen de rembourrer le consommateur et pour faire passer cela, ils font longuement tremper la viande dans la marinade.

D’où les tranches fines des kebabs. On ne mange pas de la viande, mais de la viande assaisonnée, l’assaisonnement donnant le goût, la viande n’étant que là pour étouffer l’estomac.

En quoi consiste la marinade ? Voici un exemple tiré d’un site de recettes :

2 cuillères à soupe de paprika, 1 cuillère à soupe d’ail moulu, 1 cuillère à soupe de sel (ou moins selon les goûts), 1 cuillère à soupe de poivre (ou moins selon les goûts), 1 cuillère à soupe de gingembre, 1 cuillère à soupe d’herbes de Provence, 2 cuillère à soupe de curry, ajouter une cuillère à soupe de vinaigre de vin et deux trois cuillères à soupe d’huile d’olive.

Un article sur Slate propose la marinade suivante :

Jus de 2 oignons, 1 gousse d’ail, du jus de citron, 1 cuillère à café de thym[1], une pincée de piment, sel, poivre, une cuillère à soupe d’huile d’olive, une cuillère à soupe de lait. 500 g de yaourt à la grecque.

Il va de soi que les commerçants utilisent des quantités bien plus nombreuses à quoi s’ajoutent des additifs alimentaires pour conserver la viande. En fait les commerçants ne préparent pas cela non plus, ils se la procurent auprès de producteurs industriels (il y en a 600 en Allemagne, pays où l’on trouve 16 000 commerces de kebabs). On est ici au même niveau que McDonalds et les petits commerçants de kebabs en sont un équivalent à petite échelle.

Et ce qui est marquant, c’est qu’il n’y a jusqu’à présent aucune critique du kebab, au contraire même : le kebab serait populaire, artisanal, authentique, accessible. C’est là une terrible escroquerie. Les kebabs sont le simple produit d’une industrie utilisant massivement les animaux et dont les restes sont bricolés pour être vendus à un public se nourrissant sur le tas et cherchant un sentiment de satiété.

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Société

Non, Benoît Hamon, le kebab n’est certainement pas un apport culturel

Voulant combattre le racisme à Béziers, Benoît Hamon a mangé un kebab et l’a revendiqué. Cela représente pourtant le degré le plus haut de souffrance animale, d’exploitation des travailleurs, d’alimentation anti-diététique, de produit ultra vite fait et ultra mal fait mais appétant, de petit commerce agressif et prêt à tout.

Benoît Hamon est, parmi toutes les figures actuelles de la Gauche, sans doute celle qui est la plus ouverte à l’esprit alternatif sur le plan du mode de vie. Il a très certainement de la sympathie pour l’esprit authentique des rastas, du respect pour les vegans, un intérêt pour les hippies, et si on lui parle du skate punk californien, il dira très certainement que c’est fort intéressant et nettement positif. Malheureusement, cela reste indéniablement extérieur à lui. Et de nos jours, le capitalisme est tellement puissant qu’on ne peut pas être alternatif à moitié.

Ainsi, Benoît Hamon a succombé à son manque de rigueur, à son formatage bourgeois. Cela part d’un bon sentiment, il est vrai : il est à Béziers, une ville dont le maire Robert Ménard joue sur la corde identitaire et nationaliste autant qu’il peut, dans une région fortement marquée par un racisme revendiqué. Il est également accompagné de Naïma Charaï, élue bordelaise à qui Robert Ménard intente un procès en diffamation.

Elle avait dit dans la presse l’an passé que celui-ci a été condamné pour incitation à la haine raciale. Le jugement avait en fait été réformé en appel (et non « cassé » comme le dit Benoît Hamon, qui confond avec un pourvoi en cassation). Dans ce cas, l’arrêt rendu par la cours d’appel rend caduque le jugement initial – c’est comme s’il n’avait jamais existé, puisqu’il est considéré que l’affaire a été mal jugée. Au sens strict, Naïma Charaï ne peut donc pas dire que Robert Ménard a été condamné pour incitation à la haine raciale.

Tout cela pour dire que, donc, jeudi 16 mai 2019, Benoît Hamon s’est filmé en train de manger un kebab, envoyant une « dédicace » à Robert Ménard, Marine Le Pen et Jordan Bardella. La publication a même été « épinglée » sur son compte Twitter de manière à ce qu’elle reste visible un long moment, dans le but d’en faire une actualité politique anti-raciste. Peut-on être pourtant plus incohérent ?

Il est invraisemblable qu’en 2019, il y ait des gens à Gauche pour valoriser le kebab. Pourquoi le kebab est-il si peu cher ? Parce que les animaux qui ont servi pour la viande ont connu le pire des enfers, dans le cadre d’un capitalisme ultra-agressif. Il ne s’agit pas seulement d’animaux par définition dans les abattoirs, il s’agit d’animaux connaissant le pire des abattoirs, car il s’agit ici de fournir la viande la moins chère de toutes. Les gens qui ont servi dans les abattoirs et pour les livraisons font partie des prolétaires les plus pressurisés, les plus exploités, en plus du caractère démolisseur psychologiquement de leur travail pour les premiers.

 

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Spéciale dédicace à Robert Menard, @marine_lepen, @jordanbardella, en direct du meilleur kebab de #Beziers 📸 @teofaure

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Le kebab est également ultra appétant, à coups de sauces grasses mélangées aux viandes, à la fois pour masquer le goût ignoble (les viandes étant les pires restes des secteurs déjà les plus agressifs de cette industrie) et pour contribuer à l’empiffrage, qui est le principal « plaisir » du kebab, comme pour la pizza, le hamburger ou le tacos. C’est le principe de la malbouffe et cela a un succès gigantesque dans notre pays.

C’est donc une catastrophe. Et il est tout aussi catastrophique de parler du couscous en le plaçant au même degré que le kebab, comme le fait Benoît Hamon par anti-racisme. Le kebab est une invention très récente, faite par des commerçants turcs à Berlin. Sa nature est industrielle, commerciale, un équivalent du hamburger ou du hot-dog.

Le couscous est quant à lui un plat relevant de la culture populaire, avec un profond équilibre nutritif, une recherche gustative au moyen d’une grande finesse dans le choix des éléments. Ce n’est pas une accumulation des pires viandes mélangée à de la sauce, coupée en petits morceaux et mélangés avec le fameux triptyque salade – tomates – oignons, dans un pain dont rien que la digestion coûte plus d’énergie au corps qu’il n’en apporte, avec des frites surgelées !

Si on conclut en plus en disant que les kebabs sont des repères patriarcaux, on aura tout dit. Benoît Hamon aurait dû comprendre le piège tendu par Robert Ménard qui ne cesse de dénoncer les kebabs depuis plusieurs années. Il aurait dû comprendre qu’il l’a fait pour se donner une image anticapitaliste romantique auprès des masses, qui ne sont pas dupes de ce que représente le kebab. Quant aux jeunes qui vont au kebab (surtout des jeunes hommes), ils le font passivement et s’en moqueront que Benoît Hamon le fasse également.

Les gens qui prennent des kebabs sont autant passifs que ceux qui vont au McDonald’s, et sont d’ailleurs souvent les mêmes. Quand on est à Gauche, on le voit bien et on comprend qu’il y a un problème. Benoît Hamon ferait mieux d’aller chercher l’adolescente qui se met à l’écart de ces lieux de commerce où règne l’attitude beauf par rapport au monde tel qu’il est, et qui bataille contre ses parents pour pouvoir assumer son véganisme. S’il y a quelque part de la dignité, l’avenir de la Gauche et même du monde, c’est bien là, et pas dans un kebab.