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Loi de programmation militaire : la NUPES veut plus d’armement

La NUPES, force de proposition du militarisme français.

L’examen de la loi de programmation militaire (LPM) pour la période 2024-2030 avance à grand pas. Avec un budget prévu de 413 milliards d’euros, soit le double par rapport à la LPM de 2019-2025, elle traduit l’accélération de la militarisation de la France.

Actuellement, c’est la commission de défense nationale et des forces armées qui se penche sur l’écriture de la loi. Les députés y font des propositions à travers des amendements qui sont ensuite adoptés ou non et formeront l’ossature générale de la LPM qui devrait normalement être soumis aux débats et au vote du parlement dans le courant de l’été.

Remarquons, hélas encore une fois, qu’on ne trouve que sur agauche.org un suivi sérieux de l’évolution de cette loi, pourtant capitale dans la période actuelle marquée par la tendance à la guerre mondiale de repartage et dont le projet de LPM est l’illustration.

Et s’il faut la suivre, c’est également parce qu’elle en dit long sur la situation politique du pays où n’existe aucune contestation de cette tendance à la militarisation.

On ne sera nullement étonné du soutien des députés de la majorité, ni que les députés RN jouent la surenchère quant à l’augmentation des matériels interarmées (les dites « cibles d’acquisition »), à leur goût sous-évalués dans l’actuelle projet de LPM.

Le RN joue d’ailleurs son rôle de fervent nationaliste en appelant à la fin des programmes européens, tel que le SCAF (système de combat aérien du futur) ou le MGCS (« main ground combat system ») qui sont deux systèmes d’armement qui se veulent ultra-connectés et développés en coopération européenne. Mais c’est là une position de principe qui n’a aucun sens dans la réalité par le simple fait que ces armements exigent des investissements colossaux ainsi qu’une très haute technologie, donc des techniques et savoir-faire qui n’existent plus dans un capitalisme français largué par la crise générale.

Mais lorsqu’on regarde les amendements des différentes députés « de gauche » qui siègent à la commission de défense, c’est la catastrophe. On a des gens qui assument clairement de vivre dans une grande puissance capitaliste et appellent à plus d’armements pour la défendre au détriment de la solidarité internationale entre les peuples.

Le groupe LFI, mené par Bastien Lachaud, propose ainsi de remplacer le terme « puissance d’équilibres » par le singulier « équilibre », actant en soi le mythe, très chauvin d’ailleurs, d’une France au-dessus des rivalités mondiales, jouant en faveur des « lumières » et de la « civilisation ». Une mentalité qui est pourtant détesté dans les restes de la Françafrique…

Mais au-delà de ce terme, il y a des faits bien plus concrets. Les députés LFI demandent ainsi, tout comme le RN, trois satellites de surveillance au lieu des 2 actuels prévus par la LPM. De même, il est proposé de se doter de 50 avions de ravitaillement A400 M au lieu des 35 prévus. Enfin, le budget de la LPM doit se déployer selon une élévation par marche annuelle de 3 milliards d’euros entre 2024 et 2027. La France insoumise demande quant à elle une accélération plus rapide dès 2024, avec 4,3 milliards jusqu’en 2026, puis 3 milliards par an jusqu’en 2030.

On a également le groupe PS qui demande de faire passer les frégates de défense et d’intervention (FDI) de 3 actuellement à 5, tout comme les frégates de premier rang qu’il exige de faire passer de 15 à 18. Enfin, si la LPM prévoit de rénover 160 chars Leclerc, le Parti Socialiste en propose 200.

Bref, les forces parlementaires représentatives de la « Gauche » acceptent d’accompagner le capitalisme français dans sa marche au militarisme. Au lieu d’un accompagnement, c’est en fait bien pire. Plus qu’une union sacrée, on a une force de proposition interne pour renforcer la puissance militaire française.

Une perspective qui en dit long sur l’opportunisme des ces gens, notamment lorsqu’on la met en rapport avec toute l’agitation dernière autour de la réforme des retraites : il faut sauver la bourgeoisie française pour continuer à « partager les richesses » spoliées sur le reste du (tiers)monde. Et la France doit rester une grande puissance pour conserver son influence sur les zones dominées du globe, pour rester dans le jeu de la compétition économique mondiale, pour endiguer son déclassement…

Mais évidemment, la réalité n’est pas à la mégalomanie française et ses vaines prétentions de puissance, toute minée qu’elle est par la période historique de déclin de l’Occident.

A ce tire, les propos de Jean-Louis Thiériot, député LR et vice-président de la commission défense, sont révélateurs :

On aimerait tous avoir des dizaines de Rafale, de frégates ou de blindés supplémentaires, mais on ne peut pas faire grimper les cibles d’acquisitions sans remettre en question l’ensemble de l’édifice, et l’endettement de la France nous prive de marges de manœuvre.

La France capitaliste sombre dans le déclin de l’Occident, et les forces de proposition « de gauche » pour en freiner le processus sont de fait ringardisées par la marche de l’Histoire.

En phase avec cette réalité, le rôle de la Gauche doit être d’accompagner, non pas le sursaut de défense de la puissance française, mais son affaiblissement pour bâtir dans cet interstice historique une rupture révolutionnaire et faire triompher de nouvelles valeurs pacifistes, internationalistes ; pour une France socialiste !

Non à la restructuration du capitalisme français par la guerre ! Entravez les plans du militarisme français !

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Politique

La « pomme rouge » et la propagande de guerre turque

Le bourrage de crâne mystico-eschatologique du régime turc emporte la Turquie vers l’Apocalypse.

En campagne pour les élections de novembre 2023, le président de la République de Turquie, Reccep Tayyib Erdoğan, a prononcé ce weekend devant une foule de plusieurs milliers de ses partisans à Konya. C’était un discours très offensif, exposant de manière très ouverte l’expansionnisme du capitalisme turc, de nature bureaucratique, qu’il incarne avec son parti, l’AKP. On traduit habituellement le nom de ce parti par « Parti de la Justice et du Développement », mais il y a aussi un jeu de mot à saisir, dans le sens où Ak signifie aussi « blanc » ou « pur », c’est-à-dire non corrompu, en langue turque.

Konya est une ville du centre de la Turquie, au cœur du dispositif politique de l’AKP dont elle est un bastion électoral, mais aussi une vitrine. La ville est en effet dirigée par l’AKP depuis le début de l’expansion de ce parti, elle a bénéficié d’investissements massifs pour la moderniser, en terme d’équipements urbains et de réseaux de transports. Par exemple, la ville a accueilli les Jeux panislamiques, rassemblant des sportifs de plus de 50 États, en août dernier et s’apprête à prendre la présidence à l’international de la CGLU, héritière de « l’Internationale des municipalités », fondée à Gand en Belgique en 1913.

Cette organisation d’orientation disons libérale-démocratique, très peu connue en France, participe de la propagande du régime turc à la promotion de ce qu’il appelle le « municipalisme islamique », qui est un des piliers de son idéologie nationale-conservatrice à dimension moderne.

Plus profondément encore, Konya occupe une place spéciale dans le folklore turco-islamique mis en place par l’État turc depuis le régime de Mustafa Kemal Atatürk, entre 1923 et 1938. Sous ce rapport, la ville est censée incarner la spécificité turque de l’islam anatolien, à travers la confrérie des « derviches tourneurs », relativement connue en France, et de la figure de Rumi, penseur islamique relativement syncrétique du Moyen Âge turc, surnommé en turc Mevlana, le maître à penser, le guide.

Mais Konya fut aussi la capitale du sultanat seljukide des Romains, fondé entre la victoire turque sur l’Empire byzantin à Mantzikert en 1071, et la conquête de l’Asie mineure par l’Ilkhanat turco-mongol de Perse au XIIIe siècle. Dans la propagande du régime turc actuel, ce sultanat est tenu pour le fondateur de l’État turc en Anatolie, sorte d’ancêtre de l’Empire ottoman et de la République de Turquie si on peut dire. D’ailleurs, la plus haute tour de la ville porte justement le nom de « Seljuk Tower », dominant de ses 163 mètres de haut un centre commercial, ce qui en somme veut absolument tout dire.

C’est donc dans ce cadre que Reccep Tayyib Erdoğan a chauffé à blanc ses partisans, n’hésitant pas à cibler ses adversaires politiques du CHP, le parti Républicain tenu pour incarner une sorte d’opposition de « gauche » aux islamistes nationaux-conservateurs de l’AKP, en les traitant ouvertement de traîtres à la patrie, de valets de l’Otan et de 5e colonne pro-PKK, alors même que l’armée turque est engagée justement dans une opération de bombardement des bases des combattants kurdes de Syrie, les YPG, alliés au PKK et considérés comme responsables de l’attentat qui a frappé Istanbul au début du mois de novembre.

Mais de manière plus significative, Reccep Tayyib Erdoğan a exposé de manière claire et ramassée l’idéologie expansionniste de son régime qu’il entend mettre en œuvre, dont voici les principaux points :

  • D’une manière générale, selon sa perspective, l’époque qui vient sera le « siècle de la Turquie » (Türkiye Yüzyılı), qui entend se tailler sa place dans le repartage du monde.
  • Cette expansion doit s’effectuer sur la base d’une politique industrielle et commerciale agressive que Reccep Tayyib Erdoğan définit par la formule : croissance par l’investissement, l’emploi, la production, les exportations, l’excédent du compte courant (yatırım, istihdam, üretim, ihracat, cari fazla yoluyla büyüme). Reccep Tayyib Erdoğan s’affirme ici absolument déterminé à poursuivre coûte que coûte cette expansion en poursuivant d’injecter encore plus de crédit et de liquidité dans l’économie turque malgré une inflation des prix ces derniers mois.
  • Cette expansion doit se manifester par la réalisation de grands travaux d’équipement, comme le monstrueux projet du Kanal Istanbul par exemple, devant relier la mer Noire à la mer méditerranée pour augmenter le trafic maritime. L’objectif est de moderniser la Turquie et la doter d’infrastructures en mesure d’en faire une puissance capitaliste complète.
  • Cette expansion doit aussi se manifester par une politique industrielle restructurant profondément l’appareil de production turc, afin de faire émerger des monopoles en mesure de s’élancer à la conquête des marchés émergents, et même de l’Europe, comme le sont par exemple Beko pour l’électroménager et comme est censé le devenir TOGG (pour « Cartel des industries automobiles de Turquie, Türkiye’nin Otomobili Girişim Grubu), présenté comme la première marque nationale automobile de Turquie, devant conquérir le marché de la voiture électrique en Europe.
  • Mais le fleuron principal de cette expansion telle que l’a présentée Reccep Tayyib Erdoğan est le secteur de la défense, devenu ainsi qu’il l’a souligné, national et indépendant à 80%, et désormais exportateur. Reccep Tayyib Erdoğan a très largement souligné le lien entre le développement de cette industrie, la croissance turque et l’expansion nationale de la Turquie, comme « puissance de l’islam », devant galvaniser les masses, les « 85 millions de turcs » que Reccep Tayyib Erdoğan veut élancer vers le futur qu’il imagine dans le cadre de l’expansion capitaliste bureaucratique turc, en faisant de la Turquie une puissance indépendante du capitalisme mondialisé, et en saisissant l’opportunité de la crise pour prendre agressivement le plus de poids possible.

Et pour que cette dernière idée soit la plus claire possible, il a martelé du début à la fin de son discours la force que donne à l’expansion militariste de la Turquie un des fleurons de son appareil militaro-industriel : les drones de la firme Baykar, fondée par un de ses soutiens industriels Ôzdemir Bayraktar.

Il a notamment mis en avant le nouveau modèle, le drone KIZILELMA, qui est en fait un avion de combat sans pilote, à la puissance de feu supérieure à tous les modèles précédents.

Cet appareil a été annoncé une première fois lors de la fête islamique du Sacrifice en 2021, pour une mise en service en 2023, après donc les élections et au moment surtout où la Turquie s’apprêtera à fêter le centenaire de la fondation de la République, dont Reccep Tayyib Erdoğan entend faire le point de départ de la refondation d’une nouvelle puissance turque, dans une perspective romantico-eschatologique.

D’où le nom de ce drone, dont le président turc a répété le nom et souligné le sens mystique : Kizil Elma signifie en effet « pomme rouge » en turc, et cela est devenu un symbole ultra-nationaliste très connu en Turquie, car il recycle une vieille légende turco-islamique, où les forces militaires turques sont censés faire la conquête de la « pomme rouge », qui était le surnom de Constantinople, en ce qu’il s’y trouvait, devant l’immense basilique Sainte-Sophie, devenue aujourd’hui la mosqueée Aya Sofya, une statue équestre de l’empereur romain Justinien tenant une pomme d’or, devenu rouge avec la patine du temps, et annonçant la future conquête du monde.

Saisissant cette pomme rouge, en abattant cette statue après la prise de Constantinople en 1453, le symbole est resté comme devant annoncer la chute des autres « pomme rouge » en Occident, Vienne et Rome.

L’imaginaire semi-féodal des nationalistes turcs modernes a fait de ce symbole une métaphore de l’expansionnisme agressif de la Turquie, comme devant s’imposer au monde pour accomplir la domination islamique dont la Turquie est le meilleur agent, en ciblant de manière oblique l’Occident, tout en ne le ciblant en fait pas formellement.

De fait le régime turc piège implacablement la Turquie dans les insurmontables contradictions qui la tiraillent historiquement depuis l’effondrement tragique de l’Empire ottoman et son entrée dans le mode de production capitaliste.

Prise dans les griffes de son propre chauvinisme, exprimé par son appareil militaro-industriel porté par la crise ouverte en 2020 qui semble lui laisser un espace, la Turquie est à un tournant de son Histoire. Son régime national-conservateur l’élance d’un pas ferme et décidé dans l’Apocalypse.

En face, la France et la Grèce sont prêts à l’affronter, eux-mêmes portés par la bataille pour le repartage du monde.

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Guerre

« Le militarisme » par Frans Fischer (1902)

Extrait d’une brochure anti-militariste écrite par le militant socialiste belge Frans Fischer en 1902.

La raison capitaliste  

A vrai dire, l’hypocrite et monstrueuse mégalomanie des rois et autres pasteurs des peuples ne suffirait pas à justifier l’existence d’armées permanentes, alors que ces peuples eux-mêmes demandent ardemment la paix.  

Le militarisme est un mal nécessaire à l’existence même du régime capitaliste. C’est grâce à lui, grâce à sa force, que des hommes qui ne se laisseraient pas dépouiller impunément, sont frustrés des richesses qu’ils ont créées et dont ils sont les maîtres légitimes.  

Si l’on voulait, en les dégageant des mensonges voulus de l’histoire, rechercher les causes de toutes les guerres qui ont ensanglanté l’humanité, on devrait bien vite reconnaître que toujours ces causes furent économiques et que les luttes visaient la conquête de richesses par la force. A plus forte raison, dans une société basée sur la libre concurrence, où les plus grands et les plus puissants doivent nécessairement écraser les plus petits et les plus faibles, la guerre et son expression immédiate, le militarisme doivent inévitablement perdurer.  

Sans doute, lorsqu’on envisage la politique internationale moderne, on peut affirmer que les guerres entre peuples civilisés d’un même continent deviennent de moins en moins fréquentes. C’est la conséquence du régime de la paix armée qui a contraint toutes les nations à augmenter leurs charges militaires, à s’armer jusqu’aux dents et à créer, par des alliances, ce qu’on appelle notamment l’équilibre européen. C’est la paix du chat et du chien qui s’épient et se gardent bien de commencer l’attaque, parce qu’ils savent réciproquement que le chat possède des griffes et que le chien a ses crocs.  

Mais du moment où l’on croit l’adversaire inférieur en force, où l’on est certain de l’indifférente inaction des autres puissances, la guerre est bien vite déchaînée. Qu’un pays réputé inférieur ait le malheur de recéler des richesses, et l’on verra d’autres nations, sous le mensonger prétexté de civilisation et d’expansion coloniale, se ruer sur ce malheureux peuple et, par le fer et le feu, lui dérober ses biens et sa liberté.  

Aussi l’on comprend que tous les « glorieux faits d’armes « des guerriers de nos jours constituent en réalité des brigandages d’individus munis d’armes perfectionnées contre des pauvres gens sachant à peine se défendre ; le pillage du Palais d’Eté, les exactions des Français au Tonkin et à Madagascar, les exploits de nos coupeurs de mains au Congo, des civilisateurs hollandais à Atjeh, et des bourreaux anglais au Transvaal, tout cela révèle la même cruauté, la même lâcheté et la même cupidité des capitalistes. Humanité, Justice, défense des petits et des opprimés sont autant de mots qui disparaissent lorsqu’on invoque la nécessité de conquérir la richesse sans travailler.  

Conquérir et conserver la richesse, car les armées ont un double rôle. 

[…] 

Dans la société capitaliste, cette paix universelle ne saurait être qu’une utopie, puisque le régime tout entier procède de la lutte et de l’écrasement des faibles par la force. C’est en supprimant les causes fondamentales de la guerre et du militarisme, les antagonismes économiques, que l’on fera disparaître à jamais ces deux maux.  

Le Socialisme a pour mission de détruire les causes de lutte et de souffrance ; en établissant la justice sociale, en restituant aux travailleurs la part de richesse et de liberté qui leur revient légitimement, en proclamant la solidarité internationale de tout ce qui travaille, pense et crée, il fera définitivement la paix entre les hommes.  

Et d’un grand geste libérateur, il appellera l’humanité à consacrer, à donner tout son merveilleux effort, non plus aux œuvres de haine et de destruction, mais à l’amélioration, à l’épanouissement, à la glorification de la vie.  

Qui veut combattre la guerre, doit lutter contre le militarisme et aider au renversement du capitalisme.

Qui veut la paix doit rechercher la justice toute entière dans le Socialisme. 

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Guerre

L’exercice SERRAT 2022 en Ardèche, une préparation à la guerre psychologique

L’armée française teste sa propagande politico-militaire sur la population civile.

La guerre n’est pas qu’une question de rapport de forces militaire entre différentes puissances qui s’affrontent, le domaine de l’information est d’une importance cruciale et impliquer les populations derrière les intérêts militaires de telle ou telle puissance est essentiel pour préparer une intervention ou pour tenir dans la durée.

Il est impossible de faire la guerre sans le soutien de larges pans de la société civile qui composent « l’arrière ». On peut même carrément affirmer que les deux précédentes guerres mondiales ont démontré que la qualité des arrières était l’aspect central dans le succès militaire, du fait de l’inéluctable guerre d’usure qui s’impose lorsque le conflit s’ancre dans la durée.

En France, le vaste dispositif militaire compte en son sein un organisme dédié spécialement à cette tâche, rattaché directement au renseignement militaire. En plus d’être spécialisé dans les actions armées en relation avec les civils, le Centre interarmées d’action sur l’environnement (CIAE) est aussi spécialisé dans les opérations psychologiques.

Basée à Lyon, cette unité de 200 militaires (plus 100 réservistes) regroupe depuis le 1er juillet 2012 la Coopération Civilo-Militaire (CIMIC) et les Opérations Psychologiques ou Opérations Militaires d’Influences (OMI).

Elle est chargée de réfléchir à l’organisation de la propagande militaire dans les zones de conflit avec comme horizon l’idée émise par l’ex-chef d’état-major des armées Pierre de Villiers comme quoi « gagner la guerre ne suffit pas, il faut gagner la paix ».

Pour cela, il faut être en mesure d’impliquer les gens et lorsqu’on est une armée qui est de fait séparée de la vie quotidienne, qui plus est au service d’intérêts antipopulaires, cela ne va pas de soi.

Les missions civilo-militaires remplies par le CIAE visent donc à contre-carrer toute tentative de la population de s’organiser sur ses propres bases lorsqu’un conflit survient et qui occasionne forcément un chaos antisocial. Il faut donc militariser la société civile, c’est-à-dire faire encadrer toutes les activités essentielles d’une région par l’armée pour éviter de laisser le terrain vacant…

Voici par exemple une illustration de ce type d’action lors de l’opération Serval au Mali entre 2013 et 2014 donnée par Renaud Ancelin, chef du corps du CIAE en 2017, dont on comprend aisément qu’elle est une opération de propagande militariste opposée à l’émancipation populaire :

« Le marché de Gao est, comme dans tous les villes ou villages d’Afrique, le centre de vie de la cité, mais aussi de la région. Le marché a été détruit dès le début du conflit, lors de la descente des terroristes vers le sud. Après que la ville a été libérée par la force Serval, l’officier responsable des APEO dans la partie nord du pays, décidait de mener, dans le cadre des ACM [Action Civilo-Militaire], la reconstruction de ce lieu de vie. Son objectif facial était de montrer à la population locale que Serval était là pour les aider à retrouver une vie normale (…).

Les équipes d’ACM ont donc aidé les entreprises locales à reconstruire le marché. Les OMI [Opérations Militaires d’Influences] ont permis de multiplier les contacts avec les acteurs locaux, les autorités et les relais d’influence afin de leur expliquer nos opérations et de faire accepter la présence de la force, mais également de lutter contre le soutien local résiduel aux groupes terroristes qui pouvait perdurer dans la région. »

Depuis 2021, le CIAE va plus loin dans sa maîtrise de la propagande avec une doctrine qui assume clairement le fait que « l’information fausse, manipulée ou subvertie, est une arme ». Dans ce cadre, « la possibilité de diffuser de fausses informations afin de tromper l’adversaire ou de convaincre les acteurs d’une crise d’agir dans le sens souhaité ».

Cette semaine, du 14 au 18 novembre, cet organisme se prépare donc à utiliser la population civile du nord de l’Ardèche dans le cadre de l’exercice interarmées baptisé SERRAT en collaboration avec des militaires belges et espagnols.

Les symboles employés, l’OTAN d’un côté et un symbole représentant le communisme de l’autre, veulent tout dire. C’est aussi une manière de désigner la Russie comme ennemi, bien sûr, de manière caricaturale. Mais c’est également et surtout, du point de vue de la Gauche historique, un reflet du caractère d’affrontement que prend la lutte des classes. La bourgeoisie assume le combat contre-révolutionnaire.

Le scénario présenté publiquement sur le site des mairies où va se dérouler cet exercice parle d’une situation de guerre civile ou d’une insurrection des secteurs séparatistes de la population. On retrouve ici les récits d’anticipation avec notamment une Red Team composée de dix auteurs de science-fiction chargée de proposer à l’armée de tels scénarios en vue d’exercices.

Voici la présentation du scénario que l’on peut trouver sur le site de la mairie de Vernoux-en-Vivarais où doit se dérouler l’exercice :

« Cet exercice interallié se propose de nous immerger dans un contexte de crise en nous plongeant dans la situation d’une province, l’Isardro dont la capitale est Valence, venant de faire sécession avec sa nation mère, la Saupaudie. Sur fond de tensions ethniques voyant s’opposer Avernes (population majoritaire de l’Isardro) et Saupaudiens (forte minorité en Isardro et soutenue par son ancienne nation mère), la Saupaudie envahi l’Isardro jusqu’à l’intervention de l’OTAN.

Au début de l’exercice, notre commune issue de la minorité saupaudienne, a déjà subi les affres de la ségrégation averne et est donc plongée dans les marasmes d’un conflit qui semble se finir. Les équipes s’entrainant lors de l’exercice SERRAT 2022 auront la lourde tâche de dialoguer avec une population en souffrance afin de lui éviter de retomber dans les travers qui ont plongé son pays dans la guerre. »

A ce titre, le fait que cet exercice soit communiqué publiquement plusieurs semaines avant fait sûrement déjà partie de l’exercice tant les activités militaires sont généralement opaques. Ici, l’enjeu est bien de tester la population, de voir comment l’armée est à même de s’intégrer dans la société civile pour mieux désamorcer tout ce qui pourrait sortir du cadre pensé par l’état-major.

Couplé à la hausse du budget militaire et aux multiples exercices dits de « haute intensité », un tel exercice psychologique illustre comment l’armée française se prépare à une guerre généralisée qui implique tous les aspects de la vie d’un pays capitaliste moderne, bien loin des OPEX des années 1990-2000.

Si elle se veut pacifiste et démocratique, la Gauche se doit de dénoncer les mises en œuvres du Centre interarmées d’action sur l’environnement qui ne vise qu’à approfondir la militarisation de la société toute entière en vue de la conditionner à la guerre mondiale de repartage.

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La campagne « Rheinmetall Entwaffnen » en Allemagne

Un pacifisme héritier du mouvement ouvrier.

La déclaration par le chancelier allemand Olaf Scholz issu du SPD le 27 février 2022 de la création d’un fonds spécial pour le réarmement de l’Allemagne d’une hauteur de 100 milliards a fait grand bruit, en Allemagne comme partout en Europe.

Sans surprise, en France, il en est plus ressorti une vieille rancœur germanophobe avec la crainte à peine masquée de voir l’immense complexe militaro-industriel français être concurrencé en Europe.

Or, contrairement à la France où le terrain de la contestation antimilitariste est littéralement absent, il existe en Allemagne une importante tradition pacifiste liée à l’un des plus grands mouvement ouvriers européens qui, rappelons-le, a généré des figures d’importance comme Karl Kautsky, Rosa Luxembourg, Karl Liebknecht, Ernst Thälmann, Ulrike Meinhof…

On retrouve une partie de cette tradition dans la campagne ou plutôt l’alliance « Rheinmetall Entwaffnen » (Désarmer Rheinmetall) lancée en 2018, et qui chaque année organise un camp d’été autour de débats, d’activités et se concluant par une manifestation, le tout étant rythmés par des démarches plus activistes.

Rheinmetall ainsi que Heckler & Koch sont à l’Allemagne ce que sont Dassault ou Nexter à la France, soit des rouages névralgiques de l’industrie de guerre. Et si en France il existe l’association « Stop fueling War » (Cesser d’alimenter la guerre) fondée en 2017, « Rheinmetall Entwaffnen » s’en démarque par son militantisme qui se déploie sur le terrain d’une critique du militarisme comme faisant partie du système capitaliste.

Cela fait ici écho à la pensée de Rosa Luxembourg qui pensait dans son ouvrage majeur « l’Accumulation du capital » publié en 1913 que le capitalisme ne pouvait s’élargir sans la conquête militaire de zones non capitalistes, analyse qui fut par ailleurs critiquée par d’autres figures comme Lénine en Russie. On remarquera le clin d’œil fait à cette grande figure du mouvement ouvrier international par la petite gazette française anti-guerre « Rosa », qui porte son prénom.

Pour comprendre la démarche de « Rheinmetall Entwaffnen », voici la conclusion de la présentation du camp d’été baptisé « Désarmer Rheinmetall n’est pas un art », en référence à l’exposition d’art contemporain la Documenta qui avait lieu au même moment à Kassel, une ville moyenne de 200 000 habitants au centre de l’Allemagne où se concentre de nombreuses fabriques d’armement :

En tant qu’internationalistes et antimilitaristes, nous sommes solidaires de ceux qui se rebellent contre les guerres – qui sabotent, désertent, s’évadent. Nous nous battons avec ceux qui refusent d’allégeance à leurs seigneurs de guerre. La solidarité signifie rejeter l’incitation au bellicisme et reconnaître que nos alliés sont au-delà des lignes de front. La limite est toujours entre le haut et le bas.

[…]

Les guerres de ce monde doivent être terminées dès que possible. Nous nous opposons à la militarisation et au réarmement. Il nous faut 100 milliards d’euros pour la santé, l’éducation et la transition écologique au lieu de les fourrer dans le cul de l’industrie de l’armement. Nous voulons sortir du système capitaliste mondial qui apporte avec lui tant de catastrophes, de crises et de guerres.

Pour conclure le camp pacifiste, une manifestation « Contre l’armement et la militarisation » a réuni le samedi 3 septembre environ 1000 personnes dans le centre-ville de Kassel, derrière des slogans comme « Non au programme de réarmement de 100 milliards d’euros », « Plus jamais la guerre ! », ce slogan héritier du pacifisme de la Première Guerre mondiale ou bien encore « Le militarisme n’est pas de la solidarité », en référence aux livraisons d’armes au régime ukrainien et dont on trouve une explication intéressante :


La militarisation a un impact profond sur notre société. Ce faisant, il peut se connecter au patriarcat. Les hommes sont contraints à un rôle « héroïque » de combat sur les lignes de front, les femmes sont reléguées à une position vulnérable et pitoyable. L’État ukrainien en fait une doctrine d’État en refusant de quitter le pays ou en emprisonnant les déserteurs ou les objecteurs de conscience.

La veille, le vendredi 2 septembre, environ 200 personnes s’étaient rassemblées devant l’usine Rheinmetall afin d’en bloquer la production, ce qui a réussi puisque les ouvriers furent renvoyés chez eux, le rassemblement finissant par être délogé de force par la police à coups de gaz lacrymogènes. Un type d’action qui a déjà eu lieu à 2019 à Unterlüß, en Basse-Saxe, où les portes de l’usine Rheinmetall furent bloquées avec du bois et les planches d’une tourelle de chasse d’une forêt voisine !

Lors de ces journées de protestation, plusieurs opérations activistes ont ainsi eu lieu, contribuant à créer un climat d’agitation dans la ville permettant un débat d’idée autour de la question de l’industrie de guerre et le réarmement.

On peut citer des jets de peinture rouge sur le bâtiment d’un sous-traitant industriel de Rheinmetall, des pochoirs « aucun soldat allemand pour la guerre ». Ce sont également des affichettes qui ont été collées sur la plaque commémorative au ton plus que nationaliste du monument aux morts des deux guerres mondiales. Cette affichette présentait la biographie d’Helmut R., « né à Kassel en 1915, déserte la Wehrmacht en 1940 et rejoint un groupe de résistants français. Il a participé à des actions de sabotage contre l’industrie d’armement allemande. Il est arrêté en 1942. Il a été exécuté le 26 mai 1943 ».

On retrouve régulièrement mis en avant ce lien entre l’antifascisme et l’antimilitarisme. En mai 2021, un rassemblement a eu lieu devant la société de logistique DB Schenker à Hanovre du fait de son enrichissement pendant la Seconde Guerre mondiale, et cela jusqu’à aujourd’hui puisque le transport d’armement et la logistique militaire sont d’importantes activités de l’entreprise.

Le 8 octobre 2021, réunies derrière des banderoles portant les morts d’ordre « Bloquer Hecker & Koch, attaquer les profiteurs de guerre », « Bloquer les sociétés d’armement. La guerre commence ici », 200 activistes répondirent à l’appel de l’alliance à bloquer l’usine Hecker & Koch à Oberndorf am Neckar, entreprise spécialisée dans la fabrication d’armes de poing et dont les racines historiques puisent dans le travail forcé pendant le nazisme.

Vu de France, ce pays où la bataille populaire contre le militarisme est au point mort, la campagne Rheinmetall Entwaffnen est une grande bouffée d’oxygène !

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Nouvel ordre Société

Contre les éléments anti-sociaux, la rééducation par le travail

Seul le travail dans le socialisme peut rééduquer les éléments anti-sociaux.

Plus le capitalisme s’enfonce dans la crise, plus la violence anti-sociale, notamment issue des couches marginalisées de la population, explose. Et si le peuple porte en horreur ce type de comportements, il n’en reste pas moins que comme ailleurs, c’est la lutte des classes qui doit primer dans la solution à apporter.

Et la lutte des classes est un processus complexe dans lequel le peuple est parfois piégé dans des solutions en apparence populaire, mais en réalité opposées à ses intérêts. On peut penser ici à cette idée bien trop répandue selon laquelle c’est l’armée, avec le service militaire, qui servirait à éduquer la jeunesse, notamment celle la plus désocialisée, à la discipline qu’exige la vie en société.

C’est une proposition politique traditionnellement de droite comme solution clé en main à la fois au resserrement idéologique autour de la nation et comme solution éducative.

Dans une récente interview au Figaro, le ministre des armées Sébastien Lecornu justifie l’augmentation des réservistes mais aussi le service national universel en entremêlant cette idée bien militariste du lien entre discipline sociale et engagement existentiel au service de la nation :

On appelle parfois à la rescousse, pour la cohésion de la société, les valeurs militaires d’éthique, de collégialité, de discipline. Mais il ne faut jamais oublier d’où elles viennent. Ces valeurs se sont forgées autour de la notion d’un sacrifice qui peut être ultime. Cela étant dit, est-ce que dans l’histoire on a pu demander aux armées d’accomplir des tâches annexes, notamment en matière d’insertion professionnelle ? La réponse est oui avec, par exemple, le service militaire adapté en Outre-mer ou les Epide. Est-ce que des expérimentations peuvent avoir lieu pour encadrer une jeunesse délinquante dans un parcours de réinsertion ? Oui, c’est déjà le cas et c’est un engagement du président.

C’est que dans le confort des métropoles impérialistes, l’armée n’est plus vue que comme un service spécial qui ne peut être engagée au plan militaire que lors d’opérations dans des conflits asymétriques lointains, dont on ne sait pas grand chose de toute façon.

Evidemment pour la bourgeoisie, l’enjeu c’est bien de renforcer l’armée pour garantir la place de la France comme grande puissance dans le monde, et pour masquer cette idée, il est plutôt insister sur le caractère « sociale » de l’armée. Et cela passe a priori, parce que, au fond, pourquoi ne pas être en même temps une sorte de prolongement de l’éducation nationale, une sorte de stage où l’on serait sévère avec les jeunes et où on leur apprendrait à faire leur lit ?

Or, réduire le service militaire à cela c’est complètement fermer les yeux sur le fait que l’armée, c’est surtout là où on est formaté pour pouvoir massacrer sans état d’âme les soldats d’une nation adverse sur le champ de bataille. C’est cela en réalité la finalité de toute cette discipline et c’est d’ailleurs ce dont se rendent compte certains parents ou adolescents ayant accepté le service national universel.

C’est une formidable machine d’endoctrinement où l’on doit accepter de soumettre potentiellement d’autres peuples par les armes, pour le « bien » de la nation française. L’idée qu’à l’armée il n’y a « ni classe, ni race » relève d’ailleurs de ce bricolage idéaliste pour faire de la nation le seul pivot des aspirations des uns et des autres.

La bourgeoisie revient en force avec cette idée puisqu’elle se retrouve confrontée à la réalité d’une société pétrie dans le libéralisme jusqu’à la nausée, jusqu’au délitement total.

Comment espérer se montrer dissuasif ou maintenir sa domination en ayant une population qui s’en fiche de tout, qui espère juste ne pas être dérangée dans sa consommation ? Malgré tout, elle se doit d’assurer la concorde sociale au sens d’une vie en société qui ne soit pas minée par les comportements individuels anti-sociaux.

Comme dans le capitalisme il est impossible de planifier et d’organiser la production sociale, il ne reste que l’enrôlement militaire comme perspective, ce qui a pour effet indirect de renforcer le militarisme dans un contexte ou prédomine la tendance à la guerre mondiale.

On voit ici tout le caractère opportuniste d’un mouvement comme la France Insoumise qui ne cesse d’insister sur le rétablissement du service militaire comme perspective d’intégration sociale.

On est là à mille lieux de l’héritage du mouvement ouvrier qui veut que les membres d’une société ne sont intégrés que parce qu’ils coopèrent dans et par la production sociale, non pas dans une pseudo solidarité organique qui n’est rien d’autre qu’une approche fasciste du monde.

Quoi de mieux pour être intégré et rééduqué que participer à un effort pour construire une infrastructure collective pour le bien de tous ? La finalité n’est pas le mensonge de la grandeur de la nation, mais la soumission de l’individu et de son égo au progrès collectif.

On voit bien ici tout le mal engendré par le populisme car là où l’intuition populaire pour l’engagement militaire est juste, c’est concernant le besoin de discipline et de valeurs collectives. En effet, la multiplication des comportements anti-sociaux exige une prise en main des question d’éducation de la jeunesse et de la vie en société.

Mais cela ne doit pas passer par une remise en ordre militariste, pilotée par en haut mais par une organisation de la société à la base pour rééduquer et réintégrer ses propres éléments en son sein. Et cela s’appelle ni plus ni moins que le socialisme, avec sa philosophie centrale du travail comme grande mesure salvatrice.

Car on ne peut remettre tout le monde au travail sans passer par la remise en ordre de la société et sans en avoir les moyens sociaux et culturels, bref sans avoir la classe ouvrière au pouvoir. Voilà pourquoi seule la Gauche historique est à même de proposer une solution juste et durable pour en finir avec les comportements anti-sociaux sur la base du pacifisme, du Socialisme !

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Guerre

Un 14 juillet 2022 sous le signe de l’OTAN

L’armée française est entièrement inféodée à l’OTAN.

Historiquement, les armées sont un marqueur de l’indépendance nationale des pays. Pour une puissance historiquement forte sur le plan militaire telle que la France, cela est particulièrement vrai. Et c’est pour cela que chaque année la fête nationale est accaparée par le militarisme avec un immense défilé des troupes et du matériel de guerre.

Mais la donne a changé au 21e siècle et la France n’est plus la puissance qu’elle fut. Si cela a pris des chemins sinueux, la chose est maintenant entendue : la France est une puissance de second rang, entièrement alignée sur la superpuissance américaine dont elle intègre le bloc. Cela ne veut pas dire que les choses sont figées et on n’est pas à l’abri d’une poussée nationaliste en France avec un Brexit à la française, dont le processus est déjà en cours, de manière contradictoire.

En attendant, l’armée française est tellement soumise à l’OTAN que le logo prévu pour le défilé du 14 juillet 2022 intègre le drapeau de l’OTAN. Il ne s’agit pas là d’un symbole relatif, il s’agit au contraire de toute la démarche de ce défilé, non pas national, mais militariste aligné sur les intérêts américains contre la Russie.

Le drapeau de l’OTAN sur le drapeau du défilé est d’ailleurs fondu avec celui de l’Union européenne. Cela en dit également très long, car l’Union européenne est ouvertement devenue le pendant politico-économique de ce qu’est l’OTAN sur le plan militaire depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Preuve en est, la veille le 13 juillet 2022, le secrétaire général de l’OTAN Jens Stoltenberg s’adressait directement au Parlement européen aux membre de la Commission des affaires étrangères et à la Sous-commission « sécurité et défense ».

La situation est on ne peut plus lisible. Dans le contexte de guerre pour le repartage du monde, la puissance militaire américaine mobilise à fond les puissances qui lui sont liées, par le biais de l’OTAN qui est son outil pour cela, et avec l’Union européenne comme relais politique. La France n’est pas en reste de cette mobilisation exigée par l’OTAN.

Voilà pourquoi neuf nations étrangères étaient invitées à parader avec les armées françaises, toutes des pays du flanc Est de l’OTAN : Bulgarie, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, République tchèque, Roumanie et Slovaquie. Autrement dit, ce sont tous des pays qui font directement face à la Russie en se plaçant dans le camp de l’OTAN et donc du bloc américain. C’est l’agenda militaire américain qui devient celui de la France pour son défilé militaire du 14 juillet 2022.

6 300 militaires ont donc défilé, ainsi que 64 avions, un drone Reaper, 25 hélicoptères, 200 chevaux et 181 véhicules motorisés. Et c’étaient les troupes des pays du flanc Est de l’OTAN qui ouvraient la marche, suivies des soldats français des régiments engagés pour le compte de l’OTAN sur son flanc Est, en Roumanie et en Estonie.

La présence d’un drone Reaper est historiquement marquante, parce qu’il y a quelques années, les institutions françaises, y compris militaire, rejetaient le principe de drones tueurs, au nom de la « morale ». Tout a ici été renversé et on va vers une généralisation de ces drones tueurs pour la guerre à venir.

Sur le plan aérien, c’est la capacité nucléaire française qui a été mise en avant, ainsi que sur le plan naval, avec l’équipage d’un des quatre sous-marins nucléaires lanceurs d’engins. La France, puissance nucléaire alignée sur les États-Unis faisant face à la Russie et à la Chine, voici donc le message qu’il fallait comprendre.

Ou comme le dit l’Elysée, l’idée était de mettre en avant « la capacité de la France à faire face aux défis du moment comme puissance d’équilibre et d’entraînement ». La veille, c’est le président lui-même qui a présenté le programme dans son discours aux armées, où il a même abordé ouvertement la question de l’économie de guerre française, car « tout a changé ».

L’Afrique de l’Ouest, où la France s’imaginait encore il y a quelques années pouvoir tenir un rôle de gendarme, n’est plus la priorité. La « nécessité stratégique » est de s’y replier, tant pis pour la lutte antidjihadiste au Sahel. Ce n’est pas la priorité américaine.

La priorité par contre, c’est de réévaluer l’actuelle Loi de programmation militaire pour augmenter le budget du ministère des Armées et préparer la guerre. Ou « la perspective du retour possible d’un affrontement de haute intensité » comme Emmanuel Macron présente cela, pour dire les choses sans prononcer les mots qui fâchent.

Le budget militaire français va donc continuer à croître pour atteindre 44 milliards d’euros en 2023. Et l’accent va être mis en directement de la jeunesse avec le renforcement du Service national universel (SNU).

Quelle cynisme alors de la part du président d’affirmer qu’ »il ne s’agit pas de militariser la jeunesse, encore moins la société », alors qu’en vérité toute son action vise précisément à cela.

« La République a besoin que vous fassiez davantage » a-t-il demandé aux armées, mais il aurait du surtout préciser : « l’OTAN a besoin que vous fassiez davantage pour le compte de la superpuissance américaine ».

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Guerre

« On croit mourir pour la patrie on meurt pour des industriels »

La fameuse lettre d’Anatole France.

La lettre est destinée au communiste Marcel Cachin et fut publiée dans l’Humanité en 1922, le 18 juillet.

***

Cher citoyen Cachin,

Je vous prie de signaler à vos lecteurs le récent livre de Michel Corday, les Hauts Fourneaux, qu’il importe de connaître.

On y trouvera sur les origines de la conduite de la guerre des idées que vous partagerez et qu’on connaît encore trop mal en France ; on y verra notamment (ce dont nous avions déjà tous deux quelque soupçon) que la guerre mondiale fut essentiellement l’œuvre des hommes d’argent, que ce sont les hauts industriels des différents États de l’Europe qui, tout d’abord, la voulurent, la rendirent nécessaire, la firent, la prolongèrent. Ils en firent leur état, mirent en jeu leur fortune, en tirèrent d’immenses bénéfices et s’y livrèrent avec tant d’ardeur, qu’ils ruinèrent l’Europe, se ruinèrent eux-même et disloquèrent le monde.

Écoutez Corday, sur le sujet qu’il traite avec toute la force de sa conviction et toute la puissance de son talent.

— « Ces hommes-là, ils ressemblent à leurs hauts fourneaux, à ces tours féodales dressées face à face le long des frontières, et dont il faut sans cesse, le jour, la nuit, emplir les entrailles dévorantes de minerai, de charbon, afin que ruisselle au bas la coulée du métal.

Eux aussi, leur insatiable appétit exige qu’on jette au feu, sans relâche, dans la paix, dans la guerre, et toutes les richesses du sol, et tous les fruits du travail, et les hommes, oui, les hommes mêmes, par troupeaux, par armées, tous précipités pêle-mêle dans la fournaise béante, afin que s’amassent à leurs pieds les lingots, encore plus de lingots, toujours plus de lingots…

Oui, voilà bien leur emblème, leurs armes parlantes, à leur image. Ce sont eux les vrais hauts fourneaux ! » (page 163).

Ainsi, ceux qui moururent dans cette guerre ne surent pas pourquoi ils mourraient. Il en est de même dans toutes les guerres. Mais non pas au même degré. Ceux qui tombèrent à Jemmapes ne se trompaient pas à ce point sur la cause à laquelle ils se dévouaient. Cette fois, l’ignorance des victimes est tragique. On croit mourir pour la patrie ; on meurt pour des industriels.

Ces maîtres de l’heure possédaient les trois choses nécessaires aux grandes entreprises modernes : des usines, des banques, des journaux. Michel Corday nous montre comment ils usèrent de ces trois machines à broyer le monde.

Il me donna, notamment, l’explication d’un phénomène qui m’avait surpris non par lui-même, mais par son excessive intensité, et dont l’histoire ne m’avait pas fourni un semblable exemple : c’est comment la haine d’un peuple, de tout un peuple, s’étendit en France avec une violence inouïe et hors de toute proportion avec les haines soulevées dans ce même pays par les guerres de la Révolution et de l’Empire.

Je ne parle pas des guerres de l’ancien régime qui ne faisaient pas haïr aux français les peuples ennemis. Ce fut cette fois, chez nous, une haine qui ne s’éteignit pas avec la paix, nous fit oublier nos propres intérêts et perdre tout sens des réalités, sans même que nous sentions cette passion qui nous possédait, sinon parfois pour la trouver trop faible.

Michel Corday montre très bien que cette haine a été forgée par les grands journaux, qui restent coupables, encore à cette heure, d’un état d’esprit qui conduit la France, avec l’Europe entière, à sa ruine totale.

« L’esprit de vengeance et de haine, dit Michel Corday, est entretenu par les journaux. Et cette orthodoxie farouche ne tolère pas la dissidence ni même la tiédeur. Hors d’elle, tout est défaillance ou félonie. Ne pas la servir c’est la trahir. »

Vers la fin de la guerre, je m’étonnais devant quelques personnes de cette haine d’un peuple entier comme d’une nouveauté que l’on trouvait naturelle et à laquelle je ne m’habituais pas.

Une dame de beaucoup d’intelligence et dont les mœurs étaient douces assura que si c’était une nouveauté, cette nouveauté était fort heureuse.

« C’est, dit-elle, un signe de progrès et la preuve que notre morale s’est perfectionnée avec les siècles : la haine est une vertu ; c’est peut-être la plus noble des vertus. »

Je lui demandais timidement comment il est possible de haïr tout un peuple :

— Pensez, madame, un peuple entier c’est grand… Quoi ? Un peuple composé de millions d’individus, différents les uns des autres, dont aucun ne ressemble aux autres, dont un nombre infiniment petit a seul voulu la guerre, dont un nombre moindre encore en est responsable, et dont la masse innocente en a souffert mort et passion. Haïr un peuple, mais c’est haïr les contraires, le bien et le mal, la beauté et la laideur. »

Quelle étrange manie ! Je ne sais pas trop si nous commençons à en guérir. Je l’espère. Il le faut. Le livre de Michel Corday vient à temps pour nous inspirer des idées salutaires. Puisse-t-il être entendu ! L’Europe n’est pas faite d’États isolés, indépendants les uns des autres. Elle forme un tout harmonieux. En détruire une partie, c’est offenser les autres.

Notre salut c’est d’être bons Européens. Hors de là, toute est ruine et misère.

Salut et fraternité,

Anatole FRANCE.

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Politique

La Droite lance une nouvelle pétition pour capter la colère des policiers

C’est un dispositif de plus pour la conquête du pouvoir par la Droite.

La Droite conservatrice mène une grande agitation politique et culturelle en France. Après deux tribunes militaires, elle tente maintenant de capter la colère des policiers avec une tribune signée par 93 policiers retraités. Elle s’inscrit dans la continuité des tribunes militaires précédentes et entend amener les policiers vers les militaires, malgré l’opposition historique et fondamentale entre ces deux fonctions.

On retrouve parmi les signataires de nombreux commissaires et commandants, et même un contrôleur général, soit l’une des plus hautes possibilités d’avancement et de responsabilité dans la police, avec un poste dépendant directement du gouvernement.

La liste des signataires est bien sûr donnée dans l’ordre hiérarchique et le discours est typique de la Droite et des cadres militaires. Il ne s’agit pas d’appeler à un sursaut démocratique pour affirmer l’ordre populaire, mais au contraire d’agiter le romantisme passéiste (« enclaves où l’on vivait jadis côte à côte ») et nationaliste (« faire respecter les valeurs de la France », « appel au sursaut national »).

Gageons que la base policière en France ne soit pas dupe, qu’elle préfère rester tournée vers le peuple et les valeurs démocratiques plutôt que vers une clique de grands bourgeois appelant au coup de force. Gageons que les policiers à la base, dont la colère est indéniable et tout à fait légitime, défendent fermement leur caractère civil et la nature démocratique de leur fonction, contre les tentatives de les aspirer vers l’armée et l’autoritarisme anti-populaire.

Voici la tribune qui, si elle n’est peut-être pas historique dans le sens où ce n’est probablement qu’un jalon dans toute une séquence politique, est en tous cas un bon marqueur du panorama actuel en France.

« SECURITE POUR NOS FORCES DE L’ORDRE ET NOS CITOYENS – IL N’Y A PAS DE LIBERTES SANS SECURITE

Monsieur le Président de la République,

Mesdames et Messieurs les Membres du Gouvernement,

Mesdames et Messieurs les Parlementaires

Conscients de vos prérogatives constitutionnelles et de vos obligations, nous vous demandons solennellement de tout mettre en œuvre pour mettre fin à la situation gravissime que traverse la France en matière de sécurité et de tranquillité publique.

Aujourd’hui l’autorité de l’État est battue en brèche par des minorités violentes. Les lois ne sont plus appliquées dans les territoires perdus de la République.

Or, les policiers et les gendarmes sont les gardiens de la paix et les protecteurs de nos institutions. Ils sont la clé de voûte de toutes nos libertés. Sans sécurité, il n’y a point de libertés.

La multiplication des attentats et des agressions violentes dirigées contre nos gardiens de la paix publique démontrent un refus de nos valeurs républicaines, de nos coutumes et de notre modèle de société dans des pans entiers de notre nation. Le meurtre sauvage à Avignon d’un de nos policiers gardiens de la paix en est la tragique illustration.

Les attaques de commissariats, à force ouverte, par des hordes d’individus armés et cagoulés se propagent sur notre territoire en toute impunité, les violences aux personnes se répandent jusque dans l’intimité des résidences familiales et la seule réponse à ces crimes contre les forces de l’ordre réside dans des incantations compassionnelles qui demeurent sans effet sur le quotidien des Français.

Comme l’a souligné un ministre de l’Intérieur en quittant son poste, le pays s’est fragmenté en enclaves où l’on vivait jadis côte à côte et où l’on vit désormais face à face. Un face à face qui nourrit le communautarisme et menace la paix civile.

Comme les deux fonctionnaires lâchement assassinés récemment, nous avons contribué à combattre sans relâche la criminalité et à rétablir l’ordre public durant des décennies.

Le ministre de l’Intérieur a déclaré à Avignon que les forces de l’ordre devaient mener une « guerre » sans merci contre les trafiquants de stupéfiants et d’armes, et que les policiers étaient des « soldats ».

Certes, mais des soldats désarmés sont de simples cibles. Voilà pourquoi il convient de les réarmer matériellement, moralement et juridiquement pour leur permettre de mener à bien leurs missions sans risquer leur vie à tous les coins de rue.

Les policiers se heurtent aujourd’hui à l’hostilité d’une partie de la population et de certains politiciens dévoyés, ils doivent se justifier en permanence devant leur hiérarchie, les magistrats, les préfets et s’incliner devant le tribunal de l’opinion publique.

Il est temps de prendre des mesures efficaces pour reconquérir notre propre pays et rétablir l’autorité de l’État partout où elle est défaillante.

Il est temps de faire respecter les valeurs de la France et de ne plus accepter l’inacceptable.

Il est temps de réagir.

Les policiers et gendarmes ont déjà payé un lourd tribut en vies humaines et en blessures irrémédiables : la peur doit changer de camp.

Les familles des policiers et gendarmes doivent être protégées et les policiers doivent retrouver leur fierté d’exercer le plus noble métier qui soit : celui de protéger les citoyens et de les défendre.

La réponse pénale doit être adaptée de telle manière que les condamnations soient réellement exécutées et à la hauteur des forfaits commis.

L’urgence commande également de contrôler l’immigration clandestine qui gangrène de nombreux quartiers et contribue à alimenter désordre et délinquance.

L’anarchie est partout quand la responsabilité n’est nulle part.

La France ne doit pas basculer dans le chaos. La police française ne peut pas tolérer que demain les forces armées la remplacent pour éviter une guerre civile.

Nous formons le vœu que notre appel au sursaut national soit entendu par les pouvoirs publics et nous joignons nos voix à celles de nos camarades militaires qui se sont exprimés en premier.

Les défis à venir sont cruciaux. Nous sommes déterminés à aider nos collègues en activité à faire face et à recouvrer leur considération perdu

Liste des 93 policiers retraités honoraires signataires

Contrôleur général Alain Deschamps

Commissaire Général Éric Battesti

Commissaire Divisionnaire Claude Dupont

Commissaire Divisionnaire Gérard De Fabritus

Commissaire Divisionnaire Gilles Le Cam

Commissaire Divisionnaire Joël Balaud

Commissaire Principal Henri Coulon

Commissaire Principal Pierre Chassagne

Commandant Divisionnaire Robert Canamas

Commandant de Police Henri Bozetto

Commandant de police Edmond Marmorato

Commandant de Police Pierre Folacci

Commandant de Police Yves Lamacchia

Commandant de Police Serge Popof

Commandant de Police Christian Heirich

Commandant de Police Lucien Andolfatto

Commandant de Police Jean marc Maury

Commandant de Police Daniel Noël Navarro

Commandant de Police Bernard Balleste

Commandant de Police Bruno Papet

Commandant de Police Jean marc Blanc

Commandant de Police Michel Trabis

Commandant de Police Serge Craste

Commandant de Police Chantal Dreux

Commandant Antoine Houspic

Commandant de Police Didier Faureau

Commandant Patrick rouviére

Commandant Serge Francescat

Commandant Claude Fleurbe

Commandant Serge Muller

Commandant Jacques Bes

Chef inspecteur Divisionnaire Henri Sabattier

Capitaine Roger Antonelli

Capitaine Christian Battesti

Capitaine Henri Giacomelli

Capitaine Daniel Chaix

Capitaine Paul Farina

Officier de Police Henri Mazier

Secrétaire Administratif Christine N’Guyen

Major Beraudo Léon

Major Marie Pierre Dion

Major Georges Rasa

Major Nelly Antoinette

Major Didier Verne

Major Robert Paturel

Major jean pierre Petit

Major François Castellani

Major André Chopard

Major Henri Brousse

Major Daniel Fernandez

Major Michel Malibat

Major Patrick Azzarelli

Major Michel Loubière

Major Paul Miniconi

Major Michel Bonnaure

Major Michel Gentilli

Major Michel Guerero

Major Gilles Di Rosa

Major François Candotti

Major Jean Luc Chevalier

Major Patrick Bonci

Major Herve Ribaud

Major Jacques Mirabail

Major Marius Nieri

Major Simon Ferrante

Major Marcel Maunier

Major Alain Labouz

Major Pascal Molina

Major Martine Colombo

Brigadier Chef Andre Jourdan

Brigadier Chef aime Bordes

Brigadier Chef Pierre Wenger

Brigadier Chef Maurice Pesoli

Brigadier Chef Ariane Pothier

Brigadier Chef Jean marc Perrin

Enquêteur Michel Lapierre

Brigadier Jean Bernard Gaudino

Brigadier Gérard Bardi

Brigadier Jacques Domps

Brigadier Bernard Ferra

Brigadier Yves Melquiot

Brigadier Christian Salvi

Brigadier Roger Lalouette

Brigadier Serge Amato

Brigadier Rey Gil

Sous Brigadier Bernard Charpail

Sous Brigadier Thierry Jacquette

Sous Brigadier Michel Jacquet

Sous Brigadier Hubert Bottalico

Sous Brigadier Patrick Guibal

Sous Brigadier Yves Fulconis

Sous Brigadier Claude Caméra »

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Guerre

Le chef d’état-major de l’Armée de l’air et de l’espace annonce la guerre et l’alliance franco-germano-espagnole

Le Monde a interviewé en cette fin novembre 2020 le général Philippe Lavigne, chef d’état-major de l’armée de l’air et de l’espace, pour ce qui est une véritable opération de bourrage de crâne. La présentation de l’interview est elle-même une acceptation et donc un soutien tacite à la guerre à venir :

« A 55 ans, le général de l’armée aérienne Philippe Lavigne est, depuis le mois de juillet, le premier chef d’état-major de l’armée de l’air et de l’espace (AAE). Alors que doit se tenir, mardi 24 novembre, le colloque annuel de l’AAE, il détaille comment la France se prépare à un éventuel conflit de « haute intensité » en la matière. C’est à dire un conflit majeur entre Etats mobilisant l’ensemble des moyens militaires. »

C’est là une banalisation de la guerre que jamais Le Monde n’aurait pu se permettre ces 25 dernières années. On sent que la crise a amplifié les contradictions de manière telle que désormais, la question est de choisir son camp pour la guerre à venir. Les questions sont d’ailleurs dénuées de toute ambiguïté : c’est de guerre qu’il est parlé, de la prochaine guerre. Il n’y a pas de tonalité hypothétique, pas de présentation d’une éventualité.

« Un conflit de « haute intensité », cela veut dire quoi pour l’armée de l’air et de l’espace ?

La haute intensité nous impose de disposer d’une aviation de combat d’une certaine qualité, mais aussi en quantité suffisante. Parce que, dans un tel engagement, il y aura de l’attrition.

On assume plus de pertes ?

Oui, bien sûr. Dans les opérations de moyenne ou haute intensité, les pertes sont estimées de 4 % à 8 %. Il faut l’assumer pour gagner et durer dans des opérations majeures semblables à celles de la guerre du Golfe, que l’on prépare avec nos alliés et qui engageraient 1 000 sorties d’avions de chasse par jour. La France, dans une telle coalition, pèserait environ 10 %. Aujourd’hui, l’armée de l’air et de l’espace réalise ce nombre de sorties quotidiennement en intégrant les missions de préparation opérationnelle en France. »

Les propos sont très clairs :

– la participation à une guerre est prévue, planifiée, on s’entraîne pour cela ;

– elle consistera en un front dont la France représentera 10 % au niveau de l’aviation, ce qui signifie une guerre de grande ampleur.

Pour qui douterait encore du sens des questions, voici une autre question posée au chef d’état-major de l’Armée de l’air et de l’espace, avec une réponse tout aussi claire :

« Etes-vous déjà prêts pour un conflit dur ?

Nous sommes prêts, et nous nous entraînons pour faire face à ce type de conflit. Nous consolidons au quotidien nos capacités d’évoluer en coalition avec nos partenaires américains, allemands, britanniques, italiens, espagnols. »

Il faut noter ici que le général annonce une alliance franco-germano-espagnole.

« Ce qui est très important, c’est que les trois chefs d’état-major allemand, français et espagnol se sont mis d’accord, en 2018, puis 2019, sur les besoins opérationnels face aux menaces futures, en matière de supériorité opérationnelle, de capacité à frapper dans la profondeur, de « système de systèmes » permettant de discuter avec l’ensemble des moyens aériens qui seront autour de l’avion – ce seront tous des capteurs, depuis les drones jusqu’aux satellites, au ravitailleur, au système de détection aéroporté, etc. »

Pour qui douterait également de cet aspect, il suffit de lire la tribune de janvier 2020 publié dans Le Figaro : «France, Allemagne, Espagne: construisons la puissance aérienne européenne». Cette tribune a été signée par les chefs d’état-major des armées de l’air française (Philippe Lavigne), allemande (Ingo Gerhartz) et espagnole (Javier Salto), avec à l’arrière-plan la signature commune du High Level Common Operational Requirement Document (HLCORD) entérinant leur unité pour le programme d’armement dénommé Système de Combat Aérien du Futur (SCAF).

Il faut remarquer que la tribune insiste particulièrement sur l’emploi d’outils militaires aériens sans pilotes. Et, justement, dans l’interview, le général explique qu’il y a eu, depuis décembre 2019, quarante frappes des drones Reaper au Sahel. C’est un chiffre énorme qui montre que l’armée française s’entraîne intensément à l’utilisation de drones tueurs. La tribune du Figaro l’explique d’ailleurs clairement : les prochaines décennies seront marquées par la systématisation des drones tueurs.

Une question importante est bien entendu celle de la Chine et là encore, la question du Monde va directement dans le sens de l’appel à la guerre, avec une réponse du même type :

« L’armée de l’air peut-elle renforcer ses opérations en Indo-Pacifique ?

Le président de la République affirme nos intérêts économiques et stratégiques dans cette région. L’armée de l’air et de l’espace peut assurer la protection des Français, de la ZEE [zone économique exclusive] et de la liberté de navigation aérienne, et secourir nos partenaires. »

On notera d’ailleurs que dans l’interview, le général affirme le caractère mondial du champ d’intervention militaire qu’il dirige, en mentionnant la zone indo-pacifique :

« L’armée de l’air et de l’espace, aujourd’hui, est sur tous les théâtres : en Afrique, au Levant, à l’est en Europe (dont la mer Noire), dans l’Indo-Pacifique. »

Ce que cela signifie, c’est que la France est prête à faire la guerre à la Chine, ainsi qu’à la Russie qui est clairement présentée comme une menace de haut niveau technologique et militaire (rappelons ici tout de même que le PIB russe est moindre que celui de l’Italie ou que celui du Canada).

On échappera clairement pas à la guerre… et on le sait… À moins que le peuple n’assume pleinement la Démocratie et balaie le militarisme, ainsi que toute volonté de sortir de la crise par le nationalisme. La Gauche a une responsabilité très claire : empêcher la guerre qui vient !

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Politique

Pierre de Villiers, c’est La Rocque!

L’affaire de Conflans-Sainte-Honorine a très largement mobilisé la Droite et le militaire Pierre de Villiers en a profité pour se lâcher et pratiquement annoncer sa candidature à la présidentielle de 2022.

La journaliste Ruth Elkrief a invité le 24 octobre 2020 Pierre de Villiers dans son émission et elle a été d’une obséquiosité totale pendant une heure entière. Quant au haut-gradé de l’armée se voyant bien le prochain Napoléon III, le prochain Pétain, le prochain De Gaulle de 1958, voire tout cela en même temps (avec un mélange social, catholique, nationaliste impérial), il a bien tenu une position ouatée de réconciliation de tout le monde avec tout le monde, dans l’esprit de son ouvrage venant de sortir, L’équilibre est un courage.

Il a cependant abattu ses cartes politiques, enfin, et ce sont bien sûr celles de la Droite ultra. Ainsi, Ruth Elkrief lui a demandé s’il prendrait position en cas de duel Emmanuel Macron – Marine Le Pen au second tour des présidentielles : Pierre de Villiers a refusé de répondre, expliquant même que Marine Le Pen avait fait les bons constats. Il lui reproche cependant de ne pas être crédible, alors que lui bien sûr l’est, de par ses fonctions à la tête de l’État, etc., etc., etc.

Ce qu’il reproche aux « patriotes », c’est de vouloir tout tout de suite et de ne pas viser à mobiliser de manière large ; Pierre de Villiers insiste de manière régulière lors de ses interventions sur l’intégration des jeunes d’origine immigrée dans un dispositif militarisé. Il appelle cela le rétablissement de l’autorité, par opposition à l’autoritarisme, car comme il l’a encore dit chez Ruth Elkrief, lui veut que les gens soient comme des soldats et suivent de manière volontaire, etc., etc. etc.

Pierre de Villiers est d’ailleurs monsieur « etc. etc. etc. » ; il a un discours répétitif, toujours le même à part désormais donc pour une ligne de Droite assumée, ce qui en fait un néo-gaulliste au sens strict. On répète la même chose en boucle, en revenant toujours à l’autorité. On voit déjà qu’il se positionne pour être le candidat de la Droite : on pourra dire en 2022 que sa campagne a commencé cette fin octobre 2020.

Impossible de ne pas voir bien sûr que Marion Maréchal est forcément très proche. Chez Ruth Elkrief, Pierre de Villiers a tenu exactement le même « occidentalisme », se revendiquant même de son frère :

« Je pense que sur le thème de l’islamisation de notre société et du danger islamiste, Philippe de Villiers avait eu cette intuition il y a déjà longtemps. »

Le tout est dit en douceur, exactement comme le faisaient les Napoléon III, Pétain, De Gaulle. C’est la dictature ouatée de militaires paternalistes, la douceur de l’étrangleur de la démocratie. Une douceur dont s’extasie parallèlement Paris Match, qui concurrence Ruth Elkrief dans la servitude volontaire. L’article décrit les intervention de l’ex-chef d’état-major des armées aux Mureaux, à 40 km de Paris et connu pour sa situation sociale dramatique.

« Niaki, Roger, Ousmane, Rodrigue, Siham opinent. Le général poursuit. Il faut y croire : dans la prairie de la vie, ils constituent la bonne herbe, et pour que celle-ci ne se laisse pas étouffer par la mauvaise, il n’y a pas à tortiller, il faut tondre ras. Ras et souvent. Le général demande du pain. Personne ne l’entend, il attrape une tranche.

Etonnant combien ce militaire parle doux. Donnait-il ainsi ses ordres quand, à la tête du bataillon d’infanterie mécanisée de la brigade Leclerc, il entra le premier au Kosovo ? Commandait-il gentiment ses 2 500 hommes dans les champs de bataille d’Afghanistan ? (…)

« Je respecte ces jeunes, dit-il, ils sentent mon autorité et mon humanité, je les aime. (…)

Le général de Villiers aime ses lecteurs, les gosses des cités, les gamins des écoles de commerce comme il aime le drapeau, la patrie et comme il aima ses soldats avec lesquels il jouait au foot et enchaînait les footings (…).

Il rejoint sur le terrain voisin Rodrigue, Niaki, Ousmane et les autres. Match de foot. « Je les aime », dit-il encore. Décidément, Pierre de Villiers n’est pas fait pour la politique. »

C’est l’argument principal : le général ne fait pas de politique, il n’est là que pour servir objectivement, pour remettre de l’autorité. Telle est la position du dictateur à la française : il faut le remercier de se sacrifier pour la patrie et d’ailleurs il faudrait faire de même. La bourgeoisie a déjà trouvé son héraut pour ses menées militaristes, impérialistes.

Et même si ce n’est pas Pierre de Villiers, ce sera son clone, car on est là très précisément dans les fondamentaux du fascisme français. Pierre de Villiers, c’est La Rocque, c’est la même Droite que celle des années 1930 : populaire militarisée et national-républicaine, occidentaliste et hiérarchique, avec le même expansionnisme « impérial ».

Préparons nous donc à ce que, comme La Rocque, il trouve face à lui le Front populaire !

> Lire également : Meurtre de Conflans-Sainte-Honorine: le général Pierre de Villiers ne rate pas l’occasion de se placer

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Guerre

Vers la guerre: un sous-marin français capable de détruire à plus de 1000 kilomètres

L’armée a procédé pour la première fois mardi 20 octobre 2020 à un tir longue distance depuis un sous-marin avec un missile capable de frapper des infrastructures terrestres de grande importance. La France se dote ainsi d’une puissance destructrice massive, avec des sous-marins disposant d’une arme équivalente au fameux Tomahawk américain.

C’est le sous-marin nucléaire d’attaque Le Suffren qui a réalisé le premier tir d’essais d’un missile de croisière naval, d’une portée gigantesque de plus de mille kilomètres. La Marine française se trouve maintenant en capacité, depuis les mers, de frapper l’intérieur d’un pays sans positionner de troupes sur place.

Le ministère des Armées, qui est dans une logique guerrière tout à fait assumée, se félicite ainsi que « sa capacité de mise en œuvre depuis un sous-marin permet de faire peser sur l’adversaire la menace constante et indétectée d’une frappe depuis la mer ».

Avec une telle arme, la France se positionne encore plus comme une grande puissance militaire, capable de peser sur le monde par la guerre et la menace de la guerre. Cette perspective est ouvertement assumée au plus haut de l’État, avec la ministre des Armées Florance Parly qui a expliqué que :

« Pour la première fois, un sous-marin français tire un missile de croisière. Ce succès confère une nouvelle capacité stratégique à notre Marine et la place parmi les meilleures au monde. Ce nouvel armement est une véritable rupture, fruit d’années d’efforts et d’investissements, notamment permis par la loi de programmation militaire 2019-2025. Je félicite toutes celles et ceux – Marine nationale, DGA, industrie – qui ont permis ce tir ».

Quand elle parle de « tout ceux qui ont permis ce tir », il faut en effet voir qu’il y a une mobilisation de grande ampleur pour la militarisation de la France. Un sous-marin de la classe Barracuda tel que le Suffren nécessite pas moins de 10 000 personnes pour son élaboration, avec pour sa construction sept fois plus de pièces que pour un avion de ligne. Il pèse 5 000 tonnes pour 99 mètres de long et 8,8 mètres de diamètre et c’est de la très haute technologie, de l’industrie disposant d’un degré fabuleux de développement, qui est mise au service de la menace guerrière avec la possibilité de détruire de manière massive.

Selon les chiffres officiels, l’engin peut plonger à plus de 300 mètres de profondeur et dispose d’une autonomie de 70 jours, soit 25 % de plus que les sous-marins de la génération précédente. Il embarque, en plus des Missiles de croisière naval qui viennent d’être testés, des missiles antinavires Exocet SM39 modernisés, des torpilles lourdes filoguidées F-21 et des mines. Il dispose également d’une porte de sortie sous-marine où se trouve un mini sous-marin (PSM3G) capable de transporter un commando de 6 plongeurs, dans la discrétion la plus totale.

Cette course à l’armement de la part de la France a lieu dans le cadre de l’Otan, avec une Loi de programmation militaire qui a été adopté pour coller à l’objectif des 2% du PIB dédié aux dépenses militaires.

Tout cela mène, pour l’ensemble des pays de l’OTAN, à un total de 1,092 billion de dollars (plus de mille milliards) de dépenses militaires. Selon le secrétaire général de l’Otan Jens Stoltenberg, 2020 sera la sixième année consécutive de hausse des dépenses militaires pour les membres européens et la tendance doit se poursuivre encore dans les années à venir.

C’est une folie furieuse, les États les plus modernes vont à marche forcée vers la guerre et assument ouvertement de développer leur capacité à détruire de manière massive. C’est une folie d’autant plus inquiétante qu’elle n’est presque jamais dénoncée, quasiment personne n’en parle, mise à part pour la Droite qui s’en félicite. La Gauche quant à elle, ne peut être la Gauche si elle ne fait pas de l’opposition active à la militarisation du pays et à la marche vers la guerre, un pilier de son existante politico-culturelle !

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Politique

Opération Barkhane: l’armée française s’enlise, Emmanuel Macron exige le soutien africain

L’armée française mène une vaste opération de gendarmerie en Afrique subsaharienne, avec des milliers de militaires envoyés dans le désert depuis bientôt sept ans. Cependant, elle s’enlise, avec des coûts humains et financiers élevés, tandis que les populations locales sont de plus en plus hostiles aux militaires français et que les djihadistes n’ont jamais été stoppés. Lors d’une visite au Niger ce lundi 23 décembre 2019, Emmanuel Macron a réaffirmé son exigence de soutien de la part des États de la région.

Lorsque François Hollande lançait l’opération Serval en janvier 2013, il y avait un véritable engouement, y compris de la part d’une grande partie de la population malienne. Cela a même pu être vu comme une chose positive chez beaucoup de personnes de gauche ayant ressentie un véritable écœurement après le saccage barbare des mausolées de Tombouctou, la « perle du désert ».

La France n’avait « pas vocation à rester » selon François Hollande, qui s’imaginait vite devenir un héros de guerre et de diplomatie. Un an après, elle élargissait sont intervention à toute la région du Sahel et du Sahara avec l’opération Barkhane, toujours en cours.

Il fallait être bien naïf pour croire qu’il suffise de l’intervention d’une puissance étrangère suréquipée pour remettre de l’ordre rapidement, surtout dans une région vaste comme l’Europe, avec une économie sous-développée favorisant les divisions et les corruptions en tous genres. À cela s’ajoute bien sûr la brûlante question touareg, qui complexifie énormément toutes les interactions politiques au Sahara et au Sahel.

L’armée française est intervenue rapidement pour protéger des intérêts miniers français à la frontière nigérienne et maintenir au pouvoir un gouvernement allié. Cela étant assuré, elle s’est ensuite enlisée, ne parvenant jamais à laisser derrière elle une situation suffisamment stable (selon les intérêts français) pour envisager de partir.

Comme cela commence à durer et coûter cher, qu’il y a eu encore récemment plusieurs militaires français morts, ainsi que de nombreux militaires africains massacrés lors d’attaques massives, Emmanuel Macron a décidé de taper du poing sur la table.

Il avait organisé à Pau le 16 décembre un sommet du « G5 Sahel » (la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad), une sorte d’alliance diplomatique générée par la France pour justifier son intervention auprès l’ONU. L’invitation, qui a plutôt été perçue en Afrique comme une convocation, a été annulée, officiellement en raison d’une attaque au Niger. Elle est reportée au 13 janvier 2020.

En attendant, le Président français s’est rendu lui-même sur place pour exiger le soutien à l’armée française de la part de ces chefs d’État, notamment ceux du Mali et du Burkina Faso dont il considère la positon trop ambiguë. Dans un discours prononcé à Niamey au Niger, il a expliqué :

« Je vois des mouvements d’opposition, des groupes qui dénoncent la présence française comme une présence impérialiste néo-coloniale […] Je vois dans trop de pays prospérer sans condamnation politique claire des sentiments anti-français. Je ne peux pas accepter d’envoyer nos soldats sur le terrain dans les pays où cette demande [de présence française] n’est pas clairement assumée »

Le Président français procède ici à une sorte de chantage, en menaçant de désengager l’armée française s’il n’a pas un soutien massif et francs.

Cela n’a aucun sens : si l’armée française intervient vraiment sur demande de ces États comme c’est expliqué, alors elle n’a aucun problème à l’idée de se retirer si sa présence n’est pas souhaité.

En vérité, le problème de la France ici, et c’est typique de la France, est que son armée s’imagine bien plus puissante qu’elle ne l’est vraiment. L’État ne peut pour sa part pas céder éternellement à cette illusion de grandeur. Il doit constater qu’il n’a plus, ou en tous cas de moins en moins, les moyens d’assumer seul le maintien de l’ordre nécessaire à ses intérêts dans cette région d’Afrique.

C’est le sens de cette diplomatie du chantage particulièrement grotesque, qui ne concerne d’ailleurs pas que l’Afrique puisque Emmanuel Macron en appelle régulièrement au soutien international. En attendant, l’Armée française va continuer de s’enliser, probablement aux prix d’autres vies humaines, françaises et africaines.

De leur côté, les djihadistes profitent de plus en plus de la présence française afin d’apparaître comme une force anti-impérialiste et d’élargir leur base de soutien y compris dans les grandes villes. Parallèlement, tout un tas de leaders populistes africains, qui ne veulent pas d’un pouvoir démocratique et populaire menant à de véritables indépendances, profitent d’une critique en surface, facile, de la présence française en pratiquant un romantisme anticolonial décalé.

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Politique

Néogaullisme: le général Pierre de Villiers appelle à remettre de l’ordre

L’invitation du général Pierre de Villiers sur RTL en dit long sur la tendance actuelle traversant la société française, celle du coup d’État. Quelle autre raison y aurait-il à inviter l’ancien responsable de l’armée française, qui plus est pour appeler à… « remettre de l’ordre », et cela en pleine mobilisation syndicale ?

« Il faut remettre de l’ordre, ce n’est pas aujourd’hui qu’on peut dire le contraire. On ne peut pas continuer comme ça » nous dit le général. Pas moins. Et la journaliste de RTL lui demande même s’il est prêt à prendre le pouvoir !

Le général a été invité le lundi 16 décembre 2019, la veille d’une nouvelle mobilisation dans les rues en soutien à la grève contre la réforme des retraites ayant commencé il y a douze jours. Il est donc sciemment employé comme contre-tendance au mouvement de grève alors que la période de Noël s’approche.

La première question posée est d’ailleurs :

« C’est la chienlit, mon général ? »

C’est une allusion aux propos de Charles De Gaulle en mai 1968, mais également au fait que la Ve République est née d’un coup d’État rétablissant « l’ordre ». Celui qui fut chef d’État-Major des armées de 2014 à 2017 a répondu de manière démagogique comme il se doit, regrettant que le pays ne soit pas capable de fêter Noël ensemble, ne manquant pas de présenter Noël comme une « tradition sur notre continent européen », ainsi qu’une « tradition française très ancrée ».

Particulièrement brillant dans son calcul, dès la troisième question sur ce que lui inspire la grève, il explique que la situation illustre ce qu’il a expliqué dans son ouvrage « Qu’est-ce qu’un chef ? » : il faut « retisser la confiance » dans le pays. D’ailleurs, le prétexte à son invitation est la sortie au format livre de poche de son ouvrage. Il existe une vaste campagne pour le médiatiser, le populariser, bref pour présenter le général comme un recours.

Le général a souligné que l’armée n’était pas un modèle « transposable », mais un bon laboratoire pour rétablir des corps intermédiaires dans le pays. Ce qui signifie, en clair : développer le corporatisme, caporaliser. Le général explique même que l’armée incarne la nation dans sa globalité et que donc, somme toute, c’est même là d’où il faudrait tirer les recettes pour réussir !

La perspective nationale-catholique est toute tracée, puisque le général reproche que dans notre pays il n’y ait pas assez de fermeté, et pas assez « d’humanité, d’amour ». Le général dit même :

« L’État est chargé d’organiser la vie de la cité. »

« Le rôle de l’État est d’ordonner la vie de la cité. »

Tel est le point de vue de la réaction, effectivement. La Gauche pense le contraire. Et la journaliste Alba Ventura de RTL est une fieffée servante de la réaction. Les dernières questions sont d’une servilité absolue, au point d’étonner le général :

« – Vous pensez qu’un général peut gouverner notre pays ?

– [Un temps.] Je pense qu’un général l’a déjà fait. Mais, si c’est…

– Je pense à vous, puisque vous écrivez des solutions pour notre société, pour notre nation. Est-ce que ça vous titille ?

– [Grand sourire.] J’ai déjà dit que je ne ferai pas de politique, je ne ferai pas de politique. »

Le général nous prend pour des idiots : tout le monde sait qu’un coup d’État se veut un « rétablissement » de l’ordre et non pas une action « politique ». En parlant ainsi, il se place comme « au-dessus » de la politique, et donc précisément comme l’homme du recours, du dernier recours…

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Guerre

L’armée française à l’offensive: la dénonciation de Charlie Hebdo

Quand l’armée commence à ouvrir la bouche, on comprend que l’époque est tourmentée et que les forces les plus réactionnaires sont à l’offensive. Quand c’est en plus pour dénoncer l’antimilitarisme de Charlie Hebdo, on comprend qu’une sacrée digue est tombée. En s’exprimant, par deux fois, le chef d’état-major de l’armée de terre Thierry Burkhard cherche à siffler la fin d’une récréation : désormais, dans la nouvelle époque qui est celle du repartage du monde, on ne touche plus à l’Armée. Il échouera : la dénonciation de la guerre et de l’armée française ne fera que s’accentuer !

On sent que c’est la crise et la pression est là. L’ambiance est à serrer les rangs derrière le capitalisme français, sous le drapeau national. La CGT chômeurs du Morbihan a ici payé cher sa naïveté, en mettant sur Twitter le message suivant à la suite de la mort de 13 militaires au Mali :

« Toutes nos pensées aux familles de militaires morts pour le colonialisme au #Mali »

Rien de bien choquant pour qui est de gauche. Insupportable pourtant dans la culture de la CGT, qui est depuis cinquante ans un soutien indéfectible à l’Armée française et à la production d’armes. Le communiqué officiel a la main lourde :

« La CGT adresse toutes ses condoléances aux familles et aux proches des soldats disparus lundi 25 novembre, au Mali.

Aussi, la Confédération générale du travail condamne fermement et se désolidarise des propos tenus dans un tweet de « chômeurs CGT 56 ».
Ce tweet est le résultat d’une initiative personnelle qui ne saurait engager ni le Comité de chômeurs 56, ni l’Union locale CGT de Lorient, ni l’Union départementale CGT du Morbihan qui a également fait un communiqué en ce sens.

Montreuil, le 27 novembre 2019 »

Même l’Union Départementale y est allé dans l’opération de dénonciation.

« Communiqué UD CGT 56 suite au tweet du 26 novembre 2019 de CGT Chômeurs 56

L’union départementale CGT du Morbihan s’associe à la douleur des familles des soldats disparus dans l’exercice de leur métier. Ce tweet est le résultat d’une initiative personnelle qui ne saurait engager ni le Comité de chômeurs 56, ni l’union locale de Lorient, ni l’union départementale du Morbihan. Nous condamnons les propos tenus. Ils vont à l’encontre des engagements de la CGT pour la paix.

Christèle Rissel pour l’Union Départementale CGT du Morbihan »

Tout cela est pathétique et quelle honte encore sur la question militariste de la part de la CGT. Tout cela serait relativement anecdotique, de par son absence totale de nouveauté et ce depuis cinquante ans, toutefois si le chef de l’armée de terre n’avait pas fait les mêmes remontrances, cette fois à Charlie Hebdo.

Le chef d’état-major de l’armée de terre Thierry Burkhard a d’abord publié un message sur twitter.

Puis, il a fait une lettre ouverte.

Tout cela, donc pour dénoncer Charlie Hebdo se moquant de la campagne de recrutement de l’armée.

Le quotidien Le Monde a cherché à se renseigner et voici ce qu’on apprend alors :

« L’entourage du chef d’état-major précise : « Ce ne sont pas les caricatures en tant que telles qui nous choquent, nous connaissons l’antimilitarisme de Charlie, mais cette façon de s’en prendre aux familles ». L’une d’elles a décidé de porter plainte, selon cette même source. »

Qu’a-t-on ici ? Hypocrisie, coup de pression et Le Monde au service de cela. Et cela au moment où Valeurs Actuelles en profite pour affirmer son soutien total au militaire Pierre de Villiers pour la conquête du pouvoir.

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Guerre

Valeurs Actuelles en appelle au militaire Pierre de Villiers pour la tête de l’État

La revue représentative de la haute bourgeoisie favorable à l’alliance de la Droite et de l’extrême-Droite a publié un article élogieux au sujet de Pierre de Villiers, ancien chef d’État-Major des armées devenu une idole militariste depuis son affrontement ouvert avec les autorités civiles en 2017. On est là dans une logique du coup d’État militaire absolument typique de la culture politique française.

Alors que le chef d’état-major de l’armée de terre Thierry Burkhard pourfend Charlie Hebdo pour son antimilitarisme, Valeurs Actuelles fait une sort d’allégeance à Pierre de Villiers. C’est un signe de notre époque, un signe résolument fort.

Celui-ci a été chef d’État-Major des armées de 2014 à 2017 ; il est connu pour avoir lancé lors du huis-clos de la commission de la Défense de l’Assemblée nationale, en 2017 :

« Je ne me laisserai pas baiser comme ça »

Recadré par Emmanuel Macron, il s’est alors fendu d’une tribune dans Le Figaro (« Soyons fiers de nos armées françaises »), puis d’un long message sur Facebook. Il finit par démissionner avec un message formant une sorte d’appel du pied nationaliste et militariste, alors qu’il est ouvertement soutenu par une lettre ouverte au Président de la République de 15 hauts gradés à la retraite.

Nous sommes alors en juillet 2017 et dès novembre, Pierre Le Jolis de Villiers de Saintignon (c’est son nom complet) publie un ouvrage, Servir. Il publie l’année d’après Qu’est-ce qu’un chef ? et est recruté par le Boston Consulting Group, un cabinet international de conseil en stratégie.

Le président de la partie française, avec 600 personnes, de ce groupe brassant des milliards de dollars, est Guillaume Charlin, l’un des tout premiers soutiens d’Emmanuel Macron.

Puis, à l’occasion des gilets jaunes, Pierre de Villiers y est allé fort, parlant d’une « crise de l’autorité dans notre pays mais aussi dans les démocraties occidentales », du besoin du chef de se tourner « vers le plus faible, le plus petit », etc.

Il n’est pas étonnant donc qu’il soit considéré comme un recours, dans la grande tradition putschiste française ; rappelons que la Ve République est elle-même née d’un putsch militaire !

Après donc des gilets jaunes, des groupes d’extrême-droite, on a désormais la très importante revue Valeurs Actuelles qui s’y met, à l’occasion de la grande offensive actuelle pour présenter l’armée comme « au-dessus » de la politique, comme le seul garant de la nation, etc.

Offensive qui est, bien sûr, strictement parallèle à l’immense pression sociale actuelle. C’est la lutte de classes qui connaît un saut dans son histoire.

Valeurs Actuelles a ainsi publié un article intitulé Élection présidentielle : Pierre de Villiers, candidat rêvé d’une France désespérée. Ce qu’on y lit est d’une clarté limpide :

« Il en est un autre qui n’échappe pas à ce phénomène et qui ne peut plus dire ou écrire sans que ses moindres faits et gestes soient interprétés comme la première pierre d’une hypothétique candidature présidentielle.

La semaine dernière, [le quotidien très à droite] L’Opinion assurait que Pierre de Villiers cultivait les doutes… Diantre… Un militaire bientôt en campagne de France, voilà de quoi alimenter bien des chroniques. La postface que le général cinq étoiles a ajouté à l’édition poche de son Qu’est-ce qu’un chef ?, « nourrira les commentaires en vue de 2022 », ajoute le quotidien avec des airs de gourmandise.

Qu’a donc pu écrire Pierre de Villiers pour qu’on lui prête à nouveau l’ambition de faire de la politique ? (…) « Nos élites sont parfois de bons tacticiens ; ils sont souvent de piètres stratèges. (…) Nos élites manquent de profondeur. (…) Il nous manque des chefs qui incarnent une voix et fixent la voie. »

Il n’en fallait pas davantage pour que ceux qui sont convaincus que le général jouera un jour à nouveau un rôle de premier plan, y voient une sorte d’autoportrait (…).

Reste un problème majeur : si le général a le profil de candidat idéal pour beaucoup, si nombre de Français, à commencer par les lecteurs de Valeurs actuelles, rêvent de le voir jouer un rôle actif (au point de l’imaginer premier ministre pour 16 % d’entre vous, ministre de l’intérieur pour 24 % ou ministre de la Défense pour 45 % dans un gouvernement que vous auriez façonné à votre idée), s’il est l’homme qui a dit non à Emmanuel Macron, Pierre de Villiers n’entend pas être l’homme du recours. »

La fin est un classique : les militaires disent toujours refuser de faire de la politique… avant d’en faire. L’option d’un coup d’État par un maréchal a traversé la France de 1918 à 1940… jusqu’à ce que le maréchal Pétain s’y colle.

En 2019, voici donc Valeurs Actuelles jouant à souffler sur les braises de cette option. C’est tout à fait cohérent. Le fascisme, en France, a nécessairement l’armée au centre de son dispositif, pour contrer le poids démocratique existant dans notre pays.

Le coup d’État du 18 Brumaire en 1799 par Napoléon Ier, celui du 2 décembre 1851 par Napoléon III, celui du maréchal Pétain en 1940, celui de De Gaulle en 1958… Tous ont en commun d’avoir prétendu répondre à l’appel de la nation pour un sauvetage par le haut.

S’il était vraiment un démocrate, Pierre de Villiers combattrait résolument cette tendance, défendrait le principe du pouvoir au peuple. Mais comme on le sait, il veut un chef… Comme d’ailleurs, malheureusement, une bonne partie du pays – et la haute bourgeoisie en premier lieu.

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Militarisation : le Service National Universel profite de youtubeurs

Avec le petit scandale de l’utilisation d’influenceurs opérant sur youtube pour promouvoir le Service National Universel, l’opinion publique découvre l’ampleur du dispositif. Ce qu’elle voyait comme une simple initiative civique se révèle bien être un bourrage de crâne militariste.

Le Service National Universel ne va être mis en place que progressivement, pour concerner tous les jeunes à partir de 2026, pendant un mois. Concernant tous les jeunes hommes et toutes les jeunes femmes, il touche véritablement toute la jeunesse et à terme, il sera aisé pour l’État de prolonger sa durée, une fois les structures mises en place, à la première « crise » venue.

C’est une remise en place du service militaire qui est visée, dans une interprétation correspondant aux exigences de la guerre moderne. L’État veut être capable d’encadrer psychologiquement et culturellement la jeunesse, d’en faire un levier pour diffuser dans la société le nationalisme et le militarisme. Et également bien entendu d’avoir suffisamment de main d’œuvre pour la guerre.

Comme l’ont formulé Rodrigo Arenas et Carla Dugault, les coprésidents de la FCPE, la fédération des parents d’élèves :

« Le SNU est la réintroduction au pas de l’oie et à grand renfort de communication du service militaire. »

Ce qui se joue, c’est la militarisation de la société, dans le cadre d’une tendance à la guerre. Et cela de manière particulièrement bien organisée.

Le Maroc vient par exemple également de revenir au service militaire, abandonné il y a douze ans. La décision a été prise brutalement, sans prévenir et de manière intéressante, les soutiens de famille y échapperont, ainsi que ceux qui font des études. C’est une belle manière de chercher à encadrer une génération précise, qui servira de chair à canon sans déranger ni la formation de cadres pour l’économie ni l’économie elle-même.

La France, quant à elle, vise à la fois davantage et moins. Elle veut d’abord des forces soutenant l’armée telle qu’elle existe, et ensuite d’éventuelles réserves. La raison à cela est que comme l’a formulé le premier ministre Edouard Philippe lors du 14 juillet 2019 :

« L’armée est la protectrice de la nation et de son côté la nation respecte l’armée. »

Le fait que l’armée soit extérieure à la société est ouvertement assumée. C’est un corps étranger, pas une armée populaire. D’où la décision du gouvernement d’utiliser trois youtubeurs, qui ont chacun deux millions d’abonnés sur youtube, pour faire la promotion du Service National Universel.

Il s’agit de Sundy Jules, Enzo, tais-toi !, et Tibo InShape. Les deux premiers ont utilisé le principe de la « story » sur instagram, qui au moyen d’une vidéo permet de s’immiscer dans la vie privée des gens, en feignant donc un rapport non hiérarchique, non commercial. La vidéo de promotion du SNU était mis en avant et pour illustrer les propos tenus, voici notamment ceux de Sundy Jules :

« C’est ouf, c’est une vidéo inédite du SNU en France. Regardez ça, c’est iconique. »

Tibo InShape a quant à lui directement fait une vidéo « je fais le nouveau service militaire? ». C’est tout autant de la propagande, mais cela a le mérite de la franchise, puisque dans la vidéo on a même Gabriel Attal, en charge au gouvernement du service national universel. Tibo InShape, avec ses vidéos sur la musculation, est un habitué de la valorisation des normes « viriles » et de l’ambiance « entre mecs », c’est-à-dire ne volant vraiment pas haut.

Tout cela ne sera pas considéré par la jeunesse comme véritablement un problème, car elle a du mal à considérer les choses de manière sérieuse. Par contre, quand elle le fera, elle se révoltera. C’est le paradoxe de la société capitaliste développée de ce début de 21e siècle.

Il y a d’un côté des exigences conçues comme individuelles, avec une porosité très claire au nationalisme permettant le maintien d’un capitalisme fort, dominant les pays du tiers-monde. De l’autre, l’aspect personnel de ces exigences ne peut aller que de pair avec le refus du militarisme et de l’encadrement au service du nationalisme.

La bataille entre la Gauche et le militarisme doit s’appuyer sur cette base pour parer aux terribles coups qui restent à venir, car la tendance à la guerre est irrépressible.

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FCPE (tribune) : Le service national universel est la réintroduction au pas de l’oie du service militaire

La fédération de parents d’élèves FCPE, largement liée à la Gauche, a publié une tribune sur le jdd.fr dénonçant le SNU comme une réintroduction en douce du service militaire.

La tribune est signée par Rodrigo Arenas et Carla Dugault, coprésidents de la FCPE :

« « Une expérience qu’on peut rapprocher de la préparation militaire, mais sans maniement des armes. » Qui tient de tels propos ? Le ­ministre de la Défense ? Non, mais plus curieusement, le secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Education nationale et de la Jeunesse, qui a ainsi révélé le vrai visage du service national ­universel (SNU).

De qui parle-t-il ? Des 2.000 volontaires de l’édition 2019 du SNU qui jouent un peu partout en France les apprentis bidasses. Si le ministère a l’air plutôt satisfait de l’expérience, les parents de la FCPE n’ont pour leur part aucune envie de voir leurs enfants suivre des entraînements de commandos !

Même si les jeunes ont accepté de se « prêter au jeu », doit-on pour autant leur faire subir tout et n’importe quoi ? Est-il normal que, pour être punis d’avoir gardé les mains dans leurs poches, certains d’entre eux soient obligés de faire des pompes ? Est-ce acceptable que, pour une raison inconnue, on laisse ces jeunes en uniforme immobiles sous un soleil de plomb avant qu’une vingtaine d’entre eux tournent de l’oeil ? En sommes-nous encore là en matière de relation éducative ? Pourtant, l’éducation, ce n’est pas l’apprentissage de la soumission ni la banalisation des rapports de domination.

Si, parmi ces volontaires, certains adolescents envisagent de suivre une carrière dans l’armée, c’est au ministère de la Défense de les former. Quant au ministère de l’Education nationale, même par le biais de son secrétariat d’Etat de rattachement, il ferait mieux d’investir dans d’autres domaines pour favoriser le vivre-ensemble. La FCPE peut lui donner quelques idées, surtout quand l’addition pour ce nouveau service national se chiffre à 1,5 milliard d’euros, à comparer aux seuls 20 millions débloqués pour les cantines à 1 euro…

Avec 1,5 milliard, c’est beaucoup plus que ces quelque 2.000 jeunes que l’on aurait pu nourrir gratuitement à la cantine. Autour d’une table, ils auraient d’ailleurs pu apprendre d’autres valeurs, nouer d’autres liens que ceux qu’ils n’ont pu créer en s’alignant en rang ­d’oignons lors d’une cérémonie d’inauguration. Pour faire connaître la vie en collectivité et ses règles, les valeurs de la République, le civisme, nul besoin de passer par les codes militaires ou l’aboiement de pseudo-caporaux-chefs en mal d’autoritarisme. On peut par exemple inscrire nos enfants dans des colonies de ­vacances, malheureusement inaccessibles aux familles les plus en difficulté en raison de tarifs souvent prohibitifs. Cette manne financière aurait aussi pu permettre la prise en charge des voyages scolaires, plutôt que de compter sur les parents qui passent des après-midi à faire des gâteaux et à les vendre aux sorties d’école pour alléger la facture des plus démunis.

Au lieu du service militaire « light », la FCPE propose que chaque enfant puisse bénéficier gratuitement, comme c’est le cas pour le SNU, d’une classe de découverte ou d’une colonie de vacances.

Mais nous avons bien compris que l’entêtement du gouvernement rendait difficile le retour en arrière sur ce service national très bien financé à défaut d’être très bien pensé pour l’intérêt des jeunes. Le SNU est la réintroduction au pas de l’oie et à grand renfort de communication du service militaire. Se pose donc la question ­essentielle, dans le cadre républicain, de ­l’objection de conscience. Car, alors qu’à 16 ans les jeunes commencent à prendre leurs propres décisions, ils seront dès l’année prochaine 40.000 à se retrouver coincés dans des ­bootcamps pour jouer à la guerre et satisfaire celles et ceux qui gardent le film Les Choristes en guise de madeleine de Proust éducative. »

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La concrétisation de l’avion de combat franco-allemand

Le moteur franco-allemand de l’Union Européenne ne vise pas qu’à la réalisation de projets d’ordre directement économique. Il promeut également une grande perspective militaire, dont l’avion de chasse est un aspect important, à côté du projet de char commun.

 

Quand on fabrique des avions de combat, ce n’est pas simplement pour la défense quand c’est une grande puissance qui le fait. On ne peut pas être de Gauche et posséder une quelconque naïveté à ce sujet. Alors lorsqu’il s’agit de deux grandes puissances qui s’allient, on se doute de ce qui se trame.

En l’occurrence, il s’agit de la France et de l’Allemagne, pour un projet qui en apparence concerne un avenir assez lointain. Le « SCAF » (Système de combat aérien du futur) est censé entrer en fonction en 2040 seulement. Vues les tensions mondiales actuelles, vingt ans c’est plus que lointain, c’est pratiquement un autre horizon.

Cependant, les premiers éléments doivent être prêts déjà dans quelques années, avec une démonstration publique des moteurs. De plus, c’est une manière de faire pression sur les autres pays de l’Union Européenne. Ainsi, dans quelques semaines l’Espagne doit rejoindre le projet, mais le ministère français des armées a prévenu : il faudra forcément reconnaître « la prééminence et le leadership franco-allemand dans le développement du SCAF ».

Enfin, cela participe à une généralisation des initiatives franco-allemandes. Un projet sur le long terme est censé montrer le sérieux de l’ensemble et débloquer toute une série d’initiatives du même type. Quand on annonce que les Rafale français et les Eurofigther allemands vont disparaître au profit d’un avion commun muni de drones d’accompagnement, on montre que l’affaire est sérieuse, la tendance générale. L’Allemagne a de son côté également exclu les F-35 américains de Lockheed pour le remplacement de ses Tornado, pour bien souligner la rupture en cours.

Le projet de Scaf s’appuie évidemment sur le tout récent traité franco-allemand. Dans celui-ci la France et l’Allemagne annoncent qu’elles « entendent favoriser la compétitivité et la consolidation de la base industrielle et technologique de défense européenne ». Elles se posent « en faveur de la coopération la plus étroite possible entre leurs industries de défense, sur la base de leur confiance mutuelle », et se proposent « [d’]élaborer une approche commune en matière d’exportation d’armements en ce qui concerne les projets conjoints ».

Pour cette raison, le projet de Scaf est particulièrement goupillé : l’architecture du programme et le concept sont attribués à Dassault Aviation et Airbus, l’architecture et l’intégration du moteur à Safran, l’entretien et les services à MTU.

Safran vient pour ce faire d’inaugurer une fonderie de nouvelle génération d’aubes de turbine à haute pression, à Gennevilliers, en banlieue parisienne. La Direction générale de l’armement lui a attribué le Plan d’études amont « Turenne 2 », s’étalant de 2019 à 2024, pour 115 millions d’euros. L’idée est de faire en sorte que les moteurs soient plus puissants et supportent ainsi une température de 2100°C, au lieu de 1850°C. L’avion doit être en mesure de transporter effectivement plus d’armement encore.

Éric Trappier, PDG de Dassault Aviation, à l’occasion de la signature qui vient d’être faite il y a quelques jours justement à Gennevilliers par les deux ministres des armées, Florence Parly et Ursula von der Leyen, en a profité pour affirmer le traditionnel lyrisme des fabricants d’armes, comme quoi ils sont les meilleurs, etc.

« Cette nouvelle mesure est un élément fondamental pour assurer l’autonomie stratégique européenne de demain. Dassault Aviation mobilisera ses compétences d’architecte et d’intégrateur systèmes pour répondre aux besoins des nations et permettre à notre continent de rester à l’avant-garde du domaine primordial des systèmes de combat aériens. »

Dire que l’Europe est à l’avant-garde ne serait vrai que si l’on prend la Russie, et encore serait-ce là nier la haute technologie américaine, sans parler de la course effrénée de la Chine pour rattraper le niveau. A cela s’ajoutent les Britanniques, qui ont leur propre avion de combat, le Tempest, réalisé par BAE Systems allié au groupe italien Leonardo. On voit ici comment l’Italie mène sa propre barque.

C’est une véritable course à l’armement qui se joue et le moteur franco-allemand entend généraliser la démarche. Si pour l’avion de combat, c’est la France qui prime dans le projet, ce sera l’Allemagne qui aura le dessus pour la mise en place du « char de combat du futur », qui prendra la place tant du Leclerc français que du Leopard allemand. Pour ce faire, la société allemande KMV a formé une société à capitaux mixtes KNDS avec le français Nexter.

La Gauche doit refuser ce militarisme. Elle ne doit pas tomber dans le piège chauvin expliquant que la France doit avoir son « indépendance » militaire, mais bien lutter contre le militarisme.