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Minable pamphlet pro-américain et pro-guerre du PS et d’EELV

En service commandé pour l’Otan et la CIA.

Raphaël Glucksmann est une figure typique de la fausse gauche française. Il n’est en rien de gauche, mais un libéral-démocrate à l’américaine, dont l’œuvre a essentiellement pour but de confisquer l’héritage et la culture de la Gauche historique, afin de la détruire.

Il est donc tout à fait logique que Raphaël Glucksmann soit un défenseur acharné de la guerre américaine contre la Russie. À l’occasion du premier anniversaire de l’invasion russe en Ukraine, il a donc écrit une « tribune », forcément publiée dans « Le Monde » (l’organe favori des Français démocrates à l’américaine), forcément accessible uniquement à ceux qui paient pour la lire, forcément signée par une ribambelle d’universitaires.

L’essentiel des figures du Parti « socialiste » et d’Europe écologie-Les Verts l’ont également signée, naturellement. C’est la Gauche caviar, la Gauche bobo, celle du Monde, du Nouvel Observateur.

Ce qu’on lit dans cette tribune est absolument caricatural, et c’est la même chose que ce que racontent la CIA et l’Otan. La Russie est méchante, très méchante, mais les Ukrainiens sont fantastiques et ils se battent pour notre liberté. Alors il faut les armer jusqu’aux dents pour qu’ils se massacrent avec les Russes, car il en va de la liberté du monde entier.

« Un peuple dont le seul crime est d’avoir voulu vivre libre », ose dire Raphaël Glucksmann, tel un scénariste à Hollywood.

Mais comme il s’agit, en France, pour Raphaël Glucksmann de détruire l’héritage et la culture de la Gauche historique, alors il ajoute une touche locale à sa propagande. Il reprend les termes et les définitions de la Gauche pour tout mélanger, pour saloper. La confusion est une arme fétiche des propagandistes à l’américaine.

Ainsi, il parle de fascisme, et renvoie à l’héritage antifasciste du 20e siècle.

« Nous faisons face à un État fasciste qui doit impérativement perdre la guerre qu’il a déclenchée en Ukraine. »

Et il ose :

« La guerre en Ukraine permet de situer chacun d’entre nous dans et face à l’histoire.

Elle oblige la gauche à décider si elle continue ou si elle renie le combat antifasciste qui fut l’honneur de son histoire.

Une gauche fidèle aux leçons de son histoire se souvient de la guerre d’Espagne et de l’invasion de l’Ethiopie par l’Italie fasciste. Elle se souvient des leçons de l’invasion de la Tchécoslovaquie par l’Allemagne nazie.

Le refus d’armer les Républicains espagnols ou les Ethiopiens envahis par Mussolini n’a pas amené la « paix », mais une guerre bien plus dévastatrice. L’abandon de la Tchécoslovaquie en 1938 a préparé la débâcle. »

Ce parallèle est très intéressant, car nous sommes justement en droit de le dénoncer, nous en avons la légitimité. C’est que ce parallèle a été juste, en effet… Mais il ne l’est plus. Voici l’image que nous avions réalisé et mis en avant avant l’invasion, dès avril 2021.

Et nous l’avions réactualisé au début de l’année 2022.

Qu’est-ce qui a changé, pour ne plus l’utiliser après ?

L’image avait son sens lorsqu’on pouvait encore parler de la nation ukrainienne en général. Ce n’est désormais plus possible : on est obligé de parler du régime ukrainien en particulier. Nous aimerions que les choses soient autrement, mais ce n’est pas le cas. Tout ce qui touche à l’Ukraine est 100% pro-guerre, pro-américain, fanatiquement anti-Russie, il n’y a rien à sauver.

Le régime ukrainien est désormais ouvertement sur une ligne nationaliste fanatique, affirmant vouloir aller jusqu’à Moscou avec ses chars et démanteler la « Moscovie ».

Il brûle des livres en masse, par millions, car « pro-Russie », il détruit méthodiquement tout ce qui est russe jusqu’aux monuments à Pouchkine, au point de vouloir interdire l’immense Tchaïkovski, de faire du peintre Ilya Répine un Ukrainien et non plus un Russe, jusqu’à considérer que la Russie est une entité maléfique possédée par le « dostoïevskisme ».

Nous l’avons répété plusieurs fois aussi, en précisant à chaque fois les étapes y menant : la nation ukrainienne s’est littéralement suicidée. Elle a fait comme Gribouille se jetant à l’eau pour ne pas se mouiller.

Il est impossible d’avoir un quelconque lien, même de très loin, avec le régime ukrainien qui assume l’idéologie nationaliste des bandéristes, qui interdit tout ce qui est de Gauche, qui est aux ordres de la superpuissance américaine.

On doit même dire que puisque l’Ukraine est au service de l’occident, qu’il représente aussi la France, alors il faut souhaiter sa défaite, car la défaite du régime ukrainien est aussi la défaite de l’armée française !

Une défaire que ne veulent ni le Rassemblement National, ni la CGT, ni La France Insoumise, ni Les Républicains, ni Emmanuel Macron, ni le NPA, ni la CFDT, ni FO, ni EELV, ni les socialistes.

Car l’ensemble du spectre politique est aligné sur l’Otan, sur la bourgeoisie française inféodée à la superpuissance américaine.

Être révolutionnaire, sur les valeurs de la Gauche historique, c’est se confronter à cet alignement ! Il ne faut pas aider le régime ukrainien, il ne faut pas la « paix », il faut la défaite de son propre camp impérialiste !

Voici la tribune, minable pamphlet pro-américain, pro-Otan, pro-3e guerre mondiale.

« Le 24 février 2022, Kiev devait tomber en quarante-huit heures. Un an plus tard, le drapeau ukrainien flotte sur Kherson. Depuis un an, les Ukrainiens nous donnent une extraordinaire leçon de courage. L’histoire s’écrit dans les tranchées de Bakhmout et les rues de Kherson, les caves de Kharkiv et les abris de Kiev.

L’Ukraine est aujourd’hui le cœur battant de l’Europe ; elle incarne la liberté des peuples face à une agression impérialiste ; elle défend la démocratie, non seulement pour elle-même mais pour nous tous, pour tout le continent européen. C’est pourquoi nous devons la soutenir de toutes nos forces et amplifier l’aide européenne.

Ceux qui agitent la peur de « l’escalade », alors qu’il ne s’agit que de repousser une agression, ne voient pas que tout recul devant Poutine ne ferait qu’enfoncer notre continent dans une spirale d’insécurité et de violence. Poutine n’a rien caché de ses idées et de son projet : il est en guerre contre la démocratie européenne, en laquelle il ne voit que décadence, et contre laquelle il veut affirmer, au mépris de tout droit, la puissance d’un empire russe.

La dynamique impérialiste enclenchée depuis 1999 par le régime de Poutine, appuyé sur un capitalisme mafieux et oligarchique, ne sera arrêtée que si la Russie perd en Ukraine. Alors que la guerre fait à nouveau rage à nos frontières, alors que la sécurité de l’ensemble de l’Europe est en jeu, la lâcheté et les ambiguïtés coupables ne sont pas permises.

La question est simple : doit-on donner aux Ukrainiens les moyens de se défendre ou récompenser l’agresseur russe en le laissant détruire le droit international et commettre en toute impunité ses crimes contre l’humanité ? Ceux qui appellent. à cesser de livrer des armes à l’Ukraine ne sont pas « pacifistes » : ils ne veulent pas la paix, mais consentent à la défaite.

Ils autorisent le sacrifice des Ukrainiens en les livrant à leurs agresseurs. Ils espèrent avoir la paix en cédant à ceux qui déclenchent les guerres. C’est une vieille illusion qui nous a maintes fois coûté cher à travers l’histoire. La victoire du fascisme n’est pas la « paix », mais la préparation d’autres guerres.

Cette guerre décide de la sécurité du continent européen

Le pseudo- « pacifisme » d’une part de la classe politique française et européenne – y compris à gauche – qui refuse les livraisons d’armes à l’Ukraine revient à consentir à l’oppression et à l’anéantissement d’un peuple dont le seul crime est d’avoir voulu vivre libre. Non seulement les pays européens ont raison de fournir des armes à l’Ukraine, mais ils doivent intensifier leur effort.

Si nous voulons réellement vivre en paix, alors nous devons être solidaires de la lutte des Ukrainiens contre un régime qui fait des civils des cibles prioritaires, comme il l’a déjà fait en Tchétchénie ou en Syrie. Il faut livrer aux Ukrainiens toutes les armes dont ils ont besoin pour renvoyer l’armée russe dans ses frontières. Chaque retard, chaque délai prolonge l’agression.

Cette guerre décide de la sécurité du continent européen pour les décennies à venir. Elle décide aussi du sens de la démocratie européenne et de sa capacité à préférer la solidarité aux politiques de profits à courte vue, qui sacrifient d’un même mouvement la justice sociale, l’urgence écologique et l’autonomie stratégique de nos cités.

La solidarité avec le peuple ukrainien en lutte

Une part de la gauche ne comprend pas qu’il peut y avoir une réponse de gauche à la guerre : fondée sur la solidarité avec le peuple ukrainien en lutte, mais aussi sur l’idée simple que les plus riches doivent le plus contribuer à l’effort commun, sur le fait que la taxation des profits de guerre a toujours été l’occasion à travers l’histoire de rétablir la primauté de l’intérêt général sur les intérêts particuliers et de la puissance publique sur les puissances privées. L’état de guerre exige que nous cessions de séparer le politique de l’économique.

Alors comblons les trous dans les sanctions visant la Fédération de Russie ; étendons les sanctions individuelles et confisquons les biens russes qui sont jusqu’ici simplement gelés ; créons d’urgence un cadastre de tous les avoirs financiers et non financiers détenus dans les paradis fiscaux, à commencer par les paradis fiscaux européens dont les oligarques russes sont particulièrement friands, et gelons les avoirs russes au-delà d’un niveau de fortune afin d’affaiblir les acteurs qui bénéficient le plus au régime de Poutine ; étendons les sanctions aux Etats ou entités qui aident le régime russe à annexer les territoires ukrainiens occupés et à circonvenir aux sanctions existantes.

Affichons clairement l’objectif stratégique de l’UE : la victoire de l’Ukraine dans ses frontières. Les discours ambigus, qui laissent croire à Moscou qu’une porte est à moitié ouverte et que l’Europe pourrait accepter l’annexion des territoires ukrainiens occupés par la Russie, ne font que prolonger la guerre en encourageant la Russie à étendre son occupation le plus loin possible.

L’UE devra aussi être à la hauteur de la solidarité matérielle qu’elle doit aux nombreux pays du monde qui subissent sans l’avoir voulu les conséquences de la guerre, en particulier sur l’approvisionnement alimentaire et énergétique.

Etre « réaliste », c’est fonder sa stratégie sur la réalité, et pas sur des illusions que le fait de la guerre a mises en pièces. Et la réalité, si longtemps fuie par nos dirigeants, est que nous faisons face à un Etat fasciste qui doit impérativement perdre la guerre qu’il a déclenchée en Ukraine.

La guerre en Ukraine permet de situer chacun d’entre nous dans et face à l’histoire. Elle oblige la gauche à décider si elle continue ou si elle renie le combat antifasciste qui fut l’honneur de son histoire. Une gauche fidèle aux leçons de son histoire se souvient de la guerre d’Espagne et de l’invasion de l’Ethiopie par l’Italie fasciste. Elle se souvient des leçons de l’invasion de la Tchécoslovaquie par l’Allemagne nazie. Le refus d’armer les Républicains espagnols ou les Ethiopiens envahis par Mussolini n’a pas amené la « paix », mais une guerre bien plus dévastatrice. L’abandon de la Tchécoslovaquie en 1938 a préparé la débâcle.

Toute renonciation prépare les catastrophes de demain. Hier, la démission des démocraties face à la barbarie de Bachar El-Assad a donné à Poutine, qui avait déjà expérimenté l’impunité de sa violence extrême en Tchétchénie et avait pu violer le droit international en Crimée, le signal d’une autorisation à commettre l’irréparable en Ukraine.

Les Ukrainiens ne lâchent rien, malgré les morts, les viols, les massacres. Nous n’avons pas droit à la lâcheté alors qu’ils combattent pour nous. La seule défense de la paix est de soutenir les Ukrainiens.

Liste des signataires de cette tribune à l’initiative de Raphaël Glucksmann et Jean-Yves Pranchère :

Pierre Albertini, historien, professeur de khâgne ; Hadrien Alvarez, artiste plasticien ; Eric Andrieu, député européen (PS) ; Nathalie Appere, maire de Rennes (PS) ; Jérôme Auslender, adjoint au maire de Clermont-Ferrand (Generation. s) ; Fabien Aviet, éditeur ; Gilles Bataillon, directeur d’études à l’EHESS ; Olivier Bianchi, maire de Clermont-Ferrand (PS) ; Thomas Boccon-Gibod, Institut de philosophie de l’université Grenoble Alpes ; Isabelle Bourdier, professeure d’histoire-géographie ; Dominique Bourg, professeur honoraire à l’Université de Lausanne ; Frédéric Brahami, directeur d’études à l’EHESS ; Anne-Lorraine Bujon, directrice de la rédaction de la revue Esprit ; Julia Cagé, professeure d’économie au département d’Economie de Sciences Po Paris ; Eduardo Castillo, écrivain ; Pierre Charbonnier, philosophe, chargé de recherche CNRS à Sciences Po ; Fabien Chevalier, président d’honneur de « Sauvons l’Europe » ; Antoine Chollet, politiste, université de Lausanne ; Catherine Coquio, cofondatrice du Comité Syrie-Europe ; David Cormand, député européen (EELV) ; Laurent Coumel, enseignant-chercheur à l’Inalco ; Martin Deleixhe, Université libre de Bruxelles ; Carole Delga, présidente de la région Occitanie (PS) ; Karima Delli, députée européenne (EELV) ; Tremeur Denigot, expert européen ; Philippe Descola, professeur au Collège de France ; Frédérik Detue, maître de conférences en littérature comparée, université Côte d’Azur ; Françoise Diehlmann, germaniste ; Stéphane Dorin, professeur de sociologie à l’université de Limoges ; Gregory Doucet, maire de Lyon (EELV) ; Anne Dujin, rédactrice en chef de la revue Esprit ; Alexeï G. Evstratov, enseignant-chercheur, université Grenoble Alpes ; Jean-Louis Fabiani, professeur à CEU, Vienne ; Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste (PS) ; Jean-Marc Forax, artiste plasticien ; Sylvain Frécon, auteur de bande dessinée ; Antoine Germa, scénariste du film Moissons sanglantes ; Raphaël Glucksmann, député européen (Place publique) ; Martine de Gaudemar, professeure émérite de philosophie (université de Paris-Nanterre) et membre honoraire de l’Institut Universitaire de France ; Sylvie Guillaume, députée européenne (PS) ; Francois Heran, professeur au Collège de France ; Jean-François Husson, chargé de cours invité à l’université de Louvain ; Yannick Jadot, député européen (EELV) ; Céline Jouin, maître de conférences en philosophie à l’université de Caen Normandie ; Isabelle Kersimon, présidente d’honneur de l’Inrer ; Mathieu Klein, maire de Nancy (PS) ; Sarah Kilani, membre du Comité Syrie Europe après Alep, médecin anesthésiste réanimateur ; Firas Kontar, juriste, opposant au régime syrien ; Justine Lacroix, politiste, université libre de Bruxelles ; Aurore Lalucq, députée européenne (Place publique) ; Perrine Ledan, échevine de la culture (Ecolo), Uccle (Bruxelles) ; Carole Lemee, anthropologue, maîtresse de conférences à l’université de Bordeaux ; Nicolas Leron, essayiste, chercheur associé à Sciences Po ; Antoine Lilti, professeur au Collège de France ; Paul Magnette, président du Parti socialiste belge et bourgmestre de Charleroi ; Virginie Maneval, assistante sociale ; André Markowicz, écrivain et traducteur ; Guillaume Massart, cinéaste et producteur ; Fréderique Matonti, professeure de science politique à Paris-I ; Nora Mebarek, députée européenne (PS) ; Frédéric Ménager, chercheur associé EHESS ; Marie Mendras, professeure à Sciences Po Paris ; Aude Merlin, chargée de cours en sciences politiques et sociales, Université libre de Bruxelles ; Véronique Nahoum-Grappe, anthropologue ; Boris Najman, enseignant-chercheur, UPEC ; Claire Nouvian, militante écologiste ; Florence Ostier, sociologue et coopératrice ; Benoit Payan, maire de Marseille ; Marie Peltier, historienne, spécialiste de la propagande ; Jean-Yves Pranchere, politiste, Université libre de Bruxelles ; Nicolas Poirier, enseignant et chercheur en philosophie, Sophiapol/Paris Nanterre ; Alain Policar, chercheur associé au Cevipof (Sciences Po) ; Christophe Prochasson, historien, directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales ; Valérie Rabault, député (PS); Bastien Recher, conseiller régional de Normandie (EELV) Hélène Flautre, ancienne députée européenne (EELV) ; Dilnur Reyhan, chercheuse et présidente de l’Institut ouïghour d’Europe ; Johanna Rolland, maire de Nantes (PS) ; Sylvie Rollet, présidente de l’association « Pour l’Ukraine, pour leur liberté et la nôtre » ; Valérie de Saint-Do, journaliste et autrice ; Denis Saillard, chercheur associé à l’UVSQ (Paris-Saclay) ; Elisabeth Salomon, retraitée de la fonction publique ; Guillaume Sauzedde, service public de l’emploi ; Laura Ségard, psychologue ; Frédéric Sawicki, professeur de science politique, Paris-I ; Réjane Senac, directrice de recherche CNRS au Cevipof ; Guillaume de Stexhe, professeur émérite Université Saint-Louis-Bruxelles ; Claude Taleb, ex-vice-président (EELV) de la région Haute-Normandie ; Marine Tondelier, secrétaire nationale d’EELV ; Boris Vallaud, député (PS) ; Cécile Vaissié, professeure à l’université Rennes-II ; Mélanie Vogel, sénatrice (EELV) ; Ilias Yocaris, professeur en sémiotique du texte et de l’image à l’université Côte d’Azur ; Anna C. Zielinska, maîtresse de conférences en philosophie à l’université de Lorraine ; Laurent Zimmerman, maître de conférences, université Paris Cité ; Gabriel Zucman, professeur d’économie à Berkeley et directeur de l’Observatoire européen de la fiscalité. »

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L’initiative commune lancée par de nombreuses figures de la Gauche

C’est « à titre personnel » que de nombreuses figures de la Gauche ont lancé une « initiative commune », dont voici le manifeste. Cela regroupe l’ensemble du spectre centristes de gauche, EELV, PS, PCF, avec une volonté sous-jacente de dépassement de ces structures.

Cette initiative commune vise clairement à passer au-dessus des partis et organisations, voire au-delà de la notion de parti, dans la perspective d’une unification nouvelle de la Gauche.

Parmi les signataires, notons le premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure, l’économiste Thomas Piketty, l’ex secrétaire général de la CGT Bernard Thibault, la figure du PCF Ian Brossat, la porte-parole du PCF Cécile Cukierman, la directrice d’OXFAM France et ancienne figure d’EELV Cécile Duflot, le fondateur de Place publique Raphaël Glucksmann, la principale figure d’EELV Yannick Jadot, le maire EELV de Grenoble Éric Piolle, la centriste écologiste ex-LREM Corinne Lepage, Virginie Rozière co-présidente des Radicaux de gauche.

« Au cœur de la crise, construisons l’avenir

La France affronte un séisme d’une ampleur inouïe. Favorisée par la destruction de la nature, la pandémie a généré une crise économique de grande ampleur, une commotion sociale brutale, notamment pour les plus précaires, et une mise entre parenthèse du fonctionnement démocratique. Elle a révélé l’improvisation des pouvoirs publics face à cette crise majeure. L’engagement extraordinaire des soignantes et des soignants, le courage de celles et ceux qui n’ont cessé de travailler sans relâche au service de tous et le civisme de millions de personnes confinées dans des conditions difficiles appellent une reconnaissance unanime. Dès maintenant, il s’agit d’éviter le pire et de préparer l’avenir. La réparation des dégâts annoncés, la défense des libertés, l’obligation de préparer une société résiliente nécessitent de fortes dynamiques collectives. La crise confirme l’urgence radicale des grandes transitions. De cette impérieuse nécessité, faisons naitre une espérance. Nous ne sommes pas condamnés à subir !

Au coeur de cette crise, il nous faut tourner la page du productivisme. Il faut affronter les périls immédiats, s’accorder pour engager la transition écologique et dans un même mouvement les transformations sociales et économiques trop longtemps différées. L’impasse où nous ont conduits les politiques dominantes depuis quarante ans et le capitalisme financier exige une offensive résolue. Avec cette initiative commune, dans le respect de nos différences, nous nous engageons à la hauteur des principes que nos prédécesseurs ont affirmés dans la « reconstruction » qui suivit la seconde guerre mondiale. Aujourd’hui, en temps de paix, nous devons faire preuve d’une égale ambition, avec la volonté que les Français s’emparent de ces débats.

L’état d’urgence sociale doit se déployer dès maintenant dans l’ensemble du pays, à commencer par les quartiers populaires et les territoires ruraux, partout où la crise remet à vif la grande pauvreté et les inégalités. Les familles déjà vulnérables, comme celles qui viennent brutalement de plonger dans le chômage et la pauvreté, se comptent par millions. La solidarité nationale doit intervenir pour aider les locataires, contribuer à payer les factures d’eau et d’électricité, par l’aide alimentaire et la fourniture gratuite de masques, par des soutiens exceptionnels individualisés pour que vivent décemment celles et ceux, y compris les jeunes, qui ont vu leur travail et leurs revenus disparaitre. Cette crise doit enfin imposer un basculement des politiques publiques : « sortir » des dizaines de milliers de personnes de la rue, c’est affaire de dignité d’abord, mais aussi d’ordre public sanitaire et social.

Pour aller plus loin, la France, comme d’autres en Europe, doit imaginer et mettre en chantier dès cette année un nouveau modèle de protection sociale. Pour ces temps de grande transition, il y a urgence à assurer un revenu digne rendant possibles à toutes et tous la formation, l’accès à un nouvel emploi ou un projet professionnel. Compte tenu de la hausse explosive du nombre des sans-emplois, ce serait une faute historique de maintenir la « réforme » de l’assurance chômage de 2020. Il faut permettre dès maintenant à tous les territoires volontaires de mettre en oeuvre la belle initiative Territoires zéro chômeur de longue durée, inspirée des expériences du mouvement associatif. Quant aux travailleurs étrangers en situation irrégulière, soutiers plus anonymes encore de nos économies, leur accès au droit au séjour doit être facilité.

Pour pouvoir mobiliser les énergies de toutes et tous, il faudra inventer et consolider des protections collectives plus adaptées à notre temps, combler les failles majeures que la crise a soulignées, agir pour l’accès à la santé et des retraites décentes. Certains, à l’inverse, manifestent déjà la volonté de réduire les droits sociaux à la faveur de l’émotion générale, notamment sur la question du temps de travail. Nous ne laisserons pas faire, et nous demandons qu’il soit renoncé définitivement au projet de réforme des retraites qui mine la cohésion nationale dont nous avons tant besoin. Face à la précarité ou aux inégalités femmes-hommes, tous les travailleurs et travailleuses, indépendants, artisans et commerçants, professionnels des plates-formes, salariés en CDD, intermittents ou intérimaires, doivent être dotés de droits sociaux individuels complets et d’une capacité réelle de négociation collective.

Le statu quo n’est plus possible. Nous défendons une société de la reconnaissance, qui sache valoriser celles et ceux sans lesquelles elle ne tiendrait pas, dans la crise comme après. Travailleurs de l’aube et du soir, fonctionnaires de jour comme de nuit, soignants et enseignants dévoués, elles (très souvent) et ils sont en droit d’attendre bien sûr des primes immédiates et légitimes, mais aussi une amélioration significative et sans délai de leurs conditions d’emploi et de salaire, à commencer par le Smic. Lorsque ces personnes ont des enfants, la prise en charge par les employeurs des frais de garde, l’organisation de nouveaux centres de vacances dès 2020 avec les mouvements d’éducation populaire seraient aussi de justes rétributions. Le confinement a mis également en exergue la nécessité de reconnaitre le féminicide en droit français et de ne plus reporter un plan national d’ampleur contre les violences faites aux femmes et aux enfants, en doublant le budget alloué aux associations venant en aide aux victimes et aux lieux de prise en charge

Les Français vivent intensément les effets de l’affaiblissement de notre système de santé. Sous tension bien avant le tsunami du Covid19, l’hôpital public a été asphyxié par des années d’austérité budgétaire et la marchandisation de la santé. Une loi de programmation doit assurer au plus vite un financement pérenne des investissements des hôpitaux et des Ehpad, rompre avec la spirale des fermetures de lits et permettre la revalorisation des métiers de soignantes et soignants. Cette refondation permettra de retrouver une capacité de prévision et d’anticipation, et les moyens d’affronter collectivement les chocs de grande ampleur. Elle devra également garantir à tout moment la disponibilité des principaux médicaments sur le territoire national. Elle assurera enfin la réhabilitation des soins de premiers recours, efficients et réactifs face à de nouvelles crises et la fin des déserts médicaux, indignes de notre pays.

L’avenir de notre économie et sa conversion écologique se jouent en ce moment. Le soutien public à la survie du système productif est vital. Il doit être associé à une conditionnalité environnementale et sociale exigeante. Des fleurons de notre économie sont au bord de la faillite, avec le cortège habituel de restructurations brutales et de chômage massif. Face à ces risques, la réaction de l’État en faveur de l’emploi doit être couplée à la mise en oeuvre accélérée de la transition écologique, à commencer par le respect des Accords de Paris sur le climat. C’est seulement ainsi que le sauvetage des emplois sera durable. Une politique industrielle crédible implique des choix stratégiques nationaux ; elle se construit dans chaque région avec toutes les parties concernées, entreprise par entreprise, branche par branche. La mobilisation doit intégrer pleinement les enjeux d’indépendance et de relocalisation, de recherche et d’innovation, mis en lumière de façon éclatante dans la crise actuelle.

D’ici la fin de cette année, il appartient à la puissance publique d’identifier avec tous les acteurs les secteurs stratégiques à relocaliser au niveau français ou européen, les chaines de valeurs à contrôler et les productions à assurer au plus proche des lieux de consommation. Les événements récents confirment une fois de plus les fragilités de l’Europe quand elle se limite à n’être qu’un marché livré aux excès du libre-échange, renonçant à protéger son économie. La signature des traités qui amplifient cet abandon doit être stoppée, et ceux qui existent déjà révisés. Rien ne sera possible sans un pilotage ambitieux du système de crédit, avec un pôle public de financement et la BPI jouant enfin réellement son rôle. La mise en oeuvre de nationalisations là où il le faut doit permettre non de mutualiser les pertes, mais d’atteindre des objectifs d’intérêt général. Dans ce but, il faudra aussi miser davantage sur l’économie sociale et solidaire pour mieux ancrer l’économie dans les territoires et impulser le nouveau modèle de développement.

Cette épidémie et sa propagation rapide sont liées à la destruction accélérée des habitats sauvages combinée à une mondialisation insuffisamment régulée. Elles renforcent l’urgence d’une remise en cause de notre mode de production et de consommation : la transformation écologique de la France est le nouveau défi de notre République au XXIème siècle. Cette prise de conscience des communs naturels à protéger et de l’impasse des modes de consommation actuels est essentielle, tout comme les combats de la gauche. Les propositions des participants de la Convention citoyenne pour le climat et sa méthode ont permis que progressent dans la société des projets d’une grande richesse. Les politiques publiques doivent être au rendez-vous de cette urgence planétaire.

Nous proposons que soit discutée et mise en oeuvre rapidement une Prime pour le climat, afin d’éliminer en priorité les passoires thermiques et sortir les plus pauvres de la précarité énergétique. Elle accompagnera aussi les travaux de rénovation énergétique rendus obligatoires pour l’ensemble du bâti afin d’atteindre deux millions de logements par an, en privilégiant les rénovations complètes. Des dizaines de milliers d’emplois non délocalisables pourraient être ainsi créés.

La France a besoin également de bâtir un plan ambitieux de transition vers une mobilité durable, pour soutenir l’électrification des motorisations, les modes de transports collectifs et partagés, la relance des réseaux ferroviaires, mais aussi l’extension du droit au télétravail dans des conditions protectrices pour les salariés.

Conçue pour éviter un recours accru aux énergies fossiles, dont les prix baissent du fait de la crise, la Contribution Climat Énergie doit s’accompagner de mesures de redistribution de grande ampleur pour en compenser les effets sur les plus vulnérables. Une relance publique du soutien à la transition écologique locale est plus que jamais indispensable afin d’impliquer beaucoup plus les territoires et les citoyen.ne.s dans le déploiement des projets collectifs d’énergies renouvelables. Ces investissements supplémentaires dans la transition écologique devront être sortis des critères budgétaires européens.

La refonte des aides de la PAC en soutien des petites et moyennes exploitations doit être accélérée, pour permettre une agriculture respectueuse de l’environnement, la croissance des productions bio, et pour développer le paiement des services environnementaux (stockage du carbone, arrêt des intrants chimiques…). Il faudra enfin donner toute sa place dans nos textes fondamentaux au droit de la nature et mettre en oeuvre de façon strict sur l’ensemble du territoire la politique du « zéro artificialisation nette » et la protection de la biodiversité.

Ces investissements massifs, pour l’immédiat ou le futur, exigent un financement soutenable et équitable. L’engagement de l’Europe en est l’une des clés. C’est une nécessité qui conditionne la survie de l’Union, quand les forces de démembrement prospèrent grâce au manque de solidarité européenne dans chaque moment de crise. On attend de l’Europe qu’elle conduise durablement une politique monétaire à la hauteur du risque actuel, mais aussi qu’elle mette en oeuvre des formes inédites de financement en commun pour empêcher une hausse de l’endettement des États, en particulier les plus affectés par la crise sanitaire. Il faudra aussi dès les prochains mois engager le chantier de la restructuration des dettes héritées des crises successives.

Tous les pays en ont en effet un urgent besoin pour permettre un nouveau départ et la transformation de leurs économies tellement interdépendantes. Ces financements européens ne sauraient être assortis des mesures d’austérité qui ont creusé entre les peuples des blessures encore inguérissables. Les conditionnalités aujourd’hui se nomment écologie, cohésion sociale et respect de la démocratie. Une transformation profonde des structures de l’Union européenne est indispensable pour rendre possibles ces politiques ambitieuses de solidarité. Cela implique la remise en cause du pacte budgétaire.

Mais l’Europe ne pourra pas régler seule l’addition de la crise. Les États devront eux aussi apporter une réponse fiscale et budgétaire dans un esprit de justice. Pour corriger les inégalités creusées au cours des dernières décennies et aggravées par la crise, et pour prévenir l’effondrement de nos sociétés. La France doit rétablir un Impôt de solidarité sur la fortune, mettant à contribution les patrimoines les plus élevés, et renforcer la progressivité de sa fiscalité sur les revenus, notamment ceux du capital, largement érodée depuis 2017. Compte tenu de l’ampleur des dépenses engagées pour faire face à la crise, elle devra appeler une contribution anti-crise des citoyens les plus aisés. La taxation des secteurs qui ont bénéficié de la crise et de ceux qui ont décidé, au coeur de la tempête, de continuer à distribuer des dividendes ou à s’enrichir à l’abri des paradis fiscaux doit être proposée sans délai au Parlement. La maitrise à l’avenir des écarts de salaires au sein des entreprises participe de ces préalables de justice : au-delà d’un écart d’un à douze, il ne serait plus possible de déduire les rémunérations et les cotisations de l’impôt sur les sociétés. Ces choix sont inséparables d’une action ambitieuse pour que les bénéfices des sociétés multinationales cessent d’échapper largement à la fiscalité française, notamment en les obligeant à une totale transparence sur leurs activités et les taxes payées dans les pays où elles sont présentes. Cette reconquête ne sera complète que lorsque les géants du numérique contribueront par un impôt juste aux efforts d’investissement qui attendent la France et l’Europe.

Ces mesures n’auront de sens et d’efficacité que si dans l’après-crise, une transition démocratique offre à tous la capacité d’agir pour un monde commun. La verticalité du pouvoir fracture la société. Elle alimente l’impuissance et la défiance. C’est l’échec de la Vème République. Seule une refondation de nos institutions permettra de le dépasser. Il est impératif de ne pas confier à un « sauveur suprême » ou au pouvoir technocratique « la sortie de crise », mais au contraire d’augmenter la participation des citoyen·ne·s aux décisions qui les concernent et cela à tous les niveaux.

Réussir les transitions exige un développement des emplois publics partout où leur manque cruel se vérifie aujourd’hui. Il faudra aussi rénover l’action publique en inventant les outils, l’organisation, les métiers du secteur public de demain. Rien ne progressera sans des délibérations collectives, valorisant bien davantage les citoyens et leurs compétences, l’éducation, l’innovation sociale et la création culturelle, les territoires, villes et villages.

Cet impératif s’adresse aussi aux entreprises : pour réussir la sortie de crise, il faut y faire entrer la démocratie en associant réellement les salariés à leur stratégie. Cela doit s’incarner dans une codétermination à la française avec la présence de 50% de représentants des salariés dans les conseils de surveillance ou les conseils d’administration des grandes entreprises et le renforcement des pouvoirs des représentants des salariés à tous les niveaux.

Lourde de souffrances inédites, cette période ne doit pas confisquer les espoirs de changement, bien au contraire. Faisons place à l’action collective et à ces premières convergences. Pour être à ce rendez-vous de notre Histoire, nous proposons qu’un grand événement, une « convention du monde commun », réunisse dans les prochains mois toutes les énergies disponibles, les citoyennes et citoyens épris de profonds changements, les formations politiques, les forces associatives, les initiatives que portent syndicats et ONG. C’est une première étape cruciale et attendue pour une alternative démocratique, écologique et sociale. Nous voulons lui donner la force de notre engagement.


Premiers signataires* : Syamak Agha Babaei, Christophe Aguiton, Amandine Albizzati, Claude Alphandery, Nathalie Appéré, Gérard Aschieri, Guillaume Balas, Jeanne Barseghian, Marie-Laure Basilien-Gainche, Laurent Baumel, Romain Beaucher, Anne-Laure Bedu, Jacqueline Belhomme, Esther Benbassa, Patrice Bessac, Olivier Bianchi, Habiba Bigdade, Loïc Blondiaux, Alice Bosler, Maurice Braud, Rony Brauman, Axelle Brodiez, Ian Brossat, Philippe Brun, Julia Cagé, Sophie Caillat, Andrea Caro, Fanélie Carrey-Conte, Lucas Chancel, Pierre Charbonnier, Christian Chavagneux, Alain Coulombel, Annick Coupé, Jezabel Couppey-Soubeyran, Françoise Coutant, Thomas Coutrot, Cécile Cukierman, Ronan Dantec, Joël Decaillon, Carole Delga, Stéphane Delpeyrat, Laurianne Deniaud, Emmanuel Denis, Gregory Doucet, Marie-Guite Dufay, Cécile Duflot, Antoine Dullin, Jérôme Durain, Guillaume Duval, Timothée Duverger, Nicolas Duvoux, Anne Eydoux, Olivier Faure, Rémy Féraud, Aurélie Filippetti, Diana Filippova, Alain Foix, Didier Fradin, Philippe Frémeaux, Guillaume Garot, Karl Ghazi, Jean-Luc Gleyze, Raphael Glucksmann, Daniel Goldberg, Guillaume Gontard, Gaëtan Gorce, Aziliz Gouez, Bernadette Groison, Florent Gueguen, Denis Guenneau, Hélène Hardy, Jean-Marie Harribey, Anne Hessel, Catherine Hoeffler, Pierre Hurmic, Marie-Hélène Izarn, Pierre Jacquemain, Yannick Jadot, Hugues Jallon, Vincent Joineau, Régis Juanico, Nina Karam-Leder, Pierre Khalfa, Yazid Kherfi, Hella Kribi-Romdhane, Thierry Kuhn, Joël Labbé, Guillaume Lacroix, Delphine Lalu, Aurore Lalucq, François Lamy, Sandra Laugier, Pierre Laurent, Guillaume Le Blanc, Joël Le Coq, William Leday, Claire Lejeune, Corinne Lepage, Elliot Lepers, Nadine Levratto, Medhi Litim, René Louail, Benjamin Lucas, François Mandil, Bénédicte Manier, Edouard Martin, Gus Massiah, Nora Mebarek, Dominique Meda, Philippe Meirieu, Claire Monod, Beligh Nabli, Naïri Nahapetian, Jean-François Naton, Alexandre Ouizille, Christian Paul, Renaud Payre, Willy Pelletier, Camille Peugny, Maxime Picard, Thomas Piketty, Eric Piolle, Dominique Plihon, Dominique Potier, Alexis Poulin, Angèle Préville, Audrey Pulvar, Valérie Rabault, Jean-Paul Raillard, Gilles Raveaud, Sandra Regol, Nadine Richez-Battesti, Martin Rieussec-Fournier, Jacques Rigaudiat, Marie-Monique Robin, Johanna Rolland, Barbara Romagnan, Laurence Rossignol, Muriel Rouyer, Virginie Rozière, Michèle Rubirola, Jérôme Saddier, Bernard Saincy, Eva Sas, Mounir Satouri, Frédéric Sawicki, Laurence Scialom, Sabrina Sebaihi, Aissata Seck, Véronique Sehier, Gabrielle Siry, Emmanuel Soulias, Jo Spiegel, Olivier Szulzynger, Sophie Taillé-Polian, Bernard Thibault, Benoît Thieulin, François Thiollet, Isabelle This Saint-Jean, Stéphane Troussel, Henri Trubert, Hulliya Turan, Boris Vallaud, Najat Vallaud-Belkacem, Shahin Vallée, Antoine Vauchez, Denis Vicherat, Anne Vignot, Patrick Viveret.

* à titre personnel »

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Tribune : « L’Europe a besoin des socialistes »

Voici une tribune d’Alain Bergounioux, président de l’Office universitaire de recherche socialiste et d’Henri Weber, ancien sénateur et député européen, expert associé à la Fondation Jean-Jaurès, initialement publiée par Libération.

Ils appellent à une alliance large à Gauche derrière le courant majoritaire, que l’on peut qualifier de centriste et qui est incarné au parlement européen par le groupe S&D du Parti des socialistes européens (PSE).

Le PSE regroupe les grands partis de la Gauche européenne, le PS français, le SPD allemand, le SPÖ autrichien, le Labour britannique, le PSOE espagnol, le PD italien ou encore le Partij van de Arbeid néerlandais.

Une partie de la Gauche de plus en plus importante récuse le rôle et l’action du PSE qui a voté en 2017 à 90 % la même chose que la Droite (PPE) lors votes finaux, selon une étude de la fondation Robert Schumann.

Il faut néanmoins, pour être tout à fait honnête, interpréter cette de donnée dans le cadre particulier du Parlement européen, qui fonctionne par des compromis négociés longuement, y compris à l’intérieur même des groupes.

Notons pour finir qu’il est question dans cette tribune de s’opposer à l’ordo-libéralisme, à quoi est opposé traditionnellement le keynésianisme, et non pas le Socialisme. Le Socialisme s’oppose par définition au mode de production capitaliste, dont l’ordo-libéralisme et le keynésianisme sont deux aspects.

« L’Europe a besoin des socialistes

Le 26 mai, il faut conforter le Parti des socialistes européens (PSE) et son groupe parlementaire à Strasbourg, «l’Alliance des démocrates et des socialistes». Implanté de longue date dans les 28 Etats de l’Union, (la Grande-Bretagne est encore des nôtres !); fort aujourd’hui de 188 députés, le PSE est la seule force politique au Parlement européen capable de promouvoir une coalition progressiste rassemblant les sociaux-démocrates, les écologistes, et les centristes.

Une telle coalition est nécessaire et urgente, face à la montée des nationalismes d’extrême droite et des partis europhobes, crédités de 25% des sièges, dont l’objectif proclamé est la destruction de l’UE. Elle est indispensable aussi pour réorienter la construction européenne dans le sens d’une Europe plus écologique, plus sociale, plus solidaire, plus volontaire. Jamais les risques d’enlisement et de désagrégation nationaliste qui menacent l’Europe n’ont été aussi grands. Mais jamais non plus les chances de tourner le dos à l’ordo-libéralisme longtemps dominant et d’engager la transition écologique et la révolution numérique en Europe n’ont été aussi fortes.

La prise de conscience de l’urgence écologique dans la grande opinion a beaucoup progressé depuis cinq ans. Elle joue en faveur d’un «Green New Deal», une nouvelle donne écologique, en deux volets : le renforcement qualitatif des normes et règles en défense de l’environnement et de la qualité de la vie. C’est le volet défensif, auquel s’ajoute un volet offensif : la mise en œuvre de politiques industrielles volontaristes et ambitieuses en vue de réaliser les objectifs de la COP 21, la reconversion thermique des bâtiments, le développement des «mobilités propres» et des énergies renouvelables, la généralisation d’une «agriculture raisonnée»…

Cette transition écologique que chacun appelle désormais formellement de ses vœux, ne peut être le fruit du libre jeu des forces du marché, toute l’histoire du capitalisme l’atteste. Elle appelle au contraire une forte impulsion de la puissance publique, à tous ses niveaux : local, régional, national, européen et mondial, le niveau continental s’imposant toutefois de plus en plus comme l’espace stratégique. Ce retour nécessaire de la puissance publique s’affirme à un moment où les dogmes du néo-libéralisme économique, triomphants au début du siècle, ont beaucoup perdu de leur crédibilité, en raison des résultats des politiques qu’ils ont inspirés. Peu nombreux sont ceux qui croient encore dans les vertus autorégulatrices des marchés. L’idée que le monde souffre, non pas d’un excès, mais d’une carence d’organisation, de régulation, de planification, d’intervention des acteurs publics, s’est peu à peu imposée, après la crise de 2008. Elle a pris tout d’abord la forme régressive d’une montée des protectionnismes nationalistes. Mais elle peut prendre aussi, celle, progressiste, de politiques publiques coopératives et socialement inclusives, comme on dit à Bruxelles, préconisées par la social-démocratie au niveau de l’UE et de chacun de ses Etats membres.

Malgré ses déboires dans certains pays, la famille socialiste restera la principale force progressiste au Parlement européen et au Conseil des chefs d’Etat et de gouvernement dans la prochaine législature (2019-2024). La seule force capable de fédérer la gauche, les écologistes et le Centre-gauche pour mettre en échec les offensives désagrégatrices des partis europhobes et de réorienter l’Europe. C’est pourquoi nous appelons à voter pour la liste «Envie d’Europe», emmenée par Raphaël Glucksmann. Le 26 mai, il s’agit d’élire le Parlement européen, non de censurer ou de plébisciter le Président de la République française. »

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Le programme de la liste « envie d’Europe écologique et sociale » menée par Raphaël Glucksmann et soutenue par le Parti socialiste

Le programme de la liste conduite par Raphaël Glucksmann pour les élections européennes a été publié ce lundi 6 mai et a été présenté comme « l’embryon de ce qui va reconstituer la Gauche dans les années qui viennent ». On n’y trouvera cependant pas beaucoup de rapport avec la Gauche historique et ses fondamentaux liés aux classes populaires.


Le cœur du projet présenté par Raphaël Glucksmann et soutenu par le Parti socialiste est défini comme « la rencontre du social et de l’écologie », ce qui serait « un projet de rupture » avec « l’idéologie du libre-échange » et « le dogme de l’austérité ».

Il est considéré que les institutions européennes sont indispensables pour cela, afin de lutter contre le réchauffement climatique et régler les questions d’ordre économique et social. L’Union européenne étant cependant « dénaturée par les intérêts privés et les forces de l’argent des lobbies », il faudrait changer radicalement les politiques qu’elle mène.

C’est le sens donné au programme de cette liste « envie d’Europe écologique et sociale », qui s’intitule : « Nos 10 combats écologiques et sociaux pour changer la vie des Européennes et des Européens. »

Les mots « changer la vie » sont une référence évidente aux grandes années du Parti socialiste. C’était le nom de l’hymne du parti adopté en 1977, dans la lignée du Programme commun de gouvernement avec le PCF en 1972, dans lequel figuraient aussi ces mots. La victoire de François Mitterrand en 1981 fut ensuite directement associée à cette idée de « changer la vie ».

On remarquera également une similarité avec les « 110 propositions pour la France » de François Mitterrand en 1981, puisque le programme de la liste européenne est constitué de 119 propositions.

Ces propositions visent donc à séduire les gens de gauche, d’autant plus qu’il y est aussi parlé de justice sociale, d’imposition des grandes entreprises ou encore de droits des travailleurs. Ces derniers sont cependant considérés comme relevant des droits humains en général, et pas d’une question centrale. On ne peut pas dire qu’il s’agisse d’un programme écrit en priorité pour les classes populaires, sans même parler de la classe ouvrière, ce qui est pourtant l’ADN de la Gauche historiquement.

Lors de la présentation du programme, il a clairement été question de s’adresser aux « orphelins de la Gauche », avec dans l’idée de préparer l’après, l’indispensable reconstruction à venir. La liste est donc présentée comme une liste d’unité, mais le premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure a eu la drôle d’idée d’affirmer qu’elle est la seule « à promouvoir l’Europe, le social, l’écologie ».

Cela est faux bien entendu, puisqu’il y a au moins les listes dirigées par Benoit Hamon et Ian Brossat qui disent exactement la même chose à ce sujet. On peut même considérer qu’une partie importante des personnes potentiellement convaincues par ce discours européen, social et écologiste choisiront plutôt la liste des Verts menée par Yannick Jadot, voir même celle de la majorité présidentielle d’Emmanuel Macron, qui ne disent pas forcément grand-chose de différent.

Il faut ajouter ici une remarque très importante sur le fond, à propos de ce programme. Il est fait à travers ces 119 propositions comme s’il s’agissait d’un programme de gouvernement, qui pourrait être appliqué.

Cela n’est pas vrai du tout, pour deux raisons essentielles. Il y a d’abord le fait que l’élection est européenne, donc la France n’élit qu’une petite partie ( 79 ) des 750 députés européens. Le travail parlementaire s’effectue ensuite en groupes, constitués obligatoirement de députés de plusieurs pays : il faut donc raisonner par rapport à un groupe parlementaire européen, ce que ce programme ne fait pas du tout, et ce dont il ne parle pas du tout.

L’autre point important est que les députés européens n’ont pas l’initiative législative, c’est-à-dire qu’ils ne peuvent rien proposer. Leur rôle n’est que d’approuver ou rejeter les propositions législatives, ou alors de les amender, mais c’est là un processus très complexe nécessitant une multitude de compromis et d’alliances électorales.

Il est donc entièrement mensonger de dire « nous ferons ceci, nous ferons cela » si nous sommes élus comme cela est écrit dans ce programme de la liste « envie d’Europe écologique et sociale ». Même si elle raflait l’ensemble des 79 sièges qui lui sont accessibles, elle ne pourrait pas faire ce qu’elle prétend, par définition.

On ne peut pas dire ici que ce n’est qu’une question de forme et que la liste présente des orientations générales, ce qu’elle pourrait voter ou non lors des sessions parlementaires. Les 119 propositions de son programme sont très précises, et formulées pour la plupart de manière affirmative.

En voici quelques-unes :

11. […] Nous favoriserons en particulier le retour de la nature en ville,
d’espaces verts dans les zones carencées, et la restauration écologique des rivières et des espaces bétonnés superflus. […]

13. Nous sortirons les dépenses liées à la transition écologique du calcul des « 3 % » de déficit public.

52. Nous interdirons les emballages plastiques et polystyrènes sur tout le territoire de l’Union européenne d’ici 2025.

56. Nous renforcerons les pouvoirs du Parlement face au Conseil et à la
Commission, en lui donnant un réel pouvoir législatif et en élargissant le champ de la codécision avec le Conseil à des domaines comme le budget, la fiscalité et la protection sociale.

69. Nous ferons de l’Europe un leader dans la défense des droits des personnes LGBTI+. […]

72. Nous mettrons fin au règlement de Dublin qui renvoie les demandeurs d’asile vers les pays de première entrée qui se retrouvent seuls en Europe à assurer le premier accueil. […]

77. Nous créerons une garantie européenne pour l’enfance, visant à assurer à tout enfant vivant sur le sol de l’Union européenne un accès à un logement, un système de garde, une éducation, une alimentation et aux soins de santé.

79. Nous mettrons en place un « Erasmus pour tous » qui permettra à chaque jeune européen de 16 à 25 ans de bénéficier d’une bourse à la mobilité allant jusqu’à 5 000 euros pour mener un projet éducatif, professionnel ou associatif dans un autre pays européen que le sien. […]

Notons également que, de manière très étrange, certaines propositions ne sont pas affirmatives, mais formulées comme des propositions justement :

14. Nous proposerons de taxer le kérosène sur tous les vols intra-européens.

54. Nous défendrons une reconnaissance internationale de l’écocide en tant que crime contre la nature et la biodiversité.

113. Nous plaiderons pour une Union européenne mieux représentée au Conseil de sécurité des Nations unies, avec un soutien clair à l’obtention d’un siège de membre permanent pour l’Allemagne, en plus du siège de la France.

Cela est encore plus faux ! Les députés européens ne peuvent rien proposer, cela n’a aucun sens d’écrire cela dans un programme pour les Européennes. Tout cela consiste donc surtout en un catalogue de mesures « idéales », pour prétendre avoir une identité « européenne », mais sans rapport réel et concret avec ce qu’est en pratique l’Union européenne.

C’est, sur le plan strictement politique, d’une grande faiblesse, et aura de la peine à convaincre. Cela n’a pas grand-chose à voir avec les fondamentaux de la Gauche historique, des grands partis de gauche en Europe qui ont à l’origine porté le point de vue de classe ouvrière et des classes populaires en général, qui ont su élaborer dans les années 1930 des fronts populaires solides contre aux nationalismes – ce dont nous avons à nouveau besoin aujourd’hui.

> Le programme de la liste « envie d’Europe écologique et sociale » : Nos 10 combats écologiques et sociaux pour changer la vie des Européennes et des Européens.

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La Gauche pourrait n’avoir aucun député au Parlement européen

Un sondage publié ce dimanche 5 mai 2019 donne la liste menée par Raphaël Glucksmann et soutenue par le Parti socialiste en dessous des 5 % requis pour avoir des élus aux Européennes. Cela serait un grand échec politique pour la Gauche française si aucune de ses listes ne parvenait à obtenir des députés européens.

Les sondages valent ce qu’ils valent et on peut même penser qu’ils sont très critiquables dans la mesure où ils influencent injustement les campagnes électorales. En attendant, ils existent et ils participent de la réalité, tout en la reflétant au moins dans les grandes lignes.

La grande information politique d’hier était donc ce sondage donnant la liste emmenée par Raphaël Glucksmann ( ENVIE D’EUROPE ÉCOLOGIQUE ET SOCIALE ) sous la barre des 5 %, soit le seuil minimum pour avoir des élus.

L’enquête réalisée par l’institut Harris Interactive-Epoka pour les médias RTL, Le Figaro, et LCI-TF1 donne la liste à 4,5 %, en recul de 0,5 point par rapport à l’enquête précédente. C’est border-line comme ont dit, et si on peut penser que cela se situe dans la marge d’erreur, que c’est rattrapable avec une bonne dynamique de campagne pendant trois semaines, le signal est néanmoins très clair.

Force est de constater que la Gauche est tombée très bas en France. Son principal parti, le PS, ne présente même pas de tête de liste, et se retrouve maintenant menacé par un sondage de soutenir une liste qui fera chou blanc.

C’est que la Gauche est dispersée, elle n’a pas été en mesure de s’entendre. Ni Ian Brossat, tête de la liste liée au PCF ( POUR L’EUROPE DES GENS CONTRE L’EUROPE DE L’ARGENT ), ni Benoît Hamon, tête de la liste liée à Génération-s ( LISTE CITOYENNE DU PRINTEMPS EUROPEEN AVEC BENOÎT HAMON SOUTENUE PAR GÉNÉRATION.S ET DÈME-DIEM 25 ), n’ont su aller dans le sens de l’unité.

À elles trois, ces listes cumulent pourtant aux alentours de 10 %, en fonction des sondages. Ce n’est pas énorme, mais au moins cela serait significatif, marquant un pôle de la Gauche, établissant une dynamique nécessaire pour faire face à l’extrême-droite.

C’est malheureusement tout l’inverse qui se passe. En plus d’être rongée de l’intérieur, la Gauche est attaquée par les flancs, surtout par son flanc droite en fait. Yannick Jadot, qui conduit la liste EUROPE ÉCOLOGIE, explique partout qu’il n’est surtout pas de gauche, mais un sorte d’équivalent d’Emmanuel Macron en un peu moins libéral. Il entraîne cependant avec lui beaucoup de gens de gauche, notamment des personnes qui sont ou étaient liées aux Verts.

> Lire également : Yannick Jadot fait en sorte qu’EELV tourne le dos à la Gauche

C’est d’ailleurs exactement la même chose pour l’ancienne socialiste Delphine Batho, présente sur la liste URGENCE ÉCOLOGIE, qui avait expliqué récemment qu’elle n’est plus de gauche.

Il se passe bien-sûr la même chose avec la formation de Jean-Luc Mélenchon, la France insoumise, qui assume ouvertement le populisme plutôt que la gauche, mais attire à elle une partie de l’électorat de la gauche. La tête de la liste LA FRANCE INSOUMISE, Manon Aubry, n’est pas de gauche mais entend bien s’accaparer des voix pour faire un score important et mettre la Gauche dans les cordes.

> Lire également : Alexis Corbière assume de rejeter la Gauche

À gauche de la Gauche, si l’on peut dire les choses ainsi, il y a les listes LUTTE OUVRIERE – CONTRE LE GRAND CAPITAL, LE CAMP DES TRAVAILLEURS menée par Nathalie Arthaud de Lutte ouvrière et PARTI RÉVOLUTIONNAIRE COMMUNISTES menée par
Antonio Sanchez, issu du PCF. Cela ne représente toutefois a priori pas grand-chose et ces personnes n’ont de toutes manières, traditionnellement jamais fait le choix de l’unité à Gauche, à part pour des visées électoralistes.

Cela n’est pas tout. La Gauche, en étant incapable de se positionner comme un pôle clair et dynamique aux yeux de la société française, favorise de surcroît un éparpillement des initiatives. Il y a parmi les 33 listes déposées officiellement pour les élections du 26 mai prochain, beaucoup de petites listes que l’on pourrait qualifier de « thématiques » et qui pourraient séduire des gens de gauche.

C’est le cas par exemple de la liste « animaliste », de la liste « décroissance », de la liste censée représenter les jeunes ( ALLONS ENFANTS ) ou encore les questions liées au numérique ( PARTI PIRATE ), et même d’une certaine manière des « listes gilets jaunes ».

Tout cela relève de problématiques qui devraient être largement assumées par la Gauche, qui attirerait alors à elle les initiatives, pour former un grand élan démocratique et populaire dans la société française. Il en est de même évidemment de l’écologie, qui n’a pas de raison d’être considérée de manière autonome, mais doit faire partie de la proposition d’ensemble de la Gauche.

C’est d’ailleurs ce que disent tant Raphaël Glucksmann que Benoît Hamon et Ian Brossat, sauf que la dynamique de gauche n’est pas suffisamment puissante pour que cela se traduise concrètement, ici dans les votes, et autrement dans les pratiques quotidiennes et les préoccupations politiques concrètes.

La Gauche donc, risque de se retrouver bien mal dans trois semaines, avec un score très faible et une incapacité à faire front face au grand succès d’extrême-Droite qui se profile. Si, de son côté, l’extrême-Droite connaît aussi de nombreuses listes, celles-ci sont bien plus l’illustration d’une dynamique générale que d’un éparpillement. La liste PRENEZ LE POUVOIR, LISTE SOUTENUE PAR MARINE LE PEN de Jordan Bardella du Rassemblement national est promise à un très gros score et pourrait même obtenir le meilleur score en France, devant la liste représentant la majorité présidentielle.

La Gauche ne sera en mesure d’y faire face qu’en faisant front, en assumant ses valeurs historiques liées au mouvement ouvrier, en assumant le Socialisme, en assumant de vouloir réellement changer la vie pour emmener avec elle les classes populaires vers de meilleurs lendemains.

N’avoir aucun député européen à l’issue de ces élections ne changerait pas grand-chose à la donne politique et à la possibilité de construire un Front populaire dans les années à venir. Cela serait toutefois un échec symbolique retentissant pour la Gauche, qu’il vaudrait probablement mieux éviter.

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Les réactions à la proposition de fédération populaire par Jean-Luc Mélenchon

Plusieurs personnalités liées à la Gauche ont réagit à la proposition faite par Jean-Luc Mélenchon de créer une fédération populaire. Les réactions sont dans l’ensemble mitigées, car tout le monde ou presque a compris qu’il s’agirait surtout d’un « rassemblement » autour de sa propre personne.

Le Premier secrétaire du Parti socialiste a bien résumé le sentiment général à Gauche sur la proposition du leader de la France insoumise :

« C’est « Je veux bien rassembler mais sur mes bases et derrière moi ». Et c’est comme ça qu’on n’y arrive jamais ».

Olivier Faure a également considéré que c’était d’abord « un aveu d’échec » de la part de  celui qui avait initialement refusé « l’idée même de rassembler la Gauche ».

Selon lui, le député insoumis considérait auparavant « qu’il n’était pas de la Gauche mais du peuple », ce à quoi il a répondu :

« la Gauche, ça n’est pas le populisme, ça ne le sera jamais. Jamais. Cela suppose de sa part qu’il fasse ce pas-là et qu’il abandonne cette idée folle du populisme de gauche ».

Olivier Faure considère par ailleurs que le Parti socialiste fait la démarche de l’unité pour les élections européennes en présentant Raphaël Gluksman et que cela fonctionne, tout en regrettant qu’il y ait actuellement une « offre divisée ». C’est un raisonnement qui peu paraître absurde, car cela revient à se féliciter d’une situation tout en regrettant qu’elle n’existe pas.

Il faut cependant comprendre que le Parti socialiste considère être toujours la force centrifuge de la Gauche. Il imagine pouvoir rassembler à nouveau après ces élections, ce qui couperait de fait l’herbe sous le pied de Jean-Luc Mélenchon :

« Il y a déjà une progression, qui n’est pas suffisante, et nous devons viser un score qui nous mettent dans une situation où nous puissions, demain, être à nouveau en mesure de rassembler et d’être un pôle de stabilité à gauche. »

Le sénateur et secrétaire national en charge des relations extérieures du Parti socialiste Rachid Temal est allé dans le même sens qu’Olivier Faure, en critiquant l’exclusion de fait du PS par la France insoumise :

« Mélenchon dit « Je veux discuter avec la Gauche », mais ne veut pas des partis et met des oukases sur le PS  ! »

Le candidat Raphaël Glucksmann a pour sa part considéré qu’effectivement, « la gauche ne pourra être une offre crédible que si elle se réunit », mais qu’il faut d’abord avoir des discussions de fond, en assumant les divergences de chacun. On comprendra que cela revient là aussi à critiquer le populisme de Jean-Luc Mélenchon, qu’il avait d’ailleurs qualifié quelques jours avant de « Thatcher de gauche ».

De son côté, le tête de liste du PCF aux Européennes Ian Brossat a eu une position plus mesurée, mais néanmoins sceptique. Il a considéré qu’il était d’accord sur l’idée de se reparler à Gauche après les Européennes, mais que pour autant « personne ne peut jouer les gros bras ».

Le secrétaire national du PCF Fabien Roussel n’a pas réagit publiquement, ou alors très discrètement et cela est passé inaperçu. Rappelons qu’il expliquait au mois de février dernier discuter toutes les semaines avec Jean-Luc Mélenchon « pour lui demander de se détendre un petit peu, qu’on puisse trouver les contours d’un rassemblement ensemble », précisant que cela ne « veut pas dire forcément fusionner dans des listes ».

Benoît Hamon a pour sa part répondu longuement à la proposition de fédération populaire, dans un entretien également à Libération dès le lendemain. Il a considéré cela comme un « geste d’unité » pris très « au sérieux ».

Sa position est néanmoins compliquée à comprendre. Il explique qu’il faut une unité face au danger que représente l’extrême-droite, sans parler du fait que justement Jean-Luc Mélenchon n’aborde jamais le sujet de l’extrême-droite dans son long entretien.

> Lire également : Jean-Luc Mélenchon rejette le principe de Front populaire et appelle la Gauche à suivre sa démarche

Les propos de Benoît Hamon sont de gauche, avec un héritage évident de la tradition du Front populaire :

« Je vois la colère partout. L’alternance la plus naturelle aujourd’hui, c’est Marine Le Pen. Je me refuse d’user de cette situation avec cynisme comme le fait Emmanuel Macron en polarisant le débat entre lui et le Rassemblement National. Je préfère apporter des réponses positives aux inquiétudes des Français. Pour ce faire, il nous faut une gauche forte. Le drapeau est aujourd’hui à terre, relevons-le. »

Il semble cependant céder à la panique, en oubliant l’analyse de fond en raison d’un danger imminent, ce qui est forcément un grave erreur. Il dit en effet :

« Alors à tout prendre entre le désastre annoncé et un geste d’unité je préfère prendre acte de ce geste d’unité et le prendre au sérieux. Après tout, le fair-play, c’est peut-être contagieux. »

Il ne semble pas avoir vu que Jean-Luc Mélenchon n’était pas du tout dans une optique de Front populaire face à l’extrême-droite.

Le secrétaire national d’Europe Écologie-Les Verts David Cormand a lui très bien vu que la question se posait par rapport à l’extrême-droite et que le « peuple de gauche » ne considérait pas le leader de la France insoumise comme étant un opposant à l’extrême-droite :

« Mélenchon le fait maintenant parce qu’il est en difficulté politique, interne, et dans les sondages. Il voit bien que le peuple de gauche qui lui avait accordé sa confiance à la présidentielle considère moins que c’est lui qui peut offrir une alternative aux libéraux et aux fachos ».

Finissons par Yannick Jadot, tête de la liste Europe Écologie-Les Verts, qui pour le coup assume totalement de ne plus être de gauche. Il a répondu qu’il fallait totalement rejeter la question de l’unité de la Gauche :

« J’ai noté qu’après m’avoir tapé dessus, il était favorable à l’économie de marché, finalement. Il est vrai que l’économie chez Maduro, l’économie des sovkhozes, ça ne fait pas rêver. Le problème de Mélenchon, Faure, Hamon, Glucksmann est que le pôle socialiste a explosé. Ils utilisent l’écologie pour essayer de masquer leur rupture. Ils disent tous : il faut recomposer la gauche derrière moi.

Moi, mon sujet, c’est qu’un projet écologique et solidaire gagne en Europe et dans ce pays. Je n’ai jamais été socialiste, trotskiste ou communiste, je n’ai toujours été qu’écologiste. J’ouvre portes et fenêtres aux citoyens qui ont compris que la lutte contre le dérèglement climatique était la mère de toutes les batailles et qu’elle pouvait être un formidable levier de justice sociale. »

Il rejette de ce fait totalement la proposition Jean-Luc Mélenchon, le considérant presque ouvertement comme un équivalent de Marine Le Pen (alors que lui-même est un équivalent d’Emmanuel Macron) :

« Non, ça ne m’intéresse pas. Jean-Luc Mélenchon a des convictions, une colère, une indignation par rapport à l’injustice sociale que je peux partager. Mais il a une conception de la démocratie qui n’est pas la mienne. Il passe son temps à brutaliser le débat politique, moi je veux apaiser notre pays. Il se place dans une logique national-étatiste, moi je veux une France beaucoup plus décentralisée, régionalisée.

Je crois fondamentalement que l’Europe, malgré ses défauts, est une formidable aventure, qu’elle est notre horizon civilisationnel. Il a quelques ambiguïtés avec Maduro et Poutine. Nous les écologistes, combattons toutes les dictatures, de droite, de gauche, où qu’elles soient. Nous devons à nos enfants une Europe des libertés, qui reconnaît à chacune et chacun sa dignité, ses identités multiples. Nous leur devons un avenir bienveillant dans lequel ils se projetteront avec confiance. »

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Raphaël Glucksmann : trottinette électrique et montre Cartier

Il ne parvient même pas à faire semblant de ne pas être un bobo : en allant à la rencontre d’un journaliste de la Tribune de Genève, Raphaël Glucksmann a multiplié les prouesses dans le ridicule et le grand bourgeois.

Raphaël Glucksmann, c’est le parisien bobo qui pense que la France ne vit finalement qu’à travers des gens comme lui. On sait comment ces gens de l’élite ne conçoivent même pas d’être totalement en décalage, jusqu’au ridicule. Ainsi, Raphaël Glucksmann a rendez-vous avec un journaliste de la Tribune de Genève ; il a du retard. Voici son excuse :

« Je traversais la place de la Concorde en trottinette électrique quand le guidon s’est décroché, incroyable non ? »

On se dit : le type est naïf, ou stupide, ou les deux. Et en plus il continue :

«Je sais que ça fait très bobo, la trottinette, mais qu’est-ce que c’est pratique ! »

La considération du journaliste est immédiate :

« Bobo, il l’est jusqu’au bout des ongles. »

La suite du compte-rendu du journaliste est pratiquement hilarante :

« Ce midi-là, on le retrouve au restaurant en compagnie de Thomas Porcher, professeur d’économie et lui aussi cofondateur de Place publique – un habitué des débats télévisés où il s’est fait la spécialité de massacrer la vulgate économique libérale.

On ne peut s’empêcher d’admirer sa jolie montre Cartier – « J’ai le droit d’aimer les belles choses, bougonne-t-il en remontant sa manche. Vous n’allez quand même pas parler de ça…»

On croit alors avoir tout lu, mais non, il y a la suite :

« Ça tombe bien, car le hasard veut qu’à la table d’à côté mange l’influent député LFI Alexis Corbière. Pendant tout le repas, on se jette des regards, on s’épie. Au moment de partir, Alexis Corbière engage la conversation, mi-agressif – « Vous nous tapez vraiment dessus comme des sourds ! » –, mi-conciliant – « La bataille est culturelle et vous aussi vous l’avez compris ».

Au début, ils se vouvoient, mais ils profitent de l’occasion pour passer au tutoiement, et quand c’est chose faite Alexis Corbière repart. « Vous avez vu ? Là on n’était pas loin les uns des autres », s’exalte Thomas Porcher, comme si l’union de la gauche était à portée de main. »

C’est un véritable sketch. C’est tout un milieu, tout un style de vie, toute une manière d’être, proprement bourgeois, proprement parisien… Avec un déni complet de la réalité, avec le refus d’assumer quoi que ce soit.

Comment peut-on parler d’écologie alors qu’une aberration comme la trottinette électrique est l’exemple même de l’individualisme le plus vil, le plus gratuit, le plus inutile ? Quelle cohérence, sans parler même de dignité, peut-il y avoir chez des gens portant une montre Cartier et prétendant en même temps que le monde ne tourne pas rond ?

Et pire encore, ces gens sont les idiots utiles du fascisme. En faisant passer la Gauche pour un rassemblement de guignols, voire de grand bourgeois, ils donnent des ailes à l’extrême-droite qui elle utilise de bout en bout une démagogie populaire. Imagine-t-on seulement Raphaël Glucksmann tenir ne serait-ce que quelques minutes de débat face à Marine Le Pen, sans parler de Marion Maréchal ?

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Raphaël Glucksmann falsifie Jean Jaurès pour son premier meeting

Cherchant à faire les yeux doux aux socialistes pour son premier meeting des Européennes, Raphaël Glucksmann a cité Jean Jaurès. Mais, évidemment, il a été obligé de falsifier la citation, qui parlait effectivement bien de réforme, mais de réforme pour abolir le salariat, supprimer tout le capitalisme ainsi que la propriété bourgeoise…

Ce samedi se tenait à Toulouse un petit meeting du Parti socialiste, de Place publique et de Nouvelle donne. C’est évidemment Raphaël Glucksmann qui était attendu au tournant, après sa prestation considérée comme très faible et sans orientation lors du premier débat télévisé des élections européennes de mai 2019.

Cherchant à convaincre, il s’est lancé notamment dans une longue citation de Jean Jaurès, qu’il a bien entendu dû totalement modifier pour que cela passe. Jean Jaurès était un effet un réformiste, mais un réformiste membre du Parti socialiste SFIO et donc visant tout de même le socialisme, c’est-à-dire la socialisation des moyens de production.

Voici la citation telle que Raphaël Glucksmann l’a lue lors du meeting de Toulouse :

« Parce que le Parti socialiste est un parti de révolution, précisément parce qu’il ne se borne pas à réformer et à pallier les pires abus du régime actuel, mais veut réformer en son principe et en son fond ce régime même, il est le parti le plus activement et le plus réellement réformateur.

Il est le seul parti qui puisse donner à toute tentative partielle d’affranchissement et d’amélioration, la plénitude d’une force que rien n’arrête et que rien n’effraie. »

Raphaël Glucksmann a ensuite parlé de radicalisme et de réformisme comme étant ce qui caractérise le Parti socialiste, à l’opposé des tentatives « autoritaires » comme celle des bolcheviks. En apparence, c’est de l’anticommunisme, en réalité c’est de l’antisocialisme.

Ce n’est pas pour rien qu’au meeting, il a par ailleurs souligné que les socialistes, c’était Jaurès et Blum, mais aussi Mendès-France et Rocard. Car ces deux dernières figures n’étaient que des figures de centre-gauche, n’ayant justement rien à voir avec le Jaurès et Blum, avec les valeurs du socialisme.

Et Jaurès donc, bien qu’il n’ait jamais agi dans l’esprit de la social-démocratie allemande – avec son marxisme orthodoxe porté par Karl Kautsky – appartenait bien à un parti voulant le socialisme. Pour cette raison, Raphaël Glucksmann a été obligé de falsifier la citation de Jean Jaurès.

Voici les propos réels de Jean Jaurès, au congrès de Toulouse du Parti socialiste SFIO, en 1908 :

« Nous vous disons, précisément parce que le Parti socialiste est un parti de révolution, précisément parce qu’il ne se borne pas à réformer et à pallier les pires abus du régime actuel, mais veut réformer en son principe et en son fond ce régime même, précisément parce qu’il veut abolir le salariat, résorber et supprimer tout le capitalisme, précisément parce qu’il est un parti essentiellement révolutionnaire, il est le parti le plus activement et le plus réellement réformateur.

Précisément parce qu’il n’est pas arrêté, dans sa revendication incessante, par le droit, périmé à ses yeux, de la propriété bourgeoise et capitaliste, il est le seul parti qui puisse pousser toutes les réformes jusqu’à la réforme totale et il est le seul parti qui puisse donner à chaque réforme, à chaque tentative partielle d’affranchissement et d’amélioration, la plénitude d’une force que rien n’arrête et que rien n’effraie. »

« Abolir le salariat, résorber et supprimer tout le capitalisme », « la propriété bourgeoise et capitaliste » comme un droit périmé… Cela est bien loin de Raphaël Glucksmann et de son style grand-bourgeois Paris-New-York. C’est à l’opposé les valeurs de la Gauche historique, dont nous avons besoin aujourd’hui.

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Place publique fait un hold up sur le Parti socialiste

Le Parti socialiste, pour la première fois depuis 1979 et les élections européennes, n’aura pas l’un de ses représentants comme chef de file d’une liste de Gauche. Cette année, c’est Raphaël Glucksmann qui sera le numéro un, avec en échange la moitié des places de la liste accordée au Parti socialiste.

C’est un véritable « deal » et ce qui est très grave, c’est qu’on le sait depuis vendredi matin, alors que ce n’est que le samedi que le Conseil National du Parti socialiste l’a décidé, à 128 voix pour, 5 contre, 3 abstentions – il y est censé avoir pourtant plus de 300 membres !

Stéphane Le Foll n’a d’ailleurs pas attendu pour ruer dans les brancards et a décidé d’abandonner le bureau national du Parti socialiste avant sa tenue. Bon, la vérité c’est que cela fait bien longtemps qu’il n’assistait plus à ses séances ; cela fait partie des psychodrames du Parti socialiste et du folklore de ses tambouilles internes.

Lui-même fait par ailleurs partie de la droite du Parti socialiste ; néanmoins, difficile de lui donner tort au sujet de Place publique, avec ses propos tenus au Figaro :

« C’est une mauvaise plaisanterie. Les écologistes restent écologistes, Benoît Hamon reste Benoît Hamon, Jean-Luc Mélenchon reste Jean-Luc Mélenchon et nous, les socialistes, nous devrions nous effacer derrière Raphaël Glucksmann sans débat interne, sans aucune base idéologique et politique, sans ligne stratégique ? (…)

Mais de quoi parlons-nous ? Ce mouvement inconnu de tous n’a ni ligne, ni portée, ni consistance ! Claire Nouvian est certes une écologiste respectable, mais elle est radicale. Or je suis convaincu que l’on ne change pas une société contre son peuple. Mon écologie passe par l’adhésion des couches modestes, pas par les menaces et la contrainte. Quant à Raphaël Glucksmann, je respecte son parcours, assez divers, mais ce n’est pas le mien. Élu d’un village de 256 habitants à 23 ans, j’ai toujours été fidèle à mes convictions socialistes. »

Stéphane Le Foll a absolument raison : Place publique ne repose sur aucune rationalité. C’est une structure parisienne d’intellectuels et d’artistes coupés de toute réalité politique militante, de tout lien avec la population en général. Stéphane Le Foll a raison de souligner le besoin d’une base idéologique et politique, d’une ligne stratégique. C’est là la base de la politique, et encore plus à Gauche où la rationalité est le maître-mort.

En revanche, on n’est pas obligé de penser comme Stéphane Le Foll que « l’écologie radicale » serait un ennemi politique. Cela n’a aucun sens que de dire cela en 2019, ou plus exactement c’est un vil populisme, un manque de courage de dire la vérité aux gens et de leur expliquer qu’il va falloir tout changer.

Quoiqu’il en soit, dans tous les cas, si l’on peut être en désaccord avec Stéphane Le Foll et le Parti socialiste, on ne peut pas être d’accord avec Place publique, qui ne dit absolument rien, n’est pas structurée tel un parti politique, repose sur du vent. 28 000 « adhérents » revendiqués – les adhésions se font gratuitement et en lignes, mais aucun vote interne, aucun processus de décision. On ne peut d’ailleurs que trouver ridicule la position de l’économiste Thomas Porcher qui prétend « découvrir » cela que maintenant :

« Quand on a créé PP, on avait une promesse : mettre les citoyens au cœur des institutions en rassemblant toutes les forces de gauche. Aujourd’hui, on se retrouve cornérisé avec le PS, quelques petites chapelles, comme l’Union des démocrates et des écologistes [UDE], et un mouvement de centre droit, Cap21, qui a fait campagne pour Emmanuel Macron ! Olivier Faure, le premier secrétaire du PS, a annoncé que toutes les tendances de son parti seraient représentées : ce sera une liste d’apparatchiks, pas de citoyens. C’est pourquoi je préfère quitter Place publique. »

Cela n’est néanmoins pas faux. D’où sort Raphaël Glucksmann pour avoir le droit de prendre la tête, sans aucune discussion ni choix de la base, d’une liste avec le Parti socialiste, Cap 21, Nouvelle Donne, le Parti radical de Gauche ? C’est là encore du populisme.

> Lire également : Place publique de Raphaël Glucksmann : les bobos veulent sauver leur peau

La vérité, c’est que la peur de la raclée était trop forte au Parti socialiste, la tentation de passer l’orage à l’abri trop forte. C’est sans doute faux, car un Parti socialiste qui aurait réaffirmé ses fondamentaux et fait du nettoyage aurait pu aisément réapparaître sur la scène française, d’autant plus avec l’appui des partis socialistes des autres pays. D’ailleurs, dans des pays comme l’Allemagne ou l’Autriche, il y a un coup de barre à gauche.

Il est vrai que dans ces deux derniers pays, il y a une tradition historique de la social-démocratie, alors qu’en France le Parti socialiste a historiquement surtout été un appareil électoral, et ce déjà à l’époque de la SFIO. Cependant, la question de fond est la même : repartir à gauche, ou pas ? Le Parti socialiste a raté un virage historique, tout comme sa gauche qui a fait l’erreur de s’enliser dans une version post-moderne sans traditions avec Génération-s, ou bien en rejoignant La France Insoumise.

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La tribune de Martine Aubry et ses proches appelant au rassemblement autour de Raphaël Glucksmann et Claire Nouvian

[ Tribune publiée initialement sur nouvelobs.com ]

« Nous appelons, avec Martine Aubry, tous ceux qui veulent une Europe social-écologique au rassemblement autour de Raphaël Glucksmann et Claire Nouvian.

Le 26 mai prochain, l’Europe a rendez-vous avec elle-même. La défiance à l’égard de l’Europe n’a jamais été aussi forte. Les reniements et la distance entre les institutions et les citoyens mettent aujourd’hui en péril l’idéal d’une génération.

Les libéraux et les nationalistes n’incarneront jamais la solution à une situation qu’ils ont créée et qu’ils font vivre. Ils se partagent les responsabilités de l’échec. D’un côté, le refus systématique de placer les femmes et les hommes au centre de la construction européenne, et de l’autre, le reniement permanent des valeurs fondatrices de l’Union Européenne, nous ont conduits face à un nouveau mur.

La gauche doit aussi assumer ses responsabilités. Trop longtemps, sous couvert d’une prétendue gouvernance du compromis en Europe, elle a fourni un alibi à une politique libérale et d’austérité qui ne profite qu’à quelques-uns, quand tous devraient se sentir Européen.

Depuis plusieurs mois, le dialogue est engagé avec Place Publique pour ne pas faire de ce 26 mai un jour noir pour les droits fondamentaux au sein de l’Union. Nos valeurs de justice, de progrès, d’égalité sont les mêmes. Nous faisons, ensemble, de la transition écologique et sociale, ainsi que de la refondation démocratique, nos priorités. Nous avons une conviction commune : jamais l’Europe n’a eu autant besoin de politique, de débat, et d’idées novatrices.

La France va mal, l’Europe va mal. Nous avons donc une responsabilité immense : réinventer une gauche du XXIe siècle, qui place la justice, l’égalité, l’écologie et le progrès au cœur de son projet en Europe, pour que chacun se reconnaisse enfin dans l’Union au-delà des seuls gagnants de la mondialisation.

Depuis de nombreuses années, avec Martine Aubry, notre engagement est sans faille pour le dialogue et le rassemblement des gauches et des écologistes. Nous avons toujours refusé l’idée de « gauches irréconciliables ». Pour nous, l’écologie sera sociale ou échouera, le socialisme sera écologique ou disparaîtra, la démocratie s’appuiera sur la société ou s’affaiblira.

Ce rassemblement pour lequel nous avons toujours œuvré, est aujourd’hui plus que nécessaire. L’élection européenne est une élection à un tour : on ne peut pas espérer se compter au premier et se rassembler au second. Or, la gauche aujourd’hui n’est pas seulement divisée, elle est fragmentée. Sans rassemblement, ce qui la guette n’est pas l’affaiblissement, mais l’effacement.

Dans ce contexte, nous avons accueilli positivement l’initiative citoyenne de Raphael Glucksmann et Claire Nouvian, pour construire ce rassemblement autour de dix combats communs identifiés par un travail collaboratif auquel nous avons participé.

Nous retenons parmi celles-ci : un plan d’urgence pour le climat de 500 milliards d’euros d’investissement sur cinq ans sortis du calcul des déficits, une politique commerciale au service de l’emploi et de la lutte contre les inégalités commençant par la suspension du Ceta, une harmonisation sociale intégrant un salaire minimum européen, plus de justice sociale par imposition européenne sur les hauts patrimoines et une TVA à taux zéro pour les produits de première nécessité, la lutte contre l’évasion et l’optimisation fiscale avec la mise en place d’un impôt européen taxant les profits des Gafa et multinationales dans les pays où ils sont réalisés, la défense de la santé de tous en Europe par la limitation des intrants chimiques dans nos sols et l’interdiction du glyphosate, la démocratisation de l’Union avec un Parlement qui fixe les objectifs économiques et un budget de la zone euro doté de ressources propres et capable de mener une politique d’investissements.

Pour nous, il existe des biens publics européens et mondiaux, que les Etats dans leur forme actuelle ne peuvent traiter seuls. Il en va ainsi de la sauvegarde de notre planète, de la qualité de l’air, de la dignité et du progrès humain. Cette vision doit être au cœur de nos combats communs.

Aujourd’hui, Raphaël Glucksmman et Claire Nouvian, avec courage et sens des responsabilités, proposent de conduire le rassemblement de tous ceux qui veulent une Europe social-écologique. Nous y répondons favorablement et dès demain, lors du conseil national du Parti Socialiste, nous joindrons la parole aux actes en votant en faveur de cette perspective et en appelant les autres formations politiques de gauche et de l’écologie à en faire de même.

Oui, pour surmonter les divisions mortifères, nous le disons sans détour, nous sommes prêts à ce que, pour une fois, le Parti socialiste, n’impose pas l’un des siens comme tête de liste à un scrutin national. L’effacement serait de ne pas être au-rendez-vous de l’Histoire. L’effacement serait, le 26 mai, de nous replier sur nous-mêmes, compter nos divisions en espérant être, au mieux, le premier des derniers.

Au contraire, faire honneur à nos valeurs, à nos combats, pour nous socialistes, à ce moment précis de notre histoire, c’est nous ouvrir aux autres, accepter la main tendue sans rien n’exiger pour nous-mêmes d’autre que la perspective, en conjuguant les talents d’où qu’ils viennent, que la social-écologie devienne la grande force politique des élections européennes.

Depuis des mois, nous appelons de nos vœux le rassemblement. Aujourd’hui, il devient possible : alors, en avant !

Tony BEN LAHOUCINE, 1er fédéral de l’Indre ; Isabelle DAHAN,1ère fédérale adjointe des Hauts de Seine, conseillère municipale à Bois Colombes ; Camille GANGLOFF, Adjointe au maire de Strasbourg, 1ère fédérale déléguée Bas Rhin, Membre du conseil National, Jean Marc GERMAIN, Secrétaire National à l’International et à la mondialisation ; Cécilia GONDARD, 1er fédéral des Français de l’étranger, Secrétaire National à l’égalité femmes-hommes et lutte contre les discriminations ; Annie GUILLEMOT, sénatrice du Rhône, Membre du Bureau National ; Arnaud HADRYS, Secrétaire Général HES Socialistes LGBT, Membre du Bureau National ; Antoine HOME, 1er fédéral du Haut Rhin, Maire de Wittenheim ; André LAIGNEL, maire d’ISSOUDUN, 1er Vice-président délégué de l’Association des Maires de France ; François LAMY, membre du Bureau National ; Carole LE STRAT, membre de la Commission Nationale du Contrôle Financier ; Antoine RAVARD, Membre du Conseiller Fédéral du PS Nord ; Rafika REZGUI, Conseillère départementale 91, Conseillère municipale Chilly-Mazarin, Membre du Bureau National ; Vincent TISON, Conseiller municipal Joué-les-Tours, Membre du Bureau National ; Sylvine THOMASSIN, maire de BONDY, membre du Conseil National ; Stéphane TROUSSEL, Président Conseil départemental 93, Secrétaire National aux Nouvelles Solidarités, Parcours de Vie et Innovation Sociale ; Roger VICOT, Maire de LOMMES, Membre du Conseil National et Fatima YADANI, Conseillère municipale Paris, Membre du Bureau National. »

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Place publique de Raphaël Glucksmann : les bobos veulent sauver leur peau

« Agir pour lutter contre le réchauffement climatique et préserver le vivant. Agir pour empêcher que la montée des inégalités ne disloque nos sociétés. Agir pour endiguer la vague identitaire et autoritaire qui s’abat sur nos démocraties. Agir pour construire une Europe démocratique, solidaire et écologique. Agir pendant qu’il est encore temps. »

Place publique, Libération

En soi, c’est là agir pour que rien ne change. La société tangue, l’économie capitaliste perd de sa stabilité, le nationalisme se renforce brutalement : c’est de plus en plus la panique pour les classes moyennes intellectuelles habituées à un certain confort, et surtout une certaine tranquillité.

C’est bien là le sens de l’initiative de l’intellectuel Raphaël Glucksmann de fonder un nouveau mouvement politique, dénommé Place publique, dont les lignes citées plus haut forment le début du petit manifeste.

Rien que le nom du mouvement souligne comme il se doit le côté à la fois populaire et démocratique attendu, sans marqueur historique de gauche pour autant (« socialiste », « communiste », « parti », « gauche », etc.). Ce qui fait qu’on se demande obligatoirement pourquoi un nouveau mouvement serait nécessaire, alors que cette perspective est déjà par exemple celle de Génération·s de Benoît Hamon ou d’Europe Ecologie Les Verts.

Ces deux derniers mouvements ont d’ailleurs immédiatement pris contact avec Place publique et ils avaient déjà, par le passé, demander à Raphaël Glucksmann d’être sur leurs listes pour les prochaines Européennes. Il a préféré tenter sa chance seul, suivant ainsi son profil carriériste, sa logique de bobo s’appropriant l’espace public.

Le profil des autres principaux membres est évidemment tout à fait parallèle à celui de Raphaël Glucksmann : Jo Spiegel, maire de Kingersheim, est un ancien socialiste adepte de la démocratie participative, Diana Filippova qui est chef d’entreprises appréciant les nouvelles technologies et les logiques de Think tank, Thomas Porcher est un économiste « hérétique » opposé au libéralisme économique, Claire Nouvian la fondatrice de l’association Bloom opposé à la pêche en eaux profondes.

Ces gens s’imaginent qu’il suffit d’avoir de leur expérience et des choses à dire pour s’inscrire dans l’histoire. Alors qu’il s’agit simplement de bobos étrangers au peuple, cherchant à défendre leur existence en niant le capitalisme et en prétendant que, actuellement, la France verrait sa « démocratie kidnappée par des lobbys qui dévoient chaque jour un peu plus nos institutions ». Le fait que le premier meeting se déroulera à la mi-novembre à Montreuil en Seine-Saint-Denis va de paire aussi, puisque le bas-Montreuil est devenu un important bastion des bobos cette dernière décennie.

On imagine très bien qui sera présent, quant on voit qui l’appel de Place publique présente comme les acteurs véritables de notre époque :

« Coopératives paysannes sur les circuits courts, associations se battant pour préserver les solidarités sociales ou lutter contre les discriminations qui défigurent la République, tiers lieux réinventant l’espace public, collectifs œuvrant à un accueil digne des exilés ou s’opposant aux projets climaticides, élus locaux mettant en place la démocratie participative, ONG luttant contre l’évasion fiscale, tous essaient, à leur niveau, d’infléchir le cours des choses. »

Autant dire qu’il s’agit là, comme EELV et malheureusement de Génération·s, de quelque chose n’ayant aucun sens historiquement. La petite-bourgeoisie, ici intellectuelle a peur de se prolétariser, et a peur de la bourgeoisie en même temps. Inexistante dans le fond, car n’étant que le sous-produit du développement du capitalisme dans toute son ampleur, la petite-bourgeoisie veut sauver sa peau, prétend définir l’actualité, maintenir le statu quo. C’est déjà condamné par l’histoire.