Catégories
Politique

Reconquête ! d’Eric Zemmour: la naissance d’un grand mouvement de droite «dure»

L’UNI a son parti…

En lançant son nouveau parti nommé Reconquête !, Eric Zemmour réactive la militance de Droite. Autour de lui, il y a en fait tout ce que la Droite compte de cogneurs, de « fachos » adeptes du coup de force et de l’action directe, bref, de militants.

Il faut penser ici bien sûr à l’organisation étudiante UNI, typique de cette démarche militante dure de la Droite… Et donc avec Reconquête !, ces gens ont maintenant une organisation ayant une envergure nationale et une audience massive.

C’est justement cette mouvance qui est à l’origine de la candidature d’Eric Zemmour, et donc de son nouveau mouvement. On retrouve comme personnage principal (en tant que première conseillère politique) la jeune Sarah Knafo (née en 1993), qui est une des principales organisatrices de la fameuse « Convention de la droite » en 2019. Nous avions bien insisté dessus à l’époque : cette convention était un moment clef pour cette Droite militante, autour de la figure politico-idéologique de Marion Maréchal. C’était l’affirmation d’un néogaullisme conquérant, en mode « dur », dans le sens de rentre-dedans, assumant franchement la confrontation.

Il faut ajouter à cela évidemment tout l’apport politique et surtout culturel de la mouvance des identitaires. Ces gens, pendant les années 2010, ont eu en quelque sorte le rôle de mouvement de jeunesse militante parallèle au Front national (devenu Rassemblement national), mais sur une base bien plus à droite que ce que faisait Marine Le Pen. Tous ces apports, des identitaires à Marion Maréchal en passant par l’UNI, de la Droite militante dure donc, synthétise maintenant quelque chose autour d’Eric Zemmour. Et cela se fait maintenant avec des relais haut-placés, en l’occurrence le Général de la Chesnais qui est maintenant directeur de campagne d’Eric Zemmour. On parle ici de quelqu’un ayant été major général de l’armée de terre de 2014 à 2017 (soit le « numéro 2 » de ce corps). Sans surprise, ce général quatre étoiles est un proche du général Pierre de Villiers, dont nous avons régulièrement parlé ici.

Il y a comme organe de presse surtout le magazine Valeurs Actuelles, qui assume, diffuse et génère cette ligne de droite dure, en mode militant. On y lit beaucoup de choses allant dans le sens de la candidature d’Eric Zemmour, mais surtout d’une nouvelle droite dure et militante.

C’est, dit autrement, tout l’inverse de la Droite libérale et technocratique représentée par Valérie Pécresse (vainqueur de l’investiture de la Droite au congrès Les Républicains) ou encore du quotidien Le Figaro. La droite dure de Reconquête ! vise bien sûr Les Républicains également, avec des « noms » comme Guillaume Pelletier ou Eric Ciotti (second du congrès Les Républicains pour l’investiture de la Droite à la présidentielle), qui assument ouvertement leur proximité avec Eric Zemmour.

Il y a là tout un magma, quelque chose de nouveau et de très dangereux qui prend forme. Cela change considérablement la donne politique en France pour la Gauche. Il va falloir être à la hauteur, avec tout le sérieux idéologique et la dimension culturelle qu’il faut pour faire face à cette nouvelle vague de droite dure. Marion Maréchal avait prédit et milité pour un « mai 68 » de Droite… C’est clairement ce qui est en train de se passer avec Eric Zemmour et son mouvement Reconquête ! attirant une génération de militants radicaux qui n’hésitent pas à user de la force, politique certes, mais aussi physique, pour peser et exister.

Rappelons ici les nombreuses arrestations de militants d’extrême-Droite, présentés par l’État comme d’ultra-Droite et retrouvés en possession d’armes, d’explosifs, etc. C’est une expression de la crise, une polarisation violente caractérisant la lutte des classes.

Catégories
Politique

Eric Zemmour: la « Reconquista » national-populiste

Le mythe de la « reconquête » contre le « grand remplacement ».

Le candidat à la présidentielle 2022 Eric Zemmour a tenu dimanche 5 décembre 2021 son premier grand meeting de campagne à Villepinte, en région parisienne. Devant une foule d’au moins 12 000 personnes qu’il a sans-cesse harangué à la manière d’un tribun, le nom de son nouveau parti a été dévoilé : Reconquête!

Le terme a été répété à de nombreuses reprises, comme un fil conducteur marquant une idée forte et incontournable. C’est évidemment une référence à la « Reconquista », terme castillan désignant la reconquête de l’Espagne par les chrétiens face aux différents peuples musulmans. Débuté en 722 et aboutissant en 1492 par la prise de Grenade, la « Reconquista » fait désormais figure de mythe mobilisateur identitaire.

Ce genre de lutte d’influence territoriale du Moyen Âge n’a évidemment rien à voir avec la modernité des nations au XXIe siècle, mais c’est justement cela qui est utile et efficace pour un Eric Zemmour. Ce dont il a besoin, ce dont il est l’expression, ce n’est pas la rationalité, ni l’Histoire avec un grand « H », bien au contraire.

Eric Zemmour est un dangereux populiste, car il galvanise les foules avec des raccourcis faciles, de fausses grandes idées clefs en mains empêchant toute réflexion et prise de conscience politique sérieuse et constructive. Ce qu’il vise, c’est maintenir la France petite-bourgeoise et pantouflarde dans son fantasme d’un âge d’or des années 1950-1960 avec d’une prétendue vie paisible et harmonieuse. La base de son audience, c’est typiquement les gilets-jaunes, la France des petits entrepreneurs qui veulent un État fort et puissant, mais ne surtout pas payer d’impôts ni ne respecter de normes sociales et collectives.

Ce qu’il y a en réalité, c’est que le capitalisme est en crise, et qu’il a besoin d’un Eric Zemmour pour abrutir les consciences et détourner les regards des vraies questions. Le nationalisme est ici la substance parfaite, le poison terriblement efficace pour ne pas assumer la réalité. Alors Eric Zemmour est là pour parler de « reconquête » (sous entendu, de la France), face à ce qu’il nomme le grand remplacement. S’il gagne dit-il, « ce ne sera pas une alternance de plus, mais le début de la reconquête du plus beau pays du monde ».

La cible de la reconquête est évidemment, et sans aucune ambiguïté, l’immigration musulmane, dont il a parlé à de nombreuses reprises durant son meeting. Il n’a presque parlé que de ça d’ailleurs, ciblant ici l’islam, là « l’immigration venue de l’autre côté de la méditerranée ».

Voici un petit extrait qui résume quasiment à lui seul ses 1h30 de meeting national-populiste à la Donald Trump :

« Depuis des mois, je sillonne la France, je rencontre les Français. Deux craintes les hante : celle du grand déclassement, avec l’appauvrissement des Français, le déclin de notre puissance et l’effondrement de notre école, et celle du grand remplacement, avec l’islamisation de la France, l’immigration de masse, l’insécurité permanente ».

Il ne s’agit pas là de racisme à proprement parler, et d’ailleurs Eric Zemmour se défend d’avoir une vision nationaliste fondée sur une pureté racialiste de type national-socialiste : « Comment pourrais-je penser cela, moi, petit juif berbère venu de l’autre côté de la méditerranée ? ».

Non, le cœur de sa démarche, le fondement de son existence, c’est simplement de galvaniser la foule et la diriger vers le nationalisme ; le ciblage de l’immigration musulmane n’est ici qu’un moyen, un outil servant à raccourcir les choses et empêcher la réflexion sociale. Cela sert le racisme bien sûr, le racisme lui est utile, évidemment, mais c’est bien pire que cela.

Il veut faire croire aux gens qu’on pourrait faire disparaître la crise du capitalisme, et qu’il suffirait pour cela de rejeter les musulmans trop musulmans, d’avoir une immigration zéro, de restreindre le droit d’asile à quelques vraies demandes depuis les consulats, d’en finir avec le regroupement familial, de supprimer l’aide médicale d’État et le droit du sol, de durcir les conditions de naturalisation, de renvoyer les clandestins, d’expulser les délinquants étrangers, de déchoir de leur nationalité les criminels bi-nationaux ou encore d’expulser les chômeurs étrangers au bout de six mois…

C’est un formalisme typiquement bourgeois, très RPR (le parti de la Droite conservatrice-populaire avec Jacques Chirac) des années 1980. D’ailleurs, à la fin de son discours, Eric Zemmour a largement insisté sur sa filiation avec cette Droite de la fin du XXe siècle.

Et en effet, c’est un homme de droite, mais d’une Droite en temps de crise, ayant besoin de gens furieusement aveuglés par le nationalisme et prêts à tout pour défendre le capitalisme français dans la grande bataille pour le repartage du monde engendré par la crise.

Eric Zemmour est en ce sens très dangereux, car il simplifie tout et ratisse large. Ses simplifications et ses tirades populistes sont très efficaces dans un pays aussi riche que feignant intellectuellement qu’est la France (à l’image de la plupart des autres grands pays capitalistes). Il assume donc sans ambage de marcher sur les plates bandes de la Droite et de l’extrême-Droite :

« je veux rendre le droit de vote aux électeurs du front national et je veux rendre la droite aux électeurs de LR »

L’opposition à Eric Zemmour est l’actualité politique principale et incontournable de la Gauche actuellement. Cette opposition ne pourra gagner que si elle est massive et populaire, que si elle est fondée sur l’intelligence et la foi en la société. Si donc elle se fonde sur la Gauche historique.