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La mairie de Nantes veut hisser le drapeau identitaire «breton»

La maire de Nantes Johanna Roland a annoncé que le drapeau « Gwen ha du » serait hissé au fronton de l’hôtel de ville de Nantes début décembre 2020. C’est une véritable agression contre la Gauche, car il s’agit là d’un drapeau inventé par des fascistes dans les années 1920.

L’annonce a été faite dans le cadre d’un rassemblement identitaire visant à intégrer le département de la Loire-Atlantique à la région Bretagne, rassemblement auquel la maire de Nantes a elle-même participé. D’ailleurs, Johanna Roland a maintenant un adjoint aux enjeux bretons, qui est lui-même un fervent activiste identitaire breton faisant dans le lyrisme pour défendre sa cause :

« Le drapeau, ce n’est pas juste un bout de tissu. Ça touche à l’intime, ça résonne fort chez beaucoup de Nantais. »

Tout ce petit monde s’active depuis quelque temps déjà pour rebaptiser officiellement les rues du centre-ville nantais avec de nouvelles plaques « bilingues », en français et en « breton ». Il y a ici des guillemets, car cette langue n’a en vérité « rien à voir avec le breton parlé par les migrants venus de Basse-Bretagne travailler aux chantiers navals ou s’embaucher comme dockers sur les quais du port », comme l’a justement fait remarqué un Nantais dans une lettre à la maire (publiée par Françoise Morvan sur son blog).

De surcroît, le breton n’a jamais été la langue à Nantes, ville située dans une région où la langue populaire des campagnes était un dialecte du français, le gallo, avant la généralisation du français moderne (généralisation qui a forcément eu lieu très tôt dans une ville aussi importante que Nantes, intégrée au Royaume de France en 1532).

N’importe qui s’intéressant réellement à la culture populaire, et à la culture en général, le sait. Comme il est bien connu que le « Gwen ha du » a été inventé par en 1923 par le militant fasciste Maurice Marchal, plus connu sous le nom de Morvan Marchal, et que c’était l’étendard d’une petite bande d’antisémites ayant activement collaboré avec les nazis pendant l’Occupation.

Pendant longtemps, cela était très connu à Gauche en Bretagne, y compris à Nantes, et jamais la Gauche n’aurait laissé flotter un tel drapeau de « collabos » sur un Hôtel de ville, encore moins si c’est une prétendue « socialiste » qui le fait hisser. Cela est d’autant plus insupportable que Johanna Roland prétend faire cela au nom de la culture populaire (elle a indiqué que le drapeau sera installé « en lien avec des événements célébrant la culture populaire bretonne à Nantes »).

En vérité, la maire de Nantes ne fait que coller à l’agenda des identitaires-régionalistes « bretons », comme le font les socialistes à la tête de la Région Bretagne depuis des années, sous la houlette de Jean-Yves Le Drian. Leur perspective est de décomposer l’État central français et il existe toute une bourgeoisie dans la région Bretagne qui a pour plan de s’arroger la Loire-Atlantique, afin de créer une grande région économique dans le cadre européen.

Cela n’a rien de populaire et ne correspond à aucun intérêt populaire !

Traditionnellement en Loire-Atlantique, le Parti socialiste est plutôt hostile à cet identitarisme-régionaliste et en décembre 2018, Philippe Grovalet le président socialiste du Conseil départemental, à majorité socialiste, avait logiquement balayé la tentative de référendum local pour le « rattachement » à la région Bretagne.

Toutefois, le Parti socialiste est surtout une machine électorale et ne brille que rarement par ses prises de positions idéologiques fermes, que ce soit pour défendre la culture populaire ou l’Histoire. Si tel était le cas, la fédération ligérienne du Parti socialiste s’empresserait de menacer d’exclusion Johanna Roland si elle en venait à hisser un drapeau identitaire issue du fascisme sur sa mairie.

C’est en tous cas ce que ferait un véritable parti de gauche, relavant de la Gauche historique, du mouvement ouvrier.

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La Gauche marseillaise se renie en cédant au populisme anti-parisien

À Marseille, il est d’usage de critiquer « Paris » sur un mode populiste régionaliste et le professeur Raoult est une figure typique de cette démarche, en plus d’être une figure de la Droite. Au lieu de conspuer cela, la gauche marseillaise s’y précipite, peut être pour masquer une absence de contenu social-populaire authentique ainsi qu’une réelle dynamique de masse.

Lundi 5 octobre 2020 avait lieu la 4e séance du nouveau conseil municipal de Marseille, censé être un marqueur avec enfin les « nouvelles impulsions » de la majorité de gauche. En fin de compte, il ne s’est pas produit grand-chose de remarquable à part le train-train gestionnaire municipal. Ce qui a fait l’actualité par contre, c’est la proposition de Samia Ghali de former un conseil scientifique départemental pour «  ne plus être dépendants des chiffres de scientifiques parisiens ».

Samia Ghali est une habituée des coups de com’ de la sorte. On est là dans un populisme outrancier, furieux, qui ne fait que refléter le point de vue des petits commerçants marseillais terrifiés par la crise et les mesures sanitaires exigées par le gouvernement, à savoir la fermeture des bars et restaurants locaux.

Par peur de perdre leur petite position chèrement acquise dans la concurrence capitaliste, ces gens sombrent dans l’irrationnel. Alors ils nient les faits. Ils nient la réalité de l’épidémie particulièrement développée à Marseille, ils nient le bien fondée de toute mesure sanitaire collective allant à leur encontre et prétendent que tout cela ne serait que « parisien », abstrait, en dehors de leur réalité, contre eux même, car « marseillais ».

Un tel point de vue est franchement réactionnaire, car antidémocratique dans sa nature ; c’est l’idée, d’ailleurs classique à l’extrême-droite française, qu’il faudrait décomposer le pays en autant de petites unités qu’il y a d’intérêts, locaux, corporatistes, etc. C’est l’inverse de la conception démocratique voulant que la société forme un corps, sur tout le territoire national (comme partie de l’humanité mondiale), et que ses dirigeants en soient la représentation.

Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas de politique, qu’il n’y a jamais de bataille à mener contre tel ou tel gouvernement, tel ou tel groupe de personnes, telle ou telle mesure. Au contraire, mais justement cela doit se faire au nom de la société elle-même, pour toute la société. En s’imaginant faire un conseil scientifique à part, Samia Ghali propose par contre aux Marseillais de se couper de la société française, en affirmant leur propre « réalité », leur propre « science ».

Soit le conseil scientifique a raison pour tous les Français, soit il a tort pour tous les Français. Mais il n’a pas raison à Paris et tort pour Marseille. Cela n’a pas de sens formulé ainsi, à moins justement de ne pas chercher le sens des choses, mais de chercher simplement l’agitation populiste régionaliste.

Rejeter un tel populisme est normalement un réflexe à Gauche, de par son caractère profondément démocratique et populaire. En participant à ce populisme anti-« Paris », la gauche marseillaise commet donc une très lourde erreur et on imagine mal comment elle pourra s’en sortir.

Plutôt que de critiquer la proposition délirante de Samia Ghali, le premier adjoint à la mairie Benoît Payan s’y est en effet complètement rallié, expliquant pendant le conseil municipal que la maire Michel Rubirola (absente pour raison médicale) est « particulièrement sensible » à cela.

D’ailleurs, Michel Rubirola avait elle-même eu une attitude bien étrange à la fin du mois d’août, en participant à une très médiatisée conférence de presse avec le professeur Raoult et la présidente de la Métropole… c’est-à-dire deux figures de la droite locale !

La nouvelle maire de Marseille avait complètement été dans le sens du populisme régionaliste de Samia Ghali et de la Droite Marseillaise, affirmant que :

« Le gouvernement a décidé depuis Paris de ce qui serait bon pour notre ville, sans engager le dialogue nécessaire avec les élus, et surtout sans nous donner les moyens de faire respecter les décisions qui sont les siennes ».

Elle est même allée très loin dans la formulation de ce populisme et d’une prétendue stigmatisation de Marseille (dont on cherche encore la raison), en « expliquant » que le reconfinement a été évoqué, mais pas pour Paris, seulement pour Marseille, et que c’était donc inenvisageable pour cette raison, avant d’ajouter que :

« C’est du deux poids deux mesures, je l’ai dit à Castex au téléphone, et je suis prête à le redire »

Tout cela est franchement ridicule, et terriblement loin des préoccupations populaires et de l’effort collectif indispensable face à la crise sanitaire. Si l’élection marseillaise a pu susciter quelques espoirs pour un élan unitaire à gauche, on voit ici que tout cela est finalement très faible, et pas vraiment en mesure de participer à un réel élan démocratique et populaire en France.

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Société

La Collectivité Européenne d’Alsace, une expérimentation au service du marché

À compter du 1er janvier 2021, les conseils départementaux du Haut-Rhin (68) et du Bas-Rhin (67) fusionneront au profit d’une innovation institutionnelle nommée Collectivité Européenne d’Alsace. Cette expérimentation transfrontalière menée dans le cadre de l’intégration européenne s’appuie sur la sensibilité régionaliste alsacienne pour développer le capitalisme local.

Le Haut-Rhin et le Bas-Rhin formaient la région Alsace, dont le nom a disparu avec la création de la région Grand Est ; ils ne formeront bientôt plus qu’un sous le nom de Collectivité Européenne d’Alsace. Les deux Préfectures et leurs prérogatives liées à l’État resteront cependant.

Bien sûr, on peut discuter de ce que représente l’Alsace en tant qu’expression nationale germanique minoritaire dans le cadre de notre pays. Mais alors, il faudrait le faire dans un cadre forcément populaire et dans une perspective démocratique. Ce n’est en rien le cas dans la situation présente. Il n’est pas non plus simplement question ici de se poser la question de la nécessité d’un cadre administratif pour affirmer l’histoire ou la culture alsacienne.

Il est question de comprendre comment la sensibilité régionaliste est littéralement instrumentalisée par les libéraux alsaciens de type centristes, qui dominent culturellement la vie politique de la région, afin de promouvoir un démantèlement du cadre administratif national au profit du marché et de ses soutiens institutionnels locaux, qui ne voient dans l’Alsace qu’un label de promotion.

Le terme « collectivité » tout d’abord permet de contourner la question de la région, voire d’en sortir de facto, en faisant des deux départements un genre de « super-département » ou de « sous-Région » intégrée au Grand Est. La réactivation du terme « Alsace » permet de faire un clin d’œil opportuniste à la sensibilité régionaliste à peu de frais, tout en liquidant l’héritage anti-provincialiste de 1791, qui avait voulu proposer par la division départementale, une organisation brisant l’ancien cadre hérité du féodalisme.

L’air de rien, on réactive donc ainsi sur une base pseudo-romantique un prétendu cadre significatif qui lui est bel et bien réactionnaire. Ce que le gouvernement présente comme relevant d’un nouveau « Pacte girondin ».

Le Conseil d’État lui-même a toutefois relevé cette attaque contre ce qui été jusque là considéré comme un acquis républicain, et le côté aventureux, provocateur et irrationnel de la dénomination du CEA.

Le terme « Européen » enfin n’est aussi qu’un simple faire valoir permettant d’affirmer une certaine modernité, un esprit d’ouverture nuançant de manière contradictoire la base identitaire « Alsace » qui se voudrait à la fois « locale » et « Européenne », sans que le cadre national ne soit pris pour autre chose qu’une sorte de violence post-jacobine qu’il serait bienvenue de dépasser par une intégration européenne unilatéralement vue comme forcément positive.

La CEA telle que définit par ses fondateurs pose les choses clairement :

[…] Il s’agit de construire une collectivité européenne d’Alsace dont le territoire et les compétences opérationnelles seront de nature à répondre au « désir d’Alsace » et à doter l’Alsace d’une pleine capacité à agir en faveur de l’attractivité du territoire et de la vie quotidienne de ses habitants […]

Il s’agit dans le même élan de s’appuyer de manière démagogique sur les aspirations régionalistes, en se donnant à peu de frais des allures « populaires », voire une contenance démocratique. Il est d’ailleurs significatif de parler de « désir », une chose bien abstraite qui n’engage à rien, au lieu de « besoin », exprimant concrètement et rationnellement un projet, un contenu reflétant les aspirations des masses alsaciennes.

Concernant les compétences du nouveau cadre administratif « alsacien » en revanche, on quitte la fantaisie hypocrite pour exposer les choses clairement. En s’appuyant notamment sur la question transfrontalière, la CEA chercher à multiplier les dérogations et les petits arrangements avec les Ministères ou les Régions, dans le but de mieux servir les intérêts locaux du marché et du capital. Toute l’action déployée s’articule donc dans ce cadre, y compris le bilinguisme perçu dans une logique capitaliste de « ressources » à promouvoir dans une optique marchande.`

C’est là tout le sens donné à cette « décentralisation » des moyens publics pour mieux les mettre dans les mains des acteurs économiques locaux et des élus qui les servent. On est loin de l’intérêt général et de la démocratie, rien donc d’étonnant à ce que cette réforme bureaucratique n’intéresse finalement pas les Alsaciens.

On peut donc dire clairement que le projet du CEA n’est pas celui d’une Alsace démocratique et populaire, mais celui d’une fraction libérale pensant en désarticulant le cadre national, conforter ses positions au prétexte du régionalisme, afin d’orienter les fonds publics vers l’appui au « petit » capitalisme local.

Alors même qu’une large majorité des Alsaciens reste attachée à l’idée de maintenir une institution administrative appelée « Alsace », la proposition de la fusion puis du projet de CEA n’a jamais obtenu un quelconque appui populaire et démocratique digne de ce nom.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que tout le processus se déroule par le haut, sans élan, sans enthousiasme populaire. On n’est là dans la pure démarche bureaucratique typique de la gestion des affaires publiques par le capitalisme. Même la consultation référendaire de 2014 témoigne de cette indifférence populaire : une majorité de voix avait rejeté la fusion telle que proposée dans le Haut-Rhin, et même dans le Bas-Rhin, où le « oui » l’a emporté, le vote n’avait même pas mobilisé le quart du corps électoral.

Les élus qui mènent ce projet proposent donc ouvertement de gérer l’Alsace comme on manage une entreprise capitaliste. Les compétences retenues seront donc principalement des compétences de nature économique destinées à appuyer les entreprises privées dans une optique de compétitivité et d’attractivité du territoire.

Cinq domaines ont été ainsi visés :

  • l’action transfrontalière,
  • le bilinguisme,
  • le développement économique,
  • l’attractivité,
  • le tourisme,
  • les transports,
  • la culture,
  • le sport.

C’est-à-dire que cette collectivité « alsacienne » se fixe comme objectif premier d’être non pas au service des Alsaciens, mais ni plus ni moins à celui du marché et des acteurs économiques du capital. La culture et le patrimoine alsaciens ne sont simplement affirmés dans la mesure où il peuvent porter une dimension marchande, se traduire en un label dans le cadre notamment du tourisme ou de la consommation de masse.

Les compétences plus sociales des départements (gestion du RSA ou des collèges par exemple) devraient forcément être intégrées, mais ce sont bien sûr les compétences économiques précitées, jusque là domaine des Régions, que les débats sont les plus vifs. Et cela veut en soi tout dire. Cela va même jusqu’à la précision des futurs budgets, fléchés par l’accord même : le développement économique (c’est-à-dire l’aide aux entreprises) devant représenter 55% des dépenses, l’attractivité et le marketing territorial 25%, l’insertion par l’activité économique 5%, la solidarité territoriale 10% et l’accès aux services départementaux 5%.

Les moyens alloués aux différentes compétences parlent d’eux-mêmes et se passent de tout commentaire.

Au-delà de la question des missions propres de cette CEA, il y a aussi la perspective de la coopération transfrontalière, telle que posée dans le Traité de l’Élysée de 2018, dont la CEA est définie comme un agent. Il s’agit de pousser les communes à fusionner dans des Eurodistricts aux compétences élargies et qui seraient maîtres des fonds publics municipaux.

Dans le même ordre d’idée, il apparaît clairement la volonté de s’appuyer sur l’idée de la coopération transfrontalière pour liquider des services publics en matière de santé au nom de leur présence outre-rhin au sein d’une structure intégrée. Un futur Eurodistrict par exemple devrait liquider certains établissements de soin « redondants » de l’autre côté de la frontière comme cela est explicitement évoqué à Wissembourg par exemple.

Le seul point à peu près positif pourrait être l’idée (mais qui reste encore au niveau de l’intention) de faire de la requalification de la centrale nucléaire de Fessenheim un projet transfrontalier, si tant est encore que ce chantier puisse prendre une réelle dimension internationale visant le progrès de l’Humanité dans son ensemble.

Les besoins de formation, de compétences, d’expériences, d’accumulation et de partage des connaissances en un mot sur la question du démantèlement des centrales nucléaire puis de la requalification des sites industriels sont en effet encore immenses, en France comme dans toute l’Europe.

On a là en tout cas concernant cette CEA, tous les ingrédients pour développer un système bureaucratique, confisquant les moyens publics des besoins du peuple pour les mettre avant tout au service du capital et des intérêts des entreprises locales au motif du régionalisme et de l’intégration européenne.

Toute cela montre à quel point le gouvernement, qui a fait voter la loi adoptant la CEA, est incapable de proposer un cadre répondant aux besoins populaires et démocratiques des masses de notre pays, particulièrement de celles portant une culture nationale minoritaire comme l’Alsace. Il n’a à proposer qu’une démarche aventureuse en vue d’appuyer l’élan capitaliste dans une perspective de conquête du marché européen.