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La série Fondation, d’AppleTV+

Après avoir détruit Star Trek, l’industrie du divertissement se devait de s’attaquer à une autre production culturelle contemporaine de grande importance : le cycle de Fondation d’Asimov.

Salvor Hardin sur Terminus

Foundation est une série télévisée dont les premiers épisodes sont sortis fin septembre 2021 et produite pour AppleTV+. Comme le nom le suggère, il s’agit d’une série de science-fiction inspirée du cycle de Fondation d’Isaac Asimov. Vu l’époque et vu le distributeur, le résultat était bien trop prévisible : c’est une attaque en règle contre l’oeuvre d’Asimov d’elle-même.

Un univers de science-fiction qui appelle à l’unité toujours plus large, à la civilisation ? Inconcevable pour des productions actuelles ; il faut de l’irrationnel, de la survie, du glauque… tout sauf la civilisation, en somme.

Un petit peu de contexte : le cycle de Fondation

A l’origine, le cycle de Fondation est une trilogie publiée pour la première fois dans les années 1950 et écrite par l’américain Isaac Asimov. Trente années plus tard suivent deux livres qui reprennent l’histoire là où elle s’était arrêtée et encore quelques années après deux autres qui se situent avant. Nous nous intéresserons ici principalement à la trilogie originelle.

Dans Fondation, l’humanité s’est répandue à travers toute la galaxie et vit au sein d’un vaste empire galactique. Ce dernier s’imagine éternel et est plus puissant que jamais, alors qu’il n’en est rien : sa chute a déjà commencé et les premiers signaux sont déjà perceptibles.

Cette chute est inéluctable : c’est la conclusion de la psychohistoire, théorie scientifique formalisée par Hari Seldon. Celle-ci permet de prédire l’avenir en quelque sorte : la psychohistoire s’intéresse aux larges ensembles de population, pas aux individus. C’est une allusion à la sociologie et surtout au marxisme.

Hari Seldon et l’ensemble des personnes travaillant de près ou de loin sur ce sujet sont alors bannis de la capitale de l’empire.

Deux Fondations sont créées, une première en périphérie de la galaxie et une seconde à l’autre bout. La première est une colonie scientifique dont le but est de produire une encyclopédie galactique face à la chute de l’empire et à la perte de connaissances qui l’accompagne. Le rôle de la seconde est plus mystérieux.

Le cycle de Fondation relate l’évolution de l’empire, de la première Fondation et dans une moindre mesure et plus tardivement, celle de la seconde.

A présent, retournons à la série.

Une série centrée sur les individus, des livres qui ne le sont pas

Gaal Dornick et Hari Seldon

Ce qui frappe très rapidement dans cette série, c’est l’accent mis sur les individus, leurs particularités, leurs génies, leurs faiblesses… Tout ce qui n’existe pas dans le cycle originel (les trois premiers tomes publiés au début des années 1950).

Cette différence a deux raisons : premièrement, le rejet actuel de l’universalisme et de la science au profit du subjectivisme et de l’irrationnel, secondement, un individualisme déjà présent dans les deux romans décrivant la genèse de Fondation, publiés en 1988 et 1993.

Alors que la trilogie de 1950 est centrée sur la psychohistoire et tout le cheminement amenant à la renaissance d’un nouvel empire galactique, et donc le retour de la civilisation, la série d’Apple TV+ se focalise sur les individus et leurs parcours individuels. C’est ainsi que la série met Hari Seldon sur un piédestal pour mieux le faire tomber : un génie, avec ses faiblesses mais surtout ses défauts.

Car c’est bien d’une attaque en règle contre la psychohistoire dont il s’agit. Dans une époque comme la nôtre, pour qui la science porteuse d’universel et la collectivité sont des horreurs anti-individus, on comprend facilement que l’universalisme de la psychohistoire est au mieux incompréhensible, au pire insupportable.

Cette attaque est malheureusement facilitée par les deux tomes publiés en 1988 et 1993 et qui se situent avant la trilogie. Ceux-ci se focalisent énormément sur Hari Seldon et sa vie et ont une approche très individuelle. La série a donc naturellement profité de cette brèche et l’a agrandie le plus possible afin de démolir le coeur du cycle Fondation.

Des mathématiques mystifiées

Gaal Dornick

Les deux premiers épisodes de la série, sortis le même jour, sont focalisés sur Gaal Dornick, une jeune femme, génie des mathématiques (version Fondation), tout droit sortie d’une planète religieuse et hostile aux sciences. Alors que dans la trilogie, Gaal Dornick est un jeune mathématicien qui arrive sur Trantor après avoir terminé son doctorat.

Cette différence de taille est inévitable lorsque l’on s’imagine les mathématiques comme une sorte de langage pur que seuls quelques élus sont en mesure de réellement comprendre. Et cette approche, systématisée dans les épisodes de la série, permet ainsi de jeter par la fenêtre toute dimension scientifique et de la remplacer par la religion.

Cette vision n’a toutefois rien d’originale : elle n’est qu’une expression plus poussée d’une approche répandue qui considère les mathématiques comme supérieures aux autres sciences, alors qu’en réalité elles leurs sont inférieures puisqu’elles sont un outil. Les mathématiques ne sont qu’une approximation de la réalité, pas l’inverse : le monde n’est pas une approximation de la pureté mathématique !

Gaal Dornick, éminent psychohistorien dans la trilogie, est ainsi transformé en une jeune mystique ayant renié sa religion natale avant de la retrouver une fois arrivée sur Trantor. C’est tout simplement délirant.

En 2021, des personnes ont donc le culot de faire passer la psychohistoire pour une mystique réservée à quelques rares élus, eux-mêmes attirés par la religion. Cependant, on peut comprendre ce choix : la psychohistoire de la trilogie fait beaucoup trop penser au matérialisme historique de Karl Marx, chose inacceptable pour des libéraux aux services de pays où le capitalisme tourne 24 heures sur 24 et emprisonne la vie quotidienne.

Une psychohistoire falsifiée

Salvor Hardin sur Terminus

L’approche mystique des mathématiques dénature totalement la psychohistoire. Et malheureusement la série ne s’arrête pas là dans sa falsification de cette science.

Chez Asimov, l’empire galactique s’écroule sous son propre poids, à cause des multiples contradictions internes qui le rongent. C’est ce qui explique le déclin scientifique, l’instabilité du régime et les complots au palais, etc. Chez Asimov, c’est bien du coeur même de l’empire que part cette chute inexorable. Elle est en quelque sorte programmée depuis des siècles et la trilogie décrit la décadence d’un empire.

Qu’elle a été l’approche de la série ? L’inverse. La chute de l’empire n’apparaît plus tant comme une décadence que comme des faiblesses qui sont davantage exploitées et agrandies. Ceci devient évident lorsqu’un gigantesque attentat suicide a lieu sur Trantor, capitale de l’empire (attentat qui n’existe évidemment pas dans la trilogie). Non seulement le parallèle avec des attentats islamistes comme ceux du 11 septembre est grossier (on n’a vu plus subtil comme parallèle avec le présent dans une série), mais surtout elle va mettre l’accent sur les actes individuels.

La différence entre les deux approches est de taille.

Asimov décrit la décadence d’un empire avec une vue d’ensemble dans laquelle les actes individuels n’ont pas de signification…Tandis que la série décrit l’effritement d’un empire et les actes individuels qui le mènent à sa chute. La première s’intéresse à la vue générale, la seconde aux actes individuels.

La falsification de la psychohistoire se fait donc en deux temps : troquer la science contre la religion, troquer la vue d’ensemble contre les actes individuels. Le coeur de la trilogie est donc piétiné.

On aurait pu espérer aussi que la série fasse preuve d’un minimum de retenue et évite de s’en prendre à la robotique d’Asimov. Cet espoir ne durera pas longtemps.

La première loi de la robotique

Eto Demerzel

Puisqu’elle repose sur l’ensemble du cycle et pas uniquement sur la trilogie originelle, la série a inclus un robot (un personnage important dans l’oeuvre d’Asimov), qui doit par définition obéir aux fameuses trois lois de la robotique, rappelons-les ici :

1. Un robot ne peut porter préjudice à un être humain, ou, par inaction, laisser un être humain subir un préjudice.

2. Un robot doit obéir aux ordres qui lui sont donnés par des êtres humains, sauf dans le cas où de tels ordres entrent en conflit avec la Première Loi.

3. Un robot doit protéger sa propre existence aussi longtemps qu’une telle protection n’entre pas en conflit avec la Première ou la Seconde Loi.

A celles-ci s’est ajoutée plus tard une « loi zéro », qui découle logiquement des autres :

0. Un robot ne peut porter préjudice à l’humanité, ou, par inaction, laisser l’humanité subir un préjudice.

Cette dernière recalibre de fait les autres qui lui sont subordonnées.

Quel est donc le problème dans la série ? Le problème est que les producteurs dénaturent et abusent totalement cette loi zéro pour justifier qu’un robot ordonne l’exécution de plusieurs êtres humains, qu’il laisse faire des pendaisons et le bombardement de toute une planète. Alors que rien, absolument rien ne justifie cela. Si ce n’est le plaisir de transgresser et de détruire l’oeuvre d’Asimov dans ce qu’elle a de progressiste, et de racoler en mode « fantasy » tel Dune.

L’attaque est d’autant plus vile qu’Asimov a posé ces trois lois afin de proposer enfin une vision positive des robots, et en définitive très réaliste. Seulement ces lois sont trop parfaites pour une production culturelle contemporaine, ou plus exactement : elles sont trop socialistes.

Il y a la même chose avec le film I-Robot de 2004, tiré d’oeuvres d’Asimov, où l’esprit collectif organisé est présenté comme… l’ennemi des individualités humaines, ce qui revient à inverser la philosophie d’origine.

Fondation dans la forme, Star wars dans le fond

Salvor Hardin sur Terminus

Tout le cynisme, le refus de l’universalisme et le mysticisme de la série ne tombent pas du ciel : on ne répétera jamais assez le rôle néfaste de Star wars sur les productions culturelles de ces dernières décennies.

Il y a une frontière très nette qui existe et qu’il faut assumer entre la science-fiction / anticipation, pro-technologie et de gauche, à l’esprit collectiviste, comme la série originelle de Star Trek et la « fantasy » individualiste avec son mysticisme et son « héroïsme » aristocratique, dont Star Wars est un exemple connu.

Star wars est ainsi non seulement présent dans la trame de fond de Fondation, mais également dans la forme et les décors, au point qu’au quatrième épisode, il n’y a plus de rapport avec ce qui est le principe de Fondation d’Asimov. C’est devenu le Far West spatial, mais sans la quête et les normes qu’on trouvait dans la première saison de la série The Mandalorian.

La planète Terminus de la série Fondation est ainsi présentée à la manière d’un vulgaire « spatio-port » de Star wars : une sorte de Far West sur une planète abandonnée. Le futur, c’est le chaos individuel avec les figures récurrentes des aventuriers commerçants et des gens armés en décalage tous deux avec une population faisant on ne sait trop quoi ni trop comment.

Terminus

Il y a la même insistance sur le fait que les planètes et leurs habitants ont des cultures distinctes, radicalement différentes, avec même une manière de compter qui serait totalement différente.

On retrouve bien là la vision propre à Star wars d’une galaxie composée d’innombrables planètes constituées de peuples si différents les uns des autres et qui doivent le rester, chacun dans son coin : vive la libre entreprise, à bas le socialisme !

Mais ceci n’est que peu à côté du moment où Gaal Dornick annonce que la mission de la Fondation est de faire le tri dans la civilisation et dans les connaissances : il faudra choisir ce qui devra être conservé et ce qui sera oublié. Rappelons que dans la trilogie, le but initial de la Fondation est de cataloguer, répertorier et conserver l’ensemble des connaissances humaines dans une encyclopédie galactique.

Là encore, la série a préféré réinterpréter la trilogie dans une optique post-moderne : celle du « choix ».

Ce qui est cohérent, et il faudra l’être en retour : dès le socialisme instauré en France, il faudra une série Fondation à la hauteur – à condition que le format série soit en définitive correcte, ce qui n’est sans doute pas le cas. Il faudra des films, des fresques, permettant une synthèse, loin de la surconsommation superficielle comme aujourd’hui.

Et on pourra réaliser des œuvres parallèles à l’esprit de Fondation pour décrire comment le capitalisme décadent s’est effondré.

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Culture

Le film Dune, de Denis Villeneuve

Le film est désincarné et correspond à des critères commerciaux sans prise de risque.

Le film Dune, réalisé par le canadien Denis Villeneuve est récemment sorti au cinéma en France, rencontrant un important succès critique et réalisant plus de deux millions d’entrées.

Il s’agit du premier volet d’une adaptation du roman de Frank Herbert publié en 1965, qui comprendra des suites pour former le cycle de Dune. 

On y suit principalement Paul, fils du duc de la Maison Atréides qui se voit confier la gestion de la planète Dune, une planète désertique où est récoltée une Épice précieuse, essentielle notamment au déplacement dans la galaxie en plus d’être une drogue aux multiples vertus. 

Le contenu de ces deux sagas est en revanche totalement opposé.

Les premiers tomes de la trilogie originelle de Fondation dépeignent avant tout l’évolution déterministe d’une société , s’arrachant à l’histoire individuelle, avec des concepts passionnant comme celui de la psychohistoire.

Dune est une oeuvre ayant créé de son côté une vaste mythologie assez délirante, allant puiser de nombreux thèmes dans l’antiquité et la féodalité pour une dimension aristocratique, la religion notamment musulmane, ou encore le transhumanisme, avec une forte composante conspirationniste (l’ordre des Bene Gesserit) et dont le moteur de l’histoire se base sur un individu doté de don particulier, un messie.

On y trouve également l’influence des drogues et d’une vision les considérant comme permettant de s’ouvrir l’esprit, de faire fonctionner son imagination et de voir des choses impossibles sans. L’auteur Franck Herbert était lui même consommateur de champignons hallucinogènes.

Outre la réputation de l’oeuvre littéraire il y a également un culte autour de ses adaptations cinématographiques. 

A la fin des années 1970 c’est le très psychédélique réalisateur et scénariste de bande dessinée Alejandro Jodorowsky qui travaille sur le projet avec des grands noms comme H. G. Giger, Mick Jagger, Orson Welles, Salvador Dali ou encore Moebius. Malgré son abandon par le studio il existe encore une vraie fascination parmi les fans de Dune de ce qu’aurait pu être ce film (un  documentaire est sorti à ce sujet il y a quelques années). 

Quelques années plus tard, en 1984, une adaptation finit par sortir, celle de David Lynch, très critiquée à sa sortie pour son aspect kitsch, trop sec et pas assez fidèle pour les fans du roman, mais qui jouit malgré tout d’une petite aura culte encore aujourd’hui.

Presque 40 ans plus tard Dune a donc le droit à un nouveau film, par Denis Villeneuve, où il pousse encore plus loin son style déjà présent dans Blade Runner 2049. 

Il y livre un film en efet totalement désincarné, dénué de toute substance, de toute profondeur, de vie.

Cela pourrait en partie coller pour une oeuvre comme Dune, se déroulant sur une planète désertique. 

Mais l’intérêt devait justement venir du contraste, de la contradiction avec ce qu’il reste de la vie, qui tente de reprendre le dessus. 

Et de contraste le film en manque à tous les niveaux, que ce soit au niveau du rythme, d’une triste monotonie en l’absence de toute dynamique, d’un rendu visuel avec une photographie très terne, quasiment monochrome, l’ensemble rappelant une esthétique publicitaire type parfumerie, ou même au niveau de la mise en scène qui applique les mêmes effets à toutes les scènes, rendant l’ensemble très plat, sans relief.

Et Denis Villeneuve semble même oublier en quoi consiste une adaptation cinématographique d’une oeuvre littéraire. Il livre une adaptation totalement terre à terre, n’apportant rien de ce que permet le medium cinéma.

Là où le roman accorde une place importante aux pensées de quelques personnages principaux, le film perd une grosse partie de la profondeur des personnages, qui n’est jamais contrebalancé par quoi que ce soit. 

Car si le film, qui dure 2h30, prend son temps, il le prend simplement pour mettre en avant son esthétique épurée et vide, où il n’y a souvent pas de décor derrière les personnages, ou pour des ralentis stylisés qui n’apportent rien à la narration.

C’est donc un film lisse, une coquille vide bien triste et ainsi assez opposé à l’adaptation baroque de David Lynch, critiquable sur bien des points mais qui avait le mérite de tenter des choses, de prendre des risques et d’insuffler un peu de poésie à cet univers pour peu que l’on passe certains aspects qui faisaient déjà fauchés à l’époque alors que le budget de 45 millions de dollars était loin d’être négligeable alors. 

Les deux films s’opposent également au niveau de leur partition musicale. Le film de Denis Villeneuve est accompagné de la musique de Hans Zimmer, un compositeur qui a révolutionné la manière de faire de la musique de film, notamment par sa société Remote Control où les musiques de film sont souvent écrites très rapidement, à plusieurs compositeurs, qui remâchent leur propre production, donnant l’impression d’entendre toujours la même chose, pas aidé par la grande pauvreté d’orchestration. 

La musique n’est souvent plus alors une œuvre musicale qui fait corps avec la film, se servant mutuellement pour construire une ambiance et faire avancer le récit, elle n’est plus là que comme effet sonore, bruit de fond. Hollywood ayant peur que le spectateur s’ennuie il faut toujours remplir chaque scène. 

Ce principe est assez bien illustré par le Dune de Denis Villeneuve où la musique est omniprésente, dans une sorte de mélange entre musique drone et world music où la seule fois où on peut apprécier son silence, c’est lors d’une scène d’action. 

On est loin du score du Dune de Lynch, composé par le groupe Toto avec la participation de Brian Eno, avec ses thèmes servant la narration et la poésie du film. Et qui complète le très bon travail sur les effets sonores.

Là où le film de Denis Villeneuve est important, c’est qu’il s’agit d’une adaptation d’une franchise très populaire et attendue, par un réalisateur qui a depuis quelques films un nom connu et réputé. 

Et pourtant Legendary Pictures, le studio qui produit le film, n’a donné son accord que pour une première partie de l’adaptation, la seconde dépend de son succès. Alors que la logique aurait voulu que les deux parties soient préparés et tournés comme un tout, comme l’a par exemple été la trilogie du Seigneur des anneaux de Peter Jackson. 

La frilosité, la peur de tout risque financier, se retrouve ainsi à tous les niveaux… Avec une production qui n’ose plus se lancer dans la nouveauté, mais recycle à l’infini les mêmes franchises… Avec une mise en scène où même un cinéaste réputé comme Denis Villeneuve livre un film terriblement fade où rien ne dépasse, avec ce qu’il faut de scènes spectaculaires et faciles. 

Et jusque dans la musique, la “méthode Zimmer” ayant été assez largement adoptée dans les blockbusters hollywoodiens. 

 Mais au delà de l’aspect financier et profit que les studios peuvent tirer de tel ou tel films, c’est aussi le symbole d’un terrible manque de créativité. 

Même en prenant une oeuvre aussi baroque que Dune, Denis Villeneuve livre un film totalement formaliste, voir formaté pour être décliné en d’autres produits (une série étant déjà dans les cartons si cela fonctionne). 

De la même manière qu’en 2017 il avait repris Blade Runner en dévitalisant totalement l’univers dans l’insipide Blade Runner 2049.

Mais il n’est pas le seul et s’inscrit dans le sillage d’autres réalisateurs de films à gros budgets froids et désincarnés dont Christopher Nolan est probablement le plus grand représentant. 

Cette absence, ce refus voir cette incompréhension est justement révélatrice de notre époque et c’est d’un cinéma qui assume la chaleur des sentiments, dans toute leur richesse et complexité, dont nous avons besoin… Ce qui exige un esprit de rupture avec le capitalisme, et de vraies valeurs, comme historiquement le cycle de Fondation d’Asimov en a porté.

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Culture

La Science-fiction c’est la Gauche, la Fantasy c’est la Droite

Les valeurs de la Science-fiction et de la Fantasy s’opposent radicalement, reflétant le conflit entre le passé et l’avenir.

Le drapeau de la Fédération des planètes unies dans Star Trek (Wikipédia)

Il était tout naturel que le choix d’auteurs de Science-fiction de soutenir l’armée française à se moderniser, à prévoir des scénarios, provoque un grand émoi chez les amateurs de Science-fiction. C’est que la Science-fiction est historiquement le pendant de la Fantasy. Ces deux formes de littérature et de cinéma se sont particulièrement développées aux États-Unis, pays littéralement passé des cow-boys aux gratte-ciels. Cela a marqué les esprits et il y a eu deux directions opposés qui ont été prises.

Les progressistes se sont tournés vers l’avenir. Ils ont considéré que l’humanité connaissait une évolution de grande ampleur, que la vie quotidienne allait être révolutionnée, les barrières entre les Hommes dépassées. Pour eux, les préjugés ne pouvaient que disparaître, l’humanité prenant enfin conscience de l’universalité, de la nécessité de se tourner vers la découverte de l’espace, la science, la culture, la paix. Les grandes références historiques sont Cent ans après ou l’An 2000 d’Edward Bellamy en 1888, ainsi qu’au 20e siècle la grande fresque romanesque Les robots / Fondation d’Isaac Asimov et la première génération de la série télévisée Star Trek.

Les réactionnaires se sont tournés vers le passé. Ils ont inventé des mondes parallèles, dans un passé mythique, peuplé de races en guerre et de héros. Cherchant à détourner les esprits, ils ont façonné des mondes pittoresques, avec des êtres grotesques (elfes, nains…), des castes, de la magie, un combat entre le Bien et le Mal. Les œuvres les plus connues sont Conan le barbare, Le seigneur des anneaux, Harry Potter, Star Wars, Dune.

Culturellement, les publics se tournant vers les uns ou les autres n’ont rien à voir. Cela se lit particulièrement dans le rapport à la technologie. Les tenants de la Science-fiction sont tout à fait ouverts aux évolutions technologiques, aux ordinateurs, aux robots, etc. Les tenants de ce qu’on doit appeler la Fantasy ont par contre une profonde haine de la technologie, comme en général du monde moderne. Le fond de leur approche est d’ailleurs la « révolte contre le monde moderne » propre à l’extrême-Droite.

Le cycle de Fondation, un classique incontournable pour les gens de Gauche

Alors que la Science-fiction dit qu’un monde décadent doit être dépassé par l’avenir, la Fantasy dit qu’un monde dégénéré doit laisser la place aux valeurs d’on ne sait trop quel monde parallèle fantasmagorique.

Alors que la Science-fiction dit que l’humanité s’en sort par une communion collective, la Fantasy valorise un monde divisé en castes où tout le monde doit être à sa place. C’est pour cela qu’à la liste mentionnée plus haut, il faut par exemple ajouter Astérix et Obélix, une œuvre totalement réactionnaire. Il faut évidemment ajouter Blake et Mortimer, Tintin et Milou, deux bandes dessinées jouant naturellement sur le côté magique, les extra-terrestres, etc. Dans tout ces œuvres il y a un ordre passé auquel on revient indéfiniment. Chacun à sa place, tout à sa place, c’est une lecture romantique-communautaire tout à fait réactionnaire.

Voilà pourquoi il ne faut pas se dire : tel auteur est de gauche, il fait ci, tel auteur est de droite, il fait ça, tel lecteur est de gauche, il lit ça, tel lecteur est de droite, il fait ça. Ce n’est pas ainsi que cela marche. C’est la culture de gauche en général qui produit les auteurs et les lecteurs, c’est l’idéologie de droite en général qui produit les auteurs et les lecteurs. Ce qui se joue, c’est ce qu’on appelle la lutte des classes. Elle passe par des multiples vecteurs historiques, à travers les auteurs, les lecteurs, les œuvres.

Tout est le reflet d’un processus, voilà pourquoi une œuvre qui se tourne vers le passé reflète la tentative de freiner le cours de l’Histoire, d’en empêcher le développement. Une œuvre tournée vers l’avenir est par contre le produit de la tendance à la transformation. Lorsqu’une série de science-fiction de série B comme Babylone 5 montre des personnages sacrifiant leur vie pour les autres, c’est le reflet de la victoire du collectivisme historiquement sur l’égoïsme et le passé.

C’est le sens du fameux propos de Spock dans Star Trek : « L’intérêt du plus grand nombre l’emporte sur l’intérêt d’un seul ». C’est notre avenir.

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Guerre

Dénonçons les dix auteurs de science-fiction rejoignant la « Red Team » de l’armée française

L’armée française cherche à s’améliorer pour écraser la révolte et mener ses guerres en engageant dix auteurs de science-fiction.

Les véritables auteurs de science-fiction ont toujours été opposés aux guerres ; leurs œuvres établissaient un chemin vers l’utopie, vers la fusion de l’humanité en une seule communauté mondiale, pacifiée, se tournant vers l’exploration spatiale dans des buts scientifiques. Avec la corruption et la décadence propre au capitalisme, il y a eu au fur et à mesure des gens qui se sont vendus et ont cherché à refléter la vision du monde dominante.

L’exemple le plus connu est Star Wars, un space opéra s’appuyant non seulement sur des chevaliers et non plus sur l’histoire de l’humanité en général, mais reflétant qui plus est directement la vision du monde américaine : d’un côté une société composée de gens très différents, fonctionnant par intuition, de l’autre une société organisée et planifiée. C’était l’allégorie du monde libre, États-Unis en tête, face au Communisme.

Et au même moment, les États-Unis avaient avec Ronald Reagan utilisés certains auteurs de science-fiction opportunistes pour des travaux d’anticipation, dont le très prolixe paléoconservateur Jerry Pournelle, au cœur de la démarche et théoricien de la guerre des étoiles pour l’armée américaine, mais également Robert A. Henlein (Starship Troopers), Poul Anderson (La Patrouille du temps), Larry Niven (L’Anneau-Monde).

Dix auteurs ont décidé de faire encore pareils et de travailler directement pour l’armée française. Ce faisant, ils se comportent comme des renégats, des traîtres à la Culture et à la tradition de la science-fiction, de l’anticipation, tournée vers l’Utopie. Cela étant ils montrent au moins qu’en agissant ainsi ils sont dans l’esprit réactionnaire de la littérature de Fantasy et tout ce qu’ils apporteront sera vain, car délirant, subjectiviste, fantasmagorique.

On ne peut pas écrire Star Trek et contribuer à la guerre, on peut écrire Dune ou encore Conan le barbare et le faire mais cela sera délirant. Le directeur de l’Agence de l’Innovation de Défense Emmanuel Chiva a demandé aux auteurs de «percer le mur de l’imagination», il ne sera pas déçu : seuls des décadents tournés vers la Fantasy peuvent aider l’armée à faire la guerre et écraser des révoltes. On ne peut pas être un auteur de science-fiction – au sens d’anticipation et non pas de Fantasy – et ne pas être de gauche ! L’avenir, c’est la Gauche, la réaction, c’est la Droite !

Le symbole d’auteurs se revendiquant de la science-fiction et aidant l’armée française est en tout cas écœurant. Il y a même eu 600 candidatures. 600 personnes prêtes à aider l’armée pour les guerres… mais aussi pour préparer à la liquidation des futures rébellions en France. 600 personnes dont on sait déjà dans quel camp ils seront à la prochaine révolte… Que les auteurs choisis doivent d’ailleurs anticiper.

Pour la première saison, ils doivent par exemple déjà imaginer comment des « pirates » anti-occidentaux et une nation-pirate avec comme devise « Fraternité Liberté Biodiversité » pourraient opérer – c’est-à-dire comment des gens n’ayant rien matériellement peuvent concrètement chercher à affronter une armée classique. C’est là dans la grande tradition contre-insurrectionnelle française ou encore celle de la contre-guérilla de la School of Americas.

Il s’agit d’aider l’armée – par définition avec des décideurs bornés, réactionnaires, traditionalistes – à s’adapter plus facilement à une rébellion par définition pleine d’initiatives, au moyen de scénarios préparatoires. Voici la présentation officielle de la Red Team :

« Conception et restitution de scénarios de disruption opérationnelle, technologique ou organisationnelle au profit de l’innovation de Défense (Red Team)

Le projet de marché ‘Red Team’ vise à concevoir et restituer des scénarios d’adversité et de menaces à l’horizon 2030 à 2060, dans les domaines opérationnel, technologique ou organisationnel au profit de l’innovation de Défense. Il permet dans ce cadre de réunir et animer un collège de prospectivistes sous l’égide de l’Agence de l’Innovation de Défense, l’État-Major des Armées, la Direction Générale de l’Armement et la Direction Générale des Relations Internationales et de la Stratégie dans le but d’imaginer et d’éclairer les conflits futurs.

À ce titre le marché Red Team nécessite :

– la composition et l’organisation d’une équipe projet (auteur(e)s et scénaristes de science-fiction) ;

– la conception spécifique de travaux prospectifs ;

– la restitution de travaux prospectifs. Les prestations et fournitures du marché se répartissent par  » saisons  » couvrant chacune une période de 12 mois. La première saison, appelée  » saison 0 « , ne couvrira qu’une période pouvant aller jusqu’à 8 mois. Il est prévu 4 saisons au marché (saison 0, 1, 2 et 3).

Voici la liste des auteurs payés par l’armée pour participer à cette « Red Team », notons au passage que c’est un nom ridicule de par son côté anglophone et que l’utilisation de la couleur rouge de la révolution est une sorte de provocation :

  • le scénariste Xavier Dorison (Les brigades du tigre, Undertaker, Long John Silver) ; 
  • l’écrivain Laurent Genefort (Omale) ; 
  • l’écrivain et directrice de recherche au CNRS en science-politique et en sociologie de l’innovation Virginie Tournay (Civilisation 0.0) ; 
  • l’écrivain Xavier Mauméjean (Les Mémoires de l’Homme-ÉléphantLa Vénus anatomique) ; 
  • l’écrivain Romain Lucazeau (Latium) qui travaille également pour le think tank patronal L’Institut de l’entreprise ;
  • l’écrivain Hervé Albertazzi dit DOA (Pukhtu, Citoyens clandestins) ;
  • le dessinateur et scénographe François Schuiten (Les cités obscures, Terres creuses) ;
  • l’étudiante en design d’interaction Jeanne Bregeon ;
  • les écrivains Capitaine Numericus et Hermes, qui ont préféré l’anonymat car ils ont compris qu’ils allaient tous être dénoncés pour leurs activités.

Laurent Genefort et Romain Lucazeau ont accordé une interview à la revue Le Point, qu’on sait très marqué à Droite ; ils expliquent que les militaires sont ouverts, que le milieu de la Science-Fiction n’existe pas, que faire des choses différentes c’est sympa, qu’ils œuvrent à l’intérêt général. On est là au degré zéro de l’intelligence ou au maximum de l’hypocrisie. Et, en tout cas, dans un positionnement totalement pro-guerre et anti-populaire. Voici deux heures de présentation très détaillée du travail de la Red Team, de la nature des scénarios (par exemple à 42:45, 1:20:20 et 1:27:30), et on voit très bien le soutien fait à la modernisation de la guerre.

Une telle Red Team n’aurait pas pu exister il y a encore quelques années. Il a fallu tout un lessivage de la société pour qu’une telle chose existe, pour que des auteurs de science-fiction osent se positionner en faveur de l’armée, de sa modernisation, de ses scénarios de guerre et de contre-rébellion ! Cela en dit long sur le changement d’époque… et sur ce qu’il y a à mener comme travail dans la bataille des idées, la bataille pour la Culture !