Catégories
Effondrement de la France

La crise de régime inévitable

La France est en train de craquer, telle est la leçon fondamentale de ce début d’été. Et le craquage ne fait que commencer, avec encore une immense majorité de gens qui se dérobent à la réalité en préférant regarder ailleurs.

Mais l’Histoire s’est mise en marche et elle va emporter des millions de gens dans son sillage, les obligeant à l’activité et à la réflexion prolongée.

Ce qui se passe et surtout va ce qui va se passer dans les mois prochains, c’est un rattrapage, un immense rattrapage : celui des 4 années écoulées depuis la pandémie de Covid-19.

Quatre années qui ont vu la dette de la France exploser, sa base économique se zombifier, ses relations sociales se distendre au point de banaliser les comportements anti-sociaux et la drogue, son état d’esprit être lessivé par les abus consommateurs des réseaux sociaux, le militarisme et l’horizon de la guerre se rapprocher dangereusement, l’écologie et les animaux passer par perte et profits…

En n’ayant choisi de ne pas vouloir savoir l’ampleur de la crise, les gens ont choisi de se mettre en mode sans échec, tel un programme informatique qui force le cours des choses face à un bug. La crise de régime issue des résultats électoraux des élections législatives anticipées apparait comme le début de la fin de ce mode sans échec.

Les choses auraient été plus aisées s’il y avait eu conscience de la nature de la crise commencée en 2020, et dont seuls quelques éléments d’avant-garde en avaient souligné la portée, celle de la seconde crise générale du capitalisme. Là les gens sont ahuris et vivent l’expérience de la crise et de son rattrapage en quelques semaines.

Le rattrapage prend pour le moment un chemin pour le moins sinueux et déformé, avec des rapports de classe qui se sont exprimés au niveau politique de manière alambiquée. Se sont exprimés une classe ouvrière en bonne partie favorable au Rassemblement national et une petite et moyenne bourgeoisie qui lui a renvoyé le bâton au visage en donnant une majorité au Nouveau Front populaire.

Mais c’est tout le caractère alambiqué de la situation qui permet d’affirmer qu’il y a justement un rattrapage : la crise de représentativité en cours depuis une décennie s’est muée en crise parlementaire en 2022 pour se transformer en crise de régime en cet été 2024.

Alors que va s’ajouter au tumulte politique la crise économique déjà annoncée, il est clair que la Ve République apparaît comme un régime à bout de souffle face à la situation qu’elle traverse. Tout le monde l’a tellement bien compris que le véritable sujet est effacé : la crise de régime. Cette situation renforce le blocage de la France actuelle, personne ne pouvant vraiment prendre ses responsabilités puisque celles-ci ne peuvent être prises qu’avec la crise de régime.

En réalité, qui peut croire aux fables présentées par certains sur l’avènement d’un régime parlementaire ? Sur la nécessité de faire des coalitions et enfanter une culture de compromis ?

On peut bien mettre un gouvernement technique ou faire des combinaisons de groupes à l’assemblée, cela ne fera que temporiser et éloigner l’échéance fatale car comme le dit l’expression, la messe est dite. Les contradictions qui ont cours dans le pays tant aux plans politiques qu’économiques et culturels sont énormes, d’une telle énormité qu’elles prennent de plus en plus un tour antagoniste.

Si personne ne parle ouvertement de cela, c’est que personne ne peut prétendre à l’encadrement de la crise de régime. On est loin du thème de la VIe République de la France insoumise qui, par ailleurs, l’a rangé au placard de manière tout à fait opportuniste par peur des conséquences.

Au fond, tous craignent la mise à plat de tous les problèmes avec la participation active de millions de gens aux problématiques du pays. Des millions de gens qui seront placés face à leurs contradictions – classe contre classe, régime contre régime, capitalisme contre socialisme !

La crise de régime est donc inévitable, elle est même déjà là. Elle est l’horizon pour les révolutionnaires authentiques qui doivent s’y préparer en assurant leur rôle d’élévation des consciences, pour une conscience de classe retrouvée fidèle aux grands principes du Socialisme.

Catégories
Politique

La Gauche se fourvoie totalement dans sa dénonciation du 49-3

Toute une Gauche pleurniche de manière véhémente contre le recours « anti-démocratique » du gouvernement à l’article 49-3 de la Constitution. Dommage que l’article ait été utilisé déjà 89 fois depuis 58, dont une très grande partie par la Gauche elle-même…

Nous vivons dans un régime qui est celui de la Ve République, né d’un coup d’État. Cela date de 1958. Découvrir en 2020 qu’il n’est pas démocratique ne tient pas debout. D’ailleurs, la Gauche a initialement dénoncé de manière ininterrompue la Ve République, que cela soit de la part du PCF que de celle de François Mitterrand, qui écrivit à ce sujet un fameux ouvrage, Le coup d’État permanent.

De plus, l’article 49 alinéa 3 de la Constitution a déjà été employé à de très nombreuses reprises par des premiers ministres. On a ainsi Manuel Valls qui s’en est servi six fois entre 2014 et 2016. Dominique de Villepin s’en est servi une fois en 2006, Jean-Pierre Raffarin deux fois, en 2003 et 2004, Alain Juppé deux fois en 1995 et 1996, Édouard Balladur une fois, Pierre Bérégovoy trois fois, Edith Cresson huit fois, Michel Rocard… vingt-huit fois.

Auparavant on a également Jacques Chirac (8 fois), Laurent Fabius (4 fois), Pierre Mauroy (7 fois), Raymond Barre (8 fois), Georges Pompidou (6 fois), Michel Debré (4 fois).

Il est donc absolument ridicule de « découvrir » en 2020 que la Droite est la Droite, que l’article 49-3 est anti-démocratique. Surtout qu’en plus, l’opposition au gouvernement d’ Édouard Philippe a déposé… 22 000 amendements, dans l’unique but de pourrir les discussions parlementaires en prétendant être démocratique.

Ni une, ni deux, le gouvernement contourne le « débat parlementaire » – par ailleurs évidemment purement fictif de toutes façons – et dit la loi passe ou je démissionne. La majorité étant pour Emmanuel Macron, le gouvernement est « sauvé » et la loi passe.

Parler donc de « régime autoritaire » comme le fait Jean-Luc Mélenchon n’a aucun sens. Soit il l’est à la base, depuis 1958, et à ce moment-là il n’y aucune raison de se focaliser sur Emmanuel Macron, ce qui est d’ailleurs l’un des travers imposés par la Ve République.

Dans Le coup d’État permanent, François Mitterrand dit justement :

« En remplaçant la représentation nationale par l’infaillibilité du chef, le général de Gaulle concentre sur lui l’intérêt, la curiosité, les passions de la nation et dépolitise le reste. »

François Mitterrand se demandait même alors :

« Magistrature temporaire ? Monarchie personnelle ? Consulat à vie ? Pachalik ? Et qui est-il, lui, de Gaulle? duce, führer, caudillo, conducator, guide ? »

La critique du recours au 49-3 par la Gauche est donc triplement hypocrite. Déjà parce qu’elle l’a utilisé aussi – on parle ici de la Gauche gouvernementale. Ensuite, parce que cela sous-tend qu’il y aurait un réel débat parlementaire au moment de la mise en place des lois, ce qui évidemment n’est que du théâtre.

Ensuite, parce que le régime lui-même fonctionne ainsi depuis 1958. Seulement comme ni le PS ni le PCF ne comptent en revenir à leurs fondamentaux, il leur faut cacher cela sous le tapis.

Et cela montre que la défaite totale dans le combat contre la réforme gouvernementale des retraites cherche le moindre prétexte pour être « justifié ». Tout sauf la remise en cause, voilà le mot d’ordre de ceux qui refusent d’en revenir à la Gauche historique…

Catégories
Politique

L’élection présidentielle française, plaie anti-démocratique

C’est le coup d’État de De Gaulle qui a instauré la Cinquième République. L’élection présidentielle correspond à sa lecture bonapartiste de la politique et relève en France d’un dispositif totalement anti-démocratique.

de Gaulle

Le coup d’État de De Gaulle en 1958 a radicalement modifié le système politique français. Auparavant, c’était « le régime des partis » et forcément un tel débat démocratique, avec qui plus est le Parti Communiste qui était le plus puissant des partis, cela ne passait pas auprès des classes dominantes. Aussi y a-t-il eu la mise en place d’un véritable vote bonapartiste, où la population vote non pas pour des idées, pour un parti, mais pour un individu, le Président.

Bien évidemment, celui-ci se présente comme une sorte de sauveur. Dans tous les cas, ce sont ses qualités individuelles qui priment dans la balance et l’interprétation qu’on en a. C’est anti-démocratique et on voit bien où cela mène : à l’hystérie anti-Macron des gilets jaunes, au refus du débat politique, à la conception étrange qu’une personne au poste de Président décide de tout.

La Gauche s’est terriblement faite piégée par l’hystérie anti-Sarkozy et cela a été une des principales causes de son effondrement. Tout le débat quant au contenu a été évacué au nom du mot d’ordre Tout Sauf Sarkozy. C’est ainsi que François Hollande a pu se faufiler et gagner, sans aucun contenu, mais en se donnant l’image d’un homme « normal ».

Il était par ailleurs tout à fait conscient de la nature de son poste de Président et du fait qu’il ne pourrait, même s’il le voulait, pas assumer de valeurs de gauche. Voici ses propos, retranscrits dans l’ouvrage Un président ne devrait pas dire ça… où deux journalistes l’ont longuement accompagné :

« Je pense que l’élection présidentielle – qui est vraiment essentielle, qu’on ne va heureusement pas supprimer – suscite, pas tellement pendant la campagne, mais dans l’exercice du pouvoir, une attente encore plus forte que celle qu’on met dans le chancelier d’Allemagne ou dans un Premier ministre britannique.

Et, deuxièmement, le président de la République est élu au suffrage universel, il peut avoir une majorité parlementaire, mais sa base électorale est très étroite. Au premier tour de l’élection présidentielle, je fais 27 % [en fait 28,63 %], la gauche fait 41-42 % [en réalité 43,76 %] toutes sensibilités confondues, y compris l’extrême gauche : ce n’est pas majoritaire.

Donc le président de la République de gauche, apparemment doté – ce qui est vrai – de beaucoup de pouvoirs, est minoritaire en France, dès son élection. Tout de suite. »

François Hollande exprime ici une vérité, mais une vérité inacceptable. Le principe des élections présidentielles provoque une personnalisation empêchant de faire émerger des alliances larges dans le peuple. La politique disparaît en effet au profit de la « sensibilité » politique, et alors tout se joue au centre, puisque les personnes de sensibilité centriste peuvent basculer indifféremment à gauche comme à droite. L’union populaire est impossible car tout se réduit à une sorte de choix personnel, en restant à ses préjugés.

Cela n’a pas dérangé François Hollande, puisqu’il se plaçait justement comme candidat de centre-gauche. Le caractère anti-démocratique de la présidentielle, qui par définition bloque la Gauche, il l’accepte très bien comme on le voit. François Mitterrand s’en était pareillement accommodé auparavant. Rappelons que François Mitterrand avait même empêché la réédition de son ouvrage sur la Cinquième République comme coup d’État permanent… Alors qu’il a triomphé à gauche justement en se profilant comme le meilleur opposant au gaullisme. Il y a chez lui, comme chez François Hollande, une capitulation devant le poste de Président de la République, qui « personnalise », anéantit les débats réellement politiques.

Ce qui est très grave, c’est également cette mode des « primaires » à Gauche, alors que cela relève de la même démarche. Normalement, à Gauche, on vote pour une ligne politique, représentée par un parti, éventuellement une tendance dans un parti, ou bien une fraction, mais dans tous les cas on choisit en fonction du contenu. D’abord on regarde les principes, le contenu, ensuite on prend en considération ce qui est fait, et enfin seulement on regarde les gens portant ce contenu et agissant concrètement.

Avec le poste de Président de la République, on a au contraire une démarche bonapartiste où le pays se cherche un sauveur, et cela contamine la politique – ce qui est normal à Droite, mais inacceptable à Gauche. Il faut en revenir aux débats, aux contenus ; même si le niveau politique s’est effondré, il faut reprendre à zéro s’il le faut. La Gauche ne peut exister que comme mouvement conscient, jamais comme simple expression d’une « sensibilité », sinon on laisse la place à tous les carriéristes, tous les opportunistes, et on va de déception en déception.

La Gauche doit donc revenir à la défaite terrible de 1958 qu’elle a connu et assumer celle-ci. Elle doit cesser de contourner le problème : tant qu’il y aura les présidentielles, elle ne pourra pas l’emporter en termes de valeurs en raison de la polarisation personnelle provoquée. La remise en cause du poste du Président typique de la Ve République est, aux côtés du refus de la charte d’Amiens qui fait des syndicats des regroupements populaires anti-politiques, une des valeurs fortes que la Gauche historique doit assumer !

Catégories
Politique

Les réactions de Ian Brossat du PCF à propos de l’« affaire » Benalla

Aujourd’hui il existe tellement une classe de super-riches internationaux que les grandes métropoles sont prises d’assaut. Paris, Londres, Berlin ou Vienne connaissent une explosion des loyers, une acquisition massive de logements par des étrangers aux larges moyens, une « disneylandisation » de leur centre, une invasion massive d’Airbnb, etc.

Ian Brossat, en tant qu’adjoint au maire de Paris, a accompagné ce processus cette dernière décennie. Mais il se présente en même temps comme le représentant des classes moyennes, pestant contre Airbnb, appelant à ce que les loyers cessent d’augmenter, etc.

Il faut dire qu’il est au PCF, c’est-à-dire qu’il entend bénéficier du prestige de ce qui fut pendant longtemps la plus grande force de Gauche en France.

Comme c’est pratique maintenant de prétendre lutter contre quelque chose en sachant pertinemment que c’est simplement verbal et que c’est sans valeur face au rouleau compresseur des sacs d’argent !

Mais qu’attendre d’autre de quelqu’un qui a fait le prestigieux lycée Henri IV, puis l’École Normale Supérieure avant de devenir agrégé, et marié à un professeur de classe préparatoire du lycée Louis Le Grand ?

On est ici très exactement dans la posture intellectuelle du bourgeois bien élevé se prétendant se mettre au service de la population. Cela ne peut pas réussir, mais c’est gratifiant, reconnu par les institutions comme moyen de donner l’apparence qu’il y a une protestation, rémunéré de manière effective, etc.

Et c’est vraiment un exemple caractéristique de cette posture que nous fait Ian Brossat avec l’un de ses nombreux messages sur Twitter à l’occasion de la dite affaire Benalla.

Depuis quand les communistes se soucieraient-ils de défendre l’État contre ceux qui le « haïssent » ?

Au-delà du caractère grandiloquent de ces propos auxquels lui-même ne croit certainement pas, on voit à quel point le PCF a changé de nature.

Si cela fait très longtemps qu’il a abandonné l’idée de renverser les institutions et de mettre en place un État socialiste, on peut au moins dire que le PCF était jusqu’au tournant des années 2000 une des plus grandes forces de la Gauche.

C’était une voix devant compter, censée exprimer le point de vue de la classe ouvrière et des masses populaires en générale. Parfois de manière caricaturale, mais en tous cas au moins de manière sincère pour de nombreuses personnes à sa base.

Le PCF aujourd’hui, ce n’est plus qu’un vague capital sympathie, une imagerie un peu « vintage » pour se donner l’air radical.

C’est d’ailleurs aussi le cas, parallèlement, du journal l’Humanité, que plus personne ne lit, et dont personne n’arrive à comprendre quels sont les artifices qui lui permettent de se sauver chaque année de la faillite. Mais « l’Huma » intéresse de grands groupes de la presse qui souhaitent le racheter depuis plusieurs années car c’est une marque, cela peut représenter quelque chose d’intéressant pour ceux qui sauraient en faire quelque chose avec une bonne dose de marketing.

C’est exactement la même chose avec Ian Brossat.

Il n’est pas surprenant que la principale actualité de ce dernier sur Twitter soit de participer au concert d’indignations à propos de la situation d’Alexandre Benalla. Comme s’il y avait une crise de régime. Comme s’il y avait là matière à soulever une dérive antidémocratique majeure, alors que c’est dans le fondement même de la Ve République à laquelle participent tous ces gens que de donner un pouvoir immense au Président.

Le sens de la mesure est normalement un trait caractéristique français. Les hommes et les femmes politiques sont de plus en plus des gens hors-sol, se laissant emporter par leur propre vanité, et s’éloignant des mœurs du peuple français et des traditions du pays. Ils en oublient largement le sens de la mesure et en font de tonnes pour s’imaginer avoir un rôle dans l’histoire.

Les gens comme Ian Brossat s’offrent un peu d’émotion, en trouvant sympathique de participer à un scandale à l’américaine. Le tout bien sûr avec une dramaturgie surjouée de part et d’autre, afin de combler le vide moral et culturel de notre époque.

Cela est tellement absurde que Ian Brossat se retrouve, de fait, à défendre la Ve République alors qu’historiquement, la Gauche a toujours réfuté ce régime comme étant autoritaire à la base.

Catégories
Politique

L’ « affaire » Benalla, une grande comédie et des institutions bien en place

Le régime en place en France est très stable et dispose d’institutions solides avec un personnel administratif très efficace pour les servir. Voilà ce qui ressort, surtout, de la dite « affaire » Benalla. La vidéo du 1er mai 2018, connue par énormément de monde en hauts-lieux depuis le début, n’est évidemment qu’un prétexte sorti au bon moment pour régler des affaires internes. Elle ne relève pas en elle-même d’une très grande importance.

Alexandre Benalla est un jeune homme qui a pris trop au sérieux les fonctions qui lui ont été attribuées auprès d’Emmanuel Macron. La polémique vient de son identification en train de jouer au « gros bras » de manière ridicule lors d’une opération de maintien de l’ordre par des CRS place de la Contrescarpe à Paris.

Il avait bénéficié plus tôt dans la journée d’un casque, d’une radio et d’un brassard de police alors qu’il n’était censé être qu’un observateur. On voit d’ailleurs à la façon dont il s’en prend à la jeune fille puis au jeune homme à terre sur la vidéo qu’il ne maîtrise pas du tout les standards techniques de la police pour une interpellation publique en plein Paris.

Cette affaire ne représente somme toute pas grand-chose au regard de ce que la France à connu au XXe siècle en termes de barbouzerie, de police parallèle et de « raison d’État ». Le couple de victimes n’avait d’ailleurs jusqu’ici pas porté plainte suite à ce qui semblait n’être qu’un dérapage de policiers ayant « pété un câble ». D’après ses avocats, le couple s’est porté partie civile après l’identification de leur agresseur par le journal Le Monde la semaine dernière, ce que l’on peut comprendre.

Alexandre Benalla avait assuré la sécurité du candidat « En Marche » lors de l’élection présidentielle. On le voit à ses côtés lors de son apparition grandiloquente à la pyramide du Louvre le soir de la victoire. Il a ensuite intégré le cabinet de l’Élysée et occupait différentes fonctions d’organisation auprès du Président de la République.

Récemment, il était là lors de la panthéonisation de Simone Veil, pour le 14 juillet et lors du retour en France de l’équipe de France de football. Un certain nombre de commentaires font état de son rôle pour accélérer le bus des joueurs afin qu’ils arrivent rapidement à l’Élysée.

Ce jeune homme qui n’a que 26 ans disposait d’un permis de port d’arme délivré par la Préfecture de Police de Paris alors qu’il avait été refusé par le Ministère de l’Intérieur, d’un badge d’accès total à l’Assemblée Nationale, d’un appartement quai Branly à Paris, il pouvait rouler dans une berline de luxe du cortège présidentiel, ou encore être promu de manière quelque peu rapide au grade d’expert colonel de l’armée de réserve de la Gendarmerie Nationale.

L’indignation publique vient surtout du fait qu’il ne semble pas avoir été sanctionné réellement après ses agissements du 1er mai. N’importe qui sait bien que son geste aurait dû faire l’objet d’une suspension immédiate et d’un licenciement rapide, à moins d’être directement couvert en tant que proche du Président.

D’après le directeur de cabinet de l’Élysée, il a seulement été suspendu 15 jours. Il a d’abord été affirmé, sous serment devant des députés, que cela avait donné lieu à une suspension de salaire ; il a ensuite été expliqué, toujours sous serment mais devant des sénateurs, que cette retenue de salaire n’avait en fait pas eu lieu mais serait reportée ultérieurement en tant que retenue sur le paiement différé de jours de congés, au moment de son licenciement.

Si ce genre d’information, de petits mensonges et de couverture d’une personne ayant dérapé est de nature à soulever les indignations, c’est que l’époque a changé. La population n’avait pas accepté non plus le comportement de François Fillon avec sa femme, alors que cela ne choquait pas grand monde jusque-là.

Les mentalités ont évolué en France, dans le sens d’une plus grande modernité des institutions, avec une meilleure transparence, sur le modèle de ce qui existe dans les pays de culture protestante.

Le spectacle de voir des gens se renvoyant la balle quant à la responsabilité au sujet du « cas » Benalla est insupportable pour de nombreuses personnes exigeant la justice et la morale. Emmanuel Macron peut bien fanfaronner devant ses députés en affirmant qu’il assume tout et en lançant un « qu’ils viennent me chercher ».

Il n’en reste pas moins que cette affaire aura un impact important dans l’opinion et fragilisera la suite de son mandat, ce qui satisfait toutes les forces d’opposition.

Il faut noter à cet égard le grand élan d’union entre les forces d’extrême-droite et la France Insoumise, entre les reliquats de la gauche et la droite traditionnelle. Tout cela pour une histoire qui ne mérite pas un tel remue-ménage, à moins d’être complètement de mauvais foi quant à la réalité de ce qu’est un État dans une société marquée par le capitalisme.

Cette petite « affaire » Benalla ne change pas grand-chose à la nature du régime en France. Cela n’a certainement pas l’envergure d’une « affaire d’État ».

C’est surtout qu’Emmanuel Macron agace un certain nombre de personne de par son comportement et sa volonté de tout ramener à lui. On a en fait un certain nombre de hautes personnalités qui n’entendent pas se faire marcher dessus et rappellent l’importance de leur propre administration.

Avec son mouvement « En Marche » puis « La République En Marche », Emmanuel Macron a voulu tout chambouler en France, renouveler largement le personnel politique pour satisfaire son ambition personnelle. Cela a obligé le personnel politique à se remettre en cause : voilà une occasion pour eux d’apparaître modernes et démocratiques avec les commissions d’enquête parlementaires.

On a à leurs côtés toute une presse allant dans le sens du régime, bien contente de se montrer utile pour la préservation des institutions contre une personnalité qui les a pris de haut, et qui d’ailleurs les a encore insulté dans sa déclaration censée être privée mardi soir.

L’institution policière semble surtout être celle qui est au cœur de cette affaire. La police ne se laisse pas comme cela « dire la messe » par un président qui veut réformer ses services. Car il y a en arrière plan de ces révélations un projet de réorganisation de la protection du Président.

La police française rappelle ici qu’elle existe de manière supérieure à la simple incarnation de la présidence par un individu. L’institution en elle-même est au-dessus du mandat politique et empêche l’Élysée de s’autonomiser. Ce dernier étudie en effet un projet d’ouverture à des forces civiles et la mise en place d’une organisation interne non organiquement liée à la police nationale.

Alexandre Benalla fait figure ici de symbole. D’après les syndicats de police et des commentaires de la presse, son attitude était exécrable, voulant donner des ordres à tout le monde en termes de sécurité, se présentant comme directement l’émanation du Président, etc.

Il ne s’agit pas ici d’une Police parallèle comme ont pu le soutenir Marine le Pen et Jean-Luc Mélenchon. Il s’agit de l’embryon d’une réforme interne d’un service, avec une petite frappe devant servir les ambitions d’Emmanuel Macron mais se faisant recadrer rapidement par des institutions bien en place.

Pour le reste, cette « affaire » Benalla est surtout une grande comédie, un psychodrame déroulé en feuilletons haletants digne d’une série comme « House of Cards ». Alexandre Benalla n’en est que le triste et ridicule pantin.