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Refus de l’hégémonie

Du tapón del Darién à la guerre pour l’Esequibo

Il n’y a pas de route à la frontière entre le Panama et la Colombie, seulement une jungle marécageuse très dense, à cheval entre les deux pays. On appelle la zone le tapón del Darién, le bouchon du Darien.

Or, les Latino-américains veulent quitter leur pays, c’est une tendance générale. Et pour beaucoup, la voie qui mène aux États-Unis ou bien au Canada, passe par le bouchon, qu’ils franchissent à pied, avec leurs baluchons. 130 000 migrants ont donc traversé la jungle en 2021, contre 11 000 pour toute la décennie précédente. Ils ont été 250 000 en 2022 et 500 000 en 2023.

Le parcours, d’une soixantaine de kilomètres, prend si on survit une semaine environ, avec des extrêmes de deux jours et demi et 25 jours, selon les moyens de payer les passeurs. Les mafias contrôlent en effet totalement la zone, et « taxent », vendent à manger ou à boire, volent, violent et tuent comme bon leur semble.

Il y a également désormais même des migrants provenant de Chine, d’Afghanistan, du Bangladesh. Tel est le tiers-monde dont profite l’occident. L’épisode migratoire du tapón del Darién est l’un des chapitres les plus odieux d’un 21e siècle déjà rempli de massacres et d’horreurs.

De ces migrants, un quart sont des mineurs, surtout des enfants ; un peu plus de la moitié sont des Vénézuéliens fuyant leur pays. Car le Venezuela ne se distingue pas des autres pays, en rien ; c’est la même violence endémique, le règne de l’arbitraire, le patriarcat criminel généralisé, l’exploitation par une bourgeoisie repliée sur elle-même et s’accaparant l’administration et l’armée.

Plusieurs millions de Vénézuéliens ont ainsi émigré depuis vingt ans, et c’est en ce sens qu’il faut comprendre le référendum sur l’Esequibo, prétexte à une intense mobilisation nationaliste. Le Venezuela compte bien annexer cette partie de la Guyana, et l’orchestration du référendum a obéi à tous les codes de la démagogie.

Le président du Venezuela Nicolás Maduro, lors du référendum

La région de l’Esequibo est historiquement il est vrai vénézuélienne, cependant l’initiative du Venezuela s’inscrit dans la bataille pour le repartage du monde. L’affrontement sino-américain ouvert, produit de la crise commencée en 2020 qui a débuté par le conflit en Ukraine, commence à s’étaler au monde entier et l’Amérique du Sud n’y coupera pas.

Les résultats du référendum sont sans appel, avec plus de 95% de « oui » pour chacune des cinq questions, qui fournissent au régime toute légitimité pour récupérer la région « par tous les moyens ».

Le nombre de votants est difficile à évaluer ; le régime parle de 10 millions de votants, soit à peu près une participation de 50% dans le pays (qui a 32 millions d’habitants officiellement, sans doute bien moins), l’opposition dit qu’avec cinq questions il n’y a eu en fait 2 millions de votants.

Cela ne change rien au fond, car le régime bureaucratique, pour se maintenir, doit aller au conflit. Un conflit très difficile d’ailleurs, car l’Esequibo, c’est 160 000 km2 de jungle. Une offensive vénézuélienne demanderait de passer par les côtes et de directement affronter l’armée de la Guyana. Un tel acte serait explosif au niveau mondial.

Mais il y a le pétrole, il y a le régime du Venezuela en crise, et il y a la tendance à la guerre qui l’emporte depuis 2020 et l’ouverture de la crise mondiale. Le nationalisme et la guerre s’étendent immanquablement.

Les choses ne peuvent qu’aller relativement vite, c’est une question de semaines ou de mois, sans quoi le régime perdrait ses acquis nationalistes. Et l’ouverture d’une guerre ajouterait un continent au conflit sino-américain mondial, ouvrant encore davantage la boîte de Pandore de la guerre mondiale.

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Guerre Refus de l’hégémonie

Exercice Hemex-Orion 2023: la France assume la guerre de repartage

La France prépare la guerre.

Prévu depuis 2017, l’exercice Hemex-Orion marque l’entrée pour les armées françaises dans la nouvelle ère dite de la « haute intensité ». Une préparation qui implique de s’entrainer sur un très vaste espace pour appréhender les grandes manœuvres opératives : un type d’exercice qui n’était plus réalisé depuis 30 ans.

Cela signifie que la guerre pour le repartage de l’ordre mondial issu de la deuxième guerre mondiale est entièrement assumé par la France, comme le décrit le service communication des armées dans sa petite vidéo de présentation de l’exercice :

« Orion consitute le premier jalon d’un nouveau cycle d’exercice triennal des armées. Le contexte international est marqué par la durcissement de la compétition entre grandes puissances, le réarmement et la déshinibition de certaines puissances régionales, la multiplication des foyers de crises et l’expansion de la menace terroriste. »

Avec Hemex-Orion 2023 – Hemex pour « Exercice d’hypothèse d’engagement majeur », Orion pour « Opération d’envergure des armées Résilientes Interopérables Orientées vers la haute intensité Novatrices, il est visé une gigantesque manœuvre, avec 7 000 soldats engagés au départ et 12 000 en fin d’opération, le tout sur une vingtaine de départements entre février et mai 2023.

Intégré dans la « stratégie de défense collective de l’Otan », l’exercice se fonde sur un scénario imaginé par le ministère des armées lui-même. Une fédération aurait éclaté en plusieurs entités. L’une dentre elles, Mercure, soutiendrait des milices qui revendiquent l’indépendance d’une des régions de l’Arnland, autre entité née de l’explosion de la fédération mais soutenue par la France.

On a ici une allusion directe à la situation ukrainienne de 2014 à aujourd’hui. Mais on pourrait y voir également la perspective du démantèlement de la Russie… Plus généralement, comme lors de l’exercice SERRAT 2022 en Ardèche, on retrouve tout l’imaginaire propagandiste anticommuniste dans les symboles utilisés pour qualifier l’ennemi… sans parler de la milice indépendantiste.

Si la manœuvre militaire est détaillée sur derniers temps dans la presse générale, la première phase de l’exercice a débuté en mai 2022 par le fait de planifier les opérations.

Avec la seconde phase en Occitanie, c’est un camp de SDF qui a été déplacé, le massif de la Gardiole qui a été interdit d’accès entre février et mars.

En tout sont déployés de 1 à 3 brigades, 2 300 véhicules, dont 100 drones et 40 hélicoptères, 30 bâtiments navals, dont le porte-avion Charles de Gaulle, 20 captures spatiaux, 80 aéronefs (plus 50 de la marine nationale), 6 système de défense sol/air, 2 drones Male (reconnaissance).

Dès le 9 février a débuté la montée en puissance du déploiement militaire dans le sud de la France et samedi 18 mars, un avion C-130 a largué en mer de Toulon une dizaine de commandos marines. Puis, ce samedi 25 février, ce sont 600 paras » ainsi que 12 tonnes de matériel qui ont été largués dans le ciel de Castres dans le but de percer les premières lignes ennemies.

Le gros de cette phase 2 consiste en un vaste débarquement amphibie dans le bassin de Thau à Sète menant combat jusqu’à la mi-mars, en rejoignant les troupes aéroportées à Castres. L’exercice doit se clôturer entre le 5 et le 11 mars à Cahors avec exercice de combat en ville, ce qui a valu aux établissements scolaires d’informer via le logiciel Pronote les parents d’élèves.

La délégation militaire du Lot qui souhaite conserver le plus grand réalisme de l’exercice a présenté la chose publiquement :

« la coordination avec les acteurs locaux, les interactions avec la population, la préservation des infrastructures et des activités économiques. Orion représente l’occasion de voir les militaires en action et de leur témoigner leur soutien. Ce contact avec les territoires manifeste la vitalité de lien armées-nation contribuant à la cohésion nationale »

Cette phase de l’exercice vise à tester le déploiement de l’échelon national d’urgence (ENU) composé de 5000 soldats capables d’être déployés en 48h. Ici, on parle d’un déploiement à la fois aéroportée à l’intérieur des lignes ennemies et d’un débarquement amphibie de troupes marines après des actions de neutralisation physique et cyber. L’armée cherche à s’entrainer à la guerre dite « multimilieu/multichamp », embrassant la terre, la mer, les airs mais aussi le cyber et l’informationnel.

La seconde phase relève en fait d’un pré-engagement, dans l’ombre, de l’armée française, alors dirigeantes d’autres forces issues de l’Otan, contre les milices indépendantistes imaginaires.

La phase 3, dénommée « civilo-militaire », relève de l’implication de plusieurs ministères dans la prise de décision et l’explication à l’opinion publique de l’engagement. Soit après coup. Cela doit permettre à justifier publiquement que la France est la « nation-cadre » d’un vaste dispositif d’intervention militaire au moment où, dans le scénario, les forces de Mercure entrent en confrontation directe. Ce sera la phase 4 entre avril et mai, dite d’envergure ou guerre de haute intensité entre deux armées conventionnelles.

Pour traduire : on déploie l’armée…on explique après, ou comment démasquer le fondement d’une guerre de grande puissance n’ayant aucune valeur démocratique et populaire. Cela en dit long sur la sophistication de la prochaine guerre de haute intensité, nécessitant tout un dispositif politico-militaire dans l’espoir de conserver toute la situation sous contrôle. A moyen terme, cela est vain bien évidemment.

Ce qui est clair, c’est que la France prépare activement la guerre et cela fait écho à une citation des Comités de la paix des Usines Schneider de 1952 reprise par la gazette anti-guerre Rosa dans son numéro 11 :

Les ouvriers pensent et disent que ce n’est pas tellement sûr que la guerre soit une fatalité, car une fatalité qui a un plan et qui a des crédits, n’en est pas une.

A l’instar de la France « nation-cadre » en Roumanie, c’est-à-dire puissance dirigeante et coordonnatrice de plusieurs armées pour le compte de l’Otan, l’exercice Hemex-Orion n’est là que pour préparer la France à manier un déploiement militaire sophistiqué par et pour l’Otan.

Car derrière cet exercice où prennent part des soldats allemands, belges, italiens, grecs, américains, anglais, etc., la France ne vise pas directement à assurer la défense nationale, mais bien plutôt à montrer sa crédibilité envers l’Otan.

C’est un signal envoyé aux États-Unis comme quoi la France reste dans la course pour la guerre de repartage qui s’annonce, ou plutôt qui a déjà commencé avec la guerre contre la Russie.

C’est une preuve une fois de plus que la France n’est qu’une puissance de second ordre qui tente, tant bien que mal, de conserver sa place au soleil en tirant profit du mieux qu’elle peut de l’ordre international garanti par l’Otan depuis les années 1950. Car il faut bien comprendre que mobiliser 12 000 hommes, c’est tout à la fois rien au regard de ce qui se passe justement en Ukraine et déterminant si l’on se place sur le plan de la coalition Otan.

Il faut donc prendre cet exercice pour ce qu’il signifie historiquement : la France est un protagoniste majeur du militarisme occidental qui se prépare à maintenir le statu quo mondial qui lui est favorable.

Quiconque ne le conteste pas est de facto dans le camp du militarisme français.

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Guerre

La Conférence bilatérale pour la résilience et la reconstruction de l’Ukraine

Elle s’est tenue à Paris le 13 décembre 2022.

L’Ukraine est devenue un satellite de la superpuissance américaine ; en pratique c’est une colonie. Les nationalistes ukrainiens, qui vantaient la nation ukrainienne, n’ont été dans la pratique que le vecteur de la perte de l’indépendance nationale. La Conférence bilatérale pour la résilience et la reconstruction de l’Ukraine à Paris le 13 décembre 2022 entérine ce fait.

Mais de la même manière, les faits se sont précipités et la France est également un satellite américain. La Conférence bilatérale le montre, puisque la France se voit laisser des miettes en Ukraine… à condition de soutenir entièrement l’effort de guerre au service de la superpuissance américaine.

Cette Conférence a en effet comme organisateur Bruno Le Maire, le ministre français de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique. Ont été présents pas moins de 700 représentants d’entreprises françaises.

L’objectif : faire pénétrer le capital français dans les domaines de la santé, des infrastructures, des systèmes énergétiques, du secteur agricole et agroalimentaire, des technologies et du numérique.

Le principe : l’Ukraine est en ruine, c’est une cible facile qui n’aura pas le choix que de céder entièrement au capital des pays se plaçant sous le parapluie américain.

Mais pour cela il faut raquer. La France doit s’impliquer entièrement dans le soutien au régime ukrainien. Le ticket d’entrée a donc consisté déjà en 200 millions d’euros de « liquidités d’urgence » à l’opérateur national énergétique ukrainien Naftogaz et la société nationale des chemins de fer ukrainiens…

En un prêt de 300 millions d’euros à UkrEnergo qui gère les réseaux électriques ukrainiens… En un prêt de 37,6 millions d’euros pour la fourniture de 20 000 tonnes de rail produits en France par la société Saarstahl pour la réparation de plus de 150km de voies ferrées…

En la fourniture par la France de 25 ponts en kit et de 20 millions d’euros de semences par trois sociétés françaises exportatrices (MAS Seeds, Lideas Seeds, RAGT)…

La Commission européenne va également financer l’achat de 30 millions d’ampoules LED, alors que l’ensemble des pays occidentaux présents à la conférence ont promis de fournir au régime ukrainien 415 millions d’euros qui seront alloués au secteur de l’énergie, 25 millions pour l’eau, 38 millions pour l’alimentation, 17 millions pour la santé, 22 millions pour les transports, avec 493 millions d’euros encore à dispatcher.

Et le régime ukrainien en a profité, bien entendu, pour demander encore plus d’armes, notamment des tanks, en sachant que désormais il n’existe que comme chair à canon. C’est parce qu’il est la principale marionnette de tout cela que le président ukrainien Volodymyr Zelensky a été choisi comme personnalité de l’année par le magazine américain Time.

Mais l’Ukraine ne peut déjà plus s’en sortir. C’est une nation meurtrie, assassinée en premier lieu par son régime en faisant un jouet de la superpuissance américaine. Les destructions sont immenses ; la femme du président ukrainien, Olena Zelenska, a ainsi affirmé à l’occasion de la conférence la chose suivante :

« Mais comment ressentir tout ce que cette guerre fait à notre pays et notre population ? Comment ressentir ce que signifient plus de 4000 missiles qui ont touché les villes ukrainiennes ? Qu’est-ce que 50 000 missiles lancés en une seule journée contre notre pays ? Que sont 2719 établissements éducatifs touchés ou détruits ? Comment ressentir plus de 1 100 établissements médicaux détruits ou touchés ? Pouvez-vous imaginer la moitié de la France privée d’électricité ? »

Dans un pays à la stabilité déjà extrêmement faible avant la guerre, un tel panorama est catastrophique. Un retour en arrière est impossible.

Et le grand paradoxe historique de tout cela, pour mettre une perspective historique populaire en avant, c’est que si l’armée ukrainienne avait immédiatement perdu la guerre, l’armée russe aurait été mise en déroute par le peuple ukrainien.

Le régime ukrainien mis de côté, rien ne freinait plus la mobilisation populaire ukrainienne, et la victoire militaire russe dans le pays aurait précipité une remise en cause patriotique ukrainienne, que les masses russes auraient elles-mêmes soutenues tellement elles sont proches de l’Ukraine!

Mais tel n’a pas été le scénario et désormais du point de vue russe, l’Ukraine a commis la grande trahison d’avoir choisi l’Occident, la superpuissance américaine. La mise hors de service du réseau électrique à Odessa il y a quelques jours montre qu’il n’y aura pas de pardon et que toute la « Nouvelle Russie » serait conquise par la Russie coûte que coûte.

Pour l’instant, on va en plein dans la direction d’un découpage de l’Ukraine en trois zones, comme le voit l’article du 26 juin 2022 sur le découpage futur de l’Ukraine.

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Politique

La « pomme rouge » et la propagande de guerre turque

Le bourrage de crâne mystico-eschatologique du régime turc emporte la Turquie vers l’Apocalypse.

En campagne pour les élections de novembre 2023, le président de la République de Turquie, Reccep Tayyib Erdoğan, a prononcé ce weekend devant une foule de plusieurs milliers de ses partisans à Konya. C’était un discours très offensif, exposant de manière très ouverte l’expansionnisme du capitalisme turc, de nature bureaucratique, qu’il incarne avec son parti, l’AKP. On traduit habituellement le nom de ce parti par « Parti de la Justice et du Développement », mais il y a aussi un jeu de mot à saisir, dans le sens où Ak signifie aussi « blanc » ou « pur », c’est-à-dire non corrompu, en langue turque.

Konya est une ville du centre de la Turquie, au cœur du dispositif politique de l’AKP dont elle est un bastion électoral, mais aussi une vitrine. La ville est en effet dirigée par l’AKP depuis le début de l’expansion de ce parti, elle a bénéficié d’investissements massifs pour la moderniser, en terme d’équipements urbains et de réseaux de transports. Par exemple, la ville a accueilli les Jeux panislamiques, rassemblant des sportifs de plus de 50 États, en août dernier et s’apprête à prendre la présidence à l’international de la CGLU, héritière de « l’Internationale des municipalités », fondée à Gand en Belgique en 1913.

Cette organisation d’orientation disons libérale-démocratique, très peu connue en France, participe de la propagande du régime turc à la promotion de ce qu’il appelle le « municipalisme islamique », qui est un des piliers de son idéologie nationale-conservatrice à dimension moderne.

Plus profondément encore, Konya occupe une place spéciale dans le folklore turco-islamique mis en place par l’État turc depuis le régime de Mustafa Kemal Atatürk, entre 1923 et 1938. Sous ce rapport, la ville est censée incarner la spécificité turque de l’islam anatolien, à travers la confrérie des « derviches tourneurs », relativement connue en France, et de la figure de Rumi, penseur islamique relativement syncrétique du Moyen Âge turc, surnommé en turc Mevlana, le maître à penser, le guide.

Mais Konya fut aussi la capitale du sultanat seljukide des Romains, fondé entre la victoire turque sur l’Empire byzantin à Mantzikert en 1071, et la conquête de l’Asie mineure par l’Ilkhanat turco-mongol de Perse au XIIIe siècle. Dans la propagande du régime turc actuel, ce sultanat est tenu pour le fondateur de l’État turc en Anatolie, sorte d’ancêtre de l’Empire ottoman et de la République de Turquie si on peut dire. D’ailleurs, la plus haute tour de la ville porte justement le nom de « Seljuk Tower », dominant de ses 163 mètres de haut un centre commercial, ce qui en somme veut absolument tout dire.

C’est donc dans ce cadre que Reccep Tayyib Erdoğan a chauffé à blanc ses partisans, n’hésitant pas à cibler ses adversaires politiques du CHP, le parti Républicain tenu pour incarner une sorte d’opposition de « gauche » aux islamistes nationaux-conservateurs de l’AKP, en les traitant ouvertement de traîtres à la patrie, de valets de l’Otan et de 5e colonne pro-PKK, alors même que l’armée turque est engagée justement dans une opération de bombardement des bases des combattants kurdes de Syrie, les YPG, alliés au PKK et considérés comme responsables de l’attentat qui a frappé Istanbul au début du mois de novembre.

Mais de manière plus significative, Reccep Tayyib Erdoğan a exposé de manière claire et ramassée l’idéologie expansionniste de son régime qu’il entend mettre en œuvre, dont voici les principaux points :

  • D’une manière générale, selon sa perspective, l’époque qui vient sera le « siècle de la Turquie » (Türkiye Yüzyılı), qui entend se tailler sa place dans le repartage du monde.
  • Cette expansion doit s’effectuer sur la base d’une politique industrielle et commerciale agressive que Reccep Tayyib Erdoğan définit par la formule : croissance par l’investissement, l’emploi, la production, les exportations, l’excédent du compte courant (yatırım, istihdam, üretim, ihracat, cari fazla yoluyla büyüme). Reccep Tayyib Erdoğan s’affirme ici absolument déterminé à poursuivre coûte que coûte cette expansion en poursuivant d’injecter encore plus de crédit et de liquidité dans l’économie turque malgré une inflation des prix ces derniers mois.
  • Cette expansion doit se manifester par la réalisation de grands travaux d’équipement, comme le monstrueux projet du Kanal Istanbul par exemple, devant relier la mer Noire à la mer méditerranée pour augmenter le trafic maritime. L’objectif est de moderniser la Turquie et la doter d’infrastructures en mesure d’en faire une puissance capitaliste complète.
  • Cette expansion doit aussi se manifester par une politique industrielle restructurant profondément l’appareil de production turc, afin de faire émerger des monopoles en mesure de s’élancer à la conquête des marchés émergents, et même de l’Europe, comme le sont par exemple Beko pour l’électroménager et comme est censé le devenir TOGG (pour « Cartel des industries automobiles de Turquie, Türkiye’nin Otomobili Girişim Grubu), présenté comme la première marque nationale automobile de Turquie, devant conquérir le marché de la voiture électrique en Europe.
  • Mais le fleuron principal de cette expansion telle que l’a présentée Reccep Tayyib Erdoğan est le secteur de la défense, devenu ainsi qu’il l’a souligné, national et indépendant à 80%, et désormais exportateur. Reccep Tayyib Erdoğan a très largement souligné le lien entre le développement de cette industrie, la croissance turque et l’expansion nationale de la Turquie, comme « puissance de l’islam », devant galvaniser les masses, les « 85 millions de turcs » que Reccep Tayyib Erdoğan veut élancer vers le futur qu’il imagine dans le cadre de l’expansion capitaliste bureaucratique turc, en faisant de la Turquie une puissance indépendante du capitalisme mondialisé, et en saisissant l’opportunité de la crise pour prendre agressivement le plus de poids possible.

Et pour que cette dernière idée soit la plus claire possible, il a martelé du début à la fin de son discours la force que donne à l’expansion militariste de la Turquie un des fleurons de son appareil militaro-industriel : les drones de la firme Baykar, fondée par un de ses soutiens industriels Ôzdemir Bayraktar.

Il a notamment mis en avant le nouveau modèle, le drone KIZILELMA, qui est en fait un avion de combat sans pilote, à la puissance de feu supérieure à tous les modèles précédents.

Cet appareil a été annoncé une première fois lors de la fête islamique du Sacrifice en 2021, pour une mise en service en 2023, après donc les élections et au moment surtout où la Turquie s’apprêtera à fêter le centenaire de la fondation de la République, dont Reccep Tayyib Erdoğan entend faire le point de départ de la refondation d’une nouvelle puissance turque, dans une perspective romantico-eschatologique.

D’où le nom de ce drone, dont le président turc a répété le nom et souligné le sens mystique : Kizil Elma signifie en effet « pomme rouge » en turc, et cela est devenu un symbole ultra-nationaliste très connu en Turquie, car il recycle une vieille légende turco-islamique, où les forces militaires turques sont censés faire la conquête de la « pomme rouge », qui était le surnom de Constantinople, en ce qu’il s’y trouvait, devant l’immense basilique Sainte-Sophie, devenue aujourd’hui la mosqueée Aya Sofya, une statue équestre de l’empereur romain Justinien tenant une pomme d’or, devenu rouge avec la patine du temps, et annonçant la future conquête du monde.

Saisissant cette pomme rouge, en abattant cette statue après la prise de Constantinople en 1453, le symbole est resté comme devant annoncer la chute des autres « pomme rouge » en Occident, Vienne et Rome.

L’imaginaire semi-féodal des nationalistes turcs modernes a fait de ce symbole une métaphore de l’expansionnisme agressif de la Turquie, comme devant s’imposer au monde pour accomplir la domination islamique dont la Turquie est le meilleur agent, en ciblant de manière oblique l’Occident, tout en ne le ciblant en fait pas formellement.

De fait le régime turc piège implacablement la Turquie dans les insurmontables contradictions qui la tiraillent historiquement depuis l’effondrement tragique de l’Empire ottoman et son entrée dans le mode de production capitaliste.

Prise dans les griffes de son propre chauvinisme, exprimé par son appareil militaro-industriel porté par la crise ouverte en 2020 qui semble lui laisser un espace, la Turquie est à un tournant de son Histoire. Son régime national-conservateur l’élance d’un pas ferme et décidé dans l’Apocalypse.

En face, la France et la Grèce sont prêts à l’affronter, eux-mêmes portés par la bataille pour le repartage du monde.

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Guerre

Le CEMA Thierry Burkhard assume la guerre au Sénat

L’armée française est subordonnée à la superpuissance américaine et relève de la tendance à la guerre.

L’anglais est assumé jusqu’au symbole du Groupe aéronaval français, constitué autour du porte-avions Charles De Gaulle

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023, le Sénat a interrogé le général Thierry Burkhard, chef d’état-major des armées, ainsi que le général Pierre Schill, chef d’état-major de l’armée de Terre. Cela s’est déroulé le 19 octobre 2022, mais cela vient d’être rendu public.

Voici les passages les plus importants de ce que dit le « CEMA », Thierry Burkhard, ce que disant Pierre Schill concernant surtout la modernisation de l’armée de terre.

Le soutien à l’armée ukrainienne est assumé, tout comme la ligne de mise à niveau de l’armée française pour un conflit de haute intensité. La subordination à la superpuissance américaine est complète.

On notera particulièrement les propos suivants : « En Afrique, nous faisons face à un adversaire installé, puissant et qui donne l’apparence de jouer dans le sens de l’histoire. » Cela implique que le CEMA est tout à fait conscient de la ligne russe – russo-chinoise en fait – de prétendre représenter le tiers-monde contre l’ordre mondial imposé par les pays développés.

C’est à cela qu’on voit qu’il y a ce qui est dit publiquement, comme narration pour militariser… Et comment derrière, de manière masquée, il y a la logique des blocs, dans le cadre de l’affrontement sino-américain au coeur de la troisième guerre mondiale ayant pratiquement commencé avec la guerre en Ukraine.

Sur la guerre en Ukraine et le soutien au régime ukrainien de l’armée française.

« Le 24 février dernier constitue un point de bascule et l’expression « changement de monde » n’a jamais été si vraie. Depuis, le monde ne s’est pas stabilisé et il est très difficile de cerner l’ampleur et la diversité des défis qui nous attendent dans les années à venir. Les incertitudes restent nombreuses. Par conséquent, il nous faut réinterroger nos choix, nos modes d’action, nos organisations pour s’assurer qu’ils demeurent pertinents, avec une nouvelle grille de lecture « post-24 février ».

Cette situation n’est pourtant pas une surprise : les Armées avaient anticipé la possibilité d’un retour de guerre entre États. Pour autant, une forte accélération est en train de se produire, qui dépasse d’ailleurs le strict cadre européen, et qu’il nous faut prendre en compte pour ne pas rester sur le bord du chemin (…).

En Ukraine, la Russie développe une stratégie de long terme. Certes, elle est en difficulté, mais cela ne suffit pas à la détourner de ses objectifs. C’est pourquoi nous ne devons pas nous démobiliser. Le rappel des réservistes, qui a été engagé par la Russie, ne correspond pas à une mobilisation générale : pour autant, les effectifs, même s’ils sont très importants – de l’ordre de plusieurs centaines de milliers d’hommes -, ne changeront pas immédiatement le cours des opérations mais cela montre que les Russes réfléchissent à la suite des opérations au-delà de l’hiver.

L’hiver, en ralentissant les opérations militaires, sera, d’une part, une période critique dans le champ des perceptions et, d’autre part, une période difficile pour la cohésion du camp occidental, car les leviers énergétiques seront utilisés à plein par la Russie.

Les Russes ont aussi effectué des bombardements sur des cibles à usage dual – installations électriques, centres de distribution d’eau -, qui ne visaient pas à affaiblir l’armée ukrainienne mais à atteindre d’abord la résilience de la nation ukrainienne à l’approche de l’hiver.

L’enjeu pour la France est d’affirmer sa crédibilité militaire sur le haut du segment.

Notre engagement s’est traduit, dès le premier jour de la guerre en Ukraine, par le déploiement de nos avions Rafale au-dessus de la Pologne pour défendre le flanc Est de l’Otan, par le redéploiement du groupe aéronaval, deux jours après, au-dessus de la Croatie, pour effectuer des patrouilles de défense aérienne, et par le déploiement du bataillon Aigle en Roumanie, sept jours après le début des opérations russes en Ukraine, dans le cadre de l’échelon d’intervention d’urgence de l’Otan.

La France, conformément à la volonté du Président de la République, est désormais « Nation-cadre » du dispositif de réassurance de nos alliés de l’Otan en Roumanie.

Dans une logique d’adaptation dynamique de notre dispositif, nous avons décidé de mobiliser des capacités dites de « haut du spectre » – chars Leclerc, véhicules blindés de combat de l’infanterie (VBCI), systèmes d’artillerie – lors de la relève à l’automne prochain.

Nous déploierons en Lituanie des Rafale, pour la première fois, dans le cadre de la mission de police du ciel des pays baltes, à partir du mois de décembre prochain pour une durée de quatre mois. Nous mettons des navires français à disposition des task groups de l’OTAN. Nous maintenons notre présence militaire en Estonie, au titre de la réassurance et de la solidarité stratégique.

Les enjeux sur le flanc Est de l’OTAN doivent s’inscrire dans le cadre d’une stratégie de sécurité européenne pour les dix prochaines années, car, quelle que soit l’issue du conflit en Ukraine, nous devrons « cohabiter » – avec la Russie.

Nous devons aussi poursuivre notre appui à l’Ukraine. En plus des cessions de matériels, la formation est un besoin important, auquel la mission d’assistance militaire de l’Union européenne (EUMAM) permettra de répondre. La France y contribuera (…).

Les armées fournissent du matériel répondant d’abord au besoin des forces armées ukrainiennes : des équipements individuels du combattant, des armements pour assurer leur défense et les munitions associées.

Mais surtout, la France offre des capacités opérationnelles, et pas seulement du matériel. Nous aidons le partenaire à mettre en place un maintien en condition opérationnelle (MCO) durable, en lien avec les industriels. Nous avons également mis en place des hotlines pour permettre aux Ukrainiens de s’approprier rapidement et durablement les équipements cédés. Nous nous impliquons aussi dans la mission européenne d’assistance militaire, avec un important volet « formation et entraînement». »

Sur la militarisation de l’Etat français dans la perspective de la guerre pour le repartage du monde

« Le terme d’« économie de guerre » ne suffit pas à dire tout ce qu’il recouvre. C’est non seulement la manière dont l’industrie se donne les capacités de soutenir une guerre, notamment en matière de production, mais aussi ce que les Armées et la Direction générale de l’armement (DGA) envisagent en matière de simplification, de la spécification des besoins et des normes aux processus de qualification et de recette. Il faut donc une action conjointe. Les industriels sont confrontés à une situation nouvelle, car le monde a changé.

Les industriels doivent donc s’interroger, par exemple sur la capacité à faire des stocks ou à produire rapidement. Quant aux Armées, elles doivent rester à l’écoute des industriels pour faciliter l’établissement d’une réponse crédible techniquement et militairement, dans un délai adapté, à nos besoins. L’état-major des armées et la DGA mènent un travail collectif sur la question, non pas contre les industriels mais avec eux. Il s’agit bien d’une responsabilité collective et partagée.

S’agissant de la Défense Sol-Air, pendant vingt ans, nous avons opéré sur des théâtres où il n’y avait pas de menace aérienne, de sorte que nous avons favorisé d’autres domaines ; ces choix étaient cohérents avec le contexte des engagements. Nous ne sommes pas pour autant démunis en la matière, puisque nous disposons de différents systèmes – Mamba, Crotale et Mistral.

Mais le contexte a changé, et il n’est pas exclu pour l’armée de Terre ou pour la Marine de devoir intervenir dans un environnement où la supériorité aérienne n’est plus durablement acquise.

La menace des drones est également prise en compte dans la défense sol-air multicouches. Les appareils sont très divers, allant de plusieurs tonnes jusqu’aux nanodrones, dont les modèles évoluent très rapidement de sorte que nous devons nous montrer agiles. Il est prévu que nous améliorions notamment le système Mamba et nous envisageons de remplacer le Crotale par le missile d’interception, de combat et d’auto-défense (MICA VL). Tout cela est pris en compte dans la LPM en cours et dans les travaux préparatoires de celle à venir.

En matière de transition énergétique, un certain nombre de véhicules de servitude et de service sont déjà passés à l’électrique. D’un point de vue opérationnel, si la capacité à transporter et à stocker l’énergie électrique fait encore défaut, une réflexion est néanmoins en cours, car l’électrique présente des avantages, notamment en matière de signature thermique ou acoustique (…).

A propos de Djibouti : c’est un point d’appui stratégique pour la France, plus important encore avec le retour de la compétition entre puissances, Pour ses dirigeants, la relation avec la France est considérée comme stabilisatrice. Nous devons donc discuter avec eux, en prenant en compte à la fois nos besoins et leur stabilité.

L’innovation reste un axe de très grande importance et l’attention portée aux crédits d’étude sera maintenue. Parmi nos grandes priorités je citerai la lutte anti-drones, l’hypervélocité et les fonds marins, ainsi que le développement d’armes à énergie dirigée.

Comment gagner la guerre des coeurs et des esprits en Afrique ? Nous la menons depuis longtemps, mais l’on voit bien que la guerre dans le champ des perceptions prend encore plus d’importance avec les réseaux sociaux et les nouvelles technologies, notamment au sein de la jeunesse africaine. La France doit donc repenser sa présence, mais cela ne relève pas seulement des Armées.: Il y a encore quelques dizaines d’années, des centaines de coopérants civils étaient présents en Afrique aux côtés des militaires, dans des domaines divers, sport, éducation, culture, développement, etc. Ce nombre a considérablement diminué, alors que les forces armées n’ont pas réduit leur présence dans les mêmes proportions ; cela explique peut-être en partie l’évolution de l’image de la France. La « reconquête des coeurs et des esprits » passe par un effort interministériel coordonné, mais aussi sans doute par une moindre visibilité des armées. Après Barkhane, l’objectif est bien de renouveler notre mode de présence en Afrique, et cela nécessite l’accord et l’engagement de tous.

Pour ce qui concerne les Armées, nous devons consacrer des moyens aux stratégies d’influence. Un exemple est la formation en France des militaires étrangers. Dans le passé, nous avons beaucoup fait venir des stagiaires, mais, depuis quinze ou vingt ans, nous privilégions les formations sur place (…).

En Afrique, nous faisons face à un adversaire installé, puissant et qui donne l’apparence de jouer dans le sens de l’histoire.

Le combat n’est pas perdu pour autant, nous devons être présents dans la guerre des narratifs et dans le champ des perceptions. De l’autre côté, toute une galaxie d’acteurs est conduite par des proxys russes disposant de moyens que nous n’atteindrons jamais : des dizaines de milliers d’individus, dont au moins un millier d’opérateurs entièrement consacrés à l’Afrique. Nous sommes cependant en train de compenser notre retard, pour faire en sorte que nos adversaires ne soient pas seuls présents sur ce champ de bataille (…). »

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Guerre

Revue nationale stratégique 2022: la guerre de haute intensité assumée par la France

L’État installe tout ce qu’il faut pour aller à l’affrontement généralisé.

La Revue nationale stratégique date de 2017 et a été actualisé en 2021, elle indique les principaux axes stratégiques de l’Etat français sur le plan militaire. Il y a cependant une nouvelle version en 2022, en raison du conflit en Ukraine, et c’est à Toulon, à bord du porte-hélicoptères amphibie Dixmude, que le Président de la République Emmanuel Macron l’a officialisée.

Si d’un côté il s’est positionné comme force de proposition, avec la France jouant un rôle dans l’organisation d’un système de sécurité européen et mondial, en filigrane il y a un appel très clair à la transformation de l’armée française dans le sens de la guerre de haute intensité. Autrement dit, Emmanuel Macron pose que la guerre aura lieu aux alentours de 2030 – et qu’il faut commencer la grande réorganisation dans cette direction, en accélérant à chaque fois que l’opinion publique, marquée par la crise, le permettra.

Il n’a ainsi pas hésité à affirmer que :

 « Nous devons faire pivoter notre économie, nous adapter au nouveau contexte, pousser avec notre industrie de défense vers de nouveaux efforts et nous mettre en posture d’économie de guerre. »

Voici la vidéo du discours d’Emmanuel Macron, qui insiste bien sur le fait que « l’armée de 2030 » doit être désormais résolument nouvelle.

Le problème dans tout ça pour Emmanuel Macron, c’est qu’il faut assumer d’être désormais entièrement à la remorque de la superpuissance américaine, sans pour autant le dire. D’où deux parties totalement en incohérence l’une avec l’autre : « La France, allié exemplaire dans l’espace euro-atlantique » et « La France, un des moteurs de l’autonomie stratégique européenne ». Il faut lire en filigrane pour comprendre qu’au-delà des apparences, tout passe par l’Union européenne et donc l’OTAN et donc la superpuissance américaine.

En apparence, la France et l’Europe font leurs choix en toute indépendance, c’est revendiqué… Puis quand on voit en quoi consistent ces choix, on comprend qu’il s’agit de « choisir » d’être un satellite américain. Les phrases essentielles sont ici, et elles sont littéralement hallucinantes de franchise :

« Le recentrage américain sur la compétition stratégique avec la RPC s’accompagne d’une recomposition des rapports de force entre puissances régionales. »

« À travers la guerre en Ukraine, les États-Unis sont à nouveau apparus comme le principal pourvoyeur de la sécurité européenne, par l’ampleur des efforts de réassurance et de soutien militaire à l’Ukraine.

Un potentiel affaiblissement de l’investissement américain dans les zones d’intérêt européen (Afrique, Moyen-Orient), par ailleurs plus exposées aux visées unilatérales de puissances intermédiaires et à la montée d’opinions anti-occidentales, pourrait affecter notre capacité à contribuer durablement à la sécurité et la stabilité de ces régions. »

Ce qui va, naturellement, de pair avec une grande inquiétude sur une opposition intérieure à la guerre, qui est ici criminalisée par avance au moyen d’explications sans aucun sens : il y aurait des armes, on ne sait pas lesquelles, qui seraient « trouvées » sur le champ de bataille en Ukraine, et là les Russes auraient l’idée de les envoyer, celles-là et pas d’autres !, par la Poste à 2500 km afin qu’il y ait des attentats à Paris. C’est irréel.

« La guerre en Ukraine fait également peser le risque d’un retour au terrorisme d’État. La
désinhibition des comportements de la Russie rend crédible la possibilité d’une récupération
d’armes de tout type sur le théâtre ukrainien pour servir des groupes affidés (proxies) ou
terroristes. Celles-ci pourraient être utilisées contre nos intérêts, en complément d’une
campagne de désinformation. »

L’armée française est trop intelligente pour que ces lignes ne relèvent pas de la narration toujours plus forte comme quoi critiquer le soutien au régime ukrainien, c’est être un agent de Moscou. Dans son discours, Emmanuel Macron a d’ailleurs souligné que désormais « l’influence » serait érigée au rang de « fonction stratégique » de l’armée française, ce qui accorde à la propagande étatique supervisée par les militaires une dimension nouvelle, fondamentale.

Et pour l’instant, tout cela est accepté sans aucune protestation par la société française ! D’où l’importance de Rosa, la gazette bimensuelle contre la guerre, dont le nouveau numéro vient de paraître.

Voici ici également la Revue nationale stratégique de 2022.

revue-nationale-strategique-07112022

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Guerre

Pour maintenir sa puissance à bout de souffle, la France se militarise toujours plus

Le budget militaire continue de grimper…

Alors que la superpuissance soviétique s’effondrait, le 10 juin 1990, dans un discours devant l’Assemblée nationale, Laurent Fabius, alors première secrétaire du Parti Socialiste, appelait à la baisse du budget militaire français pour engranger les « dividendes de la paix ».

Que l’expression ait été justifiée ou non, elle est restée dans les mémoires comme l’illustration des années 1990-2000 où le rêve de la fin des guerres conventionnelles devait profiter au progrès collectif. Si la baisse du budget dévolu aux armées commençait dès 1981, cela devait s’approfondir tout au long des années 1990, passant de 3,2 % du PIB en 1990 à 1,1 % à la fin de cette décennie marquée par la fin de la conscription obligatoire décrétée par Jacques Chirac en 1996.

Mais voilà, le capitalisme restant ce qu’il est, avec ses inégalités de développement, le rêve devait prendre fin quelque part dans les années 2010 avec la remontée des antagonismes entre puissances, et surtout la montée de l’affrontement entre les États-Unis et la Chine.

En 2018 est ainsi votée la loi de programmation militaire pour la période 2019-2025 qui vise à renforcer l’armée et « rattraper » les lacunes des décennies précédentes. De fait, depuis 2019, le budget militaire augmente en moyenne de 1,7 milliards d’euros dans l’objectif d’atteindre les 2 % du PIB exigé par l’OTAN en 2025 (50 milliards d’euros par an).

C’est dans cette optique qu’une nouvelle rallonge de 3 milliards a été intégrée dans le cadre de la loi de finances 2023, le budget militaire s’élevant pour l’année prochaine à pratiquement 44 milliards d’euros, soit le deuxième poste de dépense après l’enseignement scolaire.

Si cette rallonge était prévue depuis la publication d’un rapport sur la « préparation à des conflits de haute intensité » par une mission d’information parlementaire en février 2022, l’accélération de la tendance à la guerre de repartage avec la guerre en Ukraine implique le renforcement de chaque militarisme national.

Depuis la fin de la guerre d’Algérie, jamais la France n’avait connu de tels niveaux de dépenses militaires et la raison est bien simple. La France est une puissance déclinante qui tente de sauvegarder sa place dans le monde, et cela passe forcément par la modernisation, le maintien en condition opérationnelle (MCO) et l’augmentation du matériel et des stocks d’une armée qui se veut complète.

Par armée complète, il faut attendre la capacité à intervenir de manière autonome sur terre, mer et air, mais aussi et surtout à bénéficier d’une dissuasion nucléaire là-aussi sur les trois types de champ de bataille, qui coûte cher, très cher. Environ 6,5 milliards d’euros par an.

Dans des propos très clairs, le journal La Tribune écrivait à propos de cette hausse du budget militaire que « ce n’est donc pas le moment de baisser la garde pour la France, qui a des prétentions mondiales notamment en Afrique et Indo-Pacifique », cela alors même que l’Angleterre et l’Allemagne annoncent une hausse de budget de 100 milliards d’euros, allant bénéficier principalement à l’industrie militaire américaine au détriment du rêve d’Emmanuel Macron d’une « Europe de la défense » pilotée par les fabricants de canons français.

Ce qui est clair, c’est que la bourgeoisie française prépare la guerre de haute intensité pour assurer ses zones d’influences dans le monde et c’est pourquoi l’armée de l’air va bénéficier de 13 rafales supplémentaires (stock réduit par l’envoi ou la vente d’appareils à la Grèce et la Croatie) ainsi que la marine avec 6 nouveaux sous-marins nucléaires d’attaque, et l’armée de terre va être modernisée avec la rénovation de 18 chars Leclerc et l’acquisition de 280 nouveaux blindés (programme Scorpion). Cela sans compter la montée en puissance du service national universel, appelé à devenir obligatoire dans les années à venir.

En effet, la France doit assurer une vaste zone d’influence dans le monde, en tant que seconde puissance maritime mondiale mais aussi dans ses relations avec certains pays d’Afrique de l’ouest, rivés à la domination française par la monnaie et des accords « bilatéraux » de « défense »…

C’est pourquoi pour s’assurer de ces intérêts stratégiques se renforce la puissance militaire, avec des divergences entre le ministre de l’économie, le ministre des armées et l’état-major militaire lui-même sur les fonds à allouer pour la future LPM 2024-2031, cela oscillant entre 370 et 410 milliards d’euros demandés selon les cas.

Car la France qui a opté dans les années 1960 pour l' »autonomie stratégique », permise d’ailleurs par son vaste empire colonial, en a toujours moins les moyens car la situation n’est plus celle d’un capitalisme dans une phase d’accumulation mais bien celle d’une crise générale et dont la France apparaît comme un maillon faible.

C’est tout le sens de l’appel d’Emmanuel Macron en juin au sommet de l’armement européen Eurosatory, à forger une « économie de guerre », c’est-à-dire à augmenter les capacités productives de guerre et à sortir de la logique de flux-tendu pour aller vers la constitution à long terme de stocks.

Mais avec un endettement massif et un important déficit public, la bourgeoisie française n’a plus de grandes marges de manœuvre financière pour assurer le maintien de sa puissance déclinante dans un contexte où la guerre de repartage menace chaque jour de prendre un tournure antagoniste ouverte.

A cela s’ajoute le fait que sur les 4 000 entreprises de la « base industrielle technologique de défense », nombreuses sont celles qui sont confrontées aux retards de livraison de composants et de pénurie de main d’œuvre, en plus du remboursement des PGE accordés pendant la période du covid-19.

Évidemment la principale difficulté reste la hausse du coût de l’énergie, d’autant plus difficile à encaisser que les entreprises de l’armement sont des industries dites duales, combinant productions civiles et militaires tout à la fois, caractéristique qui s’est approfondie dans les années 1990-2000 pour faire face à la baisse des budgets militaires dans le monde.

Alors la bourgeoisie française n’a pas 36 000 solutions pour faire face aux difficultés : il lui faut préparer l’affrontement de haut intensité au plus vite, et cela passe par décider des choses par en haut, de manière technocratique, ce qui concrètement se traduit par le renforcement du complexe militaro-industriel dans l’appareil d’État.

Pour preuve ces paroles à propos de l’ « économie de guerre » de Thierry Gaiffe, présenté comme le responsable des chaînes d’approvisionnement de la BITD et officiellement président de la Commission défense du Comité Richelieu, une sorte de regroupement de PME axées sur l’innovation technologique, devant la commission de défense de l’assemblée nationale :

L’ensemble de la supply chain (chaîne d’approvisionnement) doit être capable de produire, pas de manière immédiate mais avec des délais infiniment plus courts que ce qu’ils sont aujourd’hui. Aujourd’hui on est plutôt sur l’ordre d’un an, maintenant il faut ramener ça à plutôt l’ordre du mois. Alors comment faire quand on a, depuis la crise du Covid et la guerre en Ukraine, des délais qui sont délirants ? Et bien il faut évidemment constituer des stocks stratégiques, il n’y a pas d’autres alternative, c’est la seule. Donc ça demande à ce que l’ensemble de la chaîne, du maillon le plus grand à celui le plus petit compose un stock stratégique qui va lui permette de réagir au besoin de l’État. Donc ça demande une structuration peut-être par système d’armes, avec l’État là-haut qui va donner en fonction des scénarii une vision, une visibilité […] et en bas les délais de livraison.

La puissance française affaiblie prépare sa survie en assumant d’aller à l’affrontement militaire. Elle va tout faire pour sauver ce qu’elle peut et fera même tout ce qui est en son pouvoir pour se sortir du bourbier mondial actuel, quels qu’en soient les coûts sociaux, politiques et moraux. A la gauche historique d’en tirer les conclusions adéquates.

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Guerre

Septembre 2022 : que restera-t-il de l’Arménie ?

La situation est catastrophique.

Depuis maintenant plus d’une semaine les forces armées de l’Azerbaïdjan assaillent les frontières de la République d’Arménie. Les opérations ont jusque là fait officiellement plus de 280 morts de chaque côté parmi les militaires, et l’Azerbaïdjan occuperait plusieurs dizaine de km2 du territoire arménien.

Depuis novembre 2020, et de fait déjà auparavant, il est attentivement suivi la situation se développant en Arménie et plus largement dans le Caucase. Les personnes lisant agauche.org peuvent aisément consulter les archives documentant et analysant de manière approfondie tout ce contexte, ses implications et ses développements.

Il était annoncé depuis l’effondrement du Karabagh arménien que les régimes nationalistes, profondément bellicistes, de Bakou et d’Ankara ne contenteraient pas de l’écrasement du Karabagh arménien. Ceci d’autant que celui-ci reste encore incomplet dans une certaine mesure, puisqu’il se maintient, péniblement, sous occupation russe.

Les développements de la guerre en Ukraine devaient immanquablement avoir des répercussions
sur le Caucase, et pour l’Arménie, cela signifiait de notre point de vue, que c’était son existence
même en tant qu’État qui était en jeu.

Conformément à nos analyses donc, les régimes de Bakou et d’Ankara s’élancent dans la bataille pour le repartage du monde, sur la base de leur idéologie guerrière et expansionniste du « pantourisme ». Plus spécifiquement même, sur l’idée considérant que l’Azerbaïdjan et la Turquie forment « deux États, mais une nation ».

Voici les éléments d’analyse qu’il faut prendre en compte ici :

– La Turquie et l’Azerbaïdjan forment une alliance sur la base idéologique du pantouranisme (c’est-à-dire de l’idée d’unifier un supposé ensemble de pays « turcs ») allant au fascisme sur le plan interne, et justifiant sur le plan externe un écrasement large, sinon total de l’État arménien.

Il faut donc voir au-delà de la question de la réoccupation et de l’épuration ethnique du Karabagh arménien. La charge nationaliste attendue de cette conquête est l’aspect principal sur le plan idéologique du régime de Bakou. Pour la Turquie d’Erdogan, c’est une question parmi d’autres de son idéologie néo-ottomane, sur laquelle il est assuré quasiment d’une victoire.

– L’objectif territorial vise en priorité la conquête du sud du territoire arménien, appelé le Syunik
en arménien (en Zangezur en turc), mince bande territoriale peu peuplée permettant de relier l’Azerbaïdjan à la Turquie de manière directe. A minima, il s’agit d’obtenir un « corridor » ouvert entre les deux pays, c’est-à-dire le contrôle direct de la route Latchine-Nakhtichevan qui traverse cette région.

Cela suppose bien sûr la réoccupation complète de ce qui reste du Karabagh arménien, sous protection russe. À ce stade, les troupes d’Azerbaïdjan occupent toute la ligne de crête séparant le Karabagh arménien reconquis de l’Arménie, notamment suite à la prise du mont Ichkanasar (Işıklı en turc) qui domine de ses 3550 mètres toute la partie centrale de la route que visent les Azerbaïdjanais.

À cet objectif militaire principal s’ajoute une revendication supplémentaire sur le lac Sevan, qui fait partie sur le plan hydrologique du bassin de la Koura, et qui historiquement est tourné vers la ville de Gandjak, aujourd’hui en Azerbaïdjan. La carte ci-dessous permet de voir l’étendue des revendications territoriales maximum du régime, qui imaginent donc réduire l’Arménie à la zone de sa capitale, Yerevan, et aux secteurs où sont déployées les forces russes (frontière avec la Turquie et base de Gyumri).

Mais de toute façon en réalité, les revendications azerbaïdjanaises, et turques, sur l’Arménie concernent potentiellement l’ensemble du territoire, dont selon cette perspective, l’effacement doit être à terme total, afin de souder l’Azerbaïdjan et la Turquie de manière complète, ce qui serait autant pour Ilham Alyev, le président de l’Azerbaïdjan, que pour Recep Tayyip Erdogan, dirigeant de la Turquie, un triomphe « historique » validant le militarisme et toute la rhétorique néo-ottomane folle furieuse d’Erdogan.

L’action de Bakou est soutenue par la Turquie d’Erdogan, et plus discrètement par l’OTAN à travers l’appui des services de renseignement britannique.

La Turquie a déployé ses drones d’attaque Bayraktar TB2, dont l’un s’est écrasé en Iran, officiellement de manière accidentelle. L’ouverture d’un éventuel nouveau conflit de haute intensité dans le sud-Caucase est clairement une manière d’affaiblir la Russie, et l’Azerbaïdjan tout comme la Turquie entendent saisir cette opportunité pour leur propre agenda expansionniste, alimentant la marche précipitant le monde dans la guerre.

– Une telle offensive ouvre potentiellement les possibilités de repartage du Caucase, menaçant
les positions russes et iraniennes, et donnant un éventuel espace d’intervention à la France dans le cadre de sa confrontation croissante avec la Turquie, en laissant l’Arménie se faire écraser afin de satelliser ce qui reste, reprenant de fait à son compte la stratégie russe. La Droite française, par ses figures politiques ou ses médias, y pousse avec insistance, sans que cela ne prenne encore forme d’engagement concrète.

– L’Arménie et son peuple sont désormais complètement aux abois, réalisant de manière vertigineuse à quel point leur rhétorique nationaliste fondée sur une vision romantisée à outrance d’une « Grande Arménie » illusoire, qui a nourri la vie politique du pays, masquant le militarisme et la corruption du régime a été une catastrophe.

C’est ce que tente désespérément d’enrayer le gouvernement de Nikol Pachinian, mis en place suite à une vaste révolte populaire contre le régime et cherchant aujourd’hui, mais en vain, à ouvrir un dialogue avec l’Azerbaïdjan ou la Turquie, sous l’égide de la Russie. Cela avec le seul horizon déprimant de trouver une pauvre voie d’existence comme État satellisé entre deux blocs expansionnistes, poussés de toute façon à un moment ou un autre à la confrontation.

À ce contexte lamentable s’ajoute encore les agissement des puissances occidentales, jouant toutes les cordes permettant d’affaiblir les uns et les autres pour prendre pied dans le secteur, ou du moins pour y bloquer tous leurs rivaux.

Les forces de Gauche authentiquement démocratiques et populaires doivent donc mobiliser Arméniens et Turcs de notre pays contre cet abominable machine à broyer les peuples, à dresser des murs et à faire couler le sang.

Il faut dénoncer sans aucune concession les idéologies bellicistes maquillant l’expansionnisme d’États piégés dans les contradictions du mode de production capitaliste. La Turquie comme l’Azerbaïdjan sont entraînés vers l’abyme par leurs régimes chauvins, cultivant un pseudo-romantisme identitaire et territorial flattant les pires préjugés nationaux des uns et des autres. Voilà pourquoi il faut opposer à la guerre impérialiste du capitalisme en Crise un projet, une perspective.

Cette perspective ne peut être que celle de la Gauche historique, reposant sur les valeurs les plus avancées du mouvement ouvrier. Seule la classe ouvrière échappe à la décadence, et dialectiquement ce n’est que consciente qu’elle peut transformer l’Histoire comme l’exige notre époque.

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Les États-Unis s’engagent à défendre militairement Taïwan

Joe Biden est prêt à faire la guerre à la Chine.

Le 19 septembre 2022, le président américain Joe Biden a franchi une nouvelle ligne rouge. Il a affirmé que les États-Unis défendraient directement l’île de Taïwan en cas d’attaque par la Chine. Pour comprendre, c’est comme si juste avant le conflit ukrainien, les États-Unis avaient dit qu’ils défendraient militairement l’Ukraine en faisant la guerre à la Russie. On comprend tout de suite ce que cela sous-entend militairement, cela ne signifie ni plus ni moins que le fait d’assumer la troisième guerre mondiale.

Pierre après pierre, la superpuissance américaine se défait de tous ses engagements diplomatiques vis-à-vis de la République populaire de Chine et provoque le conflit.

Bien entendu, Joe Biden prétend toujours ne pas faire interférence et ne pas pousser le gouvernement de l’île à déclarer son indépendance. Il assume toutefois l’engagement militaire, ce qui revient de fait au même, faisant ouvertement de l’île de Taïwan ce qu’elle est : un avant-poste américain en Mer de Chine.

Le gouvernement de la République populaire de Chine a immédiatement réagit à cette provocation, dénonçant « une grave violation de l’engagement important des États-Unis à ne pas soutenir l’indépendance de Taïwan . »

Le ministère chinois des Affaires étrangères explique qu’il est envoyé « un mauvais signal « , poussant les séparatistes à l’indépendance. En effet, du côté chinois la pression est également immense.

La République populaire de Chine, en tant que superpuissance challenger de la superpuissance américaine, joue sa place dans le monde et elle considère comme un devoir de conquérir enfin l’île de Taïwan et d’écraser le gouvernement « rebelle » de la République de Chine.

D’ailleurs, la pression militaire chinoise contre l’île est de plus en plus grande, avec récemment tout une série de drones militaires qui sont envoyés, comme partie d’un dispositif militaire très poussé.

En plus des avions de chasse classique, on a donc des drones de haute technologie militaire déployés aux abords de l’île. Ils sont probablement armés, en tous cas c’est ce que considèrent les autorités de l’île. Il y a des Guizhou BZK-007, ayant l’apparence d’un avion de tourisme, des BZK-005, avec une autonomie immense, de 40 heures, des KVD-001, servant de relais de communication pour les hélicoptères d’attaque et des Tengden TB-001, probablement armés.

De plus, mi-septembre, il a été signalé par les autorités de Taïwan la présence du drone de haute altitude et longue endurance WZ-7, qui est conçu par l’armée chinoise pour des missions de reconnaissance et de ciblage pour les missiles

Cela est assumé par la partie chinoise, et il est expliqué dans la presse du régime :

« davantage de drones de l’APL [l’armée chinoise] devraient rejoindre les patrouilles et les exercices de routine autour de l’île de Taïwan dans le but de sauvegarder la souveraineté nationale et l’intégrité territoriale au milieu des provocations des sécessionnistes taïwanais et des forces d’ingérence extérieure ».

L’agressivité est de part et d’autre, l’emballement militaire est inéluctable dans la région, d’autant plus qu’une loi vient d’être voté par le congrès américain pour une aide militaire directe à Taïwan, en plus d’un plan récent de vente d’un milliard de dollars d’armes.

Et ce n’est là qu’un des fronts mondiaux, car la puissance américaine pousse à la guerre de manière acharnée, comme en Ukraine face à la Russie. De manière très significative, les États-Unis viennent de lever leur embargo sur les armes à destination de la République de Chypre, directement en concurrence avec la Turquie.

C’est un point chaud depuis des décennies : avec cette décision américaine, la situation est directement explosive là encore. Tout se met en place, la bataille pour le repartage du monde est déjà en cours.

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12 miles nautiques avant la 3e guerre mondiale

Le seuil de déclenchement de la guerre entre la Chine et Taïwan est fixé.

En réponse à la visite début août de Nancy Pelosi sur l’île de Taïwan, la République populaire de Chine considère devoir agir en représailles. Elle accentue la pression avec une salve d’incursions militaires aériennes et maritimes à proximité de l’île.

Depuis début août, l’armée chinoise a pénétré au moins 446 fois dans la zone d’identification de défense aérienne de l’île de Taïwan avec des chasseurs J-16 et des bombardiers tactiques JH-7. C’est près de la moitié du nombre total d’incursions en 2021 qui étaient de 969 (il n’y en avait eu « que » 380 en 2020).

Cela n’a rien d’illégal au sens strict, car on ne parle pas de l’espace aérien d’un pays au sens où celui-ci aurait le droit voire même le devoir d’abattre directement les aéronefs et navires concernés. Il s’agit plutôt d’une zone définie par les autorités de Taïwan comme consistant en la dernière limite à ne pas franchir ; chaque avion en provenance du continent chinois dans cette zone est censé devoir être identifié et ciblé par les différents moyens de défense.

La même chose se produit en mer avec pareillement plusieurs bâtiments militaires (au moins 7) s’approchant de l’île et activant les systèmes et procédures de défense. Ce faisant, la Chine procède en un harcèlement assumé, pour user moralement et matériellement les défenses de l’île rebelle inféodée à la superpuissance américaine.

Les autorités taïwanaises sont alors acculées. Soit elles cèdent, et c’est le début de la fin pour elles. Soit elles répondent graduellement, et c’est l’escalade, et donc le début de la fin quand même… Pour l’instant, début septembre 2022, les autorités taïwanaises prétendent encore à la mesure et au contrôle de la situation. La « présidente » Tsai Ing-wen appelle au calme prétendant ne pas vouloir « provoquer une guerre  » :

« Je veux dire à chacun que plus l’ennemi provoque, plus nous devons être calmes. »

Elle ajoute pourtant :

« j’ai demandé au ministère de la Défense de prendre de fermes contre-mesures au moment approprié pour défendre la sécurité de l’espace aérien ».

Et donc le chef adjoint de l’état-major général taïwanais pour les opérations et la planification a expliqué que plus les incursions seront proches, plus il y aura de contre-mesures fortes.

Concrètement la limite des 12 milles nautiques a été fixé, définissant de fait le point de non retour vers la guerre.

« Pour les avions et navires chinois qui entrent dans nos eaux territoriales et notre espace aérien à moins de 12 milles de l’île, l’armée nationale exercera le droit de légitime défense et de contre-attaque sans exception « .

La République populaire de Chine est très proche de cette limite, mais elle ne l’a jamais franchie, sauf avec des drones dont un a été abattu le 1er septembre. Elle explique toutefois qu’elle n’en a rien à faire et ne reconnaît aucune légitimité à cette limite.

Le porte-parole de la diplomatie chinoise Zhao Lijian répond de but en blanc :

« Taïwan est une province de la Chine et elle n’a pas de ‘ministère de la Défense’. Les actions des autorités taïwanaises pour aggraver les tensions ne veulent rien dire ».

Au contraire, cela veux tout dire. Les choses sont maintenant posées et définies. Si elle veut la guerre, la République populaire de Chine n’a plus qu’une chose à faire, c’est s’approcher à moins de 12 miles de l’île et provoquer le tir de défense attendu qui déclencherait la guerre.

Un mile, c’est 1,852 km. 12 miles, c’est 22,224 kilomètres. Début septembre 2022, à peine 23 km d’océan nous séparent d’une étincelle déclenchant la 3e guerre mondiale qui a, de toute façon, déjà commencé concrètement avec la guerre Ukraine – Russie, qui a l’affrontement entre la superpuissance américaine et son challenger chinois comme arrière-plan.

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La Gauche française écrasée entre atlantisme et néo-gaullisme

Personne n’est à la hauteur.

Alors que les choses s’accélèrent dramatiquement et que la perspective d’une guerre mondiale s’approche à grands pas, le pacifisme est toujours désespérément absent des débats politiques. En cette absence, ce sont les différentes options du camp de la guerre qui s’expriment, à l’occasion de chaque escalade militaire, à gauche comme à droite. C’est de nouveau le cas lors de l’épisode de la visite de Nancy Pelosi à Taïwan.

D’un côté, on trouve les tenants de l’atlantisme, c’est à dire de l’alignement de la France sur la superpuissance américaine au sein de l’OTAN ou à travers l’Union Européenne. Le discours accompagnant cela est celui, désormais bien rôdé, du « monde libre » faisant face à l' »axe du mal », des « démocraties » face aux « dictatures ».

Emmanuel Macron est par exemple tout à fait rangé dans ce camp. À gauche, parmi les principales figures défendant cette option, il y a notamment les organisateurs du rassemblement pro-Ukraine du 5 mars dernier à Paris, dont on pouvait apercevoir les visages entre un drapeau banderiste et des pancartes appelant ouvertement à attaquer la Russie.

De l’autre côté de l’échiquier, on trouve les tenants d’une France qui se rêve en cavalier seul, assumant sa propre puissance « indépendante » des américains, avec comme référence absolue le général de Gaulle. Parmi eux, il y a évidemment toute la mouvance souverainiste avec des figures comme Florian Philippot, Marine Le Pen, François Asselineau, des héritiers de la droite des années 1990 comme Henri Guaino, mais surtout Jean-Luc Mélenchon, qui écrivait récemment dans son article « De Gaulle était-il un Insoumis ? » :

« Son obsession pour l’indépendance, y compris contre des forces apparemment tellement puissantes est une forme d’insoumission héroïque qui doit servir de modèle. Le même raisonnement s’appliquera à sa vision des rapports au monde ensuite après 1958, qu’il s’agisse de la souveraineté militaire ou des solutions pour la guerre du Vietnam face aux Américains. »

C’est l’ancien candidat insoumis à la présidentielle qui ouvre le bal des réactions sur son blog :

« Quel est le sens de la visite de Pelosi sur place ? Taïwan est un sujet tendu depuis la libération de la Chine (NDLR : de l’occupation japonaise en 1945). Mais, pour les Français depuis 1965 et le général de Gaulle, il n’y a qu’une seule Chine. Elle siège au Conseil de sécurité. »

Parmi d’autres, le député NUPES Antoine Léaument renchérit : « Que Jean-Luc Mélenchon défende la position de l’ONU et de la France depuis de Gaulle est normal et juste ».

Même son de cloche chez Florian Phillipot, qui déclare :

 « ‘Une seule Chine’ est la position officielle de la France depuis le 27 janvier 1964 et le général de Gaulle. Encore une polémique idiote et inutile ! »

François Asselineau choisit quant à lui de publier sur Twitter une photo historique du Général de Gaulle rencontrant le premier ambassadeur de Chine en France.

Côté atlantistes, le dirigeant d’Europe Écologie Les Verts Julien Bayou répond à Jean-Luc Mélenchon sur BFM TV : « Si on est attachés à la démocratie, on l’est partout dans le monde et tout le temps. On ne peut pas abandonner Taïwan, quand bien même cela fâche un régime autoritaire comme la Chine. »

Sur le même thème de l' »axe du mal », l’ancien candidat à la présidentielle Yannick Jadot se contente d’un tweet : « Une seule Chine, c’est d’abord une seule dictature. La liberté et la démocratie sont des joyaux au cœur de nos combats politiques. Partout ! »

Olivier Faure, le premier secrétaire du Parti socialiste, choisit de critiquer l’événement de façon purement formelle, comme pour en relativiser la portée : 

« L’opportunité de la visite de N.Pelosi à Taïwan est discutable, la volonté des taïwanais de vivre en démocratie ne l’est pas. Biden n’en voulait pas. Tokyo et Séoul non plus. »

C’est finalement Raphael Glucksmann qui est le plus enflammé dans un lyrisme va-t-en-guerre :

« L’anti-américanisme érigé en boussole conduit cette gauche-ci à épouser la cause des tyrans et à mépriser celle des peuples et des individus qui se dressent face à eux. Cette fracture n’est pas neuve et le combat culturel et politique doit inlassablement être repris. Il suppose l’affirmation de principes intangibles, quitte à heurter les rêves légitimes d’unité.

Alors soyons clairs et restons-le. Le soutien aux Ukrainiens plongés dans la nuit de l’invasion russe et du fascisme poutinien n’est pas négociable. La solidarité avec les Taiwanais construisant une démocratie vibrante sous la menace permanente des autocrates de Pekin n’est pas négociable.

La lutte pour la fermeture des camps dans lesquels sont parqués les Ouïghours n’est pas négociable. L’espoir d’une puissance européenne démocratique et écologique capable de défendre ses principes et d’aider celles et ceux qui les font vivre à Kyiv [sic], Taipeh ou ailleurs n’est pas négociable. »

Fait marquant, il va même jusqu’à dénoncer le pacifisme comme n’étant qu’une hypocrisie coupable  :

« Il y a toujours eu (…) des “pacifistes” préférant composer avec les tyrans qui déclenchent les guerres plutôt que leur résister. »

Notons que les cadres du PCF sont restés muets. On peut d’ailleurs deviner la gêne au sein du parti à travers les déclarations de Fabien Roussel pendant la campagne présidentielle, qui avait confondu Taïwan et Hong-Kong, parlant d' »un pays, deux systèmes ».

Voilà donc le panorama politique qui s’offre à nous à l’aube de la guerre, avec différentes nuances de bellicisme qui rivalisent entre elles, qui mobilisent sans réel obstacle. Plus d’un siècle après 1914, la Gauche semble avoir oublié ses leçons. Il est encore temps éviter la boucherie, il le faut, mais cela ne se fera pas sans un regain formidable de conscience dans les masses, et pour cela, il faut de la politique !

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La provocation américaine de Nancy Pelosi à Taïwan

La superpuissance américaine pousse à la guerre.

« La visite de Taiwan »

La rupture entre la superpuissance américaine et son challenger chinois est maintenant consommée. Le mois d’aout 2022 est le premier d’une nouvelle ère, avec l’affrontement sino-américain comme aspect principal s’exprimant désormais ouvertement. Tout cela était en germe, la crise commencée en 2020 a ouvert la nouvelle période, nous l’avons ici largement commenté, surtout avec l’invasion russe en Ukraine. Mais la situation a pris maintenant une toute autre tournure.

En se rendant sur l’île de Taïwan, la représentante du Congrès américain Nancy Pelosi provoque, en toute conscience, une tempête. Cinquante années de compromis sino-américain sur la question d’une Chine unique vole en éclat, malgré les avertissement chinois, ou plus justement en raison des avertissements chinois, afin de provoquer la Chine dès maintenant, de la forcer à réagir sans attendre d’être renforcée.

Anecdotique ou pas : le vol de Nancy Pelosi a fait exploser les compteurs sur le site de suivi de la circulation aérienne Flightradar24. Ce sont plus de 700 000 personnes qui l’ont suivie en direct, sachant très bien l’enjeu historique de ce voyage. En effet, la Chine n’a maintenant plus le choix, elle avait très fortement dénoncé à l’avance une telle visite, elle va devoir assumer son opposition à la superpuissance américaine qui a désigné officiellement l’île de Taïwan comme le lieu et le sujet de l’affrontement.

Avec Taïwan, l’administration américaine a un gouvernement chinois « démocratique » (selon sa conception) à soutenir contre la Chine « populaire » (en fait social-fasciste) qui concurrence son hégémonie. Inversement, la République populaire de Chine a besoin d’écraser le régime rebelle de Taïwan (selon sa conception) trop proche des États-Unis, pour développer ses propres ambitions mondiales.

La seule différence est que les États-Unis sont une puissance dominante, alors que la Chine (et dans son camp la Russie) est une puissance challenger. Mais tant le régime américain que le régime chinois sont aux abois, avec une propagande montreuse contre l’autre camp pour finir de préparer l’opinion à la guerre.

La télévision chinoise matraque de publicités patriotiques vantant l’Armée populaire de libération (qui n’a plus rien de populaire depuis des décennies). Dans un autre style, la presse américaine, surtout celle Démocrate, martèle quand à elle à propos de l’importance de la question taïwanaise.

Immédiatement après l’atterrissage de Nancy Pelosi, c’est ainsi le fameux Washington Post qui a directement publié une tribune d’elle que seuls les abonnés payants ont le droit de lire (le grand public américain a droit à des discours anti-chinois beaucoup moins élaborés, car il ne s’agit pas d’instruire le peuple mais de préparer la guerre).

On y lit :

« La visite de notre délégation doit être considérée comme une déclaration sans équivoque selon laquelle l’Amérique se tient aux côtés de Taïwan, notre partenaire démocratique, qui se défend et défend sa liberté.

Pourtant, cette démocratie dynamique et solide… et fièrement dirigée par une femme, la présidente Tsai Ing-wen, est menacée.

Ces dernières années, Pékin a considérablement intensifié les pressions sur Taïwan. La République populaire de Chine a multiplié les patrouilles de bombardiers, d’avions de chasse et d’avions de surveillance à proximité, voire au-dessus, de la zone de défense aérienne de Taïwan, ce qui a amené le ministère de la défense américain à conclure que l’armée chinoise se prépare probablement à une éventualité d’unification de Taïwan à la RPC par la force. »

Ce qui se passe est exactement la même chose que ce qui s’est passé en Ukraine. Les États-Unis façonnent des régimes qui lui sont inféodés et s’en servent comme tampon, comme base militaire et politico-culturelle, contre ses concurrents. C’est ce qu’ils ont fait depuis 2014 avec l’Ukraine, c’est ce qu’ils font depuis 1949 avec l’île de Taïwan, qui est chinoise.

Tant la Russie que la Chine ne sont pas des régimes démocratiques, alors ils assument totalement de jouer une partition miroir à celle des États-Unis : l’Ukraine et Taïwan sont pour eux des objets ne servant qu’à leur quête d’influence et d’hégémonie en concurrence avec l’hégémonie américaine.

Voilà comment se déclenche une guerre mondiale. Des puissances belliqueuses rivalisent de provocations, jusqu’à la rupture. Cette fois, ce sont les États-Unis qui ont provoqué, et fort. La Chine en réponse est maintenant à deux doigts de déclarer la guerre.

La première réponse a été l’envoi d’une vingtaine d’avions militaires dans la zone d’identification de défense aérienne taïwanaise. C’est habituel de la part de la Chine, mais c’est systématiquement considéré par Taïwan comme une provocation : c’est en tous cas un acte de franche hostilité militaire et cela prend dans ce contexte une toute autre dimension.

La Chine a donc parlé d' »actions militaires ciblées » à venir pour « défendre résolument la souveraineté nationale et l’intégrité territoriale et à fermement contrecarrer les ingérences extérieures et les tentatives séparatistes d’“indépendance de Taïwan” ». Des manœuvres militaires sont ainsi prévues… au large de Taiwan.

Deux portes-avions ont été déployés dans la zone, le CNS Liaoning et le CNS Shandong, ainsi qu’un croiseur 055D , équipé de 112 tubes de lancement et une frégate 054.

Le ministère de la Défense chinois a fait savoir que :

« Les États-Unis auront assurément la responsabilité des conséquences et devront payer le prix de leur atteinte à la sécurité de la Chine. »

Du côté américain, le porte-avions USS Ronald Reagan croise au sud de Taïwan avec le destroyer USS Higgins et le navire ravitailleur USS Carl Brashear. Et ce n’est que le début d’une situation explosive.

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Taïwan, l’étincelle de la 3e guerre mondiale

La tension est à son comble.

Lors d’un échange téléphonique récent avec Joe Biden, le président chinois Xi Jinping aurait expliqué que « ceux qui jouent avec le feu finissent par se brûler », en invitant « la partie américaine » à comprendre cela. La menace est on ne peut plus claire.

C’est que la perspective d’une visite de Nancy Pelosi sur l’île de Taïwan irrite au plus haut point les dirigeants de la République populaire de Chine, les obligeant à assumer un haut degré de tension en réponse à ce qui est évidemment une provocation diplomatique.

Symboliquement, on parle d’une des élues les plus importantes du régime américain, qui assure la présidence de la Chambre des représentants (l’équivalent de l’Assemblée nationale française). Elle est notamment seconde dans l’ordre de succession présidentielle.

L’irritation chinoise est d’autant plus importante que la partie américaine ne dit rien clairement quant à cette visite, tout en ne démentant pas les rumeurs (probablement fabriquées de toutes pièces d’ailleurs). Dimanche 31 juillet, Nancy Pelosi a confirmé être en route vers l’Asie, mais sans parler de l’île taïwanaise.

Il est en tous cas évident que cette question est au cœur de son déplacement. Son communiqué dit de manière explicite :

« Je conduis une délégation du Congrès dans la région Indo-Pacifique pour réaffirmer l’engagement inébranlable de l’Amérique envers ses alliés et amis dans la région ».

Elle précise également, ce qui évoque forcément la question de Taïwan :

« À Singapour, en Malaisie, en Corée du Sud et au Japon, nous tiendrons des réunions de haut niveau pour discuter de la manière dont nous pouvons promouvoir nos valeurs et nos intérêts communs notamment la paix et la sécurité, la croissance économique et le commerce, la pandémie de Covid-19, la crise climatique, les droits de l’homme et la gouvernance démocratique »

Ce qui se passe est très simple à comprendre : il y a une escalade de part et d’autre, les provocations se succédant pour pousser l’autre camp à la faute et construire ainsi le récit national et mondial préparant la guerre.

La République populaire de Chine a toujours considéré le gouvernement de la République de Chine établi à Taïwan comme étant rebelle et illégitime, mais sans jamais pour autant assumer l’invasion. Pareillement, les États-Unis ont toujours soutenu militairement la République de Chine (Taïwan), tout en ne le reconnaissant pas diplomatiquement et en privilégiant le rapport diplomatique et commercial avec la République populaire de Chine.

En quelques sorte, la question de Taïwan a été laissée de côté pendant plusieurs décennies, telle une carte joker à garder en main pour la jouer en cas de nécessité. C’est précisément là où nous en sommes en 2022. La guerre mondiale pour le repartage du monde est une tendance irrésistible, avec en son cœur la contradiction de plus en plus forte entre la superpuissance américaine et la puissance challenger chinoise qui jouent la carte taïwanaise.

Les américains prendraient bien prétexte d’une invasion de l’île de Taïwan par la République populaire de Chine pour lancer la guerre, donc ils provoquent en ce sens. En mars 2022 déjà, une délégation américaine se rendait sur l’île, emmenée par l’amiral Mike Mullen, ni plus ni moins que l’ancien chef d’état-major interarmées.

Inversement, la République populaire de Chine sait qu’elle va devoir passer un cap dans sa concurrence avec la superpuissance américaine et que la question Taïwanaise pourrait très bien servir d’élément déclencheur. Donc elle pousse le gouvernement de Taïpeï à la faute par des provocations militaires, en espérant un dérapage taïwanais servant d’étincelle allumant la mèche.

La potentielle visite de Nancy Pelosi pose ainsi problème au gouvernement chinois car elle le pousse dans ses retranchements. Soit il ne réagit pas et les États-Unis prennent l’ascendant en assumant quasi-ouvertement leur protectorat sur l’île. Tout conflit enclencherait alors directement la guerre mondiale. Soit le gouvernement chinois réagit, mais alors il se retrouve en position d’assumer lui-même la responsabilité principale de l’escalade guerrière menant au conflit mondial.

Cette seconde option est d’ailleurs déjà ouvertement sur la table. Le gouvernement chinois a déjà prévenu qu’il considère la question de l’indépendance taïwanaise comme une ligne rouge à ne pas franchir, le ministre chinois de la Défense Wei Fenghe ayant prévenu qu’il déclencherait alors la guerre, « quel qu’en soit le prix ».

Du côté américain, il est évident que cela est compris de cette manière et l’administration de Joe Biden hésite très clairement à assumer ou non ce déclenchement potentiel de la troisième guerre mondiale. La semaine à venir sera donc décisive avec le choix américain de visiter ou non les dirigeants de l’île de Taïwan.

Dans tous les cas, visite ou non, le retour en arrière ne sera pas possible dans ces conditions et l’escalade va mener un jour ou l’autre à la guerre, à moins d’une opposition démocratique et populaire mondiale à la guerre, notamment en Chine et aux États-Unis. Ce qui présentement est absolument inenvisageable.

Personne à Taïwan ne s’oppose aux exercices militaires annuels, menés la dernière semaine de juillet avec des simulations d’interception d’attaques chinoises depuis la mer.

Personne aux États-Unis ne dénonce l’utilisation de la question taïwanaise par le gouvernement, ni le déploiement du porte-avions USS Ronald Reagan avec sa flottille depuis Singapour vers la mer de Chine méridionale pour une « opération programmée ».

Personne en Chine ne dénonce l’exercice militaire mené samedi 30 juillet avec des munitions réelles dans le secteur de l’île de Pingtan, à environ 120 kilomètres des côtes taïwanaises. Personne ne dénonce la communication de l’Armée montrant le lancement d’un système hypersonique DF-17 censé pouvoir détruire un porte-avion avec une vitesse supérieur à Mach 5.

La guerre mondiale est la tendance irréversible de notre époque, c’est même concrètement l’actualité…

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Guerre: le Sénat va voter l’extension de l’OTAN à la Finlande et la Suède

Les sénateurs français vont ratifier l’élargissement du bloc américain.

La guerre pour le repartage du monde est l’actualité des grandes puissances et les parlements sont mobilisés pour accompagner le mouvement. Chaque pays membre doit en effet approuver l’extension de l’alliance militaire atlantique et cela se fait en général par une loi.

En France, le Parlement doit voter un projet de loi autorisant le gouvernement à ratifier le traité d’accession de la Suède et de la Finlande à l’OTAN. C’est le Sénat qui ouvre le bal avec une séance prévue le 21 juillet. Ensuite, ce sera au tour de l’Assemblée nationale de boucler la boucle avec un vote prévu le 2 août, pour une ratification du projet de loi immédiatement dans la soirée.

Pas de temps pour le débat démocratique donc. On peut d’ores et déjà se douter que cela va passer comme une lettre à la poste, tellement personne en France n’est capable de s’opposer à la guerre et à l’affrontement mondial entre la superpuissance américaine et sa concurrente chinoise qui se profile.

L’OTAN met la pression, en expliquant que pour l’entrée de la Macédoine du Nord le processus avait pris 12 mois et qu’il s’agit cette fois d’aller encore plus vite. C’est qu’il faut battre le fer anti-russe tant qu’il est chaud, avant que l’Ukraine n’ait déjà perdu la guerre.

En attendant, la Finlande et la Suède bénéficient du statut d’invité de l’OTAN, alors que dans les faits ces pays sont déjà très proches de l’OTAN depuis longtemps, techniquement parlant. Il n’y a par contre qu’après la validation de leur intégration par les 30 pays membres que ces nouveaux pays seront engagés par l’article 5 de la Charte de l’OTAN qui oblige à la mobilisation de chacun des membres en cas d’attaque.

Des « garanties » en amont avant la demande d’adhésion ont cependant été fournies par la superpuissance américaine et le Royaume-Uni.

Il ne faut pas être dupe quant aux prétentions défensives de l’OTAN. Cet élargissement est un pas de plus vers la guerre mondiale, c’est une manœuvre d’alliance pour préparer l’affrontement avec la Russie, puis la Chine. Et c’est une manœuvre américaine, bien entendu, car l’OTAN est un outil de puissance pour les États-Unis.

D’ailleurs, en vérité, les pays membres de l’OTAN ne sont là que pour enregistrer formellement la volonté américaine. En dernier lieu, c’est le gouvernement des États-Unis qui décide, toutes les ratifications doivent lui être notifiées avant d’être validées définitivement par lui.

Les pays candidats quant à eux auront dû déposer leurs « instruments d’accession » directement auprès du Département d’État américain, l’équivalent d’un ministère des Affaires étrangères.

Il est donc demandé au Parlement français de se plier à cette volontés américaine d’extension de l’OTAN aux pays baltes. Ceux-ci vont s’exécuter, de manière naturelle. C’est une expression du rapport de forces entre grandes puissances, dans le cadre de la tendance à la guerre.

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Un 14 juillet 2022 sous le signe de l’OTAN

L’armée française est entièrement inféodée à l’OTAN.

Historiquement, les armées sont un marqueur de l’indépendance nationale des pays. Pour une puissance historiquement forte sur le plan militaire telle que la France, cela est particulièrement vrai. Et c’est pour cela que chaque année la fête nationale est accaparée par le militarisme avec un immense défilé des troupes et du matériel de guerre.

Mais la donne a changé au 21e siècle et la France n’est plus la puissance qu’elle fut. Si cela a pris des chemins sinueux, la chose est maintenant entendue : la France est une puissance de second rang, entièrement alignée sur la superpuissance américaine dont elle intègre le bloc. Cela ne veut pas dire que les choses sont figées et on n’est pas à l’abri d’une poussée nationaliste en France avec un Brexit à la française, dont le processus est déjà en cours, de manière contradictoire.

En attendant, l’armée française est tellement soumise à l’OTAN que le logo prévu pour le défilé du 14 juillet 2022 intègre le drapeau de l’OTAN. Il ne s’agit pas là d’un symbole relatif, il s’agit au contraire de toute la démarche de ce défilé, non pas national, mais militariste aligné sur les intérêts américains contre la Russie.

Le drapeau de l’OTAN sur le drapeau du défilé est d’ailleurs fondu avec celui de l’Union européenne. Cela en dit également très long, car l’Union européenne est ouvertement devenue le pendant politico-économique de ce qu’est l’OTAN sur le plan militaire depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Preuve en est, la veille le 13 juillet 2022, le secrétaire général de l’OTAN Jens Stoltenberg s’adressait directement au Parlement européen aux membre de la Commission des affaires étrangères et à la Sous-commission « sécurité et défense ».

La situation est on ne peut plus lisible. Dans le contexte de guerre pour le repartage du monde, la puissance militaire américaine mobilise à fond les puissances qui lui sont liées, par le biais de l’OTAN qui est son outil pour cela, et avec l’Union européenne comme relais politique. La France n’est pas en reste de cette mobilisation exigée par l’OTAN.

Voilà pourquoi neuf nations étrangères étaient invitées à parader avec les armées françaises, toutes des pays du flanc Est de l’OTAN : Bulgarie, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, République tchèque, Roumanie et Slovaquie. Autrement dit, ce sont tous des pays qui font directement face à la Russie en se plaçant dans le camp de l’OTAN et donc du bloc américain. C’est l’agenda militaire américain qui devient celui de la France pour son défilé militaire du 14 juillet 2022.

6 300 militaires ont donc défilé, ainsi que 64 avions, un drone Reaper, 25 hélicoptères, 200 chevaux et 181 véhicules motorisés. Et c’étaient les troupes des pays du flanc Est de l’OTAN qui ouvraient la marche, suivies des soldats français des régiments engagés pour le compte de l’OTAN sur son flanc Est, en Roumanie et en Estonie.

La présence d’un drone Reaper est historiquement marquante, parce qu’il y a quelques années, les institutions françaises, y compris militaire, rejetaient le principe de drones tueurs, au nom de la « morale ». Tout a ici été renversé et on va vers une généralisation de ces drones tueurs pour la guerre à venir.

Sur le plan aérien, c’est la capacité nucléaire française qui a été mise en avant, ainsi que sur le plan naval, avec l’équipage d’un des quatre sous-marins nucléaires lanceurs d’engins. La France, puissance nucléaire alignée sur les États-Unis faisant face à la Russie et à la Chine, voici donc le message qu’il fallait comprendre.

Ou comme le dit l’Elysée, l’idée était de mettre en avant « la capacité de la France à faire face aux défis du moment comme puissance d’équilibre et d’entraînement ». La veille, c’est le président lui-même qui a présenté le programme dans son discours aux armées, où il a même abordé ouvertement la question de l’économie de guerre française, car « tout a changé ».

L’Afrique de l’Ouest, où la France s’imaginait encore il y a quelques années pouvoir tenir un rôle de gendarme, n’est plus la priorité. La « nécessité stratégique » est de s’y replier, tant pis pour la lutte antidjihadiste au Sahel. Ce n’est pas la priorité américaine.

La priorité par contre, c’est de réévaluer l’actuelle Loi de programmation militaire pour augmenter le budget du ministère des Armées et préparer la guerre. Ou « la perspective du retour possible d’un affrontement de haute intensité » comme Emmanuel Macron présente cela, pour dire les choses sans prononcer les mots qui fâchent.

Le budget militaire français va donc continuer à croître pour atteindre 44 milliards d’euros en 2023. Et l’accent va être mis en directement de la jeunesse avec le renforcement du Service national universel (SNU).

Quelle cynisme alors de la part du président d’affirmer qu’ »il ne s’agit pas de militariser la jeunesse, encore moins la société », alors qu’en vérité toute son action vise précisément à cela.

« La République a besoin que vous fassiez davantage » a-t-il demandé aux armées, mais il aurait du surtout préciser : « l’OTAN a besoin que vous fassiez davantage pour le compte de la superpuissance américaine ».

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Emmanuel Macron et l’économie de guerre française

Le président français a tracé une perspective lors du discours aux armées.

Emmanuel Macron a lors de son le discours aux armées la veille du 14 juillet ouvertement abordé la question de l’économie de guerre et la forme qu’elle doit prendre. Voici le passage concerné lors de son discours.

« Oui, cette année, la guerre resurgissant à nos portes, à nos frontières, a tout changé. Et elle va nous impliquer de changer encore davantage. Et c’est là-dessus que je voudrais revenir avant de terminer mon propos.

J’ai parlé il y a quelques jours d’économie de guerre.

J’aurai l’occasion de le dire demain à nos compatriotes, plus largement [lors d’une interview plus généraliste en fait à la suite du défilé militaire]. Pour répondre à ce besoin que la Nation va avoir de continuer à s’équiper, parfois d’aider certains de nos amis ou alliés à s’équiper eux-mêmes, nous devons structurer une économie française et européenne dans laquelle les modèles, les rythmes, les standards doivent être envisagés selon, si je puis dire, un solfège différent. 

À cet égard, je veux souligner les avancées européennes considérables de ces dernières années et tout particulièrement de ces derniers mois. Ces avancées, le conflit à l’Est de l’Europe nous condamne à les amplifier et nous le faisons.

Mais nous avons encore du chemin et toute notre base industrielle et technologique de défense, qui est appelée à se transformer et à se recomposer dans une logique de souveraineté y compris européenne, pour réussir à répondre aux besoins de nos forces et trouver les meilleurs compromis va devoir encore accélérer.

J’ai confiance dans nos ingénieurs de l’armement, en nos ingénieurs et techniciens civils, en nos industriels et dans tous leurs salariés, pour mener à bien ces transformations qui sont des investissements pour l’avenir. Nous avons beaucoup fait ces dernières années pour reconstituer nos capacités et rebâtir notre autonomie, lancer des grands programmes européens, aller dans le sens de plus d’innovation.

Mais nous allons devoir investir parfois plus vite, plus fort et les industriels devront répondre à ces besoins. Il faudra changer de paradigme, renverser parfois certaines logiques et considérer que les projets doivent désormais être conduits selon une autre logique. 

Je remercie ici la mobilisation constante, constante, de notre délégué général pour l’armement et de toutes ses équipes qui a su améliorer le MCO [Maintien en condition opérationnelle], les commandes, redéfinir de nouveaux projets de manière remarquable durant ces dernières années.

Mais c’est une nouvelle étape qu’il va nous falloir franchir ensemble. La très grande sophistication et la personnalisation de nos systèmes qui font notre force, notamment à l’export, doivent être évidemment préservées. Mais nous devons aussi voir qu’elles sont parfois causes de délais de développement et de production considérables et que nous avons des impératifs nouveaux auxquels il nous faut faire face.

Reconstituer plus vite et plus fort certains stocks, savoir produire davantage des matériels qui sont adaptés à ce retour de la guerre de haute intensité sur notre sol, réinterroger certains choix d’innovation pour remettre en quelque sorte en équilibre, en tension, des objectifs qui peuvent rentrer en concurrence : l’innovation la plus extrême et les délais, la capacité à les produire en masse le plus vite possible.

C’est pourquoi nous devons à chaque instant garder l’avantage technologique et tactique, tout en sécurisant les chaînes de sous-traitance et les approvisionnements en matières premières et maintenir les compétences nécessaires.

C’est donc un vrai défi stratégique, capacitaire, d’innovation, mais aussi de repenser toute la chaîne et donc de savoir questionner une partie de l’organisation de notre base industrielle et technologique de défense.

Et vous le voyez bien, il nous faut le faire entre Français, mais aussi au niveau européen, car cette capacité à faire plus vite et à garantir notre autonomie stratégique et notre indépendance, suppose aussi sur certains aspects technologiques, qui peuvent d’ailleurs parfois relever de système duaux, impose de raisonner différemment en Européens.

Et qui sur les métaux rares, les gaz rares, certains éléments que nous avions oubliés, supposent de savoir reconquérir des parts de marché et de l’indépendance. Il nous faudra donc savoir basculer dans des logiques de programmes d’urgence, de programmes de résilience et de construction renforcée d’une stratégie d’indépendance. 

Oui, nous devons intégrer l’innovation d’usage issue des forces. Nous devons aller plus vite, simplifier nos processus, parfois aussi nos référentiels.

C’est pourquoi j’ai demandé au ministre des armées de conduire ce chantier avec les industriels, avec l’appui du ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, pour élaborer des propositions qui nous seront soumises à la Première ministre et à moi-même au début de l’automne.

C’est ensemble que nous relèverons le défi de la compétition technologique, de l’innovation et de la souplesse. Et nous le ferons en Européens. C’est aussi pour ça qu’avec force, je me suis battu et je continuerai de me battre pour que les taxonomies européennes puissent nous continuer d’investir dans nos innovations de défense, nos industries de défense.

Parce qu’il y a parfois des esprits étranges qui au moment où on voit la guerre revenir en Europe, s’ingénient à compliquer l’investissement dans les industries de défense en Europe.

Donc, j’assume totalement le fait que les taxonomies doivent nous permettre de consolider nos industriels grands groupes, ETI, PME, start-up, et renforcer les investissements dans ces secteurs en leur donnant de la visibilité. Mais, vous l’avez compris, ce sera une ambition exigeante qui sera portée.

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Six mois de mission militaire française secrète dans l’océan Indien

La France se prépare à faire la guerre à l’autre bout du monde.

Le sous-marin nucléaire d’attaque Améthyste est revenu à sa base de Toulon jeudi 6 juillet, à l’issue d’une mission nommée « confiance « . C’est une mission particulièrement longue, une demi-année coupée du monde à l’autre bout de la planète, qui a volontairement été maintenue confidentielle pour ensuite faire la publicité de sa longévité et surtout de sa discrétion.

La Marine nationale française se vante ainsi d’être « l’une des seules au monde à pouvoir conduire  » ce genre de « déploiement lointain ». Voici donc le genre de contribution militaire qu’entend apporter la France au bloc mené par la superpuissance américaine. Il est expliqué que :

« La mission Confiance permet de garantir la capacité de la Marine à se déployer avec réactivité si le besoin était avéré. »

L’équipage du sous-marin n’a été relevé qu’une seule fois, à Goa en Inde, avec l’appui indispensable d’un navire moderne d’assistance dédié. De plus, lors du déploiement de cette mission « confiance  » avec l’Améthyste, il y avait en plus trois autres sous-marins nucléaires d’attaque en opération pour le compte de l’OTAN face à la Russie : un sous-marin aux côtés du porte-avions Charles de Gaulle en Méditerranée et deux dans l’Atlantique Nord.

La Marine française entend assumer par là une grande capacité de projection militaire mondiale coordonnée. C’est indispensable pour les grandes puissances allant à la guerre à notre époque.

On remarquera bien entendu que cela a lieu dans la très brûlante région indo-pacifique, qui est sans aucun doute le grand enjeu de la bataille pour le repartage du monde qui se joue actuellement, et qui mène l’humanité vers une troisième guerre mondiale. La Chine y déploie largement ses navires, au grand dam de l’Inde, qui accueille à bras ouvert la France venue faire du repérage et de l’espionnage.

La France, qui de par ses larges possessions extra-territoriales dispose du deuxième espace maritime mondial derrière celui des États-Unis, entend pour sa part peser et se placer dans cette région dans la perspective de la guerre pour le repartage du monde.

« L’océan Indien est une région d’intérêt stratégique pour la France », dit la Marine nationale au sujet de la mission « confiance  » en expliquant y avoir « coopéré avec plusieurs partenaires de 1er plan ». Il y eu des des entraînements en lutte anti-sous-marine avec les marines indiennes et émiraties menées avec l’appui militaire français basé à Djibouti.

Au delà de l’exercice et de l’effet d’annonce – quoi que « l’annonce » est confidentielle, tant les questions militaires sont taboues en France – sur la capacité française à se déployer si longuement si loin se ses base, il ne faut pas oublier l’intérêt opérationnel du travail mené.

Il est parlé officiellement de « connaissance de la zone », ce qui signifie ni plus ni moins que l’étude des possibilités opérationnelles dans la région. Il y a un intérêt concret, en plus de l’exercice militaire, à avoir patrouillé ainsi pendant six mois dans l’océan indien. Et on peut être certain que le travail fait l’est, au moins en grande partie, pour le compte de l’OTAN, voire directement de l’état-major américain.

La France se prépare donc concrètement à la guerre mondiale, et il n’y a malheureusement personne pour s’y opposer.

Pour l’anecdote, il y avait le lendemain du retour de l’Améthyste à Toulon, l’audition du ministre des Armées à l’Assemblée nationale. Personne n’a parlé de cette mission, pourtant loin d’être anodine. Le député « France insoumise » Bastien Lachaud a préféré demander une meilleure intégration des LGBT dans l’armée, car il ne faudrait pas se priver de capacité de recrutement. Quand à Fabien Roussel du PCF, il a tenu à dire d’entrée de jeu – c’était sa première intervention au sein de cette commission – qu’il y serait sage et respectueux, se contentant pour l’occasion de demander gentiment au ministre si éventuellement il serait possible de discuter au Parlement de la nouvelle posture stratégique de l’OTAN visant ouvertement la Chine.

Cela donc, alors que la Marine française achève la veille une mission importante visant justement très précisément la Chine, les intérêts chinois, la concurrence avec le bloc constitué par la Chine dans l’Océan indien dans le cadre de la bataille pour le repartage du monde.

Quel décalage. Quel inconsistance. A quelle catastrophe il va falloir faire face !

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Tout passe par la guerre

Ne pas se positionner contre la guerre, c’est se couper de l’Histoire.

Il y a une fâcheuse tendance à voir la guerre comme quelque chose relevant d’une sphère séparée des autres enjeux de société. Il y aurait la guerre d’un côté, la politique de l’autre.

Cette manière de voir est évidemment fausse et la tendance à la guerre actuelle le confirme. Car comment ne pas voir que la guerre en Ukraine, en tant que jalon de la guerre de repartage entre grandes puissances, est en train de redessiner toutes les problématiques, et pas dans le bon sens ?

Cela ne concerne pas seulement la question strictement militaire, mais également les questions sociale, écologique, éducative, industrielle, culturelle… l’ensemble des problématiques de fond.

Dans un entretien accordé hier au journal Les Echos, le nouveau ministre des Armées, Sébastien Lecornu parle d’une « économie de guerre » et annonce le déploiement de 7 à 8 000 soldats français en Roumanie, contre 500 actuellement. Il déclare également la chose suivante :

« Personne ne peut comprendre qu’en temps de guerre, il faille entre 18 et 24 mois pour réassortir un stock (…). L’exercice que nous allons faire avec les industriels est inédit, il sera mené en collaboration avec le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire.

La réflexion portera aussi bien sur les matières premières, les savoir-faire, les simplifications administratives et les perspectives à l’exportation.

Au moment où la France va faire un effort budgétaire sans précédent pour ses armées, les industriels doivent être au rendez-vous. La politique du flux tendu et du zéro stock qui optimise les marges correspond à un temps de paix. »

Par conséquent, toutes les politiques publiques passent par le filtre de cette « économie de guerre ». Et cela a des répercussions évidemment délétères du point de vue des enjeux historiques, qu’ils soient politiques, sociaux et écologiques.

Passer dans une « économie de guerre », cela ne peut que se traduire au plan politique par un contrôle accru de l’armée sur les décisions, avec pour effet d’accentuer toute une mentalité aristocratique, expansionniste et anti-démocratique dans l’appareil dirigeant.

C’est également un basculement culturel, comme l’attestent ces auteurs de science-fiction placés au service de l’armée française (la « Red Team » que nous dénoncions en décembre 2020) ou l’annonce récente de rattacher au ministère des Armées la secrétaire d’État chargée de la jeunesse et du service national universel.

Au niveau social, il y a évidemment la question de l’inflation. Soutenir des mesures sociales anti-inflation pour les plus pauvres et ne pas s’opposer à l’orientation de cette « économie de guerre », ce n’est ni plus, ni moins qu’accompagner la restructuration du capitalisme.

On pourrait également parler de l’augmentation du budget militaire prévu par la prochaine actualisation de la loi de programmation-militaire, ce qui va nécessiter des coupes budgétaires anti-sociales afin d’assurer la solvabilité de la dette française qui atteint des sommets historiques.

Au niveau environnemental, on apprend que la centrale à charbon de Saint-Avold en Moselle, fermée en mars, est prévue à la réouverture en octobre dans le cadre de la crise énergétique… causée par la guerre et l’embargo sur les énergies fossiles russes, principalement le gaz et le charbon. Il est ainsi prévu de rappeler les salariés licenciés de Saint-Avold grâce à une modification du code du travail qui permettrait de proposer des CDD « exceptionnels » de 36 mois !

Au Havre, un terminal flottant d’importation de GNL (gaz naturel liquéfié) est prévu pour livraison en septembre 2023, une cadence de construction qui passe notamment par le fait d’accélérer (en fait bâcler) les procédures de suivi environnementales, cela étant prévu par le volet « souveraineté énergétique » de la prochaine loi pouvoir d’achat.

De la même manière que les industriels de la biométhanisation, un type de production d’énergie par la fermentation des déchets agricoles, s’empressent de s’engouffrer dans la brèche de la crise énergétique pour justifier l’augmentation d’installations de gigantesques centrales, comme c’est le cas à Corcoué-sur-Logne en Loire-Atlantique et ce malgré les inquiétudes environnementales.

Au niveau énergétique, la guerre vient renforcer la désorganisation générale liée à la crise sanitaire et aux effets du réchauffement climatique ayant engendré des retards dans la maintenance des centrales nucléaires ainsi que dans l’installation de nouveaux moyens de production énergétique. Sans même parler du réchauffement climatique qui amoindrit les capacités des centrales nucléaires pour tout un tas de raisons.

Bref, la tendance à la guerre redessine le champ économique, social et écologique des sociétés, avec au centre la question de la restructuration générale du capitalisme. Il est difficile de voir comment on peut opter pour un changement de société sans passer par la case du pacifisme et de l’internationalisme issu de la Gauche historique.

Car si la critique du militarisme et la défense du pacifisme est une nécessité politique et morale, ces valeurs forment aujourd’hui et demain le cœur même d’une orientation réellement à Gauche. On peut bien contester les politiques anti-sociales ou les projets anti-écologiques mentionnés, cela n’aura que peu d’impacts historiques si l’on ne l’inscrit pas dans l’opposition générale à la guerre.

L’opposition à la guerre, ce n’est pas simplement quelque chose de complémentaire mais le préalable à l’émancipation humaine. C’est avoir compris le sens de l’Histoire. Ce sens, c’est socialisme ou barbarie ; ou le Socialisme triomphe du capitalisme, ou ce dernier fait basculer le monde dans la guerre.

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Sommet historique de l’OTAN à Madrid

L’OTAN se prépare à la guerre.

Mercredi 29 juin 2022 s’est tenu à Madrid un sommet de l’OTAN qui a une portée historique. Le sommet se déroule en deux jours, mais tout a été dit lors du premier, pour un jalon évident sur la terrifiante route menant à la 3e guerre mondiale qui se dessine sous nos yeux. Voici, pour y voir clair et de la manière la plus simple possible, un résumé en six point de la journée.

1.

La Finlande et la Suède ont participé à toutes les réunions et ont été officiellement invitées à rejoindre l’alliance militaire, qui va donc s’élargir vers le nord de l’Europe, contre la Russie.

2.

Les États-Unis affirment leur domination de l’alliance militaire et la vassalisation de l’Europe sur le plan militaire. Le président américain a annoncé un nouveau centre de commandement permanent en Pologne, un renforcement de la présence militaire américaine en Allemagne, en Italie et en Roumanie, l’arrivée de deux nouveaux escadrons de F-35 (unités d’avions de chasse) au Royaume-Uni et de deux nouveaux destroyers (navire contre-torpilleur) en Espagne. Il a dit faire la promesse de défendre « chaque pouce » (chaque mètre carré) du territoire européen.

Il n’est plus question d’aucune autonomie stratégique européenne et les ambitions du président français Emmanuel Macron (et de l’Allemagne) d’une force militaire européenne sont mortes et enterrées.

3.

Le secrétaire général de l’OTAN Jens Stoltenberg a réaffirmé le soutien indéfectible de l’alliance militaire à l’Ukraine. De nouvelles livraisons d’armes, de véhicules blindés, de moyens médicaux, de moyens de communication, et de moyens de défense ont été annoncés.

Le président du régime ukrainien Vladimir Zelensky était invité en visioconférence. Il a réclamé la livraison de beaucoup plus d’équipements modernes pour « [briser] la prépondérance de l’artillerie russe », ainsi qu’un soutien financier de 5 milliards de dollars par mois.

4.

Le secrétaire général de l’OTAN Jens Stoltenberg a confirmé le renforcement de la « posture stratégique » de l’alliance militaire en portant celle-ci à 300 000 hommes, en « haut niveau de préparation ». Ce sont des troupes militaires fournies par les différents pays de l’alliance, qui doivent pouvoir être mobilisées instantanément et pour le compte exclusif de l’OTAN qui en assure le commandement.

5.

Les chefs d’État et de gouvernement des pays de l’OTAN ont approuvé le nouveau concept stratégique de l’OTAN qui fixe les priorités, les tâches fondamentales et les stratégies de l’alliance militaire pour les dix prochaines années. Il est considéré comme le deuxième document le plus important pour l’OTAN et consiste en la définition de la situation mondiale actuelle et détermine l’orientation politique et militaire de l’alliance.

Il est considéré qu’il faut augmenter les dépenses militaires et qu’il « ne faut pas écarter la possibilité d’une attaque contre l’intégrité territoriale ou l’intégrité d’un allié ». C’est une manière hypocrite d’annoncer le futur conflit conventionnel en Europe.

6.

La superpuissance chinoise est officiellement définie par ce document comme une puissance ennemie, ainsi que le présente le communiqué officiel de l’OTAN du mercredi 29 juin :

« Dans ce document, la Russie est définie comme « la menace la plus importante et la plus directe » pour la sécurité des Alliés, et la question de la Chine est abordée pour la première fois, au travers des défis que Pékin fait peser sur la sécurité, les intérêts et les valeurs de l’Alliance. »

La zone indo-pacifique est au cœur de la bataille pour le repartage du monde avec la concurrence entre les superpuissances américaine et chinoise. Dans ce cadre, l’Australie, le Japon, la Nouvelle-Zélande et la République de Corée étaient invités et ont participé pour la première fois à un sommet de l’OTAN !

Le secrétaire général de l’OTAN Jens Stoltenberg a d’ailleurs déclaré :

« Nous assistons à un resserrement du partenariat stratégique entre Moscou et Pékin. Et le fait que la Chine s’affirme de plus en plus et s’appuie sur des politiques de coercition a des conséquences pour la sécurité des Alliés et de leurs partenaires ».

Le capitalisme en crise veut se refaire une santé en démolissant la Russie et en cassant la Chine. La superpuissance américaine est au cœur de l’opération. Et seules les masses se soulevant peuvent empêcher la guerre à venir.

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« La Russie ne peut ni ne doit gagner la guerre »

Les choses vont vites et l’emballement est total.

Il y a quelques jours encore, on pouvait voir une sorte de relâchement sur la question de l’Ukraine, avec une acceptation relative de la partition exigée par la Russie et l’idée de simplement faire durer le conflit pour affaiblir la Russie à terme.

C’était évident sur le plan international que le président français Emmanuel Macron avait le rôle de celui voulant maintenir une fenêtre de dialogue avec la Russie, laissant la place à de possibles accords entre l’OTAN et la Russie sur la question ukrainienne (quitte à ne pas respecter ensuite les engagements pris).

C’est bel et bien fini, la superpuissance américaine considère maintenant qu’il n’y a plus le choix et qu’il faut braquer directement les canons contre la Russie. Le sommet de l’OTAN, ouvert mardi 28 juin 2022 à Madrid par un dîner avec l’infâme roi d’Espagne, va être historique.

Dans un tel contexte, on n’insistera jamais assez sur l’importance de se mobiliser en affirmant fortement les principes : non à la guerre, non à l’OTAN. C’est ici qu’une initiative comme Rosa la gazette anti-guerre va être très utile. Car il va falloir mobiliser face au rouleau compresseur de la guerre. Par tous les moyens.

Et donc, pour donner le ton question rouleau compresseur, le président français a radicalement changé sa ligne depuis Essen en Allemagne mardi 28 juin 2022, avant de s’envoler pour Madrid dans la soirée. Pour lui, « la Russie ne peut ni ne doit gagner la guerre ».

Voilà qui annonce la couleur, alors qu’il va être question pour l’OTAN d’inscrire dans son nouveau « Concept stratégique » que la Russie constitue une menace directe pour sa sécurité. La diplomatie américaine a déjà donné les contours du sommet, où les « alliés » sont invités à venir entendre qu’il va falloir fournir « un effort supplémentaire ». Et « même la France », a-t-il été précisé, à en croire le Figaro.

Et même la Turquie, faut-il ajouter également. Car une annonce décisive a été faite juste avant le sommet de l’OTAN : la Turquie qui bloquait les candidatures suédoise et finlandaise à l’OTAN depuis mi-mai a signé un mémorandum d’accord levant ce blocage. Tout le monde est donc prié d’arrêter ses compositions personnelles et de s’aligner totalement sur les exigences américaines d’affrontement avec la Russie.

De son côté, la Russie ne compte certainement pas relâcher la pression. Le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov a réaffirmé sa volonté de voir l’Ukraine déposer les armes dans « toutes les conditions fixées par la Russie ». Et s’il faut pour cela aller contre l’OTAN, la Russie laisse entendre qu’elle assumera.

L’ancien président russe Dmtri Medvedev, actuel vice-président du Conseil de sécurité de Russie et dirigeant du parti Russie unie de Vladimir Poutine, a déclaré par exemple qu’il était hors de question qu’il soit touché à la Crimée (comme le réclame le régime ukrainien), et que si celle-ci était attaquée, alors « ce sera la troisième guerre mondiale ».

Voilà l’état du monde, fin juin 2022, à la veille d’un sommet historique de l’OTAN. Où est la Gauche, pour s’y opposer, pour alerter l’opinion et éduquer les esprits les plus affûtés ? Il y a urgence !