Catégories
Société

Opération islamiste meurtrière à Vienne: la crise d’une époque

L’attentat de l’État islamique dans la capitale autrichienne reflète une fuite en avant commune à toute une civilisation, qui cherche à se survivre à elle-même, à se régénérer en forçant. C’est l’agonie d’un mode de vie, d’une civilisation, soulignant la nécessité de dépasser au plus vite ce nihilisme menant à l’abîme.

Image

L’opération islamiste à Vienne, visant à réaliser un massacre dans les rues du centre où se trouvent les bars (dans le même esprit qu’à Paris en 2015), a blessé 23 personnes, dont plusieurs grièvement, et fait quatre morts. L’État islamique, parallèlement aux campagnes anti-françaises de type « anti-mondialistes » portées par la mouvance d’Al Qaïda, se rappelle à l’opinion publique avec sa vision apocalyptique du monde.

Avec la crise sanitaire, on a toujours plus l’impression de se retrouver dans un film, mais pas le bon. Il y a une pression dans l’atmosphère qui indique qu’on connaît vraiment une période historique, de grand changement. On n’a comme perspective pourtant pour l’instant que les tourments.

Un assassin islamiste encore une fois produit par la société

Naturellement, le pays se retrouve traumatisé et fait face à un fait très simple : l’assassin, tué par la police, est né à Vienne ; d’origine de Macédoine (du Nord), il avait voulu rejoindre l’État islamique et avait été condamné à 22 mois de prison, étant libéré au bout de quelques mois en raison de son jeune âge alors.

On a ce schéma, bien connu en France, d’une production de romantiques réactionnaires idéalisant un paradis perdu pour combiner nihilisme assassin et obscurantisme. Si la France tient d’ailleurs le premier rang dans les départs pour « l’État islamique », l’Autriche tient la quatrième place, avec une scène islamiste très active.

Elle repose sur l’immigration, mais une immigration récente, pas vraiment celle qui est turque et d’ailleurs deux jeunes Turcs sont intervenus pour amener un policier blessé à une ambulance, ainsi que mettre une autre personne à l’abri. L’un deux a été blessé et sur Instagram ils se sont empressés d’envoyer un message de solidarité et de fraternité.

« Un petit tir, mais pas d’inquiétude je vais bien, j’espère que la police [=le policier] s’en sortira bien, nous aimons notre pays l’Autriche, la terreur n’a pas de religion n’a pas de nation, peu importe si juif, chrétien, musulman nous nous serrons les coudes, pray for vienna »

L’esprit démocratique face à la réaction

La question est toujours de savoir si l’esprit démocratique peut faire face au populisme, au racisme, à la démagogie nationaliste… qui profitent de ce genre d’action. Il faut un peu de temps pour voir ce qu’il en est, mais l’Autriche est comme l’Allemagne : ces vingt dernières années, la société a radicalement changé, la jeunesse a connu des mélanges et l’ouverture vers le monde. C’est très important, car l’esprit démocratique a besoin qu’aucune digue ne saute.

Il semble qui plus est que l’assassin ait agi seul : on est a priori dans la situation d’un pèlerin du néant, qui par le nihilisme a voulu donner un prétendu sens à sa vie. Cela a ceci de rassurant qu’il n’est pas l’expression directe d’un réseau. En même temps, les islamistes représentent un monde révolu, comment pourraient-ils produire des gens fiables, organisés, rationnels ? S’ils en produisaient, ce ne sont pas des actions de ce type qui auraient lieu. On est vraiment dans le nihilisme, avec un fou furieux courant les rues d’une ville pour tuer, comme dans le jeu GTA.

Image

Il faut ainsi savoir prendre de la hauteur et voir comment le capitalisme, qui n’a plus de perspectives, produit de la consommation nihiliste et du nihilisme consommateur, tout en détruisant la planète et nous précipitant dans la guerre. Si on veut un autre avenir… il faut savoir poter le nouveau !

Catégories
Société

Hommage à Samuel Paty… et attaque coordonnée fanatique à Vienne

La crise de civilisation s’impose partout. Alors qu’en France l’hommage à Samuel Paty s’est tenu sobrement mais avec dignité, une attaque coordonnée islamiste frappait Vienne. L’époque est prise de spasmes.

Image

C’est une bien belle lettre de Jean Jaurès que le gouvernement a fait lire par les enseignants à leurs élèves, à l’occasion de l’hommage à Samuel Paty, l’enseignant assassiné par un fanatique islamiste. Cela souligne la force de la question de l’éducation dans notre pays, une véritable tradition nationale avec, surtout, la figure de l’enseignant visant à élever le niveau des élèves sur le plan moral. L’engagement du professeur qui veut bien faire, sans briser les esprits mais en les faisant avancer, est quelque chose de connu et d’apprécié dans notre pays.

Non pas que tous les professeurs soient ainsi, très loin de là, ni que l’Ecole telle qu’elle existe soit agréable et épanouissante. Mais justement il y a quelques figures émergeant toujours, ici et là, faisant qu’on se souvient avec émotion de tel ou tel enseignant, qui s’est donné pour les élèves. La lettre de Jean Jaurès est donc bien choisie et on sait d’ailleurs à quel point Jean Jaurès fut un ardent républicain et un orateur extraordinaire. La finesse de ses propos, le choix méticuleux des termes et du ton, la vivacité dans la répartie… font qu’il était pratiquement un représentant de l’esprit français.

Jean Jaurès était, également et évidemment, un socialiste, de l’aile droite historiquement, ce qui ne change rien au fond car les socialistes sont en France en général des républicains de Gauche, éloignés des traditions pro-marxistes social-démocrates allemande, russe, autrichienne, bulgare, etc. On ne peut donc guère parler de récupération par le gouvernement et de toutes façons la question n’est pas du tout là. Ce qui compte, c’est de voir l’honneur du professeur, du passeur de savoir face au fanatisme.

On doit ici qualifier d’abject les diverses critiques anti-gouvernementales cherchant la petite faille pour un populisme vraiment déplacé. Profiter d’un tel événement pour accuser le ministre de l’Éducation de prôner une réforme du baccalauréat que Jean Jaurès aurait réfuté, comment dire… C’est absurde. Les terribles attentats dans la capitale autrichienne montrent d’ailleurs où est le problème.

Les attaques coordonnées dans le centre de Vienne en Autriche, en différents endroits, visant à tuer, à blesser, à terroriser, montrent que le mal est profond, qu’à côté de la machinerie capitaliste détruisant la planète on a des crises de folies réactionnaires meurtrières.

Le fanatisme islamiste est le produit d’une époque sans cœur ni esprit, où tout esprit constructif, démocratique, s’efface devant un marché capitaliste tout puissant accompagné de poches de romantismes ultra-réactionnaires idéalisant un passé romancé. Comment affirmer la Culture, la Connaissance, la Démocratie dans un tel cadre historique ? Là est le défi de notre époque et évidemment, seul le Socialisme peut porter cela.

Lire également : La lettre de Jean Jaurès aux instituteurs et institutrices

Le drapeau de la Démocratie, du peuple organisé au niveau de la société, de l’État, est la condition impérative pour sortir d’une crise de civilisation toujours plus folle. La peur et la réflexion se combinent dans des situations nouvelles, inquiétantes et d’envergure. Il faut contribuer à être à la hauteur des questions, il faut savoir souligner les bonnes réponses. Il faut être là. Qui se met de côté dans une telle époque n’a pas saisi ce qui se passe – mais comment ne peut-on pas le saisir ?

Catégories
Politique

Vienne et le « grand remplacement »

Pratiquement la moitié de la ville autrichienne de Vienne est composée d’étrangers, le reste étant souvent également issue de l’immigration. Mais celle-ci est historique et s’appuie sur des ressorts déterminés par la situation politique et géographique. Même ce « grand remplacement », d’ampleur énorme, n’a pas été « décidé » : il est une simple conséquence des aléas de l’histoire.

La thèse du « grand remplacement » venue de la Droite identitaire a fini par acquérir un certaine notoriété, ce qui intellectuellement est très étonnant. On a même le droit à une liste électorale sur ce thème pour les élections européennes (La ligne claire), menée par Renaud Camus lui-même.

Faut-il en effet qu’on soit coupé de toute regard réaliste, matérialiste, concret, appelons cela comme on le voudra, pour ne plus être capable d’analyser les phénomènes propres au capitalisme et à l’immigration ?

Il est vrai que de part et d’autres, les leviers sont puissants. La thèse du « grand remplacement » fait appel à la théorie du complot, et cela fascine aisément. De l’autre, la négation des réalités économiques, sociales et culturelles de l’immigration est un leitmotiv du libéralisme. On ne touche pas à ce qui est bon pour le business.

Aussi, rien de tel que de porter un regard sur une ville européenne où le « grand remplacement » est un fait, pour des raisons historiques. On veut savoir si le « grand remplacement » existe ou pas ? Jetons un œil sur la ville de Vienne aujourd’hui et qu’y voit-on ? Que plus de 40 % des habitants sont d’origine étrangères. Que la majorité des lycéens parlent une langue autre que l’allemand à la maison.

La ville donne même des statistiques pour chaque arrondissement. Cela donne par exemple 36,5 % pour le premier arrondissement, le plus chic (avec donc une immigration russe et fortunée notamment). Mais encore 47,8 % pour le 10e arrondissement, 50,1 % pour le 20e arrondissement, 42,2 % pour le 4e arrondissement, 28,7 % pour le 13e arrondissement.

Comme il n’y a pas la double nationalité en Autriche, ces gens d’origine étrangère ne peuvent souvent pas voter ; leur niveau éducatif étant bas et le système administratif-juridique très tortueux, ils présentent des possibilités importantes d’emplois à bas salaires. Ils vivent également parfois de manière ouvertement ghettoisée, ainsi avec des zones turques ou serbe où l’entre-soi est total.

Autant dire que c’est le jackpot pour le capitalisme. Quelle continuité politique peut-il y avoir dans une ville où la moitié de gens vient d’arriver, à une génération près ? Cependant, Renaud Camus aurait tort ici de voir un exemple de « grand remplacement » tel qu’il l’entend. Car Vienne a toujours été ainsi. L’immigration a toujours été massive et bien souvent les gens qui votent pour l’extrême-droite, voire même les responsables de l’extrême-droite (comme son dirigeant Strache), ont des noms slaves, notamment tchèques.

C’est que la ville de Vienne était en effet à la base la capitale de l’Autriche, puis de l’Autriche-Hongrie. Là était centralisée la richesse, les entreprises pour la partie directement autrichienne (le reste étant dans la partie tchèque, notamment Brno, la Manchester morave). Les gens affluaient, dans le cadre de l’exode rural. Pour survivre, il fallait arriver à Vienne.

L’antisémitisme effroyable de cette ville avant 1914 vient notamment de l’arrivée de pauvres hères juifs des zones totalement arriérées de Galicie, sous domination autrichienne (et non hongroise). Cela a provoqué un choc culturel et les démagogues se sont rués sur la question.

Au début du 20e siècle, deux millions de personnes s’entassaient donc dans cette ville, dans des conditions d’hygiène effroyables, bien pire encore que dans les autres pays développés de l’époque. Une fois l’empire disparu, avec ses institutions, la ville a perdu une partie très importante de ses habitants ; à l’horizon 2029, elle reviendra à ce chiffre de deux millions. Mais elle a donc été traversée par l’immigration, car elle a été un carrefour.

Il en va de même pour Paris, capitale d’un pays qui a été un empire. Nul machiavélisme à cela, et les grands capitalistes ne sont pas des marionnettistes ordonnant au personnel politique d’enclencher tel ou tel levier. Ils ne peuvent que suivre des tendances se déroulant malgré eux, en fonction des opportunités. Ce sont les intérêts qui prédominent.

On peut bien entendu regretter tout ce chaos, cette absence de planification, cette communautarisation, cette destruction des traditions propres à une ville. Mais s’imaginer qu’il y aurait une « cause » est une abstraction intellectuelle, car les choses se transforment et le capitalisme transforment les choses selon ses besoins, voilà le problème.

Si Renaud Camus n’était pas un idéaliste cherchant une « cause », il dirait : quelle est la nature du phénomène, sur quoi repose-t-il ? De quoi découle-t-il, de quelles tendances de fond, propre à une réalité économique ? Au lieu de cela, il fait un fétiche du phénomène de l’immigration et imagine un complot, comme si le capitalisme pouvait « penser » et qu’on pouvait séparer l’immigration de toute la réalité historique. Mais une multitude d’entrepreneurs ne pensent pas en commun ! Ils agissent de manière chaotique selon leurs intérêts particuliers.

L’immigration est une simple conséquence du chaos qui règne dans le monde. La division entre employeurs et salariés obligent des millions de personnes à se déplacer loin, à tout abandonner, à s’insérer dans des dispositifs économiques précis. Ils croient choisir, mais ils ne choisissent rien du tout. Personne ne choisit rien. C’est l’Histoire qui décide, et en ce moment, c’est le capitalisme qui fait l’Histoire.

Si Renaud Camus veut maintenir la culture, la civilisation, comme il le prétend, alors qu’il assume l’Histoire et qu’il cherche à la transformer, au lieu d’idéaliser l’Histoire du passé et de penser qu’elle va réapparaître simplement en le « décidant » par en haut.

Catégories
Politique

Un premier mai 2019 viennois comme tour de force social-démocrate

La social-démocratie autrichienne a connu la même crise que le Parti socialiste en France aujourd’hui. Repartie sur les fondamentaux, elle s’est totalement relancée.

Sur l’image ci-dessus, on voit la dirigeante de la social-démocratie autrichienne avec deux pins. Le premier montre le logo du parti entouré des étoiles de l’Europe. Le second indique « cent ans de Vienne la rouge, SPÖ », avec en logo un dessin représentant la cité Karl Marx, le plus grand HLM construit dans les années 1920 par la mairie social-démocrate, bastion ouvrier et lieu de la résistance au coup d’État austro-fasciste de 1934.

C’est un double positionnement qui témoigne d’une remise en question fondamentale, que le Parti socialiste a de son côté raté en France.

Il y a quelques temps, la social-démocratie autrichienne était pourtant pratiquement aussi mal que le Parti socialiste de notre pays. Les raisons étaient les mêmes, à ceci près que le SPÖ était qui plus est imbriqué dans l’appareil d’État depuis 1945, participant à des gouvernements de coalition avec la Droite. Autant dire que sa légitimité était brisée.

L’arrivée au gouvernement de la Droite et de l’extrême-Droite aurait donc pu porter le coup de grâce. Seulement, le SPÖ a fait le contraire du Parti socialiste en France : il est reparti puiser dans ses sources. N’ayant jamais abandonné ses traditions, il a pu relancer sa base, comme en témoigne le premier mai 2019.

Ce sont plus de 100 000 personnes, pour un pays d’un peu moins de neuf millions d’habitants, qui ont convergé de toute la ville vers la mairie. Celle-ci est un bastion social-démocrate depuis toujours, avec une grande majorité de la ville qui fut membre du parti dans les années 1920, diffusant un austro-marxisme multipliant les initiatives de grande ampleur, notamment dans la question du logement.

Voici la liste des points de rassemblements des 23 arrondissements de la ville. Vienne a une superficie de 414,89 km², contre 105,4 km² pour Paris intra-muros ; avec quasi deux millions d’habitants, elle est la seconde ville germanophone la plus peuplée. Pour cette raison, les habitants du 23e arrondissement sont venus en bus, étant trop éloignés du centre. Les autres sont venus par contre en cortège, parfois avec des orchestres, depuis les 22 autres arrondissements.

Voici une image de propagande du SPÖ, avec le maire de la ville. Sur la pancarte au fond à gauche, un peu floue, on lit : « Dépassement du capitalisme ! » Derrière le maire, le drapeau avec les trois flèches, entourés du cercle de l’unité, symbole de la social-démocratie autrichienne après 1945 ( il n’y avait auparavant pas le cercle ).

Sur cette autre affiche du SPÖ, largement propagée dans la ville de Vienne, on lit le slogan « Ensemble, nous sommes Vienne » et on voit Victor Adler, Autrichien juif qui fut le premier grand dirigeant de la social-démocratie, à partir de 1888. On notera que le SPÖ ne mentionne cependant jamais Otto Bauer, autre Autrichien juif, qui dirigea le parti durant les années 1920, mais défendait une ligne qui était alors la plus à gauche dans toute la social-démocratie européenne d’alors.

Le message du SPÖ sur les réseaux sociaux à l’occasion du premier mai. « Vive le premier mai », « L’être humain au lieu du monopole », « Le cortège de mai d’aujourd’hui se situe sous le signe des votes pour les élections européennes – toi aussi fais en partie. Ici la liste des rendez-vous ». Le slogan principal est « Vive le premier mai », « Liberté, égalité, justice ». En dessous : « Partage cette image si tu places les intérêts des employés avant ceux de ceux des monopoles ! ».

La photographie du grand rassemblement devant la mairie. Aux drapeaux du SPÖ et de ceux de l’Union européenne, s’ajoutait une variante de celui de l’UE, mise en rouge et avec les trois flèches.

La photographie de la mairie, avec le symbole des trois flèches au-dessus du podium, ainsi que des hommes en rouge sur la toile protégeant la réfection de la tour principale.

Le podium en gros plan, avec les trois flèches.

Le maire de la ville et la dirigeante de la social-démocratie autrichienne, Pamela Rendi-Wagner, tous deux avec des fanions rouges. Celui de la dirigeante est frappé du cercle et des trois flèches.

Au moyen de ballons, une banderole a été soulevée par la jeunesse du SPÖ, appelant à aller plus loin : « Cela suffit avec le silence, en avant pour l’opposition ! »

On notera qu’une section locale du SPÖ a fait une bannière pour rejeter Thomas Drozda, figure opportuniste : « Drozda, tu as regardé l’heure ? Il est temps de partir ! ». Il en est de même pour une autre section dont la bannière disait : « Il est cinq minutes avant minuit, y compris sur ta Rolex ! »

Naturellement, on pourra critiquer le programme, l’opportunisme, l’hypocrisie, etc. ; en attendant, il y a une Gauche, forte, puisant aussi dans ses traditions historiques. Et cela sans être à la remorque des syndicats. Il est vrai que ce qui aide, c’est qu’il n’y a en a qu’un et que les élections à la chambre du travail se font pas fractions. La fraction social-démocrate écrase tout le monde en faisant 60%, les autres étant au mieux très loin derrière.

Et cela sans les fonctionnaires, qui ne participent pas au vote de la dite chambre. Imagine-t-on en France la Gauche politique obtenir 60% dans les votes pour les syndicats du privé ? Et pourtant, c’est à cela qu’il faudra parvenir !