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Écologie

Nicolas Hulot prétend défendre l’écologie pour servir Emmanuel Macron

Nicolas Hulot a expliqué dans un entretien au Journal du dimanche qu’il faudrait « une union sacrée sur le climat ». Le ministre de la Transition écologique et solidaire d’Emmanuel Macron se prétend à l’avant-garde de la défense de la planète mais sa démarche est erronée.

L’action du gouvernement auquel participe Nicolas Hulot consiste surtout à élargir et intensifier le prisme de l’économie marchande sur la société tout entière. Il est le Ministre d’État d’un Président et d’un chef du Gouvernement qui ne parlent pour ainsi dire jamais d’écologie.

Son rôle est donc de s’exprimer régulièrement sur le sujet, avec la posture de celui qui sait, qui alerte et tente d’emmener un mouvement ; dans le monde des entreprises on appelle cela du greenwashing.

Son entretien au Journal du dimanche allait pleinement dans ce sens. C’est un exercice grotesque dans lequel il prétend avoir des considérations écologiques, alors qu’il ne fait que de la communication au service de la modernité d’Emmanuel Macron.

Comment interpréter cela autrement quand on lit quelque chose d’aussi énorme que :

« Si on ne veut pas décourager ceux qui commencent à intégrer cette mouvance, reconnaissons les avancées plutôt que de prêcher entre convaincus. Il y a quelques mois, qui aurait pensé qu’EDF ou Total se mettraient à faire des énergies renouvelables, ou que la FNSEA chercherait des solutions alternatives au glyphosate ? »

C’est absurde ! Une recherche rapide sur les sites internet de Total et EDF permet bien sûr de constater que les premiers disent qu’ils sont « engagés depuis plus de 30 ans dans le développement des énergies renouvelables » et que les seconds affirment être le « 1er producteur d’énergies renouvelables en Europe ». Cela n’a donc rien de nouveau.

Une telle légèreté sur un point qui est au cœur de son discours en dit long sur la vanité de sa démarche.

Quant à la question du glyphosate, on se demande si ce n’est pas une provocation tellement, justement, c’est l’inverse qui est vrai. Nicolas Hulot avait subit un sacré revers sur ce sujet au mois de mai puisque les députés de la Majorité avaient sous l’impulsion du Ministre de l’agriculture refusé l’interdiction du glyphosate.

Cet exemple du glyphosate, qui rappelons-le est un puissant herbicide typique de l’agro-industrie, montre à quel point la question économique est primordiale. Nicolas Hulot prétend que les choses avancent alors qu’il y a eu ici une pression économique immense et une défaite nette sur une question très partielle.

Les changements nécessaires contre la pollution et contre les émissions de gaz à effet de serre sont pourtant incommensurablement supérieurs à un simple amendement de loi visant un produit.

L’humanité est très loin du compte et la tendance ne s’inverse pas.

En attendant, s’il y a de l’argent à faire, le Ministre de la transition écologique et solidaire est là pour aider, comme le lui confèrent ses missions officielles.

« Depuis mon entrée au gouvernement, nous avons renégocié les appels d’offres des six champs d’éoliennes offshore, pour en construire plus sans dépenser plus. J’ai donné un cap pour que l’industrie automobile propose, dans un délai très court, des véhicules électriques à tout le monde. »

L’écologie est en effet considérée par de nombreux entrepreneurs et décideurs comme un relais de croissance. La France, en tant que grande puissance économique, cherche à se placer afin d’être à la pointe technologiquement et industriellement sur ces secteurs économiques.

Mais cela ne représente rien concrètement, aujourd’hui. À tel point que finalement Nicolas Hulot est obligé de le reconnaître. Quand il lui est fait remarquer que la France ne respecte pas ses engagements et « laisse ses émissions de gaz à effet de serre augmenter de 3 % par an », il répond :

« Sur certains sujets, je l’admets, la France n’est pas dans les clous. Tant que nous ne serons pas sur la bonne trajectoire, je ne m’en satisferai pas. Je l’ai souligné à l’occasion du bilan de la première année du plan climat. »

Son rôle est ici d’expliquer que ce n’est pas si grave, il ajoute ensuite :

« Pour moi, ce n’est pas un échec, c’est simplement que nous devons faire plus. Nous entrons maintenant dans la période des solutions, car elles sont là : ce sont les énergies renouvelables, la voiture électrique, l’agroécologie. Nous avons tout pour réussir, si nous n’hésitons plus. »

Qu’il existe, potentiellement, des solutions techniques, c’est une chose. Mais que celles-ci soient généralisées de manière conformes aux enjeux écologiques, c’en est une autre. À Gauche, du moins pour les personnes qui n’ont pas abandonné le cœur de la pensée de Gauche, nous n’avons aucune confiance en l’économie capitaliste pour cela.

Car, soit il y a la concurrence et le profit privé, comme le prône Emmanuel Macron que sert Nicolas Hulot, soit il y a une planification économique de manière démocratique et utile socialement.

Ce ne sont pas les besoins de la population, mais des quêtes d’enrichissement pour quelques-uns qui imposent le glyphosate, la multiplication de panneaux publicitaires ultra-lumineux, l’accumulation de marchandises de mauvaise qualité produites à l’autre bout du monde, le sur-emballage, la pêche intensive, la généralisation des transports polluants et le démantèlement du chemin de fer ou encore une mine d’or en pleine forêt Amazonienne, etc.

Nicolas Hulot, pour justifier sa propre inutilité, explique qu’il n’est responsable de rien, voire que ce serait la faute des autres :

« Nous avons collectivement une immense responsabilité. On le voit bien quand certains partis politiques rechignent encore à faire figurer le changement climatique et la biodiversité dans l’article premier de la Constitution, comme si c’était une préoccupation mineure. Même constat avec les états généraux de l’alimentation et la loi sur les hydrocarbures. Ils n’ont pas compris que ce sujet conditionne tous les autres.

Nous ne pouvons plus entretenir des divisions, réelles ou factices, alors que cet enjeu appelle une réponse universelle. La confrontation politique est nécessaire, mais sur ce point, faisons la paix. J’appelle à une union sacrée sur le climat. Ne tombons pas dans la querelle des anciens et des modernes. Le feu est à nos portes, au sens propre comme au sens figuré. »

Et :

« Je fixe un cap, je prends des mesures. Mais tout le monde doit comprendre qu’un homme, un ministre, un gouvernement seuls ne peuvent rien faire. »

À le lire cela, on croirait qu’il est un Ministre hyper actif, déployant des moyens énormes, promouvant une refondation radicale du mode de production et des institutions, et faisant face à une organisation politique structurée contre l’écologie.

Cela n’est pas vrai, c’est de la démagogie, de la poudre aux yeux. L’écologie en tant que telle n’existe pas. Elle n’est qu’à la marge, parfois comme faire-valoir, souvent comme seulement une démarche individuelle.

C’est le rôle de la Gauche de la faire exister, de lui donner corps dans un projet idéologique et culturel de grande envergure, propre à soulever les masses.

L’actualité est intense en termes d’événements liés au dérèglement du climat. Les records de chaleurs se succèdent de monstrueux incendies et autres catastrophes font rage à travers le monde. La question n’est plus de savoir si l’on va bouleverser les équilibres naturels de la planète ; c’est déjà fait, comme tout le monde le sait.

On se demande maintenant jusqu’où ira-t-on avant d’essayer, enfin, d’inverser la tendance.

Nicolas Hulot a un rôle néfaste en ce sens, puisqu’il est là pour prétendre que des choses sont faites, afin que surtout rien ne change, que le capitalisme ne soit pas remis en cause.

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Politique

Emmanuel Macron et le capitalisme modernisé

Sous cette forme et à ce moment de notre histoire, Emmanuel Macron ne représente rien de positif pour notre pays et pour les masses. Toute sa démarche vise concrètement à briser l’esprit collectif, démocratique, et les avancées sociales au profit de l’individualisme bourgeois et du capitalisme entrepreneurial.

Sur le plan culturel, sa politique est celle d’un cosmopolite qui nie la culture française, au nom d’un différentialisme universel, relativiste, où tout se vaut, encourageant la « diversité », c’est à dire l’atomisation. Sur ce point, il vide littéralement le contenu de la gauche post-moderne dont il n’hésite pas à s’approprier le jargon « post-colonial » ou même franchement raciste, comme l’illustre sa sortie à l’occasion du « Plan Banlieue ».

Or, la gauche, celle qui connaît sa tradition, celle qui réfléchit et n’a pas cédé au post-modernisme décadent, défend précisément tout l’inverse. La défense de la culture française collective, en vue de sa fusion universelle, est une base essentielle de la démocratie, il y a lieu de défendre et promouvoir la culture, au singulier, dans l’héritage et le métissage, contre les cultures au pluriel, dans la consommation et l’individualisme.

Mais plus profondément encore, Emmanuel Macron et son gouvernement entendent élargir la base capitaliste de l’économie et de la société de notre pays. Il est question ici d’un véritable assaut libéral généralisé, il s’agit concrètement de briser ce qui reste du consensus social construit après la Seconde Guerre Mondiale : mater les syndicats, atomiser les travailleurs à l’échelle de l’entreprise, voire de leur propre « carrière » individuelle, briser les secteurs jusque là protégés du capitalisme d’État comme la SNCF, EDF et les entreprises publiques, l’Éducation Nationale, les Hôpitaux.

Il s’agit donc de faire reculer la fonction sociale de l’État et de développer à sa place les entreprises privées. Emmanuel Macron présente cela comme une « libéralisation », un « progrès » à même de donner à chacun la possibilité de faire carrière en relançant un nouveau cycle de croissance.

Et il est évident de dire que cela parle à une partie des masses, travaillées malheureusement par l’esprit compétitif et individualiste de la bourgeoisie. Même par attentisme, elles comprennent cette perspective et espèrent, faussement, pouvoir compter sur la réussite de ce « pari ».

Cela constitue un frein conséquent aux mouvements sociaux qui se dressent légitimement contre la politique libérale du gouvernement pour en faire un puissant mouvement de masse, mais ceux-ci, captifs des insuffisances idéologiques et des outrances stériles de la « gauche » populiste ou racialiste post-moderne, échouent face à la simple volonté du gouvernement. Cela parce que sa base populaire est plus large, même par attentisme ou résignation, mais les masses ne suivent pas cette gauche.

Pour rendre son projet plus crédible aux yeux des masses, Emmanuel Macron s’appuie sur les secteurs dynamiques du capitalisme français, ceux qui incarnent le mieux sa réussite : la « French Tech », les ETI (ou Entreprises de Taille Intermédiaire) et les banques de type « capital-investissement » comme Rothschild & Cie où travailla justement Emmanuel Macron.

Contrairement aux fantasmes démagogiques et antisémites des populistes, cette banque et le secteur bancaire auquel elle appartient ne sont pas d’immenses entreprises monopolistiques investissant massivement dans la spéculation, comme le sont la Société Générale ou le Crédit Lyonnais par exemple.

Emmanuel Macron s’appuie au contraire sur le capitalisme encore peu concentré, qui laisse croire à la possibilité de chacun de se lancer, de tenter sa chance, devenir entrepreneur, « monter sa boîte », ou du moins de faire une belle « carrière ».

Enfin sur ce plan, Emmanuel Macron propose aussi une « aventure » à travers l’Union Européenne : lancer les entreprises françaises à la conquête du continent et même du monde. D’où son activité militariste et sa promotion par ailleurs de la défense européenne. Emmanuel Macron est ouvertement un partisan de l’aventure capitaliste impérialiste. Il y a donc un réel élan libéral et face à celui-ci, il faut impérativement être à la hauteur, sortir des caricatures « merguez-fanfares » de la gauche populiste et élever le niveau, les exigences.

Enfin et pour finir, sur le plan plus politique, s’appuyant sur la figure qu’il représente et sur son projet économique et social, il faut encore ajouter qu’Emmanuel Macron développe l’idée d’un gouvernement d’expert, réduit, efficace, pragmatique.

En cela, il développe toute une culture de la pratique autoritaire du pouvoir, déjà profondément encouragée par les institutions et surtout contribue très dangereusement à dépolitiser notre société, d’autant que chaque « citoyen » est invité à participer à l’aventure libérale qui s’ouvre non par la pratique démocratique, en se politisant, mais tout au contraire individuellement, en se concentrant sur sa carrière, qui commence au bas mot dès le lycée, sur sa volonté d’entreprendre et sur la consommation, y compris « culturelle ».

Cela est d’autant plus inquiétant qu’Emmanuel Macron et son gouvernement développent eux-mêmes tout un discours populiste articulé entre la lutte des « progressistes » qu’ils seraient, contre leurs adversaires « conservateurs ». On voit bien là que le danger est justement de valider le populisme de tendance nationaliste qui lui répond sur le mode « le peuple » contre « l’oligarchie », que ce soit à la sauce FN ou même FI, entraînant dangereusement notre pays dans la pente de l’effondrement vers le fascisme.

Emmanuel Macron ne représente donc pas simplement qu’un libéral voulant privatiser les secteurs protégé du service public qu’il s’agirait de défendre. Il représente une figure de la bourgeoisie nationale française particulièrement développée, différentialiste et relativiste sur le plan culturel, partisan d’un capitalisme généralisé et impérialiste (bien qu’encore avec comme base le capitalisme industriel le moins concentré appuyé sur un secteur bancaire relativement encore diversifié), et autoritaire et anti-démocratique sur le plan politique.

A tous les niveaux, Emmanuel Macron représente un réel danger, pour le dire clairement, une étape dans l’organisation d’un courant fasciste dans notre pays.

Non qu’il le soit en lui-même bien entendu, mais parce que si on analyse les bases qu’il construit, elles ne sont en rien démocratiques, mais elles préparent précisément ce dont à besoin un État autoritaire, voire même plus tard fasciste, ouvrant en tout cas la voie à la dictature directe des monopoles et des secteurs les plus réactionnaires de la bourgeoisie en affaiblissant la société et l’esprit collectif.

La tâche de la Gauche face à Emmanuel Macron et à son « monde », c’est-à-dire la bourgeoisie libérale, est donc absolument d’être au niveau, de politiser les mouvements sociaux qui se développent pour élever le niveau de conscience, générer des organismes de lutte collective, rassemblant le plus grand nombre pour l’organiser, démocratiquement, dépassant les revendications velléitaires et creuse ainsi que l’horizon borné des principales organisations syndicales qui se contentent beaucoup trop souvent de négocier à leur avantage la « cogestion » des secteurs privilégiés dans une démarche corporatiste.

Il s’agit de rompre avec les illusions libérales décadentes d’Emmanuel Macron tout en refusant parallèlement son « double » sous la forme du populisme, quelque puisse être sa forme, car celui-ci c’est la défaite, c’est la porte vers le nationalisme. Ces deux courants, libéralisme ou populisme, l’un comme l’autre nous entraînant, par des voies différentes mais parallèle, au fascisme et à la guerre.

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Écologie

Non au méga-projet de mine d’or « Montagne d’or » en Guyane !

La Montagne d’or est un immense projet de mine d’or à ciel ouvert dans le nord-ouest de la Guyane, en pleine forêt amazonienne. Ce « monstre industriel » est dénoncé par le collectif citoyen Or de question comme étant une catastrophe écologique.

Or de question ! Contre la méga-industrie minière en forêt guyanaise

Le plan prévoit une phase de construction de 2019 à 2021, une phase d’extraction de 12 ans  puis une dernière phase de fermeture du site pendant 30 ans. Le rendement espéré est de 6,7 tonnes d’or par an, pour 4 500 000 tonnes de minerai extraits chaque année en tout.

On l’aura compris, le projet est gigantesque. Avec une emprise totale de 190km2 et une fosse de 2,5km de long sur 500m de large pour 400m de profondeur, la Montagne d’or constituerai la plus grande mine de France. Ce projet est soutenu pas deux grandes entreprises du secteur, Colombus Gold (Canada) et Norgold (Royaume-Uni).

la construction de la mine

Le projet se situe en pleine forêt amazonienne, qui présente comme tout le monde le sait une très grande richesse naturelle. Cela occasionnera forcément de grands dégâts.

Il est expliqué que le mal est déjà en partie fait car l’activité minière aurait déjà façonné le site depuis 140 ans. Il est vrai que l’orpaillage illégale, c’est à dire la recherche d’or dans les rivières, est en fléau environnemental en Guyane. Cela avait d’ailleurs été largement dénoncé par la population lors du mouvement social en 2017.

Cependant, l’envergure du projet fait que l’impact sur la faune et la flore sera encore plus grand. Il est admis dans le document de synthèse de la compagnie minière que 45 % du site minier nécessitera de déboiser une partie de forêt « à caractère primaire » et la ligne électrique 30 %.

Il est bien entendu dit, conformément à la loi, que l’impact est minimisé et qu’il y aura des compensations. Ce sont des logiques absurdes ! Les animaux délogés et dont la la vie aura été plus ou moins impactée se fichent bien de savoir que des arbres seront plantés plus loin, « pour compenser ».

Une fois les dégâts faits, il n’y a pas de retour en arrière possible. Et encore moins de compensation. Cette mentalité d’ingénieur étriqué est de la folie pure.

Le déboisement n’est qu’une partie du problème. La profondeur de la mine pose aussi des questions sur des pollutions possibles de l’eau et l’impact sur les nappes phréatiques. La région est sujette à d’importantes pluies qui pourraient disséminer des éléments présents dans les roches par ruissellement.

Le cyanure

L’or ne peut être extrait du minerai avec une très bonne efficacité qu’avec du cyanure. C’est une question très sensible car son utilisation n’est pas anodine et sans risque, loin de là. Les résidus de l’extraction devront être traités afin que le taux de cyanure soit inférieur à un seuil légal de 10 ppm (partie par million), et seront stockés dans un important dispositif de traitement. La crainte est celle d’un écoulement de ces résidus et donc de cyanure dans l’environnement. Ceci pourrait engendrer une véritable catastrophe écologique

Il faut se rappeler la catastrophe de Baia Mare (nord-ouest de la Roumanie) en 2000. De grandes quantités de cyanure (et de métaux lourds) se sont déversés dans la nature suite à un accident. Un barrage a cédé et l’eau contaminée s’est déversée dans l’environnement. A proximité du site, presque toute la vie a disparu. Plus au sud, en Serbie, on estime que 80% de la vie aquatique a été décimée. Cette catastrophe est souvent considérée comme la pire après Tchernobyl, en Europe de l’est. Voici donc ce qui peut se produire lorsqu’une exploitation aurifère tourne mal.

L’énergie

Aux problèmes liés à la construction de la mine, s’ajoutent ceux de son fonctionnement. La consommation électrique pour commencer, est estimée à 20MW. Cela représentera un peu moins de 10 % de la capacité de production de la Guyane en 2023, et 20 % de la consommation.

A ces chiffres bruts s’ajoutent toutes les question d’infrastructures. Comment acheminer l’énergie nécessaire au fonctionnement de ce projet en pleine forêt ? La construction de lignes électriques nécessitera de nouvelles agressions envers l’environnement. De plus, ces lignes impliquent qu’EDF soit en mesure de mettre en place les infrastructures nécessaires à temps. Dans le cas contraire, le promoteur indique qu’il faudra se tourner vers des solutions alternatives comme «  des turbines ou groupes électrogènes alimentés au fuel ». Ce qui pose encore d’autres questions sur la pollution.

La compagnie Montagne d’or peut bien installer des panneaux solaires sur les toitures des bâtiments pour avoir l’air de se soucier de l’environnement : les estimations des promoteurs ne donnent une production que de 440 kW… presque 1/40e des 20MW.

Pourquoi il faut dire non au projet Montagne d'or (Or de question !)
Pourquoi il faut dire non au projet Montagne d’or (PDF)

Détruire l’environnement pour relancer l’économie ?

Comme toujours, la destruction de l’environnement est minimisée et l’argument fort est celui de la création d’emplois. Le projet avance la création de 750 emplois directs et 3000 indirects. La Guyane étant une région détenant le taux de chômage le plus élevé de France, l’argument économique est ici tout trouvé.

Pourtant, tous ces emplois ne dureront pas quarante ans, de la construction à la fermeture de la mine. Les chiffres avancés correspondent au nombre d’emplois créés au plus haut. Certains emplois ne seront plus nécessaires une fois la mine construite et opérationnelle au bout de deux ans. Et tous les emplois liés à l’extraction n’auront sûrement plus de raison d’être tout au long des trente années de fermeture du site.

Le but est surtout d’enrichir quelques personnes déjà riches, pas de servir l’économie locale et la population.

Un projet sans vision sur le long terme

Le projet s’étend sur un peu plus de quarante ans de la construction à la fermeture de la mine. Il va nécessiter énormément d’explosifs et de cyanure. Des quantités d’eau phénoménales seront aussi nécessaire. Les boues contaminées devront être traitées dans des lieux parfaitement hermétiques. Il faudra ensuite s’assurer, une fois l’extraction terminée, que plus rien de nocif ne subsiste sur le site.

Au vu de la taille du projet, toutes ces précautions sont autant d’investissements lourds pour l’entreprise. Toutes les parties de ce projet peuvent signer autant d’accords et s’engager à respecter toutes les conventions du monde, cela ne changera rien à sa nature même. C’est une aventure capitaliste, donc destiné à faire du profit à court ou moyen termes, mais pas à servir la société à long terme.

Les entreprises ne savent raisonner qu’en terme de probabilité lorsqu’il s’agit de gestion de risque. Nous avons vu ce que ce genre de raisonnement peut donner à Fukushima…

Et quand bien même tous les intervenants de ce projet respectaient à la lettre les conventions les plus strictes dans les premières années du projet, qui nous dit que cela sera toujours vrai à la fin des douze années d’extraction ? Pendant les trente années de fermeture du site ?

Comment espérer que des entreprises capitalistes qui n’ont souvent aucun scrupule à détruire l’environnement soient exemplaires, toutes proportions gardées, durant les quarante ans du projet ?

Comment être certain que les changements de direction, les évolutions des cours des matières premières ou encore les différentes politiques locales et nationales n’influent pas sur le respect scrupuleux des normes et des consignes de sécurité ? Qui peut garantir que toutes ces entreprises seront prêtes à tous les sacrifices financiers afin d’assurer la sécurité du site ?

Non à la Montagne d’or !

Le projet de la Montagne d’or est une aberration et est tout simplement indéfendable. L’enjeu ici est de savoir si des grands groupes doivent dicter leurs lois ou si nous voulons une humanité capable de prendre conscience des enjeux de son époque et des les assumer. Il ne peut et il ne doit pas y avoir de place pour la recherche du profit à tout prix, pour les calculs de risques probabilistes, pour des engagements sur des dizaines d’années avec des entités dont le seul but et d’engranger toujours plus de bénéfices. L’environnement n’est pas à vendre. La vie n’est pas une ressource dont l’on peut disposer à sa guise ou que l’on peut compenser.

Ce projet est de plus une insulte au Guyanais et aux peuples autochtones, en faisant miroiter quelques emplois à défaut d’une véritable planification économique.

Si ce projet devait avoir lieu, chaque personne qui l’a défendu devra répondre de son choix devant les générations futures qui ne pourront qu’être abasourdies par une telle folie.

Le projet de la Montagne d’or ne doit pas avoir lieu !

Pour en savoir plus sur  le projet minier, consultez le site du collectif citoyen Or de question !

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Société

Le FC Nantes, grand perdant du « football moderne »

Le Football Club de Nantes est un des grands perdants de l’avènement du « football moderne », à l’image de clubs comme l’Ajax Amsterdam, le Celtic Glasgow, l’AS Saint-Étienne ou encore le Genoa CFC. Le club a fêté cette année ses 75 ans ; il fut durant la deuxième moitié du XXe siècle un club très populaire et il bénéficie encore d’une notoriété et d’une sympathie importante en France, malgré de faibles résultats sportifs.

 

« 60 ans de gloire, 15 ans d’anonymat… jusqu’à quand? »

Lors de la dernière rencontre de la saison 2017/2018, les supporters de Nantes ont déployé une grande fresque présentant des figures historiques du club. Elle était accompagnée d’un message résumant la situation.

Cela était bien sûr un pic destiné à la direction qui a largement fêté les 75 ans du club cette année. Depuis le dernier titre de champion de France en 2001, le « FCN » n’est plus que l’ombre de lui-même. C’est justement à cette époque qu’il fût précipité dans les abîmes du « football moderne ».

Une tradition de football

Il y avait une identité sportive à Nantes, avec des projets collectifs construits et menés durablement, avec la reconnaissance et le soutiens des masses locales amatrices de football.

L’identité culturelle n’est pas directement ouvrière, mais en tout cas franchement populaire et démocratique. Le public est connu comme étant exigeant, amateur de beau jeu collectif, mais pas de frasques et d’aventures individuelles.

Seulement, cela n’est pas compatible avec le football d’aujourd’hui et sa dimension « business ». Il nécessite des projets démesurés, de l’immédiateté, et ne supporte pas que des anciens puissent être enraciné dans un club, respecter des valeurs déterminées, prendre le temps de la construction.

Le FC Nantes a été longtemps réputé pour son centre de formation de la Jonelière, qui fût pendant un moment l’un des plus à la pointe du monde. Cela a permis l’avènement de grandes équipes avec plusieurs joueurs formés au club, ce qui permettait aux recrues de respecter aussi un style de jeu particulier.

“Jeu à la nantaise”

Les commentateurs ont résumé cela sous le terme de “jeu à la nantaise”, qui fait un peu figure de mythe, car il représente des réalités différentes. Il y a toujours en tout cas derrière ce terme l’idée de l’intelligence collective, de la construction rapide et efficace.

José Arribas, Jean-Claude Suaudeau et Raynald Denoueix sont les principales figures représentants ce “jeu à la nantaise”. L’histoire du club est aussi marqué par de grands noms comme Henri Michel, Claude Makelele, Christian Karembeu ou bien Mickaël Landreau. Il faut penser aussi par exemple aux trios offensifs des années 1970 Baronchelli-Amisse et Pécout ou Halilhodžić, et d’autres encore.

La tradition de jeu nantaise avait commencé à tanguer au début des années 1990, époque à laquelle le “business” a commencé à envahir massivement le football. Jean-Claude Suaudeau avait une première fois claqué la porte du FC Nantes, en tant qu’entraîneur.

Mais c’était une autre époque que la nôtre, le capitalisme n’avait pas à ce moment les moyens de tout broyer et les structures ont pu se maintenir, avec l’appui de la population.

Une saison 94/95 fantastique

“Coco Suaudeau” est revenu à la tête de l’équipe en 1993. La saison 1994/95 a ensuite connue l’une des meilleures équipe française.

Largement issue du centre de formation, elle ne brillait pas par ses qualités individuelles mais par ses prestations collectives impressionnantes. En plus du titre de champions de France, les « canaris » n’ont connus qu’une seule défaite cette saison là, ce qui a donné lieu au record de 32 journées invaincues. En 2018, ce record n’a toujours pas été battu, même par le PSG et ses moyens immenses, complètements déloyaux par rapports aux autre clubs.

Le jeu nantais était en 1994/1995 d’une grande fluidité, les phases de transition maîtrisées de manière brillante, l’équipe impossible à jouer. Le « tarif maison » pour les matchs à domicile était de 3 – 0 (cela s’est produit 10 fois en 19 matchs !)

C’était un grand moment de l’histoire du football.

Malgré la vente de quelques joueurs clés comme Christian Karembeu et Patrice Loko, le club a atteint les demi finale de la ligue des Champions l’année suivante, éliminé de justesse par la Juventus, malgré une victoire 3-2 à la Beaujoire.

Un dernier titre en 2001

La saison 2000-2001 fut comme une dernière respiration avant la noyade pour le FC Nantes. Raynald Denoueix, continuateur de Jean-Claude Suaudeau, a été capable de mener l’équipe au titre mais les moyens n’était déjà plus les même, le triomphe moins brillant et plus réaliste.

Tout a sombré ensuite, et violemment.

En 2000 le club a été racheté par le Socpress, à la tête du journal local “Presse Océan”. Cela fût présenté par de nombreux commentateurs comme un “coup” financier, dans le but de se servir de la trésorerie du club. C’était aussi une occasion pour la municipalité (censée être de Gauche car affiliée à Parti Socialiste) de se séparer du club.

Raynald Denoueix fut licencié sans ménagement, malgré le titre (il rebondit cependant directement au Real Sociedad avec qui il remporte le championnat espagnol, ce qui fût une véritable surprise et un véritable exploit !)

Le club n’a jamais pu se relever de ce bouleversement. Il a été relégué deux fois en ligue 2 en l’espace de deux ans, alors qu’il détenait le record de présence ininterrompue en première division du championnat français (44 saisons, de 1963 à 2007).

L’ère Kita

Le FC Nantes passa succinctement (et indirectement) dans les mains de Serge Dassault, puis dans celles de l’actuel propriétaire et président Waldemar kita.

Ce dernier est un industriel fortuné qui a racheté le club pour se faire plaisir, comme d’autres jouent à “Football Manager” sur leur ordinateur. Son plus récent “caprice” étant la construction d’un nouveau stade ultra moderne.

[Voir notre article : YelloPark, la mairie socialiste de nantes brade le stade de football de la Beaujoire ]

Sa présidence est marqué par une grande instabilité et des choix très critiqués en terme de gestion (transferts, salaires, infrastructures, etc.). Dès le début, il s’était fait remarquer par son attitude désinvolte en insultant violemment dans la presse le joueur Frédéric Da Rocha, figure du club :

« Qu’il se permette de faire un tour d’honneur […] alors que c’est la deuxième fois qu’il descend [en ligue 2, NDLR], c’est que pour sa gueule ! À sa place, j’aurais arrêté le foot depuis longtemps. »

Depuis qu’il est arrivé en 2007, le club a connus 14 entraîneurs, soit plus d’un par année, ce qui est au dessus des “standards” déjà très court du “football moderne”.

Parmi eux il y a Michel Der Zakarian, ancien joueur du club, qui a été licencié deux fois malgré qu’il ait fait remonter deux fois le club en ligue 1 !

Contre le football moderne

Contre le « football moderne »

Waldemar Kita est un personnage qui a tout du grand bourgeois détestable, bronzé aux UV, méprisant envers les classes populaires, etc. Il cristallise autour de sa personne tout une opposition, surtout de la part des supporters les plus fervents et les plus jeunes.

Il n’est cependant qu’une figure,représentant un système et des enjeux économiques soumettant le sports, que l’on peut résumer à travers la critique du “football moderne”.

Les traditions n’ont pas toutes disparues au FC Nantes, mais elles ne se maintiendront pas éternellement. L’histoire du football et des réalisations humaines en général est certes marqué par des changements. Il ne faudrait pas être figé dans le passé. Mais la situation du FC Nantes laisse malgré tout, somme toute, le sentiment amer d’un immense gâchis.

Voici pour finir un extrait de la réaction très vives, très authentique, de Vahid Halilhodzic (champion de France en 1983) parue dans la presse locale après la seconde relégation du FC Nantes il y a presque 10 ans.

« Le FC Nantes n’est pas mort ce week-end, il est enterré depuis pas mal de temps. C’est scandaleux !

Ses philosophes de joueurs ne savent pas que le FC Nantes c’est autre chose. Les gens sont résignés, déprimés. On n’a pas su tirer les leçons de la première descente.

Avec la remontée, certains ont pensé qu’ils étaient en droit de donner des leçons à tout le monde. C’est incompréhensible.

Ce club synonyme de stabilité, de travail, est tombé si bas. C’est facile d’accabler les gens mais quand tu joues mal, tu essaies au moins de courir, de te battre, de compenser avec de la générosité, de la volonté pour masquer ton manque de talent. Mais je n’ai même pas vu ça !

Ce vestiaire doit être confronté à pas mal de problèmes, c’est du moins l’impression qu’il donne de l’extérieur.

Ils ont réussi à tuer un monument du football, il fallait être costaud pour faire ça. Ils n’ont pas seulement détruit l’image de ce club mais aussi son âme.

Des communicants ont tenté de cacher la réalité mais le FCN est profondément malade à tous les niveaux.

La preuve, sa source inépuisable de talents, en l’occurrence le centre de formation, semble tarie. Où sont les jeunes ? Il faut un changement radical, surtout des gens plus compétents. »

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Les réactions de Ian Brossat du PCF à propos de l’« affaire » Benalla

Aujourd’hui il existe tellement une classe de super-riches internationaux que les grandes métropoles sont prises d’assaut. Paris, Londres, Berlin ou Vienne connaissent une explosion des loyers, une acquisition massive de logements par des étrangers aux larges moyens, une « disneylandisation » de leur centre, une invasion massive d’Airbnb, etc.

Ian Brossat, en tant qu’adjoint au maire de Paris, a accompagné ce processus cette dernière décennie. Mais il se présente en même temps comme le représentant des classes moyennes, pestant contre Airbnb, appelant à ce que les loyers cessent d’augmenter, etc.

Il faut dire qu’il est au PCF, c’est-à-dire qu’il entend bénéficier du prestige de ce qui fut pendant longtemps la plus grande force de Gauche en France.

Comme c’est pratique maintenant de prétendre lutter contre quelque chose en sachant pertinemment que c’est simplement verbal et que c’est sans valeur face au rouleau compresseur des sacs d’argent !

Mais qu’attendre d’autre de quelqu’un qui a fait le prestigieux lycée Henri IV, puis l’École Normale Supérieure avant de devenir agrégé, et marié à un professeur de classe préparatoire du lycée Louis Le Grand ?

On est ici très exactement dans la posture intellectuelle du bourgeois bien élevé se prétendant se mettre au service de la population. Cela ne peut pas réussir, mais c’est gratifiant, reconnu par les institutions comme moyen de donner l’apparence qu’il y a une protestation, rémunéré de manière effective, etc.

Et c’est vraiment un exemple caractéristique de cette posture que nous fait Ian Brossat avec l’un de ses nombreux messages sur Twitter à l’occasion de la dite affaire Benalla.

Depuis quand les communistes se soucieraient-ils de défendre l’État contre ceux qui le « haïssent » ?

Au-delà du caractère grandiloquent de ces propos auxquels lui-même ne croit certainement pas, on voit à quel point le PCF a changé de nature.

Si cela fait très longtemps qu’il a abandonné l’idée de renverser les institutions et de mettre en place un État socialiste, on peut au moins dire que le PCF était jusqu’au tournant des années 2000 une des plus grandes forces de la Gauche.

C’était une voix devant compter, censée exprimer le point de vue de la classe ouvrière et des masses populaires en générale. Parfois de manière caricaturale, mais en tous cas au moins de manière sincère pour de nombreuses personnes à sa base.

Le PCF aujourd’hui, ce n’est plus qu’un vague capital sympathie, une imagerie un peu « vintage » pour se donner l’air radical.

C’est d’ailleurs aussi le cas, parallèlement, du journal l’Humanité, que plus personne ne lit, et dont personne n’arrive à comprendre quels sont les artifices qui lui permettent de se sauver chaque année de la faillite. Mais « l’Huma » intéresse de grands groupes de la presse qui souhaitent le racheter depuis plusieurs années car c’est une marque, cela peut représenter quelque chose d’intéressant pour ceux qui sauraient en faire quelque chose avec une bonne dose de marketing.

C’est exactement la même chose avec Ian Brossat.

Il n’est pas surprenant que la principale actualité de ce dernier sur Twitter soit de participer au concert d’indignations à propos de la situation d’Alexandre Benalla. Comme s’il y avait une crise de régime. Comme s’il y avait là matière à soulever une dérive antidémocratique majeure, alors que c’est dans le fondement même de la Ve République à laquelle participent tous ces gens que de donner un pouvoir immense au Président.

Le sens de la mesure est normalement un trait caractéristique français. Les hommes et les femmes politiques sont de plus en plus des gens hors-sol, se laissant emporter par leur propre vanité, et s’éloignant des mœurs du peuple français et des traditions du pays. Ils en oublient largement le sens de la mesure et en font de tonnes pour s’imaginer avoir un rôle dans l’histoire.

Les gens comme Ian Brossat s’offrent un peu d’émotion, en trouvant sympathique de participer à un scandale à l’américaine. Le tout bien sûr avec une dramaturgie surjouée de part et d’autre, afin de combler le vide moral et culturel de notre époque.

Cela est tellement absurde que Ian Brossat se retrouve, de fait, à défendre la Ve République alors qu’historiquement, la Gauche a toujours réfuté ce régime comme étant autoritaire à la base.

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L’ « affaire » Benalla, une grande comédie et des institutions bien en place

Le régime en place en France est très stable et dispose d’institutions solides avec un personnel administratif très efficace pour les servir. Voilà ce qui ressort, surtout, de la dite « affaire » Benalla. La vidéo du 1er mai 2018, connue par énormément de monde en hauts-lieux depuis le début, n’est évidemment qu’un prétexte sorti au bon moment pour régler des affaires internes. Elle ne relève pas en elle-même d’une très grande importance.

Alexandre Benalla est un jeune homme qui a pris trop au sérieux les fonctions qui lui ont été attribuées auprès d’Emmanuel Macron. La polémique vient de son identification en train de jouer au « gros bras » de manière ridicule lors d’une opération de maintien de l’ordre par des CRS place de la Contrescarpe à Paris.

Il avait bénéficié plus tôt dans la journée d’un casque, d’une radio et d’un brassard de police alors qu’il n’était censé être qu’un observateur. On voit d’ailleurs à la façon dont il s’en prend à la jeune fille puis au jeune homme à terre sur la vidéo qu’il ne maîtrise pas du tout les standards techniques de la police pour une interpellation publique en plein Paris.

Cette affaire ne représente somme toute pas grand-chose au regard de ce que la France à connu au XXe siècle en termes de barbouzerie, de police parallèle et de « raison d’État ». Le couple de victimes n’avait d’ailleurs jusqu’ici pas porté plainte suite à ce qui semblait n’être qu’un dérapage de policiers ayant « pété un câble ». D’après ses avocats, le couple s’est porté partie civile après l’identification de leur agresseur par le journal Le Monde la semaine dernière, ce que l’on peut comprendre.

Alexandre Benalla avait assuré la sécurité du candidat « En Marche » lors de l’élection présidentielle. On le voit à ses côtés lors de son apparition grandiloquente à la pyramide du Louvre le soir de la victoire. Il a ensuite intégré le cabinet de l’Élysée et occupait différentes fonctions d’organisation auprès du Président de la République.

Récemment, il était là lors de la panthéonisation de Simone Veil, pour le 14 juillet et lors du retour en France de l’équipe de France de football. Un certain nombre de commentaires font état de son rôle pour accélérer le bus des joueurs afin qu’ils arrivent rapidement à l’Élysée.

Ce jeune homme qui n’a que 26 ans disposait d’un permis de port d’arme délivré par la Préfecture de Police de Paris alors qu’il avait été refusé par le Ministère de l’Intérieur, d’un badge d’accès total à l’Assemblée Nationale, d’un appartement quai Branly à Paris, il pouvait rouler dans une berline de luxe du cortège présidentiel, ou encore être promu de manière quelque peu rapide au grade d’expert colonel de l’armée de réserve de la Gendarmerie Nationale.

L’indignation publique vient surtout du fait qu’il ne semble pas avoir été sanctionné réellement après ses agissements du 1er mai. N’importe qui sait bien que son geste aurait dû faire l’objet d’une suspension immédiate et d’un licenciement rapide, à moins d’être directement couvert en tant que proche du Président.

D’après le directeur de cabinet de l’Élysée, il a seulement été suspendu 15 jours. Il a d’abord été affirmé, sous serment devant des députés, que cela avait donné lieu à une suspension de salaire ; il a ensuite été expliqué, toujours sous serment mais devant des sénateurs, que cette retenue de salaire n’avait en fait pas eu lieu mais serait reportée ultérieurement en tant que retenue sur le paiement différé de jours de congés, au moment de son licenciement.

Si ce genre d’information, de petits mensonges et de couverture d’une personne ayant dérapé est de nature à soulever les indignations, c’est que l’époque a changé. La population n’avait pas accepté non plus le comportement de François Fillon avec sa femme, alors que cela ne choquait pas grand monde jusque-là.

Les mentalités ont évolué en France, dans le sens d’une plus grande modernité des institutions, avec une meilleure transparence, sur le modèle de ce qui existe dans les pays de culture protestante.

Le spectacle de voir des gens se renvoyant la balle quant à la responsabilité au sujet du « cas » Benalla est insupportable pour de nombreuses personnes exigeant la justice et la morale. Emmanuel Macron peut bien fanfaronner devant ses députés en affirmant qu’il assume tout et en lançant un « qu’ils viennent me chercher ».

Il n’en reste pas moins que cette affaire aura un impact important dans l’opinion et fragilisera la suite de son mandat, ce qui satisfait toutes les forces d’opposition.

Il faut noter à cet égard le grand élan d’union entre les forces d’extrême-droite et la France Insoumise, entre les reliquats de la gauche et la droite traditionnelle. Tout cela pour une histoire qui ne mérite pas un tel remue-ménage, à moins d’être complètement de mauvais foi quant à la réalité de ce qu’est un État dans une société marquée par le capitalisme.

Cette petite « affaire » Benalla ne change pas grand-chose à la nature du régime en France. Cela n’a certainement pas l’envergure d’une « affaire d’État ».

C’est surtout qu’Emmanuel Macron agace un certain nombre de personne de par son comportement et sa volonté de tout ramener à lui. On a en fait un certain nombre de hautes personnalités qui n’entendent pas se faire marcher dessus et rappellent l’importance de leur propre administration.

Avec son mouvement « En Marche » puis « La République En Marche », Emmanuel Macron a voulu tout chambouler en France, renouveler largement le personnel politique pour satisfaire son ambition personnelle. Cela a obligé le personnel politique à se remettre en cause : voilà une occasion pour eux d’apparaître modernes et démocratiques avec les commissions d’enquête parlementaires.

On a à leurs côtés toute une presse allant dans le sens du régime, bien contente de se montrer utile pour la préservation des institutions contre une personnalité qui les a pris de haut, et qui d’ailleurs les a encore insulté dans sa déclaration censée être privée mardi soir.

L’institution policière semble surtout être celle qui est au cœur de cette affaire. La police ne se laisse pas comme cela « dire la messe » par un président qui veut réformer ses services. Car il y a en arrière plan de ces révélations un projet de réorganisation de la protection du Président.

La police française rappelle ici qu’elle existe de manière supérieure à la simple incarnation de la présidence par un individu. L’institution en elle-même est au-dessus du mandat politique et empêche l’Élysée de s’autonomiser. Ce dernier étudie en effet un projet d’ouverture à des forces civiles et la mise en place d’une organisation interne non organiquement liée à la police nationale.

Alexandre Benalla fait figure ici de symbole. D’après les syndicats de police et des commentaires de la presse, son attitude était exécrable, voulant donner des ordres à tout le monde en termes de sécurité, se présentant comme directement l’émanation du Président, etc.

Il ne s’agit pas ici d’une Police parallèle comme ont pu le soutenir Marine le Pen et Jean-Luc Mélenchon. Il s’agit de l’embryon d’une réforme interne d’un service, avec une petite frappe devant servir les ambitions d’Emmanuel Macron mais se faisant recadrer rapidement par des institutions bien en place.

Pour le reste, cette « affaire » Benalla est surtout une grande comédie, un psychodrame déroulé en feuilletons haletants digne d’une série comme « House of Cards ». Alexandre Benalla n’en est que le triste et ridicule pantin.

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Écologie

Stanislas Kraland : vegan mais pas vraiment

Stanislas Kraland est un journaliste français dont le premier livre a été publié récemment (mai 2018) : « L’expérience alimentaire ». Il a exposé ses motivations et son parcours dans des articles et des vidéos du Huffington Post.

Le parcours se résume facilement. L’auteur avait une certaine sensibilité envers les animaux et est devenu végétarien puis il a cherché à passer le cap du véganisme – sans jamais y arriver puisqu’il dit dans ses vidéos qu’il n’a jamais arrêté les produits laitiers. Cette transition lui aurait causé de nombreux problèmes sur le plan physique et sur le plan psychologique. Il s’est donc remis à manger de la viande.

 

sébastien kraland, huffington post blog

 

Stanislas Kraland se veut démocratique. Il souhaite engager le débat sur le véganisme et les risques qui y seraient liés, selon lui. Son but : que personne ne blâme personne, et qu’une discussion calme se construise. Les vegans ne devraient pas critiquer son retour en arrière car l’auteur n’a rien contre les vegans.

 

Les problèmes soulevés sont-ils de vrais problèmes ?

 

sébastien kraland, l'obsL’auteur évoque des problèmes physiques comme des « fringales de sucre », « chute de masse musculaire », des troubles au niveau de certaines articulations, tendinites, « crise de sciatique extrêmement aiguë », « sursautements de membres » en position allongée, une hypersensibilité auditive (son oreille « ne supportait plus le bruit d’une cuillère qui tombait par terre »). Il pensait que devenir vegan aurait forcément un impact positif sur sa santé, il n’a donc pas cherché à établir un lien immédiatement.

Voici pour la présentation des problèmes physiques. Intéressons, aux plus gros problèmes rencontrés : ceux psychologiques. Essayer de devenir vegan aurait plongé l’auteur dans un état dépressif. Pour preuve : il est allé voir en psychiatre qui lui a prescrit des anti-dépresseurs.

On apprend donc qu’il a commencé à se dire « je n’aime pas cette planète », « je n’aime pas ce monde », « je n’aime pas cette société », « je n’aime pas mon travail », « je n’aime pas ma famille ». La raison de tous ces maux ? Le changement d’alimentation, encore une fois.

Les premiers problèmes décrits ont encore un minimum de poids avant qu’on en arrive à l’étape de la dépressions. Comment accorder de la crédibilité au témoignage d’une personne vivant dans un monde merveilleux de bisounours et qui, en réalisant que l’humanité se comporte d’une manière barbare envers la planète (déforestations, réchauffement climatique, pollution, blanchiment de coraux, etc.) et les animaux (abattoirs, tests sur les animaux, chasse à courre, etc.), tombe de haut et commence à déprimer ?

 

sébastien kraland, huffington post blog

 

Le problème ici est que tout cela est du ressenti et que cette personne a abandonné des principes qu’elle avait voulu défendre (très très modérément puisqu’elle n’a jamais été vegan). Impossible de faire la part entre l’exagération, le somatisation, et la vérité. Ajoutons à cela d’éventuels mensonges par omission et nous nous retrouvons dans un débat sans fin.

Cependant, une chose transparaît clairement : cette personne cherche à tout pris à justifier son revirement. On apprend même que sa dépression serait due à une carence en tryptophane, un acide aminé qui serait moins disponible dans les végétaux. Il est tout de même étonnant de voir le nombre de personnes vegan depuis dix ou quinze ans, ou plus, qui n’ont pas ce genre de trouble… On nous répondra que chacun est très différent, que certaines personnes peuvent être vegan et d’autres non, etc. Encore une discussion sans fin.

 

Ego et psychodrame contre morale et démocratie

 

S’il est impossible d’affirmer quoi que ce soit avec une certitude inébranlable concernant les symptômes décrits, il est revanche très simple de juger la démarche de la personne.

Cette personne dit qu’être vegan a été une des expériences les plus difficile de sa vie dans une vidéo, tout en reconnaissant… qu’elle a continué à consommer des produits laitiers. Elle n’a donc jamais été vegan.

Cette personne se veut démocratique et veut aider les gens à prendre conscience des risques à devenir vegan. Elle veut que chacun fasse des choix de manière éclairée et amener tout le monde à reconnaître que tout le monde ne peut pas devenir vegan – en raison des risques encourus.

sébastien kraland, l'obs
Après le végétarisme, les élevages…

Pourtant dans aucune de ses deux vidéos, il n’est fait mention de visites médicales, de prises de sang, de tentatives sérieuses pour comprendre d’où provenaient ses problèmes. Nous n’avons le droit qu’a des ressentis. Si tout ce que l’auteur décrit est vraiment lié à une alimentation végétalienne et qu’il était vraiment sincère, il aurait évoqué ses consultations, il aurait demandé si de l’aide pour savoir si d’autres personnes avaient les mêmes problèmes, et si oui, comment les surmonter.

Si cette personne avait un minimum de sincérité, elle ne profiterait pas des problèmes liés, encore une fois selon l’auteur, à une alimentation « quasi-végétalienne » pour vendre son livre.

Nous avons donc une personne qui a été vegan-mais-pas-vraiment-au-final, qui veut informer mais ne donne aucune information utile et qui profite de toute cette histoire pour mettre en avant son égo. On retrouve malheureusement la démarche insupportable de chez certains journalistes, doublé d’un niveau de conscience politique ras-les-pâquerettes, et d’un esprit carriériste étranger à toute l’histoire de la social-démocratie et du mouvement ouvrier.

Devenir vraiment vegan

Le véganisme est devenue une mode ces dernières années, tout particulièrement dans les centre des grandes villes comme Paris. De plus en plus de personnes le deviennent, mais qui dit mode dit égo et superficialité. Et cela se vérifie avec des personnes comme Stanislas Kraland.

Il n’est pas le premier à arrêter et faire une vidéo publique pour expliquer ses raisons. La santé est un argument massue dont bon nombres d’ex-vegan ont abusé pour justifier leur capitulation.

Pourtant, le véganisme porte quelque chose de fort et il est évident qu’une société socialiste ne peut que devenir vegan. L’humaniste Thomas Moore dans son Utopie, avait relégué l’abattage à l’extérieur de sa cité. Ce travail était même réservé aux esclaves, jugé disgracieux pour ces citoyens. Et quelques siècles plus tard, le végétarisme était un thème mis en avant au sein du mouvement ouvrier. Il est évident que tout notre rapport à la Nature et aux animaux doit changer.

Le véganisme va dans le sens de l’histoire, mais des personnes comme Stanislas Kraland préfèrent se cramponner au faible prestige que leur offre notre époque. Ces personnes veulent avoir l’air bien, elles pensent faire bien… jusqu’à ce qu’elles craquent, lorsqu’elles en ont marre de sacrifier quelques petits moments de confort. A ce moment-là arrive l’excuse de la santé: « ce n’est pas de ma faute, c’est mon corps ».

Arrêter est une chose, arrêter après avoir critiqué l’exploitation animale pendant des animaux en est autre. Et le faire, en plus, en se mettant en avant est immonde.

Stanislas Kraland est devenu un argument supplémentaires des anti-vegan. Il est devenu un allier objectif des boucheries, des éleveurs, et de toutes les personnes qui tuent et exploitent des animaux : « vous voyez, l’humanité ne pas devenir vegan ». Il n’est que l’expression d’une tendance de fond, d’une vague qui refuse d’aller de l’avant et se tourner vers la planète et les animaux.

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Culture

L’album « Scum » de Napalm Death

Napalm death, liveEn 1987, plusieurs années après leur formation et après plusieurs changements dans les membres du groupe, Napalm death sort un album qui deviendra un incontournable du genre : Scum. Le groupe est né dans la scène punk anglaise et fait partie de ceux qui ont opté pour un son beaucoup plus agressif : basse lourde et saturée, chant hurlé et surtout… des blast beats (rythme de batterie basique joués vraiment très rapidement). On parle alors de grindcore.

Culturellement, le groupe se situe dans cette tradition punk de rejet en bloc de la société, de ses valeurs et sa culture dominante. Les textes sont parfois courts, souvent simples, mais la rupture avec la société est nette.

Prenons pour exemple la toute première chanson qui est faite de bruits de fonds d’instruments sur lesquels le chanteur vient déclamer cette phrase en boucle : « Multinational corporations, genocide of the starving nations » (Entreprises multinationales, responsables du génocide des nations affamées).

Ou encore la chanson Point of no return (Point de non retour) :

They not only pollute the air

They pollute our minds

They’re destroying the earth

And destroying mankind

Polluted minds

Kill mankind

They don’t give a shit

Long as profits are high

They don’t give a shit

If people die

Polluted minds

Kill mankind

Que l’on pourrait traduire par :

Ils ne polluent pas seulement l’air,

Ils polluent aussi nos esprits.

Ils détruisent la planète

Et ils détruisent l’humanité.

Esprits pollués.

Tuer l’humanité.

Ils s’en fichent

Tant que les profits sont élevés.

Ils s’en fichent

Si des personnes meurent.

Esprits pollués.

Tuer l’humanité.

Napalm death, earacheSi le nihilisme punk se ressent encore, c’est bien la vie quotidienne qui est prise pour cible : multinationales, aliénation, mensonges, écologie. La rupture avec la société capitaliste est là et c’est qui permet de passer outre certaines faiblesses et certaines limites.

Car il y a bien plus de dignité à crier sa rage et son dégoût dans une chanson de grindcore de trente secondes que dans n’importe quelle tribune pompeuse signée par des universitaires carriéristes, ou n’importe quel tract syndical creux et vide de perspective.

Cette évolution du punk était inévitable mais arrive vite à une impasse : on ne peut augmenter le tempo indéfiniment. Passé un certain stade, la dimension explosive devient une fin en soi et l’on n’arrive plus à se sortir de cet état d’esprit. La rapidité et la brutalité deviennent des fétiches et les albums perdent, aussi paradoxal que cela paraisse, toute intensité tellement les chansons deviennent prévisibles.

Les débuts du grindcore avec Scum ont cette authenticité et cette spontanéité qui sont à la fois une force et un défaut. La difficulté est de maintenir cette rage brute et de la travailler, de chercher à faire de la musique sans se transformer en machine à « blast beats ». Napalm Death aura cherché cet équilibre durant ses trente années de carrière, mêlant critique sociale à leur musique de plus en plus teintée de (death) metal.

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Politique

« Combat » Alain Soral et Raptor Dissident : un écho de la décadence

Opération de promotion racoleuse en même temps que tribalisme réel, Alain Soral, chef de l’association « Egalité et Réconciliation » et le polémiste Ismaïl Ouslimani connu sous le pseudonyme du « Raptor Dissident » ont décidé de se taper dessus en mode MMA.

Alain Soral Twitter

Se taper dessus, c’est mal et idiot, voilà pourquoi nous refusons le MMA ; de la même manière, tout cela n’est qu’un écho grotesque de la démarche déjà mise en place par des youtubeurs parmi les plus célèbres, comme KSI.

Ce racolage et cette brutalité sont strictement parallèles au succès de Donald Trump, à la décadence de la société américaine, avec son culte de l’individualisme, de l’affirmation du moi.

Alain Soral aime se mettre en avant de manière narcissique en vantant sa soi-disant production d’écrivain et d’intellectuel et le Raptor Dissident s’aime tout autant, en jouant pareillement sur l’imagerie viriliste et agressive, avec des vidéos saccadés et insultantes, tout à fait dans l’esprit vain et vaniteux de l’époque : en 2017 il avait cumulé 25 millions de vues uniques, avec 500 000 abonnés.

Dans les deux cas, c’est le règne de longs monologues dans lesquels le youtubeur déroule, de manière unilatérale et avec un style outrancier et vulgaire, des réflexions populistes prétentieuses entendant « démasquer » les apparences.

Avec des photos d’eux partout et une réflexion sans aucune référence intellectuelle, que ce soit à des penseurs ou à l’histoire, on est dans l’idéologie décadente facebook-instragram-snapchat. Ce ne sont pas tant des fachos ou des conservateurs que des sous-produits de la destruction de la pensée. Il est vrai toutefois que c’est la nature inévitable justement des fachos et des conservateurs qu’être de tels sous-produits, des reflets du vide capitaliste.

Raptor dissident youtube

Il n’est donc guère étonnant qu’ils se bouffent entre eux. Le parcours du Raptor dissident en dit d’ailleurs très long. Né dans les années 1990, ce dernier a d’abord été actif sur le forum de jeuxvideo.com, qui est devenu au tournant des années 2010 un véritable espace d’expression pour une partie de la jeunesse attirée par l’affirmation dissidente de contre-modèles réactionnaires : identitaires, populistes ou islamistes en particulier.

Cette jeunesse, peu structurée politiquement et de plus en plus culturellement vide, offrait un public au potentiel énorme pour des agitateurs comme Dieudonné ou Alain Soral, qui apparaissaient porter cette volonté de rompre avec le « système », dans un style d’autant plus accessible qu’il était outrancier, vulgaire, prenant des cibles faciles comme la gauche post-moderne, petite-bourgeoise et insupportable de bout en bout.

C’est donc de là qu’a émergé progressivement le Raptor dissident, qui a su développer un style partant dans tous les sens, mais se présentant justement comme animé d’une sorte de foi chevaleresque pour les valeurs.

Et justement, donc, le Raptor Dissident, fort de son succès dépassant sur YouTube celui de l’association « Égalité et Réconciliation », a fini par attaquer Alain Soral par une vidéo publiée début juin compilant durant 40 minutes des extraits de celles d’Alain Soral pour mettre en avant certaines de ses contradictions, réfuter sa ligne jugée pro-islamiste et immigrationniste, l’accusant d’être marxiste.

 

Raptor dissident Youtube

La sortie de la vidéo a été prévue et annoncée des semaines à l’avance et répondait sans doute à un programme, une sorte de plan de carrière que le Raptor Dissident commence à dessiner. Celui-ci en effet met en avant, outre ses « idées », ses activités sportives, c’est-à-dire la musculation, le dopage et les sports de combat. La salle de musculation permet justement d’affirmer le narcissisme et la virilité supposée, mais cela ne suffit pas. Il faut le buzz.

D’une manière générale, l’esprit de « clash » est largement mis en avant sur YouTube, où certaines personnes ont gagné une réputation uniquement en postant des vidéos d’insultes, comme ce fut le cas pour Morsay, un commerçant des « puces » à Clichy connu pour son style extrêmement vulgaire notamment face à un identitaire nommé Vincenail qui s’est effacé depuis.

Pour Alain Soral, cette attaque était insupportable, sa situation étant devenu précaire. Par son style, ses outrances et ses attaques volontiers ad nominem ou allant même jusqu’à la promotion à peine voilée de l’idéologie nationale-socialiste, Alain Soral a forcément fini par avoir maille à partir avec les institutions bourgeoises et même avec YouTube. Ce qui a bien entendu encore plus alimenté sa propre paranoïa complotiste le poussant toujours davantage vers des outrances de plus en plus difficile à assumer pour certains de ses soutiens ou son public.

Alain Soral

Sans parler des prises de position littéralement délirantes comme son soutien à la Corée du Nord, son appel à Poutine pour envahir la France et son offre de collaborer avec une éventuelle occupation russe, en assumant d’ailleurs explicitement et avec un air manifestement amusé de sa provocation, toute la charge du terme renvoyant à Vichy sinon même à ce que fut le milieu de la Collaboration en tant que tel à Paris.

Après avoir pu capitaliser sur son succès internet, et réussi à organiser un public, en grande partie aussi grâce au soutien de l’humoriste décadent Dieudonné et en comptant aussi sur l’appui d’un certain nombre de groupuscules et de réseaux de l’extrême-droite, gravitant autour du Front National, de la mouvance catholique traditionaliste ou nationale-révolutionnaire, les énergies qu’il a pu capter sont en réalité en train de s’épuiser.

Toutes ses tentatives politiques ont abouti à des échecs cuisants et son ego vaniteux agressif et vulgaire ne lui a pas permis de densifier et de maintenir quelque chose qui pourrait s’apparenter à un parti. Le Raptor dissident entend en quelque sorte clouer le cercueil politique.

Alain Soral et Dieudonné

Évidemment, le doute existe encore comme quoi c’est une mise en scène, une division du marché, les deux tapant dans des créneaux différents, Dieudonné connaissant les deux et se proposant par ailleurs comme entremetteurs.

Cependant, le style en dit long. On est ici dans le tribalisme, l’absence d’ordre dans l’esprit, de mesure dans l’analyse, de valeurs bien circonscrites intellectuellement, de clarté dans l’expression. On est dans la manipulation émotionnelle, dans le racolage le plus éhonté, la quête du buzz.

Que l’extrême-droite témoigne ici qu’elle n’a rien à voir avec les apports de la France à la civilisation humaine, qu’elle corresponde en tous points au style décadent du capitalisme moderne… est plein de leçons.

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Au sujet du « Raptor dissident »

L’envergure du succès du « Raptor dissident » se voit au nombre de vues que l’algorithme de YouTube mesure, et il faut bien admettre que l’on est là présence d’une surface d’influence littéralement énorme : plus de 500 000 abonnés le suivent, ses vidéos atteignent et dépassent de plus en plus le millions de vues, notamment sur sa chaîne YouTube Raptor Dissident, avec plus de 2,5 millions de vues pour certaines d’entre celles de la série « Expliquez moi cette merde ».

Raptor dissident youtube

Les vidéos de sa seconde chaîne, Raptor vs Wild, où il anime de longues émissions dans un esprit plutôt radiophonique de plusieurs heures, avec des invités, rencontrent moins de succès en comparaison, mais tournent néanmoins autour d’une base solide de pratiquement 150 000 vues chacune. On peut donc parler ici d’un phénomène particulièrement significatif.

A quoi est dû ce succès ? Le « Raptor dissident », c’est donc d’abord un style. Un style exprimé par la connexion entre deux formes symétriques de la réaction que le YouTuber a su réaliser et développer de manière réussie.

D’abord, le Raptor s’est appuyé sur les codes expressionnistes propres à rassembler et à toucher toute une frange de sa génération. Cela autour d’un univers largement alimenté par des références aux jeux vidéos, aux mangas, aux blockbusters américains, aux émissions de télévision des années 1990-2000. On retrouve ici cet univers geek largement développé sur les réseaux ou sur YouTube par le Joueur du Grenier ou même Usul par exemple selon un style parallèle, assez similaire en tout cas sur la forme, le ton, le montage.

Mais cette forme, le Raptor l’a considérablement approfondie et politisée par toute une démarche culturelle, de nature « méta-politique », propre à l’extrême-droite. C’est-à-dire, un mélange d’individualisme aristocratique, mêlant dans une perspective romantique, un appel aux vertus chevaleresques, aux valeurs « identitaires » et à l’esprit de communauté, dans le but de produire et d’affirmer des cadres culturels en capacité d’influencer le débat public, par leurs idées et leur style.

Et pour cela, le Raptor a bénéficié de l’espace politique ouvert par Dieudonné et Alain Soral, en s’inscrivant lui-même dans ce courant de la « dissidence » populiste réactionnaire. Le Raptor a donc poussé cette démarche à fond, rassemblant autour de lui d’autres figures en mesure de renforcer cette ligne, comme Papacito en particulier.

D’autre part, le Raptor et sa bande ont perçu l’impasse vers laquelle se dirigeaient Dieudonné et Soral, qui après leurs premiers succès, se sont contentés d’une situation de rente propre à simplement leur assurer une existence confortable, mais ayant échoué à produire un changement culturel significatif selon eux.

Il s’agit alors d’approfondir la démarche en passant au-dessus de Dieudonné ou Soral, considérés non comme des adversaires mais comme des précurseurs, ou des concurrents, outranciers et surtout pas au niveau de la ligne qu’entend promouvoir le Raptor.

Celui-ci entend compléter la culture geek dont il est issu par tout un parallèle avec la culture réactionnaire antérieure, revoyant précisément à la France gaullienne d’avant Mai 1968, comme base idéalisée permettant de produire une image propre à marquer par son style et à rallier de manière large.

On a ici toute une démarche consistant à mettre en avant les codes de l’acteur Jean Gabin, notamment avec ce qu’essaye de reproduire quelqu’un comme Papacito, une mise en scène qui se pense irrésistible, « virile », avec des poses et des répliques surjouées, théâtralisées, forcées pour tout dire, une esthétique qui mélange les pages « culture » du Figaro ou de Valeurs Actuelles avec ses lunettes de soleil hors de prix et son goût pour la consommation distinctive et luxueuse, avec une attitude et un jeu et des punch-lines pour faire « populaire », vantant par exemple la nécessité d’éduquer à coup de « gifle avec élan » les immigrés récalcitrant à se sentir français.

Ou encore affirmant qu’au fond s’il y a des agressions contre les femmes, c’est aussi parce que les hommes ne sont plus des « bonhommes à l’ancienne », qu’il manquerait donc plus de patriarcat et d’autorité virile.

On a là le même anti-réalisme, caricaturant les types et forçant les traits mais qui s’affirme toutefois authentique, rejetant la modernité corrompue au nom de la liberté individuelle et de l’esprit du terroir et de « ceux qui triment » et qui se retrouvent dans leur temps libre à dialoguer entre copains, quand ils ne sont pas à salle pour « pousser » ou mettre les gants, entre mâles de préférence, échangeant sur leur écœurement face à l’écroulement du monde, entourés de filles reflétant symétriquement leur vulgarité désabusée, sur le ton de la dérision semi-sophistiquée et du bon mot, qu’on peut se permettre, parce qu’on a du muscle et qu’on est « street credible ».

Raptor dissident Youtube

C’est-à-dire qu’on a littéralement ici des petit-bourgeois qui se travestissent en ouvrier, méprisent les masses dont ils sont issus pour vivre romantiquement une aventure individualiste, une entreprise contre le reste du monde dont ils rejettent la médiocrité de manière unilatérale, en hommes libres et solitaires.

Évidemment, on a là aussi tout un écho avec le style développé par le réalisateur Michel Audiart, qui a mieux que personne joué sur cette confusion entre les valeurs de la Gauche et le soi-disant pragmatisme « concret » de la Droite, exprimant faussement le « bon sens » populaire de la seconde contre la première :« c’est la gauche qui me rend de droite » disait Audiard, et toute la démarche, tout le style du Raptor s’inscrit dans cette filiation, et mieux dans la posture, de la « rébellion » petite-bourgeoise contre le monde moderne.

Le Raptor a compris qu’un écho était jouable en affirmant le parallèle avec cette forme identifiable et malheureusement appréciée car mal comprise au sein de la culture de notre pays, et qui permet d’apparaître crédible, de dire quelque chose de familier, avec un style qui apparaît « français » et authentique.

La vulgarité de l’esthète désabusé, mais fort d’esprit et de corps, prolonge donc ici des figures propres à flatter l’esprit réactionnaire d’une partie des masses, piégées dans la culture beauf à qui elle donne une forme « noble », « cultivée », « aristocratique », comme l’a fait Louis-Ferdinand Céline dans le domaine littéraire ou Jean-Marie Le Pen dans celui de la politique, que le Raptor présente comme le « daron du game trop stylée et déter » face à sa fille surnommée ironiquement « Malika Le Pen » qui ne porte pas « ses couilles » et ne consiste en rien.

La « dissidence » du Raptor consiste donc à se reconnecter directement à ce style démagogique et à ces figures, en proposant une enveloppe modernisée, établissant une continuité propre à permettre l’héritage, d’exprimer faussement la « permanence » d’une rébellion française face à la Modernité, d’affirmer « l’homme ancien » contre le monde moderne. Il s’agit bien là en ce sens d’une offensive culturelle de la réaction, d’un populisme réactionnaire sur une ligne menant très clairement au fascisme.

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Société

Le pragmatisme froid de l’équipe de France

La France est normalement un pays de panache, privilégiant le style à l’efficacité. La frilosité imposée par Didier Deschamps a été insupportable pour de nombreux commentateurs et supporters pendant la Coupe du Monde.

Si la Coupe du Monde se matérialise par des étoiles sur les maillots des nations victorieuses, c’est peut-être parce que le public aime voir les équipes briller. De ce point de vue, la prestation de l’équipe de France a généré beaucoup de frustration chez les amateurs de football.

Impossible de ne pas remarquer que la France n’a pas été la plus forte. Quand elle a asphyxié la Belgique, ce n’était pas par son jeu, mais en refusant le jeu, comme face au Danemark – match qui d’ailleurs avait été vécu comme un petit traumatisme tellement il ne s’était rien passé.

En ce qui concerne la finale, les chiffres sont éloquents : deux buts en première période malgré zéro tirs et un nombre incroyable de ballons perdus, seulement 68 % de passes réussies sur l’ensemble du match et moins de 35% de possession. Au vu de sa prestation bien meilleure, la logique aurait voulu que la Croatie l’emporte.

Bien sûr, la France n’a été menée au score que 9 min sur l’ensemble du tournoi (face à l’Argentine), mais elle n’a que trop rarement donné l’impression de dominer son sujet. Mis à part quelques exploits individuels, et pas mal de chance, les “bleus” ont surtout pris soin de ne jamais prendre de risque, cherchant à contrer l’adversaire de manière opportuniste. Il n’y a pas eu de réelles phases de construction, d’intelligence collective. Il s’agissait surtout de miser sur les erreurs de l’adversaire.

Cela est totalement assumé. Face aux critiques, le sélectionneur répond :

« Mon boulot c’est de gagner des matches» car « le résultat change tout. Et seul le résultat peut dire si je me trompe ou pas, si j’ai raison ou pas.»

C’est un pragmatisme froid, cynique. Et on se demande alors qu’elle a sa définition du sport, voir même du football. Car, ce qu’aime le public, ce qu’aiment les amateurs de football, c’est le jeu, et précisément le beau-jeu qui fait gagner, pour être champions du monde en proposant le meilleur football du monde.

Mais avec un raisonnement comme celui de Didier Deschamps, le football n’est plus qu’un outil pour satisfaire les orgueils nationaux. Car c’est une chose de soutenir son pays, puisque sur le plan personnel cela nous renvoie à un héritage, des traditions, un quotidien, mais cela en est une autre de vouloir écraser les autres à tout prix.

Le football est un jeu et ce qui devrait compter est le jeu. Tel ne fut pas le cas, et c’est ouvertement assumé aussi par exemple par Raphaël Varane dans une interview à l’Équipe :

“Nous on n’était pas venus pour jouer, on était là pour gagner, pour détruire l’adversaire. On sait qu’on n’a pas fait le plus beau jeu du tournoi. […] On était l’équipe la plus glaçante, oui, c’est ça, on était glaçants. On était des tueurs à sang froid. Quand je vois la finale contre la Croatie, c’est ça.”

Ces propos font froid dans le dos. Il n’est pas étonnant que Raphaël Varane soit défenseur titulaire du Real de Madrid, dont le pragmatisme s’opposent historiquement à la tradition de beau jeu et d’intelligence collective du FC Barcelone. Il a d’ailleurs évolué dans l’ombre de Sergio Ramos, qui est une caricature de cynisme et de pragmatisme dans le football moderne.

> Lire notre article : Le “football moderne” ne sanctionne pas Sergio Ramos pour son agression sur Mohamed Salah

Le discours de Varane n’est pas anodin. Il relève d’une idéologie de la concurrence capitaliste, de guerrier prêt à tout pour servir les dirigeants de son pays, mais pas de l’esprit du sport, ni d’un état d’esprit populaire.

L’équipe de France a beaucoup d’influence sur les jeunes ainsi que dans les centres de formation. Cela a très bien été remarqué par le joueurs français Hatem Ben Arfa, qui explique de manière intéressante dans une chronique à France Football :

“Pour moi, ce serait dangereux de se cacher derrière cette deuxième étoile pour faire du jeu des Bleus une référence mondiale. On ne va pas se le cacher : le style et l’identité ultraréalistes des Français sont assez moches. Et je n’ai pas envie que ce style-là devienne désormais la norme dans les centres de formation ou les clubs, puisque l’on a souvent l’habitude d’essayer de copier le nouveau champion du monde.

Je ne peux pas non plus me résoudre à gagner ainsi avec des talents aussi inventifs que Griezmann, Fekir, Mbappé ou Dembélé. Je pense que c’est du gâchis. Vu nos forces, on pourrait être beaucoup plus audacieux, moins caméléons. Pour connaître certains Bleus, je sais qu’ils ne se fichent pas de la manière et qu’ils n’auraient rien contre une évolution du jeu proposé.”

On pourrait arguer que Ben Arfa est un idéaliste, naïf face aux enjeux du football moderne. D’autant plus qu’il dit que Didier Deschamps devrait partir et que :

« Ce serait ensuite à son successeur de profiter du potentiel technique et de “libérer” les talents pour avoir une identité de beau jeu à la française, comme les Brésiliens en ont une. Et pour qu’on ne prenne pas du plaisir que dans les résultats. »

Cependant, l’intelligence et le bon sens sont en faveur d’Hatem Ben Arfa. Ce qui devrait primer, c’est le jeu, la beauté et le plaisir du jeu. Le football est un sport, ce n’est que du sport. La victoire n’est pas tout, ce n’est qu’un but, une motivation ; la défaite ne doit pas être insupportable. L’équipe de France n’a pas à être une start-up destinée à satisfaire le nationalisme et l’idéologie libérale-pragmatique d’un Emmanuel Macron.

Hatem Ben Arfa touche à un point essentiel quand il parle d’identité française. Car ce qui ressort de tout cela, en somme, c’est l’absence de caractère français au jeu de l’équipe de France.

On peut même dire que cette équipe n’avait pas d’identité du tout. Là encore, c’est très bien résumé et assumé par Raphaël Varane :

« C’est quoi le niveau international ? Quand est-ce que tu attaques, quand est-ce que tu défends, quand est-ce que tu laisses le ballon à l’adversaire… On regarde l’adversaire, et, après, on voit comment on peut jouer, nous. »

Il est intéressant de noter que ce discours s’oppose directement à celui de Bixente Lizarazu à propos de l’équipe de France 1998. Pour lui l’équipe avait une identité propre :

« Nous imprimions notre rythme et notre style, quel que soit l’adversaire, avec une base défensive très forte et une grosse agressivité dans les duels qui nous permettaient d’user nos adversaires avant que nos talents offensifs finissent le job.»

De nombreux commentateurs et amateurs du Football ont remarqué cela et le regrettent. Si les gens étaient contents de pouvoir faire la fête, on ne peut pas se satisfaire d’une telle victoire dans la manière. Car, en France, il y a l’art et la manière, comme le dit l’expression (qui est difficilement traduisible dans d’autres langues).

 

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Politique

« Principes du syndicalisme » (le « Manifeste des douze »)

Lorsque le régime de Vichy se met en place le 10 juillet 1940, il organise un système corporatiste. A ce titre, les syndicats sont dissous le 9 novembre 1940.

Au lieu de se confronter au régime, l’esprit syndicaliste tente la négociation, en proposant un meilleure encadrement des ouvriers que le corporatisme et l’antisémitisme, tout en reconnaissant la valeur du planisme.

C’est ainsi que naît le document intitulé « Principes du syndicalisme » et connu sous le nom de « Manifeste des douze », en raison des douze signataires.

Il s’agit de Maurice Bouladoux, Gaston Tessier et Jules Zirnheld pour la CFTC (le syndicat chrétien, qui devient la CFDT en 1964), et d’Oreste Capocci, François Chevalme, Albert Gazier, Eugène Jacoud, Robert Lacoste, Christian Pineau, Louis Saillant et Victor Vandeputte pour la CGT.

Le titre choisi en référence à « Le syndicalisme français », un texte du même esprit écrit en 1937 par le très anticommuniste Léon Jouhaux, alors dirigeant de la CGT. Christian Pineau, Victor Vandeputte, Eugène Jacoud et Oreste Capocci sont d’ailleurs membres de la tendance anticommuniste « Syndicats » ; Pierre Neumeyer rejoindra quant à lui Force Ouvrière à sa création issue de l’anticommunisme, après 1945.

C’est un excellent exemple d’esprit syndicaliste de participation aux institutions, de cogestion, de théorie du « syndicat libre », etc.

PRINCIPES DU SYNDICALISME FRANÇAIS
Syndicats CGT et CFTC
15 novembre 1940

Le syndicalisme français doit s’inspirer de six principes essentiels :

A. Il doit être anticapitaliste et, d’une manière générale, opposé à toutes les formes de l’oppression des travailleurs.

B. Il doit accepter la subordination de l’intérêt particulier à l’intérêt général.

C. Il doit prendre dans l’État toute sa place et seulement sa place.

D. Il doit affirmer le respect de la personne humaine, en dehors de toute considération de race, de religion ou d’opinion.

E. Il doit être libre, tant dans l’exercice de son activité collective que dans l’exercice de la liberté individuelle de chacun de ses membres.

F. Il doit rechercher la collaboration internationale des travailleurs et des peuples.

A. Anticapitalisme.

Le syndicalisme a été le premier à comprendre et à dénoncer la responsabilité du capitalisme dans les crises économiques et les convulsions sociales et politiques de I’après-guerre.

Les financiers et les trusts internationaux, de grandes sociétés anonymes, des collectivités patronales, véritables féodalités économiques, groupements menés par un nombre limité d’hommes irresponsables, ont trop souvent sacrifié les intérêts de la patrie et ceux des travailleurs au maintien ou à I’accroissement de leurs bénéfices.

Ils ont systématiquement arrêté le développement de la production industrielle française par leurs opérations monétaires, les exportations de capitaux, le refus de suivre les autres nations dans la voie du progrès technique.

Ils sont plus responsables de la défaite de notre pays que n’importe quel homme politique, si taré ou incapable soit-il.

Au régime capitaliste doit succéder un régime d’économie dirigée au service de la collectivité. La notion du profit doit se substituer à celle du profit individuel.

Les entreprises devront désormais être gérées suivant les directives générales d’un plan de production, sous le contrôle de l’Etat avec le concours des syndicats de techniciens et d’ouvriers.

La gestion ou la direction d’une entreprise entraînera, de plein droit, la responsabilité pleine et entière pour toutes les fautes ou abus commis.

C’est ainsi et ainsi seulement que le chômage pourra être supprimé, que les conditions de travail pourront être améliorées de façon durable et aboutir au bien-être des travailleurs, but suprême du syndicalisme.

B. Subordination de l’intérêt particulier à l’intérêt général.

Cette subordination doit être effective dans tous les domaines et, en particulier, à l’intérieur des organisations syndicales elles-mêmes.

L’excès d’individualisme a toujours empêché dans notre pays toute action collective coordonnée, chacun croyant avoir le droit, après avoir exprimé son point de vue, d’entraver par son action personnelle l’application des décisions nécessaires prises par la majorité.

Le syndicalisme est un mouvement collectif ; il n’est pas la somme d’un grand nombre de petits mouvements individuels.

Les hommes n’ont pour lui de valeur que dans la mesure où ils servent sa cause et non la leur. Toute l’histoire du syndicalisme prouve d’ailleurs que c’est par l’action collective que la défense des intérêts individuels est le mieux assurée.

C. Place du syndicalisme dans l’État.

Le syndicalisme ne peut pas prétendre absorber l’État. Il ne doit pas non plus être absorbé par lui. Le syndicalisme, mouvement professionnel et non politique, doit jouer exclusivement son rôle économique et social de défense des intérêts de la production.

L’État doit jouer son rôle d’arbitre souverain entre tous les intérêts en présence. Ces deux rôles ne doivent pas se confondre.

D’autre part, I’action syndicale et la souveraineté de l’État s’exerceront d’autant plus facilement que les professions seront organisées.

Cette organisation professionnelle indispensable ne doit pas faire échec à l’action d’un organisme interprofessionnel capable d’avoir, sur les problèmes économiques et sociaux, une vue d’ensemble et de pratiquer une politique de coordination. L’organisation des professions dans des cadres rigides aboutirait à un système étatiste et bureaucratique.

La suppression définitive des grandes confédérations interprofessionnelles nationales serait, à cet égard, une erreur. Il n’y a pas à choisir entre le syndicalisme et le corporatisme. Les deux sont également nécessaires.

La formule de l’avenir c’est : le syndicat libre dans la profession organisée et dans l’État souverain.

De la souveraineté de l’État et de l’efficacité de son rôle d’arbitre dépend la suppression pratique de la grève, en tant que moyen de défense des travailleurs.

Il serait inique de priver ces derniers de tous moyens d’action, si l’État ne se porte pas garant, vis-à-vis d’eux, de l’application stricte de la législation sociale et du règne de l’équité dans les rapports sociaux. La lutte des classes qui a été jusqu’ici un fait plus qu’un principe ne peut disparaître que :

— Par la transformation du régime du profit.

— Par l’égalité des parties en présence dans les transactions collectives.

— Par un esprit de collaboration entre ces parties, esprit auquel devra se substituer, en cas de défaut, l’arbitrage impartial de l’État.

D. Respect de la personne humaine.

En aucun cas, sous aucun prétexte et sous aucune forme, le syndicalisme français ne peut admettre, entre les personnes, des distinctions fondées sur la race, la religion, la naissance, les opinions ou l’argent.

Chaque personne humaine est également respectable. Elle a droit à son libre et complet épanouissement dans toute la mesure où celui-ci ne s’oppose pas à l’intérêt de la collectivité.

Le syndicalisme ne peut admettre en particulier :

— L’antisémitisme.

— Les persécutions religieuses.

— Les délits d’opinion.

— Les privilèges de l’argent.

Il réprouve en outre tout régime qui fait de l’homme une machine inconsciente, incapable de pensée et d’action personnelles.

E. La liberté.

Le syndicalisme a été et demeure fondé sur le principe de la liberté : il est faux de prétendre aujourd’hui que la défaite de notre pays est due à l’exercice de la liberté des citoyens, alors que l’incompétence de notre état-major, la mollesse de nos administrations et la gabegie industrielle en sont les causes intérieures.

La liberté syndicale doit comporter :

— Le droit pour les travailleurs de penser ce qu’ils veulent, d’exprimer comme ils I’entendent, au cours des réunions syndicales, leurs pensées sur les problèmes de la profession.

— Le droit de se faire représenter par des mandataires élus par eux.

— Le droit d’adhérer à une organisation syndicale de leur choix ou de n’adhérer à aucune organisation.

— Le droit de ne pas voir les organisations syndicales s’ingérer dans la vie privée.

La liberté peut comporter des abus. Il est moins important de les réprimer que d’éviter leur renouvellement.

A cet égard, I’éducation ouvrière, mieux que toutes les menaces ou contraintes, doit donner aux travailleurs les connaissances et les méthodes d’action et de pensée nécessaires pour prendre conscience des intérêts généraux du pays, de l’intérêt de la profession et de leur véritable intérêt particulier. Il appartiendra aux professions d’organiser, sous le contrôle des syndicats et de l’État, cette éducation ouvrière.

F. Collaboration internationale.

Si le syndicalisme n’a pas à intervenir à la place de l’État dans la politique du pays, il doit néanmoins se préoccuper :

— Des conditions internationales de la production.

— Du sort du travailleur dans le monde entier.

— De la collaboration entre les peuples, génératrice de mieux-être et de progrès.

Il serait, en effet, insensé de croire que notre pays pourra demain vivre sur lui-même, s’isoler du reste du monde et se désintéresser des grands problèmes internationaux, économiques et sociaux.

L’AVENIR DU SYNDICALISME FRANÇAIS

L’avenir du syndicalisme français dépend :

— De l’avenir de la France.

— De son organisation économique et sociale.

— Des hommes qui en prendront la tête.

De l’avenir de la France, nous ne devons pas désespérer.

Nous ne devons pas nous considérer, au hasard d’une défaite militaire, comme une nation ou un peuple inférieur. Nous reprendrons notre place dans le monde dans la mesure où nous aurons conscience de la place que nous pouvons prendre.

L’organisation économique et sociale de la France devra faire table rase des erreurs du passé. Nous avons donné les principes essentiels de cette organisation nouvelle.

Quant aux hommes qui peuvent prendre la tête du Mouvement syndical, ils doivent remplir les conditions suivantes :

— N’avoir pas une mentalité de vaincus.

— Faire passer l’intérêt général avant leur intérêt particulier.

— Respecter la classe ouvrière et avoir la volonté de la servir.

— Posséder les connaissances générales et techniques nécessaires pour faire face aux problèmes actuels.

Pour défendre le syndicalisme français, ses traditions et son avenir.

Pour défendre leurs intérêts professionnels.

Pour éviter le chômage et la misère.

Pour sauver leurs intérêts.

Les travailleurs français se grouperont.

Maurice BOULADOUX, ex-secrétaire adjoint de l’ex-C.F.T.C.

Oreste CAPOCCI, secrétaire général de la Fédération des employés (ex-C.G.T.).

L. CHEVALME, secrétaire général de la Fédération des métaux (ex-C.G.T.).

A. GAZIER, secrétaire général de la Chambre syndicale des employés de la région parisienne (ex-C.G.T.).

E. JACCOUD, secrétaire général de la Fédération des moyens de transports (ex-C.G.T.).

R. LACOSTE, ex-secrétaire de la Fédération des fonctionnaires (ex-C.G.T.).

P. NEUMEYER, ex-secrétaire de la Fédération des fonctionnaires (ex-C.G.T.).

Ch. PINEAU, secrétaire de la Section fédérale de banque et de bourse (ex-C.G.T.).

Louis SAILLANT, secrétaire de la Fédération du bâtiment et du bois (ex-C.G.T.).

Gaston TESSIER, ex-secrétaire général de l’ex-C.F.T.C.

VANDEPUTTE, secrétaire général de la Fédération du textile (ex-C.G.T.).

Jules ZIRNHELD, ex-président de l’ex-C.F.T.C.

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Société

Nouvelle campagne d’AIDES : #PrEP4Love

L’association AIDES, qui lutte contre le SIDA et pour la défense des personnes séropositives, vient de lancer la campagne « #Prep4Love » pour faire la promotion de la PrEP (Pre-Exposure Prohylaxis, soit Prophylaxie Pré-Exposition en français). La PrEP est un médicament qui permet de se protéger du VIH, il vise particulièrement les personnes ayant de fortes chances de contracter le virus.

AIDES - PrEP4Love

L’idée derrière la PrEP est de proposer un traitement préventif à des catégories de personnes dites «  à risque ». La première cible est ainsi constituée des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes.

Truvada

 

Le traitement a été conçu et commercialisé par le laboratoire américain Gilead Sciences s’appelle « Truvada ». Il n’est accessible en France que depuis le début des années 2010 et est pris en charge par la sécurité sociale depuis 2016. D’autres pays européens se sont aussi mis à proposer ce médicament.

Le traitement peut se prendre de deux manières : soit en continu, soit lors de périodes d’activité sexuelle. Dans le deux cas, l’idée est d’empêcher la personne de contracter le VIH. Différentes études ont été menées, et ont suscité un fort engouement pour cette méthode préventive : le risque de contamination est extrêmement faible (si le traitement est bien pris), autant voire moins qu’avec un préservatif. Il n’en fallait pas plus pour que qu’une sorte de lobby pro-PrEP se mette en place.

Seulement, les belles annonces d’AIDES cachent une réalité qui n’est pas si belle que cela. En premier lieu, beaucoup de personnes s’inquiètent de voir des années de préventions sur l’utilisation du préservatif être battues en brèche. Quand on sait qu’il y a une insouciance préoccupante, voire de l’ignorance ou de la désinformation, en ce qui concerne les maladies et infections sexuellement transmissibles, on ne que s’inquiéter de l’impact que pourrait avoir un traitement miracle.

Le site d’information prep-info.fr et AIDES font de la cible principale de la PrEP des victimes de leur condition. Comment peut-on être à ce point individualiste et libéral pour en arriver à dire « allez-y, continuez on est avec vous » à des personnes qui ont fait le choix d’une fuite en avant dans la décadence ?

On ne parle pas de personnes qui ont pu faire quelques erreurs, en terme de protection, durant leur vie. Quand une personne multiplie les rapports sans protection, elle sait très bien qu’elle prend des risques. Surtout quand les campagnes de prévention visant la communauté gay, comprendre gay festif-décadent, s’ajoutent à celles de prévention visant la population en général.

Deuxièmement, ce que ne veut pas dire AIDES sous prétexte de ne pas juger qui que ce soit, est le principal groupes de personnes à risques est composé de personnes ayant un comportement qui est socialement criminel : multiplier les partenaires sans se protéger (surtout lors entre hommes) c’est prendre des risques pour sa santé et celles de ses partenaires.

« Idée reçue n°5 : La PrEP c’est pour les salopes

Oui. Mais pas que. Le risque de contamination au VIH ne dépend pas seulement de l’intensité d’une vie sexuelle mais aussi du groupe sexuel auquel on appartient. Par exemple, à pratiques et nombre de partenaires égaux, un garçon homosexuel a 200 fois plus de risques de contracter le VIH qu’un garçon hétérosexuel. La PrEP s’adresse donc à toutes celles et ceux qui, salopes ou saintes-n’y-touche, se savent à haut risque de contracter le VIH et souhaitent réduire ce risque. »

http://prep-info.fr/10-idees-recues

 

AIDES - PrEP4Love, groupes à risque

Une insulte pour quantités de malades

Il est un point qui fera bondir n’importe quelle personne qui n’est pas contaminée par l’ultra-libéralisme ambiant : le traitement est pris en charge à 100 % par la sécurité sociale. Sans les génériques, le coût est d’environ 400 euros par mois. Avec, il est de moins de 200 euros.

Ceci est une insulte à toutes les personnes qui doivent mettre de leur poche pour se soigner ou seulement soulager leur quotidien, pour toutes les personnes qui sont allées dans une clinique privée pour ne pas attendre des mois et des mois avec les hôpital public, pour toutes les personnes qui sont en arrêt maladie de longue durée et qui se retrouve à perdre de l’argent parce que leur entreprise ne complète pas ou plus l’indemnité de base de la sécurité sociale.

Ceci est une insulte à toutes les personnes qui ont de véritables maladies pour lesquelles la recherches n’avance pas, ou peu, en raison de manques de moyens. Parce que pour en arriver à une commercialisation d’un médicament comme le Truvada, il y a des des recherches, des tests, des campagnes, etc. Tout cet argent aura pu servir à autre chose…

Plutôt que de venir en aide aux personnes vraiment malades, l’État a préféré signer un chèque un blanc à un énorme laboratoire pharmaceutique. Tout cela pour que des personnes irresponsables puissent vivre en décadence sur le dos de la société. Bien entendu, les pro-PrEP répondront qu’il y a plusieurs publics pour la PrEP, mais ils ne font que les prendre en otage pour cacher le fait que 97 % des personnes qui prennent la PrEP aujourd’hui en France sont… des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes.

 

AIDES, association vendue à l’ultra-libéralisme

 

Faire passer les détracteurs de la PrEP pour des réactionnaires est un classique des défenseurs du libéralisme : ces personnes s’imagent être dans le camp du progrès, toute attaque contre leurs positions relèveraient donc de la réaction.

Mais il faut être aveugle pour ne pas voir qu’elle est un des porte-étendard du libéralisme et du nombrilisme en vogue où tout n’est que question de « baise ». Être épanoui, ce serait baiser librement.

Qualifier les prostituées de travailleurs du sexe est une agression en règle contre le principe même d’une relation sincère fondée sur des sentiments. On ne peut pas avoir le libéralisme où tout se vend et tout s’achète, et la romance. Il faut choisir, et AIDES a choisi son camp.

 

Solidarité

 

Le socialisme ne laissera personne sur le bord de la route : toutes les personnes malades doivent avoir une vie la plus normale possible. L’intérêt de laboratoires privés ne doit pas passer devant les intérêts des masses. Une personne séropositive ne doit pas être discriminée ou traitée comme une sous-patiente, peu importe la manière dont elle a été contaminée. En revanche, une société socialiste ne saurait accepter que l’on fasse la promotion de pratiques et de modes de vie socialement criminels. Pas de civilisation sans morale.

 

AIDES - PrEP en France

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Société

Le régime et Emmanuel Macron profitent de la victoire de l’Équipe de France

La victoire de l’Équipe de France de Football à la Coupe du Monde a été largement mise en scène. La population est en quelque sorte privée d’une célébration intime, sincère, authentique. Les avions de la patrouille de France ont fait leur apparition au-dessus de Paris, comme pour bien rappeler les célébrations militaristes de l’avant-veille. De nombreux prêtres ont saisi l’opportunité pour sonner les cloches des églises et rappeler leur existence. Emmanuel Macron a été fortement mis en avant, etc.

Quoi qu’on en dise, le régime en place est le grand gagnant de la victoire de l’équipe de France de Football. Cela est bien sûr nié par l’immense majorité des commentateurs qui expriment à l’unisson la même béatitude surjouée, afin que surtout aucune voix dissonante ne transparaisse.

Et comme s’il fallait prévenir la critique, celle-ci est dénigrée dans son essence même. À ce jeu, on peut noter la copie tout à fait typique rendue par le rédacteur en chef du Figaro Guillaume Tabard, expliquant que :

« Chez tous ceux-là, une incapacité à se laisser emporter par la joie et, sur le plan politique, la hantise de voir Emmanuel Macron s’emparer de cette victoire, pour ne pas dire l’accaparer. »

Cela est très bien vue de parler de joie, car au centre de tout cela il y a en effet les masses et la joie qu’elles ont exprimée. Les célébrations ont été intenses après la victoire.

Cela avait d’ailleurs commencé dès l’après-midi avant même la rencontre contre la Croatie. Une ambiance guillerette, voire pétillante, traversait la France ensoleillée ce dimanche. Dans les villes et les campagnes, dans les stations balnéaires et les campings, les masses se parlaient ou se regardaient affectueusement.

Il y avait un parfum de 1998 avec des places de villages réunies autour d’un écran, des familles dans les jardins où les femmes, surtout les anciennes, étaient là pour réguler les excès regrettables des hommes avec l’alcool, des centres-villes où la jeunesse plus intellectuelle et cultivée prenait plaisir à s’associer à une joie simple et populaire, des cités de banlieues où l’enthousiasme était particulièrement exacerbé, et puis encore à Paris, où il y avait un peu de tout cela.

Il faut reconnaître aussi l’immense ferveur des gens qui ont attendu pendant de nombreuses heures en plein soleil l’arrivée des joueurs sur les Champs-Élysées. Il y a là quelque chose d’éminemment populaire, relevant d’une véritable communion nationale, à l’opposée par exemple des cérémonies administratives organisées par le régime pour célébrer son Armée chaque 14 juillet.

Au contraire, ce genre de défilé parisien massif, rassemblant plusieurs centaines de milliers de personnes pour un événement sportif, est quelque-chose de rare et précieux. C’était le quatrième. Il y a eu 1998 évidemment, dans une moindre mesure 2000 après la victoire à l’Euro de Football, et il y avait eu avant seulement l’incroyable déambulation du champion de course à pied Jules Ladoumègue en 1935 devant 400 000 personnes.

Il était une figure ouvrière, proche du Parti Communiste, et victime d’institutions sportives réactionnaires l’interdisant de pratiquer son sport, jusqu’à le priver de Jeux Olympiques. L’URSS lui avait proposé de concourir là-bas ; le journal Paris-Soir avait organisé pour son retour une course d’exhibition à travers Paris dont le succès fut immense.

Ce lundi 16 juillet 2018, les masses n’auront par contre pas véritablement célébré la prestation sportive des “bleus”. On ne peut pas dire que l’équipe a brillé de par le jeu qu’elle a proposé ; elle a même fait preuve d’une réussite insolente pour s’imposer face à la Belgique puis à la Croatie. Mais là n’est pas du tout la question.

Le sport n’est ici qu’un prétexte. La population s’empare de cette victoire à la Coupe du Monde pour exprimer quelque-chose de plus important que simplement le football. Cela dépasse le sport et n’appartient même pas aux joueurs eux-mêmes, pas plus qu’à Didier Deschamps.

Les joueurs ne sont pas extérieurs à l’événement, par définition, évidemment. Ils en sont simplement l’incarnation. Cela s’est traduit entre-autre par la reprise de plusieurs chansons dédiés à certains joueurs, diffusées grâce aux réseaux sociaux.

Les deux plus populaires sont celles dédiées à N’Golo Kanté, dont la qualité de jeu est particulièrement appréciée, et à Benjamin Pavard. Cette dernière fait écho à un chant stupide et très grossier des supporters marseillais pour leur finale de Ligue Europa à Lyon (sur un air classique de supporters anglais), qui a connu un grand succès au printemps chez les jeunes garçons amateurs de football partout en France.

La ferveur populaire prend donc comme prétexte le football pour exprimer un besoin social, qui est en quelque sorte un besoin d’unité.

Le régime n’a surtout pas envie de cette unité populaire, mais plutôt d’une unité derrière ses institutions et le système économique qu’il promeut. C’est la raison pour laquelle il tend à personnifier largement les célébrations. Les joueurs sont donc mis au centre du dispositif, présentés comme étant des individus ayant réussis quelque-chose.

Quand les masses disent “on a gagné”, parce que l’élan est collectif, le régime préfère un “merci les bleus”.

Pour les masses, peu importe qu’il n’y avait pas 67 millions de français sur le terrain, ce qui compte est l’unité autour d’un même mouvement, d’une même cause, aussi futile soit-elle.

Cela ne saurait compter pour les représentants du capitalisme où l’entreprise individuelle et la réussite personnelle sont au centre de tout.

C’est ainsi que de nombreuses grandes entreprises ont communiqué ce “merci les bleus”. C’est également le coeur du message d’Emmanuel Macron et de toute la communication qu’il a mise en place, faisant de cette victoire presque une “affaire d’État”.

La question n’est pas ici de savoir si le président Macron profitera personnellement de l’événement. Il ne faut pas sous-estimer les masses françaises qui, normalement, au moins pour celles ayant un héritage politique, ne se font pas avoir aussi facilement.

Par contre, parce qu’elles sont largement dépolitisées, abandonnées depuis longtemps par la Gauche, elles se retrouvent désemparées face aux institutions qui profitent de l’événement pour maintenir et renforcer le régime.

Emmanuel Macron joue un rôle important en ce sens. Il a méticuleusement soigné son approche de la question, en étant toujours là tout en prenant soin de ne jamais donner l’impression d’en faire trop.

Lors de sa visite en Bretagne pendant les phases de poule, il avait fait en sorte de “s’éclipser” pour assister à la deuxième mi-temps d’un match debout au milieu des clients d’un bar, commandant une bière et payant sa tournée pour fêter la victoire.

Il a fait inviter des jeunes footballeurs d’Île-de-France à l’Élysée pour un autre match, rendu visite aux joueurs dans les vestiaires après la victoire contre la Belgique tout en prenant soin de ne pas diffuser de photos, etc.

Les images de sa présence dans le vestiaire après la victoire en finale, appelant les joueurs “les enfants”, ont par contre été largement diffusées. Les commentaires promouvaient systématiquement son discours “émouvant”, suite logique de son attitude “survoltée” durant la rencontre.

Il avait emmené avec lui un sous-officier de l’Armée gravement blessé au Mali, afin de servir un odieux discours nationaliste, hautain, mélangeant tout et n’importe quoi, relativisant quelque chose d’aussi grave que la guerre avec du sport :

«Je l’ai revu [le militaire] le 13 juillet, il était sur un fauteuil roulant […]. Il m’a dit: “J’ai une faveur à vous demander. Après-demain, quand vous verrez les joueurs, dites-leur qu’ils ont fait rêver un petit Français comme moi.” C’est pour ça que je voulais vous l’emmener, parce que je voulais que vous vous rendiez compte de ce que vous faites».

Certains joueurs sont littéralement tombés dans le panneau pour célébrer le régime. Comme si finalement leur victoire était aussi importante pour la population que l’ouverture d’une usine donnant du travail à des milliers d’ouvriers, ou encore une découverte scientifique permettant de grandes avancées sur le plan écologique.

Benjamin Mendy s’est carrément permis un “dab” avec Emmanuel Macron tandis que Blaise Matuidi, le prenant en accolade, s’exclamait : « Avec Monsieur le Président, vive la France, vive la République ! ».

Le lendemain, le transfert des joueurs vers Paris depuis l’aéroport a également été organisé de manière à ce que la célébration des individus soit totale. On a laissé des gens s’arrêter à pied sur l’autoroute pour “voir” leur bus de prêt, d’autre circuler à scooter, sans gants, portable à la main, parfois debout sur leurs machines, au milieu de l’escadron de police motorisé encadrant le bus.

La suite de cela fût une grande “garden party” dans les jardins de l’Élysée. Étaient invités un millier de jeunes issus des clubs d’origines des joueurs de l’équipe de France, afin de souligner encore une fois le caractère individuel de l’aventure. Il était bien sûr expliqué qu’il y avait parmi-eux probablement les “futurs Mbappé”, comme si le sport amateur n’était en fait là que pour servir de réservoir au sport de haut niveau et aux clubs professionnels.

Les médias ont relayé tout cela en grandes pompes, meublant avec des interventions de journalistes ridicules voulant à tout prix se placer au coeur de l’événement. TF1, France 2, les quatre chaînes d’information en continu et la chaînes L’Équipe ont toutes assurées un direct de plusieurs heures.

En ce qui concerne la classe politique, les principales figures ont relayé, forcément, le remerciement aux “bleus”.

Édouard Philippe: « Champions du monde !!! Quel match ! Quel mondial ! Quelle équipe ! Vous faites la fierté de votre pays, bravo ».

Benjamin Griveaux: « GÉANTS 20 ans après, merci les Bleus d’offrir le rêve à une nouvelle génération » (Twitter)

François de Rugy: « On est les champions, on est, on est, on est les champions ! Bravo LesBleus ! Et bravo aux Croates pour leur jeu. Beau moment de football, beau moment de rassemblement et de fierté nationale »

Christophe Castaner: « Toucher les étoiles ! Merci à l’équipe de France ! »

Valérie Pécresse: « Champions du monde. Quel match ! Quels joueurs ! Ils ont réussi… Merci Didier Deschamps pour ce bonheur ! »

Anne Hidalgo: « Champions du monde ! Quel bonheur ! Quel match ! C’était un rêve, vous en avez fait une réalité. Merci les Bleus !

Parti socialiste: « Champions du monde ! Félicitations à l’équipe de France qui 20 ans après réitère l’exploit en s’imposant 4-2 en finale ! Bravo les Bleus ».

Manuels Valls: « Un immense merci aux Bleus, à Griezmann, Pogba, Mbappé… à la défense de fer avec Varane et Umtiti… au stratège Deschamps qui a construit un groupe soudé, efficace et fort de ses valeurs. C’est beau le foot ».

Laurent Wauquiez: « Ils l’ont fait ! L’équipe de France, championne du monde. 20 ans que la France attendait. Nous en avons rêvé. Nous avons tant vibré. Nous sommes fiers de vous ! Bravo les Bleus ! »

Nicolas Dupont-Aignan: « Bravo bravo bravo ! Tellement fier d’être Français ! Félicitations à nos héros ! »

A noter également, le message d’Eric Coquerel de “La France Insoumise”, relayant directement et sans filtre le discours en faveur du régime :

Le régime ne profitera pas éternellement de cet élan, ou de ce type d’élan. La nature du système économique qu’il promeut est trop instable. Le capitalisme génère trop de crise, de chômage, de décadence culturelle, d’incertitudes morales, pour que la ferveur populaire ne se transforme pas à un moment ou à un autre en colère populaire.

D’ailleurs, les masses étaient nombreuses à siffler le président de la République à diverse occasion lors de cette Coupe du Monde.

Le régime peut se maintenir un moment, mais il peut tout aussi bien vaciller rapidement. Ce qui comptera alors, c’est la nature du renversement de ce régime en place. Si la Gauche aujourd’hui en France n’est pas à la hauteur de cet enjeu, tel n’est pas le cas des différents cercles réactionnaires et de l’Extrême-Droite qui se préparent à cela.

Si le régime tente aujourd’hui de se maintenir par des artifices patriotiques, il ne faut pas perdre des yeux le nationalisme qui en arrière-plan se profile.

Illustration de cela, cet extrait d’une tribune de la réactionnaire Natacha Polony. Cela devrait être un avertissement, un message d’alerte à toutes les personnes de gauche soucieuses des valeurs démocratiques et de l’unité populaire.

Elle a ici très bien compris l’enjeu, la nature profonde et sincère de l’élan populaire autour de l’Équipe de France. Elle entend l’orienter vers le nationalisme plutôt que le socialisme.

« […] À nous tous, adultes et dépositaires de l’immense héritage d’un pays millénaire de convertir cet élan superficiel en sentiment profond et pérenne, à travers la transmission des textes historiques, philosophiques et littéraires qui racontent ce qu’est la France, comme à travers une géographie, des paysages qui en sont le visage.

Tous ces enfants qui brandissent des drapeaux et crient leur joie d’être français ne demandent qu’à aimer leur patrie. Ils ne sont pas toute la France, ils ne masquent pas les haines, le séparatisme, les fractures. Mais plus ils seront nombreux, et plus nous serons nombreux pour combattre ceux qui nous ont déclaré la guerre.

Nul ne s’imagine qu’un pays s’apaise par le miracle d’un match de foot mais un point nourrit nos espoirs : on ne nous sort plus le mythe de la France black-blanc-beur. Cette équipe est tout aussi diverse mais elle est avant tout bleu-blanc-rouge, ce qui signifie que -rêvons un peu – nous retrouvons peut-être un peu de cet universalisme qui est l’identité même de la France et que la globalisation culturelle a voulu remplacer par un multiculturalisme profondément communautariste.

Allons, enfants de la Patrie, les jours de gloire ne se dédaignent pas, quels qu’ils soient. »

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Société

Une victoire à la coupe du monde de football sans panache français

Quiconque a porté son attention aux désirs des masses sait que depuis le début de la coupe du monde de football, il y a un grand désir de communion qui est exprimé. Naturellement, le traumatisme des attentats islamistes a beaucoup joué et il y a eu une envie de ferveur, s’exprimant ainsi avec la victoire de l’équipe de France de football.

France - Croatie, Fan zone

 

Mais il y a aussi toute une bourgeoisie trop heureuse de trouver un thème pour fédérer patrons et ouvriers, smicards et financiers !

Être de Gauche, c’est donc comprendre cette joie populaire, sans pour autant sombrer dans la démagogie célébrant une nation parmi les plus riches du monde, où toutes les classes sociales collaboreraient, profitant d’un vivier populaire voyant en le football un rêve américain accessible.

D’ailleurs, l’inculture des footballeurs, dont le mode de vie est toujours décadent et totalement pro-capitaliste, avec un style nouveau riche contribuant à pourrir les banlieues, n’a d’égal que l’absence de caractère français au jeu de l’équipe de France de football.

Mbappé

 

Le pragmatisme a été tellement de rigueur que Kylian Mbappé s’est justifié d’un « moi je suis en final » pour justifier son jeu théâtral face à la Belgique en demi-finale, tandis que le premier but de la finale est issue d’un coup franc consécutif à une faute imaginaire, Antoine Griezmann se laissant tomber par volonté de simulation.

Il y a ici un grand changement dans l’esprit français, qui cautionne désormais ce pragmatisme, alors qu’auparavant il célébrait, de manière bien plus française, la finale gâchée par le coup de tête de Zinedine Zidane contre un joueur italien, sans parler du fameux France-Allemagne ! Perdre avec panache a toujours été un trait du style français !

Impossible de ne pas voir qu’au-delà des aspects permettant l’approche pragmatique – les qualités des joueurs, leur style de jeu, etc. – il y a vraiment une macronisation des esprits, dans le sens d’une volonté de triompher, à tout prix.

L’esprit national disparaît, happé par le cynisme. De toutes façons cet esprit national était condamné à disparaître, mais pas dans le cosmopolitisme capitaliste : dans la rencontre de tous les peuples apportant le meilleur d’entre eux…

Là on en est vraiment très loin. De la même manière que les traditions du Paris Saint-Germain ont été entièrement anéanties par l’achat du club par le Qatar – l’argent est censé acheter la victoire en Ligue des Champions et les supporters n’y voient aucun inconvénient – l’esprit Macron a réduit la devise française à « Liberté Égalité Mbappé ».

Même Le Monde a participé aux premières loges à la valorisation du « teen ager » qui aurait un destin unique, incroyable, en comparaison avec nos propres vies qui sont censées être sans aucune densité.

France - Croatie, Emmanuel Macron

Impossible de ne pas parler non plus de l’omniprésence d’Emmanuel Macron, comme spectateur particulièrement expressif du match, puis à la remise des médailles aux joueurs, où il a pris chacun dans ses bras.

On est là dans une mise en scène qui profite elle-même d’une construction sociale : la structuration de très nombreux clubs de football par un pays très riche utilisant les victoires comme un dispositif idéologique pour assurer son hégémonie culturelle et intellectuelle.

Oui, intellectuelle, car des millions de prolétaires, incapables de lire une ligne de Karl Marx, s’y connaissent sans commune mesure quant aux joueurs, aux tactiques, aux systèmes de jeu !

Il ne s’agit évidemment pas ici de nier la valeur du jeu – bien au contraire, il s’agit d’en défendre l’esprit. Et là, il n’y a donc pas que la beauté du jeu : il y a l’utilisation par un pays riche, il y a un refuge pour un peuple qui inversement a été incapable d’éprouver ne serait-ce qu’un peu d’intérêt au cinquantenaire de mai 68.

Ne pas voir cela serait rater ce qui se passe dans notre pays !

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Culture

La nouvelle scène électro-pop à la française (la “french touch”)

Il existe depuis quelques années toute une vague électro-pop qui s’affirme avec une touche très française. Cette scène est d’une grande fraîcheur et propose une musique de qualité. Voici une sélection de morceaux récents (2016 à 2018) sous la forme d’une playlist multisupport.

Cette « french-touch” ne consiste pas seulement en des paroles en français. Il y a un ton léger et mélodique très spécifique avec des voix délicates et sophistiquées. Cela relève d’une certaine façon d’appréhender la vie, d’un « art de vivre » à la française, très ouvert sur le monde.

Notre sélection, qui est volontairement orientée sur une thématique estivale, illustre tout à fait ce propos.

La voix est comme murmurée

Un titre comme Vacances de L’impératrice transporte complètement l’auditeur. On se croirait plongé dans une affiche de la grande époque d’Air-France. La voix qui est comme murmurée, précieuse, est là pour préciser le style. Ce n’est pas à proprement parler du luxe, qui serait quelque chose de bourgeois seulement, mais plutôt de la sophistication, du raffinement.

Hier à Paris, avec vous ❤️

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Dans la forme, cela a été tout à fait compris et exprimé par le groupe Poom (qui introduit la sélection avec le morceau Adagio) :

«On ne chante jamais fort, car en français, les voix doivent être calmes, reposées, et un peu détachées, entre la parole et le murmure, pour que la mélodie et le texte aient toute leur place».

Cette insistance sur la mélodie, sous forme de boucles langoureuses, est caractéristique de la “french touch” dans la scène électro au sens large. La spécificité de l’électro-pop à la française est donc le chant.

Élaborer une ambiance

On a systématiquement une tonalité aérienne avec des mélodies élaborées mais qui ne s’égarent pas dans les frasques de l’électro. Le chant a donc toute sa place pour raconter une histoire, ou plutôt élaborer une ambiance.

Le titre Garde Le Pour Toi de Paradis est ici très parlant. Le chant n’arrive que tardivement, mais il est indispensable pour mettre en valeur de manière encore plus aboutie l’ambiance qui est posée par le morceau.

Les groupes relevants de cette scène électro-pop à la française sont en général très branchés, très tendances. Les sonorités sont conformes à ce qui fait actuellement en matière de musique électronique avec des sonorités “synthé”, comme ce qui s’est fait avec le style synth-wave ces dernières années.

Un véritable héritage

L’inspiration est ici clairement celle des années 1980, voire 1990, ce qui est d’ailleurs à la mode de manière générale dans la jeunesse (vêtements, design, séries, jeux-vidéo, etc.) La filiation n’est pas qu’esthétique : il y a un véritable héritage par rapport à la pop française de ces années 1980, voire 1990.

Le groupe The Pirouettes, avec ici le titre Baisers volés, est peut-être celui qui exprime le plus cela. On y reconnaît clairement du France Galle, du Daniel Balavoine, du Michel Berger, du Gilles Simon, etc.

Cependant, cette “french touch” est très aboutie musicalement, et bien plus proche de la scène électro que de la variété, comme a pu l’être la pop française des années 1980, 1990. Mis à part un titre comme Il fait chaud de Corinne, qui est très « variété » pour le coup, on peut dire que musicalement il y a quelque chose de supérieure, une synthèse qui a abouti à quelque chose de meilleurs que la pop française originale bien plus simpliste.

D’une certaine manière, un album comme Histoire de Melody Neslon de Serge Gainsbourg correspond bien plus à cette scène en termes de qualité et de style. On y retrouve la même tonalité dans le chant, avec des boucles mélodiques de qualité, sophistiquées et pas simplement racoleuses ou édulcorées.

Le groupe allemand Kraftwerk avait tenté de manière brillante quelque chose de similaire en 1983 avec Tour de France. C’est de l’électro travaillée et chantée en français, parlant de quelque chose de français. Seulement, musicalement cela est très froid et il n’y a pas cette capacité à raconter une histoire pour restituer une ambiance française.

Un nouvel élan

L’électro-pop à la française propose donc quelque chose d’assez brillant culturellement. Cela est possible car c’est de la musique moderne mais ayant un héritage.

Cette vague du français dans l’électro-pop est très puissante. Un groupe comme Elephanz qui normalement ne propose que du chant en anglais a déjà cédé à cette vague en faisant chanter en français sur son titre phare, Maryland, que nous proposons pour conclure notre sélection musicale.

Cela était inconcevable il y a encore quelques années pour des groupes électro, ou alors de manière anecdotique. La « french-touch » apporte une grande fraîcheur dans un panorama musical bien trop standardisé et cosmopolite. Elle affirme le style français, l’art de vivre à la française, comme contribution française à la communauté mondiale.

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Société

Océanopolis à Brest, un parc de loisir à prétention scientifique et écologique

Océanopolis est un parc de loisir présentant des animaux et des végétaux marins à Brest. L’ambition affichée est de partager des savoirs scientifique pour « changer le regard sur l’océan », d’une manière écologique.

Fondé en 1990 par des universitaires souhaitant vulgariser leurs connaissances et leurs travaux, le parc est considéré par l’État comme un Centre de culture scientifique, technique et industrielle. Il s’agit de l’établissement touristique le plus visité en région Bretagne, avec 413 000 visiteurs en 2017 et plus de 12 millions depuis l’ouverture.

Plus de 4 millions de litres d’eau de mer sont nécessaire à son fonctionnement, 10 000 animaux représentant 1 000 espèces animales y sont présentés à travers 4 espaces distincts, le sentier des loutres, le pavillons Bretagne, le pavillon polaire et le pavillons tropical.

Cette structure appartenant à Brest métropole s’inscrit dans une dynamique globale de la ville, qui se veut à la pointe dans le domaine scientifique en ce qui concerne l’océan. Début 2018, une nouvelle structure a vu le jour dans cette perspective, le campus mondial de la Mer, qui réunit différents organismes et entreprises.

Un membre expliquait dans la presse que Brest est « la capitale française des sciences de la mer », hébergeant « 60% de la recherche publique nationale » (Ouest-France). On y trouve l’Institut universitaire européen de la mer, l’Institut polaire français Paul-Emile Victor, le siège de l’Ifremer y sera transféré depuis la région parisienne en 2019, etc.

Ainsi, de part sa collaboration avec ces organismes, Océanopolis entend proposer “un voyage au propos scientifique rigoureux et d’un grand réalisme dans la reconstitution des habitats marins au fil de 77 aquariums et de 9 000 m2 de surface d’exposition”, dans l’intention de faire “connaître et comprendre les différents écosystèmes marins de la planète pour mieux les préserver.”

L’intention semble donc louable, avec en théorie une volonté d’éducation populaire rigoureuse, dans une perspective écologique. En effet, pour aimer et protéger il faut d’abord connaître, et il est fondamental à notre époque que la population connaisse la planète et ses océans.

Océanopolis répond certainement en partie à cette nécessité, ne serait-ce parce qu’il montre la fabuleuse richesse de l’océan, la complexité de sa vie et les dangers qui la menace.

Cependant, il s’agit surtout d’un parc de loisir classique, avec seulement comme thème l’écologie des milieux marins. Les aquariums en tant que tels sont très étroits, et mis à part éventuellement ceux concernant les espèces les plus petites, ils sont de véritables prisons. L’oeil de celui ou celle qui refuse de nier la nature y remarque forcément que les poissons et mammifères y tournent en rond de manière frénétique, sans pouvoirs exprimer suffisamment leur capacités naturelles.

La science, finalement, n’existe qu’à travers quelques indications écrites que les visiteurs (dont beaucoup d’enfants) ne lisent quasiment pas. L’ambiance est plutôt celle d’une déambulation bruyante, cherchant à s’en mettre plein les yeux. On est dans le sensationnel, avec ici des requins, là des étoiles de mer entourés de poissons aux couleurs vives, là bas une barrière de corail reconstituée, etc.

Il est facile de faire apprécier les loutres, qui sont des animaux très joueurs, avec des postures absolument fabuleuses à observer pour un humain.

De la même manière, petits et grands craquent forcément devant les manchots qui marchent en sautillant, plongent et nagent à toute vitesse, puis reviennent sur le rivage d’un bon magistral.

D’autant plus que ces animaux sont aussi curieux que les humains qui les observent. Les échanges, à travers la vitre ou au pied des soigneurs, peuvent être d’une grande tendresse.

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Cependant, il n’est pas possible de justifier sur le plan scientifique l’enfermement de ces animaux dans des aquariums ou compartiments aussi restreint, surtout lorsqu’on prétend que les habitats sont reproduits fidèlement.

N’importe quelle personne appréciant la natation ne serait-ce que de manière hebdomadaire ne se satisferait pas d’un bassin aussi petit que celui des manchots, pour qui c’est le lieu de vie permanent, alors qu’ils nagent toute la journée.

Cela a aboutit d’ailleurs en février 2018 à la mort d’un requin taureau, figure emblématique du parc. Il est expliqué que celui-ci a absorbé un quantité d’air trop importante, “potentiellement suite à un comportement de stress qui aurait pu être déclenché par une interaction avec l’une des autres espèces présentes dans le bassin” (Le Télégramme).

Le pavillon Bretagne est introduit par une exposition sur le plancton et le monde de l’infiniment petit. Il est expliqué de manière fondamental que le plancton produit la moitié de l’oxygène de la planète et qu’il a un rôle essentiel pour la vie dans son ensemble.

Cependant, les explications ne dépassent pas le point de vue mécanique et borné parlant de “chaîne alimentaire”. Il n’y a pas de vision globale de l’océan, mais surtout une fascination pour les premiers “maillons” de la chaîne, avec soit-disant les humains à l’aboutissement de cette chaîne.

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La pêche et la conchyliculture sont d’ailleurs largement promus au fil des expositions, notamment du pavillon Bretagne. On retrouve même des conseils pour… cuisiner !

A côté de cela, de part ses partenariats, le parc est une vitrine de la modernité capitaliste française. Les océans représentent pour de nombreuses entreprises française comme Alstom, Total ou Engie, un enjeu immense. C’est aussi le cas pour le Crédit Agricole (qui soutient le parc), via les nombreuses PME agricoles de la région.

L’impression générale en ressortant d’Océanopolis n’est pas tant celui d’une science au service de la planète, mais plutôt d’un esprit de conquête des espaces maritimes.

Le summum en la matière étant certainement l“’AbyssBox”, qui mériterait un article à part entière. Pour faire court, il s’agit d’un caisson pressurisé permettant de maintenir une pression atteignant les 200 bars, ce qui équivaut à une profondeur de 2 000 mètres.

Cela est assurément une grande prouesse scientifique, l’installation est immense pour simplement un aquarium de la taille d’un hublot abritant quelques crabes et crevettes sur une éponge artificielle de la taille d’une petite main.

Cette installation, peut-être utile sur le plan scientifique dans d’autres cas (encore que cela soit à démontrer), n’a d’autre but dans ce parc que de satisfaire l’égocentrisme des personnes l’ayant conçu. Comble de l’ironie d’ailleurs, le public n’y prête aucune attention, et cela est presque assumé puisque la vidéo de présentation de la machine ironise sur le sujet.

On croisera bien sûr à Océanopolis de jeunes scientifiques sincères, parlant par exemple de la protection de la barrière de corail. Mais on pourra y entendre aussi un jeune scientifique présentant des mollusques et montrant le coquillage de l’un d’entre eux en expliquant fièrement que cela lui servait de “cendar” (cendrier) quand il était étudiant.

Cette scène lamentable a été vue lors d’un “mini lab”, consistant à faire toucher aux enfant différents animaux marins, sans aucune considération pour leur bien-être. Cela relève d’un état d’esprit lamentable dans un lieu prétendant sensibiliser la population à la préservation de l’océan.

En dehors de ces “mini lab” d’ailleurs, on se rend compte qu’il n’y a personne pour surveiller les nombreux aquariums qui ne sont pas fermés, les laissant à la merci des prédations enfantines.

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Il n’y a personne non-plus pour faire respecter l’interdiction des flashs d’appareil photos – il faut dire cependant que les panneaux expliquant que cela n’est pas respectueux pour les poissons sont peu nombreux et peu exposés.

Les prétentions d’Océanopolis finissent de s’effondrer finalement à la sortie des expositions. Difficile de savoir ce qui est le plus lamentable, si c’est l’immense boutique vendant des centaines d’objets inutiles “Made in China”, ou alors la cantine à peine digne d’un self d’entreprise à la carte déplorable, à base de steak frite et de “légumes” fades hors saison.

La sandwicherie propose même des sandwichs industriels au thon, alors que c’est pourtant le b.a.ba. pour n’importe qui s’intéressant à la protection des océans de critiquer la pêche au thon. Il n’y a même pas l’effort de proposer à manger des produits de la mers locaux, “durable”, etc.

Océanopolis a de grandes prétentions, mais c’est finalement surtout une vitrine pour la modernisation de l’industrie lié à l’Océan ainsi qu’un élément de l’industrie touristique bretonne.

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Politique

Mai 2018 a été une farce

On peut reprendre le principe. Mai 2018 a été une farce, tant de la part du gouvernement que de celle de la gauche velléitaire qui a cru pouvoir rejouer la pièce, alors qu’elle n’a même pas réalisé un travail d’analyse digne de ce nom sur Mai 68. .

On peut penser au bon mot connu de Karl Marx, dans son ouvrage sur Napoléon III faisant un coup d’État. Il s’agissait de montrer qu’un événement important peut se rejouer, mais il n’est alors que l’ombre de lui-même.

« Hegel fait remarquer quelque part que, dans l’histoire universelle, les grands faits et les grands personnages se produisent, pour ainsi dire, deux fois. Il a oublié d’ajouter : la première fois comme tragédie, la seconde comme farce. »

Ce qui reste, c’est Emmanuel Macron, c’est le post-modernisme de Mai 68 sans l’élan des masses, sans leur esprit positif tourné vers la démocratie et la vie.

Mai 68 fut le symbole d’une crise de croissance du capitalisme et celle de la pleine entrée dans la consommation de masse. Voilà ce qu’on semble en retenir aujourd’hui. Le compromis social d’après-guerre a été à cette occasion bousculé par ses contradictions internes par un puissant mouvement de masse qui a ouvert un réel espace à la lutte de classe. C’est là toute son importance historique indéniable.

Mais pour autant, et malgré le contexte externe très agité, avec tout le développement d’un véritable esprit anti-impérialiste, notamment autour du conflit au Vietnam, et malgré le foisonnement des utopies exprimant une authentique soif existentielle, l’événement ne déboucha pas sur une révolution ou même un changement de régime.

Non, 50 ans après, on peut dire que malheureusement Mai 68 se résume en fait à un pur et simple « état d’esprit » qui a ouvert ce que l’on a appelé la « post-modernité », soit au final une capitulation des idées de gauche, au motif de la libéralisation de l’individu et de la lutte contre les oppressions comme refus des « totalitarismes ».

Cette crise du capitalisme, a en effet trouvé partiellement sa réponse dans la poursuite « post-moderne » de celui-ci, dont l’horizon apparaît alors comme étant la Californie : une société « post-industrielle » ouverte à la consommation de masse, l’entertainment, les alternatives stylistiques en matière alimentaire, de mode de vie ou artistique pour une minorité confortable de 35% à 45% de la population, reléguant les « losers » et autres « déclassés » dans les ghetto urbains ou les zones rurales effondrées.

50 ans après, on comprend comment Emmanuel Macron a pu parvenir au pouvoir, en ce qu’il représente encore cet « esprit » post-moderne, mais sous une forme maintenant attardée.

Il y a 50 ans en effet, le post-modernisme capitaliste pouvait réussir à s’appuyer sur l’élan populaire de Mai 68 et proposer son monde. Aujourd’hui, il règne sur une société au bord de l’assèchement qui se résigne sans élan et sans enthousiasme a accepter le « monde nouveau », toujours le même d’il y a 50 ans.

L’esprit d’utopie a été tué par le post-modernisme bourgeois. Pire même, la société civile elle-même semble se ratatiner et verse dans l’irrationnel, cédant aux populismes ou à la réaction voire au nihilisme, quand il ne s’agit pas même simplement d’une dépolitisation totale.

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Société

Le combat des Youtubers KSI et Paul Logan

Deux des Youtubers ayant le plus grand nombre d’abonnés ont prévu de s’affronter dans un match de boxe cet été, le 28 août 2018 : KSI (Olajide William Olatunji) et Logan Paul. C’est un tournant historique dans la dégénérescence du capitalisme : il n’y aucune notion de sport dans ce combat, simplement un divertissement façon combat de gladiateurs, avec une mise en scène démesurée.

KSI, Logan Paul, Deji, Jake Paul

 

KSI et Logan Paul

KSI est un jeune anglais de 25 ans qui s’est fait connaître grâce à ses vidéos de jeux vidéos et qui s’est diversifié avec le rap par la suite. Il est l’un des Youtubers avec le plus d’abonnés : 19 millions.

Logan Paul est un américain de 23 ans qui a commencé sur Vine (application de diffusion de courte vidéos de six secondes, très populaire mais qui n’existe plus depuis plus d’un an) et qui a connu un succès extrêmement rapide notamment sur Youtube où il totalise plus de 21 millions d’abonnés. Il a participé à des émissions télévisées, des séries et a lancé sa propre marque de vêtements (Maverick). Il se plaît à montrer sa richesse et à faire tout et n’importe quoi grâce à sa fortune.

L’un comme l’autre ont été vivement critiqués pour des vidéos scandaleuses et des faits de harcèlement sexuels, comme celles de Logan Paul tournées au Japon qui ont été à très juste titre dénoncées tant elles étaient choquantes et d’un racisme sans nom : blagues dans une forêt tristement célèbre pour ses suicides, moqueries et comportement irrespectueux envers les japonais…

Mais bien entendu, cela n’a pas empêché leur élan de se poursuivre dans la fuite en avant la plus glauque, au motif de vivre librement et intensément leur « aventure », sinon leur « rêve » individuel de petit-bourgeois vaniteux. Ces deux personnalités vont donc s’affronter en Angleterre à la Manchester Arena, une des plus grandes salles fermées d’Europe, à Manchester donc. Ce match doit être « le plus grand combat de boxe amateur de tous les temps », selon KSI.

Ce combat ne sera pas le premier ni le dernier, ce phénomène est un train de prendre une telle ampleur qu’il fini par se structurer comme un pur et simple business prolongeant la carrière des YouTubers clasheurs les plus en vue.

« Delete Paul Logan's YouTube Channel » change.org

 

Le début d’un phénomène

KSI a déjà affronté et vaincu un autre Youtuber dans un combat de boxe : l’anglais Joe Weller. Ce dernier n’est pas un poids lourd de Youtube mais compte tout de même 5 millions d’abonnés, pour des vidéos censées être humoristiques et décalées.

Ce combat a marqué un tournant : KSI passe ainsi d’une salle de 8 000 personnes à une de 21 000 en août. Les sommes en jeux ne sont plus les mêmes.

Bien entendu, il y a eu tout une ambiance entretenue par les deux opposants avant le combat afin de faire monter la pression : l’affrontement devait être un moyen de régler le conflit une bonne fois pour toutes. Du pur spectacle moderne et décadent.

KSI

 

De FIFA à Gladiator

Le combat de KSI et de Logan Paul a eu droit à sa conférence de presse délirante devant une foule complètement aliénée. Ici aussi, il sera question de régler ses comptes, de voir qui est prêt à sombrer le plus dans la barbarie. Car il n’y a pas d’autres mots pour désigner ce qui est en train de se passer : des personnes vont passer de parties de FIFA et de vlog (blog en vidéo) sur leurs vies superficielles à un combat devant des millions de spectateurs. Pour vivre une aventure, se tester, aller toujours plus loin…

Nous vivons donc dans une époque où des gens vont suivre et soutenir deux dégénérés qui ont décidé de faire sauter le peu de civilisation qui leur restait pour vivre comme deux gladiateurs, le temps d’une soirée.

Est-ce le début d’une vague de combats de Youtubers ? Vu comment évoluent les choses, il semble bien que oui. La question est plus de savoir combien de personnes cette vague de barbarie va emporter. Et pour nous, Français, de savoir combien de temps nous serons épargné avant un combat entre deux personnes relativement connues.

Aucune personne à Gauche ne peut rester silencieuse face à ce qui est en train de se passer. On ne peut accepter que la barbarie gagne toujours plus de terrain. Il s’agit de défendre des principes et une morale de Gauche, encore une fois. Il faut refuser le barbarie dans tous les aspects de la vie, il faut dénoncer et combattre toute expression de la barbarie portée par les sociétés capitalistes. Il en va de la civilisation.

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Réflexions

« Il a 19 ans, et il est en finale de la Coupe du monde. Vous faisiez quoi à 19 ans, vous ? »

Il est difficile d’exprimer le malaise terriblement profond qu’on peut ressentir parfois, et que dire de ce qu’on a au fond de soi à la vue de ce commentaire du Monde dans son « live » pour le match France-Belgique d’hier, en coupe du monde de football ?

« Il a 19 ans, et il est en finale de la Coupe du monde. Vous faisiez quoi à 19 ans, vous ? » peut-on lire, avec une photographie où l’on voit de dos Kylian Mbappé.

Ce n’est pas seulement la surmédiatisation et la dimension « spectacle » du football moderne qui pose ici problème, ni même l’individualisation forcenée d’un système qui ne voit justement que des individus, de par sa nature.

Bien sûr, tout cela est vrai, mais certains diront : c’est de la politique et diront que là n’est pas l’important. Admettons, même si ce n’est pas vrai. Non, au-delà de cela, il y a ce terrible problème, ce problème peut-être le plus douloureux de notre époque : la négation de la personnalité.

Car ce que sous-tend Le Monde, c’est qu’être en finale d’une Coupe du monde aurait davantage d’intensité dans le vécu que, par exemple, à 19 ans, devenir amoureux, découvrir les premiers albums de Pink Floyd, adopter un chien dans un refuge, voir sa première aurore boréale, avoir un couple de pigeons ayant construit un nid et couvant ses œufs juste devant sa fenêtre.

Et c’est là qu’on ressent en pleine face ce qui est une odieuse impression de vide ; la vie dans cette société semble être un immense gaspillage, entièrement superficiel, sans aucune substance, avec tout n’étant qu’apparence.

La vie dans cette société n’est que du remplissage, une immense accumulation de choses diverses servant au remplissage. Et, ausi, on remplit sa vie avec un emploi, avec un couple, avec des jours qui passent. Non pas qu’un emploi ni un couple ne soient pas nécessaires, pas plus que les jours qui passent ! Bien au contraire, penser à l’inverse serait basculer dans la religion ou la célébration de marginalités auto-destructrices.

Cependant, pour un couple authentique et un emploi non aliénant, pour des jours qui passent en étant emplis de vie et non remplis de consommation et de superficialité, il faut s’arracher, s’extraire, s’extirper, s’enlever, s’ôter, se retirer d’attitudes, de conventions, de normes paradoxalement totalement vides.

Et les remplacer par d’autres, fondamentalement positives, allant dans le sens de l’épanouissement de ses propres facultés, de ressentir toute une gamme d’émotions, de sentir la nature, et d’une capacité à construire, à produire. C’est cela, le socialisme.

Et donc comprendre que ce qui compte, c’est la civilisation dans son ensemble, la culture, par laquelle on existe avec la nature, et non pas des individus qui ne sont que des egos abstraits. Après tout, qu’importe de savoir qui est l’auteur de La Multiplication des pains des Très Riches Heures du duc de Berry au XVe siècle?