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Guerre

Le général Pierre de Villiers omniprésent en novembre 2020

Encore et toujours présent dans les médias, le général Pierre de Villiers prétend ne pas faire de politique tout en se présentant indirectement comme le seul recours.

Le général Pierre de Villiers n’en finit plus de faire le tour des plateaux de télévision et de la presse. Il était à l’occasion du onze novembre l’invité d’une longue émission sur la chaîne publique France info durant laquelle il a pu s’exprimer en long, en large et en travers. À plusieurs reprise, il lui a été posé la question de son orientation politique, de manière vague d’abord, sur différents thèmes, puis de manière précise ensuite avec Laurent Joffrin (ancien directeur de Libération) mettant les pieds dans le plats en lui demandant s’il est de droite ou de gauche.

Évidemment, Pierre de Villiers ne répond pas, tournant autour du pot, expliquant qu’il est au dessus, et même au-delà, des clivages, que la question ne se pose pas en ces termes selon lui et qu’ils ne fait qu’apporter une « contribution » au débat, etc. Pourtant, il est évident qu’il relève de la Droite, et même de la Droite au sens le plus strict.

Sa vision, qu’il répète à l’envie de manière extrêmement bien formulée, se résume ainsi : ce qui compte avant tout est la nation, il faut l’unité nationale coûte que coûte et l’Armée forme de ce point de vue un modèle idéal qu’il faut appliquer au reste de la société, pour son plus grand bien évidemment. Autrement dit, il faut l’autorité forte venant d’en haut, combinée à la bienveillance sociale de type catholique, afin de maintenir l’ordre social et surtout les hiérarchies sociales.

C’est une formulation de droite tellement classique, tellement « vieille bourgeoisie » si l’on peut dire, que peu de personnes à Droite osaient le formuler aussi ouvertement depuis des années. C’est sa marque de fabrique ; il suffit de voir ses propos sur la radio France Inter, toujours le onze novembre :

« Il faut apprendre aux petits Français à aimer la France »

« Ces jeunes qui partent en vrille, il faut les remettre dans le doit chemin »

Il ne reste plus qu’à chanter la chanson Général, nous voilà… Et c’est bien le message qu’il veut faire passer : je suis consensuel, j’ai l’armée avec moi, je suis capable d’amener une mobilisation en faveur d’une orientation agressive de grande puissance.

Il compte réussir ce que Marine Le Pen n’a pas réussi : former un bloc populaire de Droite, anti-libérale en apparence mais en réalité représentant la haute bourgeoisie et les marchands de canon.

On se rappellera d’ailleurs d’où vient politiquement Pierre de Villiers. Il émerge en tant que figure en 2017, en démissionnant de son poste de chef d’État-Major des armées, assumant un conflit ouvert avec Emmanuel Macron quant au budget des armées. Il a ainsi été le porte-drapeau des militaristes, des expansionnistes, des agressifs.

Mais ce n’est pas tout. Car le sens de la valorisation de l’Armée par Pierre de Villiers, c’est aussi d’empêcher la lutte des classes en mettant la population, et notamment la jeunesse, au rang. C’est pour cela qu’il parle beaucoup de la jeunesse, avec à chaque fois une vision volontairement binaire, présentant deux pôles : d’un côté les « jeunes des cités », de l’autre les « jeunes diplômés ».

Pierre de Villiers le vendéen (frère de Philippe de Villiers) oublie volontairement de parler de la classe ouvrière, c’est la règle, alors que pourtant la Vendée est largement ouvrière, particulièrement dans la jeunesse. C’est révélateur : ce qui compte pour cet homme de la Droite est de neutraliser la conscience ouvrière, au profit du nationalisme.

Son rôle politique, culturel, idéologique est précisément d’empêcher la ré-émergence politique, culturel, idéologique de la classe ouvrière menant la lutte des classes. Son rôle est de prendre la Gauche de vitesse, comme Mussolini, Hitler et Franco hier, comme tous ces mouvements de la Droite populaire venant « restaurer l’ordre », « relever » la nation ou, comme Pierre de Villiers le dit lui-même, « remettre les choses à leur place ».

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Covid-19: 5 choses à faire pour les délégués du personnel ou syndical

Compte-tenu du confinement qui n’en est pas vraiment un, le lieu de travail est une zone à risque de transmission du coronavirus. Plutôt que de rester désemparé, voici quelques éléments à mettre en place pour installer un esprit collectif face à la pandémie. Mettre cela à l’ordre du jour de son activité syndicale ou de délégué du personnel est primordial à l’heure actuelle.

1) S’informer

Connaître techniquement la maladie (la transmission, temps d’incubation, contagiosité, symptômes…), le protocole officiel (temps et motifs d’isolement, quand se faire tester…) et les collègues à risque si possible (quelle pathologie…). C’est la meilleurs arme pour savoir quand les décisions sanitaires de l’entreprise sont cohérentes ou sont de la poudre aux yeux et d’adapter au mieux les revendications.

> Notre page spéciale regroupe nos articles sur la crise sanitaire, avec des ressources

2) Informer ses collègues

Proposer des points d’informations quotidiens sur l’évolution locale de l’épidémie à ses collègues et particulièrement sur les cas à l’intérieur s’il y en a. Les cas en internes sont généralement gérés en vase clos et froidement par la hiérarchie, il faut marquer l’aspect solidaire et humain de la collectivité des travailleurs en prenant des nouvelles, en maintenant le lien.

3) Veiller à la désinfection des lieux

Il faut exiger que la désinfection des postes et outils de travail soit organisée et exécutée à la charge de l’entreprise, quitte à embaucher quelqu’un dédié à cette activité.

Le virus a mené les entreprises à fournir le matériel d’hygiène, son exécution repose cependant en majorité sur les salariés. C’est inacceptable ! Demander des procédures supplémentaires à des personnes subissant une économie à flux-tendu a pour seul résultat de les rendre optionnel et d’ouvrir une voie d’accès au virus au travail.

4) Réduire l’exposition des employés

Aller vers l’établissement d’un rapport de force pour obtenir des changements d’organisation du travail qui réduisent l’exposition au virus.

Réduction du temps de travail, roulements d’équipes moins nombreuses, réagencement des positions de travail, et pour les secteurs non-essentiels : arrêt total du travail pour des raisons de santé publique, avec maintien du salaire. Dans les structures brassant beaucoup de monde, il faut demander à tester l’ensemble du personnel dès lors qu’il y a un cas positif déclaré.

5) Utiliser les CSE

Savoir utiliser le Comité social et économique de son entreprise (CSE), jusqu’au respect strict du protocole demandé par le personnel soignant pour endiguer l’épidémie. Le CSE est une nouvelle instance qui, en fusionnant le CHSCT avec les délégués du personnel et comité d’entreprise, noie les questions de santé notamment avec des membres moins au fait de ces questions. Le fait que l’employeur y soit représenté et que les représentants du personnel puissent faire partie de l’encadrement amène à faire passer les intérêts capitalistes avant l’intérêt général.

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Politique

La Gauche réagit froidement à la candidature de Jean-Luc Mélenchon

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L’annonce par Jean-Luc Mélenchon de sa candidature à l’élection présidentielle de 2022 a été accueillie avec beaucoup de distance par toute une partie de la Gauche. En annonçant si tôt et de manière unilatérale sa candidature, il ne pouvait en effet que s’attirer les foudres de ceux à qui il tente de couper l’herbe sous le pied, même si peu le disent aussi ouvertement.

La critique la plus franche est toutefois venue du premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure qui a parlé d’« égoïsme », soulignant que cela servait directement Emmanuel Macron, à qui il déroulerait un tapis rouge. Il lui est logiquement reproché de menacer le rassemblement de « la gauche et [des] écologistes » et le ton employé est très dur pour le dénoncer :

« Est-ce que vous pensez que c’était le bon moment pour se déclarer ? En pleine crise sanitaire, économique, sociale, avec un terrorisme qui est aujourd’hui à son degré maximal d’alerte ».

Cette remarque est tout à fait exacte, car Jean-Luc Mélenchon fait ici un choix clairement personnel (et typiquement « 5e République »), alors que la période nécessite d’abord des choix politiques de fond, pour faire face à une crise immense, tant sanitaire qu’écologique, tant sociale qu’économique, etc.

Et ce constat est largement partagé dans les rangs de la Gauche, bien que peu de personnalités publiques aient pris la peine de réagir personnellement. On notera cependant la réaction du PCF via son secrétaire national Fabien Roussel, qui marque franchement sa distance :

« Jean-Luc Mélenchon a fait son choix. Je le respecte. Les communistes feront le leur en temps voulu. Pour l’instant, la priorité est à faire face à la pandémie, à résister et à agir pour nos concitoyens. »

La veille de l’annonce de Jean-Luc Mélenchon, Fabien Roussel avait de toutes façons réaffirmé lors du Conseil national de son parti que le PCF avait « vocation à se présenter » et qu’il s’y préparait. D’ailleurs, sans le PCF, Jean-Luc Mélenchon pourrait avoir beaucoup de difficultés à récolter les fameuses 500 signatures d’élus locaux nécessaires à sa candidature (le PCF lui en avait procuré une très grande partie lors de la précédente élection).

Il faut remarquer également la positon d’Arnaud Montebourg, dont le destin de candidat potentiel est de plus en plus évoqué, et que La France insoumise aimerait bien attirer dans ses rangs :

« Je trouve que ce n’est pas le moment ».

Cette question du « bon moment » est toutefois une manière de botter en touche, de la part de dirigeants et figures de la Gauche qui voient très bien que la période à venir s’annonce compliqué politiquement, et qu’ils sont faibles et isolés. Mais il ne faut pas leurrer : pour se reconstruire, la Gauche n’écharpera pas à la nécessité d’une critique franche et en profondeur de Jean-Luc Mélenchon, ainsi que de toute la « proposition » populiste qu’il représente.

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2022: Jean-Luc Mélenchon candidat tente de doubler la Gauche

Dimanche 8 novembre 2020, Jean-Luc Mélenchon a annoncé sa candidature pour l’élection présidentielle de 2022. C’est une façon de s’imposer dans le débat et d’essayer de prendre de cours la Gauche, qu’il espère bloquer dans son processus de reconstruction. C’est l’aboutissement de la ligne populiste anti-Gauche produite par son organisation La France insoumise.

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Jean-Luc Mélenchon n’y est pas allé par quatre chemin pour annoncer sa candidature à la présidentielle de 2022. Il s’est fait inviter au 20h de TF1 et il a expliqué qu’il était une « lumière au bout du tunnel », en mesure de « déconfiner les esprits », qu’il fallait lui faire entièrement confiance pour enfin changer les choses.

Peu importe qu’il ait déjà échoué deux fois à cette élection (en 2012 et en 2017), il faudrait le suivre et même signer pour sa candidature. Il a en effet exigé que celle-ci soit validée par 150 000 signatures (sur un site internet) et que cela lui suffirait à prouver… sa « légitimité populaire » ! C’est fort de café, d’ailleurs il a immédiatement été moqué pour cette annonce, mais cela n’embarrassera pas celui qui tente de passer en force en se la jouant sauveur suprême.

Jean-Luc Mélenchon est en dehors de la Gauche

La déclaration si tôt de sa candidature, ainsi que sa plateforme internet censée récolter des signatures constituant un « parrainage populaire », sont un moyen pour lui de torpiller les débats, les structures, les partis à Gauche. Il a donc répondu à la journaliste l’interrogeant à propos de l’unité de la Gauche que tout cela était du « temps perdu », que les discussions ne pourraient aboutir qu’à un consensus visant au « moins pire », alors que lui serait d’ores et déjà un « pôle de stabilité ».

En fait, cela fait déjà des années que la France insoumise (et la dynamique qui l’a précédé) n’a de cesse d’enfoncer la Gauche (tout en profitant de son patrimoine en mode pillage), avec un populisme anti élite moitié-social, moitié-chauvin. Le problème, c’est que cela commence à se voir et Jean-Luc Mélenchon et son entourage ont tout à craindre de l’unité de la Gauche et du débat à Gauche.

Prenons par exemple l’épisode des gilets jaunes. Cela aurait dû être l’apothéose pour Jean-Luc Mélenchon, car c’était tout à fait conforme à ce qu’il prône. Mais cela a été insignifiant dans le pays, malgré une résonance médiatique immense et même complètement démesurée. Si la Gauche se met sérieusement autour de la table avec l’idée de se tourner vers les classes populaires, elle ne peut qu’en arriver à la critique du mouvement des gilets jaunes, pour affirmer la primauté du niveau de conscience et d’organisation… et donc à rejeter le bricolage populiste de Jean-Mélenchon qui justement a tout du « gilet jaune ».

La Gauche doit rejeter le populisme de Jean-Luc Mélenchon

La première chose dont a parlé Jean-Luc Mélenchon sur TF1 juste avant d’annoncer sa candidature, c’est du confinement. Ses propos en disent long sur son populisme : bien malin celui qui aura compris sa position, tellement il sait ne rien dire pour que chacun interprète librement ce qui l’intéresse, avec des propos qui n’engagent jamais à rien. Il a dit que le Covid-19 est une maladie grave et qu’il fallait respecter les mesures sanitaires… tout en disant dans la foulée que le confinement est une prison pour les Français et qu’il ne faudrait surtout pas y rester trop longtemps à cause du gouvernement.

La Gauche doit fermement rejeter la candidature de Jean-Luc Mélenchon et son prétendu parrainage populaire de 150 000 signature. Il faut au contraire du débat politique, sur le fond, car la discussion politique de fond est la seule manière démocratique de fonctionner quand on est à Gauche. On discute, puis on choisit. Mais certainement pas l’inverse, comme tente de l’imposer le populiste Jean-Luc Mélenchon en vue de la présidentielle de 2022.

Voici ou revoici, comme contribution au débat de la Gauche, plusieurs de nos articles à propos de Jean-Luc Mélenchon :

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Joe Biden président des États-Unis, à coup de milliards

Les États-Unis sont un monstre anti-démocratique aux mains des grandes entreprises et du complexe militaro-industriel. Joe Biden, le président élu, n’est qu’une marionnette de plus.

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Il suffit de voir les investissements dans la propagande électorale pour comprendre à quel point les élections américaines de 2020 relèvent de la face anti-démocratique. Les états-majors démocrate et républicain ont investi, pour les élections à la présidence et au congrès, quatorze milliards de dollars. Et encore parle-t-on ici de ce qui est légal.

On se doute en effet que – il suffit de voir l’histoire américaine pour s’en apercevoir – il faut ajouter à cela d’innombrables magouilles, notamment par l’intermédiaire des mafias. Si Donald Trump peut aussi facilement accuser les démocrates de tromperies, de bourrages d’urne, c’est en raison de cet arrière-plan, par ailleurs typiques des grands centres urbains où ne vivent pas les soutiens de Donald Trump et où ils ne veulent surtout pas vivre.

Là est bien le problème, d’ailleurs : les villes sont remplies de gens abrutis par le libéralisme libertaire, profitant d’une manière ou d’une autre de la « mondialisation », les campagnes sont elles remplies de gens terre à terre mais ayant basculé dans un style beauf pour tenir face à la pression de l’isolement. D’un côté, le relativisme, la décadence, les LGBTQ+… de l’autre, la Bible, le fusil et la mécanique des grosses voitures. D’un côté, le post-modernisme, de l’autre le patriarcat entre style redneck et hipster.

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Les États-Unis sont un excellent exemple de capitalisme entièrement libre dans son expansion et il n’est pas bien difficile de voir qu’on a en France quelque chose de toujours plus proches, même si heureusement la lutte des classes bien plus âpre a posé des frontières par endroits. Les États-Unis se précipitent d’autant plus massivement dans la crise qu’ils sont incapables de faire face à une crise sanitaire en raison de leur système de santé capitaliste et de leur société atomisée.

Joe Biden ne changera rien à cela et, de toutes façons, les décisions sont prises au niveau stratégique, pas simplement par un président qui ne représente qu’un style, une approche. Le Pentagone, voilà la véritable maison blanche et les États-Unis n’ont de toutes façons pas d’autre stratégie que d’aller au conflit avec son challenger, la Chine, avant que celle-ci n’ait les moyens de prendre sa place pour l’hégémonie mondiale.

Cela est tellement vrai que Donald Trump peut encore ajouter de l’huile sur le feu, car il sait que la tendance américaine est au militarisme, à la centralisation, à la mobilisation générale, au nationalisme. En fait, les États-Unis rencontrent pour la première fois de leur histoire une véritable crise, touchant tout le pays, toute la nature de ce pays. Le capitalisme mondial est en crise et son bastion depuis 1918, forcément, est aux premières loges.

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L’effondrement de l’empire américain est donc inévitable et malheureusement, il n’y a pas de Gauche. En soutenant Joe Biden, Bernie Sanders a littéralement tué la Gauche américaine, qui s’est mise définitivement à la remorque des Démocrates, qui sont l’équivalent de LREM avec Emmanuel Macron, en moins social encore. Les « postmodernes » ont joué ici un rôle extrêmement négatif, avec leur libéralisme libertaire happant toute une partie de la jeunesse s’imaginant œuvrer pour la bonne cause et contribuant en réalité à l’atomisation et à la négation de la lutte des classes.

Il va falloir pour la Gauche américaine parvenir à s’affirmer comme troisième force, comme elle a su le faire jusqu’au début du 20e siècle. Mais les efforts à fournir sont gigantesques et on est plutôt parti pour une implosion des États-Unis avant que cela n’arrive… On se dit alors qu’il ne faut pas attendre des États-Unis qu’il en ressorte quelque chose de positif pouvant contribuer à notre processus en France.

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Les Français littéralement incapables d’appliquer le second confinement

Le constat est partout le même : le second confinement, au début novembre 2020, n’est pas suivi. Il y a beaucoup moins de monde dehors, mais il y a tout de même beaucoup de monde.

Beaucoup de monde dehors ? En tout cas, trop de monde ! La différence entre le premier et le second confinement est énorme. Elle n’est pas que quantitative d’ailleurs, ce n’est pas seulement une question de gens présents dehors. En fait, qualitativement, cela n’a rien à voir. Et c’est la preuve d’un terrible échec.

Les gens suivent le second confinement sans s’appliquer, sans y croire, en espérant un vaccin, un retournement de situation : c’est finalement une sorte d’allégorie de leur rapport au capitalisme. On n’y croit pas plus que cela, mais on mange du foie gras et on veut acheter sa maison ; on n’aime pas les riches, mais on veut une vie quotidienne petite-bourgeoise bien rangée tout en accumulant un petit capital.

Cette ambivalence mène les Français à leur perte. Ils s’imaginent très intelligents en adoptant une sorte de ligne in medio stat virtus, la vertu est dans le milieu. En pratique, ils sont déconnectés. Ils n’ont pas l’armature psychique pour cela, ils n’ont pas la patience, ni la morale ; ils sont incapables de faire face, prisonniers de leur passivité consommatrice et de leur relativisme libéral.

Les Français, au mois d’août, avaient d’ailleurs choisi de se débarrasser de la question de la crise sanitaire. Ils s’imaginaient ainsi rationnels, alors qu’ils étaient idéalistes. Ils se sont imaginés choisir de passer à autre chose et que cela suffirait. Il faut se rappeler les comportements en août pour voir à quel point les Français étaient dans le déni. Avec le recul, c’est à peine croyable.

Et malgré la nouvelle crise sanitaire, ils continuent, en relativisant le second confinement, en cherchant à le détourner avec un justificatif par-ci un justificatif par-là, avec un État complaisant autorisant tout et n’importe quoi de manière dérogatoire. Les Français ne veulent pas de la crise sanitaire, donc elle n’est pas vraiment là. Ainsi, le second confinement est, dans les faits, une fiction.

Pas pour les restaurateurs et les fleuristes bien sûr, pour tous les petits commerces en général, qui doivent encaisser les coups et les coûts du capitalisme (ce qui devrait leur enseigner à mieux choisir ses amis et ses alliés et à se tourner vers la classe ouvrière). Pas non plus pour les refuges et centres de soins pour animaux, qui encore une fois n’existent pas pour l’État et dont les bénévoles se retrouvent à devoir bricoler pour pouvoir se déplacer, travailler, intervenir.

Mais le confinement est bien une fiction en terme de société. Je fais semblant, tu fais semblant, nous faisons semblant. Le gouvernement prétend, les gens prétendent, tout le monde prétend, les réalistes et les médecins hallucinent, désespèrent, protestent. Ils se demandent : pourquoi les Français sont-ils aussi obstinés dans leurs comportements ? Pourquoi ne s’assument-ils pas ?

C’est pourtant simple. Les esprits sont ailleurs, forcément ailleurs,et cela pour une simple raison : personne n’est prêt à assumer que le capitalisme est allé droit dans le mur à l’échelle planétaire, qu’il faut tout remettre à plat, que plus rien ne sera comme avant…

Assumer cela, c’est partir en guerre contre le capitalisme, au sens strict, dans un contexte sanitaire encore en crise, dans un contexte international militarisé, avec une économie portée à bouts de bras avec de l’argent magique, à quoi on doit ajouter le réchauffement climatique, l’effondrement de la culture sous les coups de boutoir de l’expansion du marché, etc.

Trop compliqué ! Trop difficile à suivre ! Trop de sacrifices !

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Les lycéens désemparés face à la crise sanitaire

La rentrée scolaire d’après les vacances de la Toussaint est marquée par une colère dans plusieurs lycées partout en France avec des jeunes s’opposant au manque de mesures sanitaires.

Le gouvernement n’a pas été capable de mettre en place un réel re-confinement, et ce malgré la circulation accrue de l’épidémie de covid-19. Chaque établissement scolaire devient un potentiel « cluster » en puissance, en raison notamment de moments clefs ingérables, comme la rentrée dans le bâtiment, la cantine, sans parler des heures de cours elles-mêmes. Cela a donné lieu à quelques initiatives, notamment… des blocages.

On pourra se dire qu’il y a quelque-chose d’étrange à voir des lycéens s’amasser devant un lycée… pour réclamer à ne pas être amassé dans le lycée ! C’est là le reflet d’un grand tourment dans la société française, avec des gens voyant que les choses ne vont pas bien, mais ne sachant pas comment faire, ni même quoi faire d’ailleurs.

Prenons cette lycéenne par exemple, élève d’un lycée de Bastia en Corse. Ce qu’elle dit est très juste, plein de bon sens, empli d’une saine révolte contre la situation actuelle, avec un grand sens des responsabilités :

De la même manière, les quelques lycéens qui s’organisent devant leur lycée pour en bloquer l’entrée ont forcément raison de dénoncer l’absence (ou le si peu) de mesure sanitaire dans les établissements.

Mais on ne peut que se dire, en même temps, que leurs « blocus » sont bien étranges, alors qu’il y a la possibilité de s’organiser via les réseaux sociaux pour ne pas venir en cours, tout simplement. Les lycéens n’ont ils pas les moyens d’exiger collectivement des cours en ligne, ainsi que des heures d’ateliers réellement en petit groupe et dans des salles bien aérées pour ce qui concerne l’enseignement professionnel ?

Manifestement, la jeunesse ne semble pas encore prête à un tel niveau d’organisation et d’exigence. Les ridicules échauffourées ayant eu lieu ces derniers jours entre la police et des lycéens à Nantes ou à Paris sont ici le reflet de cette faiblesse.

Peut-être, souhaitons-le, la jeunesse lycéenne sera très vite prête, même dans les prochains jours, car les choses vont très vite dans une période de crise comme la nôtre.

Il faut dire cependant que les défis qui s’offrent à elle sont immenses. Rien que le changement climatique ou la question des animaux sont d’une ampleur incroyable, une ampleur qui ne peut que terrifier dans un premier temps… mais qui le moment venu peut aussi galvaniser la jeunesse se prenant en main pour exiger le futur !

Il faut dire également que les 2005, 2004, 2003, voire 2002, qui sont actuellement au Lycée, payent aujourd’hui le prix de l’effondrement de la Gauche dans la jeunesse et les classes populaires. Cela fait maintenant des années et des années que la Gauche ne pèse plus, n’a plus aucune structure réellement ancrée dans la jeunesse, ni même aucun relais ayant un quelconque impacte.

Cette vidéo YouTube postée par le Parti socialiste en direction de la jeunesse en dit très long par exemple :

Seulement 500 vues (dans la soirée du 5 au 6 novembre)… C’est extrêmement faible, alors que ce qui y est dit, à défaut d’être transcendant, est extrêmement simple et tout à fait consensuel. Le Parti socialiste bénéficie pourtant d’une notoriété énorme, il avait même le pouvoir en France il y a quelques années, quand les jeunes visés par la vidéo étaient déjà des adolescents ! On est cependant dans un moment de désarroi et d’espoir mélangé, de combativité et de passivité, de refus et de complaisance.

La France est à l’image de sa jeunesse : prête au changement, mais pas prête à changer.

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Hommage à Samuel Paty… et attaque coordonnée fanatique à Vienne

La crise de civilisation s’impose partout. Alors qu’en France l’hommage à Samuel Paty s’est tenu sobrement mais avec dignité, une attaque coordonnée islamiste frappait Vienne. L’époque est prise de spasmes.

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C’est une bien belle lettre de Jean Jaurès que le gouvernement a fait lire par les enseignants à leurs élèves, à l’occasion de l’hommage à Samuel Paty, l’enseignant assassiné par un fanatique islamiste. Cela souligne la force de la question de l’éducation dans notre pays, une véritable tradition nationale avec, surtout, la figure de l’enseignant visant à élever le niveau des élèves sur le plan moral. L’engagement du professeur qui veut bien faire, sans briser les esprits mais en les faisant avancer, est quelque chose de connu et d’apprécié dans notre pays.

Non pas que tous les professeurs soient ainsi, très loin de là, ni que l’Ecole telle qu’elle existe soit agréable et épanouissante. Mais justement il y a quelques figures émergeant toujours, ici et là, faisant qu’on se souvient avec émotion de tel ou tel enseignant, qui s’est donné pour les élèves. La lettre de Jean Jaurès est donc bien choisie et on sait d’ailleurs à quel point Jean Jaurès fut un ardent républicain et un orateur extraordinaire. La finesse de ses propos, le choix méticuleux des termes et du ton, la vivacité dans la répartie… font qu’il était pratiquement un représentant de l’esprit français.

Jean Jaurès était, également et évidemment, un socialiste, de l’aile droite historiquement, ce qui ne change rien au fond car les socialistes sont en France en général des républicains de Gauche, éloignés des traditions pro-marxistes social-démocrates allemande, russe, autrichienne, bulgare, etc. On ne peut donc guère parler de récupération par le gouvernement et de toutes façons la question n’est pas du tout là. Ce qui compte, c’est de voir l’honneur du professeur, du passeur de savoir face au fanatisme.

On doit ici qualifier d’abject les diverses critiques anti-gouvernementales cherchant la petite faille pour un populisme vraiment déplacé. Profiter d’un tel événement pour accuser le ministre de l’Éducation de prôner une réforme du baccalauréat que Jean Jaurès aurait réfuté, comment dire… C’est absurde. Les terribles attentats dans la capitale autrichienne montrent d’ailleurs où est le problème.

Les attaques coordonnées dans le centre de Vienne en Autriche, en différents endroits, visant à tuer, à blesser, à terroriser, montrent que le mal est profond, qu’à côté de la machinerie capitaliste détruisant la planète on a des crises de folies réactionnaires meurtrières.

Le fanatisme islamiste est le produit d’une époque sans cœur ni esprit, où tout esprit constructif, démocratique, s’efface devant un marché capitaliste tout puissant accompagné de poches de romantismes ultra-réactionnaires idéalisant un passé romancé. Comment affirmer la Culture, la Connaissance, la Démocratie dans un tel cadre historique ? Là est le défi de notre époque et évidemment, seul le Socialisme peut porter cela.

Lire également : La lettre de Jean Jaurès aux instituteurs et institutrices

Le drapeau de la Démocratie, du peuple organisé au niveau de la société, de l’État, est la condition impérative pour sortir d’une crise de civilisation toujours plus folle. La peur et la réflexion se combinent dans des situations nouvelles, inquiétantes et d’envergure. Il faut contribuer à être à la hauteur des questions, il faut savoir souligner les bonnes réponses. Il faut être là. Qui se met de côté dans une telle époque n’a pas saisi ce qui se passe – mais comment ne peut-on pas le saisir ?

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La lettre de Jean Jaurès aux instituteurs et institutrices

Voici la lettre de Jean Jaurès, publiée dans La Dépêche, journal de la démocratie du midi, le 15 janvier 1888 :

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« Aux Instituteurs et Institutrices

Vous tenez en vos mains l’intelligence et l’âme des enfants ; vous êtes responsables de la patrie. Les enfants qui vous sont confiés n’auront pas seulement à écrire et à déchiffrer une lettre, à lire une enseigne au coin d’une rue, à faire une addition et une multiplication. Ils sont Français et ils doivent connaître la France, sa géographie et son histoire : son corps et son âme. Ils seront citoyens et ils doivent savoir ce qu’est une démocratie libre, quels droits leur confère, quels devoirs leur impose la souveraineté de la nation. Enfin ils seront hommes, et il faut qu’ils aient une idée de l’homme, il faut qu’ils sachent quelle est la racine de toutes nos misères : l’égoïsme aux formes multiples ; quel est le principe de notre grandeur: la fierté unie à la tendresse.

Il faut qu’ils puissent se représenter à grands traits l’espèce humaine domptant peu à peu les brutalités de la nature et les brutalités de l’instinct, et qu’ils démêlent les éléments principaux de cette œuvre extraordinaire qui s’appelle la civilisation. Il faut leur montrer la grandeur de la pensée ; il faut leur enseigner le respect et le culte de l’âme en éveillant en eux le sentiment de l’infini qui est notre joie, et aussi notre force, car c’est par lui que nous triompherons du mal, de l’obscurité et de la mort.

Eh quoi ! Tout cela à des enfants ! —Oui, tout cela, si vous ne voulez pas fabriquer simplement des machines à épeler. Je sais quelles sont les difficultés de la tâche. Vous gardez vos écoliers peu d’années et ils ne sont point toujours assidus, surtout à la campagne. Ils oublient l’été le peu qu’ils ont appris l’hiver. Ils font souvent, au sortir de l’école, des rechutes profondes d’ignorance et de paresse d’esprit, et je plaindrais ceux d’entre vous qui ont pour l’éducation des enfants du peuple une grande ambition, si cette grande ambition ne supposait un grand courage. […]

Sachant bien lire, l’écolier, qui est très curieux, aurait bien vite, avec sept ou huit livres choisis, une idée, très générale, il est vrai, mais très haute de l’histoire de l’espèce humaine, de la structure du monde, de l’histoire propre de la terre dans le monde, du rôle propre de la France dans l’humanité. Le maître doit intervenir pour aider ce premier travail de l’esprit ; il n’est pas nécessaire qu’il dise beaucoup, qu’il fasse de longues leçons ; il suffit que tous les détails qu’il leur donnera concourent nettement à un tableau d’ensemble. De ce que l’on sait de l’homme primitif à l’homme d’aujourd’hui, quelle prodigieuse transformation ! et comme il est aisé à l’instituteur, en quelques traits, de faire sentir à l’enfant l’effort inouï de la pensée humaine ! […]

Je dis donc aux maîtres, pour me résumer : lorsque d’une part vous aurez appris aux enfants à lire à fond, et lorsque d’autre part, en quelques causeries familières et graves, vous leur aurez parlé des grandes choses qui intéressent la pensée et la conscience humaine, vous aurez fait sans peine en quelques années œuvre complète d’éducateurs. Dans chaque intelligence il y aura un sommet, et, ce jour-là, bien des choses changeront. »

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agauche.org, prêt contre la Droite

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Le passage en catastrophe du premier ministre Jean Castex sur TF1 le premier novembre en dit long sur la vaste agitation des petits commerçants et, à l’arrière-plan, la vague de droitisation en cours. L’attentat de Nice a représenté un vrai tournant, dans le sens où la Droite a réussi à s’unir dans une offensive généralisée, alors qu’auparavant la dispersion prédominait.

C’est là un effet du travail en profondeur de gens aussi divers que Marion Maréchal, le dessinateur Marsault, les gilets jaunes, le youtubeur « le raptor dissident », Xavier Bertrand, etc. C’est l’idée d’une Droite « populaire », à la fois rétrograde et de masse, privilégiant les comportements beaufs afin de toucher le plus de gens possibles.

Un tel projet a été bien aidé par la gauche « postmoderne », qui tombe toujours plus dans la caricature monomaniaque obsessionnelle (avec les migrants et les LGBTQ) et représente du pain béni pour une telle Droite. Mais ce projet a été aidé aussi par les « populistes » comme ceux de La France Insoumise qui rejettent le parcours du mouvement ouvrier, ainsi que la lutte des classes.

La crise sanitaire, économique… mais aussi politique, institutionnelle, culturelle, et finalement tout ce qu’on voudra, donne à cet arrière-plan une dimension terrible. On fonce vers le fascisme et la guerre : quand on est de gauche, dans la tradition historique de la Gauche, on ne peut pas ne pas le voir. Il faut donc s’y opposer, avec les meilleurs outils.

agauche.org est un tel outil, parce que c’est un média qui allie la régularité à une démarche multithématique. C’est une démarche essentielle pour aborder la vie quotidienne, avec tous ses aspects, et s’appuyer sur les fondamentaux et non pas les projets électoraux et l’approche syndicale. On ne dira jamais assez à quel point les élections et les syndicats sont les Charybde et Scylla de la Gauche française.

Ce ne serait pas suffisant toutefois s’il n’y avait pas la démarche de réfuter le libéralisme économique et le libéralisme culturel, les deux relevant de la même vision du monde. On ne peut pas se dire de gauche, par exemple, et admirer des gens réfutant la culture et prétendant que s’agiter sur un clavier pour écrire de la pseudo-littéraire ou sur un tableau pour de la pseudo-peinture aurait du sens pour les gens. Pareillement, on ne peut pas se dire de gauche et considérer qu’on peut avoir un 4×4, si on le veut, qu’on peut pratiquer le sado-masochisme, si on le veut, qu’on peut tromper son conjoint, si on le veut, etc.

La Gauche, c’est par le peuple et pour le peuple, et plus précisément la classe ouvrière. C’est là, tout de même, la base de la Gauche. Naturellement, pour la gauche version post-moderne, tout cela c’est du passé, il s’agirait désormais de conquérir plus de « droits individuels ». C’est là totalement converger avec le capitalisme en cherchant des figures de renforcement de l’individualisme et de l’opportunisme. Et la Droite « populaire » en profite, elle se nourrit de cela.

En fait, c’est comme dans les années 1930, il y a trois camps : la Gauche qui veut la Démocratie et donc le Socialisme, les libéraux qui cherchent à maintenir les choses telles qu’elles sont, la Droite qui veut « remettre de l’ordre » : rappelons que les fascistes italiens et les nazis allemands se revendiquaient de la Droite, en mode « populaire », « national » ; ils assumaient d’être des traditionalistes, des beaufs.

agauche.org est ainsi un levier pour faire se réaffirmer la Gauche historique, qui elle seule peut vaincre la Droite « populaire », sans rien céder aux libéraux. C’est un outil essentiel, dont il faut profiter, et auquel il faut contribuer !

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Culture

Décès de Sean Connery, retour sur quelques films

L’acteur écossais Sean Connery est décédé dimanche 1er novembre 2020 à l’âge de 90 ans. Il a été très tôt célèbre pour avoir interprété James Bond durant les cinq premiers films de la franchise. Il est aussi très connu pour son rôle de père d’Indiana Jones ou celui d’officier de police « incorruptible » dans le film du même nom de Brian De Palma. Voici un retour sur quelques-uns de ces films les plus marquants.

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La filmographie de Sean Connery est extrêmement riche mais sa partie la plus intéressante est probablement celle des années 1960 et 1970, qui s’est faite en parallèle de ses rôles de super espion.

En 1965, il joue pour la première fois sous la direction de Sidney Lumet dans La Colline des hommes perdus. À cette époque, Sidney Lumet n’a pas encore réalisé ses films les plus célèbres mais s’est déjà fait un nom de réalisateur progressiste, notamment avec le fabuleux 12 hommes en colère, ôde à la justice et à la démocratie et où il fait la démonstration qu’une réalisation n’a pas besoin de multiplier les effets de caméra pour déborder d’intensité.

La Colline des hommes perdus est un excellent film dont le projet est d’ailleurs porté par Sean Connery. On y suit cinq détenus d’un camp militaire disciplinaire anglais durant la seconde guerre mondiale, s’attaquant au despotisme des petits chefs, à l’absurdité des ordres dans l’armée, à sa violence pour briser mentalement les individus. 

Le titre vient de la colline de sable que doivent escalader encore et encore les détenus dès que leur sergent le décide, sous le soleil libyen.

La charge contre une discipline de la peur et de l’humiliation, n’ayant aucun sens, faisant fi de toute morale, dépasse assez clairement le cadre de l’armée que l’on finit par oublier, emporté par la mise en scène de Sidney Lumet qui change au cours du film de focale pour se rapprocher toujours plus des visages déformés par la peur et la colère devant l’injustice. 

Il s’agit de la première des cinq collaborations entre Sean Connery et Sydney Lumet dont la plus célèbre est probablement le très noir The Offence sorti en 1973, certainement la meilleure prestation de l’acteur écossais.

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Cinq ans après La colline des hommes perdus, on le retrouve dans un autre film tout aussi passionnant : Traître sur commande, de Martin Ritt. 

Martin Ritt est un réalisateur américain assez méconnu aujourd’hui, qui a pourtant réalisé de grands films, souvent marqués par un cinéma ouvertement engagé, dans des genres aussi variés et populaires à l’époque que le western (Hombre, 1967), le drame aux accents de film noir (L’homme qui tua la peur, 1956), ou le film d’espionnage (L’Espion qui venait du froid, 1965).

Avec Traître sur commande (The Molly Maguires), il prend pour base une histoire inspirée de faits réels, celle du groupe secret des Molly Maguires qui dans les 1870, face à la répression des organisations syndicales dans les mines de charbon de Pennsylvanie, menèrent plusieurs actions de sabotages et d’agressions.

Ainsi le film prend place au sein d’une communauté d’émigrés irlandais vivant dans une ville des plus austères, comme sortie de terre uniquement pour l’exploitation de la mine de charbon. Austérité renforcée par une photographie volontairement terne, et les nombreuses séquences dans la quasi-obscurité étouffante de la mine.

L’enjeu du film repose sur l’infiltration d’un agent de police (interprété par Richard Harris) au sein des travailleurs de la mine, avec pour but le démantèlement et l’arrestation des têtes des Molly Maguires. 

Si Martin Ritt ne laisse qu’assez peu de doute sur son parti-pris dans le récit, l’intérêt du film va bien plus loin et est multiple.

Il a tout d’abord une approche très réaliste, quasi-documentaire de la vie de ces mineurs, de leur travail. Ainsi le film s’ouvre sur une longue séquence où l’on suit les hommes descendre à la mine, dans un travail difficile et dangereux. Pas une parole n’est prononcée pendant près d’un quart d’heure et pourtant le cinéaste nous a déjà embarqués avec lui. 

On peut d’ailleurs noter qu’outre Richard Harris, la vraie tête d’affiche du film est bien Sean Connery, et pourtant sa première ligne de dialogue n’arrive qu’assez tardivement. 

La recherche de la justice est une nouvelle fois au cœur du film, ainsi que le questionnement moral du personnage de Richard Harris, mais aussi de la femme du village minier avec laquelle il va nouer une relation. 

Comme chez Sidney Lumet, la radicalité du film, dans son propos et dans sa mise en scène, tranche nettement avec les gros rôles de Sean Connery à l’époque. 

Il dira d’ailleurs bien plus tard que Traître sur commande et La colline des hommes perdus font partie des films dont il est le plus fier.

En 1974 sort probablement la plus grande bizarrerie de la filmographie de l’écossais : Zardoz, de John Boorman. 

Le film est extrêmement connu pour le look de son acteur principal, improbable avec ses bottes qui remontent à mi-cuisse, son slip rouge assorti à ses cartouchières en guise de bretelle, la moustache et le catogan.

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Le film fait effectivement assez cheap, mais c’est un peu court pour le classer dans la catégorie des « nanar sans intérêt ».

S’il joue souvent l’équilibriste, jamais bien loin de tomber dans le grotesque et le mauvais goût, dont on pourrait considérer qu’il franchit parfois la limite, John Boorman livre une fable philosophique qui n’en demeure pas moins intéressante.

Le film s’inscrit dans la lignée de films produits par les gros studios hollywoodiens se rattachant à la contre-culture, comme par exemple les très bons Silent Running de Douglas Trumbull (1972) et Soleil Vert de Richard Fleischer (1973), deux violentes charges écologiques.

Dans Zardoz la population humaine est divisé entre « Les Éternels », qui ont réussi à atteindre l’immortalité et se sont construits un territoire préservé et imprenable, et « Les Brutes », vivant dans un monde ravagé par la violence et la barbarie, et fournissant de la nourriture aux Éternels.

Entre les deux se tient le « Dieu » Zardoz, prenant l’apparence d’un immense visage de pierre, flottant dans les airs et flattant les bas instincts des Brutes, leur fournissant des armes, les poussant à s’entre-tuer et les maintenant dans un état de barbarie.

Dès le début du film, on sait que ce Dieu n’est qu’une supercherie. 

On découvrira aussi rapidement que la vie des Éternels, dont la représentation fait volontairement penser à des hippies, n’est pas si enviable, la disparition de la mort leur ayant retiré une part d’humanité, retirant finalement toute vie de leur monde. 

Le film n’est pas exempt d’ambiguïtés, car on y sent une défiance à l’égard du collectif et du communisme dans la représentation des Éternels, mais dans le même temps le libre arbitre se retrouve mis en cause par une révélation vers la fin du film. 

Pour terminer nous pouvons également citer L’homme qui voulut être roi, un savant mélange de film d’aventure et de comédie grinçante, mis en scène par John Huston (1975), qui prolonge les thématiques du pouvoir et de la religion puisque Sean Connery y incarne un franc-maçon aventurier qui parviendra à devenir roi d’un pays par la guerre et la superstition, et dont l’esprit navigue entre avidité, quête de pouvoir, et absurdité de sa propre condition.