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Effondrement de la France

Ni Trump ni Biden, version française

Le scandale du 11 juin 2024, c’est la décision d’Eric Ciotti, à la tête du parti de la Droite classique « Les Républicains », de demander une alliance avec le Rassemblement national de Marine Le Pen et de Jordan Bardella.

Cela a provoqué des troubles internes très forts. Ce qui est le cas également au Parti socialiste, où beaucoup ne veulent pas d’une alliance avec La France insoumise. Naturellement, dans les deux cas, le camp d’Emmanuel Macron appelle les « modérés » à le rejoindre.

Parallèlement, la « gauche de la gauche », les syndicalistes, les associatifs s’agitent en diable, avec des appels, des rassemblements, des manifestations. On est ici dans une démarche à la fois d’hystérie petite-bourgeoise et de jeu théâtral.

Ce sont des simulacres d’engagement, afin de tenter de donner de l’énergie au « Front populaire », le nom scandaleux choisi pour le regroupement du Parti socialiste, du PCF, des Ecologistes, de La France insoumise, de Place publique, de Génération.s et de la Gauche républicaine et socialiste. Il faut vraiment lire la constitution du vrai Front populaire, dans les années 1934, 1935 et 1936, pour voir la différence complète avec aujourd’hui.

Car peu importe, au fond, qu’on assiste à un découpage en deux ou en trois du panorama français. Le fait est que les trois camps acceptent l’hégémonie américaine et la guerre contre la Russie. Que ce soit le camp « nationaliste », le camp « centriste » ou la « Gauche » gouvernementale, c’est la même ligne d’accepter le capitalisme, pour le faire pencher plus dans un sens ou dans un autre.

Pencher, c’est vraiment le mot : aucun camp n’a d’idéologie, d’ossature sur le plan des idées, de cadres formés, de valeurs politiques claires. C’est comme aux Etats-Unis, un affrontement dans une vaste bourse aux idées et aux lobbys, aux intérêts et aux ambitions, avec comme fracture une ligne séparant les « conservateurs » et les « progressistes », les « républicains » et les « démocrates ».

Il va de soi que quand on est réellement de gauche, on ne saurait relever d’un tel conflit interne au capitalisme. Et il ne faut pas converger avec un camp ou l’autre. Il y a ainsi des groupes qui se disent révolutionnaires, mais ils ont fantasmé sur le mouvement contre la réforme des retraites, ils fantasment les LGBT, ils délirent sur la Palestine, ce qui fait qu’en pratique, ils sont une simple fraction un peu extrême de La France insoumise.

Ce dont nous avons besoin, c’est d’un troisième camp, correspondant à l’autonomie de classe du prolétariat, sur le plan des idées, des valeurs, de la politique, des perspectives. Il faut contribuer à la vision du monde, à une lecture concrète des choses dans toute leur dignité, à une connaissance historique approfondie, à l’instar des dossiers sur des marqueurs historiques proposés par materialisme-dialectique.com.

Il faut de l’intelligence et de l’indépendance. Il ne faut pas céder aux sirènes d’un pseudo-activisme à l’américaine, qui ne sert que des processus électoraux et des modes « activistes ». Il faut réfléchir et s’organiser, sur la base de la raison, avec un programme comme fondement, une vision du monde comme moteur.

C’est cela qui permet d’échapper humainement à la contamination venant de la France capitaliste en pleine décadence, avec une société en décomposition. Il faut s’opposer à l’alternative Trump/Biden dans sa version française, en sachant que si au départ c’est difficile, la guerre contre la Russie qui se profile fera voler en éclats toutes les illusions.

L’arbre préfère le calme, mais le vent continue de souffler !

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Effondrement de la France

Elections européennes 2024: une dissolution « américaine »

Allons, allons, il faut raison garder. La dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron, à la suite des élections européennes de 2024, a provoqué une onde de choc. Le trouble et la perplexité règnent partout. Mais tout est très simple, en fait, si on pose les choses adéquatement. En quelques points, on comprend tout.

1. Les résultats sont tranchés

Voyons les faits que sont les résultats. Le bloc présidentiel, autour du parti présidentiel Renaissance (et avec le Modem, Horizons, le Parti Radical, l’Union des démocrates et indépendants) a obtenu 14,5% des voix. En face, l’opposition est donc largement majoritaire, de manière écrasante.

Il y a déjà le Rassemblement national, avec 31,5% des voix. Il y a ensuite le bloc autour des socialistes, avec 14% des voix.

La France insoumise, qui représente la « gauche » populiste, a 10,1% des voix. La Droite historique, avec Les Républicains, a 7,1% des voix.

Europe Écologie Les Verts a 5,5% des voix, les nationalistes de Reconquête (avec Marion Maréchal) a 5,3% des voix, et le PCF a 2,3% des voix.

L’Alliance rurale a 2,2% des voix, le Parti Animaliste 2%, les nationalistes de l’UPR et des Patriotes, 1% chacun.

2. Il faut bien une légitimité

Évidemment, ce sont les élections européennes et cela ne veut pas dire que des élections parlementaires auraient donné le même résultat. On ne peut toutefois pas gouverner avec l’impression qu’on ne représente que 14% des voix, alors qu’il y a eu 51,4% de participation.

Dissoudre est en même temps un risque, cela implique un très grand risque qu’aux élections législatives qui vont avoir lieu, il y aura une cohabitation. Et on pouvait se dire qu’ayant la majorité parlementaire, même si précaire, Emmanuel Macron pouvait manœuvrer quand même, d’une manière ou d’une autre.

Cependant, à un moment, cela n’aurait plus réellement fonctionné, alors pourquoi attendre ? Qui plus est, la France est ce qu’elle est…

3. Le RN n’est pas fasciste, mais les Français sont vraiment nuls

Le RN de Marine Le Pen et de Jordan Bardella n’est pas du tout fasciste. C’est un parti exprimant des aigreurs et du protectionnisme, une nostalgie prononcée et la peur du déclassement social. Et il soutient le régime ukrainien.

Ce n’est donc pas une « menace » pour Emmanuel Macron, malgré ses propos. C’est un concurrent.

Et, à côté de cela, les Français sont nuls. Ils ne font pas de politique, et quand ils en font, ils mélangent tout et sont mauvais. Sur le plan des idées, plus rien n’est cohérent, c’est une ignoble tambouille, avec des mélanges empruntés à la Droite et à la Gauche, sans aucune cohérence.

La situation n’est donc pas dramatique. Et il y a même une opportunité pour Emmanuel Macron s’imaginant disciple de Machiavel…

4. Emmanuel Macron impose une polarisation à l’américaine

La clef, c’est qu’Emmanuel Macron impose une cassure politique à l’américaine. Qu’importe si son parti présidentiel perd les élections, car en face il y aura une union des droites. Il aura alors réussi son parti, qui est de « moderniser » la société française, c’est-à-dire de l’aligner sur le style américain, avec deux gros partis dont les rapports de force internes dépendent de la bourse aux idées, aux activistes et aux lobbys.

Voici ce que nous disions le 4 juin 2024 pour qualifier ces élections de fictives.

« Il y a ici deux options politiques, pour faire pression dans un sens ou dans un autre. Il y a les modernistes, les bobos, LGBT, libéraux culturellement mais pour un filet social… pour les « gagnants », ceux qui profitent le plus de la situation et en veulent encore plus.

Et il y a les nationalistes, les conservateurs… pour les « perdants », les aigris ayant la nostalgique des années 1980.

Linkedin et Twitter pour les uns, Facebook et les SMS pour les autres, et Instagram et Tiktok pour tous. Cela correspond aux « Républicains » et aux « Démocrates » aux États-Unis. »

Effectivement, c’est cela qui se met en place. Ces élections européennes de 2024 ont été fictives, donc ont fait passer un cap aux institutions. De par leur vide, elles amènent une situation pleine.

Et maintenant !

Emmanuel Macron va chercher à élargir le socle de la majorité présidentielle, pour constituer un parti Démocrate à l’américaine, en prévoyant une union des droites qui formera l’équivalent des Républicains américains.

Il y a deux possibilités. Soit il a raison et l’opération fonctionne. Il aura alors réussi son opération de modernisation, d’américanisation.

Soit il a tort et c’est nous qui avons raison : la crise commencée en 2020 a tout changé et Emmanuel Macron ne reflète que l’illusion bourgeoise d’une modernité perpétuelle et contrôlée dans sa mise en place.

Dialectiquement, pour l’instant, les deux sont vrais. La société française est américanisée, le processus va fonctionner. Il fallait que le parti présidentiel perde pour obtenir sa légitimité dépassant le simple cadre de l’élection d’Emmanuel Macron. Potentiellement, le Parti démocrate à l’américaine peut naître en France désormais.

En même temps, il est vrai que les gens n’y connaissent rien et basculent d’un côté ou de l’autre, suivant une tendance. L’esprit des gens façonnés par la société de consommation est binaire. Pourtant, la France a porté beaucoup de luttes de classe et la situation historique n’est pas celle d’un vaste pays à l’écart et disposant de l’hégémonie mondiale.

La France est la maillon faible de la chaîne des pays capitalistes les plus développés. C’est un pays décadent, où tout s’effondre sur tous les plans. Rien n’a plus de solidité. Les vœux d’Emmanuel Macron sont donc vains. Son initiative ne réussit que parce plus rien ne tient… Et donc, ce qu’il vise ne tiendra pas non plus.

Et dans ce chaos, dont relève les prochaines élections pareillement, il faut donc l’esprit de Parti, les positions de la Gauche historique pour recomposer le prolétariat en tant que classe, et organiser un nouvel État, une nouvelle société. C’est l’alternative Socialisme ou barbarie!

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Refus de l’hégémonie

Joe Biden à Paris le 8 juin 2024

Après le 80e anniversaire du débarquement en présence d’Emmanuel Macron, Joe Biden et Volodymyr Zelensky, il y a eu le lendemain le triomphe fait à ce dernier. Au troisième jour, le 8 juin 2024, cela a été au tour de Joe Biden de recevoir tous les honneurs.

Ce qui fait, d’ailleurs, que Volodymyr Zelensky a reçu un triomphe en France, alors que le président américain Joe Biden était en France, à l’arrière-plan. C’est tout un symbole. La France est une succursale américaine, et si elle prend la tête de la coalition contre la Russie, c’est sur ordre américain. D’où les propos de Volodymyr Zelensky, ce pantin de la superpuissance américaine :

« Emmanuel, Monsieur le président, je voudrais te remercier aussi de n’avoir pas laissé l’Europe sans leader et l’Ukraine sans la France au moment qui était décisif. »

La vassalisation est totale, la France ne peut plus reculer. Son armée est totalement intégré dans l’Otan, toutes les institutions ont fusionné avec l’Union européenne. Désormais, si décrochage il y a, il ne peut qu’être total.

Pour preuve, la journée du 8 juin 2024 n’a été accompagnée de strictement aucune annonce franco-américaine. C’était une pure mise en scène. Deux phrases résument ce théâtre : « Alliés nous sommes et alliés nous resterons » (Emmanuel Macron), « La France et les Etats-Unis sont ensemble, aujourd’hui et pour toujours » ( Joe Biden).

Comme il fallait bien faire quelque chose, Emmanuel Macron et Joe Biden sont allés raviver la flamme du soldat inconnu, avec une descente des Champs-Elysées escortés par 140 chevaux et 38 motards de la Garde républicaine. S’en est suivi un banquet à l’Elysée.

Une « Feuille de route franco-américaine » a été signée, comme c’est l’usage, au minimum, lors de telles rencontres. Le document est très long et concerne littéralement tous les domaines : l’Ukraine, l’Otan, la Moldavie, les Balkans occidentaux et le Caucase du Sud, le Moyen-Orient, l’Afrique, la région Indopacifique, les Amériques, la lutte contre les activités de manipulation de l’information et d’ingérence menées depuis l’étranger, le climat, les câbles sous-marins dans le Pacifique, les transports, la coopération scientifique, etc.

Voici les passages les plus importants, ceux qui reflètent l’objectif d’une guerre européenne contre la Russie et la soumission de la France à l’Otan.

Les présidents réitèrent leur ferme condamnation de la guerre menée par la Russie en Ukraine et rejettent la tentative d’annexion par la Russie de territoires ukrainiens souverains, en violation flagrante du droit international, notamment de la Charte des Nations Unies. Le discours nucléaire irresponsable de la Russie et son mépris des régimes de contrôle des armements sont inacceptables.

Dans ce contexte, la France et les États-Unis réaffirment leur soutien constant à la défense par l’Ukraine de sa souveraineté et de son intégrité territoriale, notamment en continuant de lui apporter une aide politique, humanitaire, économique et de sécurité.

Les deux pays confirment leur appui à une paix globale, juste et durable dans le respect du droit international, et continueront à travailler avec leurs partenaires et Alliés à coordonner l’aide pour permettre à l’Ukraine d’exercer pleinement son droit de légitime défense, prévu par l’article 51 de la Charte des Nations Unies.

Les présidents ont échangé sur les possibilités d’agir davantage en soutien à l’Ukraine ; cette guerre met en effet en jeu la sécurité euro-atlantique dans son ensemble.

La France et les États-Unis coprésident la « coalition artillerie » au sein du Groupe de contact pour la défense de l’Ukraine et ont l’intention de prendre de nouvelles mesures pour apporter à l’Ukraine le soutien nécessaire dans la période actuelle et à plus long terme.

Les deux pays demeurent déterminés à réfuter les arguments qui prétendent faussement que le temps joue pour la Russie ; les deux présidents s’engagent à soutenir les efforts déployés dans le cadre de l’Union européenne (UE) et du Groupe des sept (G7) pour faire bénéficier l’Ukraine des profits considérables provenant des avoirs souverains russes immobilisés, conformément au droit international et à leurs systèmes juridiques et processus de décision respectifs.

Les présidents ont également exprimé leur vive préoccupation face aux transferts d’armes, notamment depuis l’Iran et la République populaire démocratique de Corée, ainsi que de biens à double usage et de composants pour une production militaire en provenance d’entreprises situées en République populaire de Chine et dans d’autres pays, que la Russie utilise pour reconstruire sa base industrielle militaire et de défense afin de continuer sa guerre contre l’Ukraine.

La France et les États-Unis soutiennent des mesures visant à interdire l’accès aux systèmes financiers français et américain de tous ceux qui sont impliqués dans de tels transferts.

Ils soutiennent tous deux résolument le travail de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) visant à mettre en lumière et à documenter les violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises par les forces russes.

Les deux pays demeurent déterminés à atténuer les conséquences tragiques de la guerre sur le plan humanitaire et des droits de l’homme ainsi que ses répercussions sur la sécurité alimentaire mondiale, l’énergie, la sécurité et la sûreté nucléaires, et l’environnement.

La France et les États-Unis réaffirment leur volonté d’assurer leur défense réciproque et de défendre chaque parcelle de territoire allié à tout moment, de protéger leurs ressortissants et de préserver la liberté et la démocratie, conformément aux engagements qu’ils ont pris en tant qu’Alliés au sein de l’OTAN.

Ils renforcent ensemble leur défense collective contre l’ensemble des menaces, dans toutes les directions, en suivant une approche à 360 degrés.

Les présidents ont réaffirmé l’importance du renforcement du partenariat stratégique OTAN-UE et d’une défense européenne plus forte et plus capable soutenant le pilier européen de la sécurité transatlantique qui contribue de manière positive à la sécurité collective.

Les États-Unis soutiennent les investissements croissants des Alliés européens et de leurs partenaires dans des capacités militaires qui consolident notre défense commune, de manière complémentaire à l’OTAN.

Depuis la crise commencée en 2020, le capitalisme s’effondre, la superpuissance américaine perd son hégémonie, et pour sauver sa propre peau, le capitalisme français se précipite comme vassal pour aider à « geler » l’ordre mondial.

Cette mise en scène du 8 juin 2024 était très importante pour une partie de la bourgeoisie, qui n’avait pas compris l’initiative prise par Emmanuel Macron le 26 février 2024. Elle craignait que la France ne se retrouve seule, ou bien qu’Emmanuel Macron agissait de manière isolée. La visite de Joe Biden vise à rassurer, à bien montrer que tout est concerté.

L’éditorial du Monde du même jour ne s’y trompe pas, et salue la situation nouvelle, qui donne beaucoup moins l’impression que la France provoque une « escalade » (ce qui est en réalité le cas). Le Monde s’inquiète toutefois du manque d’unité nationale.

« M. Macron se pose ainsi en leader de l’engagement européen au côté de l’Ukraine, même si en quantité cette assistance est bien inférieure à celle des Etats-Unis et de l’Allemagne.

M. Poutine ne s’y trompe pas, qui multiplie les manifestations d’hostilité à l’égard de Paris. M. Macron voit dans ces « signes de nervosité » du Kremlin la confirmation de la justesse de sa stratégie, et rappelle que le droit international autorise l’Ukraine à se défendre : l’aide occidentale se situe dans ce strict cadre.

C’est bien l’agression russe qui provoque un engagement européen accru, pas l’inverse. Mais cet engagement doit pouvoir s’appuyer sur le plus large soutien politique et diplomatique.

L’image d’une Assemblée nationale à moitié désertée, vendredi, au moment où s’y exprimait le président d’un pays en guerre auquel la France vient en aide était à cet égard désastreuse − et inquiétante. »

Le 8 juin 2024 exprime la situation actuelle. La France est vassalisée, il n’y a aucune opposition politique, ni de masse, à l’hégémonie américaine. Tous les partis politiques institutionnels, ou « à gauche de la gauche », se sont alignés. Même le camp nationaliste (Marine Le Pen, Jordan Bardella, Eric Zemmour, Marion Maréchal…) obéit aux attentes de l’Otan sur le plan des positions.

Par conséquent, soyons à la hauteur des attentes historiques, soyons à la pointe de la lutte contre le repartage du monde. En France, sabotons l’effort de guerre, refusons l’hégémonie américaine!

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Refus de l’hégémonie

80e anniversaire du débarquement: encore l’escalade

La préparation du 80e anniversaire du débarquement avait causé un grand trouble diplomatique en France, en raison de la nécessité traditionnelle d’inviter la Russie, qui assume la mémoire de la contribution, principale, de l’URSS contre l’Allemagne nazie et ses alliés.

Et quand on dit ses alliés… Il y a les nationalistes ukrainiens. Qui ont désormais, depuis 2014, l’hégémonie sur l’Ukraine, où ils détruisent systématiquement tous les monuments soviétiques de la victoire sur le nazisme. Ce qui veut tout dire sur le plan des valeurs.

Pourtant, on a donc eu le 6 juin 2024 cette incohérence d’une cérémonie en Normandie sans représentant russe, mais avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky, qui ne parle désormais qu’en ukrainien, lui qui était auparavant un… humoriste russophone.

Mais les incohérences ne comptent pas puisqu’il s’agit de la « liberté », avec une continuité censée aller de 1944 À 2024, la Russie étant désormais présentée comme la grande et seule menace (en attendant la Chine), comme l’a rappelé Emmanuel Macron.

« Aujourd’hui, l’Ukraine est une nation qui résiste et, ce faisant, la Russie a un peu trahi le message de la Libération et du Débarquement (…). Parce que qui dit que la Russie s’arrêtera là ? Nous sommes sûrs du contraire et la Russie est à nos frontières. »

La mise en scène a d’ailleurs été très réussie. Le film « Il faut sauver le soldat Ryan », une production hybride Pentagone – Hollywood, ressortait dans 300 salles de cinéma en France le même jour, alors que l’acteur Tom Hanks et le réalisateur Steven Spielberg étaient eux-mêmes en Normandie.Volodymyr Zelensky est tombé dans les bras d’un vétéran qui l’a qualifié de « sauveur », dans la continuité d’un storytelling à l’américaine ininterrompu depuis deux ans.

Au cimetière américain de Colleville-sur-Mer, le président américain a mis en valeur « la bataille entre la liberté et la tyrannie », assimilant le président russe Vladimir Poutine à un « tyran » et appelant à soutenir le régime ukrainien, car:

« Nous ne pouvons pas abandonner devant des dictateurs, c’est inimaginable ».

Puis il est allé à Paris, avec le quartier de l’opéra bloqué autour de son hôtel, ainsi que le périphérique et quatre autoroutes, alors qu’en même temps, une déclaration commune a été signée par les représentants de toute une série de pays, expression d’allégeance à la superpuissance américaine.

Elle a été signée par les pays suivants: Allemagne, Australie, Belgique, Canada, Danemark, Etats-Unis, France, Grèce, Italie, Luxembourg, Monaco, Norvège, Nouvelle-Zélande, Pays-Bas, Pologne, République tchèque, Royaume-Uni, Slovaquie, Ukraine. En voici le noyau dur.

« Nous plaidons en faveur d’échanges économiques pacifiques, des liens entre les peuples et de la coopération internationale afin de promouvoir la sécurité et la prospérité en Europe et dans le reste du monde.

Ces principes universels se trouvent au cœur de notre engagement collectif en faveur de la paix et de la sécurité. Ils sont depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale la pierre angulaire de l’alliance nouée entre les États-Unis, le Canada et les pays européens, ainsi que des partenariats mondiaux établis de longue date.

Aujourd’hui, ils demeurent au cœur de notre action dans le monde, alors que nous nous efforçons de favoriser l’établissement de normes mondiales, de promouvoir des valeurs et de soutenir le développement durable pour tous.

Ils nous guident dans la détermination sans faille que nous déployons pour aider l’Ukraine à se défendre contre la guerre d’agression russe, et que nous continuerons de déployer aussi longtemps que nécessaire pour rétablir la paix en Europe.

Alors que les événements nous rappellent de façon dramatique que la paix n’est pas éternelle et que la sécurité n’est pas une évidence, il est plus que jamais nécessaire de redoubler d’efforts pour renforcer notre défense collective, notre capacité de dissuasion et notre résilience.

Nous réaffirmons le rôle central que joue l’OTAN dans la sécurité du continent européen et l’importance d’une défense européenne plus solide et plus performante qui contribue activement à la sécurité mondiale et transatlantique. Nous reconnaissons qu’il reste encore beaucoup à faire. »

Difficile d’exprimer davantage l’hégémonie américaine sur l’ordre mondial.

Puis, il y a eu un grand interview d’Emmanuel Macron, sur différents thèmes. Sur la Palestine, la France prône le statu quo et les négociations, et c’est pareil dans tous les domaines, car c’est le moyen de tirer son épingle de jeu que d’apparaître intelligente, plus subtile que les Américains, plus libérale que les Chinois, etc.

Sur l’Ukraine, par contre, le diktat américain est là et la France est à la tête de la coalition anti-Russie. Le problème, c’est que les moyens ne sont pas là. La France est un pays qui se déclasse, c’est d’ailleurs pour ça qu’elle est autant agressive. Et ce n’est pas facile de faire beaucoup avec peu.

Le président français a donc annoncé que la France fournirait à l’Ukraine des avions de chasse Mirage 2000-5. Les pilotes ukrainiens seront formés en France.

Sauf que ces avions sont en fin de vie, et qu’il faut au moins cinq mois pour une formation (il faudrait même plutôt compter en années pour être réellement expérimenté). De tels avions, il n’y en a également qu’une quarantaine, plus concrètement autour d’une petite vingtaine, même si Emmanuel Macron a précisé que:

« Nous allons bâtir une coalition avec d’autres partenaires. »

Toutefois, on en voit mal les contours, à moins d’échanger de tels avions vendus contre des avions américains nouveaux (par exemple pour la Grèce ou le Qatar).

Le régime ukrainien se voit donc accorder un soutien dans six mois, et sans réelle envergure, à part celle de lancer des missiles SCALP fournis par la France. On est surtout dans le service après-vente de l’industrie de l’armement français.

Et cela accroît en même temps la présence française, car pour maintenir ces avions, il faut des techniciens… Et là, on ne forme pas des gens en six mois. Cela implique forcément la présence de soldats français.

Une autre mesure annoncée a plus de poids. « Dans la zone libre, à l’ouest de l’Ukraine », explique Emmanuel Macron, la France va se charger « former 4500 soldats ukrainiens et donc de les équiper, les entrainer, leur apporter les munitions, les armes ». Ce serait en quelque sorte une « brigade française » a-t-il dit. On est là dans une forme de sponsoring morbide, avec l’armée ukrainienne clairement là pour servir de chair à canon.

C’est là un premier pas. En soi, ce n’est rien, mais il suffit de lire la chronologie depuis le 26 février 204 pour comprendre l’engrenage.

Le régime ukrainien commence d’ailleurs à chercher à récupérer les hommes de 17 à 60 ans qui ont quitté le pays pour ne pas être mobilisé. La pression commence à s’exercer sur eux, de manière administrative, mais certains pays dont la Pologne sont déjà dans l’optique d’entraîner des régiments ukrainiens nouveaux au moyens de mobilisés ukrainiens enrôlés de force sur leur territoire.

Malgré tout cela, Emmanuel Macron a prétendu que:

« Nous ne voulons pas d’escalade de la guerre et en aucun cas, nous sommes en guerre contre la Russie et son peuple. »

On est là dans la totale continuité. D’où, par exemple, l’appui du groupe PS du Sénat, Patrick Kanner.

« Sur le fond, je partage complètement l’idée que défendre l’Ukraine, c’est nous défendre. Je suis totalement opposé à toute tendance qui reviendrait à dire, en négociant maintenant, on va calmer les appétits de l’ogre Russe (…). Il faut continuer à aider l’Ukraine et que les armes arrivent en temps et en heure. »

Il suffit d’ailleurs de voir les votes, en France comme au parlement européen, pour voir que le soutien au régime ukrainien est total, que les appels à démanteler la Russie sont toujours unanimes.

Cependant, l’interview d’Emmanuel Macron trois jours avant les élections européennes aboutit forcément à des accusations d’instrumentalisation par les candidats. C’est de l’opportunisme électoral inévitable. En voici un exemple.

Le secrétaire national du PCF Fabien Roussel sur X s’est plaint des décisions. Ce qui est de la démagogie, puisque le PCF approuve les livraisons d’armes au régime ukrainien!

« Le Président de la République annonce, sans débat avec le Parlement, accroître notre présence en Ukraine. Il prend le risque, seul, de faire entrer la France en guerre contre la Russie. L’heure est grave, la démocratie est bafouée. Je demande un débat au Parlement en urgence. »

Le PCF est ici trompeur, puisque s’il appelle à des négociations entre la Russie et l’Ukraine, il présente toujours la Russie comme le seul pays agresseur et soutient le régime ukrainien.

Qui plus est, Léon Deffontaines, tête de liste pour le PCF aux élections européennes du 9 juin 2024, qui déplore pareillement que le Parlement français n’ait pas été consulté à propos de l’envoi d’avions de chasse Mirage 2000-5, avait dit ouvertement que, oui, il fallait fournir des F-16 au régime ukrainien…

Il l’a dit le 5 avril 2024 à Franceinfo. Il dit explicitement que si le régime ukrainien a besoin d’avions, il faut les lui fournir. Il dit également que:

« Moi, je suis favorable, et on l’a toujours dit, à aider les Ukrainiens militairement, à se défendre, et il faut regarder bien sûr les besoins qu’ils ont, et il faut qu’on regarde bien évidemment en fonction des besoins du front ukrainien. Il faut cesser à tout prix, à tout prix, que les Russes continuent d’avancer. »

C’est bien clair : « à tout prix ». Et c’est la ligne générale de la France. Encore une fois la chronologie que nous fournissons est ici l’arme politique suprême, c’est elle qui permet de voir les faits, de les comprendre, d’analyser adéquatement, de ne pas se faire piéger par l’opportunisme. Guerre à la guerre!

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Rapport entre les classes

Les fictives élections européennes 2024

La quasi totalité des élus du Parlement européen ont voté, le 29 février 2024, des appels au démantèlement de la Fédération de Russie, à soutenir militairement le régime ukrainien. Si on omet quelques personnes, cela a été l’unanimité, de l’extrême-droite à la « gauche de la gauche ».

La raison est simple à comprendre : le capitalisme européen est puissant, il permet un niveau de vie élevé, la société de consommation y est très développée. Bien entendu, mieux vaut vivre en France qu’au Portugal, au Portugal qu’en Slovaquie.

Néanmoins, de manière tendancielle, il y a des opportunités individuelles qui existent. On peut faire carrière, de manière relativement difficile mais cela reste très largement faisable. On peut accéder à la propriété, pour le coup beaucoup plus facilement.

Bien entendu, tout cela est davantage valable au centre d’une grande ville que dans une ville intermédiaire, et dans une ville intermédiaire qu’à la campagne.

Mais enfin, il y a ici deux options politiques, pour faire pression dans un sens ou dans un autre. Il y a les modernistes, les bobos, LGBT, libéraux culturellement mais pour un filet social… pour les « gagnants », ceux qui profitent le plus de la situation et en veulent encore plus. Et il y a les nationalistes, les conservateurs… pour les « perdants », les aigris ayant la nostalgique des années 1980.

Linkedin et Twitter pour les uns, Facebook et les SMS pour les autres, et Instagram et Tiktok pour tous. Cela correspond aux « Républicains » et aux « Démocrates » aux États-Unis.

Maintenant, il y a deux possibilités : soit on accepte cette situation et on tente de faire quelque chose en son sein, soit on dit que cette situation est artificielle, qu’elle est le fruit du capitalisme à son apogée.

Soit on dit que les choses vont rester ainsi longtemps et on fait avec, on s’agite notamment sur les réseaux sociaux, pour les élections, pour du « militantisme »… Soit on se dit que ce château de cartes va s’effondrer, que l’occident décadent va à la catastrophe.

Nous pensons la seconde option et plutôt que de perdre du temps à des choses secondaires, nous disons qu’il faut préparer le grand chambardement, lorsque l’Europe va être en agitation complète alors qu’au niveau mondial, l’affrontement entre la Chine et les États-Unis pour l’hégémonie mondiale va battre son plein.

Les élections européennes de 2024 font partie de ces choses secondaires, même fictives d’ailleurs. C’est une photographie politique de populations aliénées, ayant perdu le fil, vivant dans des bulles individuelles. On peut et on doit balayer cela du revers de la main.

Les élections européennes de 2024 ne changeront pas le mode de vie, elles n’auront même aucune influence sur lui. Les voitures continueront d’être de plus en plus lourdes et grandes, le dérèglement climatique continuera de s’approfondir, la condition animale ne cessera pas d’être apocalyptique, l’égocentrisme continuera à être la règle, etc.

Ce qu’il faut faire, c’est assumer la rupture, intellectuelle, morale, politique, idéologique, et assumer le Socialisme. C’est cela qui est réel, qui a du sens, qui est à la hauteur des enjeux. C’est cela, l’esprit de Parti.

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Refus de l’hégémonie

La France dit oui aux frappes en Russie

Le 6 juin 2024, pour les 80 ans du débarquement, il n’y aura pas de délégation russe. Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, est par contre invité. Ce qui est un comble, car le régime ukrainien se revendique du nationalisme ukrainien, dont les forces armées étaient alliées aux nazis pendant la seconde guerre mondiale. En Ukraine, les monuments commémorant la victoire de l’URSS sur l’Allemagne nazie sont tous détruits ou en passe de l’être.

La France voulait initialement tout de même qu’il y ait une présence russe. Mais elle a finalement, le 31 mai 2024, abandonné cette idée, au motif que l’offensive russe en Ukraine, dans la zone de Kharkiv, serait redoublée, « meurtrière » pour les civils, etc. C’est dans le prolongement de la propagande occidentale qui martèle que l’armée russe serait démoniaque, massacrerait les civils à la chaîne, etc.

Il faut dire aussi que les tenants du nationalisme ukrainien en France ont mené une grande campagne, à l’instar de la tribune publiée dans Le Monde intitulée « Il est indécent d’inviter la Russie aux commémorations du débarquement en Normandie, le 6 juin ». La ligne est celle d’une guerre totale.

« La France ne devrait pas offrir pareilles caution et tribune médiatique à un Etat révisionniste, promoteur du terrorisme, qui s’entête dans une guerre d’agression (…). Inviter la Russie à la commémoration du débarquement de Normandie – auquel elle n’a pas participé – contredit la posture de fermeté de la France face à l’agression russe. On ne peut que le déplorer.

Liste des signataires : Galia Ackerman, historienne, rédactrice en chef de Desk Russie ; Yves Cohen, historien, directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS) ; Vincent Desportes, général de l’armée de terre (2S) ; Jean-Marc Dreyfus, historien, rédacteur en chef de la Revue d’histoire de la Shoah ; André Klarsfeld, secrétaire général de l’association Pour l’Ukraine, pour leur liberté et la nôtre ! ; Florent Murer, président de l’association Kalyna ; Pierre Raiman, historien, cofondateur de Pour l’Ukraine, pour leur liberté et la nôtre ! ; Cécile Vaissié, professeure des universités en études russes et soviétiques ; Emmanuel Wallon, professeur émérite de sociologie politique ; Nicolas Werth, historien, directeur de recherche honoraire au CNRS, président de l’association Mémorial France. »

Dans la même logique d’ailleurs, une digue est tombée. Le 28 mai 2024,  lors d’une conférence de presse aux côtés du chancelier Olaf Scholz au château de Meseberg, près de Berlin, le président français Emmanuel Macron a affirmé que l’armée ukrainienne a le droit de frapper sur le territoire russe avec des armes fournies par les pays de l’Otan (« On doit leur permettre de neutraliser les sites militaires d’où sont tirés les missiles »).

Le 31 mai 2024, la superpuissance américaine a ensuite donné l’autorisation pour l’Ukraine de frapper en Russie même, avec des armes américaines, pour protéger Kharkiv. Naturellement, pas de hasard à cela, on est dans la narration la plus organisée.

Et les 30-31 mai 2024, les ministres des Affaires étrangères des pays de l’Otan sont justement en réunion informelle, notamment à la demande pressante de la France. Il faut s’engager toujours plus à fond, avec la France en première ligne pour le branle-bas de combat. La Suède a d’ailleurs annoncé que 6,5 milliards d’euros d’aides seraient fournis à l’Ukraine pour la période 2024-2026, et tout son stock de 302 véhicules blindés de transport de troupe va être envoyé là-bas.

On voit très bien comment chaque jour, une pièce se rajoute au puzzle de la guerre, les initiatives faisant écho à celle des autres, l’escalade n’étant mené en tant que tel par personne, mais finalement par tout le monde, avec toutefois l’impression que les choses vont d’elles-mêmes et que de toutes façons tout serait la faute de la Russie seulement.

La situation est assez claire pour que l’éditorial du Figaro du 30 mai 2024 affirme que « La France en première ligne face à la Russie ». En même temps, le Figaro a laissé Pierre Lellouche publier une longue tribune. On parle ici d’un cadre de haut niveau de la Droite française, qui depuis le début du conflit entre la Russie et l’Ukraine pose une ligne hostile à la cobelligérance.

Pierre Lellouche dit de manière simple que l’Ukraine ne peut pas gagner et qu’il faut tout geler tout de suite, sinon on va au-devant d’un affrontement généralisé… C’est un texte de panique complète, qui exprime le point de vue d’une partie de la bourgeoisie française, qui appréhende énormement la direction prise par Emmanuel Macron le 26 février 2024.

« En Ukraine, malgré la violence des combats et leur durée, la guerre a pu être contenue jusqu’ici par le risque, connu de tous, d’une escalade incontrôlée vers une guerre nucléaire totale.

C’est ce qui a conduit les deux camps à observer deux règles qui se sont progressivement imposées : d’une part, éviter tout affrontement direct entre les forces des deux camps ; d’autre part, confiner géographiquement le conflit sur le seul sol ukrainien en évitant tout débordement sur le territoire de la Russie ou sur celui de l’Otan.

Le problème est qu’à l’approche de l’été, un an après l’échec de l’offensive ukrainienne de juin 2023 et alors que la situation militaire sur le terrain se détériore gravement pour les Ukrainiens, les  alliés européens, par ailleurs paniqués à l’idée d’une victoire de Trump à la Maison-Blanche qui remettrait en question l’avenir même de l’Otan, envisagent de s’impliquer beaucoup plus fortement dans le conflit aux côtés des Ukrainiens, au risque de faire sauter les deux verrous qui, jusqu’ici, avaient permis de contenir ce conflit.

Le premier verrou explicitement énoncé par Joe Biden dès février 2022 est le fameux «No boots on the ground». Les États-Unis soutiendront l’Ukraine y compris par l’envoi d’armements, mais s’interdiront de déployer le moindre soldat sur le sol ukrainien. Cela, selon les propres termes du président américain, «afin d’éviter une troisième guerre mondiale ».

Ce premier verrou a été fracturé le 26 février dernier par le président Macron, en envisageant d’envoyer des forces françaises et occidentales sur le terrain.

Réitérée à plusieurs reprises depuis trois mois, la proposition française commence à recueillir le soutien de certains pays particulièrement exposés, notamment les États Baltes et la Pologne.
En revanche, les États-Unis y restent absolument hostiles, ainsi que l’Allemagne, l’Italie et d’autres pays.

Le débat est donc en train d’évoluer vers l’envoi sinon de forces combattantes, du moins « d’instructeurs » qui aideraient à la formation des soldats ukrainiens sur place, plutôt que dans des bases utilisées actuellement en Allemagne et en Pologne, notamment.

Mais il est bien évident que dès lors que des soldats de l’Otan se trouveraient en Ukraine, ils risqueraient d’être ciblés par les Russes, entraînant un risque d’escalade évident : que ferions-nous dans ce cas-là ? Et qui contrôlera alors l’escalade ?

Le deuxième verrou, implicite cette fois, qui a fait que la dissuasion a pu être maintenue depuis deux ans et demi, est que la guerre restait confinée sur le territoire ukrainien et ne déborderait pas, ni sur le territoire russe ni sur celui de l’Otan.

Concrètement, les Occidentaux ont pu livrer l’équivalent de 200 milliards de dollars d’armements à l’Ukraine sans que les Russes essayent d’interrompre ce flot à la frontière polonaise par exemple ; mais en contrepartie, leur emploi restait limité au seul territoire de l’Ukraine, Crimée comprise.

Cette règle ne s’appliquait cependant pas aux Ukrainiens eux-mêmes, dont les propres armes à longue portée, notamment des drones, font des ravages sur les navires de la Flotte russe en mer Noire, ainsi que sur les raffineries de pétrole situées en Russie.

Cette deuxième règle implicite est, elle aussi, en train de sauter ces jours-ci. Après l’offensive russe, lancée le 10 mai autour de Kharkiv, le président Zelensky et son état-major ont semble-t-il convaincu nombre d’Européens et jusqu’au secrétaire général de l’Otan que l’Ukraine ne peut continuer à se battre avec « des menottes dans le dos » : les Russes attaquent impunément depuis leur territoire avec des missiles des bombes guidées, et les Ukrainiens se voient interdits de répondre sur ces sites de lancement.

D’où l’idée qu’il faut faire sauter cette limite, et comme le dit le président Macron, «on doit permettre aux Ukrainiens de neutraliser les sites militaires d’où sont tirés les missiles depuis lesquels l’Ukraine est agressée ».

Nous sommes donc au bord d’une phase nouvelle, potentiellement extrêmement dangereuse dans l’escalade du conflit, dont il est essentiel de prendre toute la mesure.

Avant qu’il ne soit trop tard, il faut espérer que les leçons de 1914, celles de la crise de Cuba auront été soigneusement méditées par ceux qui nous gouvernent. Le fond du sujet, c’est que l’Ukraine, malgré tout son courage, ne peut tout simplement, pour des raisons démographiques et matérielles, reprendre seule la totalité de ses territoires occupés par la Russie.

Que Zelensky essaye d’internationaliser le conflit et jouer à fond la carte de l’escalade est de son point de vue parfaitement logique. Est-ce pour autant l’intérêt vital de la France ?

Que nous nous engagions dans une telle logique extrêmement risquée est certes une option qui doit être considérée, mais dont on doit aussi mesurer toutes les implications, et qui mérite un vrai débat, devant notre peuple, concerné au premier chef.

Engager nos soldats en Ukraine n’est pas recommencer l’opération Barkhane (de triste mémoire au demeurant) quoi qu’en dise M. Macron. Frapper la Russie avec des missiles français a nécessairement une signification politique et stratégique majeure, qu’il faut prendre en compte, et dans ce cas, être prêt à en assumer toutes les conséquences.

Pour ma part, je reste attaché à un mot qui n’a jamais été prononcé jusqu’à présent : le mot « négociation ». Le but de cette guerre doit être d’éviter non pas que l’Ukraine perde, mais qu’elle ne perde trop. »

La position de Pierre Lellouche est, en un certain sens, la même que celle de Marine Le Pen, mais pas du tout de celle de Jordan Bardella, qui est lui pour un alignement complet sur l’Otan. Et, dans les faits, l’unité autour de la « défaite » de la Russie est totale ou quasi totale. Il en va du sauvetage du capitalisme français. Seule une Russie vassalisée, colonisée, peut fournir les ressources nécessaires pour relancer la machine capitaliste française, alors que l’affrontement sino-américain s’annonce toujours plus.

La France veut la guerre avec la Russie, elle est déjà en guerre avec elle. Et l’escalade continue.

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Effondrement de la France

Des magistrats mexicains alarment sur les narcos français

La France a toujours connu des mafias, mais historiquement elles sont issues d’expression féodale, puisant dans les parcours italien et Corse. On parle ainsi de gens avec un « code », s’imaginant des « bandits d’honneur ». Vivre dans un monde parallèle était assumé, les magouilles échappaient au grand public, s’agitant dans le monde souterrain du crime ou celui de la corruption des municipalités (Lyon notamment).

Comme la France est toutefois en plein effondrement de par l’épuisement de son capitalisme, on assiste à l’affirmation d’une génération nihiliste de criminels. Depuis vingt ans déjà, les bandits « à l’ancienne » reproche aux jeunes des banlieues adoptant un parcours criminel de n’avoir aucune éthique. Mais ces dernières années ont émergé des jeunes adolescents devenant tueurs à gages, des « sicarios » à la mode mexicaine. Quelques billets, une arme et l’adolescent est prêt à ôter une vie comme on vole un téléphone.

Une délégation mexicaine était à Paris justement et le parquet de Paris a relayé ce communiqué. Car lorsque l’État s’effondre en raison de la crise, il est pris d’assaut par des forces cannibales. C’est là où on voit que si les masses populaires ne mettent pas en place un nouvel État, un nouvel ordre, on va se retrouver dans une situation catastrophique. C’est ou le peuple en armes, ou les bandits en armes.

« NARCOTRAFIC – VISITE DE LA DELEGATION MEXICAINE – MAI 2024  

Frederic LE POLLOZEC, Attaché de Sécurité Intérieure au Mexique Felipe de Jesús GALLO GUTIERREZ, Chef de l’agence d’enquête criminelle du bureau du procureur général fédéral Maria Fernanda Perez Galindo, Directrice générale de la coopération internationale – Bureau du procureur de la République (FGR) Ernesto Alejandro VADILLO TRUEBA, Directeur général des enquêtes douanières – Agence nationale des douanes du Mexique (ANAM)

Ont rendu visite au parquet de Paris et aux magistrats de la JUNALCO – Juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée (visite organisée par la DAEI et la DCIS).

La délégation mexicaine a passé un message d’alarme à l’attention de leurs homologues français, appelant à prendre des mesures en urgence avant de se trouver dans une situation aussi grave qu’au Mexique.

Selon ces professionnels, la France est à un seuil pour prendre des mesures et ne pas commettre les mêmes erreurs.

« Les crimes organisés s’internationalisent, se globalisent. Nos systèmes pénaux garantissent les droits et libertés des personnes, mais il faudrait aussi organiser la manière de travailler contre le crime organisé ».

« Au Mexique, il y a des menaces de mort, qui se traduisent par des actes, cela modifie la manière de travailler : il faut protéger les magistrats ».

« La France peut encore proposer des modifications législatives et donner plus de pouvoir aux parquets, à la police et aux juges pour intervenir de manière efficace. Des peines plus fortes sont nécessaires ».

« Le Mexique a aussi des crimes en col blanc. Les criminels sont comme des chefs d’entreprise. Au Mexique, on commence à travailler sur la recherche et l’analyse financière, on analyse les permis d’importation, d’exportation, les échanges téléphoniques, pour savoir si l’argent des entreprises est légal ou pas. Un des principaux obstacles reste la réticence entre institutions à partager les informations, financières, et téléphoniques par exemple ».

« Le niveau de violences est important au Mexique, et ce n’est pas un exemple. Malheureusement, il faut insister auprès des politiques pour investir et renforcer les institutions. Il faut des gardes fous pour assurer l’indépendance et la stabilité des institutions ».

« Il prendre en compte la question des armes également. Il faut un contrôle des armes à un niveau européen. Au Mexique on a des munitions qui viennent de Roumanie, Russie et Bulgarie. »

Enfin, les deux délégations ont proposé d’échanger des informations de manière informelle, afin de communiquer plus rapidement et bénéficier d’une meilleure visibilité et connaissance juridique de l’autre partie. »

Ce qui caractérise le Mexique, c’est l’existence de nombreux cartels se faisant concurrence et dont les affrontements débordent très largement sur la vie « civile ». C’est beaucoup moins le cas aux États-Unis, où le crime règne également, mais pas tant avec les gangs qu’avec des mafias à l’ancienne qui prévalent tout en s’étant divisés les territoires, et disposant d’une « centrale » pour les négociations, etc.

Un autre aspect du Mexique est un « deal » non officiel. La présidence actuelle de Andrés Manuel López Obrador est contre la guerre à la drogue, et il y a un certain modus vivendi avec les cartels, en mode : vous pompez une partie des richesses nationales, vous trafiquez (drogues vers les États-Unis, racket, vol massif de pétrole, prostitution notamment infantile également massive…), mais il ne faut pas que le pays vacille, car l’économie grandit largement et c’est dans votre intérêt à vous aussi.

Le Mexique est donc aux mains de monopoles économiques et de cartels, mais en mode social avec une élévation marquée du niveau de vie, car la présidence se veut populaire, de gauche assumée, etc. C’est une sorte de social-impérialisme bureaucratique où l’armée prend une place majeure. C’est d’ailleurs l’armée qui s’occupe officiellement du « train maya » et du tourisme dans le Yucatan, la seule région du pays où les narcos ne sont pas présents en tant que tel.

Cette gestion du pays rend fou de rage les libéraux en général, pour qui le pays devient « comme Cuba », ainsi que les pro-américains en général, qui verraient de leur côté le Mexique comme jouant unilatéralement pour les États-Unis le même rôle que la Chine par le passé. Le Nord du Mexique est de fait une arrière-cour industrielle des États-Unis. Les échanges américains avec le Canada et le Mexique combinés sont environ le double de ceux avec la Chine ! La guerre sino-américaine exige une telle modification.

La tension est donc extrême, alors que l’élection présidentielle a lieu début juin 2024, et la candidate « libérale » Xóchitl Gálvez va perdre. Sa campagne est mauvaise (même si elle tente des coups comme jouer au jeu Fifa sur Playstation), alors que sa concurrente Claudia Sheinbaum fait des meetings dans tout le pays, se met régulièrement en scène avec des personnes les plus humbles en larmes dans ses bras, le tout dans une propagande ultra moderne.

La campagne de Claudia Sheinbaum est très exactement le rêve populiste de Jean-Luc Mélenchon et La France insoumise, qu’ils ne pourront jamais mettre en place évidemment, car nous ne sommes pas en Amérique latine et qu’un tel engouement social-populiste n’a aucun socle.

Mais la libérale Xóchitl Gálvez n’est pas en reste pour la suite. Elle a pris soin de saluer très largement l’armée (appelée à revenir à ses fondamentaux…). Et elle a habilement dénoncé sa concurrente Claudia Sheinbaum comme utilisant sur une jupe l’image de la Vierge de Guadalupe, alors qu’elle ne croit « ni en Dieu ni en elle [la Vierge] ».

Claudia Sheinbaum ayant des parents juifs d’Europe de l’Est (et typique de l’engagement massivement communiste qu’on peut retrouver ici), c’est l’antisémitisme et l’anticommunisme qui sont utilisés comme vecteur pour polariser à fond en prévision de la suite. Le Mexique ne va pas échapper à des tensions extrêmes, allant largement possiblement jusqu’au coup d’État militaire.

Quand on voit un tel panorama, on se dit que, tout de même, la France échappera aux narcos. Invitée à ce sujet sur francinfo le 27 mai 2024, Laure Beccuau, procureure de la République de Paris, a ainsi expliqué la chose suivante.

« La définition d’un narco-état, c’est le fait que toutes les instances décisionnelles sont finalement pénétrées, infiltrées par les trafiquants, y compris des juges, parfois des magistrats, et que dès lors, les décisions qui peuvent être prises au niveau législatif, judiciaire ou tout autre sont influencées par les trafiquants. Mais nous sommes loin d’en être là ». 

Sauf que comparaison n’est pas raison. Le Mexique est devenu un narco-État après avoir été pris d’assaut. C’est dans un second temps que l’État a collaboré, fusionné. Et en France, on a tous les ingrédients pour justement une première grande vague d’installation des narcos. C’est en cela qu’il faut absolument connaître l’exemple mexicain, ainsi que l’exemple colombien.

Il suffit de lire le rapport synthétique de vingt pages de la commission d’enquête du sénat sur le narcotrafic pour voir les faits.

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L’effondrement est là. Tant la société que l’État français s’effondrent, tant les mentalités que la culture sont corrompues, affaiblies, décadentes. Il faut le Socialisme – ou c’est le barbarie ! Il faut l’État socialiste pour écraser par tous les moyens les narcos !

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Nouvel ordre

Pourquoi nous avons besoin de la dialectique

L’humanité est à bout de souffle, les gens sont épuisés moralement, sur le plan psychique ils dépriment, culturellement le niveau s’effondre, physiquement la vie quotidienne est harassante.

En même temps, jamais il n’y aura eu autant de possibilités de développer de nouvelles choses, car sur le plan matériel il y a de vastes moyens, les gens sont plus actifs et éveillés qu’il y a 10, 20 ou 40 ans.

C’est là une contradiction et ce sont les contradictions qui font avancer les choses. C’est cela, la dialectique, exposée en long, en large et en travers sur materialisme-dialectique.com.

Pourquoi en long, en large et en travers ? Car le long et le large sont des opposés : ils forment une contradiction, qui produisent… le travers. Il y a un côté, il y a l’autre côté, et ce miroir forme un troisième élément. Thèse, antithèse, synthèse.

Rien ne naît de rien, tout se transforme, et il y a toujours quelque chose, quelque part, qui pousse l’ensemble des choses à se mettre en mouvement, d’une manière ou d’une autre.

C’est là qu’on comprend qu’un esprit dialectique est toujours positif, forcément. Il voit toujours la production, la sortie, le saut, l’aboutissement, la naissance. L’esprit positif, dialectique, sait que les choses sont inépuisables et qu’il en ressort toujours quelque chose de nouveau. La vie l’emporte toujours.

Mikhaïl Ivanovitch Likhachev, Rêves brillants, URSS, années 1950

L’esprit dialectique, bien entendu, est constructif. Il ne cherche pas à démanteler, déconstruire, délégitimer, défaire. Bien au contraire, il est le fruit de l’évolution de l’Histoire, il accompagne le développement de l’humanité, il garde le meilleur du passé pour aller de l’avant.

L’esprit dialectique est donc classique, car il échappe à toute démarche unilatérale. Et il se focalise sur l’essentiel, sur ce qui compte vraiment, ce qui le distingue de l’esprit moderne prompt à la futilité, à l’anecdote, à l’accumulation de choses diverses dont les liens sont distendus, sans accroche, sans cohérence.

L’esprit dialectique est calme, posé, amusé et sérieux, attentif et détaché, exigeant et bienveillant. Il exige la production et en ce sens, il est porté par le prolétariat. Qui ne produit rien rien échappe à la dialectique, et donc à la joie, au bonheur, à l’avenir.

Viktor Karrus et Roman Treuman, Appel à la compétition socialiste pour les tractoristes de la République [socialiste d’Estonie], 1951,

Voilà pourquoi nous avons besoin de la dialectique, partout et tout le temps. Sans la dialectique, on se cantonne à certains aspects, on se met de côté en échappant à la vie, on efface ce qui compte vraiment, on sépare ce qui doit être unit et on unit ce qui doit être séparé.

La dialectique est la réponse au grand mal de notre époque, qui est le manque de cohérence. Tout le monde triche avec tout, ment et pratique l’opportunisme, dit une chose et en fait une autre, et inversement.

C’est vrai à tous les niveaux, pour les institutions comme pour les gens. L’écart entre les conceptions du monde et la pratique a atteint un degré terrible, avec une hypocrisie généralisée. Le relativisme est complet. Alors, bien entendu, c’est plutôt sympathique que la jeune femme musulmane voilée ait comme amie la LGBT aux cheveux colorés. Mais cela ne rime à rien et rien ne rime plus à rien dans la société française, corrompue par le libéralisme, la dissolution de toute cohérence intellectuelle, morale.

C’est improductif, à l’image de toute l’époque. Car cela repose sur une base fausse, celle du relativisme. C’est de la fausse bienveillance, c’est de la simplification. La vraie bienveillance est, elle productive, agissante, collectiviste.

Sergueïeva Nina Alekseevna, Jeunes patineuses, URSS, années 1950

La dialectique de la vie doit être comprise, sans elle on sombre dans la déprime, qui n’est rien d’autre qu’une considération unilatérale si on y reste. La société capitaliste se prétend inclusive, parce qu’elle tolère tout, et en pratique, elle n’aide personne, elle ne pousse personne à s’épanouir – autrement que par la consommation.

La production doit être le seul critère valable. Qui ne produit pas est décadent, qui ne participe pas au mouvement dialectique de la vie en sort. Et la sanction vient d’elle-même, car la vie est richesse inépuisable, développement ininterrompu, production nouvelle et meilleure, c’est-à-dire la dialectique.

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Refus de l’hégémonie

Attal-Bardella, les deux visages de l’Otan et du capitalisme moderne

Le 23 mai 2024, les partis populistes et nationalistes du groupe Identité et Démocratie (ID) au Parlement européen ont exclu de leurs rangs le parti allemand AfD.

En théorie, c’est pour des propos sur les Waffen SS de la part de sa tête de liste aux élections européennes de juin 2024. En pratique, c’est parce que l’AfD est pour une alliance entre l’Allemagne et la Russie, aux dépens du choix de la soumission à la superpuissance américaine.

Car pour participer au gouvernement dans les pays occidentaux, il faut montrer de la clarté quant au passage assumé dans l’orbite américaine. D’où les propos incessants en faveur du régime ukrainien de Jordan Bardella, du Rassemblement National, une composante du groupe Identité et Démocratie.

Voici entre autres ce qu’il a expliqué le 23 mai 2024, lors du débat avec le premier ministre Gabriel Attal.

« Au Parlement européen, j’ai toujours été très clair et toujours condamner sans la moindre ambiguïté l’agression de l’Ukraine par la Russie, qui est aujourd’hui une menace multidimensionnelle. »

Il y avait d’ailleurs un autre débat le 21 mai 2024, avec huit représentants des principaux partis : Jordan Bardella (RN), Valérie Hayer (Renaissance), Raphaël Glucksmann (PS-Place Publique), François-Xavier Bellamy (LR), Manon Aubry (LFI), Marion Maréchal (Reconquête!), Marie Toussaint (Les Écologistes), et Léon Deffontaines (PCF). Tous ont été unanimes quant à leur hostilité à la Russie.

Et du côté de la gauche de la gauche, hors cadre institutionnel, c’est le grand silence ou le soutien au régime ukrainien, dans 99% des cas. La France marche au pas, au rythme de la propagande incessante en faveur de l’escalade contre la Russie.

Pas une journée sans qu’il n’y ait une pierre d’ajoutée à l’édifice, comme le 23 mai 2024 encore avec la chaîne Public Sénat invitant le professeur de géopolitique Frédéric Encel pour dénoncer la Russie qui veut le chaos, alors que bien entendu la France veut « l’ordre international ».

Et le même jour toujours, Le Monde faisait un éditorial de rappel à l’ordre : « Inutile d’entretenir d’irresponsables illusions à Washington, à Paris ou à Berlin : le couple sino-russe n’est pas près de divorcer ». Car trop de journalistes et de commentateurs français croient encore à la fable que la Chine serait à l’écart des initiatives russes. C’est là rêver debout pour des bourgeois catastrophés par la situation.

Le Monde, représentant de la bourgeoisie libérale-moderniste, particulièrement agressive comme agent de la superpuissance américaine, entend mettre fin à cette illusion et exige le silence dans les rangs.

Voici ce qu’on lit notamment :

« En ce printemps 2024, Xi Jinping a rappelé qu’il était partie prenante dans le conflit qui fait rage en Europe : il est du côté russe. Le président chinois veut conforter son « ami » Vladimir Poutine dans sa guerre contre l’Ukraine.

Ou, plus exactement, Xi entend que l’Occident ne sorte pas renforcé de cette épreuve sur le Vieux Continent. Inutile d’entretenir d’irresponsables illusions à Washington, à Paris ou à Berlin : le couple sino-russe n’est pas près de divorcer.

Ce message a été transmis sans ambiguïté par le numéro un chinois lors de son séjour en Europe (du 6 au 10 mai) puis, dans sa cristalline clarté, proclamé lors de la visite du président russe à Pékin (les 16 et 17 mai). La déclaration commune signée par les deux chefs d’Etat est frappée au coin de la lutte qu’ils mènent ensemble contre les Etats-Unis (…).

La Chine va soutenir davantage encore l’économie de guerre que Poutine instaure en Russie. Officiellement, Pékin ne livre pas d’armes à la Russie, mais fournit les machines-outils nécessaires à la fabrication des armes – c’est très différent, n’est-ce pas… Elle livre les pièces détachées pour les chasseurs bombardiers russes. Elle vend les semi-conducteurs à utilisation duale (civile et militaire). Elle transmet les informations satellitaires utiles au champ de bataille. En clair, la Chine entretient l’effort de guerre russe (…).

Pékin reprend les plus gros mensonges de la propagande du Kremlin : la guerre contre Kiev, c’est parce que l’Occident, éternellement impérialiste, s’apprêtait à attaquer la Russie à partir de l’Ukraine ! (…)

Les deux régimes sont soudés dans et par la même ambition. Elle est affichée en toutes lettres dans le « pacte d’amitié sans limites » que Xi et Poutine signent à Pékin le 4 février 2022, quelques jours avant que les chars russes foncent sur Kiev… »

Le panorama est très clair. En France, on peut être

  • pour les populistes et nationalistes, qui sont sur une ligne de repli démagogique, avec des relents racistes mais surtout paternalistes, avec le regret de la France d’avant;
  • ou bien pour les libéraux-sociaux, comme Emmanuel Macron, avec comme variante extrême sur le plan libéral ou social les LGBT, La France Insoumise, le PCF…

Mais tout cela doit rester social-impérialiste : la France doit rester un havre de paix pour la société de consommation, peu importe après qu’au gouvernement on ait l’équivalent des « Républicains » ou des « Démocrates » américains.

Car tel est le fond de la situation : la société française s’est américanisée et le régime lui-même n’est qu’un appendice de la superpuissance américaine. C’est à Washington que tout se décide… Alors que le monde va à la confrontation générale entre Washington et Pékin.

La position, dans ce désastre, c’est de souhaiter la fin du mode de vie occidental, qui ne peut se réaliser que par son dépassement socialiste, avec une remise en cause à tous les niveaux, sur tous les plans. Et la grande initiative américaine, de placer la France au premier rang de la coalition européenne militaire contre la Russie, autour de l’Otan, il faut s’y confronter.

Guerre à la guerre !

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Rapport entre les classes

Les Français sont des fragiles qui ont la flemme

La France de la fin mai 2024 est ignoble. Les Français suivent le cours des choses, sans avoir l’énergie de rien, et surtout pas de participer à quelque chose de collectif, ne serait-ce que sur un plan culturel, esthétique ou musical.

Les efforts sont minimalistes, il ne faut surtout pas se faire remarquer, ou bien au contraire le kitsch est assumé dans le grotesque, le ridicule, le mauvais goût, afin de passer inaperçu dans une vague bienveillance.

Des beaufs et des gens au style LGBT, voilà en quoi consiste la société française, le tout dans une acceptation d’une mentalité de fragiles, à qui on ne peut rien dire et surtout pas expliquer que c’est par les contradictions que le monde avance.

La société de consommation a triomphé, les ordures sont pleines. La bourgeoisie, ce sont désormais les bobos et les masses populaires tentent de les imiter ou au contraire de se cantonner dans la passivité, à l’écart, éventuellement avec aigreur.

On a ici le matériau humain le moins conforme possible à la possibilité d’une révolution.

Et pourtant, les choses ont leur pendant. Le mode de vie mis en place n’est réellement praticable que par quelques centaines de milliers de personnes, habitant dans les centre-villes et surtout à Paris.

Evidemment, cela suffit à en corrompre plusieurs millions, qui gravitent autour. Et la majorité des gens s’accommode tout à fait de ça, du moment qu’il reste la possibilité de devenir propriétaire, de mener sa petite vie au jour le jour, avec la certitude de faire partie des 10% les plus riches du monde.

Car là est la grande hypocrisie. Les Français peuvent bien s’agiter sur les acquis sociaux, les valeurs républicaines, la solidarité avec les démunis et tout ce qu’on voudra, ils savent très bien qu’ils sont des privilégiés au niveau mondial.

Ici, on peut raconter ce qu’on veut, se prétendre ce qu’on veut, et même faire l’idiot. Cela n’aura pas de conséquences vraiment fâcheuses. La France, ce n’est pas l’Afrique du Sud, ce n’est pas l’Inde, ce n’est pas le Brésil, ce n’est pas le Mexique, ce n’est pas la Thaïlande, ce n’est pas le Mali, ce n’est pas le Bangladesh, ce n’est pas le Paraguay.

C’est pour ça que les Français ne sont bons à rien. Ils ne sont que des occidentaux décadents. Pour eux, les « gilets jaunes » étaient vraiment une contestation, et le mouvement contre la réforme des retraites vraiment une révolte sociale. Alors que c’était insignifiant, faux, théâtral et vide.

Mais comme on dit, le triomphe de la société de consommation ne profite qu’à une petite base, et cette base se réduit. Les contradictions dans le monde entre les puissances fait que le socle de la société de consommation perd en solidité. On peut de moins en moins accepter la vie quotidienne, la soutenir, y participer.

En fait, le système s’épuise. Ce n’est pas le matériau humain qui se révolte, c’est juste que déjà passif, il ne peut même plus faire semblant de ne pas l’être en consommant aisément. On a littéralement droit à une anti-révolution depuis la pandémie, qui a précipité la crise du capitalisme.

C’est l’autre côté dialectique de la flemme et de la fragilité : le désengagement.

Naturellement, cela ne fait pas nos affaires : nous avons besoin d’abnégation et d’héroïsme, pour faire la révolution. Mais l’ennemi capitaliste est aussi ennuyé que nous : que faire avec des gens aussi inefficaces, flemmards, fragiles, sur qui on ne peut pas se compter ?

C’est dans cet espace que le prolétariat va se recomposer, pour prendre les commandes d’une société en bout de course. Le prolétariat va imposer sa dictature, et elle ne sera pas qu’économique. Il s’agit de rééduquer moralement, socialement, culturellement, politiquement des gens aliénés, déformés, corrompus par le capitalisme le plus avancé.

Et dans cette oeuvre historique, le prolétariat lui-même corrompu se corrigera lui-même – et disparaîtra en tant que classe.

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Refus de l’hégémonie

Poussée française pour la guerre en Russie même

Strictement personne ne connaît Jean-Louis Bourlanges. Son rôle est pourtant important, puisqu’il est président de la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale. Il est une figure des institutions, et il peut pousser les choses dans un sens ou dans un autre.

Le 19 mai 2024, il a appelé la France à autoriser l’armée ukrainienne à frapper en Russie même au moyen d’armements français. La Russie avait juste auparavant dénoncé que des missiles français avaient été employés par l’armée ukrainienne dans la région de Belgorod.

C’est ainsi une contribution à l’escalade. Et cela sur la base d’un alignement stratégique, puisque Jean-Louis Bourlanges appelle la France « à sortir de sa réserve et à prendre une décision comparable à celle des Britanniques et des Américains ».

L’urgence apparaît également en filigrane du communiqué de Jean-Louis Bourlanges, puisqu’on comprend bien que ce sont les succès opérationnels russes récents qui inquiètent sans commune mesure.

Surtout, Jean-Louis Bourlanges prétend que les « États amis de l’Ukraine sont bien déterminés à rester non belligérants ». C’est totalement faux et lui-même ne peut pas ne pas le savoir. Aussi, s’il appelle à l’emploi d’armements français en Russie même, c’est pour que cette porte soit ouverte avant que la prochaine ne le soit.

Si, en effet, l’armée ukrainienne attaque déjà en Russie, alors les troupes occidentales en Ukraine pourront le faire également lors de leur intervention. Si ce n’était pas le cas et qu’elles en prenaient l’initiative, cela serait une escalade frontale.

Encore une fois, en fait, l’Ukraine est utilisée comme chair à canon. C’est un simple outil pour les pays occidentaux. Et cet outil sera utilisé jusqu’au bout sans pitié aucune, tellement c’est facile, puisqu’il est aux mains des nationalistes, totalement fanatiques, qui réussissent à mettre le pays au service de l’Otan et de la superpuissance américaine.

La chronologie depuis le 26 février 2024 est très claire et la tendance parfaitement lisible. La France veut faire tomber la Russie pour participer à la colonisation de celle-ci, afin de relancer le capitalisme en crise.

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Refus de l’hégémonie

Les États-Unis confirment l’intervention en Ukraine

L’escalade passe obligatoirement par la mise en place d’une opinion publique favorable à la guerre. C’est toujours le même refrain : il serait souhaitable de faire différemment, mais on ne peut pas, car l’ennemi en face est sans foi ni loi, etc.

Le New York Times est un quotidien qui joue ici un rôle éminent. Le 25 février 2024, il avait déjà « révélé » que la superpuissance américaine était en partenariat étroit avec le régime ukrainien depuis 2014. Il y a ainsi eu 12 bases d’espionnage construites à la frontière avec la Russie…

Une « révélation » qui visait, naturellement, à éduquer l’opinion publique américaine, pour dire : voyez, nous sommes déjà installés, nous devons maintenir nos positions.

L’information balancée le 16 mai 2024 relève de cette approche. Ici encore, ce qui est dit serait le résultat d’une « enquête ». Sauf que bien sûr, les journalistes ne font que raconter ce qu’il est voulu qu’il soit raconté. La base de pays comme les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, Israël… c’est d’avoir une narration travaillée de manière extrêmement élaborée.

Que dit l’article du New York Times ? Qu’une ligne rouge est en train de devenir floue, car le régime ukrainien a demandé aux États-Unis et à l’Otan de former 150 000 soldats ukrainiens. Et que le président du comité des chefs d’état-major interarmées de l’armée américaine, Charles Q. Brown Jr., a affirmé qu’on y viendrait forcément. « Nous finirons par y arriver, avec le temps ».

L’article dit ouvertement que ce général a raconté cela aux reporters dans un avion les emmenant à un sommet de l’Otan à Bruxelles… Ce qui est ouvertement souligné est le côté officiel.

Pourquoi l’entraînement en Ukraine est-il nécessaire ? Pour deux raisons. Tout d’abord, la contre-offensive ukrainienne a échoué et c’est la preuve qu’un entraînement en-dehors de l’Ukraine est trop abstrait, alors qu’il s’agit de pratiquer des manœuvres assez vastes et coordonnées de tanks, d’infanterie, de d’artillerie.

L’article ne le dit pas ici, mais en réalité les méthodes militaires trop différentes ont amené à des incompréhensions (et au remplacement du chef de l’armée ukrainienne). L’armée américaine enseignait de taper en un seul point sur la ligne de front, en mode « choc », et l’armée ukrainienne avait dispersé ses forces, se cassant les dents sur la défense russe très bien préparée.

Ensuite, l’armée américaine ne connaît que bien trop peu l’intensité de la guerre qui a lieu en Ukraine. Et là on comprend qu’il ne s’agit pas tant d’entraîner l’armée ukrainienne… Que d’entraîner l’armée américaine à une guerre intense d’artillerie et de drones.

Il faut en effet savoir que le principe de la guerre américaine, c’est la supériorité aérienne totale, les missiles hyper calibrés, puis ensuite seulement le déversement des troupes. C’est la théorie du blitzkrieg, ni plus ni moins, et le mode de pensée bourgeois ne peut pas concevoir autre chose.

L’article du New York Times le dit d’ailleurs à mots couverts, expliquant que les formateurs américains formeraient mieux l’armée ukrainienne… s’ils apprenaient eux-mêmes davantage sur le terrain.

L’article explique aussi que certains formateurs américains sont déjà sur le terrain, de manière ciblée, pour aider à utiliser le matériel de guerre fourni… mais qu’il en faudrait bien plus.

Et que plusieurs pays veulent pareillement massifier ce soutien technico-opératif : la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne. L’Estonie et la Lituanie sont présentés comme deux pays poussant en ce sens.

Voici donc une pierre de plus à l’édifice de l’escalade. Les tabous tombent les uns après les autres et les contours d’une intervention occidentale en Ukraine sont relativement clairs. Formateurs de plusieurs pays de l’Otan, puis troupes de soutien à l’arrière par plusieurs pays de l’Otan (pas forcément les mêmes)…

Où tout cela mène-t-il ? C’est très clair, pour qui a compris les enseignements de 1914 et de 1939, pour qui a saisi ce qu’est la bataille pour le repartage du monde issue de la crise générale du capitalisme.

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Refus de l’hégémonie

Blinken en Ukraine et un nouveau ministre russe de la Défense

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a limogé le général chargé de la zone de Kharkiv, en raison des succès tactiques de l’armée russe qui vient de lancer une initiative au moyen de 30 000 soldats. L’information, arrivée tardivement, date du 11 mai 2024.

Le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken s’est pour cette raison précipité à Kiev, pour assurer du soutien militaire américain (« cela fera une réelle différence sur le champ de bataille »). De nouvelles aides sont encore annoncées, alors qu’en avril le Congrès américain a décidé d’un « paquet » pour l’Ukraine de 61 milliards de dollars.

Antony Blinken a également mangé une pizza tenue par un nationaliste ayant combattu au début des années 2010 dans le Donbass, puis joué de la guitare dans un bar underground pour reprendre Rockin’ in the Free World de Neil Young.

Du côté ukrainien, depuis le début du conflit, la narration est élaborée comme jamais dans l’histoire. Chaque jour, il y a une mise en scène.

En même temps, la Russie a réorganisé la tête de son armée. Le ministre de la Défense, Sergueï Choigou, a été remplacé par Andreï Belooussov. Cela a été tout de suite compris par tous les commentateurs. Car Andreï Belooussov n’est pas du tout un militaire, c’est un spécialiste de l’économie et de l’organisation de l’économie.

Sa mission est clairement d’organiser l’appareil d’Etat, l’économie et l’administration par rapport à l’armée. Concrètement, Belooussov est chargé de la mise en place du Capitalisme Monopoliste d’Etat. C’est un saut qualitatif très net.

Naturellement, la presse occidentale a affirmé que Sergueï Choigou avait été « limogé ». C’est tout à fait faux. Car ce personnage appartient au gouvernement depuis…. trente ans. Il est indéboulonnable, et a d’ailleurs été nommé… secrétaire du Conseil de sécurité de Russie. Il faut plutôt voir un renforcement de son utilité éventuelle si Vladimir Poutine décédait.

Alors que la guerre est intense en matériel, qu’elle exige une économie de guerre accentuée, il y a une contraction de tout régime voulant tenir le choc. C’est bien le cas ici.

Le poste occupé nouvellement par Sergueï Choigou appartenait à Nikolaï Patrouchev, qui l’avait depuis 2008. C’est une grande figure des services secrets russes et surtout sans doute le principal stratège de l’Etat russe. Il a désormais comme fonction officielle celui d’assistant du président russe Vladimir Poutine.

Un autre assistant nommé est Alexeï Dyumine. Spécialisé initialement dans la sécurité de Vladimir Poutine, il a ensuite été notamment vice-ministre de la Défense. Avec ces deux nouveaux assistants, le nouveau ministre de la Défense, et Sergueï Choigu secrétaire du Conseil de Sécurité, on a la mise en place d’une direction soudée et parfaitement reconnaissable.

C’est une centralisation pour assumer le conflit avec les pays occidentaux qui ont très clairement annoncé que ce serait l’escalade. Le régime ukrainien cherche d’ailleurs à provoquer celle-ci, ayant compris que si cela n’a pas lieu, l’armée russe l’emporte à terme.


19 personnes ont été tuées dans les bombardements des forces armées ukrainiennes sur Belgorod le 12 mai 2024

Historiquement, il n’est pas bien difficile de comprendre ce qui se passe. L’escalade occidentale contre la Russie est strictement parallèle à l’agonie culturelle de la société française. On dirait que l’occident est peuplé de zombies allant mécaniquement à la guerre de repartage du monde afin de sauver le niveau de vie, le style de vie, les privilèges au niveau mondial.

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Culture & esthétique

L’âme russe

Comment reconnaître les principaux traits de l’âme russe ? Les voici, habilement présentés, puissamment présentés, parfaitement reconnaissables.

« Certains réflexes de cruauté et peut-être une poésie de la cruauté, jointe à une profonde tendresse humaine.

L’indifférence intime à telles distinctions sociales, à telles conventions d’amour propre.

La faculté de se soumettre, de se dissoudre dans le destin, et parfois cependant de s’en trouver inexplicablement libéré.

Un désir et un besoin de se voir et de se comprendre dans le jeu éternel du monde, de justifier sa vie individuelle.

Le sens de la prison terrestre et la soif de s’évader, de « soulager son âme ».

Une ardeur à regarder le fond de toutes choses, même si ce fond est atroce et cruel.

Une tristesse sans guérison, venant de l’âme et non des circonstances, et une joie incompréhensible, flux de vie, venant aussi uniquement de l’âme. »

Si on a là sans doute les traits généraux de l’âme slave, le côté électrique (et d’autant plus attachant, inversement) est plus spécifiquement russe. On le comparera avec esprit avec l’extrait de Tolstoï, pour la danse non décrite dans Guerre & Paix, si emblématique de l’âme russe.

Une âme russe qui a apporté immensément au patrimoine universel. Il est essentiel de le souligner. Quand le nationalisme prime comme outil du bellicisme, il faut rappeler que l’humanité est une et que toutes les cultures nationales sont une part de celle-ci. C’est cela, l’internationalisme réel (et non le cosmopolitisme).

C’est cela qu’il faut dire alors que la France présente les Russes comme des barbares et que le projet occidental est de dépecer la Russie, avec comme outil le nationalisme ukrainien pour qui la « Moscovie » est démoniaque, Tolstoï et Dostoïevski en tête.

Plus spécifiquement, cette citation vient d’un très fin connaisseur de la littérature russe, Robert Vivier. Nous sommes en 1946 et la Bibliothèque internationale publie de nouveau La maison Bourkov d’Alexeï Rémizov. Cet auteur a quitté la Russie après la révolution d’octobre 1917, mais avait décidé d’y retourner après 1945. C’est un écrivain moderniste, profond mais tortueux et s’enlisant dans le psychologisme.

La préface de Romain Rolland, tout en saluant l’auteur, lui reproche d’ailleurs de ne voir que le côté trouble de la partie trouble du peuple. On tourne sur soi-même dans cette approche littéraire qui ne tourne pas au culte du moi façon occidental, mais reste parallèle à lui.

Robert Vivier, qui écrivit à l’occasion de l’édition de 1929, tente par contre de le présenter comme une figure majeure du renouveau littéraire russe. C’est une lecture plus poétique qu’autre chose, Robert Vivier étant un écrivain belge tourné justement vers cette approche lyrique avant tout (et il fut par ailleurs le père adoptif du fameux vulcanologue Haroun Tazieff, fils du premier mariage de sa femme Zénitta Klupta, d’origine lettone et polonaise).

Néanmoins, les termes choisis par Robert Vivier pour définir l’âme russe sont bien vus, adéquatement choisis. On peut lire n’importe quel écrivain russe d’importance, et on sait qu’ils sont bien nombreux (Tchekhov, Tolstoï, Dostoïevski, Gogol, Tourgueniev, Gorki…), on retrouvera exactement ce qui y est décrit.

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Refus de l’hégémonie

Les contours de l’intervention occidentale en Ukraine

Il est bien entendu impossible de connaître les plans par définition secrets de l’armée américaine, et donc de savoir quels sont les contours exacts possibles et nécessaires de l’intervention occidentale en Ukraine.

Néanmoins, les 5-6 mai 2024 ont scellé les traits généraux de l’affrontement. Et à moins que l’un des protagonistes ne cède, cela va grosso modo à la chose suivante. Par « céder », on peut comprendre le fait de reculer, à défaut de capituler : Vladimir Poutine, lors de son discours du 8 mai 2024, a souligné qu’il dépendait du camp occidental de savoir quels rapports il veut avec la Russie.

En tout état de cause, les points suivants semblent relever d’une évaluation correcte.

A. L’intervention occidentale ne se fera pas sous l’égide de l’Otan. Cela provoquerait un conflit majeur de manière immédiate et, surtout, de nombreux pays membres ne veulent pas s’embarquer dans l’aventure.

B. La France sera une composante majeure de l’opération. Elle est déjà à la tête de l’initiative, elle pousse sans arrêt en ce sens, elle monte une économie de guerre.

C. La France ne montera pas seule au front. Son initiative rentrera dans un cadre commun d’initiative de solidarité, etc.

D. L’intervention occidentale n’enverra pas de soldats sur le front. Elle consistera en un contingent chargé de protéger l’arrière et de former un bloc pour empêcher une éventuelle avancée russe en cas de percée. La zone derrière Odessa est forcément la priorité.

E. Parmi les pays envoyant des troupes en plus de la France, il faut considérer qu’il y aura a priori au moins la Belgique et les Pays-Bas. Pour l’Italie, ce sera plutôt non, pour l’Allemagne plutôt oui, mais pour ces deux pays c’est très incertain.

F. Dans tous les cas, le front fournissant du matériel sera bien plus large que celui qui enverra directement des troupes.

G. Le contingent occidental devra être d’autour de 60 000 soldats pour représenter quelque chose de suffisamment solide. Difficile d’aller au-delà pour autant, en raison de la faiblesse numérique des troupes occidentales en général (à part celles de la superpuissance américaine) et surtout du besoin d’assurer un cohérence à l’ensemble.

H. L’économie de guerre montera en puissance parallèlement à l’intervention occidentale. L’une nourrira l’autre. Tout cela n’est qu’une étape, que d’ailleurs la France ne voit pas, elle s’imagine simplement avancer un pion, elle ne saisit pas l’engrenage général.

I. Il n’y aura pas d’opposition « naturelle » à l’intervention. Comme le montre le pseudo « soutien » à la Palestine actuellement, la France préfère la comédie, la mascarade, le témoignage chrétien. La seule opposition possible sera politique et c’est le lieu de la recomposition du prolétariat – le seul lieu.

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Refus de l’hégémonie

Les 5-6 mai 2024 scellent l’intervention occidentale en Ukraine

Pour comprendre cet article, il faut bien avoir en tête que nous avons annoncé le conflit armé en Ukraine six mois avant son commencement, et que nous le suivons de manière régulière depuis cette date, avec une analyse rigoureuse et efficace.

Ce qui va être dit est, ainsi, tout à fait sérieux, au-delà du caractère habile des propos. Cette mise en garde alors que la société française est totalement décadente, et que les Français ne savent se révéler que mous et larmoyants.

Voici les deux événements marquants, qui reflètent un moment dramatique.

Le 5 mai 2024, le quotidien italien La Repubblica a publié un article donnant une information « confidentielle » de l’Otan. Cela est précisé de la manière suivante.

« Pour la première fois depuis le début de la guerre, l’OTAN a identifié, de manière très confidentielle et sans annonce officielle, au moins deux lignes rouges au-delà desquelles une intervention directe dans le conflit en Ukraine pourrait avoir lieu. »

L’article n’est pas signé que par un journaliste direct de ce quotidien, mais également par deux correspondants, un basé à… Paris, l’autre à Bruxelles. Il se veut avoir une facture officielle-inoficielle.

Quelles sont les deux lignes rouges? La première, c’est la participation de la Biélorussie au conflit entre la Russie et l’Ukraine. En fait, derrière cela il y a l’idée que si le front s’élargit, l’armée ukrainienne aura du mal à répondre en raison de son manque de soldats.

Cette hypothèse est de toutes façons peu plausible, car du point de vue russe, la Biélorussie est appelée à jouer le rôle de frère futur « arbitre » pour le compromis entre les deux autres frères ennemis russe et ukrainien.

La seconde ligne rouge, c’est l’invasion par l’armée russe des États baltes, de la Pologne ou de la Moldavie. L’hypothèse d’une invasion des Etats baltes ou de la Pologne n’a aucun sens, car ce sont des pays membres de l’Otan et la Russie n’allait pas en 2024 se rajouter de ennemis directs.

La Moldavie, par contre, n’est pas dans l’Otan et là cela indique beaucoup de choses. Il y a là une véritable ligne rouge. Mais à quoi?

L’article italien a été beaucoup commenté, et il a été concerné que l’intervention occidentale en Ukraine dépendait de ces deux points. C’est là une imbécillité.

En réalité, les deux lignes rouges indiquent non pas le point minimum, mais le point maximum. Ce qu’il faut lire, c’est la chose suivante : « tant que la Biélorussie, la Pologne, les Etats baltes et la Moldavie ne sont pas en jeu, l’Otan n’interviendra pas ».

Cela veut dire en même temps : « une intervention occidentale en Ukraine pour participer au conflit est acceptable pour l’Otan, tant que cela ne dépassera pas un certain seuil, défini par les lignes rouges, car là c’est l’Otan collectivement qui interviendrait ».

L’article italien a bien entendu également précisé qu’en l’état, l’Otan n’a aucun plan pour intervenir militairement en Ukraine, histoire de bien fermer l’hypothèse et de livrer l’intervention occidentale à elle-même.

Le 5 mai 2024, l’intervention occidentale en Ukraine a ainsi été autorisée, et définie.

Ne manquait alors plus que la réponse russe. Elle est venue le lendemain. Le 6 mai 2024, le ministre russe de la Défense a annoncé des exercices militaires « en réponse aux déclarations provocatrices et menaçantes de certains dirigeants occidentaux contre la Fédération de Russie ».

La tenue de ces exercices sera faire « sur instruction du Commandant en chef suprême des forces armées de la Fédération de Russie », qui est le président russe Vladimir Poutine. C’est une décision du plus haut niveau possible.

Et, surtout, il y a la tenue de ces exercices.

« Au cours de l’exercice, une série de mesures seront prises pour s’entraîner à la préparation et à l’utilisation d’armes nucléaires non stratégiques. »

La doctrine militaire russe est formelle. L’emploi des armes nucléaires est réservé à une situation où l’existence même de l’Etat russe est menacé. Depuis plusieurs mois, cet emploi a été élargi à la Biélorussie, où des armes nucléaires non stratégiques ont été placées.

Ces armes désignent en fait des bombes nucléaires de puissance bien moindre, pour détruire notamment des troupes s’avançant.

Le principe a notamment été théorisé par l’Otan pendant la guerre froide. En cas d’offensive du pacte de Varsovie, il avait été considéré que les troupes passeraient par deux passes stratégiques : la trouée de Fulda, près de Francfort, et la vallée du Danube à la frontière entre l’Autriche et la Slovaquie. Les armes nucléaires tactiques de l’Otan étaient prêtes à être lancées ou utilisées sur place en cas d’attaque.

Autrement dit, la Russie a elle-même exposé ses deux lignes rouges à une intervention occidentale. La première, c’est une invasion occidentale de la Biélorussie, et il faut considérer que l’enclave de Kaliningrad est concernée ici.

La seconde, c’est la défaite : si l’armée russe est défaite au-delà d’un certain point, elle forcera l’arrêt des hostilités.

Deux autres points viennent s’ajouter.

Tout d’abord, le même jour, la Russie a convoqué l’ambassadeur français, et averti que si des armes britanniques fournis à l’armée ukrainienne frappait le territoire russe, alors « toute installation ou équipement militaire britannique sur le territoire ukrainien et au-delà » pourrait en conséquence être la cible de l’armée russe.

Cela fournit une « limite » à la France et au Royaume-Uni.

Ensuite, le président Xi Jinping était également le même à Paris. Il a tenu de nouveau le discours chinois qui dit tout pour ne rien dire, et rien pour tout dire. La formule la plus concrète fut :

« Nous nous opposons à l’utilisation de la crise ukrainienne pour jeter la responsabilité sur d’autres, salir un pays tiers et déclencher une nouvelle guerre froide. »

Autrement dit, la Chine n’interviendra pas directement aux côtés de la Russie, mais naturellement tout est un jeu mondial, et la Chine a tout intérêt à ce que la Russie ne perde pas, donc il ne faut pas compter sur elle pour se subordonner aux occidentaux.

De toutes manières ici, à part pour les journalistes occidentaux qui sont de purs crétins, il est évident que la Russie n’aurait jamais lancé son opération en Ukraine sans l’accord chinois. Stratégiquement, les intérêts russes et chinois sont trop communs.

Tout cela est malheureusement absolument clair, si on lit correctement les choses. Le 5 mai, les pays occidentaux ont défini le cadre de leur côté, le 6 mai la Russie a défini le cadre de son côté.

Tout ce qui produit sous un certain seuil de tolérance est donc accepté… L’intervention occidentale peut donc se faire, sans « risque de troisième guerre mondiale ».

Il faut noter ici la stupidité de ceux qui imaginent que l’escalade en Ukraine signifierai la destruction du monde. Ce fantasme « exterministe » n’a aucun sens. Les choses sont bien pires que ça, avec des affrontements qui vont s’étendre et se contracter, avec des armes nucléaires qui peuvent être utilisées et provoquer des catastrophes, sans pour autant que ne cesse les conflits, etc.

Pour qui s’intéresse plus précisément à cette question de l’emploi de l’arme atomique, un article est ici incontournable : « Les stratégies impérialistes de contournement de l’équilibre de la
terreur à l’époque de la seconde crise générale du capitalisme :
l’asphyxie comme approche de la superpuissance américaine, le
délitement comme approche sino-russe » (revue Crise n°18, février 2022).

Si on veut angoisser, on peut dire que les 5-6 mai 2024, il y a eu la mise en place d’un contournement de l’équilibre de la terreur.

Naturellement, dans les faits tout sera bien plus compliqué et les généraux furieux qui s’imaginent inventer des « règles » sont en plein délire. Mais ce sont eux qui décident… Ce sont eux qui font ce qu’ils veulent…

Pour l’instant. Guerre à la guerre! L’ennemi est dans notre propre pays, conformément au défaitisme révolutionnaire. Non à l’intervention occidentale pour faire la guerre contre la Russie!

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Refus de l’hégémonie

Macron dans The Economist: la guerre au nom de l’Europe

Lorsque le président français Emmanuel Macron a parlé d’intervention militaire française en Ukraine le 26 février 2024, pratiquement personne ne l’a pris au sérieux dans le pays. Les Français sont ainsi, ils ne prennent rien au sérieux.

Néanmoins, tout l’appareil d’État s’est mis en branle dans cette perspective de conflit. L’économie de guerre a pris forme, la propagande a commencé à se généraliser.

Le 2 mai 2024, dans un entretien à l’hebdomadaire britannique The Economist, Emmanuel Macron a réaffirmé la perspective de l’intervention. Et là les Français ne se moquent plus de lui. Car en deux mois, le matraquage a opéré. En ce sens, notre chronologie de l’escalade depuis le 26 février 2024 est une arme politique centrale et il y a lieu de se fonder dessus en toutes occasions.

L’entretien avec The Economist s’inscrit dans cette militarisation et il va d’ailleurs avec un paquet. On a l’interview publié en anglais, l’original en français, un article de présentation de The Economist, puis un long article de commentaire.

« Une région en danger mortel »
« Le message urgent d’Emmanuel Macron pour l’Europe »

Le mot d’ordre de The Economist : Emmanuel Macron a « une vision apocalyptique », et malgré les apparences où l’on peut penser qu’il va très loin, ou trop loin, il aurait raison. « Comme d’autres lugubres visionnaires, il court le risque que son message soit ignoré ».

On lit en conclusion de la présentation d’ailleurs la chose suivante.

« Monsieur Macron est plus clair sur les périls auxquels l’Europe est confrontée que le dirigeant de n’importe quel autre grand pays.

Lorsque le leadership fait défaut, il a le courage de regarder l’histoire dans les yeux. La tragédie pour l’Europe est que les paroles de la Cassandre française risquent de tomber dans l’oreille d’un sourd. »

Emmanuel Macron a donc ici le statut d’un prophète. Sa parole est présentée comme essentielle, car ce dont il s’agit, c’est de sauver la partie européenne de l’occident capitaliste. Pas moins.

Ce qu’il faut noter en effet, et c’est très important, c’est que The Economist souligne que l’entretient se tient quelques jours après le grand discours sur l’Europe d’Emmanuel Macron, tenu à la Sorbonne.

Or, comme on le sait, le Royaume-Uni n’est plus membre de l’Union européenne. Il faut donc comprendre l’Europe au sens d’un continent. Emmanuel Macron parle d’ailleurs de menace « existentielle » pour l’Europe géographique et il est également question de la Norvège, un autre pays à l’écart de l’Union européenne.

Emmanuel Macron parle d’un « beau, grand et existentiel débat que les Européens doivent avoir et qui n’est pas réduit à l’Union européenne ». 

Emmanuel Macron à la Sorbonne pour son discours sur l’Europe

Le long article de commentaire de l’interview est d’ailleurs titré « How to rescue Europe », « Comment sauver l’Europe ». Il cite les propos d’Emmanuel Macron lors de l’entretien, comme quoi « une civilisation peut mourir ».

Que dit justement Emmanuel Macron ? Voici les propos les plus significatifs. Mais avant tout, il faut remarquer qu’Emmanuel Macron est brillant dans la construction du propos. On sait comment en France, on aime se moquer des politiques, de manière populiste, disproportionnée. C’est un défaut, propre aux Français qui ne savent pas accorder de gravité suffisante aux choses essentielles.

Emmanuel Macron agit en effet en professionnel. Le moindre mot est soupesé, habilement choisi. Il maîtrise de manière parfaite tout le langage et la philosophie de « l’humanisme européen », dont la source est l’esprit bourgeois tchécoslovaque des années 1920.

La Tchécoslovaquie, qui venait de se libérer de l’oppression féodale autrichienne et hongroise, était la seule démocratie bourgeoise d’Europe centrale, au milieu des dictatures fascistes. Cela a produit un esprit bourgeois post-chrétien (ou démocrate-chrétien), « progressiste », « humaniste », anti-féodal et libéral, mais teinté d’inquiétude : l’humanité connaît une crise, il faut réfléchir au développement de la technique, le rôle de la technique et de l’organisation, etc.

Les propos d’Emmanuel Macron, dans leur forme et leur esprit, sont un écho très clair de ceux du président tchécoslovaque Tomáš Masaryk, d’Edmund Husserl, de Karel Čapek, repris ensuite par Karel Kosík, Jan Patočka, Václav Havel.

C’est l’idéologie de l’Union européenne, bien qu’il manque une inquiétude profonde, une angoisse, qu’on retrouve par contre de manière totale et absolue en France Antoine de Saint-Exupéry, Albert Camus, la CFDT, l’UNEF, etc.

Emmanuel Macron se situe dans cette perspective. Il est donc un cadre bourgeois brillant. En fait, il redevient le jeune libéral-démocrate « moderne » qui avait été choisi par la haute bourgeoisie moderniste, financière et technologique, pour gagner l’élection présidentielle de 2017.

Il faut, pour saisir son approche, de l’intelligence et de la culture, sans quoi on se fait piéger. C’est à cela que nous travaillons. Emmanuel Macron se propose comme Tomáš Masaryk, il le fait sciemment. S’imagine-t-on qu’on puisse le combattre sans être à son très haut niveau intellectuel et idéologique ?

Ce n’est pas avec la CGT qu’on combat au plus haut niveau, en fait celui de l’affrontement entre capitalisme et Socialisme. C’est avec l’esprit de Parti, avec le drapeau rouge. Avec un travail de fond, avec une presse intelligente et cultivée. C’est notre travail, central et essentiel.

La teneur des propos d’Emmanuel Macron n’en apparaissent, cela dit, que plus clairement.

« Nous sommes le continent qui a inventé la démocratie libérale. Nos systèmes de société reposent sur ces règles. Or nous sommes percutés par ce que les réseaux sociaux et la numérisation de la vie de nos sociétés et du fonctionnement démocratique créent de vulnérabilités. »

« Les choses peuvent se désagréger très vite. Elles créent en Europe et partout ailleurs, une montée des colères et du ressentiment. Nos compatriotes le sentent. Cela nourrit de la peur, de la colère et cela nourrit les extrêmes. Les choses peuvent se précipiter beaucoup plus vite qu’on ne le croit et peut conduire à une mort beaucoup plus brutale qu’on ne l’imagine.

Ce qui m’intéresse surtout, c’est de conjurer ce mouvement à l’œuvre et montrer qu’un sursaut est possible. Et d’ailleurs, toutes les décisions que nous avons prises ces dernières années, sont des décisions que nous n’avons pas prises dix ans plus tôt. On a réagi plus vite, mieux et dans la bonne direction.

Mais il y a une telle accélération des risques, des menaces, du mal-être de nos sociétés qu’il nous faut maintenant un sursaut beaucoup plus profond. Et au fond, il nous faut bâtir un nouveau paradigme. Un nouveau paradigme géopolitique, économique et de société pour l’Europe. »

« Il y a non seulement un retour de la guerre de haute intensité sur le sol européen, mais cette guerre est menée par une puissance dotée de l’arme nucléaire et qui a un discours belliqueux. Tout cela fait que l’Europe doit légitimement se poser la question de sa protection militaire. Et qu’en effet, elle doit se préparer à ne plus bénéficier de la même protection par les Etats-Unis d’Amérique, c’est ce que je disais déjà en 2019 dans vos colonnes. Nous devons nous préparer à nous protéger. »

« Le défi pour l’Europe est économique et technologique. Il n’y a pas de grandes puissances sans prospérité économique, ni sans souveraineté énergétique et technologique. »

« Nous devons être encore plus puissants, plus forts, plus radicaux. Et à cela s’ajoute le fait que l’Europe ne produit pas assez de richesse par habitant, en comparaison là aussi des autres grandes puissances, et notre grande ambition, alors que nous sommes dans un moment de réallocation des facteurs de production, qu’il s’agisse des cleantech ou de l’intelligence artificielle, c’est d’être un continent attractif pour ces grands investissements. »

Tout ce discours permet donc de faire de la Russie un ennemi absolu, une sorte d’entité anti-libérale et anti-moderne par excellence. Une construction habile, qui obtient sans souci l’aval des citoyens biberonnés à la société de consommation.

« La Russie, c’est une menace qu’on connaît, qu’on a toujours vu. Je parle pour l’ensemble des Européens et tout particulièrement pour l’Allemagne et la France, puisque nous étions en charge de sauver les accords de Minsk et du processus de Normandie. »

« Depuis 2022, Vladimir Poutine n’a plus mis les pieds lui-même dans un g20 et il a été exclu du g8 devenu g7 en 2014. Elle a décidé d’enfreindre le droit international en violant des frontières internationalement reconnues pour un membre permanent du Conseil de sécurité.

À ce point, avec une telle constance, c’est inédit. Elle a aussi commis des crimes de guerre, là aussi avec une puissance inédite. C’est elle qui a lancé cette guerre d’agression contre un pays souverain sur le sol européen.

Il ne faut pas sous-estimer non plus le glissement. Sur la question des oblasts, la Russie a essayé de construire une espèce de paravent de légalité, lequel a été ensuite abandonné. Beaucoup de gens ont sous-estimé le glissement qu’il y a eu entre février et avril 2022. En février, la Russie faisait encore l’effort de formuler un narratif qui serait compatible avec le droit international avec cette idée d’« opération spéciale ».

Maintenant, la Russie elle-même utilise le mot de « guerre » et l’assume. Elle est sortie de tous les cadres et au fond, elle est rentrée dans une logique de guerre totale.

Depuis 2022, de manière croissante, la Russie a ajouté la menace nucléaire explicite, parfois désinhibée, par la voix du président Poutine lui-même et ce, de manière systématique. Elle y a ajouté l’hybridité, en provoquant et en attisant des conflits qui étaient parfois larvés dans d’autres zones. Elle y a ajouté des agressions et des menaces dans l’espace et dans le champ maritime, et elle y a ajouté des menaces et des attaques cyber et informationnelles à un niveau inédit que nous avons décidé, avec nos partenaires européens, pour la première fois, de révéler.

La Russie aujourd’hui est devenue une puissance suréquipée qui continue d’investir de manière massive dans les armements de tout type et qui a une posture de non-respect du droit international, d’agressivité territoriale et d’agressivité dans tous les champs connus de la conflictualité.

C’est aujourd’hui aussi une puissance de déstabilisation régionale partout où elle le peut. Et donc oui, la Russie, ce faisant, par son comportement et ses choix, est devenue une menace pour la sécurité des Européens. En dépit de tous les efforts qui ont été faits par la France, mais aussi par l’Allemagne et les Etats-Unis. »

Après de tels propos, la guerre se justifie d’elle-même

The Economist: Maintenez-vous vos propos concernant un envoi éventuel des troupes au sol ?

Président Macron: Tout à fait. Comme je l’ai dit, je n’exclus rien, parce que nous avons face à nous quelqu’un qui n’exclut rien. 

CQFD : puisque, en face, est apparu un ennemi sans légitimité, une puissance définie par le rejet du « droit », alors on a le droit de s’y confronter. Le raisonnement est implacable.

Et alors autant le faire le plus tôt possible :

« Si les Russes devaient aller percer les lignes de front, s’il y avait une demande ukrainienne – ce qui n’est pas le cas aujourd’hui – on devrait légitimement se poser la question. »

C’est donc la décision de la guerre, qui sera prise mécaniquement (car de la « faute » des Russes), anonymement (car sous prétexte de la protection européenne en général).

Si l’on regarde avec intelligence le cours des choses, tout s’enchaîne avec méthode et cohérence. Cela ne veut pas dire qu’Emmanuel Macron sache ce qu’il fait, car la bourgeoisie ne pense pas. Il ne veut pas de la guerre, dira-t-il, si on lui demande personnellement, et il sera sincère dans sa réponse.

Mais l’Histoire est l’Histoire de la lutte des classes, et il n’est qu’un outil de la bataille pour le repartage du monde, de la bataille sino-américaine pour l’hégémonie.

A nous de lever le drapeau rouge contre l’hégémonisme et la guerre !

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Nouvel ordre

1er mai 2024 – faire face à la guerre

Le premier mai, c’est la journée du prolétariat international, c’est la journée du drapeau rouge. Et comme malheureusement le prolétariat international n’est pas à la hauteur, le monde se précipite dans la guerre. Les capitalistes visent à se repartager le monde pour développer coûte que coûte leurs économies.

C’était sans doute inévitable en raison de l’expansion massive du capitalisme entre 1989 et 2020, à l’échelle mondiale. L’intégration des pays de l’ancien bloc de l’Est et la transformation de la Chine en usine du monde ont facilité de manière massive l’accès aux marchandises. Les gens des pays occidentaux sont tout simplement corrompus par le mode de vie occidental.

Les gens considèrent qu’il n’y a plus de classe, que le capitalisme est le seul horizon. La question animale les interpelle parfois peut-être, mais ils ne font rien pour les animaux pour autant. Les femmes refusent d’assumer la direction de la société, laissant les généraux être tous des hommes, ainsi que la quasi totalité des banquiers, des grands patrons, des grands financiers, etc.

Sous prétexte de tolérance, c’est le libéralisme qui dirige tout, donnant naissance à la permissivité généralisée, au laxisme, à la fragilité artificielle, au culte émotif de l’ego, au style de vie bobo ou LGBT. Rien ne va plus dans la société capitaliste en perdition, en décadence généralisée.

Mais le Socialisme est inévitable historiquement. Et le capitalisme triomphant a comme conséquence la grande bataille pour le repartage du monde. La crise de 2020 a tout bouleversé, la croissance a rencontré un mur, et le seul moyen de le contourner est pour chaque pays de s’approprier les richesses d’un autre pays.

C’est donc la guerre qui est à l’ordre du jour. Et là, le prolétariat a des intérêts contraires à ceux de la bourgeoisie. Il peut et doit se recomposer dans une vaste lutte de classes l’arrachant à sa corruption et le replaçant en face de son ennemi historique.

Il n’y a donc pas lieu de perdre son temps avec la pseudo-gauche, universitaire et bobo, dont le centre de gravité, ce sont les réseaux sociaux, dont les références, ce sont les migrants et les LGBT. Tout cela n’est que le produit « de gauche » de la société de consommation.

Ce qu’il faut, c’est réapprendre de Rosa Luxembourg et de Lénine, pour affirmer le défaitisme révolutionnaire. L’ennemi est dans notre propre pays, il faut saboter l’effort de guerre, guerre à la guerre !

La France est en train de mettre en place une « économie de guerre ». C’est là une ennemie. Cette mise en place est également directement encadrée et soutenue par l’Otan d’un côté, l’Union européenne de l’autre. Ce sont là deux autres ennemis. Et tout cela a comme sens fondamental que la France est devenue le vassal de la superpuissance américaine, qui entend affronter son concurrent chinois.

La France met en place une économie de guerre, en tant que vassal le plus zélé de la superpuissance américaine qui entend à ce que l’Otan et surtout l’Union européenne se lance dans un soutien à tous les niveaux au régime ukrainien pour défaire la Russie. Telle est la clef de toute la situation politique.

C’est l’aspect principal. Tout dépend de ça. Il n’est pas de phénomènes en France qui n’échappe à cette tutelle historique qu’est la marche à la guerre.

Nous ne sommes qu’au début du processus. Mais la guerre mondiale a déjà commencé. Les 5-10 ans à venir vont être décidés par l’affrontement sino-américain.

Il y a besoin d’un pays occidental décrochant de la société de consommation, rejetant les hégémonies impérialistes. Faisons en sorte que ce soit le nôtre !

Vive le Socialisme – guerre à la guerre !

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Rapport entre les classes

L’occupation de Sciences Po par la « gauche » américaine

Sciences Po a été brièvement occupé, à Paris, par des étudiants ayant mené une opération de grand guignol. Déguisés au moyen de keffiehs et brandissant des drapeaux de la Palestine, ces étudiants se sont imaginés l’avant-garde de la contestation mondiale, en mobilisant dans cette école depuis la mi-mars, jusqu’à finalement une occupation pour bloquer les cours.

Leur revendication : le cessez-le-feu à Gaza, alors que l’armée israélienne ravage totalement cette zone, provoquant la mort d’autour de 30 000 personnes. Il va de soi qu’on est ici dans le théâtre, puisque les occupants de Sciences Po disent en fait… exactement la même chose que la diplomatie française.

Mais ce à quoi on assiste est un théâtre justement parfaitement mis en scène. Les étudiants jouent à s’imaginer avoir une existence sociale et politique au niveau mondial. Et cette auto-intoxication vise à renforcer le camp de la « gauche » américaine.

La France insoumise, le fer de lance idéologique de cette « contestation », a ainsi été un soutien permanent, avec notamment Jean-Luc Mélenchon envoyant une vidéo de soutien :

« Je voulais à tout prix vous adresser le salut le plus reconnaissant et le plus admiratif pour le travail que vous avez engagé en occupant les lieux et puis ce matin en vous rassemblant.

Vous êtes à cet instant, pour nous, l’honneur de notre pays. L’image la plus forte que nous puissions donner du fait que les Français n’acceptent pas, ne se résignent pas, ne laissent pas faire sans agir, l’odieux, l’abominable massacre, le terrible génocide à Gaza. »

Jean-Luc Mélenchon était également présent pour un meeting à Sciences Po le 22 avril 2024, après une interdiction de s’exprimer à l’université de Lille. Jean-Luc Mélenchon avait alors rapproché le président de cette université du fonctionnaire nazi Eichmann, qui en tant que fonctionnaire avait joué un rôle essentiel dans la logistique de l’Holocauste.

Et cinq députés La France insoumise étaient à Sciences Po pour soutenir les occupants, et jouer un rôle dans la négociation avec la direction de cette école, obtenant l’arrêt de l’occupation en échange d’une amnistie.

C’est terrible pour les Palestiniens de voir leur cause utilisée par des opportunistes prompts à n’importe quelle magouille. Les Palestiniens connaissent une situation dramatique depuis 1948 et on ne les redécouvre que lors de catastrophes, comme là alors que l’État israélien détruit Gaza dans le sang à la suite de l’attaque assassine du Hamas le 7 octobre 2023.

Mais telle est cette « seconde gauche », qui utilise des causes pour contester sans remettre en cause.

La « seconde gauche », c’est cette « gauche » étrangère au mouvement ouvrier historiquement. Appuyée par le capitalisme, elle a triomphé. Pour les gens, être à gauche maintenant, c’est promouvoir la modernité du capitalisme dans sa version sociale, les migrants, les LGBT, le style de vie bobo, l’esthétique des centre-villes, l’art contemporain.

Quelle honte!

La « seconde gauche » est bourgeoise moderniste, par opposition aux bourgeois conservateurs, mais bourgeoise tout de même. C’est l’équivalent de ce qu’on a aux États-Unis, avec les Démocrates et les Républicains. Et l’occupation de Sciences Po à Paris, au nom soit-disant de la Palestine, est dans ce cadre un exemple parlant. C’est tout le rapport entre les classes qui s’y révèle.

Car la France est en effet en train d’instaurer une économie de guerre et assume de vouloir dépecer la Russie. Mais la « gauche » américaine telle qu’elle existe en France ne parle absolument jamais de cela, ou seulement pour un article ou un communiqué de temps en temps. Elle ne croit pas en la guerre de repartage du monde, elle croit seulement en la société française de consommation, où il s’agirait de s’agiter pour « déconstruire ».

La question palestinienne est alors utilisée pour masquer la réalité bourgeoise de la gauche américaine, pour donner une aura contestataire, voire révolutionnaire. C’est totalement artificiel et ouvertement populiste, puisqu’il s’agit de jouer sur le nationalisme arabe et le sentiment religieux, voire un antisémitisme qui ne s’assume pas. Quand on voit des gens de cette « gauche » américaine donner des drapeaux palestiniens à des enfants arabes, on devine l’arrière-plan manipulateur, régressif.

En réalité, la question palestinienne ne s’explique que si on voit que les puissances luttent les unes contre les autres, avec l’État israélien fanatisé et meurtrier utilisé par la superpuissance américaine, le Hamas criminel et obscurantiste utilisé par le Qatar, la Turquie et l’Iran.

Et l’Histoire n’est pas faite par les étudiants de Columbia ou de Sciences Po Paris, deux lieux de l’élite des cadres des bourgeoisies américaine et française. Mais peut-on encore les distinguer d’ailleurs, alors que les études aux États-Unis, au Canada ou en Angleterre relèvent désormais de l’habitude pour les enfants des couches supérieures une fois le bac en poche ?

Car l’imaginaire est ici totalement bourgeois. Le député LFI Carlos Martens Bilongo avait justement lancé à Sciences Po :

« Comme à Columbia, comme à Harvard, ça donne du courage de vous voir vous lever ! »

« Columbia, Sciences Po, Buenos Aires : la jeunesse montre la voie »dit pareillement Révolution Permanente, ce qui est délirant quant on sait à quel point Sciences Po Paris représente l’élite bobo de gauche.

On lit :

« De New York à Buenos Aires, ces mobilisations portent en elles la colère profonde d’une jeunesse qui refuse qu’on l’empêche d’avoir accès à l’éducation, d’aspirer à une vie meilleure ou encore que leurs études servent les intérêts des puissances impérialistes. »

Justement, pas du tout, Columbia et Sciences Po sont les élites assumées de demain. Pour Columbia, une année d’étude revient à 89 587 dollars (bien qu’il existe des aides possibles), pour Harvard, 82 866 dollars.

Le capitalisme s’effondre, et le théâtre des bourgeois de gauche contre les bourgeois de droite s’agite d’autant plus. Mais ce sont des contre-feux pour tromper les masses au moyen d’une fausse actualité, rien de plus.

La vraie actualité, c’est la marche à la guerre mondiale, avec en son cœur l’affrontement entre les superpuissances américaine et chinoise. Impossible de soutenir les Palestiniens si on ne comprend pas cela, justement.

Mais ici c’est du théâtre, seulement du théâtre. Un marché aux illusions, une foire, une sinistre farce !

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Refus de l’hégémonie

Discours d’Emmanuel Macron sur l’Europe

Le président français Emmanuel Macron est revenu dans l’amphithéâtre de l’université de la Sorbonne, sept ans après, pour de nouveau un discours sur l’Europe.

Voici les passages les plus importants de ce qu’il a dit le 25 avril 2024, où l’on voit que la France « gaulliste » consiste à être au premier rang dans une Union européenne qui est une succursale de la superpuissance américaine.

« Le principal danger pour la sécurité européenne est évidemment aujourd’hui la guerre en Ukraine.

La condition sine qua non de notre sécurité, c’est que la Russie ne gagne pas la guerre d’agression qu’elle mène contre l’Ukraine. C’est indispensable. C’est pourquoi nous avons eu raison, dès le début, de sanctionner la Russie, d’aider les Ukrainiens et de continuer à le faire, d’avoir la chance d’avoir les Américains à nos côtés pour cela, et sans cesse de relever notre aide et d’accompagner.

Simplement, j’assume totalement le choix en la matière, le 26 février dernier à Paris, d’avoir réintroduit une ambiguïté stratégique.

Pourquoi ? Nous sommes face à une puissance qui est désinhibée, qui a attaqué un pays d’Europe, mais qui n’est plus dans une opération spéciale et qui ne veut plus nous dire quelle est sa limite.

Pourquoi chaque matin devrions-nous dire, nous, quelles sont toutes nos limites stratégiquement ? Si nous disons que l’Ukraine est la condition de notre sécurité, que se joue en Ukraine, davantage que la souveraineté et l’intégrité territoriale de ce pays déjà clé, mais la sécurité des Européens.

Avons-nous des limites ? Non. Et donc, nous devons être crédibles, dissuader, être présents et continuer l’effort.

Mais cette guerre, engageant une puissance dotée de l’arme nucléaire et qui utilise celle-ci dans sa rhétorique, n’est sans doute que le premier visage des tensions géopolitiques avec lesquelles l’Europe doit apprendre à vivre.

C’est pourquoi nous sommes en train de vivre un changement très profond en termes de sécurité. Les événements les plus récents ont démontré l’importance des défenses anti-missiles, des capacités de frappe dans la profondeur, qui sont indispensables au signalement stratégique et à la gestion de l’escalade face à des adversaires désinhibés.

C’est pourquoi ce qu’il nous faut faire émerger, et c’est cela le paradigme nouveau en matière de défense, c’est une défense crédible du continent européen.

Alors évidemment, le pilier européen au sein de l’OTAN que nous sommes en train de bâtir, dont nous avons convaincu tous nos partenaires du bien-fondé ces dernières années, est essentiel. Mais il nous faut donner un contenu à ce qu’est cette défense crédible de l’Europe, qui est la condition même pour rebâtir un cadre de sécurité commun. L’Europe doit savoir défendre ce qui lui est cher, avec ses alliés, à chaque fois qu’ils sont prêts à le faire à nos côtés, et seule si c’est nécessaire.

Est-ce que pour ça, il nous faut un bouclier antimissile ? Peut-être. Est-ce en augmentant nos capacités de défense, et lesquelles ? Sans doute. Est-ce suffisant face aux missiles russes ? Il nous faut travailler sur ce point.

Mais quand nous avons un voisin devenu agressif, qui n’explique plus ses limites, mais qui dispose de capacités balistiques, sur lesquelles il a beaucoup innové ces dernières années, dont les portées et la technologie s’est transformée, qui dispose de l’arme nucléaire et en a monté les capacités, on voit bien qu’il nous faut bâtir ce concept stratégique d’une défense européenne crédible pour nous-mêmes. »

« La dissuasion nucléaire est en effet au cœur de la stratégie de défense française. Elle est donc par essence un élément incontournable de la défense du continent européen.

C’est grâce à cette défense crédible que nous pourrons bâtir les garanties de sécurité qu’attendent tous nos partenaires, partout en Europe, et qui aura vocation aussi à construire le cadre de sécurité commun, garantie de sécurité pour chacun. Et c’est ce cadre de sécurité qui nous permettra, le jour d’après aussi, de construire les relations de voisinage avec la Russie. »

« Il nous faut aussi nous presser dans la mise en œuvre de la Boussole stratégique, que nous avons conclue sous la présidence française du Conseil de l’Union européenne, et tout particulièrement mettre en place une force de réaction rapide pour pouvoir déployer rapidement jusqu’à 5 000 militaires dans des environnements hostiles d’ici à 2025, en particulier, pour venir en aide à nos ressortissants.

Nous devons également, pour ce faire, investir les nouveaux espaces de conflictualité.

Là où nous le voyons, dans la guerre hybride que nous mène la Russie, se joue déjà une part de la guerre d’aujourd’hui, là où se protègent nos infrastructures, qu’il s’agisse des transports, des hôpitaux, des réseaux électriques ou des télécommunications.

Aussi, je souhaite que nous développions une capacité européenne de cybersécurité et de cyberdéfense. Et alors même que nous sommes tous en train de commencer à bâtir ces capacités pour nos propres armées, c’est une occasion inédite de tout de suite bâtir des coopérations européennes et d’agir en Européens face à ces risques. »