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Octobre 2020: la Droite à l’offensive, la Gauche bousculée

La lutte contre les islamistes devrait être une lutte contre l’islamisme sur une base universaliste. Au lieu de cela on a des mesures policières-administratives parallèlement à une vaste offensive idéologique d’une Droite décomplexée.

Il est toujours difficile de lire les tournants dans l’opinion et le meurtre odieux d’un enseignant d’histoire-géographie par un fanatique islamiste a provoqué une onde de choc d’autant plus forte qu’elle passe sous les radars. En tout cas, impossible de ne pas voir que l’ultra-gauche est tétanisée, au point souvent de ne même pas parler de cette actualité (ou avec un retard très opportuniste), que la Gauche ne sait souvent parler que de la Marseillaise…

Alors que la Droite mène une campagne de fond énorme, s’alignant directement pratiquement sur les idées de Jean-Marie Le Pen des années 1980. On peut même dire que CNews fait passer BFMTV pour un média de centre-droit au rythme où vont les choses.

Pourquoi est-ce aussi simple ? Car il y a eu des marqueurs et il y en a qui assassine la Gauche depuis l’intérieur. Il s’agit bien entendu du rassemblement du 10 novembre 2019 contre « l’islamophobie ». En réfutant la lutte des classes, les « post-modernes » et les populistes s’étaient alors retrouvés sur la même ligne que le « Collectif contre l’islamophobie en France » et de toute une frange de l’activisme musulman.

C’était une convergence naturelle de mouvements populistes, qu’on a connu d’ailleurs dans d’autres pays (le SWP en Angleterre, le PTB en Belgique, etc.), avec à l’arrière-plan un fantasme sur l’Islam comme religion des opprimés, l’idée de faire dans le communautaire pour faire populaire, etc. Cela a évidemment immédiatement senti le roussi, amenant les carriéristes à vite se retirer sur la pointe des pieds avant même la tenue de la manifestation, à l’instar de Yannick Jadot d’EELV et de François Ruffin de La France Insoumise.

> Lire également : La manifestation parisienne du 10 novembre 2019 contre «l’islamophobie»

Yannick Jadot avait dit qu’il ne validait finalement pas tout le texte ni le terme d’islamophobie… Même si rien ne vaudra les propos de Ruffin, véritable contorsionniste : « Moi, j’étais à Bruxelles en train de manger des frites et des gaufres avec mes enfants [au moment de signer], ce n’est pas mon truc. Je n’irai pas dimanche, je joue au foot. »

François Ruffin s’était ici montré plus fin politique que La France Insoumise, le NPA, l’UNEF, l’Union communiste libertaire, la députée PCF Elsa Faucillon, le secrétaire de la CGT Philippe Martinez, Benoît Hamon de Génération-s, etc., car maintenant ils en paient le prix fort. Jean-Luc Mélenchon et l’UNEF sont la visée d’un profond mépris en général et leur positionnement est en particulier l’un des moyens de la Droite pour se positionner comme la seule en mesure de défendre les valeurs d’unité sociale.

Les gens très ancrés à Gauche l’ont bien compris et sont très remontés contre eux. Reste à savoir maintenant si c’est un combat de lignes qui se profile ou si c’est un avatar de plus d’une implosion de la Gauche en général, pour ne pas dire les restes de la Gauche tellement le panorama est catastrophique.

Plus en amont, c’est d’ailleurs la question de « Je suis Charlie » qui est la clef du problème (et de la solution). Non pas qu’il faille considérer « Je suis Charlie » comme un mouvement positif en soi, mais en étant incapable de l’étudier, de le saisir, d’en développer les traits les meilleurs, la Gauche a failli.

Quand on pense à la tonne de littérature qui a été écrite sur un phénomène aussi marginal numériquement et culturellement que les gilets jaunes, et qu’on voit que « Je suis Charlie » n’a rien amené malgré son ampleur nationale, le décalage saute aux yeux. Cela ne fait que souligner la nécessité de moyens d’élever le niveau, de fournir des éléments faisant progresser les consciences.

Et si la Gauche n’y parvient pas volontairement, la terrible violence qui se profile dans ce contexte de crise va la forcer, au moyen d’une Droite promettant la brutalité la plus complète.

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Rassemblements du 18 octobre 2020 : marquants sans être un marqueur

Les rassemblements en hommage à l’enseignant assassiné par un islamiste pour avoir montré des caricatures de Mahomet ont bien eu lieu dans tout le pays, mais sans dimension de masse. La société française est trop crispée pour agir.

Au sens strict, tout le monde a bien compris que les rassemblement du 18 octobre 2020 correspondaient à un « Je suis Charlie » répété. Au fond, on avait la même problématique : d’un côté l’expression de la dénonciation d’une religion, de l’autre un terrorisme assassin de type religieux.

« Je suis Charlie » avait alors été une réponse de type démocratique-républicaine : oui aux caricaturistes, non aux obscurantistes, oui à l’union du pays et à la culture, c’est-à-dire non au racisme, à l’esprit de division communautaire. Impossible d’être contre cela, même si évidemment cela a ses limites. Ce qui n’a pas empêché l’ultra-gauche d’être vent debout contre « Je suis Charlie », accusé de tous les maux dont surtout le racisme, « l’islamophobie », etc.

Or, on a trois problèmes depuis « Je suis Charlie » en 2015, nuisant à la force des rassemblements de 2020. Tout d’abord, « Je suis Charlie » a été abandonné par toute la scène politique, y compris la Gauche. On a eu les plus grands rassemblements de masse dans l’histoire de France et pourtant rien n’en est sorti. C’est fort dommageable, car il y avait de très nombreux éléments allant dans le bon sens, dont surtout le refus de la division. Le gâchis est terrible.

Ensuite, il y a bien entendu la crise sanitaire, qui a démobilisé beaucoup de monde. Si on ajoute à l’arrière-plan l’ambiance de crise à tous les niveaux, dont économique, les Français sont paralysés.

Enfin, il y a le lessivage relativiste du capitalisme qui n’a pas cessé d’œuvrer depuis 2015. La société a encore plus été déstructurée, l’élection du libéral Emmanuel Macron comme président l’illustre bien. Il y a encore moins de Gauche, encore moins de culture, encore moins de conscience.

Il y a donc eu des milliers de personnes se rassemblant en hommage à Samuel Paty, partout dans le pays, mais sans former un mouvement de masse au sens strict. 250 personnes à Agen, 300 à Royan, 750 à Rochefort, un millier à Bayonne, 1 500 à Montpellier, 2 000 à Bordeaux, plusieurs milliers à Pau, 5 000 à Toulouse, 6 000 à Lyon, à Paris quelques milliers sur la place de la République… On l’aura compris, il y a eu des rassemblements vraiment partout dans le pays, tout comme pour « Je suis Charlie », mais sans que le pays ne se mobilise.

D’ailleurs, tous ces rassemblements se caractérisent par :

– une organisation par en haut, par les syndicats d’enseignants surtout ;

– une présence significative de religieux, ainsi que de figures politiques traditionnelles, avec un appui gouvernemental très clair ;

– un discours très vague pro-enseignant pro-république avec la chanson la Marseillaise comme seul horizon.

C’est, on le voit bien, le contraire de « Je suis Charlie », qui est né par en bas, sur la base de toute une culture mêlant exigence d’universalisme à la française et l’influence des années 1970 avec notamment les dessinateurs Cabu et Wolinski. Si on voit les choses ainsi, « Je suis Charlie » a été la dernière séquence des années Mitterrand, tout à fait dans l’esprit de la grande manifestation parisienne de mai 1990 à la suite de la profanation du cimetière juif de Carpentras.

Quant aux rassemblements du 19 octobre 2020, ils expriment un profond niveau de dépolitisation, avec en toile de fond un républicanisme totalement flou et parfaitement en convergence avec la Droite. C’est là un constat très mauvais qu’on peut faire. Les Français décident envers et contre tout de rester spectateurs. Même un événement de grande importance ne les amène pas à sortir du cadre. On voit mal comment l’extrême-Droite ne peut pas grignoter toujours plus du terrain dans une telle situation.

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Meurtre de Conflans-Sainte-Honorine: le général Pierre de Villiers ne rate pas l’occasion de se placer

Le général Pierre de Villiers est ancien chef d’État-Major des armées et s’est fait connaître en démissionnant avec fracas en 2017, accompagnant cela d’un discours nationaliste faisant de la figure du chef militaire autoritaire un recours pour la France.

> Lire également : Néogaullisme: le général Pierre de Villiers appelle à remettre de l’ordre

Depuis, il intervient régulièrement pour mettre en avant ce discours et se placer lui-même comme la figure potentiellement à même de « redresser » le pays. La Droite adore, notamment celle qui est proche de l’extrême-Droite, et c’est tout naturellement que Le Figaro lui a offert une tribune après l’attentat contre le professeur d’Histoire-Géographie à Conflans-Sainte-Honorine.

Il faut noter que cette tribune est accessible gratuitement en ligne, ce qui est rare pour les articles de ce genre sur le site du Figaro ; il s’agit là de diffuser au maximum la figure du général Pierre de Villiers, qui profite naturellement de la situation pour se placer. Se placer pour quoi ? Pour apparaître comme le sauveur, apolitique et désintéressé bien sûr, dans la grande tradition française des anciens militaires faisant prétendument don de leur personne.

Ce qu’il a à dire est très simple, et extrêmement bien formulé. Il ne faut pas « céder à cette intimidation barbare » et ne pas avoir « peur », il y a trop de « paroles » et pas assez « d’actes », il faut donc une politique nationale forte assumant l’autorité.

Il est donc fait appel à la mobilisation nationaliste, en expliquant que le problème de l’islamisme serait principalement celui de l’agression de la France, comme il le dit en introduction de son propos :

« c’est une attaque à l’existence même de notre nation, de notre civilisation. »

Cela est faux, car ce qui est en jeu est la Raison, l’Humanisme, la culture en général, de manière universelle, et pas la nation française en tant que telle. Mais cela n’intéresse pas Pierre de Villiers, qui relève lui-même de l’arriération religieuse ; c’est un catholique, il le revendique, il a contribué à une formation du très droitier ICHTUS (Centre de formation à l’action civique et culturelle selon le droit naturel et chrétien).

Selon lui, de manière démagogique, il suffirait de renvoyer les imams qui posent problème, tout en ayant une politique militaire française forte. C’est d’ailleurs avec cela qu’il conclut, car le militarisme est sa proposition stratégique, c’est le contenu de son nationalisme, avec l’idée de la France comme grande puissance pesant grâce à son armée, et se régénérant grâce à l’autorité militaire :

« Pendant mes dix dernières années dans les armées, j’ai, à ma place, participer au combat contre le terrorisme islamiste, cette idéologie qui prône la barbarie, car cette dernière n’est pas un moyen mais une fin. Nos soldats, marins et aviateurs contribuent à cette défense de l’avant, notamment en Afrique et au Moyen-Orient. Ils méritent aussi d’en être remerciés. Cette guerre est mondiale. Elle vise la France prioritairement. Plus que jamais, nous devons retrouver notre unité et nous réconcilier, au-delà de nos diversités. L’amour de la France est notre espérance. »

Pour le reste, Pierre de Villiers formule les choses très habilement et avec beaucoup de mesure, dans une perspective politique évidente. Il explique qu’il serait temps « d’aider la communauté musulmane de France à former les imams » et qu’il faut aller chercher les islamistes dans les « cités », où « [les] populations [sont] dans leur grande majorité de bonne volonté. »

> Lire également : Valeurs Actuelles en appelle au militaire Pierre de Villiers pour la tête de l’État

On apprend étrangement au passage que la Mauritanie serait « un exemple », qui aurait « réussi à contenir le terrorisme »… On se demande alors pourquoi le Ministère des Affaires étrangères considère encore la Mauritanie comme à risque à propos du terrorisme, avec plus de la moitié du pays où il ne faut surtout pas se rendre, et une vigilance renforcée à avoir pour le reste du territoire !

Mais ce qui intéresse surtout Pierre de Villiers le militaire, c’est que la Mauritanie (une « république islamique ») est aux mains des militaires, avec le président Mohammed Ould Ghazouani qui est un général ayant succédé à un général ayant pris le pouvoir par la force en 2008, avec des groupes spéciaux d’intervention quadrillant littéralement le pays et un État orientant massivement le budget vers l’armée plutôt que l’éducation ou la santé.

Voilà donc son modèle, qu’il veut transposer en mode catholique pour la France, avec cette prétention, caractéristique de la Droite, à constituer une élite « protectrice » pour le peuple, par l’autorité du chef :

« Il est temps aussi de comprendre que le premier devoir d’un Etat est de protéger ses concitoyens, en donnant à celles et ceux qui en ont la charge les moyens de leur mission. Je pense en particulier aux services de renseignements, aux forces de sécurité, à tous ceux qui de près ou de loin participent à l’éducation de notre jeunesse. »

Tout cela n’amène pas à grand chose… pour l’instant. C’est une manière de s’installer dans le paysage, d’assembler des éléments pour légitimer le recours à un moment donné. Le général dira que depuis longtemps il cherche à contribuer, sans prendre parti, qu’il est inquiet pour la France, etc. Le fait que cela ne soit pas dénoncé dès le départ par la Gauche est une très mauvaise chose, c’est une grosse erreur de par la tradition politique de notre pays où le général, le maréchal, sort souvent de sa boîte pour jouer au sauveur.

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Semi-confinement de la mi-octobre 2020: la Droite folle de rage

L’État a coupé la poire en deux : on confine sans confiner, afin de préserver la machine capitaliste dans son essentiel. Pour la Droite, c’est déjà trop.

Comment affronter une crise sanitaire aussi grande alors qu’une chose comme la chaîne Cnews existe ? Jean-Marc Morandini, Eric Zemmour, Pascal Praud… sont le contraire des Lumières et de la Raison. Ce sont des gens très intelligents assumant de nier toute référence intellectuelle et culturelle, afin de faire triompher un populisme de Droite strictement équivalent à celui de Donald Trump.

Et, également de Benito Mussolini, d’Adolf Hitler et de tous les démagogues de la Droite la plus nationaliste, car ce gens ne proposaient pas un « totalitarisme » avec un programme, mais balançaient des idées à tort et à travers afin de manipuler les masses, réduites au rang de foules.

C’est le règne de l’anecdote, de la remarque à l’emporte-pièces. C’est le principe de la démagogie, de la vindicte irrationnelle, des accusations sans preuves, où le « bon sens » est censé s’exprimer, représenter un peuple bâillonné, etc. Les intellectuels de la télé-spectacle contribuent au renforcement d’une logique anti-intellectuelle, anti-culturelle, avec un appel à refuser la complexité, à agir à l’instinct, à l’élan vital ?

Comment une société, travaillée au corps par de tels populismes, de telles outrancières simplifications, de tels mensonges, peut-elle affronter les faits ? Comment combattre une crise sanitaire tant que la Droite agit avec vigueur ?

La Droite a deux lignes : tout d’abord, relativiser, en disant qu’il y a peu de morts et que la continuité de la société doit primer sur tout le reste. Ensuite, dénoncer toutes les mesures en les accusant d’être mal faites, en assumant ou pas le refus des mesures, au nom de l’efficacité, des droits individuels, etc.

C’est très difficile à combattre, car c’est totalement opportuniste. Ce style a contaminé d’ailleurs de larges secteurs de la population française : en effet, pour beaucoup de gens, agir, c’est faire du rentre-dedans, comme les syndicalistes de la CGT, les gilets jaunes, les énergumènes d’ultra-gauche sur Twitter, etc.

On est dans la surenchère, comme Stéphane Manigold, restaurateur et porte-parole de « Restons ouverts », expliquant sur Cnews qu’Emmanuel Macron ne comprend rien à l’économie. Ces propos n’ont aucun sens, mais ils sont véhiculés médiatiquement, touchant des dizaines, des centaines de milliers de personnes, formant des accumulations de stupidité.

Avec le semi-confinement annoncé le 14 octobre par le président Emmanuel Macron, la Droite a encore un boulevard. S’il y a un vrai confinement, la dimension collective écrase l’individualisme. Là, c’est un semi-confinement, qui n’assume pas la collectivité et qui laisse par conséquent des espaces énormes pour les protestations au nom des libertés individuelles, des « petits » entrepreneurs (en réalité des petits gros entrepreneurs, possédant plusieurs commerces), les traditions françaises, etc.

C’est la révolte petite-bourgeoise contre les « technocrates », « l’oligarchie », les « ploutocrates », etc., ce qui est évidemment une opération visant à masquer la bourgeoisie et le capitalisme, pour forcer la base populaire à se mettre à la remorque de la petite-bourgeoisie dans sa bataille pour arracher des miettes aux classes dominantes.

Cette tendance à « cracher » sur « ceux d’en haut » de manière populiste, sans réflexion, est une voie de garage. Il faut un accompagnement idéologique et culturel par la Gauche à toute révolte, lutte, protestation, afin d’élever le niveau, de faire aboutir de manière correcte toute révolte, lutte, protestation. Seule la Gauche lit en effet les choses historiquement, voit la direction à prendre.

Cet accompagnement ne peut évidemment pas venir de l’extérieur, seulement de l’intérieur. C’est un travail immense et il faut recomposer la Gauche historique pour la mener à bien… Avant que la Droite ne dévie toute la contestation, contribuant au succès du Fascisme.

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Pour Jean-Luc Mélenchon, les présidentielles de 2022 valent bien une encyclique

Dans une tribune au magazine La Vie, le dirigeant de La France Insoumise propose ouvertement une alliance au catholicisme. Il a bien sûr en vue les élections présidentielles de 2022.

La Vie est un hebdomadaire catholique, qui appartient au groupe Le Monde. Le quotidien Le Monde, comme Télérama, relève en effet historiquement du milieu et de l’idéologie « catholique de gauche », spiritualiste critique du matérialisme, tout comme d’ailleurs la CFDT, prolongement du syndicat catholique, la CFTC.

Autant dire que pour les gens authentiquement de gauche, tout ce milieu de Le Monde, Télérama, des « cathos de gauche »… est considéré comme sympathique, mais pris avec des pincettes, car la dimension religieuse à l’arrière-plan est massive et d’autant plus pernicieuse qu’elle est indirecte.

Cela relève très clairement de l’agenda du Vatican, qui adapte son discours selon les pays et les situations. Ouvertement pro-repli sur soi-même en Pologne, l’Église catholique prône l’accueil massif des migrants en Autriche comme « ouverture au monde » ; catho de gauche en France, l’Église catholique n’est évidemment pas comme ça en Espagne, etc.

On ne peut qu’être ainsi profondément choqué de la tribune publiée par Jean-Luc Mélenchon dans La Vie. C’est une valorisation d’un prétendu « anticapitalisme » qu’on trouverait dans l’encyclique du pape François, Fratelli tutti, publié en octobre 2020. Catholiques et anticapitalistes, même combat, nous dit Jean-Luc Mélenchon. Le titre de la tribune est sans ambiguïté aucune :

« “Fratelli tutti”, une vision partagée entre croyants et incroyants »

La présentation de la tribune par La Vie montre que l’hebdomadaire participe à ce petit jeu :

« Le député des Bouches-du-Rhône et leader de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon, lecteur attentif des encycliques promulguées par les papes, a lu Fratelli tutti, dont le thème de la fraternité lui a inspiré ce texte confié à La Vie. »

Lui a « confié »… tel un message personnel, somme toute : La Vie souligne une certaine intimité et Jean-Luc Mélenchon est même présenté comme un « lecteur attentif » des encycliques publiées par « les » papes. Jean-Luc Mélenchon serait-il un catholique en secret depuis plusieurs décennies ? Il adorait en même temps François Mitterrand et Jean-Paul II ?

Surtout que Jean-Luc Mélenchon va très loin dans la valorisation du catholicisme. Rien que les propos suivants l’excluent totalement de la Gauche :

« Le titre Fratelli tutti rappelle la vocation universaliste du catholicisme. Elle entre en écho avec celui de l’humanisme né en Europe avec la Renaissance. L’âpreté du rejet de celui-ci par l’Église de l’époque n’efface pas l’effet de parenté que le temps long a confirmé. »

La scandale ici n’est pas seulement d’affirmer que l’Église aurait une parenté avec l’humanisme, ce qui est une aberration totale, puisque c’est le protestantisme qui a une parenté avec l’humanisme, certainement pas le catholicisme. D’ailleurs, le catholicisme lance le « baroque » et les jésuites contre l’humanisme.

Jean-Luc Mélenchon contribue ici à l’idéologie catholique qui, après avoir écrasé le protestantisme, combattu le protestantisme et les Lumières, prétend être leur égal sur le plan moral et intellectuel. Il aide la réaction religieuse à se parer d’une aura civilisationnelle.

Et ce qui est tout autant monstrueux, c’est de dire que l’humanisme serait né en Europe avec la Renaissance. C’est tout à fait inexact. L’humanisme naît à partir de la réception des textes philosophiques arabes se revendiquant d’Aristote. Quant à la Renaissance, ce n’est pas elle qui produit l’humanisme, c’est le contraire : la Renaissance est un produit de l’humanisme.

En sachant d’ailleurs que l’humanisme et le protestantisme – grosso modo allemand, néerlandais, tchèque – se distinguent profondément de la Renaissance italienne, ce semi-humanisme qui d’ailleurs s’effondrera sur elle-même en raison de la force du catholicisme.

L’humanisme et le protestantisme, cela donne les Pays-Bas (le premier pays capitaliste du monde), cela donne la formation des États-Unis d’Amérique sur une base libérale (au sens positif du terme), cela produit les Lumières et la Révolution française.

La Renaissance ne donne rien du tout et est récupérée par le Vatican. Et on sait comment la France est à 50/50 depuis l’écrasement du protestantisme : à 50 % travaillé au corps par le catholicisme et l’idéologie de la « Renaissance » version Vatican, à 50 % penché vers l’humanisme, les Lumières.

Normalement, Jean-Luc Mélenchon est franc-maçon et relève des seconds 50 %. Il a ici entièrement retourné sa veste.

Alors, naturellement, en révisant l’Histoire comme le fait Jean-Luc Mélenchon, on peut effectivement voir en le catholicisme une force positive et le pape un ardent défenseur de l’universalisme, un allié contre le libéralisme. On peut même s’imaginer, pendant qu’on y est, que la dénonciation féodale du capitalisme par le catholicisme est révolutionnaire et finalement saluer Maurras, Péguy et Bernanos.

Paris valait bien une messe pour Henri IV, alors la présidentielle de 2022 vaut bien une encyclique pour Jean-Luc Mélenchon, qui s’imagine un grand destin.

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La mairie de Nantes veut hisser le drapeau identitaire «breton»

La maire de Nantes Johanna Roland a annoncé que le drapeau « Gwen ha du » serait hissé au fronton de l’hôtel de ville de Nantes début décembre 2020. C’est une véritable agression contre la Gauche, car il s’agit là d’un drapeau inventé par des fascistes dans les années 1920.

L’annonce a été faite dans le cadre d’un rassemblement identitaire visant à intégrer le département de la Loire-Atlantique à la région Bretagne, rassemblement auquel la maire de Nantes a elle-même participé. D’ailleurs, Johanna Roland a maintenant un adjoint aux enjeux bretons, qui est lui-même un fervent activiste identitaire breton faisant dans le lyrisme pour défendre sa cause :

« Le drapeau, ce n’est pas juste un bout de tissu. Ça touche à l’intime, ça résonne fort chez beaucoup de Nantais. »

Tout ce petit monde s’active depuis quelque temps déjà pour rebaptiser officiellement les rues du centre-ville nantais avec de nouvelles plaques « bilingues », en français et en « breton ». Il y a ici des guillemets, car cette langue n’a en vérité « rien à voir avec le breton parlé par les migrants venus de Basse-Bretagne travailler aux chantiers navals ou s’embaucher comme dockers sur les quais du port », comme l’a justement fait remarqué un Nantais dans une lettre à la maire (publiée par Françoise Morvan sur son blog).

De surcroît, le breton n’a jamais été la langue à Nantes, ville située dans une région où la langue populaire des campagnes était un dialecte du français, le gallo, avant la généralisation du français moderne (généralisation qui a forcément eu lieu très tôt dans une ville aussi importante que Nantes, intégrée au Royaume de France en 1532).

N’importe qui s’intéressant réellement à la culture populaire, et à la culture en général, le sait. Comme il est bien connu que le « Gwen ha du » a été inventé par en 1923 par le militant fasciste Maurice Marchal, plus connu sous le nom de Morvan Marchal, et que c’était l’étendard d’une petite bande d’antisémites ayant activement collaboré avec les nazis pendant l’Occupation.

Pendant longtemps, cela était très connu à Gauche en Bretagne, y compris à Nantes, et jamais la Gauche n’aurait laissé flotter un tel drapeau de « collabos » sur un Hôtel de ville, encore moins si c’est une prétendue « socialiste » qui le fait hisser. Cela est d’autant plus insupportable que Johanna Roland prétend faire cela au nom de la culture populaire (elle a indiqué que le drapeau sera installé « en lien avec des événements célébrant la culture populaire bretonne à Nantes »).

En vérité, la maire de Nantes ne fait que coller à l’agenda des identitaires-régionalistes « bretons », comme le font les socialistes à la tête de la Région Bretagne depuis des années, sous la houlette de Jean-Yves Le Drian. Leur perspective est de décomposer l’État central français et il existe toute une bourgeoisie dans la région Bretagne qui a pour plan de s’arroger la Loire-Atlantique, afin de créer une grande région économique dans le cadre européen.

Cela n’a rien de populaire et ne correspond à aucun intérêt populaire !

Traditionnellement en Loire-Atlantique, le Parti socialiste est plutôt hostile à cet identitarisme-régionaliste et en décembre 2018, Philippe Grovalet le président socialiste du Conseil départemental, à majorité socialiste, avait logiquement balayé la tentative de référendum local pour le « rattachement » à la région Bretagne.

Toutefois, le Parti socialiste est surtout une machine électorale et ne brille que rarement par ses prises de positions idéologiques fermes, que ce soit pour défendre la culture populaire ou l’Histoire. Si tel était le cas, la fédération ligérienne du Parti socialiste s’empresserait de menacer d’exclusion Johanna Roland si elle en venait à hisser un drapeau identitaire issue du fascisme sur sa mairie.

C’est en tous cas ce que ferait un véritable parti de gauche, relavant de la Gauche historique, du mouvement ouvrier.

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L’appel des 1000 pour une candidature commune écologique sociale et démocratique en 2022

L’appel vise les présidentielles de 2022, appelant à l’unité de toute la Gauche ; signé par des personnalités plus ou moins influentes, il n’a cependant pas l’assentiment des appareils des mouvements politiques de la Gauche, ni d’ailleurs de sens programmatique.

La jeune Greta Thunberg a appeléà voter Joe Biden pour barrer la route à Donald Trump. C’est à la fois vrai dans l’idée et simpliste, car cela ne résout pas les problèmes de fond, en particulier la question ouvrière. C’est au fond la même démarche qu’a l’appel des 1000, 2022 en commun, avec d’ailleurs pour la page contact une photographie d’une mobilisation américaine anti-Trump (drapeau américain compris).

On chercherait en vain les mots ouvrier, travailleur, bourgeois, lutte des classes, crise et toutes ces choses semblant dépassées pour les tenants d’une Gauche à l’américaine. Il faudrait nier toute programmatique, du moins mettre cela de côté, pour faire barrage. Au passage, on accumule les idées et les valeurs et on unifie le tout. Sont d’ailleurs mis sur le même plan « militants associatifs, syndicaux politiques, chercheurs, universitaires, etc. ».

Sauf que les signataires de l’appel – mentionnons Clémentine Autain, Elsa Faucillon, Gérard Filoche, Noël Mamère, Thomas Piketty, Michèle Rubirola – ne sont qu’à l’arrière-plan dans leurs organisations respectives (EELV, PCF, LFI, etc.) et que les directions des mouvements politiques ne comptent certainement pas rentrer dans ce jeu, tant par volonté hégémonique que par tradition : en France, il existe une tradition puissante du combat d’idées ouvert et politique.

La France, ce n’est pas les Etats-Unis, pays où le capitalisme a écrasé entièrement la politique dans le peuple, depuis les années 1910-1920 et l’écrasement du mouvement ouvrier par la violence.

Cet appel, typiquement américain dans la forme avec cette volonté de copier le Parti Démocrate américain, et étrangère au mouvement ouvrier historique dans le fond, reflète en même temps un vrai besoin d’unité à Gauche – mais la question de l’unité peut-elle avoir une réponse électorale ? Ou bien s’agit-il de la nécessité de l’engagement, d’une dimension programmatique, d’une reconstitution de structures politiques par en bas ?

Et ne vit-on pas une crise ? Quel sens y a-t-il à nier la crise ?

Voici l’appel :

« La fin de l’été a été rythmée par les journées et universités des différents partis de gauche et du pôle écologiste. Si tous ont voulu donner des signes d’ouverture, il est clair qu’il manque d’un travail commun pour définir un projet alternatif à celui du gouvernement, la plupart des appareils politiques se focalisant sur son éventuel présidentiable et ayant la prétention de rassembler autour de celui-ci.

Nous refusons de nous résigner à cette situation.

Depuis plusieurs mois déjà, de nombreuses initiatives travaillent à faire tomber les murs. Choisissant de placer les identités partisanes ou organisationnelles au second plan, elles ont commencé à esquisser un arc écologiste, social, et humaniste. Les organisations de jeunesse politique se sont fédérées dans le cadre du mouvement Résilience Commune, des organisations de jeunesse de la société civile (activistes et entrepreneurs) se sont coalisées et se sont données rendez-vous pour la Rencontre des Justices et toutes ces différentes composantes aujourd’hui dialoguent.

Dans ces discussions, il est question de la double urgence climatique et sociale et de la préservation des conditions de vie sur terre. Il est question de l’abyssale crise économique et sociale qui se profile en cette rentrée, préparée par des décennies de politiques néolibérales. Et il est question de se saisir des prochaines échéances politiques pour conjurer cette perspective mortifère.

Un constat commun s’impose : la dégradation de notre écosystème, la défiance envers nos institutions et la crise économique et sociale s’accélèrent… Il est dès lors urgent de construire une alternative politique heureuse pour notre pays, l’urgence d’une victoire pour nos engagements – celui de l’écologie, de l’égalité et de la démocratie réelle.

Nous nous opposons résolument au néolibéralisme, au capitalisme, au productivisme, au patriarcat, au présidentialisme, à tous les racismes et à toutes les discriminations et exclusions.

Nous faisons du féminisme, de l’antiracisme, de l’écologie, de la lutte contre les écocides, de la défense des droits et des nouvelles formes démocratiques à mettre en place, des outils pour construire un nouvel imaginaire politique, structuré par des coopérations et déconstruisant les dominations.

C’est d’un nouveau régime relationnel dont il est question, qui transformerait notre relation à l’autre, au vivant, à nos territoires, plaçant la solidarité et la coopération au centre là où le néolibéralisme avait fait triompher la concurrence, l’oppression et l’exploitation.

Il nous faut imaginer ce que serait une République écologique, sociale et démocratique et comment cette dernière pourrait se concrétiser dans un socle commun de propositions, dans une plate-forme commune, en tenant compte des initiatives prises par des collectifs qui anticipent, par leurs pratiques démocratiques, la société à venir.

En particulier, nous avons besoin d’un changement radical de la politique économique et sociale, d’un nouveau partage des richesses, qui serait permis notamment par une fiscalité plus juste, d’un partage du travail et d’une réduction du temps que nous y passons.

Nous vivons une décennie critique où les enjeux se déterminent à l’échelle planétaire. La question d’une alternative humaniste à la barbarie sera de plus en plus importante. La France doit œuvrer à une refonte des relations internationales et à une transformation de l’Union européenne pour relever ces défis.

Mais nous ne parviendrons pas à gagner si nous ne parvenons pas à nous unir. Il n’est pas ici question d’union pour l’union, d’unité sans principes autour d’une orientation gommant les diversités. Encore moins de mettre sous le tapis nos différences et désaccords. Il est question de lier nos luttes et de coordonner nos stratégies, de se fédérer en demeurant nous-mêmes.

Partout, au-delà des rangs de la jeunesse, des dialogues se sont noués. Entre organisations de la société civile: associations, syndicats, fondations, médias libres, collectifs, pétitions, coalitions et entreprises sociales ou écologiques. Entre partis politiques aussi quelquefois.

Souvent néanmoins, les enjeux tactiques à plus court terme, le temps nécessaire à l’exercice de la démocratie interne aux partis et organisations, les volontés d’hégémonie, ont pris le dessus et ralenti la construction du commun. Les élections présidentielles et les législatives de 2022 représentent une échéance vitale pour notre avenir avec un double risque : celui de la poursuite et de l’amplification des politiques actuelles ou passées, celui de l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite.

Conjurer ces risques suppose de s’engager résolument dans la construction d’une perspective de rassemblement de la gauche, de l’écologie politique et des citoyens et citoyennes mobilisé.es, sur un projet et un contrat de législature permettant d’engager une transformation écologique, sociale et démocratique.

C’est pourquoi, nous lançons un appel à l’ensemble des citoyennes et citoyens qui se reconnaissent dans cette ambition de porter au pouvoir en 2022, face au néolibéralisme, une alternative écologique, sociale et démocratique, en promouvant une démarche et une candidature commune à l’élection présidentielle dans une démarche transparente et démocratique.

Dans cette perspective, nous participerons à toutes les initiatives de mobilisations sociales et citoyennes allant dans le sens du rassemblement des forces pour la transformation écologique, sociale et démocratique, et appelons à rejoindre toutes les initiatives de dialogue et de construction de convergence. Nous co-organiserons un grand rendez-vous début 2021. »

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La condamnation d’Aube dorée : une victoire en trompe-l’œil

Mercredi 7 octobre, la justice grecque a tranché : Aube dorée (Χρυσή Αυγή) est une organisation criminelle néo-nazie. C’était une évidence pour tout le monde, mais cette condamnation officielle est néanmoins très importante. Faisant suite à l’enquête visant un militant néonazi pour son assassinat du rappeur antifasciste Pavlos Fyssas, le procès était rapidement devenu celui de toute l’organisation.

En effet, ce parti, se revendiquant presque ouvertement du national-socialisme et du négationnisme, s’était illustré par des opérations punitives et autres ratonnades contre les immigrés, des syndicalistes ou des militants de gauche, avec des perturbations de bureaux de vote pendant les élections et de nombreuses menaces à l’égard d’associations ou simplement de ces gens que les nazis détestent : étrangers, Juifs, homosexuels, etc. Comme le parti d’Adolf Hitler jadis, Aube dorée avait une stratégie double : d’un côté une participation aux élections (qui lui a permis d’obtenir plusieurs députés pendant des années, à l’assemblée comme au parlement européen), de l’autre un militantisme de type milicien violent.

Alors que la stratégie parlementaire s’est soldée par un échec, des divisions internes et une disparition du parlement aux dernières élections, cette condamnation s’attaque directement à l’autre aspect de l’organisation. En effet, plus d’une cinquantaine de membres ont été condamnés, dont des cadres importants, comme Nikolaos Michaloliakos, le fondateur du parti, ancien cadre de l’organisation de jeunesse de la dictature, négationniste et nazi revendiqué.

Il ne faudrait pas pour autant s’imaginer que c’est une victoire décisive contre le fascisme en Grèce, ni un signe que l’Etat hellénique est un rempart contre ce dernier. Ainsi que les manifestations antifascistes importantes le jour du résultat du procès l’ont rappelé, l’opposition antifasciste est populaire. Si la justice ne s’est pas contentée de juger le meurtrier de Pavlos Fyssas, c’est parce qu’il existait une pression démocratique en ce sens. La Gauche, quoique affaiblie, demeure forte en Grèce et ancrée dans les masses, avec une extrême-gauche (marxisante ou anarchisante) assez active. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si cet important procès contre Aube dorée a débuté sous le mandat d’Alexis Tsipras, dirigeant du parti issue de la gauche Syriza.

Ces manifestations ont été principalement menées par la Gauche, évidemment. On retrouve notamment le Parti communiste de Grèce, avec le syndicat PAME et la Jeunesse communiste de Grèce qui lui sont liés. Les slogans, dans un esprit très « Front populaire », parlent d’eux-mêmes : « Le peuple exige l’emprisonnement des nazis », « Ce ne sont pas des innocents. Ce sont des ennemis. Par la lutte populaire, écrasons le fascisme. », « Dès hier, le peuple travailleur avait rendu son verdict ! ». D’autres organisations et militants issus de la gauche ou liés à celle-ci étaient présents, comme le Mouvement uni contre le racisme et la menace fasciste, dont l’appel fondateur contre le racisme avait été signé, entre autres, par Mikis Theodorakis, grande figure (désormais égarée dans un chauvinisme idiot, notamment sur la question macédonienne) de la gauche antifasciste grecque.

Par ailleurs, si les commentateurs médiatiques avaient proclamé, en même temps qu’ils encensaient « Koulis » Mitsotakis comme supposé « Macron grec, jeune et moderne », qu’Aube dorée ayant disparu de son parlement, la Grèce retrouvait une vie politique apaisée, c’est évidemment une analyse d’une imbécillité crasse.

Sous l’effet du procès, de son recul électoral, et de rivalités internes, Aube dorée a commencé à éclater il y a déjà quelques mois et deux partis ont depuis été formés par d’anciens cadres. Les « Grecs pour la Patrie » entendent suivre le modèle (jusque dans le logotype) de la Ligue du Nord italienne, en coupant avec le fascisme revendiqué, pour adopter une ligne national-populiste plus « ouverte », et certains sondages optimistes les placent déjà en situation d’espérer entrer au parlement aux prochaines élections, puisqu’ils pourraient frôler le seuil de 3% requis. Quant à la « Conscience nationale populaire », alliée à l’Union patriotique populaire grecque (dont l’acronyme grec « ΛΕΠΕΝ » est un hommage à Jean-Marie Le Pen), elle semble vouloir maintenir un militantisme certes plus prudent face à la justice mais toujours aussi radical.

En juillet 2019, dans un article paru sur Slate.fr, le journaliste Alexandros Kottis expliquait que « l’extrême droite grecque ne disparaît pas, elle se recompose », citant les liens historiques entre la droite et l’extrême-droite dans le pays, sur fond d’anticommunisme, ainsi que l’absence d’épuration politique de l’appareil d’état après la dictature. Il est de notoriété publique que l’armée est un repère de nazis, dans ce pays, et on se souviendra que Tsipras s’était allié à un parti d’extrême-droite pour gouverner, en faisant des clins d’œil appuyés à l’armée. Le grand parti de la droite grecque, la Nouvelle démocratie, comporte en son sein des gens issus ou liés à l’extrême-droite. De plus, alors que la « grande trahison » de son père avait permis la dictature en 1967, l’actuel premier ministre Kyriakos Mitsotakis n’a pas hésité à nommer dans son gouvernement deux anciens membres de l’extrême-droite : Spyrídon-Ádonis Georgiádis, issu du parti nationaliste Alerte populaire orthodoxe (LAOS), aujourd’hui ministre de la croissance et des investissements, et Makis Voridis, ministre de l’agriculture, également issu du LAOS, mais aussi de l’extrême-droite issue de la dictature, connu pour ses saluts nazis et son négationnisme.

Élu, entre autres, grâce aux voix d’anciens électeurs d’Aube dorée, le gouvernement actuel inquiète par sa politique agressivement réactionnaire, fortement anticommuniste (et anti-Gauche en général), au service des grands capitalistes du pays, profondément nationaliste, militariste et sécuritaire. De surcroît, un nouveau parti d’extrême-droite est entré au parlement en 2019 : la Solution grecque, qui a également récupéré une partie de l’électorat d’Aube dorée.

Aujourd’hui, alors que les provocations la Turquie attisent de nouveau un climat guerrier entre les deux pays, et que le gouvernement grec choisit ouvertement d’aller à la confrontation militaire, la menace fasciste est d’autant plus grande dans le pays, d’autant que les conséquences de la crise sur une population toujours plus pressurisée sont évidemment encore là. Plus que jamais, il faut défendre la Gauche qui était aujourd’hui dans la rue et l’aider à se reconstruire. Loin du populisme antisémite des amis de Mélenchon, et de la gestion du capitalisme portée par les dirigeants de Syriza et des restes du Pasok, il faut une Gauche ouvrière, internationaliste, pacifiste, capable de mener un Front populaire pour faire reculer le fascisme dans ce pays.

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La Gauche marseillaise se renie en cédant au populisme anti-parisien

À Marseille, il est d’usage de critiquer « Paris » sur un mode populiste régionaliste et le professeur Raoult est une figure typique de cette démarche, en plus d’être une figure de la Droite. Au lieu de conspuer cela, la gauche marseillaise s’y précipite, peut être pour masquer une absence de contenu social-populaire authentique ainsi qu’une réelle dynamique de masse.

Lundi 5 octobre 2020 avait lieu la 4e séance du nouveau conseil municipal de Marseille, censé être un marqueur avec enfin les « nouvelles impulsions » de la majorité de gauche. En fin de compte, il ne s’est pas produit grand-chose de remarquable à part le train-train gestionnaire municipal. Ce qui a fait l’actualité par contre, c’est la proposition de Samia Ghali de former un conseil scientifique départemental pour «  ne plus être dépendants des chiffres de scientifiques parisiens ».

Samia Ghali est une habituée des coups de com’ de la sorte. On est là dans un populisme outrancier, furieux, qui ne fait que refléter le point de vue des petits commerçants marseillais terrifiés par la crise et les mesures sanitaires exigées par le gouvernement, à savoir la fermeture des bars et restaurants locaux.

Par peur de perdre leur petite position chèrement acquise dans la concurrence capitaliste, ces gens sombrent dans l’irrationnel. Alors ils nient les faits. Ils nient la réalité de l’épidémie particulièrement développée à Marseille, ils nient le bien fondée de toute mesure sanitaire collective allant à leur encontre et prétendent que tout cela ne serait que « parisien », abstrait, en dehors de leur réalité, contre eux même, car « marseillais ».

Un tel point de vue est franchement réactionnaire, car antidémocratique dans sa nature ; c’est l’idée, d’ailleurs classique à l’extrême-droite française, qu’il faudrait décomposer le pays en autant de petites unités qu’il y a d’intérêts, locaux, corporatistes, etc. C’est l’inverse de la conception démocratique voulant que la société forme un corps, sur tout le territoire national (comme partie de l’humanité mondiale), et que ses dirigeants en soient la représentation.

Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas de politique, qu’il n’y a jamais de bataille à mener contre tel ou tel gouvernement, tel ou tel groupe de personnes, telle ou telle mesure. Au contraire, mais justement cela doit se faire au nom de la société elle-même, pour toute la société. En s’imaginant faire un conseil scientifique à part, Samia Ghali propose par contre aux Marseillais de se couper de la société française, en affirmant leur propre « réalité », leur propre « science ».

Soit le conseil scientifique a raison pour tous les Français, soit il a tort pour tous les Français. Mais il n’a pas raison à Paris et tort pour Marseille. Cela n’a pas de sens formulé ainsi, à moins justement de ne pas chercher le sens des choses, mais de chercher simplement l’agitation populiste régionaliste.

Rejeter un tel populisme est normalement un réflexe à Gauche, de par son caractère profondément démocratique et populaire. En participant à ce populisme anti-« Paris », la gauche marseillaise commet donc une très lourde erreur et on imagine mal comment elle pourra s’en sortir.

Plutôt que de critiquer la proposition délirante de Samia Ghali, le premier adjoint à la mairie Benoît Payan s’y est en effet complètement rallié, expliquant pendant le conseil municipal que la maire Michel Rubirola (absente pour raison médicale) est « particulièrement sensible » à cela.

D’ailleurs, Michel Rubirola avait elle-même eu une attitude bien étrange à la fin du mois d’août, en participant à une très médiatisée conférence de presse avec le professeur Raoult et la présidente de la Métropole… c’est-à-dire deux figures de la droite locale !

La nouvelle maire de Marseille avait complètement été dans le sens du populisme régionaliste de Samia Ghali et de la Droite Marseillaise, affirmant que :

« Le gouvernement a décidé depuis Paris de ce qui serait bon pour notre ville, sans engager le dialogue nécessaire avec les élus, et surtout sans nous donner les moyens de faire respecter les décisions qui sont les siennes ».

Elle est même allée très loin dans la formulation de ce populisme et d’une prétendue stigmatisation de Marseille (dont on cherche encore la raison), en « expliquant » que le reconfinement a été évoqué, mais pas pour Paris, seulement pour Marseille, et que c’était donc inenvisageable pour cette raison, avant d’ajouter que :

« C’est du deux poids deux mesures, je l’ai dit à Castex au téléphone, et je suis prête à le redire »

Tout cela est franchement ridicule, et terriblement loin des préoccupations populaires et de l’effort collectif indispensable face à la crise sanitaire. Si l’élection marseillaise a pu susciter quelques espoirs pour un élan unitaire à gauche, on voit ici que tout cela est finalement très faible, et pas vraiment en mesure de participer à un réel élan démocratique et populaire en France.

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L’encyclique Fratelli tutti du pape

La nouvelle encyclique du pape a une forte résonance sociale, sans réelle originalité et montre surtout l’incapacité à aborder les vraies questions de fond.

Le pape François s’est rendu samedi 3 octobre sur la tombe de « saint » François d’assise, afin de signer une nouvelle encyclique, intitulé Fratelli tutti (Tous frères), un long texte programmatique en 287 paragraphes dont le sous-titre est « Sur la fraternité et l’amitié sociale ».

Il est très important, car il expose la stratégie catholique romaine, qu’il s’agit de combattre et ce n’est pas évident, car l’ennemi est intelligent et tenace. Déjà, il sait faire front, le pape exprimant un esprit d’alliance religieuse :

« Si pour la rédaction de [la précédente encyclique] Laudato si´  j’ai trouvé une source d’inspiration chez mon frère Bartholomée, Patriarche orthodoxe qui a promu avec beaucoup de vigueur la sauvegarde de la création, dans ce cas-ci, je me suis particulièrement senti encouragé par le Grand Iman Ahmad Al-Tayyeb [cité par ailleurs plusieurs fois dans l’encyclique] que j’ai rencontré à Abou Dhabi pour rappeler que Dieu « a créé tous les êtres humains égaux en droits, en devoirs et en dignité, et les a appelés à coexister comme des frères entre eux ». Ce n’était pas un simple acte diplomatique, mais une réflexion faite dans le dialogue et fondée sur un engagement commun. »

Toute la fin de l’encyclique consiste d’ailleurs en une sorte de présentation du rôle des « religions au service de la fraternité dans le monde »

Cela n’a cependant rien de nouveau et les Français connaissent ce front, dont s’est par ailleurs toujours moqué Charlie Hebdo. Non, ce qui est bien plus pernicieux, c’est la démagogie anti-capitaliste du catholicisme romain, sa dénonciation des grandes entreprises capitalistes et de l’idéologie postmoderne qui va avec.

Le pape François paraphrase le discours de la Gauche historique, pour évidemment tout ramener à une question « spirituelle », la religion étant présentée comme le seul vrai refuge d’un monde anonyme, individualiste et cynique.

« ‘‘S’ouvrir au monde’’ est une expression qui, de nos jours, est adoptée par l’économie et les finances. Elle se rapporte exclusivement à l’ouverture aux intérêts étrangers ou à la liberté des pouvoirs économiques d’investir sans entraves ni complications dans tous les pays.

Les conflits locaux et le désintérêt pour le bien commun sont instrumentalisés par l’économie mondiale pour imposer un modèle culturel unique. Cette culture fédère le monde mais divise les personnes et les nations, car « la société toujours plus mondialisée nous rapproche, mais elle ne nous rend pas frères ».

Plus que jamais nous nous trouvons seuls dans ce monde de masse qui fait prévaloir les intérêts individuels et affaiblit la dimension communautaire de l’existence. Il y a plutôt des marchés où les personnes jouent des rôles de consommateurs ou de spectateurs.

L’avancée de cette tendance de globalisation favorise en principe l’identité des plus forts qui se protègent, mais tend à dissoudre les identités des régions plus fragiles et plus pauvres, en les rendant plus vulnérables et dépendantes. La politique est ainsi davantage fragilisée vis-à-vis des puissances économiques transnationales qui appliquent le ‘‘diviser pour régner’’.

C’est précisément pourquoi s’accentue aussi une perte du sens de l’histoire qui se désagrège davantage. On observe la pénétration culturelle d’une sorte de ‘‘déconstructionnisme’’, où la liberté humaine prétend tout construire à partir de zéro.

Elle ne laisse subsister que la nécessité de consommer sans limites et l’exacerbation de nombreuses formes d’individualisme dénuées de contenu. »

Il faut cependant bien que l’Église catholique romaine trouve des ressorts : il ne suffit pas de paraphraser, il faut des vecteurs. Ici, il y a des choses nouvelles et des choses traditionnelles. Pour ces dernières, on retrouve le combo classique désespoir/espérance : les migrants vont être de plus en plus nombreux et sont une heureuse allégorie de l’humanité en quête d’Espoir, il faut donc suivre l’appel à l’amour du nouveau testament, etc.

C’est le style « minimaliste », frugal, anticapitaliste romantique traditionnel, dont voici une illustration :

« Lorsque nous parlons de protection de la maison commune qu’est la planète, nous nous référons à ce minimum de conscience universelle et de sens de sollicitude mutuelle qui peuvent encore subsister chez les personnes.

En effet, si quelqu’un a de l’eau en quantité surabondante et malgré cela la préserve en pensant à l’humanité, c’est qu’il a atteint un haut niveau moral qui lui permet de se transcender lui-même ainsi que son groupe d’appartenance.

Cela est merveilleusement humain ! Cette même attitude est nécessaire pour reconnaître les droits de tout être humain, même né ailleurs. »

À lire l’encyclique on voit d’ailleurs très bien comment une large partie de la gauche et de l’ultra-gauche consiste en fait en des cathos de gauche, tellement le thème des migrants y est omniprésent (dans une tradition catholique de plus d’un siècle d’ailleurs concernant ce thème bien précis).

Parmi les thèmes nouveaux, en tout cas remarquables pour une encyclique, on a : une forte insistance sur la dénonciation des mafias, la critique appuyée des réseaux sociaux sur internet, une série de considérations approfondies sur le localisme et ses avantages, la réalisation d’une civilisation de l’amour par l’amour social et politique et la discussion publique, l’appel à mettre la personnalité individuelle au-dessus de tout.

Le pape reprend en fait toute la rhétorique du « personnalisme » du philosophe catholique français Emmanuel Mounier (1905-1950), pour qui la transcendance religieuse est ce qui préserve le noyau dur de la personnalité contre le totalitarisme du collectivisme.

Le pape François cite d’ailleurs à ce sujet le pape Jean-Paul II du même esprit et visant très clairement la lutte des classes, le Socialisme.

« Dans ce sens, je voudrais rappeler un texte mémorable : « S’il n’existe pas de vérité transcendante, par l’obéissance à laquelle l’homme acquiert sa pleine identité, dans ces conditions, il n’existe aucun principe sûr pour garantir des rapports justes entre les hommes. Leurs intérêts de classe, de groupe ou de nation les opposent inévitablement les uns aux autres.

Si la vérité transcendante n’est pas reconnue, la force du pouvoir triomphe, et chacun tend à utiliser jusqu’au bout les moyens dont il dispose pour faire prévaloir ses intérêts ou ses opinions, sans considération pour les droits des autres. […]

Il faut donc situer la racine du totalitarisme moderne dans la négation de la dignité transcendante de la personne humaine, image visible du Dieu invisible et, précisément pour cela, de par sa nature même, sujet de droits que personne ne peut violer, ni l’individu, ni le groupe, ni la classe, ni la nation, ni l’État.

La majorité d’un corps social ne peut pas non plus le faire, en se dressant contre la minorité » [St. Jean-Paul II, Lettre enc. Centesimus annus (1er mai 1991)]. »

Ce qui est frappant c’est que n’importe qui de la « gauche » postmoderne sera ici tout à fait d’accord avec les papes François et Jean-Paul II dans cette défense de « l’individu » unique en son genre contre l’horrible totalitarisme universaliste.

Cela en dit long également sur comment le pape François est un produit marketing jésuite, qui fait passer la même camelote religieuse mais en présentant de manière « inclusive ». Les deux derniers paragraphes de l’encyclique valent ici le détour.

Le pape François fait l’éloge de Martin Luther King, Desmond Tutu, Mahatma Mohandas Gandhi pour appuyer son long propos sur… Charles de Foucauld (1858-1916), un Français ancien militaire à l’esprit colonial basculant dans le fanatisme catholique et allant jouer les ermites au Sahara !

« Dans ce cadre de réflexion sur la fraternité universelle, je me suis particulièrement senti stimulé par saint François d’Assise, et également par d’autres frères qui ne sont pas catholiques : Martin Luther King, Desmond Tutu, Mahatma Mohandas Gandhi et beaucoup d’autres encore.

Mais je voudrais terminer en rappelant une autre personne à la foi profonde qui, grâce à son expérience intense de Dieu, a fait un cheminement de transformation jusqu’à se sentir le frère de tous les hommes et femmes. Il s’agit du bienheureux Charles de Foucauld.

Il a orienté le désir du don total de sa personne à Dieu vers l’identification avec les derniers, les abandonnés, au fond du désert africain. Il exprimait dans ce contexte son aspiration de sentir tout être humain comme un frère ou une sœur, et il demandait à un ami : « Priez Dieu pour que je sois vraiment le frère de toutes les âmes […] ».

Il voulait en définitive être « le frère universel ». Mais c’est seulement en s’identifiant avec les derniers qu’il est parvenu à devenir le frère de tous. Que Dieu inspire ce rêve à chacun d’entre nous. Amen ! »

On remarquera pour conclure que l’encyclique n’aborde la pandémie simplement qu’en passant et qu’elle n’est jamais abordée telle quelle comme une actualité. C’est intellectuellement paradoxal car l’encyclique précédente traitait d’écologie… Mais en même temps le pape ne peut pas assumer le réalisme et constater que la crise sanitaire vient d’un rapport désaxé à la nature : son but est d’amener à la spiritualité.

C’est là d’ailleurs un très bon argument. La crise sanitaire pose la question du rapport à la nature, notamment aux animaux, et le pape parle d’amour social et des migrants. C’est totalement déconnecté de ce que l’époque nous impose comme réflexion.

 

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Une de Valeurs Actuelles sur la chasse: les Donald Trump à la française

La chasse est de plus en plus remise en cause et le magazine Valeurs Actuelles tente de mobiliser en sa faveur sur un mode populiste, afin de galvaniser la Droite.

Valeurs Actuelles, c’est la Droite qui se prétend relever d’un héritage, d’une tradition française, alors qu’en fait ce sont surtout des beaufs aisés, dont le credo est « ne m’emmerdez pas ». Ce sont nos Donald Trump à nous et ils se lâchent de plus en plus ; le polémiste Éric Zemmour relève de cette sphère à la fois inculte, provocatrice et arrogante. D’ailleurs il est cité par « VA » à propos de la chasse dans ce numéro.

Tous ces gens se donnent une image de traditionaliste, mais ils relèvent en fait du beauf dans son SUV qui fonce à toute allure sur les routes et vient se coller à une voiture qui a le malheur de doubler, en pestant et exigeant que celle-ci se rabatte immédiatement pour le laisser passer !

Il n’y a qu’à lire régulièrement Valeurs Actuelles pour s’en rendre compte : c’est très bien fait, très lisse, très propre, mais ce n’est même plus conservateur, tout est tellement pourri par le libéralisme que ce n’est même plus possible. C’est la bourgeoisie décrite par Balzac en encore plus décadente, relativiste, opportuniste… beauf. D’ailleurs, le niveau de Valeurs Actuelles, intellectuellement, culturellement, est terriblement faible. Il n’y a rien du raffinement à la Française, de la littérature française, de la gastronomie française, de la mode française, etc.

Tout n’est que caricature, paraître, et grossièreté… et surtout propriété. Or, il faut savoir mobiliser le peuple pour défendre la propriété et cela ne peut être fait que sur une base beauf. Aussi, pour son numéro du 1er au 7 octobre 2020, le magazine titre « arrêtez d’emmerder les chasseurs » et propose un dossier à ce sujet.

Le titre est bien trouvé, car naturellement « chasseurs » pourrait être remplacé par fumeurs, automobilistes, pollueurs, machos, etc. Dans le prolongement de cette approche, la Jeanne d’Arc en couverture est une égérie Instagram utilisée massivement par les chasseurs ces derniers temps. C’est un excellent exemple de populisme à la Trump et cela en dit long que des « traditionalistes » utilisent ce genre de personnage vide et totalement surfait, typique de la « modernité » capitaliste.

Aussi ne faut-il pas s’étonner que le dossier en question soit vide, sans aucune analyse de fond, avec seulement des diatribes et la tentative de parvenir à vendre du rêve au « petit homme » à qui on donne l’espoir d’un jour, lui aussi, faire comme les beaufs riches. Willy Schraen, président de la Fédération des chasseurs, résume cela ainsi :

« Pour beaucoup de gens, rouges dedans et verts dehors, la chasse à courre, c’est la chasse des rois. Sauf que, depuis le 4 août 1789, le Français lambda a le droit de la pratiquer. »

Plus fort que le rêve américain, le rêve français : toi aussi tu peux devenir riche et pratiquer la chasse à courre à cheval ! Voilà le sens de la République bourgeoise ! Cette rhétorique « 1789 » traverse l’esprit du dossier : avec la Révolution française, la chasse se serait démocratisée, elle ne serait plus l’apanage des aristocrates, désormais tout est possible, pour tout le monde ! Liberté, propriété, chasse en gilet !

C’est une manière de gommer, en ce qui concerne la chasse à courre, qu’elle est en fait très prisée au XIXe siècle par toute une frange de la bourgeoisie française s’imaginant une filiation aristocratique. En 1854, dans le Sport à Paris, une sorte d’annuaire mondain qui a préfiguré l’arrivée du sport moderne en France, on peut par exemple lire toute un éloge de la chasse à courre, très prisée alors des bourgeois parisiens les plus modernes.

Et c’est une manière de faire un contre-feu au désintérêt croissant pour la chasse, voire un mépris. Car les choses apparaissent clairement : la chasse ne relevait pas de la démocratie, du peuple dans ce qu’il est civilisé, mais de mœurs arriérées d’une société arriérée. Or, nous sommes désormais au 21e siècle. La société évolue, le raffinement prend toujours plus de place, l’exigence culturelle populaire se fait chaque jour plus grande et comme le peuple aime les animaux, alors ceux-ci sont forcément intégrés à l’évolution de la société toute entière.

Valeurs Actuelles se place à rebours de cette direction et en ce sens elle tente de renforcer la Droite… À nous de renforcer la Gauche, en assumant de se tourner comme il faut vers les animaux.

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Tribune de policiers «issus de la diversité» réfutant le prétendu racisme de la police

C’est une tribune qui met les point sur les i. Des policiers, eux-mêmes issus de « la diversité », prennent le contre-pied des accusations délirantes sur le prétendu racisme systémique de la police. On pourra regretter que cela arrive bien tard, en attendant, il est important qu’un tel point de vue démocratique s’exprime, de la part de policiers ayant une démarche démocratique, ou en tous cas la volonté d’une démarche démocratique. Il est important que soient apportés des arguments contres les prétentions délirantes de la fausse gauche et des petit-bourgeois de centre-ville clamant haut et fort que la police française est raciste, comme si la France de 2020 était celle de l’apartheid en Afrique du Sud ou de la ségrégation aux États-Unis.

La tribune a été initialement publié par Marianne.net :

« Nous, policiers français issus de la diversité, prenons l’initiative de sortir du silence. Les polémistes qui jettent sur nous des a priori refusant de nous donner la parole.

Puisque ces mêmes idéologues séparatistes qui prétendent lutter contre le racisme obligent à considérer l’ethnie plutôt que les valeurs humaines, nous l’affirmons : nous, policiers français issus de la diversité, revendiquons notre adhésion sans nuance aux valeurs républicaines universalistes de notre métier. Nous sommes présents dans tous les services de la Police nationale, des commissariats à la police judiciaire, des états-majors aux services de protection des personnalités, des renseignements aux CRS. Et nous espérons que cette pluralité imprégnera un jour jusqu’aux plus hautes sphères de notre ministère.

Nous sommes des femmes et des hommes, noirs, arabes, métis, asiatiques, originaires des DROM-COM, des anciennes colonies, chrétiens, musulmans, juifs, hindous, athées, hétérosexuels, homosexuels, de toute opinions philosophiques ou politiques… Nous sommes la diversité de la France qu’elle porte dans nos récits familiaux. Nous réaffirmons notre fierté d’appartenir à la nation française, engagés pour secourir et protéger dans ce pays où nous sommes nés, dont nous avons acquis la citoyenneté. Nous condamnons les injures dégradantes sur nos complexions selon lesquelles nous serions des « vendus », des « nègres de maison », des « arabes de service ».

Des mots trop souvent entendus dans la bouche de ceux qui emploient également l’affreuse insulte « sale blanc ». Notre institution ne s’encombre pas de connaître nos provenances et attend uniquement de tous ses agents qu’ils protègent les libertés et l’égalité, et qu’ils placent la fraternité au-dessus de tout. Nous ne cachons pas nos origines dans nos services, en revanche nous sommes forcés d’apprendre à nos enfants à cacher la profession de leurs parents…

Nous ne dénions pas qu’il y ait des racistes dans la police. Nous savons qu’il en existe, qu’ils nuisent à l’Etat démocratique, et nous nous en désavouons. Mais la police est à l’image de toutes les couches de la société qu’elle sert. En revanche, nous refusons l’affirmation que « la police est raciste ». Une marginalité ne représente pas l’ensemble. Si le progressisme lutte contre les amalgames, c’est sans distinction entre les groupes qui en sont victimes qu’il doit le faire, dont la Police nationale. Le racisme est un délit, et endosser l’uniforme exige l’exemplarité. Il n’y a donc pas débat sur les suites à réserver pour ceux qui se rendraient coupable du rejet de l’autre, qui serait « différent ». Et une prise en compte sérieuse par nos autorités administratives des déviances d’une poignée de brebis galeuses permettra enfin d’éviter aux policiers de souffrir des caricatures généralisantes.

Notre Police nationale est à mille lieues de la description qui en est faite par ceux qui ne la connaissent pas mais portent sur elle leurs préjugés. Notre Police nationale, ce sont des agents qui repoussent l’heure du dîner au crépuscule pour accompagner l’un des leurs à la rupture du jeûne du Ramadan. Notre Police nationale, c’est celle qui s’organise pour permettre à un autre de respecter Shabat. Notre Police nationale, c’est aussi travailler le jour de Noël pour que ceux qui le célèbrent prennent congé. Notre Police nationale, c’est celle dans laquelle deux policiers victimes du terrorisme le même jour ont été salués une dernière fois par leurs collègues dans une église et dans un carré musulman. Notre Police nationale, c’est celle qui, suivant la loi, lutte contre les racismes et l’homophobie. Notre Police nationale, c’est l’intimité de nos unités et brigades où se nouent des amitiés multicolores sur nos peaux, mais d’une seule teinte sur le terrain. Celle de notre uniforme : bleu.

La Police nationale n’est pas parfaite, et les bonnes âmes sont bienvenues pour l’améliorer. Mais nous ne laisserons pas nos frères d’armes être traités de racistes, et nous de victimes consentantes. Nous sommes fiers de protéger la population dont nous sommes tous issus. Faut-il rappeler que notre noble mission est de soustraire la délinquance des rues pour les rendre plus sûres ? Et ne doutons pas que jusque dans les quartiers populaires, nombreux sont ceux qui veulent rejoindre nos rangs. En dépit des discours qui nous divisent, nous appelons ceux qui se reconnaissent dans le respect des lois et des valeurs humanistes à embrasser le beau métier de policier. Sans jamais se renier car ce sont justement nos richesses respectives qui font de la Police nationale, au service de tous, le plus sensé et le plus bel engagement qui soit…

Signataires :

Linda Kebbab, Abdel Nahass, Abdelatif Dris, Abdelaziz M, Abdelilah B, Abdoulaye Kanté, Adel B, Ali Hennous, Amphone L, Azdine L, Bibia Dergham, Dalila Benamara, Daniel Bonsu, Denis Jae Hong V, Erol A, Faredje Mouaci, Frédérique R, Fredy Lefi, Ghazala Z, Hannane Driouch, Huseyin A, Ingrid T, Jean-Yann William, Jérôme B, Johan O, Josias Claude, Kader Mokadem, Keny T, Kevin B, Kevin G, Loic Trotin, Louisa B, Malek Djerroud, Manuel B, Marie-Do Marfaing, Mel K, Messaoudi Raissi, Mila Napal, Mohamed G, Monir Lagrini, Mylène S, Nabille M, Nassira R, Nawel Lettat, Philippe P., Rachid B, Razel Zaidat, Reda Belhadj, Riadh Mimouni, Ronald S, S.A. (RAID), S.B. (DCPJ), Saïd Ben Mohamed, Saïd H, Samira L, Slim Bouraoui, Sonia Hmimou, Stéphane S, Tarek El Boudali, Tayeb C, Tyssem Bahaj, Wissem Guesmi, Yssoufa M »

 

 

 

 

 

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Jean-Luc Mélenchon, la créolisation et l’archipélisation

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Prolongement des suppressions d’emploi, prémisse d’une crise économique de grande ampleur

L’économie française n’a pas encore sombré, mais la pression de la crise continue de se faire sentir.

Le nombre de plans de sauvegarde pour l’emploi (PSE, obligatoire lors d’un licenciement de 10 personnes ou plus dans des entreprises de 50 personnes ou plus) entre le premier mars et le 13 septembre est de 394, contre 249 l’an passé sur la même période. C’est une augmentation de 58% et cela donne concrètement 57 000 destructions d’emploi qui sont envisagés, alors qu’ils n’ont été que 18 000 sur la même période l’an passé.

C’est énorme, mais ce n’est qu’un premier aperçu de la crise qui s’annonce. En effet, des pans entiers du capitalisme sont encore sous perfusion, avec de l’argent public qui masque pour encore quelques mois, ou quelques semaines, des difficultés économiques bien réelles. Par exemple, il y a encore (au 23 septembre) 1,3 millions de salariés dont le salaire est en partie pris en charge par l’État dans le cadre du chômage partiel, contre 9 millions au plus fort de la crise.

Il faut ajouter à cela les prêts garantis souscrit par des milliers d’entreprises, dont une grande part d’entre elles ne pourra le rembourser et sombrera, ainsi que les mesures de suspensions de charge ou d’aides diverses, qui vont précipiter énormément d’entreprises quand elles seront levées, probablement cet hiver.

Tout ce qui se passe actuellement n’est donc que les prémices de ce qui vient, alors que les suppressions de postes à la chaîne engendreront à leur tour des baisses d’activités dans d’autres secteurs, puis de nouvelles suppressions de poste, etc.

Si l’on regarde par secteur, on a notamment l’aéronautique où ce sont pas moins de 25 000 postes qui sont déjà menacés sur les 300 000 emplois (directs) de la filière en France. Rien que dans le département de la Haute-Garonne, où Airbus est principalement implanté, cela donne 20 PSE en cours. Avec 3600 suppressions d’emplois chez Airbus, 1300 chez Daher, 350 chez Figeac Aero, 700 chez Derichbourg, on comprend tout de suite que la situation va être très compliquée dans le département, ce qui aura forcément un impact énorme sur toute l’économie locale.

Dans le commerce, la suspension de l’activité économique a été fatale pour de nombreuses enseignes alors que d’autres en profitent pour restructurer, avec déjà plusieurs milliers d’emplois supprimés ou en suppression (Camaïeu, André, La Halle, Alinéa, PicWicToys, Auchan, etc.)

D’autres grandes enseignes dans différents secteurs ont d’ors et déjà annoncé des suppressions de poste en France, comme General Electric, Boiron, Nokia, Renault, Smart, Bridgeston… ce à quoi il faut ajouter les difficultés, beaucoup moins visibles, de tout un tas de PME et d’entreprises individuelles. Chaque semaine depuis cet été, ce sont entre 100 et 200 licenciements collectifs (de moins de 10 personnes) qui ont lieu.

Il y a également, ne l’oublions pas, toute l’économie de la culture et du spectacle, qui est au point mort ou quasiment au point mort depuis le mois de mars, que l’État maintient sous respiration artificielle et dont on sait déjà qu’une grande partie ne pourra jamais redémarrer.

En plus de ces suppressions d’emplois, de nombreuses entreprises ne recrutent pas, ou très peu. Rien que pour l’intérim, la situation est très délicate avec une somme totale des missions inférieure de 20 % par rapport à l’an passé pour la rentrée de septembre. Selon l’OCDE, en ce qui concerne la France, cela représente pour le secteur de l’intérim, un déficit de pas moins de 150 000 emplois sur l’année, ce qui est gigantesque.

En attendant, les regards sont rivés sur la date du 7 octobre dans les tribunaux de commerce. Ce sera en effet 45 jours après la fin de la période d’urgence sanitaire, soit le délai maximum avant de demander un redressement judiciaire ou une liquidation judiciaire pour les entreprises en difficulté. Là encore, une grande vague est attendue.

La crise économique ne fait donc que commencer, et elle est déjà bien présente en ce qui concerne l’emploi. La bourgeoisie ne s’imagine certainement pas payer la crise et les suppressions d’emplois sont pour elle une première façon de faire payer la crise aux travailleurs, en en mettant sur le carreau une partie pour espérer se relancer sur le dos de ceux restants… ceux-là devant subir une pression accentuée comme jamais.

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« Et ça pourrait dire reconfinement »

En parlant « reconfinement », le premier ministre a fait passer un message indirect qui révèle le fond de la situation sanitaire.

Si la situation n’était dramatique, on rirait encore des propos farfelus des institutions. « Aucun cluster n’a été découvert dans les transports en commun » apprend-on du côté de la SNCF et de la RATP. Comme s’ils en savaient quelque chose, comme s’ils avaient les moyens d’en savoir quelque chose. Alors, que, de toutes façons, c’est une évidence en région parisienne où les gens sont les uns sur les autres. On peut ajouter à ce panorama francilien les vendeurs à la sauvette de cigarettes, sans masque, aux sorties de certaines stations, ou bien ces gens venant laver les barres où s’agripper, en passant simplement partout le chiffon, sans jamais utiliser le spray de liquide désinfectant.

La RATP a également comme argument que à quatre par mètre carré, ce n’est pas grave, car le métro n’a pas retrouvé sa fréquentation normale. Surréaliste. Comme en général il y a moins de fréquentation, ce n’est pas grave qu’on soit à quatre par mètre carré aux heures de pointe ou dans les lignes traditionnellement bondées quoi qu’il arrive. C’est en fait sans doute par miracle ou magie qu’on est passé à plus de 16 000 cas de personnes contaminées par jour en France, car ce qui est vrai à Paris l’est aussi dans de nombreux endroits, les Français étant des Français.

Et dans le monde, on est à pratiquement un million de morts déjà, car les humains sont des humains : ils vivent dans l’anarchie capitaliste, des zones urbaines inhumaines, avec au choix pas de moyens ou bien pas de volonté. Quand on dit pratiquement un million de morts, notons qu’on doit être bien au-dessus, car initialement beaucoup de morts n’ont pas été compté, les institutions préférant faire tomber le nombre en associant les décès à d’autres maladies également présentes. Un jour, on aura les statistiques à l’échelle nationale et on pourra comparer la mortalité habituelle à celle de la période du covid. Un jour.

En attendant, sur France 2 le 24 septembre, le premier ministre Jean Castex a prévenu :

« Il faut que l’opinion soit très attentive, très prudente. Si nous n’agissons pas on pourrait se retrouver dans un situation proche que celle connue au printemps et ça pourrait dire reconfinement ».

C’est là un profond signe de faiblesse. L’État montre, tout simplement, qu’il n’est pas au point. Il est dépassé par les événements et ce pour une raison très simple. Un État authentique s’appuie sur une profonde dynamique au sein de la société. C’est cela qui fait que lors de la Révolution française, il y a eu la bataille de Valmy, où les Français mobilisés sur le tas ont battu les Prussiens. Un État authentique a une légitimité dans la population, des ramifications, il trouve des soutiens qui se produisent de manière autonome.

Cet enracinement de l’État peut avoir une substance très différente. Ainsi, en France, on n’a jamais compris que l’Allemagne nazie n’a jamais été un « totalitarisme », mais que les gens eux-mêmes, à la base, ont soutenu le régime, d’eux-mêmes. Mai 1945, pour les Allemands, c’est une défaite. Les Allemands voulaient le nazisme.

Bien entendu, une fausse légitimité ne tient pas ; une dictature anti-populaire ne dure qu’un temps, les gens s’apercevant du caractère démagogique du régime. Mais ce temps peut être relativement long : l’Italie fasciste a une base populaire immense avant le grand retournement de situation en 1943.

De la même manière, la France a mobilisé de manière générale en 1914 sans aucun problème, n’ayant aucun opposant en face. Ce n’est qu’à partir de 1917, sous l’effet de la révolution russe (de février) que les oppositions se forment réellement et que les poilus, surtout des paysans, commencent à prendre conscience de la situation.

Aujourd’hui, par contre, l’État est totalement déconnecté de la société. Il l’est au sens strict depuis la seconde partie du 19e siècle, depuis que la bourgeoisie est installée dans tous les rouages institutionnels. Mais là, l’État est même étranger à lui-même ! Même ses propres structures lui sont étrangères ! De plus en plus, les policiers sont par exemple eux-même de la chair à canon social, se prolétarisant et perdant leur nature traditionnelle première de mercenaires bornés cherchant à casser pour casser afin de maintenir l’ordre établi.

Un tel État ne peut pas gérer une situation sanitaire de crise. Il n’a ni relais, ni soutien ; il n’a pas de capacité d’intervention sociale, car partout il se fait remettre en cause. Cela ne veut nullement dire, comme le pense l’ultra-gauche, qu’on est dans une situation quasi révolutionnaire ; on va bien plutôt vers un régime ultra-autoritaire autour d’un général venant « remettre de l’ordre ». Cela veut dire, en fait, que la crise est partout, que plus rien ne tient, ni l’écologie planétaire, ni la situation sanitaire, ni les société et pas même leurs États.

C’est un défi immense et pour l’instant les gens sont à des années-lumière de saisir ces enjeux.

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Manifestations du 17 septembre: le folklore syndicaliste est un échec et surtout une erreur

La crise économique attendue pour cette rentrée se fait déjà ressentir, avec notamment déjà des grands plans sociaux annoncés. Les syndicats pourraient être très utiles dans cette période, dans la mesure où ils devraient être des lieux d’expression de la conscience populaire face aux restructurations, à la pseudo-rationalisation de la production. Mais ce n’est pas avec le folklore syndicaliste qu’on attire les gens et à ce titre, les très faibles manifestations de la « journée d’action » du 17 septembre sont plus qu’un échec, elles sont carrément une erreur ou même une faute.

Ce qu’il y a de pire pour le syndicalisme, c’est de ne pas exister. C’est exactement ce qui se passe actuellement et cela n’a rien de nouveau : pendant des années et des années, la bourgeoisie a graissé la patte aux dirigeants syndicaux, de la CGT à FO en passant par la CFDT, afin qu’ils se maintiennent comme une petite caste, sans aucune base, sans réel ancrage de masse. C’était il est vrai déjà dans la matrice d’un syndicalisme français, volontiers syndicaliste révolutionnaire, tenant du coup de force substitutiste. Le syndicalisme de masse n’existe pas historiquement en France, à part en 1936 ou dans l’immédiat après-guerre.

En temps de crise comme c’est le cas désormais, une telle situation est très utile pour la bourgeoisie : il n’y a plus qu’à ignorer les syndicalistes si on en a pas besoin. C’est exactement ce qui s’est passé : les médias au sens large ont systématiquement ignoré la mobilisation du 17 septembre dans les jours précédents et le jour même, les manifestations n’ont été abordées qu’au passage, de manière anecdotique, pour disparaître dans la soirée.

Sur le site du Figaro, le premier journal en ligne en France, dans la soirée, on ne trouvait même rien sur les manifestations du jour. Pareil sur le site du Monde, du Parisien et de la plupart des titres locaux.

On a même la chaîne Canal +, en pleine déliquescence, qui se permet dans la journée du 17 septembre cet odieux titre, d’un mépris abject pour les travailleurs :

Le syndicalisme est ainsi mis sur le même plan que le virus par des bourgeois ne supportant pas que la marche du capitalisme soit troublée. C’est de la lutte des classes au sens le plus strict et il est ici vraiment terrible que cette lutte ne soit menée que par la bourgeoisie, sans aucun répondant ouvrier pour l’instant. Les syndicalistes ne sont simplement pas à la hauteur, la question étant politique.

La CGT prétend qu’il y avait 10 000 personne à la manifestation parisienne, ainsi que quelques milliers ici et là dans les grandes villes. Outre que ces chiffres sont gonflés, de par l’habituel cinéma syndicaliste, tout cela est, même si c’était vrai, extrêmement faible. Ce qui est en jeu actuellement, ce qui est nécessaire, c’est la mobilisation de plusieurs millions de travailleurs, avec une affirmation sociale très forte et très claire : celle de ne pas vouloir payer la crise.

C’est le minimum. Et on voit le problème : les syndicalistes proposent quelque chose de mou et ramènent quelques milliers de personnes, alors qu’il faudrait des millions de gens, sur une base dure ! Face à la crise, si on ne veut pas que le peuple paie, alors il faut aller chercher chaque travailleur là où il est, sans relâche, de manière systématique, et pas pour lui proposer du folklore, mais bien pour affirmer : la bourgeoisie doit payer la crise. C’est le mot d’ordre qui a du sens par excellence aujourd’hui !

Mais cela nécessite un travail de fond, dont ne veulent certainement pas les dirigeants actuels des syndicats, car ces gens croient encore beaucoup trop dans le capitalisme, ils espèrent encore beaucoup trop des miettes que la bourgeoisie avait à leur offrir. Mais tout ceci est fini, une vaste crise s’annonce et pas simplement économique. La crise est aussi morale, culturelle, sociale, sécuritaire, ainsi que, bien-sûr, sanitaire.

Pour aborder tout cela, pour faire face à un telle actualité historique, il faut une Gauche très forte, solidement ancrée sur ses bases idéologiques dont le cœur est la lutte des classes. Cette Gauche n’existe pas, ou de manière extrêmement faible et isolée, tandis que la fausse gauche occupe le terrain et fait diversion avec de fausses actualités (le racialisme, les prétendues violences policières, les prétendues oppression vestimentaires des jeunes filles dans les lycées, le prétendu racisme d’un joueur de l’OM, la prétention comme quoi l’insécurité serait inventée par la Droite, etc.)

Le syndicalisme a ici toute sa place… s’il cesse d’être du folklore et de la cogestion et qu’il vise tous les travailleurs : il faut qu’il vise à organiser tous les travailleurs, de manière unitaire, pas à parler pour eux. La « journée d’action » du 17 septembre n’a pas été du tout menée en ce sens là ; son sens premier est l’autosatisfaction. Ce qui ne sert à rien à part éduquer les bourgeois qui se lâchent toujours plus dans l’anticommunisme, l’antisocialisme, l’antisyndicalisme… Eux ayant compris les enjeux.

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Y a-t-il un alibi «état d’urgence sanitaire»?

Une lecture unilatérale des choses aboutit forcément à une vision tronquée des faits. C’est d’autant plus vrai dans une question sanitaire où pourtant les faits sont les faits.

C’est une position du PC révolutionnaire de France (Le capitalisme et ses crises…), mais qui reflète tout à fait un point de vue largement partagé à l’ultra-gauche (dont le PCRF ne relève à l’origine pas du tout, étant issu d’un courant du PCF dans les années 1990). L’État, au moyen des appels à la distanciation sociale et à porter des masques, exercerait une terreur sur la population par peur qu’elle se révolte.

Voici comment cet avis se présente :

« Mais malgré le silence des médias officiels sur l’importance des luttes, partout dans le pays, et la désinformation entretenue à coups de sondages bidons, nos gouvernants ont tous les indices d’une colère montante, que n’a éteinte ni la répression contre les Gilets jaunes ni le confinement, et dont la forte abstention aux dernières élections municipales est un signe majeur.

D’où l’utilisation de l’alibi « état d’urgence sanitaire  » (prolongé jusque fin octobre) pour restreindre encore plus les libertés démocratiques, en particulier le droit de manifester (interdiction de rassemblements de plus de 5000 personnes) et de se réunir.

L’obligation généralisée de porter le masque partout et à toute heure, retoquée par certains tribunaux (à Lyon et à Strasbourg) pour son manque de discernement, révèle aussi le caractère autoritaire et infantilisant des décisions gouvernementales. »

Ce qu’on lit ici ne tient pas une seconde. Si les gens veulent protester ou se révolter, ils peuvent le faire de mille manières. Avec un certain niveau de conscience et d’éducation, on trouve toujours un chemin, c’est d’autant plus vrai à une époque où internet facilite les échanges. Des ouvriers qui veulent discuter entre eux peuvent le faire aisément au moyen de divers applications sur leur smartphone ; ils peuvent facilement communiquer avec les réseaux sociaux ou même les mails, etc.

De plus, quiconque regarde les chiffres de l’expansion du Covid ne peut qu’être inquiet et considérer que l’État n’en fait pas assez, plutôt que trop. Il n’y a pas assez de tests, tout simplement, il faudrait de vastes campagnes de ciblage, mais pour cela il faut un degré d’organisation et de réponse sociale.

On peut donc dire que, non il n’y a aucun alibi « état d’urgence sanitaire » employé par le gouvernement, même si cela le tente forcément un peu. Il n’y a pas un raz-de-marée en faveur de la Gauche et dans le sens d’un renversement du régime, c’est le moins qu’on puisse dire. On peut même dire que, pour le moment, il ne se passe rien du tout.

Alors évidemment on peut s’inventer des raisons et dire que si ceci, si cela, tout serait différent. Que s’il n’y avait pas le Covid, la CGT aurait conquis tout le monde à ses points de vue et cassé les réformes gouvernementales, que s’il n’y avait pas le Covid, Macron serait déjà en prison et Lénine à l’Élysée, etc.

Seulement, ce n’est pas de la politique, mais l’utilisation d’excuses et de mythes mobilisateurs. Il faut, à un moment, dire stop et faire le vrai boulot de fond, en cessant toute fiction.

Dire : il n’y a pas de manifestations, car celles de plus de 5000 personnes sont interdites, c’est mensonger. Car cela fait bien longtemps que la Gauche n’est pas capable de mobiliser du monde politiquement (et pas « syndicalement ») et parce que des milliers de personnes trouvent toujours une voie pour avancer.

On n’avance pas, voilà la vérité, on n’avance pas… encore. Ce qui ramène au nécessaire travail de fond, qu’on ne saurait contourner au moyen d’appels en décalage avec la réalité pour justifier un discours « de lutte ».

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Le Parisien, le PCF et le dealer

Le Parisien a publié un article évoquant le PCF Saint-Ouen qui peut provoquer de la surprise, voire de la stupéfaction, au point qu’on se dit qu’on y comprend plus grand-chose…

Le 29 août 2020, il y avait ce message publié sur le compte Twitter du PCF où on lisait :

« Trafic d’armes, trafic de drogues, trafic de personnes, reprenons le pouvoir dans toutes les rues de la République. »

Ce message a beaucoup fait jaser, parce qu’il sous-tend de reprendre la rue face à des gens violents. Et quand le PCF dit ça, cela a du sens, car de par le passé, il y a plusieurs décennies, il visait l’hégémonie dans les quartiers populaires, avec des comportements types, des valeurs, etc.

Bref, cela a choqué les libéraux et autres tenants d’une société « inclusive ». Démagogie du PCF, retour aux sources ? La question pouvait se poser, puis il y a eu un article du Parisien du 15 septembre 2020.

On se dit alors qu’il y a une erreur dans cet article, dont le titre est « Mort de Sofiane et Tidiane : une «exécution» qui bouleverse Saint-Ouen ». On se dit, cet article va être modifié. Ce qu’on lit n’est pas possible. Cela ne peut pas être à ce point là.

L’histoire est on ne peut plus sordide, puisque deux jeunes de 25 et 17 ans ont été abattus dans une cave de la cité Soubise de cette ville de Seine-Saint-Denis. Le premier des deux  étant considéré, dans l’article, comme le chef du réseau local de drogue. Si l’on s’arrête là, c’est un affreux fait divers, reflétant une violence toujours plus grande et diffuse dans la société. Les dealers ne reculent devant rien et si on ne les stop pas…

Sauf qu’en même temps, cette personne est présentée par Le Parisien comme un encarté au PCF, sympathique, conscient, engagé. À lire l’article, il faudrait être admiratif, même. La suggestion de son activité de deal est mentionnée comme en passant, comme s’il était le garagiste du coin :

« Une source proche du dossier affirme que « le plus âgé était identifié comme étant le chef du réseau local du trafic » (…).»

Pour le reste, c’est un article unilatéral, avec un grand lyrisme dont voici quelques exemples :

« Un jeune adorable, un bel esprit », résume Jacqueline Rouillon, ancienne maire (PCF) de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) et très proche de la victime (…).

Sous le choc, Jacqueline Rouillon confie : « Je ne veux pas y croire. Pas lui. Il avait trop envie d’avoir une belle vie. Il avait d’ailleurs repris des études en BTS commerce et ressources humaines, mais il n’était pas parvenu à trouver un maître de stage cette année, comme beaucoup de jeunes. »

C’était aussi un compagnon de militantisme. Il avait pris sa carte au PCF et il était membre de l’association Citoyens solidaires. « Il était très présent dans la vie locale, mais il ne s’est jamais présenté sur une liste », précise-t-elle. L’ancienne maire veut retenir surtout sa personnalité « attachante ». « Tout de suite, il déclenchait la sympathie ». Denis Vemclefs, élu d’opposition, renchérit : « Nous avions beaucoup de discussions sur l’avenir des quartiers populaires. Il avait une réelle conscience politique. » (…).

Ce nouvel accès de violence illustre l’interminable guerre de territoire pour le contrôle des juteux points de stups de Saint-Ouen. Depuis juin, les règlements de comptes à coups d’arme à feu n’ont pas cessé dans la cité. »

On se dit donc que soit Le Parisien délire, soit c’est le PCF de Saint-Ouen qui délire. Et il semble bien que ce soit la seconde option, puisque la section PCF a réagit dans un communiqué, qui ne confirme pas l’appartenance au PCF, mais valide tout à fait l’existence du trafic de drogue et salue la mémoire du jeune homme…

Voici le communiqué :

« Ce mardi 15 septembre deux jeunes Audoniens ont été exécutés dans le quartier du vieux st Ouen.

Nous adressons nos sincères condoléances à la famille et à l’entourage de Sofiane Mjaiber et de Tidiane Bagayoko pour affronter cette épreuve.

Nombre de militants communistes ont eu l’occasion de connaître Sofiane et d’apprécier ses qualités humaines, sa joie de vivre et son intelligence. Apprendre son assassinat, est un grand choc, qui suscite tristesse et colère.
L’escalade de la violence sur fond de trafic de drogue a emporté deux jeunes hommes qui auraient dû avoir leur avenir devant eux. Ils sont victimes d’une guerre qui les dépasse.

Depuis le mois de juin dernier, une guerre de territoire fait rage dans plusieurs quartiers de notre ville. Les habitants de la place du 8 mai 1945, de Garibaldi, d’Arago et du Vieux st Ouen sont réveillés parfois plusieurs fois par semaine par le bruit des tirs.

Pour que les représailles ne soient pas suivies de vengeance le cycle de la violence doit être brisé. Le trafic qui gangrène notre ville et emporte inéluctablement dans son sillage violence et mort doit être combattu sans aucune ambiguïté.
La mobilisation de tous, habitants, municipalité, État doit être engagée.

Le tout sécuritaire, la politique du chiffre, a fait preuve de son inefficacité pour lutter contre le trafic. Si des effectifs supplémentaires de police nationale, annoncée depuis plusieurs mois par le gouvernement, seront bienvenus ils ne suffiront pas.

La Seine-Saint-Denis ne doit plus être un territoire délaissé par l’État qui n’a cessé de réduire les moyens alloués aux collectivités, aux services publics et au tissu associatif.
La rupture d’égalité territoriale, sociale et éducative n’est pas une fatalité. En cette période incertaine des perspectives doivent être offerte à la jeunesse audonienne durement secouée par ces morts.

Face à la violence, la cohésion sociale ne doit pas être affaiblie par des coupes budgétaires, elle doit au contraire être renforcée. Nous ne pourrons agir contre la violence et la peur qu’en recréant du commun, ensemble.»

Tout cela est lunaire. On peut donc apparemment être chef d’un point de deal, ou en tous cas impliqué dans le deal, tout en ayant une conscience politique et en agissant en fonction de celle-ci, être au PCF, ou en tous cas proche de lui et apprécié de lui ?

On ne s’étonnera pas qu’on préfère en revenir à la Gauche historique, plutôt que de tolérer cela.

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Jean-Luc Mélenchon veut être le Cincinnatus de la Gauche

Les tambouilles-magouilles ont repris en cette rentrée et Jean-Luc Mélenchon dit ouvertement qu’il doit être le dictateur temporaire à Gauche pour rétablir celle-ci.

Fondée en février 2016, La France Insoumise s’est tout de suite posé comme objectif de siphonner tout ce qui relève de la Gauche en terme d’associatifs, de syndicalistes, de militants. Usant d’arguments populistes et démagogiques, le mouvement a alors permis à Jean-Luc Mélenchon de faire 19,58 % aux présidentielles d’avril 2017. L’ennemi, c’était en apparence le réformisme, mais en pratique surtout tout ce qui relevait de la Gauche historique.

Le mouvement est depuis retourné à sa source, se résumant à des activistes sans impact notable à part en certaines places fortes électorales et la question est bien entendu désormais de savoir que faire. Jean-Luc Mélenchon a envie de retenter les présidentielles, mais il sait que désormais il ne peut plus y aller frontalement. Il a un petit capital électoral et compte en profiter. Il s’ensuit un rapprochement discret et délicat entre une partie des socialistes et Jean-Luc Mélenchon.

C’est Lionel Jospin qui a servi pour cette articulation, une amabilité entre ex-trotskistes (du courant lambertiste, historiquement tourné vers le PS et la CGT-FO). Dans son livre Un temps troublé, sorti début septembre 2020, Lionel Jospin ne tarit pas d’éloges : Jean-Luc Mélenchon y est valorisé comme un brillant orateur, un admirateur de François Mitterrand, un homme réaliste sachant faire des compromis, intelligent, mais victime de son tempérament, etc.

Dans le Nouvel Obs (du 3 au 9 septembre 2020), Lionel Jospin dit encore de Jean-Luc Mélenchon qu’il a :

« su conquérir ce qu’il désirait : être reconnu, hors des bornes du Parti socialiste, pour son talent, ses intuitions politiques, son sens du verbe, et il a créé son propre mouvement, un mouvement qui compte. »

Cela a amené, dans le numéro suivant (du 10 au 16 septembre 2020), une discrète petite interview, en page 44. Discrète, mais un symbole très important : le Nouvel Obs est l’organe de la « gauche caviar », des cadres et banquiers de gauche, où les conceptions de Keynes et l’action sociale est valorisée entre des publicités et articles de consommation upper class (restaurants, montres, propriétés, voitures, habits, etc.).

Pourquoi ouvre-t-il la porte à Jean-Luc Mélenchon ? Par tentative évidemment d’aller à un compromis. Les socialistes auraient bien besoin d’une figure de proue pour imposer quelque chose aux élections et faire face à EELV. Jean-Luc Mélenchon n’a-t-il pas après tout passé toute sa vie au Parti socialiste ?

Le Nouvel Obs ouvre donc la porte et même deux fois, puisque l’interview publiée est une version largement remaniée d’une version publiée au préalable en ligne (« En réponse à Jospin, Mélenchon évoque une « nouvelle force politique » pour 2022 »).

Voici comment Jean-Luc Mélenchon propose un compromis aux socialistes :

« Dans le monde militant, les personnalités attentives comme lui sont rares ; encore plus dans les milieux dirigeants. Il [= Lionel Jospin] force le respect. Je ne me suis jamais senti en opposition avec lui, mais en divergence (…).

Au fond, Lionel Jospin est le premier dirigeant socialiste à vous dédiaboliser. Qu’avez-vous ressenti en le lisant ?

Une grande émotion. Il ouvre peut-être une nouvelle séquence, celle du dialogue et du débat respectueux.

Je ne cherche pas à l’instrumentaliser, à lui faire dire en ma faveur ce qu’il ne dit pas. Il existe des différences entre son point de vue, qui est celui d’un social-démocrate avancé, et le mien, celui d’un républicain écologiste anticapitaliste.

Il plaide pour la lucidité. Quelle différence avec tous les autres qui veulent mettre en parenthèses les dix dernières années, sans tirer les leçons ni de leurs effroyables déroutes ni de notre progressive ascension, et qui n’ont jamais répondu à aucune de mes offres d’ouverture !

Lionel Jospin nous voit « sans effroi ». Et il ouvre le dialogue, quoi de mieux ?

(…) Vous opposez le peuple à l’oligarchie, dont Lionel Jospin décrit l’hétérogénéité…

On ne parle pas de la même chose. J’admets la différence entre le patronat national et l’oligarchie. Le patronat national rend possible un compromis social.

C’est impossible avec l’oligarchie qui est consubstantiellement liée à la forme financière et transnationale du capital. Or c’est l’oligarchie qui domine. Elle a mis à son service une caste, c’est-à-dire tout un personnel dans les superstructures de la société qui se voue à la perpétuation du système.

(…) Que proposez-vous ?

C’est une majorité d’adhésion qu’il faut construire. C’est pour ça que je crois aux campagnes longues qui se donnent le temps de convaincre en profondeur. D’autant qu’il s’agit de gouverner dans la catastrophe climatique et la dislocation économique et politique du monde qui sont en cours.

Si je suis candidat, j’arriverai fort de mon bilan électoral, de mon expertise, muni d’un programme ouvert, d’une brillante équipe soudée idéologiquement, et décidée à fonder avec ceux qui l’auront voulu une nouvelle force politique.

Cette force sera celle de la génération suivante. Elle se construira en reformulant le programme et en menant la campagne. Gagnant ou perdant, rien n’aura été fait en vain. Il faut imaginer Cincinnatus heureux. »

Lucius Quinctius Cincinnatus relève de la légende historique romaine : la république est en danger et par deux fois, en 458 et 439 avant notre ère, on cherche un pauvre paysan qui devient dictateur pour rétablir l’ordre face aux ennemis de la République et dès qu’il a fini tout abandonner pour redevenir paysan.

Jean-Luc Mélenchon se propose en Cincinnatus. Il dit en fait : nommer moi candidat et je vous fonde un nouveau Parti socialiste, même si je perds vous en profiterez car moi je ne serai alors plus là. En attendant, de toutes façons je suis le seul « socialiste » à avoir une aura de masse.

Il veut rééditer le coup de François Mitterrand, qui vient du centre-droit mais qui en s’opposant à De Gaulle s’est placé comme la seule figure « populaire » de la Gauche. Il sait aussi qu’il pourra profiter, pour une tel projet, des différents courants trotskistes du NPA soucieux de se sortir de leur bourbier et, qu’à l’inverse, le PCF comprendra que cela ne peut se faire qu’à ses dépens, puisque l’idée, c’est une sorte de congrès de Tours à l’envers, afin de prendre le dessus sur EELV.

Cela se tient. Mais il n’en reste pas moins que c’est une sorte de lecture électoraliste-activiste en vue d’un programme de gestion, autour d’une figure connue, à rebours de la Gauche historique et de sa lecture historique des questions sociales, sur la base de valeurs portées par des partis.

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Le reconfinement israélien, symbole d’une faillite

Les pays cherchent tous à éviter, à tout prix, un nouveau confinement en leur sein. Israël, censé être un pays organisé, a en fait sombré et est le premier à céder sous la pression.

Lorsque le covid-19 est entré sur la scène de l’histoire, l’État israélien a beaucoup été valorisé pour ses capacités d’organisation, de prévention, etc. etc. En réalité, c’était simplement qu’il est très militarisé. Pour preuve, Israël est le premier pays à remettre en place un confinement, et ce pour trois semaines. Symbole de cette faillite, le confinement commencera le vendredi 18 septembre, veille du nouvel an juif (Rosh Hashana), une période importante de fêtes (Yom Kippour est notamment concerné).

C’est un coup au cœur de l’État israélien, qui a fait en sorte, ces quarante dernières années, de modifier l’idéologie sioniste en la transformant en idéologie sioniste religieuse, religion et sionisme étant désormais les deux facettes de la même pièce. Ce qui a d’ailleurs provoqué le reconfinement est le fait que les 10 % de la population vivant dans l’obscurantisme religieux n’en ont eu rien à faire des exigences sanitaires.

Vivant dans leur bulle, avec l’appui de l’État, les ultra-religieux ont littéralement précipité le désastre. D’ailleurs, la folie religieuse autour de la fin du monde, du retour imminent du Messie, etc. etc. se développe à grands pas… dans un contraste marquant avec la ville de Tel-Aviv, îlot de décadence libérale-libertaire. Israël est littéralement le capitalisme mondialisé en modèle réduit, avec les décadents d’un côté, la fuite romantique dans un passé idéalisé de l’autre, dans un climat de compétition et de concurrence sociale acharnée.

Il ne faut pas non plus, bien entendu, surestimer l’économie israélienne. Israël est un pays du tiers-monde, dont le « miracle » dans la construction ne doit qu’au capital investi depuis les pays riches (en 1956 pratiquement 90 % des revenus de l’État viennent des réparations allemandes). Les entreprises américaines sont omniprésentes, quelques grandes entreprises et grandes fortunes ont l’économie du pays en leurs main, alors que le pays profite de la main d’œuvre palestinienne bon marché, tout en étant intégré au dispositif militaire américain de contrôle du proche et moyen-orient, avec par conséquent un complexe militaro-industriel très développé.

Si l’on ajoute à cela un pays terriblement divisé en son sein, entre Arabes et Juifs, mais également entre Juifs ashkénazes et séfarades, religieux comme-ci et religieux comme-ça, religieux et non religieux ou moins religieux, sans parler d’une forte communauté de Russes restant russe coûte que coûte, tout comme d’ailleurs bien souvent les Français, etc. etc., alors on a une société schizophrène, divisée, désorganisée. Il y a même eu des Juifs russe formant… un groupe néo-nazi, faisant en Israël même la promotion de l’antisémitisme et cherchant à mener des attentats !

En vérité, il se passe en Israël ce qui se passe aux États-Unis : la société civile a implosé avec la crise. L’unité sociale, le maintien d’une norme dominante, des valeurs communes… tout cela ne peut pas être maintenu par une économie à bout de souffle, un État anti-populaire, une idéologie dominante en total décalage avec la réalité.

La crise balaie les pays un par un et on peut être certain que tout comme la Turquie, Israël cherchera à s’en sortir de manière agressive militairement, afin de parvenir à tenir les rangs au sein du pays. Il est en tout cas absolument évident que le reconfinement est la faillite d’un État se voulant « à la pointe » d’à peu près tout et n’importe quoi sur le plan de l’organisation. Toute la vanité du régime apparaît au grand jour.