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Événements significatifs Rapport entre les classes

Les cités de banlieue ont de nouveau craqué en 2023

Les émeutes ont de nouveau pris le dessus dans les banlieues françaises, les cités devenant l’épicentre d’affrontements avec la police. 553 communes ont été touchées, et contrairement à 2005, ce n’est pas la région parisienne qui a servi de fer de lance au mouvement. Ni Lyon ni Marseille non plus, d’ailleurs, car les émeutes ont vraiment essaimé de partout.

Il y a eu la quantité, c’est vraiment le reflet d’un craquage général. Il y a eu aussi la qualité, les émeutes se lançant avec une puissante hargne : on parle d’un milliard d’euros de dégâts.

Le paradoxe, c’est qu’autant d’émotions fortes et d’actions violentes ne produisent rien de bon. La quantité exprime juste que le désarroi dans les cités est général, la qualité que c’est une fuite en avant.

Résultat, les Français sont très choqués, ils sont même affolés. Cela ne s’arrête jamais et c’est toujours à la fois laid et violent. Gilets jaunes… Pandémie… Guerre en Ukraine… Mouvement contre la réforme des retraites… Émeutes dans les cités… Tout apparaît comme incompréhensible, passéiste, incompatible avec une vie épanouie.

Et c’est vrai ! La société française de décompose, ni plus ni moins. Les gens comprennent que le sol se dérobe sous leurs pieds.

Il ne faut pas se leurrer : le gilet jaune ne fait pas rêver, avec sa nostalgie de la France d’il y a trente ans et son style beauf. Le syndicaliste ? Pareil ! Le type est d’une ringardise absolue et n’a rien à dire. Le lumpen des cités ? C’est encore pire, lui on ne veut même pas le voir en photo. D’ailleurs les Français sont très choqués qu’on en fasse autant pour un jeune délinquant qui roule en grosse cylindrée : ce genre de comportement est vu comme très dangereux par le peuple. Personne n’a envie de voir son enfant écrasé par un tel énergumène.

Qu’il soit tué par la police, tout le monde admettra que c’est regrettable. Les Français ne sont pas des salauds. Et ils savent que pour certains la vie est très dure. Mais il y a des limites ! La grande majorité des Français pensera donc que c’est tragique, qu’on n’y peut rien, et que c’était à ses parents de s’en occuper.

Les Français se disent : ce n’est pas mon gamin qui roule à 17 ans dans une Mercedes de location pour aller à 7h du matin manger un McDo. Chacun ses responsabilités !

Le gosse est avant tout victime de ses errements et de ses parents, et c’est le policier qui l’a tué qui était lui au mauvais moment au mauvais endroit.

Le peuple voit juste. Malheureusement, politiquement, il est naïf. Les Français vont donc s’empresser de voter à Droite afin de rétablir un certain ordre social, et tant pis pour les discours sociaux de la gauche populiste, qu’il aurait bien aimé suivre. Mais il faut bien choisir ! Entre son gamin dans le libéralisme d’un côté et des acquis sociaux avec des lumpens potentiellement meurtriers de l’autre, les gens ont vite choisi.

Eh oui, c’est pour ça que les gens votent à Droite de par le monde, que ce soit au Salvador ou aux États-Unis, en Corée du Sud ou au Nigeria. Dans une société en panique, les gens préfèrent la sécurité au désordre fut-il potentiellement social. A moins d’une révolution, mais avec qui à l’heure actuelle ?

Naturellement, ce virage à Droite se fera au grand dam de ceux qui font leur fond de commerce d’un pseudo anti-racisme, masque de tentatives communautaires de s’installer dans le capitalisme ou bien de grappiller davantage de points sociaux, ou bien de moderniser le capitalisme en le bousculant un peu, comme le fait le style LGBT.

Quelle étrangeté de voir une idéologie néo-féodale comme l’Islam se conjuguer au capitalisme le plus ultra-libéral. Le turbocapitalisme est vraiment totalement furieux dans sa tentative de tout déconstruire pour élargir les marchés capitalistes au moyen des identités les plus multiples.

Enfin, là, les jeux sont faits. Les marches « progressistes » organisées le 8 juillet 2023 comme tentative unanime de récupération de la crise des cités n’ont rassemblé que 100, 500, 1000 personnes dans quelques villes de France. La déconnexion avec la réalité populaire est complète.

La droitisation de la société française s’annonce massive.

La dictature algérienne n’en rate pas une

Revenons sur un aspect marquant. Les émeutes de banlieue de 2023 ont été d’une violence puissante. Elles ont fait autant de dégâts qu’en 2005, sauf qu’en 2005 cela avait duré trois semaines. En 2023, cela n’a duré que huit jours.

C’est révélateur. En 2005, les émeutes étaient une prise de conscience d’un rapport de force politique. Il y avait toute une ambiance à l’arrière-plan qui confinait à la mentalité insurrectionnelle. La revue Crise au sujet des émeutes souligne avec raison l’importance du film Ma 6-T va crack-er. Non pas que dans les cités tout le monde écoutait du rap ou même avait vu le film, par ailleurs très mauvais. Mais la bande originale du film, sorti en 1995, avait été une énorme référence populaire.

Il y a quelque chose d’assez fou d’ailleurs. Si on prend le film Ma 6-T va crack-er (ou plus exactement sa bande-son) et les émeutes de 2005, on aurait pu se dire qu’une nouvelle génération contestataire allait débarquer. C’était un rêve de jeune homme : la casquette bien vissé sur la tête, le bandana rouge bien serré sur le bas du visage, l’AK 47 et la lutte contre l’État bourgeois. Sauf que ce rêve de jeune homme s’est réalisé, au niveau des masses… en soutien à Alain Soral et Dieudonné pour les uns, en soutien à l’État islamique pour les autres !

Si vous regardez tant les uns que les autres, qui ont eu un immense succès entre 2005 et 2023, vous verrez que le profil de leurs soutiens est celui de ceux qui auraient dû basculer à Gauche en 2005. On parle de jeunes hommes, de milieu populaire ou petit-bourgeois et faisant un effort intellectuel prononcé, soucieux de s’impliquer sur le plan des idées en ayant une énorme méfiance vis-à-vis de l’État et des systèmes de domination.

En raison du patriarcat et de l’antisémitisme, tous ces gens ont cependant basculé dans le romantisme fasciste ou l’islamisme. Ils en ont fait une véritable culture au niveau de la vie quotidienne, empêchant tout retour en arrière. Ils ont façonné leurs mentalités avec des fantasmagories, tel « Comprendre l’empire » d’Alain Soral, sorti en 2011, vendu à plus de 120 000 exemplaires. Quel incroyable gâchis !

En ce sens, les émeutes de 2023 dans les cités ferment une porte. Pour en ouvrir une autre?

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Rapport entre les classes

La France libérale et décadente produit spontanément des horreurs

Le 21e siècle voit son premier quart déjà se terminer et la France n’a plus rien à voir avec celle des années 1970. De conservatrice et timorée, elle est devenue libérale et consumériste. Prolétariat, bourgeoisie? Ces classes sont toujours là et forment le cœur de la société. Mais désormais on est comme aux Etats-Unis, ce sont les petits-bourgeois et les déclassés qui donnent le ton. Outrance, mauvais goût, absence de valeurs (bonnes ou mauvaises d’ailleurs), immédiatisme prétentieux, égocentrisme à tout prix…

Sans conscience ni sensibilité, les gens en France s’imaginent qu’il suffit d’arriver et de dire quelque chose, et c’est censé avoir une valeur en soi. L’idée même d’un travail approfondi pour découvrir la substance des choses leur est fondamentalement étrangère. L’importance des réseaux sociaux dans cette décadence est naturellement centrale. N’importe qui peut y raconter n’importe quoi et s’imaginer être « réel ».

L’affaire du jeune Nahel, délinquant tué par un policier alors qu’il refusait d’obtempérer après 26 min de course poursuite dangereuse, est un excellent exemple de cette fuite en avant dans le show capitaliste. Surréactions, foire d’empoigne, ce fut la célébration de l’ego à tous les étages. Même les dénonciateurs conservateurs (comme Jean Messiha) ont fait partie de cette déchéance, puisqu’ils participent à cette foire aux réseaux sociaux sur un mode consommable.

Tout a consisté en de la réaction brute, en mode « moi je ». Avec comme point culminant une mère qui se met en scène en faisant hurler le moteur d’une moto, au milieu de jeunes hommes en plein délire patriarcal le plus primitif, alors qu’elle vient de perdre son enfant… Il faut vraiment que le capitalisme aliène pour qu’on atteigne un tel degré de manipulation, de négation des sentiment maternels.

Le pire est que les idiots autour de la mère de Nahel ont cru l’aider, alors qu’en fait c’est de l’esbroufe. On ne compense pas les difficultés de la vie par le bruit, fut-il égocentré, capitaliste !

https://www.youtube.com/watch?v=AqNtCSYWh_8&ab_channel=TRED

Les émeutes des cités banlieue de fin juin 2023 sont à ce titre exemplaires, tellement elles sont dans leur nature l’inverse de celles de 2005. Elles prennent prétexte de la mort d’un délinquant, mais ne reposent que sur des egos hypertrophiés se mettant en scène. Rien à voir avec les émeutes de 2005 où on savait depuis plusieurs années avant que cela allait craquer et où il y avait énormément de gravité dans les événements. D’ailleurs, à l’époque, tous les mouvements politiques (à part les maoïstes) étaient sous la table et dénonçaient la révolte, y compris les plus à gauche du spectre politique. Alors que désormais, dans le capitalisme, c’est par définition la surenchère populiste permanente.

Pourquoi ? Parce que tout est prétexte à une affirmation de soi et une affirmation de soi seulement. Les gens ne s’attachent à aucune valeur, à moins que ce ne soit « leurs » valeurs, leur propre aventure. On en a une preuve simple. Même ceux assumant une religion de manière rigoriste sont simplement dans la posture. Ils ne généralisent pas leur position censée être pourtant universelle, puisque Dieu est à tout le monde. Ils se focalisent toujours sur leur propre ego et si jamais ils font du prosélytisme, c’est toujours avant tout pour se rassurer eux-mêmes. C’est flagrant : même les gens religieux consomment leur religion.

La société française, capitaliste, est une société sans esprit, sans âme. Ses membres agissent tels des consuméristes errants, sans but ni vision du monde, au jour le jour, sans état d’âme ni profondeur d’esprit. Ils sont incapables de se déterminer, de s’orienter avec une perspective historique. Ils s’imaginent prendre les choses telles qu’elles sont, et donc ils en ratent tant le sens que la profondeur.

Que peut-il alors spontanément sortir d’une telle société? Absolument rien de bien. C’est pourquoi la Gauche historique a toujours dit : attention, le rôle de la conscience est primordial, les anarchistes ont tort de célébrer l’individu alors que c’est le propre du capitalisme de promouvoir l’égoïsme et l’égocentrisme. Les gens qui réagissent spontanément dans le capitalisme consomment, ils réagissent à des impulsions capitalistes, ils n’ont aucun aperçu ni sensibilité, ils sont dans le consumérisme et l’ego.

Le Socialisme, c’est justement l’affirmation de l’envergure des choses, le recalibrage de l’humanité dans la dialectique de la personnalité et de la société, à rebours de l’incohérence de l’individu avec une société capitaliste exploiteuse et aliénante.

Alexandre Samokhvalov, Kirov saluant un défilé de culture physique, URSS, 1935

Ce qui est en jeu, c’est en fait la question de la recomposition du prolétariat. Que la bourgeoisie soit décadente, il ne peut pas en être autrement. Surtout avec une bourgeoisie française qui a accepté de se soumettre à la superpuissance américaine. Mais où est le prolétariat? Là est la question réelle. Il est forcément là, il ne peut pas en être autrement. Seulement, le prolétariat est atomisé, individualisé, déboussolé. Il existe objectivement, mais subjectivement il faut le recomposer, car le capitalisme a tout fait pour l’empêcher de se saisir en tant que classe. La corruption au moyen de l’exploitation du tiers-monde a joué ici un rôle majeur.

Dans tout événement, c’est ça le fil conducteur : la recomposition de la classe. Pour cela, il faut prendre de la hauteur, s’orienter toujours par rapport à la question de la conscience. Et ne jamais courir derrière les petits-bourgeois et les déclassés, ces sous-produits d’un occident moribond !

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Rapport entre les classes

La réindustrialisation, c’est élaborer un nouveau mode de vie

Le « made in China » est une aberration sociale, écologique, économique, bref c’est une manière de faire fabriquer les choses à rejeter en bloc.

C’est pourquoi la réindustrialisation s’impose comme l’un des thèmes pivot pour l’affirmation du monde nouveau. Ce n’est pas pour rien que les expériences socialistes passées aient axé leur développement sur ce point : un ordre socialiste exige une base productive nouvelle.

L’URSS des années 1930 a décollé par la mise en œuvre de ses plans quinquennaux et la Chine populaire de la fin des années 1950 a cherché à produire elle-même son acier. A la différence de ces expériences, la France des années 2020-2030 n’a pas besoin de s’industrialiser, mais de se réindustrialiser dans un contexte de société de consommation généralisée.

Face à la société de consommation triomphante qui laisse se développer des individualismes de toutes sortes, il nous faut générer un mode de vie nouveau. Cela ne peut tomber du ciel : il faut en avoir les moyens industriels, tout autant que la volonté culturelle et politique.

La réindustrialisation n’est donc pas un retour à un ancienne industrie, encore moins une « gestion » économique pour donner du « travail ». C’est le cœur même du développement social et culturel d’une société.

Produire de la musique de qualité, c’est par exemple avoir à disposition du matériel musical de haute qualité, donc produit d’un haut niveau technique. Tout comme les vêtements, la mode vestimentaire suppose une industrie textile de haut niveau, avec un travail sur les textures et les couleurs, donc les matériaux utilisés, etc.

La France socialiste se doit donc de générer tout un nouvel appareil productif en rapport avec les besoins à satisfaire qu’elle se donne comme horizon.

Cela doit se réaliser selon un cheminement avec des étapes précises. D’abord, il s’agit de recenser les besoins et les moyens que le pays a à sa disposition pour les satisfaire. Cela demande de voir si telle ou telle production existe en France de manière totale ou partielle. On peut par-exemple avoir la matière première mais pas l’industrie de sa transformation, et vice versa. Ensuite, le recensement nécessite évidemment de voir ce qui relève des besoins de la civilisation et ce qui relève de la décadence capitaliste.

Par-exemple, ce qui est actuellement nommé « réindustrialisation » par le gouvernement relève d’une simple modernisation du capitalisme français dans l’espoir de le relancer dans des secteurs « porteurs », c’est-à-dire avec un taux de profit élevé à court-terme.

Mais le fait d’implanter des mégas-usines de batteries pour voiture électrique relève d’industries décadentes qui vont ne faire que prolonger un mode de vie polluant et individualiste. Tout comme l’annonce d’investissements par Ikea, sûrement d’ailleurs de centres logistiques, n’est qu’un accompagnement de la mentalité du petit propriétaire qui n’a plus lieu d’être. Et que dire des projets de « relocalisation » pour l’industrie militaire, simple faire-valoir pour le militarisme français ?

Par conséquent, au recensement suit la planification. Cette étape ne peut avoir lieu que si un recensement très rigoureux a été effectué pour la simple et bonne raison qu’il faut pouvoir dire ce qui va être socialisé et ce qui va être démantelé.

Il faudrait par exemple une vaste enquête sur la consommation d’électricité inutile en France, des spots publicitaires jusqu’aux enseignes commerciales en passant par tous les gadgets numériques. Ce sujet est capital, car il concerne les besoins énergétiques du pays et l’on voit comment la bourgeoisie française impose la relance du nucléaire par l’idée d’une hausse de « l’électrification des usages » à l’avenir. Cette électrification repose en fait largement là-aussi sur l’absurde généralisation de la voiture électrique.

Une France socialiste à l’inverse couplerait à la fois la rupture culturelle avec la voiture individuelle, qu’elle que soit son type de motorisation, et à la fois la généralisation des transports en commun, avec priorité pour le train et le tramway. Y compris, et surtout dans les zones de campagne.

Combien représente de consommation électrique un tramway de 3 rames pouvant transporter 300 personnes en comparaison à 300 personnes dans leur voiture individuelle, ou même 150 en voitures individuelles en postulant le covoiturage ? Ou pour prendre un exemple très concret, combien représente de Kw consommés l’ensemble des tablettes numériques affichant simplement les prix et les détails de chaque produit dans les magasins d’opérateurs téléphoniques et internet ?

D’ailleurs, l’industrie du transport en commun doit s’imposer comme la clef de toute réindustrialisation digne de ce nom. La généralisation des trains et des tramways à tout le pays, et non pas simplement les grandes villes, vise à générer un nouveau mode de vie collectif. On sait déjà ici que cette industrie sous-tend deux types d’industries : une sidérurgie et la production d’outils de production, de machines de haut niveau. Il y a de belles possibilités en France pour le second aspect bien que cela soit totalement insuffisant au plan quantitatif.

La France s’est d’ailleurs tellement « désindustrialisée » qu’on peut dire ici sans nulle doute que le chemin de la réindustrialisation doit passer par la mise en place d’une grande production sidérurgique et de machines-outils. Sans cela, il n’y a pas de marges de manœuvre réelle.

On est ici au stade de l’URSS d’avant 1930, tout en ne l’étant pas de part le niveau d’accumulation de connaissances techniques et scientifiques dans les mains de monopoles capitalistes qu’il s’agit de socialiser.

Mais l’industrie du transport ouvre la voie à un autre grand thème, celui de l’aménagement du territoire, aujourd’hui totalement bancal. Dans les années 1950-1960, l’organisme de la DATAR a accompagné le capitalisme français dans une « délocalisation productive » qui a abouti à des zones de production ultraspécialisées, en délaissant d’autres.

Cela n’est pas durable. Chaque région de France, dont la délimitation resterait à élaborer, se doit d’avoir une base productive autonome lui permettant de faire face à la satisfaction des besoins essentiels dans le cadre d’une production répartie selon le plan national.

Mais on ne peut plus avoir des pôles de spécialisation comme c’est le cas aujourd’hui, à moins de « naturaliser » le développement géographique par les « besoins » du capitalisme.

C’est à ce prix que l’on peut élaborer une planification productive adéquate qui voit s’ajouter au démantèlement, son corollaire, la systématisation. Il faudra systématiser des procédés essentiels à un nouveau mode de vie, mais actuellement mis de côté du fait des nécessités du capital cherchant à produire selon un taux de profit le plus élevé et non pour des besoins sociaux.

Un bon exemple est celui des systèmes de récupération des eaux de la douche et des lavabos pour alimenter l’eau des sanitaires, toujours basés sur de l’eau potable – ce qui est d’une absurdité totale dans une époque marquée par l’accentuation des sécheresses et des canicules. Quel type de production avons-nous en France pour planifier la systématisation de ce système à tous les logements ?

On aurait besoin de généraliser ces réflexions sur ce qu’il faut systématiser… Car la systématisation, cela signifie la massification de produits en série, donc la baisse des coûts. On pourrait parler ici de la systématisation de l’alimentation végétale pour arrêter les supplices envers les animaux, d’une industrie textile pour des vêtements à la fois fonctionnels, de grande qualité et chics, de l’industrie chimique pour les médicaments, etc.

Évidemment, le processus de réindustrialisation qui se fonde sur les tâches de recenser-planifier-démanteler-systématiser relève d’un programme d’État.

Un nouvel État, non pas fondé sur des « experts », des « scientifiques », mais sur la créativité collective du peuple. Pour cela il lui faut des organes pour stimuler le foisonnement démocratique. C’est la revendication de la Gauche historique qui a pris le nom de « soviets » en Russie mais que l’on peut facilement nommer assemblées générales en France. Les tâches de la réindustrialisation imposent donc la généralisation des assemblées générales à l’ensemble du territoire pour formuler les besoins à satisfaire.

Car une réindustrialisation qui ne suppose par le transfert du pouvoir de la bourgeoisie vers la classe ouvrière est vouée à l’échec pour la simple et bonne raison que les modalités d’accumulation du capital fondées sur la « division internationale du travail » (en fait l’exploitation du tiers-monde) et le chaos marchand, sont une entrave absolue. Seule la classe ouvrière, de part sa position sociale elle-même, peut imprimer une nouvelle direction industrielle en phase avec les besoins de l’époque à condition, évidemment, qu’elle sache se révolutionner elle-aussi.

Les assemblées générales – ou comités populaires, sont l’espace de la révolution, en tant qu’instrument politique d’un nouvel État, mais également comme vecteur de l’émulation culturelle pour acquérir, générer puis concrétiser une nouvelle vision du monde. Nouvelle vision du monde débouchant sur une industrie en mesure de la satisfaire. La réindustrialisation n’est pas quelque chose d’isolé de la société humaine, ce n’est pas un « programme économique », c’est le point nodal qui implique une culture et une politique lui étant liées.

La réindustrialisation ne peut être qu’un processus collectif élaboré par le peuple lui-même qui s’auto-saisit dans de nouveaux organes d’État pour se donner les moyens de changer la vie. C’est le nœud matériel du processus révolutionnaire.

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Rapport entre les classes Réflexions

La véritable misère en France est psychologique

Le capitalisme détruit l’esprit et dissout l’âme.

Il n’existe pas de problématique de pauvreté en France, ou alors seulement jusqu’au niveau du très désagréable. Cela ne va pas toutefois jusqu’à une remise en cause existentielle, à part pour des populations marginalisées, très souvent immigrées. Car le capitalisme en 2022 produit beaucoup de marchandises, il est actif dans de très nombreuses sphères et on peut y trouver une place, même extrêmement déplaisante, mais tout de même.

Cela peut changer, mais cela n’a pas encore changé et de toutes façons même si ça change, les gens vont mettre un certain temps avant de comprendre ou d’accepter une baisse de leur niveau de vie. Cela produira inexorablement des mouvements pré-fascistes ou fascistes à la Gilets Jaunes.

Et le véritable arrière-plan dans le capitalisme développé, où il y a des marchandises partout, c’est que la misère psychologique est partout, que s’épanouir semble impossible, alors qu’au niveau de l’activité de l’esprit tout se réduit à la portion congrue et que l’âme, en quête de grandeur, se voit littéralement dissoute.

Il ne suffira pas que le capitalisme soit freiné ou recule pour que les gens comprennent l’ampleur de cette question psychologique. Mécaniquement, les gens se réfugieront bien plus dans la nostalgie d’un capitalisme permettant une certaine aisance. Le mouvement des Gilets Jaunes, cette horreur réactionnaire (au sens réel du terme puisque nostalgique d’un passé idéalisé), en témoigne de manière exemplaire.

Combattre la misère psychologique est donc fondamental et ce n’est pas là d’ailleurs quelque chose d’étranger au marxisme, comme on peut le penser en France, c’est bien au contraire au cœur de la question. Voici comment Karl Marx définit la situation des prolétaires dans le Capital en parlant de la paupérisation, c’est terrifiant et c’est vrai :

« L’analyse de la plus-value relative nous a conduit à ce résultat : dans le système capitaliste toutes les méthodes pour multiplier les puissances du travail collectif s’exécutent aux dépens du travailleur individuel; tous les moyens pour développer la production se transforment en moyens de dominer et d’exploiter le producteur : ils font de lui un homme tronqué, fragmentaire, ou l’appendice d’une machine ; ils lui opposent comme autant de pouvoirs hostiles les puissances scientifiques de la production-, ils substituent au travail attrayant le travail forcé ; ils rendent les conditions dans lesquelles le travail se fait de plus en plus anormales et soumettent l’ouvrier durant son service à un despotisme aussi illimité que mesquin ; ils transforment sa vie entière en temps de travail et jettent sa femme et ses enfants sous les roues du Jagernaut [sorte de chariot géant, utilisé pour les processions hindouistes] capitaliste.

Mais toutes les méthodes qui aident à la production de la plus-value favorisent également l’accumulation, et toute extension de celle-ci appelle à son tour celles-là.

Il en résulte que, quel que soit le taux des salaires, haut ou bas, la condition du travailleur doit empirer à mesure que le capital s’accumule.

Enfin la loi, qui toujours équilibre le progrès de l’accumulation et celui de la surpopulation relative, rive le travailleur au capital plus solidement que les coins de Vulcain ne rivaient Prométhée à son rocher.

C’est cette loi qui établit une corrélation fatale entre l’accumulation du capital et l’accumulation de la misère, de telle sorte qu’accumulation de richesse à un pôle, c’est égal accumulation de pauvreté, de souffrance, d’ignorance, d’abrutissement, de dégradation morale, d’esclavage, au pôle opposé, du côté de la classe qui produit le capital même. »

Être marxiste c’est considérer que les travailleurs sont en France des êtres humains tronqués, fragmentaires, frappés par la pauvreté, la souffrance, l’ignorance, l’abrutissement, la dégradation morale, l’esclavage salarié.

C’est là le contraire du discours misérabiliste – républicain des syndicats et de la Gauche gouvernementale, et de toutes les variantes d’ultra-gauche ! Pour eux les travailleurs n’ont pas besoin de changer, ils sont déjà très bien…

Eh bien non ! Ils doivent se transformer ! Pour être en mesure de transformer le monde. Sans cela, ils restent un simple rouage de la machinerie capitaliste, qui désormais précipite le monde à la guerre.

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Rapport entre les classes Réflexions

Qu’est-ce qu’un beauf ?

Tous des beaufs ?

Tout comme la TVA et la boule à facette, le mot « beauf » est une invention 100% française et n’a pas d’équivalent exact dans les autres langues, et c’est dommage parce que c’est un terme très éloquent, qui en dit long sur notre façon de vivre. L’équivalent le plus proche est probablement le « gros oncle du barbecue » brésilien, « tiozão do churrasco« .

Popularisé par le dessinateur Cabu dans Charlie Hebdo dès les années 70, le mot « beauf » est totalement rentré dans le langage courant, si bien qu’on l’emploie chaque jour sans y prêter attention, et sans forcément réfléchir à quoi cela correspond. Son histoire accompagne celle de la société de consommation : autrefois il y avait des cuistres, des farauds et des gougnafiers, mais pas de beaufs.

On l’utilise le mot beauf pour parler d’autrui et rarement de soi-même, sauf dans un esprit d’auto-dérision voire avec une pointe de fierté anti-élitiste. A chacun ses beaufs, que l’on méprise plus ou moins ostensiblement. Car le concept est suffisamment flou pour que l’on soit tous le beauf de quelqu’un d’autre. La seule constante dans les définitions que l’on trouve, c’est l’étroitesse d’esprit et la vulgarité, mais cela ne signifie rien en substance. Les beaufs sont toujours des hommes, mais il y a des femmes pour les apprécier, voire les imiter.

Qu’en est-il du point de vue de la lutte des classes ? Tout d’abord il faut bien saisir qu’être beauf n’a pas grand chose à voir avec l’appartenance à telle ou telle classe sociale : le beauf n’est pas un redneck américain ni un chav britannique, deux termes anglo-saxons dénotant un mépris de classe affiché envers la classe ouvrière, en la réduisant à sa seule strate lumpen-prolétaire.

Le beauf des débuts chanté par Renaud dans sa chanson « Mon beauf« , revêt les traits d’un homme borné, sexiste, avec des idées de droite. On sait qu’il a fait 10 ans de légion, et rien de plus. Cabu lui donne tour à tour les traits d’un ouvrier, d’un patron de bistrot, d’un petit-bourgeois, d’un ouvrier se prenant pour un petit bourgeois, et même d’un grand bourgeois en s’inspirant du maire semi-mafieux de Nice de l’époque, Jacques Médecin, en mode méridional avec moustache, rouflaquettes et costume clair. Puis Cabu réactualise le concept dans les années 90 avec le « nouveau beauf » à catogan qui travaille dans la pub, se dit écolo mais roule en 4×4.

Difficile, donc, de trouver un archétype du beauf figé dans la culture populaire !

Quand on traite quelqu’un de beauf, le mépris est implicite, mais ce n’est pas du mépris de classe : c’est une critique morale, plus difficile à cerner, ce qui explique pourquoi les français bafouillent quand on leur demande d’expliquer ce qu’est un beauf, et pourquoi ils n’ont pas trop envie de faire partie du club. Mais essayons de toucher du doigt ce terme élusif, en proposant une définition :

Un beauf est une personne qui jouit des progrès sociaux et de bonnes conditions d’existence, tout en maintenant un mode de vie consumériste sans pour autant mener de réflexion sur sa propre vie et son rapport au monde. Plus il y a un décalage manifeste entre le niveau de vie (élevé) et le niveau d’exigence culturelle et morale (bas), plus on mérite d’être qualifié de beauf.

A titre d’exemple, voici le summum de la phrase beauf :

« Il m’est arrivé un drôle de tour l’autre jour, j’ai percuté une biche avec ma nouvelle voiture, ma carrosserie est toute bousillée! »

Cette phrase peut provoquer un malaise chez n’importe quelle personne sensible, car elle a tous les attributs de la beauferie consommée : un niveau de vie élevé avec un niveau moral au ras des pâquerettes, et une réflexion sur le rapport à la nature tout simplement inexistante. C’est cette dissociation d’avec la nature, ce fétichisme de la marchandise dont parlait Karl Marx, qui caractérise la personne « beauf », plus que tout autre critère. Quand les objets prennent plus d’importance que les êtres vivants, c’est qu’il y a une profonde crise culturelle, morale, et donc civilisationnelle.

Bien sûr, au quotidien, tout le monde ne parle pas comme ça. Mais mis à part ces cas de beauferie extrême qui fournissent des boucs émissaires faciles à accabler, il faut bien reconnaitre que pour tout un chacun, l’élévation du niveau de vie ne s’accompagne pas, au quotidien, d’une élévation du niveau de conscience morale, et encore moins d’une philosophie de l’action pour changer le monde.

Il y a donc une part de beauf en chacun d’entre nous, car qui peut réellement prétendre être à la hauteur de son époque ? Qui n’a jamais commandé sur Amazon, par commodité ? Qui refuse systématiquement de prendre ce moyens de transport aberrants qu’est la voiture ? Qui, plutôt que de se lamenter de la condition animale, fait son possible pour changer la situation ? Qui fait l’effort de lire un conte plutôt que de regarder Disney+ ? Qui ne consomme pas certaines marchandises par principe, même quand c’est gratuit ?

En réalité, peu de personnes sont à la hauteur de leur époque, et le basculement du côté beauf est une réalité pour la plupart d’entre nous. Comme des mouettes victimes de la marée noire, il faut s’extraire du mazout qu’est la société de consommation : le changement ne peut pas être porté par des beaufs, il faut d’abord s’élever, se débarrasser de cette fange, et commencer à essayer d’étendre ses ailes…

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Rapport entre les classes Société

Face aux fortes chaleurs, il faut utiliser le droit d’alerte

Concernant les fortes chaleurs, le code du travail français est dépassé. Il faut donc savoir utiliser son droit d’alerte et si besoin de retrait.

La santé au travail est une revendication majeure du mouvement ouvrier. Les CHSCT (qui n’existent plus, ayant fusionné au sein des CSE) ont été le fruit de la lutte âpre des travailleurs, notamment des mineurs, pour avoir le droit à la considération de leur santé et de leur sécurité dans l’organisation du travail. Les expositions aux risques sont listées et réglementées dans le code du travail ; augmenter ces listes et les obligations qui en découlent pour l’employeur est un rapport de force perpétuel.

Et le changement climatique amène son lot de nouvelles situations à risque et les épisodes de chaleurs extrêmes en font partie.

Cela fait quelques années que ces épisodes sont annoncés comme devenant plus récurrents par les scientifiques et qu’ils s’installent dans la vie quotidienne. Pour autant, le code du travail ne contraint toujours pas les employeurs à quoique ce soit concernant la chaleur sur le lieu de travail. Il oblige simplement à prendre des mesures de sensibilisation et de « bons gestes », aujourd’hui dérisoires avec des températures qui demandent une véritable adaptation de l’organisation du travail.

En conséquence de ces lacunes, les salariés doivent prendre le relais en s’informant sur le fonctionnement métabolique humain face à la chaleur, sur ses limites et utiliser le droit d’alerte envers l’employeur. Ce droit, moins connu que le droit de retrait, en facilite l’utilisation en fixant les points de risques auprès de l’employeur ; le droit de retrait, lui, s’utilise au moment du danger lorsqu’il subsiste.

Le droit d’alerte est d’autant plus utile lorsque le danger encouru par le salarié n’est pas clairement identifié et recensé dans les procédures habituelles. Par exemple avec l’épidémie de covid19, on avait un danger difficile à évaluer, car on ne connaissait pas bien le virus, il y avait le fait d’être « à risque » soi-même ou son entourage, ainsi que le fait de ne pas avoir de mesures barrières mises en place.

Des droits de retraits ont pu être reconnu par les tribunaux en partie parce que l’alerte avait été donnée en parallèle par des syndicats, permettant ainsi le maintien des salaires.

Avec les chaleurs extrêmes et les manquements du code du travail à ce propos, la situation de flottement est assez similaire.

Le droit d’alerte peut être posé individuellement par le salarié ou collectivement par un syndicat, un collectif de travailleurs, élus CSE, etc. Pour pouvoir alerter, il faut bien connaître les risques encourus et les faire remonter à l’employeur, tout en demandant des adaptations sur le lieu de travail, dans le rythme de travail etc.

Concernant les chaleurs, il faut savoir que la température à elle seule n’est pas ce qui met à mal l’organisme humain, l’humidité présente dans l’air est un facteur très important. Il faut donc signifier à l’employeur qu’il doit surveiller et informer sur ce taux d’humidité autant que sur la température.

Voici un graphique qui donne la température ressentie en fonction de l’humidité :

Et un graphique de l’indice de Thom, indice de stress thermique pour les humains en fonction de la température et de l’humidité:

On voit donc que dès 42°C il existe un risque de mort imminente et que globalement, quel que soit le taux d’humidité, le travail devrait être arrêté à 40°C pour ne pas avoir à sortir de chez soi. À 35°C le taux d’humidité devrait être scruté avec attention et le travail en extérieur arrêté. À partir de 30°C le taux d’humidité doit être surveillé, car à partir de 80 % d’humidité, le risque de malaise est présent.

Concernant les métiers nécessitant d’être dans un véhicule, à partir de 30°C dans l’habitacle, la vigilance se détériore, des pauses pour se rafraîchir sont nécessaires sous peine de risques accrus d’accidents. L’employeur peut certes proposer la climatisation dans les véhicules, mais au-delà d’ajouter des problèmes au problème du climat, cela peut également être un faux-ami en provoquant des chocs thermiques.

La charge physique d’un poste de travail est un facteur à prendre en compte. Il existe une classification de l’INRS (Institut National de Recherche et de Sécurité) de la charge de travail sur quatre niveaux.

– Travail léger : Travail de secrétariat ; Travail assis manuel léger (taper sur un clavier, écrire, dessiner, coudre, faire de la comptabilité) ; Travail assis avec de petits outils, inspection, assemblage ou triage de matériaux légers ; Travail des bras et des jambes (conduite de véhicule dans des conditions normales, manœuvre d’un interrupteur à pied ou à pédales) ; Travail debout (fraisage, forage, polissage, usinage léger de petites pièces) ; Utilisation de petites machines à main ; Marche occasionnelle lente (inférieure à 3,5 km/h)

– Travail moyen : Travail soutenu des mains et des bras (cloutage, vissage, limage…) ;Travail des bras et des jambes (manœuvre sur chantiers d’engins : tracteurs, camions…) ; Travail des bras et du tronc, travail au marteau pneumatique, plâtrage, sarclage, binage, cueillette de fruits et de légumes ; Manutention manuelle occasionnelle d’objets moyennement lourds ; Marche plus rapide (3,5 à 5,5 km/h), ou marche avec charge de 10 kg

– Travail lourd : Travail intense des bras et du tronc ; Manutention manuelle d’objets lourds, de matériaux de construction ; Travail au marteau ; Pelletage, sciage à main, rabotage ; Marche rapide (5,5 à 7 km/h), ou marche de 4 km/h avec charge de 30 kg ; Pousser ou tirer des chariots, des ; brouettes lourdement chargés ; Pose de blocs de béton

– Travail très lourd : Travail très intense et rapide (par exemple déchargement d’objets lourds) ; Travail au marteau à deux mains ou à la hache (4.4 kg, 15 coups/minutes)  ;Pelletage lourd, creusage de tranchée ; Montée d’escaliers ou d’échelles ; Marche rapide, course (supérieure à 7 km/h).

Plus le travail est lourd, plus le seuil de température qui met en danger est bas.

Il y a aussi des facteurs individuels qui exposent davantage les personnes au stress thermique, ce sont globalement les personnes vulnérables.

Par exemple, les femmes enceintes ne devraient pas travailler au-dessus de 28°C, mais rien n’est spécifié dans le code du travail français ; l’employeur devrait garantir un poste adéquat ou si cela est impossible maintenir à domicile avec maintien de salaire.

Il est par contre possible de demander une visite chez le médecin du travail pour demander un aménagement, voir un arrêt de travail et cela est aussi valable pour les personnes présentant certaines pathologies chroniques ou bien étant sous certains traitements.

Les personnes ayant dépassé 55 ans sont plus vulnérables à la chaleur, ce qui devrait remettre en question le recul de l’âge de la retraite pour les corps de métier particulièrement exposés.

Aussi, l’alcool, les drogues et toutes les substances stimulantes empêchent l’organisme de faire son travail de rafraîchissement et sont par conséquent à bannir.

Pour l’heure, mis à part des secteurs très précis comme le bâtiment, les horaires et les postes sont très peu adaptés, les employeurs se contentent de recommander de boire régulièrement, éventuellement de fournir de l’eau supplémentaire. Cela ne change pas beaucoup des recommandations classiques lors des chaleurs estivales, alors que l’organisme est davantage sollicité. À un niveau ou le corps nécessite plus de temps de pause pour faire tomber sa température, cela nécessite un accès à de l’eau, à un endroit frais, à la possibilité de se mouiller…

Voici donc un exemple de droit d’alerte avec comme exemple le métier de livreur, mais qui pourra être adapté à d’autre métiers, en précisant les conditions particulières collectives et individuelles.

Le droit d’alerte s’adresse par écrit (mail, courrier, lettre recommandée avec accusé de réception), il doit évidemment être adapté s’il est adressé de la part d’un salarié ayant une fonction représentative. Le cas échéant en utilisant le pluriel et des formules telles que « En tant que… ».

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Politique Rapport entre les classes

Le programme commun socialiste-communiste de 1972

Un document historique très important.

En comparaison avec le Parti socialiste et le Parti Communiste Français du début du 21e siècle, c’est pratiquement de l’ultra-bolchevisme!

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La fin de la maison individuelle exige une rupture à la hauteur du problème

La ministre du logement a soulevé une pierre bien trop grosse pour elle.

Jeudi 14 octobre, Emmanuelle Wargon, la ministre du logement, a fait une sorte de conférence-restitution d’ateliers réunissant des citoyens, des professionnels, des experts, etc., autour de la thématique « Habiter la France de demain ». Lors de cette conférence-restitution, elle a déclaré la chose suivante :

Le modèle à l’ancienne du pavillon avec jardin, dont on peut faire le tour, n’est plus soutenable et nous mène à une impasse. L’histoire de l’urbanisme en France a été marquée par des évolutions culturelles ; des idées ancrées dans leurs époques dont les effets visibles aujourd’hui ont été plus ou moins heureux.

Dans la période la plus récente, nous sommes passés d’une urbanisme de grands ensembles (…) à un fonctionnement urbain de plus en plus éloigné des centres-villes et de plus en plus dépendants de la voiture individuelle. Cela a créé de nouveaux territoires périphériques, à l’urbanisation pavillonnaire, dépourvus d’espaces publics (…). Nous devons assumer de mettre ce modèle derrière nous.

Ce modèle d’urbanisation qui consacre chaque espace à une fonction unique, qui dépend de la voiture pour les relier est désormais dépassé et constitue finalement une impasse écologique, économique et sociale.

Cette description des choses est tout à fait juste et justifiée. Mais cela heurte à la fois des traditions culturelles et des intérêts économiques immenses, qui n’ont pas manqué de se faire entendre. Dans les heures qui ont suivi ces propos, la polémique a enflé, avec la constitution d’une sorte de front uni de la Droite et des magnats de l’immobilier.

Les propos récents de la ministre ont d’autant plus agacés le secteur de l’immobilier qu’il se trouve confronté actuellement aux pénuries de matériaux et qu’il s’inquiète du principe du « zéro artificialisation nette » inscrit dans la loi climat et résilience alors même que l’appétits pour la maison individuelle a grimpé depuis la crise sanitaire.

Le président de la Fédération française des Constructions de Maisons Individuelles s’est dit ainsi « révolté contre de tels propos tenus par une élite parisienne dite écologique et pourtant très loin des territoires ». Le président de la Fédération française du bâtiment a contre-attaqué contre « la stigmatisation persistante de l’habitat individuel, à contresens des aspirations des Français ». Eric Zemmour a critiqué des « moyens […] pour détruire le mode de vie des Français » quand Marine Le Pen a dénoncé « l’avenir soviétique de Madame Wargon ».

La polémique a tellement enflé à Droite que la Ministre du logement s’est défendue à travers un communiqué du ministère lui-même. Ce communiqué déclare :

Oui, de nombreux Français rêvent de la maison individuelle car c’est une promesse de confort, d’espace et de tranquillité. Personne ne veut les en empêcher ni les en dissuader. Ils sont aussi en demande de services de proximité. Pourtant les lotissements en périphérie des villes ne permettent pas toujours d’accéder à ces services et contribuent à un sentiment d’exclusion. Il faut donc repenser nos modèles d’urbanisme. 

En réalité, Emmanuelle Wargon a soulevé une pierre bien trop grosse pour elle. Il n’est pas possible pour la classe dominante de viser une transformation d’ensemble de la vie quotidienne telle qu’elle est développée ici, car cela revient à signer son arrêt de mort.

La maison individuelle n’est pas simplement un choix individuel, mais un horizon culturel qui forme une des pierres angulaires de la culture nationale. Entre le XIXe siècle et la fin du XXe siècle, la France est passée d’un pays de petits propriétaires paysans disséminés en un pays façonné par les zones pavillonnaires et son corollaire, les routes jonchées de ronds-points.

La France moderne ne s’est-elle pas façonnée sur le modèle de la petite propriété ? Et la bourgeoisie française n’a t-elle pas assuré sa domination depuis 1871 grâce à la promotion de la mentalité du propriétaire ?

Plus récemment et plus concrètement, il faut se souvenir des propos de Nicolas Sarkozy lors de la campagne présidentielle de 2007, lorsqu’il était en pleine opération de pacification sociale à la suite des émeutes de novembre 2005. Lors d’un discours le 14 janvier 2007, il affirmait :

« Je propose que l’on fasse de la France un pays de propriétaires parce que, lorsqu’on a accédé à la propriété, on respecte son immeuble, son quartier, son environnement et donc les autres. Parce que lorsque l’on a accédé à la propriété, on est moins vulnérable aux accidents de la vie (…). Devant cette injustice, certains proposent le logement social pour tous et la taxation des propriétaires par les droits de succession. Je propose la propriété pour tous »

Depuis les années 1970, la bourgeoisie n’a eu de cesse de promouvoir l’accès à la propriété comme le gage d’une réussite sociale, le vecteur d’une meilleure vie. Cela s’est traduit en 1977 par la création d’un premier prêt d’accession à la propriété, le prêt HLM-accession ou prêt aidé d’accession à la propriété. Un dispositif qui n’a eu de cesse d’être modernisé, avec pour conséquence l’envolée de constructions de maisons individuelles. La maison est passée de 36 % des logements construits en 1970 à 62 % en 1982.

Or, depuis les années 1990, l’accession à la propriété s’est enlisée du fait de dispositifs d’aides flous, avec des conditions d’accès toujours plus difficiles. A cela s’ajoute l’envolée des prix dans les centres-villes qui poussent les classes populaires à acheter loin des métropoles, accentuant l’étalement urbain et le phénomène de périurbanisation, ces espaces sans âme et sans horizon culturel.

Si l’on y regarde de plus près, on voit bien que l’inflation de la maison individuelle est l’expression directe d’un mode de vie façonné par le capitalisme. Et les principales victimes, ce sont les classes populaires qui se retrouvent séparées de leur lieu de travail par d’épuisants trajets en voiture. Sans même parler de l’emprisonnement dans des crédits qui renforcent l’exploitation salariée… Bref, les ouvriers n’y ont pas gagné grand chose, si ce n’est une oppression dans une cage dorée.

Mais, comme toujours dans le capitalisme, l’autre victime de ce développement chaotique, c’est la nature. Dans un rapport sur l’artificialisation des sols, le Comité pour l’économie verte évaluait à 47 % la part prise par la construction de maisons individuelles dans les nouvelles artificialisations entre 2006 et 2014 contre 3 % pour le logement collectif, 5 % pour le commerce et 16 % pour le réseau routier. A ce titre, à Alsterdorf en Allemagne, le maire a interdit la construction de nouveaux pavillons pour lutter contre l’étalement urbain.

Face à un tel enjeu de société, voire de civilisation, il est évident qu’Emmanuelle Wargon ne fait pas le poids. Quand on est une personne issue du géant de l’agro-business français, Danone, on ne fait pas partie de la solution, mais bien du problème. Façonnée par sa posture de communicante, la ministre du logement n’a pas mesuré le problème de taille qu’elle a soulevé et a éveillé les intérêts du vieux monde.

À problème de taille, réponse de taille : il y a besoin d’une grande rupture sociale et culturelle portée par la classe ouvrière contre un capitalisme qui enferme et détruit la nature.

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Google, Facebook, Youtube, Instagram: la civilisation chaîne de Markov

Le principe dit de la chaîne de Markov est le fondement du référencement : il reflète la consommation capitaliste permanente, avec un choix binaire.

Ceux qui ont choisi de faire passer leurs idées par Facebook, Instagram, Youtube, en publiant des choses racoleuses pour être référencé sur Google… ont tout faux. En agissant ainsi, ils tombent dans un piège, celui d’une dynamique consommatrice par définition superficielle.

Le référencement, la mise en valeur… tout cela obéit en effet à la consommation à l’instant T. Le passé n’est pas pris en compte, ce qui compte, c’est l’impact momentané. Pour le dire plus directement, c’est le principe du buzz. Vous racolez, vous buzzez : vous êtes visibles. Sinon, vous êtes invisibles.

L’intérêt des entreprises est bien entendu qu’il y ait un flux permanent, avec une remise en cause permanente, une consommation permanente. Google n’aurait pas de publicités payantes en continu si telle entreprise, une fois installée au sommet du référencement par exemple du papier peint, restait tout le temps en haut de la liste.

C’est ce qui a perdu Yahoo, qui avait initialement lancé un référencement sur un mode d’annuaire. C’est tout à fait rationnel. Mais cela n’est pas conforme à la lecture capitaliste de la consommation. Le capitalisme exige un consommateur renouvelé en permanence, sans passé, faisant de sa consommation son identité sans cesse renouvelée.

Le consommateur se retrouve en permanence devant le choix 0 et 1, j’achète ou pas, je me vend ou pas. Et afin d’évaluer les possibilités, le capitalisme utilise le principe mathématique appelé la chaîne de Markov.

Andreï Markov est un mathématicien russe, né en 1856 et décédé en 1922 ; il est à l’origine de cette « chaîne de Markov ». C’est précisément ce principe qui est utilisé dans l’évaluation des sites par Google, mais également en fait par toutes les grandes entreprises capitalistes en ce qui concerne internet, voire même partout dans les probabilités.

La chaîne de Markov part en effet du principe suivant : il n’y a pratiquement rien avant et rien n’est relié en soi. Que faut-il comprendre par là ?

En fait, Andreï Markov a mis en place un dispositif artificiel. Il dit : prenons la personne X au moment 4. Ce qu’elle va faire au moment 5 ne dépend que du moment 3 et encore même pas forcément. Il n’est pas besoin de prendre en compte les moments 2, ni 1.

Ainsi, l’interprétation de l’acte de X est coupée de X en général dans la mesure où sa nature, son histoire ne compte pas. Mais elle est également de tout ce qu’il y autour de lui.

Pour prendre un exemple : le capitalisme se moque de savoir pourquoi telle ou telle personne est pour telle ou telle raison dans un embouteillage. La question est de parvenir à un modèle statistique de l’embouteillage. On n’explique ainsi pas l’embouteillage, mais on contourne le problème scientifique au moyen de probabilités.

On n’a aucune idée de pourquoi l’embouteillage se produit parfois à Amiens dans le secteur de la gare à 18h, mais on a répertorié les embouteillages et on sait que, statistiquement, il y a davantage de chances que ce soit tel jour et tel jour, par opposition à tel jour et tel jour.

On ne sait pas pourquoi telle personne va acheter tel produit dans un supermarché, mais il y a davantage de probabilité que ce soi tel produit, etc. etc.

Voici un exemple de la chaîne de Markov donné sur Wikipedia, avec un dessin illustrant cette conception absurde. Le fait qu’un animal soit employé pour exprimer une conception réductrice de la vie ne doit guère surprendre, cela va avec.

« Doudou le hamster ne connaît que trois endroits dans sa cage : les copeaux où il dort, la mangeoire où il mange et la roue où il fait de l’exercice. Ses journées sont assez semblables les unes aux autres, et son activité se représente aisément par une chaîne de Markov.

Toutes les minutes, il peut soit changer d’activité, soit continuer celle qu’il était en train de faire. L’appellation processus sans mémoire n’est pas du tout exagérée pour parler de Doudou. [sic!]

Quand il dort, il a 9 chances sur 10 de ne pas se réveiller la minute suivante.

Quand il se réveille, il y a 1 chance sur 2 qu’il aille manger et 1 chance sur 2 qu’il parte faire de l’exercice.

Le repas ne dure qu’une minute, après il fait autre chose.

Après avoir mangé, il y a 3 chances sur 10 qu’il parte courir dans sa roue, mais surtout 7 chances sur 10 qu’il retourne dormir.

Courir est fatigant pour Doudou ; il y a 8 chances sur 10 qu’il retourne dormir au bout d’une minute. Sinon il continue en oubliant qu’il est déjà un peu fatigué.

Suivant ce principe, le monde n’est considéré qu’à l’instant T. Le passé ne compte pas, ni même la nature des choses. Ce qui compte c’est la consommation permanente. Voilà pourquoi l’idée de racoler pour triompher sur internet est absurde du point de vue de la Gauche : la forme même exige pour avoir du succès de faire du consommable, les gens n’en retiendront rien et de toutes façons ne s’attarderont pas.

C’est ce qui explique que telle chanteuse peut avoir un immense succès pour une chanson sur Youtube… mais que personne ne remarquera sa chanson produite après. Sur internet, le référencement ne prend que de l’éphémère, du consommable.

C’est là le reflet d’une vision du monde. Ce principe de Markov sera d’ailleurs repris par la suite pour la théorie du chaos et pour toute l’idéologie des probabilités : le monde serait chaotique mais on pourrait, à force de calcul, évaluer ce qui a le plus de chance de se produire. Cette approche n’explique rien, mais tant qu’il y a des ordinateurs pour faire des calculs, cela compense : plus besoin de comprendre, il suffit de calculer les probabilités.

Voilà comment le capitalisme désincarne la science, la poussant au calcul, jusqu’à l’absurde le plus dénaturé.

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L’évolution de la figure du livreur «Deliveroo» dans les grandes métropoles

Le livreur « Deliveroo », du nom de la principale plateforme de livraison de plat à domicile, est devenu une figure incontournable du centre-ville des grandes métropoles. Elle a cependant très vite évoluée, passant en quelques années d’une image très moderne et branchée à ce qu’il y a de plus terrible en termes d’exploitation capitaliste.

Il y a quelques années, cinq ans peut-être, Deliveroo se payait des livreurs-ambassadeurs pour promouvoir sa plateforme. C’était des jeunes, forcément branchés, avec du style sur le vélo, de préférence en pignon-fixe, si possible brakeless (sans frein). Ceux-ci recrutaient dans leur entourage en promouvant des conditions de travail et de rémunération attrayantes pour de jeunes urbains au mode de vie libéral. Être payé à faire du vélo en ville en choisissant ses horaires à la carte, sans un chef sur le dos et en pouvant partir en vacances quand on veut : le rêve ! C’est en tous cas ce que se sont dit de nombreux jeunes dont beaucoup d’étudiants et il y a eu un afflux pour ce nouveau job.

Le petit-bourgeois urbain, trop content d’avoir une nouvelle application à utiliser sur son iphone, a lui aussi pleinement répondu à l’appel. Il s’est mis à commander des hamburgers végétariens ou un petit plat asiatique très sympa, sans bouger de chez lui.

Les livreurs étaient un peu des copains, ou s’ils ne l’étaient pas, ils auraient très bien pu l’être, car ils avaient toujours l’air cool et ils avaient du style. D’ailleurs, cela payait relativement bien à ce moment d’être livreur par rapport à d’autres jobs. Il y avait une rémunération fixe qui était majorée à chaque livraison et même une petite prime les jours de pluie.

Rapidement cependant, on a vu apparaître des livreurs d’un tout autre style. C’était ce trentenaire un peu perdu, lassé de l’intérim, qui a ressorti son vieux VTT pour essayer un job qui a l’air moins ennuyeux. Ou encore cette étudiante fraîchement arrivée de la campagne, un peu perdue dans la grande ville où elle n’a pas eu le temps de trouver mieux. Elle aussi avait un VTT et c’est là quelque-chose de très marquant : les urbains branchés portent en horreur ce VTT qui n’a rien à faire en ville, symbole du périurbain, de gens pas hype.

Forcément, le livreur n’est alors plus un pote, juste un prestataire lambda à qui ont fait appel par habitude. On a vite pris cette habitude. Le profil des clients a changé aussi puisqu’il s’est élargi, comme c’était prévu. Le livreur en VTT a de plus en plus livré des plats basiques, le plus souvent froids et renversés dans le sac, à monsieur et madame tout le monde.

Les livreurs-ambassadeurs sont en général passés à autre chose. Il faut dire que les conditions de rémunération des plateformes se sont dégradées, petit à petit. Il a fallu se connecter chaque semaine à une heure très précise sur le serveur pour avoir la chance d’obtenir les créneaux de livraison les plus intéressants, tellement il y a de monde. Il n’y a plus de rémunération fixe. Depuis quelques mois, les livraisons courtes sont même encore moins bien payées.

Une poignée d’« historiques » tentent de s’organiser contre cela, ou plutôt s’imaginent pouvoir peser en s’y opposant. On a entendu parler de quelques « grèves » cet été, bien relayées par la presse, probablement parce que les journalistes sont eux-mêmes des grands clients de ces plateformes.

Cela ne représente cependant rien du tout face à la grande machinerie que sont devenues ces plateformes. Déjà, parce qu’on ne peut pas vraiment faire grève quand on a soi-même accepté de devenir auto-entrepreneur à la base. Mais surtout, car il y a des dizaines et des dizaines d’autres livreurs qui acceptent ces nouvelles conditions.

Tout le monde l’a remarqué tellement c’est flagrant : le profil des livreurs a bien changé ces deux dernières années, d’abord à Paris puis maintenant dans toutes les villes. Ils sont de plus en plus des immigrés fraîchement arrivés, dans des situations très précaires.

Quelques jeunes prolétaires de banlieue ont également rejoint le cortège des livreurs, mais en scooter par contre, avec l’idée de pouvoir optimiser bien plus les livraisons par la vitesse. C’est complètement absurde, car l’amortissement d’un scooter (complètement à sa charge) rend vraiment ridicule la possibilité de rémunération avec ce travail dans ces conditions. Mais ce n’est qu’une absurdité de plus dans la folie des grandes métropoles.

En quelques années, la figure du livreur « Deliveroo » a complètement changé. C’était un jeune urbain branché, faisant quelque-chose ayant l’air moderne et sympa. C’est maintenant un africain sans-papier sur un vélo en piteux état, qui sous-loue le compte de quelqu’un d’autre s’octroyant une partie de sa rémunération. C’est quasiment de l’esclavage, c’est absolument ignoble et tout le monde le sait. Mais tout le monde s’en fiche, ou prétend ne pas le savoir.

Les restaurants eux aussi sont devenu complètement dépendant de ces plateformes, qui changent totalement la nature de leur travail le rendant de plus en plus industriel. Le comble de l’horreur en ce domaine consiste même, à Paris, en des entrepôts en banlieue pour des restaurants uniquement dédiés à la production de plats pour la livraison via ces plateformes.

Voilà à quoi ressemble aujourd’hui la pseudo-modernité dans les grandes métropoles. C’est du capitalisme, toujours plus de capitalisme et encore plus de capitalisme, partout, tout le temps…

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La bonhomie, la rondeur, ce qui définit le «prolétaire»

Le prolétaire, c’est celui qui n’a rien, à part ses enfants. L’appel de Karl Marx, « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! », s’adresse à cette catégorie de gens qui portent véritablement toute la société sur leurs épaules par leur travail. Comment pourtant choisir un terme pour désigner leur nature propre, leur caractère ? On peut prendre celui de bonhomie. Le prolétaire est rond, le bourgeois est carré.

Si l’on prend l’image habituelle, celle du XIXe siècle, alors on a le prolétaire maigre, décidé, décisif, qui fait face au bourgeois ventripotent et incapable de savoir ce qu’est réellement le travail. C’est là un cliché erroné, qui est plus « syndicaliste » qu’autre chose.

En réalité, c’est le bourgeois qui est décisif, au sens de borné, étriqué, totalement bloqué dans son esprit, agissant mécaniquement. Le prolétaire est au contraire affable, d’esprit rond, il accepte. Et s’il accepte, c’est parce qu’il a le goût du réel.

Sa vie étant une succession d’expériences concrètes, de transformation de la matière, il sait que la vie a beaucoup d’aspects, que chacun fait son expérience. Le prolétaire a ainsi bon esprit, il est pratiquement bon enfant.

C’est bien pour cela d’ailleurs qu’il se fait tout le temps avoir : il ne lève pas le bout de son nez et ne sort pas de son expérience. La social-démocratie historique l’a toujours souligné, il faut que les prolétaires aient une vision d’ensemble, sans quoi ils se contentent d’être, somme toute, simplement ronds.

Lénine, dans son fameux ouvrage Que faire ?, ne fait que reprendre ouvertement cette conception social-démocrate, qui est le pendant de l’interprétation syndicaliste-révolutionnaire, pour qui le prolétaire est naturellement et forcément incisif, rude, batailleur, rebelle, etc.

Les faits montrent bien que ce sont les sociaux-démocrates qui avaient raison, et pas les syndicalistes-révolutionnaires, pas les anarchistes. La bonhomie, la rondeur, voilà ce qui définit le prolétaire, celui qui n’a rien. On a l’allégorie de cette forme de gentillesse avec l’homme sur le banc.

Cet homme, on l’a tous vu. Il a un certain âge, en tout cas son visage est au moins marqué. Ses habits, si ce ne sont des guenilles, ne ressemblent pas à grand-chose. On dirait qu’il vient de loin et souvent il a un sac, presque une sacoche ou en tout cas quelque chose d’un peu solide, pour ses affaires, peu nombreuses. On voit tout de suite qu’il n’a rien, strictement rien. Il est pourtant éveillé sur son banc, et il a une activité ronde : il donne à manger aux pigeons, avec bienveillance et un regard ému.

Il est impossible de ne pas avoir vu cette image si classique des villes. Elle est une parfaite allégorie du sens du partage, de la rondeur de celui qui veut le partage. Le bourgeois, lui, est vil. Il sait ce qu’il veut et il n’y a de place pour rien d’autre. Il n’a ni compassion, ni empathie. Sa passion est vivace, mais lui fournit un esprit sordide, bassement utilitariste. Il n’y a de place pour rien à part son élan dans son activité ciblée et réduite à sa substance même, lui-même se confondant avec ses propres objectifs, sans aucune distance.

Et face à de tels carrés, il faudra que les ronds sachent être aussi carrés, afin de les mettre de côté. C’est là toute une question de vision du monde et des moyens de faire en sorte qu’elle triomphe.

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L’anorexie comme révolte contre soi-même

Le capitalisme rend les gens malades, parce qu’ils les dénaturent. Leur environnement est au service du travail aliénant, de la consommation et cela 24 heures sur 24. Encore faut-il pour cela accepter de voir le capitalisme avec des lunettes humanistes.

L’exemple de l’anorexie, si triste et terrible, illustre parfaitement cela. Le libéral y verra une simple pathologie relevant de l’individu. Un regard sérieux affirmera qu’il s’agit d’une personne broyée de par son emplacement dans la société.

Car du point de vue de la médecine avec sa vision du monde dominante, la chose est entendue : tout est un problème de caractère individuel. Pour l’anorexie, il faudrait ainsi chercher dans les gènes, le parcours propre à la personne, la famille. L’Institut national de la santé et de la recherche médicale, qui est une institution étatique très importante, explique par conséquent la chose suivante sur son site :

« L’anorexie mentale est un trouble du comportement alimentaire essentiellement féminin, qui entraîne une privation alimentaire stricte et volontaire pendant plusieurs mois, voire plusieurs années (…).

Contrairement à certaines idées reçues, ce trouble affecte toutes les catégories sociales et non pas seulement les plus aisées. »

Les idées reçues ont bon dos. Si on va sur vidal.fr, un site commercial lié au fameux dictionnaire Vidal donnant la liste des médicaments aux médecins, on lit la chose suivante :

« L’anorexie concerne principalement les adolescentes de 12 à 20 ans (…). Ils surviendraient davantage chez les jeunes filles issues de classes sociales aisées, vivant en milieu urbain. »

Les choses sont dites, mais implicitement. Un article de la revue française de sociologie dit les choses plus clairement :

« L’anorexie mentale et la boulimie, deux troubles du comportement alimentaire, sont appréhendées ici comme des révélateurs de tensions sociales touchant particulièrement des jeunes filles, et plus souvent issues de classes moyennes ou aisées. »

Et cela est vrai. Les couches sociales aisées n’ont pas le sens de la vie, elles sont entièrement au service d’une fuite en avant dans les apparences, les comportements consommateurs, l’activité incessante pour faire fructifier le capitalisme. Dans ces couches sociales, on suit ou on s’écrase. Et les jeunes femmes exprimant leur sensibilité sont brisées.

Elles ne peuvent pas se révolter en exprimant une violence, car elles sont imbriquées dans les couches sociales dominantes et ne peuvent pas le remettre en cause, car elles n’en voient pas le caractère ignoble. Alors elles se révoltent contre elles-mêmes. L’anorexie est une expression de révolte détournée.

Qui connaît la valeur du travail se tourne vers la transformation et non pas vers des modifications de soi censées, de manière idéaliste, changer les choses. C’est malheureusement l’esprit d’une époque : les plus sensibles se changent eux-mêmes, n’importe comment jusqu’au morbide, au lieu de chercher à changer le monde.

C’est le prix à payer, historiquement, pour l’individualisme forcené qui a coupé les gens – surtout des couches sociales dominantes – de tout rapport à la nature, à l’épanouissement, au concret, au travail.

Et ici, il faut bien cerner un aspect également essentiel : le refus non conscient de la viande par beaucoup de jeunes femmes. Au lieu de saisir qu’elles refusent une certaine nourriture, elles vont jusqu’à penser qu’elles refusent toute nourriture, par incapacité à analyser de manière juste leur révolte.

Car tout dans cette société appelle à une révolte. Les aspects aliénants sont incessants et tellement multiples, qu’il faut un haut degré de culture et de conscience pour ne pas sombrer. Qui ne voit pas cela rate totalement la dimension formidablement existentielle du besoin de Socialisme. Et est obligé de réduire tout à une question de « conscience » individuelle, dans le rejet complet des sens, de la nature, du besoin d’épanouissement des sens, de manière naturelle.

Ce dont ont besoin les jeunes femmes des couches aisées ayant basculé dans l’anorexie, c’est de basculer dans le travail, dans les couches populaires, et là elles feront ce que Cyndi Lauper dans la chanson « Girls Just Want To Have Fun » : quand les jeunes femmes ont les parents sur le dos, quand elles rentrent du boulot, elles bataillent pour s’affirmer, parce que s’épanouir va dans le sens de la vie !

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Le souci : les gens détruits sont fascinés par la destruction

Il y a des gens très éprouvés par la vie dans notre société ; ils ont subi des choses très dures, violentes au point de les avoir défigurés psychologiquement. Outre la difficulté à surmonter le passé pour continuer à vivre et avancer, il y a une certaine fascination qui reste : la violence en impose. C’est qu’à l’arrière-plan, cette violence est sociale.

Il est fondamentalement erroné de réduire les mésaventures d’une personne à la vie personnelle de celle-ci. Un enfant battu n’est pas un individu écrasé par un autre, c’est une personne humaine avec un certain développement social écrasée par toute la société à travers un individu. C’est totalement différent. Si l’on perd de vue tout cet arrière-plan, on ne comprend pas pourquoi les horreurs subies sont tellement pénétrantes dans la personne brisée.

Les êtres humains sont en effet des êtres sociaux, ils appartiennent à la société, et inversement. Ce qui les frappe n’est jamais un simple événement, cela prend toujours la proportion de la société toute entière. C’est pour cela qu’une simple agression, un épisode somme toute banale dans notre société empli de brutalités, prend une telle dimension pour les gens qui l’ont subi. C’est comme si le ciel leur était tombé sur la tête, comme si toute la société leur tombait dessus.

Et comme la société n’abolit pas ce qui la tourmente, ne supprime pas les phénomènes produisant des monstres, les victimes ressassent, connaissent des obsessions. Seule une contre-violence destructrice leur semble le moyen de s’affirmer. Il ne s’agit pas du tout ici d’une violence révolutionnaire, au sens d’un engagement plein de confrontation avec le capitalisme, l’État, les institutions, etc. Non, il s’agit de la tentative de reproduire ce qu’on a subi, ailleurs, sur un autre mode, en étant cette fois le protagoniste.

Cette sorte de catharsis produit par une contre-brutalité inversée est un phénomène bien connu : on sait comme souvent les hommes faisant des enfants des victimes sexuelles ont eux-même été des victimes sexuelles. C’est le fameux thème de la reproduction de la violence – mais, en fait, ce thème est-il si fameux ? Car dans notre société individualiste, si prompte à parler de sociologie pour finalement en revenir toujours à l’individu, qui raisonne encore en termes de violence sociale, de reproduction de phénomènes à l’échelle de la société elle-même ?

Le faire, c’est nier la particularité de l’individu, c’est admettre que les êtres humains sont déterminés. Seuls les partisans du socialisme peuvent raisonner ainsi. Et force est de constater par ailleurs que les victimes, ayant connu une dégradation de leur personnalité, se mettent justement à se replier elles-mêmes sur leur individualité, à se comporter comme des individualistes, afin de chercher une voie pour exister, pour survivre.

Le socialisme, pour le comprendre, demande un esprit de synthèse, une capacité d’abstraction. Cependant, lorsqu’on est victime, on est seulement dans le dur, dans le concret immédiat. Il n’y a pas de place pour les raisonnements à moyen terme, pour le repli philosophique. Il y a les faits, les secondes qui passent les unes après les autres et qu’il faut remplir à tout prix. D’où la fascination pour la puissance de ce qu’on a subi, d’où la quête de trouver aussi fort, d’avoir à sa disposition quelque chose d’aussi explosif.

C’est là naturellement contourner le rapport à la violence sociale. Il ne peut en aucun cas s’agir de reproduire la violence subie, mais de lui opposer une contre-violence sociale, définie par l’alternative collective. Cela n’implique pas le refus de la vengeance, mais cela exige au préalable la transformation de soi-même et la participation à la transformation du monde. Sans quoi on devient soi-même un monstre.

Sans cela qu’aurait-on, et qu’a-t-ton ? De la reproduction sociale de la violence à tous les niveaux. Un tel qui trompe un tel qui par conséquent trompe un tel et ce à l’infini. Quelqu’un qui ment à un tel qui ment à un tel par conséquent et ce à l’infini. Cela donne une société où l’amitié et l’amour se retrouvent si fragiles, alors que leur loyauté devrait être à toute épreuve.

C’est bien cela le pire. En cherchant à se préserver, les victimes pratiquent la fuite en avant. Et perdent alors tout, et reproduisent le phénomène, à l’extérieur d’elles-mêmes et pour elles-mêmes. Et là plus rien ne tient… jusqu’à la prochaine fois où l’on recommence, et ainsi de suite.

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La vie étriquée au sein de l’entreprise

Le passage de la jeunesse au conformisme adulte s’appuie grandement sur la neutralisation des personnalités au sein de la vie étriquée de l’entreprise. Il faut s’adapter à un environnement entièrement façonné par le capitalisme et au-delà des obligations à assumer, on doit changer ses comportements et son esprit, se forcer à les changer.

Quand on travaille, on est dans un certain milieu. Et lorsque ce milieu consiste en quelques personnes, même plusieurs dizaines, en tout cas toujours les mêmes, on est formaté. Ce qu’on dit, comment on se comporte, la manière de s’habiller… la moindre chose compte de manière disproportionnée, va profondément marquer les esprits. On est alors catalogué et vue la faible intensité des relations, des rapports, cela va durer. On peut se retrouver plomber pendant longtemps, ou bien être mis à l’écart. Et cela n’est pas possible dans une entreprise.

C’est cela qui explique que les jeunes deviennent des adultes. À l’école, à l’université, lors d’une formation… on peut donner son avis. On fréquente des gens dans un milieu temporaire. Quand on passe dans le monde du travail, il y a également une dimension temporaire, puisqu’on peut changer d’entreprise. Mais le fait qu’on dépende du salaire implique qu’on se tienne un minimum. Avec les gens autour, le minimum devient maximum.

On peut expliquer, au lycée ou dans une soirée, qu’on veut la révolution. Cela ne prête pas à conséquence. Dans une entreprise, on ne peut pas le dire. D’ailleurs, cela ne se dit pas, il y a une neutralisation de toutes les considérations politiques ou sociales, sauf lors des grandes élections, mais ce sont au mieux des affinités avec un candidat qu’on exprime, pas un point de vue opposant la Droite et la Gauche.

Dans une entreprise, on est bien sûr connu comme plutôt de droite ou plutôt de gauche, mais cela reste flou, et pas lié à des valeurs, ni à une organisation. On est jamais qu’un individu. Et le point de vue politique est réduit au même niveau que les anecdotes sur le vie privée : on fait de la guitare, on est célibataire, on est allé à tel resto, on est parti en vacances en Provence, etc.

Et de par le poids de l’idéologie beauf, cela est très dangereux pour les femmes, qui deviennent aisément des cibles propices à des « évaluations » sexistes, des opérations de séduction n’étant que du harcèlement. Les personnes non cyniques sont également des victimes potentielles des esprits manipulateurs, car comme on le sait l’entreprise divise pour régner et les carriéristes en profitent pour leurs manigances.

La vie étriquée de l’entreprise, c’est ainsi un petit monde où chacun agit tel un petit Prince tel que décrit par Machiavel, soit pour avoir la paix, soit pour avancer dans l’organigramme. On est en permanence sur le qui vive, au point qu’à un moment d’ailleurs on ne le remarque même plus. On devient chez soi le fantôme qu’on est à l’entreprise, sans s’en apercevoir. Le masque qu’on employait devient une part de nous-mêmes, puis nous-mêmes.

En fait, la vie dans une entreprise est tellement étriquée, qu’aucun densité intellectuelle ne peut être atteinte, aucune densité émotionnelle, aucune affirmation personnelle. On ne peut être qu’un individu, remplaçable, à responsabilité limitée, un spectre. C’est cela qui détruit la démocratie dans son essence même. C’est pour cela que la Gauche historique a toujours mis en avant la démocratie du travail et que le principe des « conseils », les « soviets », relève de la tradition ouvrière. Dans une assemblée générale, on dit ce qu’on pense, on est qui on est, alors que dans la vie étriquée de l’entreprise, on assume son rôle de figure aliénée se pliant aux règles de l’idéologie dominante.

Un vrai mouvement permet toujours de faire vaciller cette idéologie dominante, en posant une telle actualité, si pleine d’acuité, que l’espace démocratique se forme. Un mouvement contre la chasse à courre dynamite en certains endroits les verrous de l’idéologie dominante, tout comme l’a fait en région parisienne la grande grève des transports à Paris en 1995. Des thèmes d’importance nationale ont pu faire de même, comme « Je suis Charlie » ou bien l’opposition à la participation française à la guerre du Golfe contre l’Irak. C’est pour cela que l’État soutient les initiatives nationales « vides » de sens démocratique, comme la victoire à la coupe du monde de football, le 14 juillet… afin de proposer une contre-actualité, à la fois neutre et endormant les esprits.

La Gauche pour exister, ne peut pas contourner ce dispositif d’endormissement des esprits ; il lui faut se structurer pour partir à l’assaut des entreprises, de dépassement de sa vie étriquée.

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La France périurbaine, une faillite morale, culturelle et sociale

Dans la France des lotissements, on s’ennuie et on travaille loin de chez soi. Mais on ne veut surtout pas du Socialisme. Les gilets jaunes ont exprimé à l’origine cette forme sociale profondément réactionnaire mise en place par le capitalisme.

La France périurbaine, c’est le plus souvent cette horreur architecturale de maisons individuelles en série, correspondant au rêve de petite propriété de pans entiers de la société française aliénée par le capitalisme, y compris dans la classe ouvrière. Même quand il n’est pas réalisé, le rêve est considéré comme à mettre en œuvre dès que possible.

Cette fascination pour la zone pavillonnaire comme refuge face au reste du monde exprime à la fois un besoin de s’arracher à la brutalité des villes qu’un repli individualiste forcené. L’égoïsme prime toutefois comme aspect principal, car avoir des enfants dans de tels endroits, c’est les condamner à une souffrance psychique et physique très importante.

Il n’y a rien pour eux. Pas de transports, pas de lieux culturels, pas de centres sportifs, juste de longs boulevards, avec des habitations individuelles à l’infini, entre les ronds points. C’est l’anéantissement de toute perspective de civilisation comme première prise de conscience de l’adolescence. Un véritable cauchemar, qui de par les faiblesses structurelles de la vie culturelle française, ne produit ni Nirvana, ni Minor Threat, deux groupes de musique d’une intensité sans pareil nés précisément d’un tel terreau aux États-Unis.

Ici en France, la seule révolte contre cet enfermement connu par plus de 15 millions de Français, c’est le Front National, désormais le Rassemblement National. Les instituts de sondages appellent cela « le vote des haies de thuyas », en référence à cet esprit petit propriétaire d’enfermement sur sa parcelle.

Avec les gilets jaunes, on a bien vu comment cette France de petits propriétaires ne peut pas supporter de faire face à l’effondrement économique. Elle sait bien que le Socialisme n’a qu’une chose à lui proposer : sa destruction. Il faut détruire ces zones, tout refaire. Elles ne sont ni des villes, ni des campagnes. Alors qu’il faut combiner les deux, avec les zones pavillonnaires on n’a justement ni la ville, ni la campagne.

La France périurbaine ne peut que le constater : elle n’a ni culture de la ville, ni sa densité en termes d’infrastructures médicales, scolaires, universitaires, administratives. Elle n’a pas non plus d’accès à la nature, d’environnement non bétonné. Aller plus loin ne servirait pas à grand-chose non plus : les représentants des chasseurs n’ont-ils pas expliqué que les forêts sont à eux et que si on n’aimait pas la chasse, il ne fallait pas habiter la campagne ?

Le souci fondamental dans toute cette histoire de toutes façons, c’est que la France périurbaine ne peut exprimer qu’un terrible ressentiment qui va renforcer le fascisme.

Parce qu’à la base, on a la même histoire que la Grenouille voulant se faire aussi grosse que le bœuf. Pleins de petit-bourgeois ou de bourgeois petits ont voulu mener la vie de château à peu de frais, achetant une grande maison et un terrain, pour s’apercevoir que finalement il n’y avait rien dans le coin, que les crédits s’éternisaient, que le terrain ne sert à rien en soi et demande de l’entretien, que la maison consommait beaucoup d’énergie et que sa qualité laissait à désirer.

On a également des prolétaires qui les ont imités, faisant la même-chose en moins grand et moins cher, dans des quartiers encore moins intéressants.

Ces gens-là sont tellement déçus de ne pas être devenus des sortes de petits châtelains qu’ils sont aigris, alors que leur vie privée a subi les contrecoups de cet isolement, que ce soit avec la perte de vue d’amis, le divorce, etc. Les prolétaires, de par leur rôle dans la production, expriment moins cette aigreur car ils ont plus facilement conscience de la nature sociale du problème. Mais dans sa substance, cette aigreur n’en est pas moins présente chez eux également.

Ce schéma est reproductible dans pleins de variantes, que l’investissement à l’origine ait été important ou pas. Dans tous les cas, la déception prédomine et désormais il y a la hantise de ne pas basculer socialement dans le prolétariat, ou de se voir assumer sa condition prolétaire de manière franche. Cette inquiétude est un grand moteur du fascisme, alors qu’elle devrait se transformer en une volonté de changement, pour le Socialisme.