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Arménie: une tribune de droite soutenue par des gens de «gauche»

S’il est une question où la Droite et la Gauche sont totalement séparés, c’est bien sur celle de la guerre. La Droite justifie celle-ci quand ça l’arrange ; la Gauche veut la justice et déteste le militarisme, l’expansionnisme.

Aussi ne doit-on pas être étonné de voir, dans la tribune de « soutien » à l’Arménie signée par 176 élus et publiée dans le Journal du Dimanche, des figures de la Droite et non des moindres. On a ainsi Laurent Wauquiez (président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes), Christien Estrosi (maire de Nice), Damien Abad (président du Groupe LR à l’Assemblée nationale), François-Xavier Bellamy (président de la délégation française du Groupe PPE), Valérie Pecresse (présidente de la Région Ile-de-France), etc.

La tribune exige en effet que la France intervienne, qu’elle prenne partie, bref qu’elle assume une politique néo-coloniale franche, ouverte. La France fait partie du groupe de Minsk qui depuis 25 ans cherche sans succès à réaliser un dialogue entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan : la tribune appelle à ce que cela cesse.

« Face à l’ensemble de ces événements, force est de constater que l’espace de neutralité dans lequel la France s’efforçait depuis plusieurs décennies de créer un chemin vers la paix n’existe plus (…).

Nous considérons que la diplomatie française doit réexaminer sa stratégie dans le conflit du Haut-Karabakh : dénoncer avec force l’agression azerbaïdjanaise et exiger l’arrêt immédiat des violences de la part de l’Azerbaïdjan sous peine d’un soutien massif aux autorités du Haut-Karabakh qui passera par la reconnaissance de leur légitimité pleine et entière. »

Cette dernière phrase implique naturellement un soutien militaire à l’Arménie ; le soutien « passera par la reconnaissance », mais évidemment il ne saurait se contenter de cela puisqu’il doit être « massif ».

On est là dans une prise de partie unilatérale tout à fait classique de la Droite, mais de nombreuses figures se revendiquant de la Gauche ont également signé cette tribune où on cherchera en vain une dimension démocratique. C’est comme si ne comptaient que les Etats et en rien les peuples.

On a ainsi les signatures d’Eliane Assassi (présidente du Groupe communiste républicain citoyen et écologiste au Sénat), de Clémentine Autain, de Raphael Glucksmann, de Benoît Hamon, d’Anne Hidalgo, de Yannick Jadot d’EELV, de Pierre Laurent du PCF, de Marie-Noëlle Lienemann, etc.

Il suffira de faire remarquer à ces gens une simple chose. Il est dit dans la tribune, au sujet du Haut-Karabakh :

« Ce territoire, berceau de la civilisation arménienne et dont la population fut de manière ininterrompue au cours de l’histoire composée essentiellement d’Arméniens »

C’est tout à fait vrai. Alors posons la question aux signataires de gauche : puisqu’il y a ce mot « essentiellement », il y a donc des gens qui ne sont pas arméniens. Ils sont azéris, kurdes, etc. Où sont-ils alors ?

Eh bien ils ne sont plus là, car ils sont été expulsés. La conquête du Haut-Karabakh par l’Arménie s’est accompagnée d’une politique d’expulsion massive. Il y a 800 000 réfugiés azerbaïdjanais, qui ont été éjectés de leurs foyers au nom de la pureté ethnique arménienne valable « depuis trois mille ans ». Car c’est de cela qu’il s’agit également.

Source : Wikipédia

Bien entendu, les fauteurs de guerre sont aujourd’hui l’Azerbaïdjan et à l’arrière-plan les va-t-en-guerre turcs. Il faut les dénoncer et c’est le principal. Il faut toutefois pour être authentiquement démocratique ne pas se mettre à la remorque d’un État arménien corrompu, bureaucratique, militariste, qui a unilatéralement décidé d’annexer une partie du territoire azerbaïdjanais.

L’ONU a par de nombreuses résolutions insisté là-dessus. Les signataires de gauche ont-ils conscient que leur tribune foule aux pieds le principe d’intégrité territoriale et que n’importe quel envahisseur peut pareillement justifier une intervention « libératrice » ? Ont-ils compris qu’ils démolissent le principe même de droit international et qu’ils contribuent au principe de poussée expansionniste ?

La vérité est que l’Arménie et l’Azerbaïdjan sont dirigés par des nationalistes, qui poussent au crime, qui veulent l’épuration ethnique, parce que pour eux l’autre peuple est constitué de monstres. Alors, oui il faut stopper l’Azerbaïdjan, mais cela ne peut être qu’au profit du peuple et ce peuple est constitué du peuple arménien et du peuple azerbaïdjanais.

Quelle idée de se remettre à la remorque tant de la Droite qui veut renforcer les positions stratégiques françaises que des fantasmagories annexionnistes des nationalistes d’Arménie !

Le pire de tout cela est que c’est fait au nom de l’Arménie. Et ce pays se retrouve maintenant le dos au mur, à jouer son existence, parce que des fanatiques ont ouvert la boîte de Pandore de la haine entre les peuples, la haine implacable, celle de l’épuration ethnique, de la liquidation.

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Vers la guerre: les peuples d’Arménie et d’Azerbaïdjan victimes de grandes manœuvres

La guerre au Haut-Karabagh a, bien entendu, des raisons d’une bien plus grande ampleur qu’un simple conflit local : derrière, on a les manœuvres militaristes de puissances expansionnistes, conquérantes.

Le premier ministre arménien Nikol Pachinian a accordé une interview au Figaro le 2 octobre 2020 et dès la première question, il révèle le fond de la question alors qu’au Haut Karabagh, la guerre fait rage entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan.

« Le Figaro : Vous accusez l’Azerbaïdjan d’être soutenu militairement par la Turquie. De quelles preuves disposez-vous ?

Nikol Pachinian : Oui nous avons des preuves. La Russie, la France et l’Iran ont déjà reconnu l’implication de l’armée turque dans l’offensive de grande ampleur contre l’Artsakh [= le Haut Karabagh du point de vue des Arméniens pro-annexion]. »

On aura naturellement compris que dès le départ le premier ministre arménien insiste sur trois puissances épaulant l’Arménie et refusant l’expansionnisme turco-azéri : la Russie qui maintient l’Arménie comme satellite, l’Iran qui est juste sous l’Arménie géographiquement et ne veut pas de présence turque, la France qui est une grande puissance cherchant à satelliser également autant qu’elle le peut.

Or, il y a un souci dans ce panorama. L’Arménie a en effet connu un soulèvement populaire en 2018 et Nikol Pachinian est arrivé au pouvoir comme représentant des forces pro-Union européenne, la ligne officielle étant de décrocher doucement mais sûrement de la Russie.

Les forces pro-russe au pouvoir auparavant étaient farouchement nationalistes et agressives quant à la question du Haut-Karabagh et Nikol Pachinian a modifié la ligne. Il y a alors eu dans la foulée l’établissement d’une ligne directe entre les gouvernements d’Arménie et d’Azerbaïdjan, alors que les incidents à la frontière se sont pratiquement éteints.

Mais Nikol Pachinian a cédé devant les forces agressives en Arménie ; il est allé au Haut-Karabagh en août 2019 et a dit : « le Karabach, c’est l’Arménie, point final ». Le président azéri Ilham Aliyev lui a répondu par : « le Karabach, c’est l’Azerbaïdjan, point d’exclamation ! ».

On a ici une démagogie nationaliste de la part de gens représentant des couches dominantes jouant à la guerre avec leurs propres peuples. Et avec la crise économique, politique, militaire… ouverte par la crise sanitaire du covid-19, tout cela a pris une ampleur explosive à laquelle les protagonistes ne s’attendaient pas forcément.

La situation est déjà mauvaise à la base, mais désormais, la crise précipite tout, les tensions s’aiguisent comme jamais, la fuite dans la guerre devient une règle. Comment faire sinon pour trouver les milliards et les milliards dépensés pour sauver les économies et les couches dominantes ?

Les démagogues nationalistes se retrouvent ainsi pris au piège de leur démarche qu’ils doivent, qu’ils le veulent ou non, suivre jusqu’au bout. Les dirigeants arméniens se retrouvent dans un piège qu’ils ont eux-mêmes participé à tendre. Cela est d’autant plus vrai que… l’Azerbaïdjan est également un satellite russe et que la Turquie fait un forcing généralisé pour s’en faire son propre satellite, au nom de leur proximité historique définie de manière extrapolée par le principe « une nation, deux États ».

La Russie cherche donc à revenir en force auprès de son satellite arménien, alors que la Turquie cherche à s’implanter coûte que coûte dans une Azerbaïdjan satellisée par la Russie… et ce sont les peuples qui en paient le prix. La Russie a d’ailleurs annoncé le premier octobre qu’elle s’efforçait avec la Turquie de trouver une solution. Les peuples devront donc se soumettre aux injonctions et s’ils ne le font pas, ils seront pousser à un processus menant au bain de sang.

C’est le chantage poussé dans des proportions toujours plus insoutenables par la crise. Il faut le drapeau rouge de l’amitié des peuples, sinon la conflagration est inévitable !

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Qui sauvera l’Arménie de l’expansionnisme turc?

La guerre fait rage entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, avec à l’arrière-plan l’expansionnisme turc.

Qui aidera l’Arménie face à l’expansionnisme turc ? La situation est dramatique. L’Arménie se retrouve entourée de deux terribles ennemis, la Turquie et l’Azerbaïdjan, avec qui elle n’a aucune relation diplomatique. D’ailleurs, 834 kilomètres des 1000 formant ses frontières sont fermés ! Et elle n’a que trois millions d’habitants, alors qu’il y a 10 millions d’habitants en Azerbaïdjan et 82 millions en Turquie.

Ce n’est pas moins que l’existence même de l’Arménie qui est ainsi en jeu, alors que la guerre arméno-azérie fait rage au Haut-Karabagh. L’Azerbaïdjan revendique la mort de 2300 « séparatistes » arméniens, la destruction de 130 chars, 200 pièces d’artillerie, 25 batteries antiaériennes et de missiles sol-air S-300. L’Arménie revendique la destruction de 137 chars et blindés, de 72 drones et 7 hélicoptères et d’un avion militaire, ainsi 790 soldats azerbaïdjanais tués, et 1 900, blessés.

Qui aidera l’Arménie face à l’expansionnisme turc ? Certainement pas les dirigeants bureaucratiques et corrompus de l’Arménie, ni les grands bourgeois arméniens vivant à l’étranger, qui trahissent le peuple au profit de fantasmes grand-arméniens. Car seule la démocratie peut se confronter efficacement à l’expansionnisme et au militarisme… et l’expansionnisme et le militarisme turcs sont d’une virulence absolument terrible.

La Turquie a compris qu’elle ne serait pas en mesure de bousculer la Grèce en Méditerranée comme elle l’espérait, alors qu’en plus la France est intervenue et qu’elle est une grande puissance militaire maritime. Alors elle s’appuie sur l’Azerbaïdjan pour renforcer sa perspective panturque, voire pantouranienne, puisque l’objectif c’est « l’unité » de tous les peuples « turcs » jusqu’à la Chine.

L’objectif c’est – outre de provoquer la Grèce et la France indirectement – de chasser la population arménienne du Haut-Karabakh et même de démolir l’État arménien lui-même, afin d’étendre le territoire azérie. C’est l’existence même qui est en jeu. Elle le sait, elle se militarise depuis trois décennies afin d’être en mesure de préserver son existence, mais le régime étant corrompu, bureaucratique, il n’y a pas de mobilisation démocratique et de quête d’appuis internationaux sur une base démocratique. L’Arménie se retrouve seul, étant tombé dans le piège du nationalisme.

La question du Haut-Karabagh avait justement été subtilement réglé par l’URSS. Lénine et Staline voulaient neutraliser les nationalismes dans une partie du monde où ce travers était particulièrement prégnant. Ils ont ainsi rattaché le Haut-Karabagh, à majorité arménienne mais liée depuis quelques centaines d’années à l’Azerbaïdjan, notamment par l’intermédiaire de populations nomades, à la république soviétique d’Azerbaïdjan. Cependant, le Haut-Karabagh a obtenu une grande autonomie culturelle.

Cela a « forcé » l’Azerbaïdjan à reconnaître la culture arménienne et l’Arménie à se tourner vers l’Azerbaïdjan où vivait une minorité arménienne. Qui plus est, à l’ouest de l’Arménie et sans frontière avec l’Azerbaïdjan, se trouvait la République soviétique autonome du Nakhitchevan. Cela forçait d’autant plus à des interrelations arméno-azérie, pour deux peuples qui par ailleurs ont un parcours historique déjà fortement lié, comme en témoigne la culture commune des bardes, les ashiks.

Les peuples de l’Azerbaïdjan et de Turquie ne veulent pas la guerre. Mais ils sont entraînés par le nationalisme, le militarisme, l’expansionnisme. Il est pourtant possible d’empêcher cela. Il faut un drapeau de la démocratie qui soit fortement levé, qui assume l’internationalisme des travailleurs, l’amitié entre les peuples. Seul un tel drapeau peut amener le soulèvement face aux forces réactionnaires et on sait bien qu’en Turquie, et même en Azerbaïdjan, les forces en faveur de la démocratie existent, mais ont besoin d’aide. Il en va de la survie même de l’Arménie.

Seule la mobilisation démocratique des peuples du monde, à l’échelle la plus grande et en particulier dans le Caucase, peut sauver l’Arménie !