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Culture & esthétique

Triomphe bourgeois de l’exposition Van Gogh au musée d’Orsay

L’établissement public du musée d’Orsay et du musée de l’Orangerie – Valéry Giscard d’Estaing, plus connu sous le nom de musée d’Orsay, joue un rôle majeur dans le dispositif idéologique et culturel français. Il représente en effet le grand accompagnateur, celui qui présente de manière accompagnée la peinture du milieu du 19e siècle à 1914, en insistant de manière acharnée sur le rôle central de l’impressionnisme.

Autrement dit, c’est un lieu essentiel pour nier le réalisme, pour affirmer le subjectivisme, pour présenter l’individu et son égocentrisme comme inéluctable. Il n’y aura pas de révolution qui ne ferme le musée d’Orsay, et il n’y aura pas de révolution qui n’ait comme objectif de le fermer. Ou, plutôt, de le transformer, car le lieu, une ancienne gare, peut faire rêver.

Il est donc fort logique qu’il y ait un engouement bourgeois fondamental pour le musée d’Orsay et ses expositions. Celles-ci sont de véritables messes bourgeoises de masse. Celle qui fut le plus visitée depuis 1986, c’est Van Gogh à Auvers-sur-Oise, les derniers mois, tenue du 3 octobre au 4 février 2024, avec 793 556 visiteurs.

Le catalogue de l’exposition, 45 euros

Suivent dans le classement deux autres expositions, consacrées à deux autres géants du subjectivisme : Un poème de vie, d’amour et de mort consacré à Edvard Munch en 2022, avec 724 414 visiteurs, et Bleu et rose consacré à Picasso en 2018, avec 670 667 visiteurs.

Ce sont là des chiffres très importants. En soi, ils ne représentent rien en termes de qualité, car Van Gogh, Munch et Picasso sont des tapisseries bourgeoisies. Ils ne jouent aucun rôle à aucun niveau sur le plan culturel, à part éventuellement Guernica en cours d’histoire au collège.

Mais en termes de quantité, les chiffres sont puissants. Ils valent largement les chiffres des manifestants syndicalistes, surtout que culturellement l’impact est plus marqué, davantage prolongé. Avec Van Gogh, Munch et Picasso, on présente l’art comme un accident individuel, un déraillement créatif à vocation subjectiviste.

Champ de blé aux corbeaux, peint par Van Gogh quelques jours avant de se suicider en juillet 1890

Si Van Gogh a la préséance, c’est bien en raison du cliché qu’il véhicule justement sur ce plan. On a un artiste tourmenté, mettant fin à ses jours, n’ayant jamais connu le succès de son vivant, etc. La bourgeoisie porte la disharmonie et elle ne peut pas concevoir l’art autrement que comme un délire, une chute, un acte gratuit visant la toute-puissance de l’ego.

L’exposition avait un but précis : présenter de manière artificielle les derniers mois de Van Gogh comme un aboutissement créatif, une synthèse sans commune mesure. Le subjectivisme et le nihilisme de Van Gogh se voient ici présentés comme de l’art pur. Christophe Leribault, président des musées d’Orsay et de l’Orangerie, résume de la manière suivante cette mystique bourgeoise décadente sur l’art.

« Cette exposition prouvait que, jusqu’à la fin, Van Gogh s’est réinventé et frayait de nouveaux chemins pour l’art : à Auvers, il trouve des sujets nouveaux, développe un style plus synthétique, compose sur des formats différents, continue à réveiller les couleurs du monde en inventant des accords inédits, toujours avec cette expressivité hallucinante qui fait qu’un Van Gogh ne ressemble qu’à du Van Gogh ! »

On a ici la clef du charlatanisme bourgeois. Chaque artiste serait « unique », chaque grand artiste atteindrait une dimension unique qui serait incomparable.

En réalité, ce que célèbre la bourgeoisie, ce sont des artistes décadents dont la sensibilité est incapable d’aller à l’universel. Ils agissent comme un filtre d’un produit de graphisme qui prendrait une représentation de la réalité pour la déformer dans un sens ou dans un autre, en appelant cela de la nouveauté artistique.

Van Gogh? Ce n’est qu’un massacreur de Rubens. Il suffit de regarder des tableaux de Van Gogh, de regarder ensuite des tableaux de Rubens, de revenir à Van Gogh, et même sans être un expert en art, on voit comment Van Gogh n’est que du Rubens déformé, du Rubens sans la vigueur, du Rubens sans la technique, du Rubens sans la synthèse sur le plan de la composition.

L’Église d’Auvers-sur-Oise, peint par Van Gogh en juillet 1890
Rubens, Deborah Kip et ses enfants, 1630
Van Gogh, Autoportrait à l’oreille bandée, 1889
Rubens, Portrait équestre du Duc de Lerme, 1603

Il est tout à fait juste de ne voir en Van Gogh rien d’autre qu’un tenant de l’impressionnisme, dans une version simpliste-coloriste :

« Au sens strict, pour définir les choses de manière la plus nette, il faut résumer la peinture de Vincent Van Gogh comme de la gravure amenée à la peinture et dégradée en illustration de carte postale.

Vincent Van Gogh dévie littéralement toute une tradition germanique puis néerlandaise, avec un sens complexe de l’organisation du tableau, de la disposition des formes en mouvement, pour tout réduire à l’extrême. Vincent Van Gogh est une insulte à toute la tradition de la peinture flamande, dont il se veut évidemment le dépassement.

Vincent Van Gogh inaugure le colorisme, ce principe d’avoir quelques formes qu’on peut s’évertuer à remplir de couleur, pour se vider l’esprit.

C’est du crayonnage, comme plaisir personnel, avec un choix de couleur pour faire passer une impression. Cela peut être plaisant, on peut apprécier un aspect agréable dans une telle peinture ; ce n’en est pas de l’art par autant, ni même d’ailleurs de la décoration ou tout autre art appliqué.

C’est une fuite dans une démarche psychologisante formant une fin en soi.

La peinture de Vincent Van Gogh a une dimension accessible qui forme un piège terrible : une bourgeoisie pétrie d’oisiveté se complaît dans son moi, tout comme elle sera fascinée justement par la psychanalyse. Les peintures simplistes-coloristes de Vincent Van Gogh apparaissent alors comme de la culture, alors qu’ils sont une production idéologique relevant d’une classe improductive.

On peut d’ailleurs considérer que le néo-impressionnisme simpliste-coloriste de Vincent Van Gogh, c’est le cézannisme accompli. Là où Paul Cézanne considérait quelque chose manquait, car il était encore lié à l’Histoire de l’art au moins symboliquement, Vincent Van Gogh parvient à plonger dans le subjectivisme comme en fin en soi.

En cela, son style préfigure directement Pablo Picasso, même si pour la forme ce dernier relève au sens strict du cézannisme géométrique, sans la charge impressionniste renforcée comme chez Vincent Van Gogh.

Vincent Van Gogh est si fascinant pour la bourgeoisie, comme Claude Monet, car il est pareillement plaisant et complaisant.

C’est un monde sans profondeur et, d’ailleurs, ce qui est marquant, c’est que cette lecture idyllique-fragile du monde, même illusoire et purement esthétisante-psychologique, ne pourra pas être reproduit.

La bourgeoisie entrera dans une telle décadence que le sordide prévaudra, avec une incapacité de représenter quoi que ce soit.

Vincent Van Gogh est le symbole d’une nostalgie, celle de la Belle époque, d’une bourgeoisie installée et s’installant, d’un confort réel et rêvé, d’un maintien sans fin dans une aise aussi ouatée que les peintures impressionnistes et néo-impressionnistes. »

Le néo-impressionnisme simpliste-coloriste de Vincent Van Gogh

Van Gogh est un drapeau bourgeois, il est un outil idéologique, et non un grand artiste. Et sa célébration par le musée d’Orsay et par 800 000 visiteurs relève d’un dispositif bourgeois – contre le réalisme, contre la réalité, contre la Nature.

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Événements significatifs

Un gouvernement Attal pour faire face à la crise de 2024

Le président français Emmanuel Macron a décidé de modifier la personne tenant le poste de Premier ministre. C’est désormais Gabriel Attal qui est chargé du rôle essentiel de gouverner. Et si en apparence, on a un gouvernement marqué à droite pour ceux qui raisonnent à l’ancienne, en réalité, dans le contexte politique français, on a un gouvernement bourgeois moderne, taillé pour faire face à la crise de manière offensive.

Regardons par exemple le symbole qui est celui du Facebook officiel de gouvernement.fr. Il représente parfaitement l’approche bourgeoise moderne dominante. Les bourgeois « réacs », c’est du passé, désormais tout se vend, tout s’achète et il faut être dans les combines internationales du capitalisme occidental. C’est comme ça que ça se passe et pas autrement.

Gabriel Attal a d’ailleurs appartenu au Parti socialiste de 2006 à 2016. On est ici dans la bourgeoisie urbaine, financière, libérale, cosmopolite, pour qui tout est un terrain de jeu capitaliste.

Et le nouveau ministre des Affaires étrangères s’appelle Stéphane Séjourné. Ce n’est pas un secret qu’il a été plusieurs années en couple avec Gabriel Attal. Ce fils d’expat. – son père a fait carrière à l’international – ne vient pas de la droite non plus : il a été au Mouvement des jeunes socialistes et à l’Unef.

On est dans la bourgeoisie moderne, libérale, LGBT, alignée sur l’Otan, celle pour qui libéral rythme avec social, afin de préserver le paradis occidental, base consumériste pour la bourgeoisie vivant entre elle. On parle de gens vivant dans la richesse, dans des appartements somptueux dans les quartiers chics de Paris (ou des très grandes villes), voyageant sans cesse, disposant de résidences secondaires et de comptes en banque bien garnis, etc.

Le premier voyage de Stéphane Séjourné est évidement en Ukraine, où il s’est précipité dès sa nomination pour une visite présentée comme un « message adressé aux Ukrainiens ». Il a expliqué que:

« C’est en Ukraine que se joue la défense des principes fondamentaux du droit international, des valeurs de l’Europe, mais aussi des intérêts de la sécurité des Français. »

Par conséquent, « en dépit de la multiplication des crises », il faut savoir que « l’Ukraine est et restera la priorité de la France ».

C’est là tout à fait en phase avec l’idéologie dominante du monde occidental, libéral et consommateur, et bien sûr décadent. L’occident n’est plus qu’un parasite mondial, il n’a plus de dynamique, il ne vit que de la vente des rêves arc-en-ciel et du rêve américain de faire carrière dans la finance.

C’est tellement vrai que le gouvernement contient deux aberrations. La ministre des Sports est également ministre de l’Éducation nationale. Vu le travail à mener, c’est impossible. Il est dit que le Premier ministre, qui a été quelques mois ministre de l’Éducation nationale, va s’en occuper. Cela ne tient pas debout pour autant. On est dans le doux-rêve d’une bourgeoisie déconnectée.

On a également la ministre du Travail qui a la double casquette de ministre de la Santé. C’est totalement aberrant de par l’immense ampleur du travail à mener. C’est là une centralisation incohérente, où le subjectivisme est total. On confine au délire, la bourgeoisie perd les pédales pour croire qu’une telle démarche puisse tenir.

Dans un même ordre d’idées décadentes, on a Rachida Dati, ministre de la Culture, alors qu’elle est totalement extérieure à la question de la culture. Elle est nommée pour son passé de membre de la Droite et car elle est d’origine immigrée et populaire. C’est fictif, artificiel, comme tout ce qu’entreprend la bourgeoisie.

Et il faut arrêter le populisme et le misérabilisme délirant des gens de Gauche se croyant en 1983. Non seulement c’est faux, mais en plus cela désarme face à l’ennemi.

On a, si on regarde les choses vraiment, affaire ici à la bourgeoisie moderne, qui n’est plus raciste, pour qui tout est échange international, pour qui la superpuissance américaine est la gardienne du temple capitaliste avec l’Otan, pour qui l’Union européenne est l’organe supra-étatique chargé à l’arrière-plan d’assurer la modernisation.

La France est dans les faits pratiquement un protectorat américain, avec les institutions européennes chargées de la surveiller, notamment avec Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne (depuis 2019), après avoir dirigé le FMI (de 2011 à 2019) et avoir été ministre de l’Économie (de 2007 à 2011).

Alors, si ce n’est pas un gouvernement « de droite », c’est quoi ? C’est un gouvernement de choc de la bourgeoisie moderne, libérale, cosmopolite, décadente, pour passer l’année 2024 qui va être celle de la crise.

C’est la tentative de passer en force, dans la logique Occident – Otan – LGBT.

C’est la tentative de ré-impulser le capitalisme occidental en prenant le dessus sur les concurrents nouveaux, surtout la superpuissance chinoise, mais également la Russie qui doit être démantelée.

C’est le rêve vain d’une classe décadente.

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Culture & esthétique

Radio Classique, AOC, France Culture et Zhang Zhang

La polémique de la fin de l’année 2023 sur la musique classique est exemplaire et mérite d’être connue. En voici les étapes.

1. Tout part d‘AOC (Analyse Opinion Critique), qui est une sorte d’équivalent d’agauche.org mais en mode payant et avec une démarche d’universitaire contemplatif. Dans un article (payant), un professeur de l’École des hautes études en sciences sociales – pour faire simple un centre parisien de « sciences sociales » qui est le bastion des bourgeois intellectuels de gauche – attaque Radio Classique.

En voici les traits principaux :

« Radio Classique est une station de radio du groupe LVMH, dirigé par Bernard Arnault. Cet empire est connu pour ses activités dans le secteur du luxe (Louis Vuitton, Moët Hennessy, Fendi, Tiffany, Christian Dior, etc.) […].

Radio Classique se présente elle-même comme « le premier média en France sur la musique classique » que ce soit sur l’écoute, le streaming ou les podcasts. Officiellement, le positionnement de cette station s’ordonne autour de trois axes – la musique, l’information et la culture – mais en fait il est profondément politique et ancré à droite […].

Par « musique classique », on entend « classiquement », si l’on peut dire, la musique occidentale, savante et écrite s’étendant du Moyen-Âge à 1945. C’est sur cette conception, implicitement assumée par Radio Classique que s’appuie cette station de radio.

Fidèle auditeur depuis plusieurs années, j’ai pu noter que la plupart des morceaux de musique diffusés était puisée dans une séquence temporelle s’étendant du XVIIe à la première moitié du XXe siècle, pour résumer de Haendel, Bach et Scarlatti à Mahler et Rachmaninov. Sont donc exclues de ce répertoire ce que l’on nomme la musique populaire occidentale non écrite ainsi que la musique classique contemporaine (Schönberg, Berg, Webern, Boulez, Stockhausen, Messiaen, Cage). Sont exclues également les musiques non-occidentales (…).

Le socle de la programmation de Radio Classique est donc constitué par un bloc musical « blanc » et conservateur. Ce socle fait lui-même partie d’un environnement artistique, culturel et journalistique bourgeois et de droite. »

Radio Classique ou la production d’une culture musicale « blanche » et de bon ton

L’article parle également de :

« la forme « concert » de musique classique, qui est le mode de consommation bourgeois par excellence ».

Radio Classique ou la production d’une culture musicale « blanche » et de bon ton

Cette dénonciation du concert de musique classique comme bourgeois « par excellence » est typique des bourgeois de gauche, avides de décadence anti-historique sous prétexte de modernité. Sous prétexte de critiquer la manipulation du classique par la bourgeoisie conservatrice, on en arrive à un appel au nihilisme moderne.

2. L’article d’AOC, passé forcément inaperçu de par le caractère confidentiel du site, date du 20 novembre 2023. La polémique prend une réelle dimension avec une chronique sur France Culture, le 27 novembre. Dans « Radio Classique, une radio conservatrice ? », la chroniqueuse s’appuie sur l’article d’AOC, pour en accentuer les traits.

Et, il faut le dire, le caricaturer. L’article sur AOC est très sérieux, on peut en rejeter le contenu mais son auteur a indéniablement une solide culture. Ce qui est raconté sur France Culture est par contre du niveau d’un compte Twitter.

« Parlons musique en effet, puisque c’est ça qu’on entend surtout et qu’on cherche quand on écoute Radio Classique. L’article de Jean-Loup Amselle mériterait sans doute d’être approfondi sur cette thèse, selon laquelle le choix éditorial des morceaux passés à l’antenne est à l’avenant des publicités et des contenus parlés : une musique classique qui se situe principalement entre Haendel et Rachmaninov, très peu d’incursions dans la musique du 20e siècle, très peu aussi dans la musique non-occidentale.

Après petite vérification sur le site, qui liste les morceaux passés dans l’heure, c’est une évidence : Bach, Haydn, Mozart, Beethoven, Schubert/Schumann : la musique classique, c’est comme d’ailleurs pour beaucoup d’autres en dehors de Radio Classique, la musique blanche, composée entre 1680 et 1890 : c’est la musique classique qu’on identifie immédiatement, même si on n’est pas connaisseur, c’est en fait, de la mélodie.

C’est à ce mot que j’ai pensé tout de suite vendredi devant mon poste, à l’écoute de cette fin de sonate de Mozart parmi les plus connues et de ce début de concerto de Bach, un tube du classique, autant de morceaux poncés par la publicité ou le septième art, de chefs-d’œuvre qu’on n’entend plus vraiment ainsi diffusés en playlist, sans être édités, sans commentaire sur la spécificité de leur interprétation – une sorte de bruit de fond, jolie mélodie, très à l’opposé de la culture mélomane.

Dans le fond, Radio classique, c’est un peu le “Chante France” de la musique dite classique. Il y a un devenir variété de ces morceaux juxtaposés ainsi, qui en plus serait une variété des dominants, armée contre le neuf. Pas élitiste, c’est facile d’écouter Radio Classique, seulement bourgeois. »

Radio Classique, une radio conservatrice ?

Assimiler la musique classique à la mélodie, c’est ne rien comprendre à la musique classique. La musique classique, c’est en effet tout sauf seulement la mélodie, car celle-ci est associée au contrepoint. C’est Bach qui est le premier à inaugurer l’association de « l’harmonie » et du « contrepoint ».

Le « rap », tel qu’on le connaît depuis les années 2000, se contente de mélodie, par exemple ; il n’y a pas différentes couches musicales se superposant, se renforçant, se combinant. C’est pourquoi Kanye West, Travis Scott, Frank Ocean… ne font pas du « rap », car eux mélangent, combinent, superposent, cherchent à synthétiser.

On pourrait penser que la chroniqueuse de France Culture veut en fait critiquer la musicalité facile, cet esprit d’opérette, voire d’opéra, où l’on retient juste un air sans chercher plus loin. Sauf que ce n’est pas le cas, dans la mesure où la chroniqueuse parle de Bach, Haydn, Mozart, Beethoven, Schubert/Schumann.

On parle ici de géants de la musique, d’une ingéniosité formidable. Ce que la chroniqueuse dénonce en réalité, ce n’est pas la mélodie, c’est l’harmonie. C’est conforme au capitalisme en guerre contre l’harmonie, car il est décadent, court à sa perte et veut tout prendre avec lui dans les enfers de la destruction.

3. Le Figaro est rentré dans la bataille le 1er novembre 2023. Ce quotidien est conservateur politiquement, mais sur le plan des valeurs il est très libéral à l’américaine, et cette incohérence l’amène à se contredire régulièrement. Ici, il prend les choses politiquement en interrogeant Zhang Zhang, violoniste membre de l’Orchestre philharmonique de Monte-Carlo. Elle avait déjà pris la parole dans Le Figaro début 2021 pour refuser le principe de critères ethniques pour l’appartenance à un orchestre.

Voici ce que cela donne :

« LE FIGARO. – Dans un billet d’humeur sur France Culture, une chroniqueuse s’en prend à la programmation de Radio Classique: «Bach, Haydn, Mozart, Beethoven, Schubert/Schumann : la musique classique, c’est comme d’ailleurs pour beaucoup d’autres en dehors de Radio Classique, la musique blanche, composée entre 1680 et 1890 […] très à l’opposé de la culture mélomane». En tant que violoniste, quel regard portez-vous sur ces propos ? »LE FIGARO. – Dans un billet d’humeur sur France Culture, une chroniqueuse s’en prend à la programmation de Radio Classique: «Bach, Haydn, Mozart, Beethoven, Schubert/Schumann : la musique classique, c’est comme d’ailleurs pour beaucoup d’autres en dehors de Radio Classique, la musique blanche, composée entre 1680 et 1890 […] très à l’opposé de la culture mélomane». En tant que violoniste, quel regard portez-vous sur ces propos ?

ZHANG ZHANG. – Tout d’abord, quels sont les critères pour être «mélomane» ? Qu’est-ce que la culture mélomane exactement ? Y a-t-il une liste spécifique de musique qu’ils doivent apprécier pour se qualifier ?

En tant que musicienne classique non-blanche, et comme pour des millions de personnes sur cette planète, ce qu’ils appellent la «musique blanche» est considéré comme un patrimoine commun célébrant notre humanité.

Partout dans le monde, des artistes et des mélomanes de toutes origines et de toutes cultures écoutent, apprennent, partagent, jouent et apprécient cette musique. »

Zhang Zhang: «Quand France Culture s’offusque que Radio Classique diffuse de la musique… classique»

C’est une défense de l’universel, mais qui a des limites. Zhang Zhang fait en effet ensuite l’éloge du libéralisme où chacun peut apprécier ce qu’il veut, et qu’on laisse les gens qui apprécient la musique classique en écouter, sans avoir à leur dire de le faire ou de le faire différemment.

4. La Gauche historique défend la musique classique et le classicisme en général, au nom de l’héritage historique. Si Bach, Haydn, Mozart, Beethoven, Schubert/Schumann sont des classiques, c’est d’ailleurs avant tout parce qu’ils ont réussi à intégrer les airs populaires de leur époque, cette musicalité du peuple qui flotte dans la culture, dans leurs propres œuvres. Il suffit de s’intéresser à leur parcours pour voir comment ils sont ancrés dans la musique populaire.

Naturellement, le capitalisme veut tout dissoudre en marchandises et partant de là, récuse le classicisme. C’est récent, car jusqu’à 1989, la bourgeoisie faisait tout pour s’approprier à l’inverse la musique classique, afin de se prétendre porteuse de civilisation.

D’où un conflit inévitable entre les bobos « modernes » qui veulent du bruit et rejettent le principe d’harmonie, et les bourgeois « à l’ancienne ».

Mais les bourgeois « à l’ancienne » peuvent-ils encore porter la musique classique ? Absolument pas. Là est la différence entre les bobos de gauche qui veulent supprimer la musique classique et la gauche historique qui considère que le prolétariat doit sauver la musique classique.

Radio Classique appartient en effet au groupe Les Échos-Le Parisien, au même titre que les quotidiens Les Échos et Le Parisien, la revue mensuelle Connaissance des arts, la chaîne Mezzo, le site Boursier.com et l’institut Opinion Way. Ce groupe appartient lui-même à LVMH – Moët Hennessy Louis Vuitton, où on retrouve Louis Vuitton et Christian Dior, les champagnes Moët & Chandon et Dom Pérignon, les montres et bijoux Bulgari et TAG Heuer, les magasins Le Bon Marché et Sephora, etc.

On a là affaire à un monopole et ce monopole appuie à la fois l’esprit de marchandisation généralisée et l’art contemporain, les deux allant de pair. Partant de là, la musique classique est forcément condamnée. Il y aura des concerts de musique classique tant que des gens au-dessus de trente ans seront encore suffisamment éduqués pour en apprécier ou du moins en respecter la signification. Mais plus ces générations disparaîtront et plus le capitalisme procédera à la liquidation de la musique classique.

Il suffit d’ailleurs de voir que, disposant de toujours moins de culture, les bourgeois « mélomanes » tendent à une musique classique de prêt à porter et d’entre-soi, sans esprit ni profondeur, ce que dénoncent à juste titre les bobos de gauche… Sauf que les bobos de gauche ont comme réponse à ce problème le culte du bruit nihiliste et subjectiviste, présenté comme « contemporain ».

C’est pourquoi, en réalité, le camp du Socialisme gagnera forcément à lui des bourgeois éduqués, désireux de préserver l’héritage. C’est ce qui arrivé au moment de la révolution russe, où nombre de compositeurs qui avaient pris la fuite sont revenus et ont participé à la culture soviétique. Il est bien connu que l’URSS est indissociable de la musique classique, tout comme en architecture le classicisme était la grande orientation (ainsi que dans les démocraties populaires, en RDA par exemple).

Il ne faut pas se faire piéger par les bobos modernes nihilistes ni les conservateurs idéalistes asséchés ; il faut préserver l’héritage, se mettre à son niveau, et ainsi être reconnu historiquement comme les porteurs réels de la civilisation.

Qu’il en soit comme à la fin de la Flûte enchantée, où l’obscurité est chassée, alors que triomphent les Lumières et l’ordre harmonieux… « Lumière éternelle, Dissipe la nuit, Détruis la puissance Conquise par l’erreur ! Paix à vous, mes frères, O vainqueurs de la Nuit ! »

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Guerre

La double ligne allemande sur l’Ukraine

La bourgeoisie n’est jamais un bloc unifié.

Couverture du quotidien allemand avec le chancelier Olaf Scholz et la ministre des Affaires étrangères Annalena Baerbock : « La fissure »

L’intérêt de porter un regard sur la ligne allemande dans les Affaires extérieures est double. Déjà, cela permet de voir comment les contradictions entre grandes puissances se façonnent. C’est un aspect directement utile.

Ensuite, cela permet de voir que la bourgeoisie n’est jamais un bloc unifié et qu’en son sein de multiples factions s’affrontent. C’est une leçon indirecte pour la situation française.

Surtout que la question de cette « double ligne allemande » a atteint un point de non-retour. Le chancelier Olaf Scholz, un social-démocrate, est en confrontation ouverte avec la ministre des Affaires étrangères Annalena Baerbock, une écologiste.

Toute la presse allemande « sérieuse » aborde ouvertement la question, pour saluer l’un, pour saluer l’autre, pour s’arracher les cheveux devant une telle crise, alors que l’Allemagne est partie prenante du bloc occidental pour détruire la Russie.

Ministère allemand de la Défense : le ministre de la Défense Pistorius à Ramstein, avec le secrétaire américain à la Défense Austin ouvrant la cnférence pour coordonner le « soutien » à l’Ukraine

Concrètement, Annalena Baerbock a agi en coulisses afin de faire triompher la ligne anglo-américaine. Elle a poussé à fond pour que des chars Leopard 2 soient livrés au régime ukrainien, y compris sans dire ce qu’elle faisait, ou le masquant au chancelier.

Le quotidien d’importance Die Zeit parle notamment d’un voyage à Londres où elle a demandé à son homologue britannique James Cleverly de livrer des chars Challenger au régime ukrainien, afin de forcer la main à l’Allemagne.

Autrement dit, Olaf Scholz aimerait temporiser, ce qui représente les intérêts de la bourgeoisie allemande, qui aimerait tirer son épingle du jeu. La ligne d’Olaf Scholz est d’impliquer au maximum la superpuissance américaine, pour que celle-ci ne se soit pas en mesure de se défausser si les choses ne tournent pas très bien. En cas de désastre sur le front ukrainien, l’Allemagne serait la première à en payer le prix.

Annalena Baerbock représente les intérêts de la bourgeoisie s’alignant entièrement sur la superpuissance américaine. Il faut y aller à fond, à tout prix, il y a tout à gagner. C’est la même ligne qu’Emmanuel Macron en France. Annalena Baerbock exprime cependant ça de manière encore plus ouverte, car elle est écologiste, et les écologistes de toute l’Europe occidentale sont devenus littéralement une annexe de la CIA.

D’où ses propos au Conseil de l’Europe, le 24 janvier 2023, en appelant à l’unité : « Nous sommes en guerre contre la Russie, pas entre nous ».

Annalena Baerbock en Ukraine le 10 janvier 2023 : « Soyez certain que l’Allemagne vous soutiendra sur toute la ligne ».

C’est là une contradiction interne à la bourgeoisie allemande, et elle touche tous les aspects de la « diplomatie », c’est-à-dire des orientations stratégiques bourgeoisies.

Le chancelier Olaf Scholz cherche, pour prendre un autre exemple, à pareillement temporiser avec la Chine, un pays qu’inversement Annalena Baerbock considère ouvertement comme un ennemie. Et elle met les pieds dans le plat, pour savonner la planche au chancelier. Lorsque celui-ci est allé à Pékin en novembre 2022, juste avant son départ elle rappelle que la coalition gouvernementale considère la Chine comme un « rival systémique ».

Le chancelier allemand Olaf Scholz et le président chinois Xi jinping en novembre 2022

Il en va de même pour la Turquie : Olaf Scholz veut temporiser, c’est la ligne officielle, mais Annalena Baerbock est ouvertement pour une ligne agressive contre la Turquie, comme elle l’a ouvertement formulé à l’été 2022.

Comme on le voit, il n’y a rien d’unifié dans la ligne allemande. Rien de plus faux que de voir la bourgeoisie comme unifiée, capable de raisonner, de former une stratégie, etc. C’est une classe décadente.

Et dans ce processus de décadence, les factions cherchent chacune à prendre le dessus. Ne pas sombrer à la remorque d’une d’entre elles exige d’avoir un haut niveau d’économie politique. On peut par exemple voir que le mouvement actuel contre la réforme des retraites est entièrement au service d’une faction bourgeoise social-impérialiste. La preuve ? Le thème de la guerre contre la Russie n’existe tout simplement pas. C’est très révélateur.

L’autonomie stratégique des masses populaires est une condition à leur libération, et pour cela il faut un haut niveau de conscience, un haut niveau d’analyse – c’est à cela que sert et que reflète agauche.org.

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Société

Sorare, le business du vide

Quand les investisseurs misent sur du vent.

Il est parlé de la plus haute levée de fonds de l’histoire des entreprises françaises du secteur numérique : 680 millions de dollars le 21 septembre 2021. Cela valorise ainsi la « start-up » Sorare à 4,3 milliards de dollars et elle est déjà considérée comme rentable avec 100 millions de revenus prévus pour 2021.

Qu’est-ce qui peut donc autant faire tourner la tête des investisseurs, quelle innovation peut-elle susciter autant d’engagement financier ? La réponse est… rien ! Car Sorare n’a absolument rien à vendre concrètement, si ce n’est d’absurdes et inutiles algorithmes.

L’entreprise se présente comme un jeu de fantasy football, c’est-à-dire un jeu de stratégie basé sur les résultats réels des équipes de football. Cela n’a rien d’extraordinaire et il en existe de nombreux, tel MPG ou Fantasy Premier League. C’est éventuellement sympathique, mais cela ne vaut certainement pas plusieurs milliards. Là n’est donc pas le sujet.

Ce qui fait la particularité de Sorare, c’est surtout de proposer des « cartes » de joueurs de football à collectionner. Ce qui est suggéré, c’est une sorte d’équivalent numérique des fameuses étiquettes autocollantes Panini.

Il y a pourtant une grande différence. Dans le cas des Panini, il y a quelque-chose à produire. Il faut fabriquer les autocollants et les albums à images, il faut distribuer tout cela et faire vendre le tout par des magasins. Cela permet de produire de la valeur, et donc de la richesse, de manière on ne peut plus classique. C’est une valeur qui n’est pas particulière à chaque carte (elles sont d’ailleurs produites en quantité égale) qui ne vaut que quelques centimes individuellement, mais une valeur générale propre à la chaîne de production (tant de millions de cartes vendues génèrent tant de bénéfices, etc.)

Dans le cas de Sorare, il n’y a rien à produire concrètement, à part un peu de mise en page et d’agrégation de contenu. Bien sûr, le numérique est quelque chose de concret, de physique, puisqu’il s’agit d’informations gravées sur des serveurs informatiques. Mais cela ne va pas plus loin, car par définition une donnée numérique est copiable très rapidement et facilement pour un coût tout à fait négligeable. Autrement dit, n’y a aucune opération productive permettant de réaliser une plus-value industrielle avec des « cartes » numériques, puisque elles n’ont pas de valeur matérielle particulière, et encore moins de valeurs par rapport à une chaîne de production.

L’« astuce » de Sorare se situe précisément ici, avec la prétention justement de créer de la valeur numérique. Comme le nom de l’entreprise le suggère (So Rare signifie quelque-chose comme « tellement rare »), l’idée est de créer de la rareté en produisant des « cartes » numériques uniques via un algorithmes. La « technologie » utilisée est appelée NFT et fonctionne sur le principe de blockchain, exactement comme le Bitcoin. Ce qui est vendu par Sorare, c’est le fait de créer de pseudo-cartes ayant une identité unique.

Cela n’a aucun sens, c’est même antagonique avec l’idée du numérique qui est justement de pouvoir diffuser rapidement et massivement une information. L’idée de génie de Sorare est donc de créer artificiellement une pénurie, de brider cette possibilité, avec une certification algorithmique.

Pour le dire autrement, c’est comme si on empêchait le copié-collé. On a une image et un texte, que l’ont peut normalement reproduire facilement (c’est là dessus qu’est basé internet, même dans sa version payante). La « technologie » NFT permet d’empêcher cela en certifiant une production numérique (de manière très relative toutefois, car les possibilités de calcul permettront probablement bientôt de contourner cela).

Concrètement, Sorare procède régulièrement au design des « cartes » de joueurs de football, de manière limitée, puis les met en vente. Et il y a donc en face des gens qui paient pour avoir un bout de code informatique « certifiant » que l’image qu’ils voient sur leur écran est « unique ».

On notera d’ailleurs qu’en tant que tel Sorare n’a rien inventé puisque le jeu vidéo Fifa avec son mode FUT fait la même chose depuis des années. Des « cartes » sont produites de manière limitée puis vendues (via un système de loterie très opaque) et elles permettent ensuite de jouer avec les joueurs ainsi créés. Sorare reprend le même principe, mais sans le jeu (la fantasy league n’est pour Sorare qu’un prétexte, car le but est la collection pour la collection).

Cela n’a aucune utilité, d’autant plus que c’est du gaspillage de ressource, car il faut beaucoup de capacité de calcul pour produire et faire exister de tels algorithmes. Mais ce qui intéresse vraiment les investisseurs, car ils sont littéralement fascinés par un tel projet, c’est précisément la possibilité d’un marché secondaire. En effet, qui dit quelque chose d’unique (ou soit-disant) et de « hype » (selon leur point de vue), dit possibilité de spéculer dessus.

C’est exactement le même principe que pour l’« art » contemporain ou les crus et cépages de vin, ou encore les images GIF relevant de la technologie NFT. Il existe des gens qui sont tellement riches que les richesses réelles ne leur suffisent pas. Alors, comme ils ont besoin d’accumuler encore et encore, de placer et garantir toujours plus leurs richesses, ils inventent de nouvelles « richesses » pour de nouvelles dépenses et du nouveau « capital ».

Quand on est riche, on achète donc très cher une pseudo œuvre, sans aucune sensibilité artistique mais réalisée par quelqu’un d’« unique ». On achète très cher une bouteille de vin simplement car il a été décrété qu’elle était exceptionnelle. Et donc en 2021, ces gens n’ont même plus besoin de faire semblant de posséder quelque chose : ils possèdent l’idée de quelque chose, l’idée d’une carte d’un joueur de football.

D’un point de vue philosophique, c’est très significatif, cela en dit long sur notre époque et les valeurs qui l’animent. 4,3 milliards de dollars et autant de bruit pour réaliser des choses aussi futiles et qui n’existent d’ailleurs même pas en tant que telles (ces « cartes » ne sont pas réellement uniques) : c’est vraiment l’œuvre d’une société marchant sur la tête, ayant perdu tout rapport au réel.

Mais ce qui est vraiment terrible dans tous cela, ce n’est pas tant que des grand bourgeois spéculent et trouvent toujours d’autres moyens de spéculer. Ils le font déjà depuis des dizaines d’années avec le marché secondaire des produits financiers ou l’immobilier. Le plus terrible, c’est qu’un projet aussi délirant et futile que Sorare ne subisse absolument aucune critique populaire, et qu’on trouvera même par milliers des gens des classes populaires pour trouver cela bien.

C’est là qu’on comprend toute l’importance de la bataille culturelle pour changer le monde : si les gens du peuple ne sont pas capables de renverser la table sur de tels sujets, s’ils se font avoir avec des telles arnaques idéalistes, alors ils n’ont rien à attendre du futur pour l’instant. Mais la crise obligera probablement les gens à voir la réalité en face, et saisir le sens réel et concret des choses ! Il le faudra en tous cas.

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Société

Roland-Garros: quand le sommet de l’État cède à quelques nantis

En autorisant les 5 000 spectateurs de la demi-finale messieurs du tournoi de Roland-Garros vendredi 11 juin 2021 à braver le couvre-feu, le sommet de l’État a fait un acte de lutte des classes. C’est le bon vouloir du prince pour une minorité bourgeoise et sans aucune justification sociale, au mépris du plus grand nombre et de toute responsabilité collective. Bien que symbolique, cela constitue un acte anti-démocratique d’une grande portée politique. 

Le tennis est devenu en France ces dernières années un sport très populaire, embrassant toutes les classes sociales. Il n’empêche que culturellement, cela reste un sport bourgeois et marqué par un style grand bourgeois. Le tournoi annuel de Roland-Garros, l’une des quatre plus prestigieuses épreuves mondiales, est particulièrement lié à ce style typique de l’Ouest parisien, avec la grosse montre de luxe, le Perrier citron et le pull en laine posé sur le polo Lacoste au col relevé. Les rencontres ont lieu dans le très chic XVIe arrondissement de la capitale et les billets sont particulièrement chers et difficiles à se procurer. 

Il y a tout un système garantissant l’entre-soi puisque les billets sont d’abord vendus aux présidents de clubs, avant d’être disponibles pour les licenciés de la Fédération et ensuite au grand public. Cela sans compter bien sûr toutes les possibilités de copinage plus ou moins officielles, avec les places réservées pour les partenaires plus ou moins officiels, les entreprises, etc. 

Tout cela fait que le public de la demi-finale du tournoi 2021 entre Novak Djokovic et Rafael Nadal ne consistait pas en n’importe qui d’un point de vue de classe. Et le gouvernement a donc fait le choix de leur céder, de céder à un caprice de grands bourgeois. 

Cela faisait en effet plusieurs jours que tous ces gens hurlaient au scandale chaque soir, quand il fallait interrompre la partie pour leur demander de partir afin de respecter le couvre-feu, comme n’importe quelle autre personne en France. On avait ainsi des nantis habitués à ce que toute la société soit dédiée à leur service et leur bon vouloir, refusant systématiquement tout effort collectif, qui ne comprenait pas qu’on leur demande de faire comme tout le monde. 

La décision a donc été prise en haut lieu de leur céder, et ces gens ont tout de suite compris (par réflexe de classe) qu’il s’agissait du bon vouloir du prince : “merci Macron, merci Macron’, ont-ils alors scandé dans le stade, de manière aussi honteuse que pathétique. Il a ensuite été fait préciser par la presse que la décision venait du cabinet du premier Ministre et non pas de l’Élysée, probablement pour ne pas trop écorcher l’image d’Emmanuel Macron, ni renforcer son étiquette de président des riches. Mais on a du mal à croire que le président lui-même puisse ne pas être mouillé dans une telle décision.

En attendant, il est complètement hallucinant qu’une telle attention soit portée à si peu de gens, pour leur autoriser quelque chose n’ayant à ce point aucun sens. Cela en dit tellement long sur la décadence au sommet de l’État et le décalage existant entre la bourgeoisie et le reste de la société.

Jamais une telle décision n’aurait été prise pour du football par exemple, car on retrouve dans les stades un public essentiellement issu des classes populaires et dont l’habitude n’est justement pas d’insulter l’intérêt collectif et la discipline sociale. C’est là un marqueur de classe significatif, et il est temps que la société se mette à jour en ayant au pouvoir les bonnes personnes, c’est-à-dire justement les classes populaires !

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Société

Restaurants clandestins à Paris: on veut les noms et la guillotine

C’était un secret de polichinelle, mais la chaîne M6 a mis les pieds dans le plat avec un reportage en caméra cachée. Il y a en pleine crise sanitaire des restaurants clandestins de luxe ainsi que de nombreuses soirées privées pour le « tout Paris », et il se dit même que des ministres y participent. Il va falloir que des noms sortent et que des têtes tombent rapidement, car le scandale est explosif dans un pays à bout de nerfs, traumatisé par un an de crise sanitaire et des nouvelles mesures de restrictions…

Le reportage de M6 info est un véritable pavé dans la mare. Du champagne, du caviar, des menus à plusieurs centaines d’euros dans des hôtels privés parisiens où tout le monde se fait la bise en pleine crise sanitaire, puis un farfelu amoral qui explique ne pas voir le problème, arguant même de croiser régulièrement des ministres !

https://twitter.com/m6info/status/1378089447271596038

Voilà une belle caricature, pourtant bien réelle. Et alors que les Français subissent depuis un an l’inconsistance du gouvernement et du chef de l’État face à l’épidémie de Covid-19, la pilule ne passe pas, ne peut pas passer.

La ministre « de la citoyenneté » Marlène Schiappa a également commis une grosse bourde en expliquant à la télévision simplement que si des ministres ou des députés étaient concernés, ils devraient avoir des amendes. Sa légèreté aurait pu lui coûter cher immédiatement ; heureusement pour elle, un auditeur a posé la question de la démission et elle a dû acquiescer.

C’est en effet la moindre des choses, et une démission ne serait d’ailleurs qu’un préalable à un procès retentissant. On ne parle pas ici de simples écarts, mais d’une atteinte très grave à l’ordre public et à la collectivité, par des personnes en ayant la responsabilité.

La cassure entre le gouvernement et le peuple est littéralement cristallisé. Et le procureur de Paris Rémy Heitz a été contraint d’ouvrir une enquête pénale dimanche 4 avril, confiée à la BRDP (Brigade de Répression de la Délinquance aux Personnes) pour les chefs de mise en danger de la vie d’autrui et travail dissimulé.

L’organisateur de la soirée filmée par M6 a été rapidement identifié par de nombreuses personnes comme étant Pierre-Jean Chalançon. Le reportage est lui-même explicite en parlant d’un « collectionneur renommé » puis en montrant un tableau de Napoléon, alors qu’il est un collectionneur fanatique de Napoléon et que sa résidence le Palais Vivienne est facilement reconnaissable sur les images.

D’ailleurs, l’impunité est telle dans le milieu des mondanités parisiennes que tout ça était affiché publiquement sur Instagram, de la part du chef Christophe Leroy conviant au Palais Vivienne avec une photo de Pierre-Jean Chalançon !

Mais ce n’est pas tout. Voici une vidéo récente, datant du 1er février 2021, pour se rendre compte de qui on a à faire :

C’est bien sûr imbuvable, mais tellement typique de la grande bourgeoisie parisienne (y compris de nombreuses personnalités politiques) qui adore littéralement ce genre d’hurluberlu. Mais surtout, Pierre-Jean Chalançon y explique avec la plus grande quiétude qu’il organise à partir de la semaine suivante un « club des gastronomes », pour faire venir « tout ce qui est made in France », qu’il recevra deux fois par mois avec le chef Christophe Leroy aux fourneaux dans ce qui est donc un restaurant clandestin.

Il explique également beaucoup travailler avec Yves Jégot (ancien secrétaire d’État), régulièrement reçut à l’Élysée. Il explique avoir « beaucoup d’amis au gouvernement », bien connaître Jean-Baptiste Lemoyne (Secrétaire d’État chargé du Tourisme, des Français de l’étranger et de la Francophonie), Franck Riester (Ministre du Commerce extérieur et de l’Attractivité), Roselyne Bachelot (ministre de la Culture), avoir des amis « dans les ministères » à différents postes, par exemple chez Gabriel Attal, le porte parole du gouvernement.

Et Pierre-Jean Chalançon affirme dans la foulée que Attal doit « venir dîner prochainement » !

Ce monsieur affirme également avoir « pas mal de copains au Sénat et à l’Assemblée nationale », citant Florian Bachelier, un de ses « meilleurs amis », qui s’avère être le premier questeur de l’Assemblée nationale.

On a ensuite le droit à un étalage de son spectre amical dans le monde politique, avec Robert Hue, ancien premier secrétaire du PCF, qui aurait été le premier à lui envoyer ses vœux cette année, puis des figures de la droite comme Rachida Dati, Michèle Alliot-Marie. Il serait aussi très amis avec les cousins de François Hollande, qu’il connaît également.

Son spectre est tellement large qu’il va jusqu’à Jean-Marie Le Pen… chez qui il s’est rendu en juin 2020 à l’anniversaire. L’affaire avait fait scandale puisqu’il y posait, sans masque, au côté de… Dieudonné, antisémite notoire condamné à plusieurs reprises.

Suite à cette photo intolérable, il avait logiquement été exclu d’une émission sur France 2.

À propos de Jean-Marie Le Pen, Pierre-Jean Chalançon joue les candides, expliquant aller régulièrement à tous plein d’anniversaires et ne pas voir de mal à aller à celui-ci plutôt qu’un autre, ne pas se poser la question de qui pense quoi, etc.

C’est très bourgeois. Comme toute cette affaire. Et c’est exactement ce genre de choses que, dans l’Histoire populaire française, on déteste de la manière la plus complète. C’est de la même veine que le  « Eh bien ! Qu’il mange de la brioche » de Marie-Antoinette en 1789.

C’est exactement le genre d’anecdote historique qui donne son sens à toute une nouvelle séquence, une nouvelle époque pour les Français.

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Culture

Les Césars 2021 ou la pathétique complainte des bobos parisiens

La Cérémonie des Césars du 12 mars 2021 a été l’occasion d’un étalage particulièrement grossier et hors de propos de la part du petit milieu parisien du cinéma. En pleine pandémie de Covid-19 qui dure depuis maintenant un an, on a des gens s’imaginant à la pointe sur le plan culturel, mais dont la préoccupation est que la société se plie à leur vie de bohème coupée du peuple.

L’actrice Marina Foïs présentait la 46e cérémonie des Césars avec beaucoup d’ardeur, en robe Louis Vuitton conçue sur-mesure. Tel un prêche, sa prestation inaugurale « osait » interpeller directement la Ministre de la Culture présente dans une loge pour lui demander :

« Et comment faire lorsque l’on n’a plus confiance en son ministre de tutelle, à l’heure où se joue l’avenir du cinéma et de l’exception culturelle française ? »

Marina Foïs mérite assurément le César du meilleur cinéma fait par les gens du cinéma pour qu’on s’apitoie sur leur sort. Car l’« exception culturelle » française, c’est un milliard d’investissements par an pour quelque 250 films qui n’en rapportent même pas la moitié en salle !

L’« exception culturelle » française, c’est tout un tas de règles, de fiscalité et de subvention pour forcer à ce qu’existent des films français, avec une poignée d’acteurs et de réalisateurs extrêmement biens payés qui se partagent l’essentiel des rôles et des réalisations. Et tout ça pour qu’en fin de compte ce soit une comédie aussi creuse et insignifiante qu’« Adieu les cons » qui rafle le plus gros des prix en 2021.

C’est lamentable et forcément à un moment donné, un tel modèle est menacé. Cela n’a rien de durable d’autant plus que l’heure est à la crise sociale, sanitaire, économique, écologique. Mais les bobos parisiens ne sont pas habitués à rendre des comptes, alors ils s’imaginent que la société va éternellement consommer la soupe qu’ils produisent et jouent. Ou plutôt, ils l’exigent, quitte à assumer un cynisme inouï.

Sous couvert d’humour, Marina Foïs a ainsi prôné l’effacement des personnes âgées, car rien ne devrait entraver la vie de bohème des artistes :

« Comme ça tue les vieux, on a enfermé les jeunes et fermé les cinémas, les théâtres, les musées, et interdit les concerts pour ouvrir les églises – car on est un pays laïque – pour que les vieux qui ont eu le droit de sortir de l’EHPAD aillent à la messe ».

Difficile de faire plus odieux, plus coupé du peuple et de la réalité concrète et quotidienne de la société française. Le petit milieu parisien du cinéma s’imagine pourtant incontournable, car une des leur s’est déshabillée pendant la cérémonie avec sur le corps inscrit :

« No culture, no future » et « Rends l’art Jean » [allusion à Jean Castex, le premier ministre]

Tout cela est pathétique et terriblement décalé. C’est aussi d’une pauvreté culturelle affligeante, indigne de l’héritage culturel national français depuis le 17e siècle. Que dire également de Valérie Lemercier qui se trouve rebelle en disant « contente d’être sortie de chez moi », alors que la région parisienne n’est même pas confinée malgré la situation sanitaire catastrophique.

Il en est de même de cette célébration de la « troupe du splendide », avec Marie-Anne Chazelle, Josiane Balasko, Christian Clavier, Michel Blanc, Bruno Moynot, Thierry Lhermitte, jouant de l’embrassade sans masque et relativisant la crise sanitaire :

« Je m’aperçois que nous sommes cas contact depuis 50 ans ».

Rappelons qu’on a là des gens qui ont systématiquement promu le style et les mœurs bourgeoises parisiennes et dont le fonds de commerce humoristique a été de moquer les classes populaires pendant des années et des années.

Cérémonie bobo oblige, les Césars ont bien sûr été l’occasion aussi de l’habituelle pleurnicherie sur les « violences policières » et le soi-disant racisme de la société française, avec Jean-Pascal Zadi s’imaginant un grand contestataire en racontant :

« Tout simplement noir parle d’humanité et on peut se demander pourquoi l’humanité de certaines personnes est tant remise en cause, comme celle d’Adama Traoré ou Michel Zecler, quand certaines statues de ceux qui ont glorifié l’esclavage sont encore debout. Je remercie les César de m’avoir montré que ma mission pour l’égalité n’est pas vaine. »

C’est décalé, totalement hors-sol, mais bien représentatif d’une fausse Gauche bourgeoise qu’il s’agit de fermement rejeter, mais également d’écraser dans tous les domaines pour ne pas que les masses croient que c’est là la vraie Gauche et que la seule solution serait l’extrême-Droite.

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Société

Tour de France: le maire EELV de Lyon méprise les classes populaires

Le nouveau maire EELV de Lyon, à l’image de son parti, n’a rien à voir avec la Gauche. Il fait partie d’une frange de la bourgeoisie violemment hostile aux classes populaires et sa critique méprisante du Tour de France en est un bel exemple.

Dans un pays, il y a des monuments. Cela peut être un bâtiment, une sculpture, un tableau, de la musique, une façon de faire certaines choses, ou bien encore un événement sportif. Le Tour de France fait partie des monuments français, du patrimoine de la France.

Cela ne veut pas dire que cela est figé et qu’il est interdit de le faire évoluer. Mais cela nécessite de connaître les choses de l’intérieur, en étant lié de manière organique au peuple, car le patrimoine par définition est porté par le peuple.

C’est tout le contraire d’EELV, qui représente la bourgeoisie cosmopolite vivant dans de riches appartements de centre-villes et s’imaginant écologiste en allant chercher son pain à bicyclette le dimanche matin.

Ainsi, quand Grégory Doucet le nouveau maire EELV de Lyon critique le Tour de France de manière méprisante, cela ne passe pas, car on ne peut pas s’en prendre au patrimoine populaire sans susciter de la réprobation.

Alors que la 14e étape de l’édition 2020 de l’épreuve arrive à Lyon samedi 12 septembre, il a en effet qualifié le Tour de « machiste et polluant ». Sa critique est ici typique du bourgeois de grande métropole, vivant dans sa petite bulle, raisonnant avec des concepts universitaires hors-sol et méprisant la vie quotidienne du peuple.

Cela est particulièrement flagrant quand il interroge de manière hautaine :

« Combien de véhicules à moteur thermique circulent pour faire courir ces coureurs à vélo ? »

En France, ainsi que dans de nombreux pays, des millions de gens adorent le Tour de France. Et comme à chaque fois qu’il y a quelque chose de populaire et massif, cela est fait avec beaucoup de sérieux.

Les coureurs sont donc des professionnels et ils ont logiquement avec eux tout un staff, lui aussi professionnel, engagé de manière très aboutie sur la course, qui est préparée pendant de longs mois.

Comme celle-ci a lieu sur la route, en parcourant une très grande distance quotidienne, cela nécessite des voitures pour suivre les coureurs, afin de leur porter assistance, les ravitailler, changer de roue en cas de crevaison, etc. C’est aussi simple que cela et il faut vraiment tout le mépris du bobo de centre-ville pour ne pas comprendre la raison de la présence de ces « véhicules à moteur thermique » pour suivre « ces coureurs ».

C’est la même chose pour les autres voitures et motos, que ce soit de l’organisation, des médias, des médecins, de la publicité, etc. Tout cela s’explique pour une raison simple : le professionnalisme de l’événement, d’autant plus important en raison de son caractère massif, extrêmement populaire.

Mais le peuple, les gens d’EELV n’en ont rien à faire. Tout ce qui compte pour eux est de calquer des concepts sur la réalité, pour se donner un genre moderne. Là encore, c’est particulièrement flagrant quand Grégory Doucet affirme de manière délirante :

« D’abord, le Tour de France continue à véhiculer une image machiste du sport. Quand on défend les valeurs du sport, on défend l’égalité femmes-hommes. Il devrait y avoir un Tour de France féminin depuis longtemps. C’est la dernière épreuve d’envergure à ne pas avoir franchi le pas. »

Qu’est-ce que cela peut bien lui faire qu’il n’y ait pas de Tour de France féminin ? Et d’ailleurs, pourquoi n’y a t-il pas d’équivalent féminin du Tour de France ? Tout simplement car il n’y a pas beaucoup de femmes cyclistes pratiquant ce sport avec le même niveau de professionnalisme que les hommes cyclistes. Point. Ce n’est ni bien, ni mal, c’est une simple réalité historique, un simple cheminement de l’évolution de la vie du peuple.

Depuis quand d’ailleurs l’horizon des femmes serait de faire forcément la même choses que les hommes ?

De toutes façons, cela ne signifie pas que les femmes sont en dehors du cyclisme masculin. Mais pour savoir cela, il faut faire partie du peuple et s’être déjà rendue sur une course cycliste amateur… où les femmes sont extrêmement nombreuses. Ce sont par exemple presque toujours des femmes qui prennent les photos sur les courses amateurs, de manière très sérieuse. Les mères des coureurs sont très présentes et impliquées, tout comme les femmes qui sont bénévoles dans l’organisation, pour distribuer les dossards par exemple ou servir à la buvette, ou encore dans l’arbitrage où il y a très souvent des femmes, etc. Il y a également les podiums où la tradition veut que ce soient des jeunes femmes qui donnent un bouquet au vainqueur de la course et lui fassent la bise, même sur la plus petite course de village.

On peut trouver cela ringard éventuellement, ou bien déplacé, caricatural, etc. mais cela ne donne pas pour autant le droit de critiquer avec mépris, et encore moins celui de prétendre pouvoir parler à la place des femmes participant à cela.

Mais nous ne vivons pas dans une société démocratique, et donc le peuple n’a jamais la parole. À la place, ce sont des bourgeois comme Grégory Doucet qui s’arrogent la prétention de savoir ce qui est bon ou mauvais. Les bourgeois comme Grégory Doucet d’EELV représente ici tout l’inverse de la Gauche historique, qui au contraire est liée organiquement au peuple en incarnant le meilleur de la tradition populaire dans tous les domaines.

Et on voit que le masque d’EELV tombe de plus en plus, alors que son espoir est de démolir définitivement la Gauche, de la cannibaliser pour devenir un parti politique majeur. Outre que son écologie est toujours plus au service d’un renouveau du capitalisme, son opposition à ce qui est le noyau de la Gauche populaire est toujours plus agressive.

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Écologie

Comment le loup a été exterminé en France

Au XVIIIe siècle, il y avait encore des dizaines de milliers de loups en France. Mais avec le triomphe général de la bourgeoisie à la fin du XIXe siècle, l’extermination de cet animal fut décrétée.

L’obsession de la traque du loup remonte à loin. Au IXe siècle, entre 800 et 813, Charlemagne fondait déjà l’institution chargée de les chasser : les lieutenants de louveterie. Toutefois, c’est à l’époque du capitalisme triomphant que l’espèce a été exterminée.

Évalués en France à encore plusieurs milliers d’individus à la fin du XIXe siècle, objet de fantasme d’horreur autant que responsables de dégâts sur les cultures agricoles, le loup devait passer sous le rouleau compresseur de l’administration bourgeoise.

L’histoire de la IIIe République (1870-1940), c’est l’histoire de l’alliance entre la bourgeoisie libérale des villes et des paysans propriétaires des campagnes contre le mouvement ouvrier et le socialisme et c’est dans ce cadre politique qu’il faut comprendre l’extermination complète des loups.

En 1875, le journal L’Avenir Républicain, dont le nom trahit son orientation politique, fustigeait la SPA fondée en 1845 dont une partie de « philosophes profonds et mystiques » :

« ils veulent conserver tous les carnassiers : ours, loups, renards, fouines, éperviers, d’abord parce que ce sont des créatures de Dieu ! et ensuite par ce qu’ils détruisent les rats, les souris, les taupes. Ils veulent conserver les taupes parce qu’elles détruisent les insectes ; ils veulent conserver les insectes parce qu’ils se détruisent entre eux; mais ils veulent que cette destruction se borne à quelques individus qui se trouvent de trop, et que la race soit maintenue. »

La SPA avait en effet ici une approche relevant de la croyance religieuse, quoi qu’elle anticipait, sans le savoir, la compréhension scientifique de Planète comme Biosphère, où chaque espèce est inter-dépendante formant une dynamique générale.

Il faudrait également mentionner le pasteur lyonnais Georges Blot qui en 1907 rappelait dans un « plaidoyer pour les loups » leur filiation avec le chien, décrivant les choses avec une grande sensibilité :

« Mais le loup, que lui avons-nous fait ? De quelle infamie humaine a-t-il été victime ou témoin pour qu’il ne veuille plus, lui, nous tendre la patte ? (…)

L’homme a choisi, voilà tout. Oui, l’homme a choisi ; mais comment ? Là est la question ! Sans doute comme font les forts, en renvoyant d’un coup de pied ou d’un coup de pierre, le méprisé. Alors, dans son cœur de bête déjà ulcéré, peut-être par ce que son frère (le chien) était plus beau que lui, mieux tacheté, mieux fourré, plus gracieux ou plus habile à plaire, le loup sentit la jalousie, la haine devenir implacables ! »

Les défenseurs du loup étaient toutefois bien trop dénigrés pour être soutenus, d’autant plus que les argumentations mystiques les isolaient à la fois de la classe ouvrière, profondément anti-cléricale, que de la bourgeoisie républicaine.

Ainsi, le 12 juin 1880, Pierre Tirard, ministre de l’agriculture, déposait un projet de loi sur « la destruction des loups » dans laquelle il était proposé de relever les primes pour la chasse de l’espèce sauvage.

Les primes instaurées sous le Directoire (1795-1799) étaient devenues trop faibles pour espérer une extermination rapide. Le projet de loi relevait donc les primes à 200 francs s’il est prouvé que le loup a tenté d’agresser un humain, à 100 francs par loup ou louve « non pleine », à 150 francs par louve pleine et à 40 francs par tête de louveteau.

L’idée était également de contourner les lieutenants de louveterie, marqués par la culture monarchiste et plus tournés vers la traque « loisir » que vers l’élimination minutieuse et totale de l’espèce. En plus, cela ne pouvait que renforcer le soutien des petits paysans à la bourgeoisie républicaine.

Le 30 août 1880, le journal régional La Mayenne saluait la mesure et forçait même le trait en liant protection des agriculteurs et défense patriotique :

« Les loups qu’il s’agit en effet de détruire sont, pour la plupart, des envahisseurs qui ont passé la frontière en 1870, à la suite des armées allemandes.

Voilà de quoi, nous l’espérons, donner du cœur au ventre aux tueurs de loups. La Société d’agriculture l’a dit, c’est une question d’humanité. Nous ajoutons, nous : c’est une question patriotique. Donc guerre aux loups, sus aux loups ! »

C’est dire comment la destruction du loup à cette époque était liée à la culture militariste et à l’esprit revanchard nationaliste anti-allemand. Le 3 août 1882, la loi sur la destruction du loup était adoptée.

Et cela va fonctionner à plein régime, avec des pratiques d’une très grande cruauté. Des louves étaient surveillées afin de tuer les louveteaux dès leur naissance, que cela soit par étouffement ou par empoisonnement à la strychnine. En août 1913, le « Journal des débats politiques et littéraires » annonçait que 2 344 loups avaient été tués pour la seule année de 1882, et près de 8 000 entre 1883 et 1894.

La population de loups en France a ainsi été exterminée en l’espace d’une décennie, et cela du fait même de l’engouement général des populations des campagnes pour l’anéantissement du-dit « nuisible ».

Cela si bien qu’en janvier 1940, « le petit Journal » pouvait affirmer que l’éradication du loup n’avait pas été le fait des chasseurs professionnels, les « lieutenants de louveterie », mais par ce qu’il appelle de manière générale la « grande gargamelle » :

« Il faut reconnaître que les loups ont aujourd’hui disparu de nos campagnes, on le doit bien plutôt à l’action de la Grande Gargamelle et de ses émules qu’à celle des veneurs qui chassaient à cor et à cri. Le système de la prime est le plus efficace. (…)

La race dès loups est à peu près éteinte chez nous. Sans la tradition administrative qui maintient toujours là fonction de lieutenant de louveterie — laquelle, d’ailleurs, ne coûte rien au Trésor — qui songerait seulement qu’il y a eu naguère, dans nos campagnes, tant de bêtes malfaisantes qui dévoraient les moutons, et même, à l’occasion, les femmes et les petits enfants ? »

La « Grande Gargamelle » faisait référence au personnage éponyme du roman « Gargantua » écrit en 1534 par le grand classique de l’époque de l’Humanisme français, François Rabelais. « Gargamelle » était l’épouse de « Grandgousier » avec qui elle enfanta « Gargantua ». Ces personnages représentaient une famille de seigneurs mangeant salement et ne respectant aucune bien-séance à table.

Si dans l’esprit de François Rabelais, c’était une manière de critiquer de manière habile et humoristique le manque de raffinement de la classe dominante (seigneurs) de son époque, cela désigna ensuite de manière péjorative les personnes rustres des campagnes.

Ainsi, cette tranche d’histoire doit-elle se comprendre en lien avec le retour actuel du loup. Vraisemblablement venu d’Italie, sa présence a été remarquée dans les Alpes en 1992, avant leur expansion à partir du milieu des années 2000. On compterait aujourd’hui environ 500 loups, avec une forte présence dans le massif des Alpes.

N’est-il pas heureux et bienvenue que cet animal sauvage, liquidé de manière infâme, soit de retour ? N’est-ce pas le signe de la persévérance de la vie sauvage à se maintenir malgré une traque organisée ? Et surtout, cela n’est-il pas une invitation à ne pas répéter les erreurs du passé ?

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Écologie

Écologie: l’environnementalisme mou et anti-nature d’Olivier Faure

Olivier Faure prône le dépassement du Parti socialiste au profit d’un « bloc social écologiste ». Sa vision est celle d’un environnementaliste mou accompagnant une rhétorique post-industrielle et anti-nature typique de la bourgeoisie des grandes métropoles.

Pour Olivier Faure, les usines, les ouvriers, la lutte des classes, la bourgeoisie, tout cela appartiendrait au passé. Il fait partie de cette fausse gauche, bourgeoise et urbaine, qui n’a eu de cesse d’enterrer la Gauche historique ces dernières années, au profit de thèmes sociétaux et d’une vision post-industrielle.

La fausse gauche s’imagine avoir trouvé avec l’écologie un superbe argument pour appuyer cette vision du monde. On nous explique alors, comme chez EELV, que le problème de l’humanité est qu’elle produit « trop » et qu’elle se fourvoie dans la recherche de richesses matérielles.

Olivier Faure a répété cela en long en large et en travers lors de son discours à l’université d’été du PS à Blois, teintant le tout de quelques préoccupations environnementalistes.

Ce discours peut plaire à gauche, car il y a en apparence une critique de la bourgeoisie et du capitalisme. Sauf qu’en réalité, il ne s’agit pas d’une critique de l’accumulation privée des richesses, de l’accaparement individualiste et irrationnelle de richesse par une classe sociale en particulier, mais d’une critique des richesses matérielles en général. Les prolétaires sont ainsi mis sur le même plan que la bourgeoisie dans la responsabilité vis-à-vis de la planète, en raison de leur quête commune de richesses matérielles.

Olivier Faure critique ainsi la Gauche historique, pour qui c’est la réalité matérielle qui compte, avec l’idée que celle-ci doit être la meilleure possible, correspondant aux possibilités historiques de l’époque. Il l’a fait de manière très ouverte lors de son discours à Blois du 29 août 2020 en rejetant le marxisme.

C’était subtil, et on peut être certain qu’il prétendra ne pas vraiment critiquer le marxisme, simplement apporter autre chose, etc. En réalité, la base même de son raisonnement s’oppose au marxisme, et plus généralement à la Gauche historique. Rappelons ici que la SFIO de Léon Blum, dont le Parti socialiste est censée être l’héritière, revendiquait le marxisme, et pas seulement les communistes de la SFIC.

Voici ce que dit le premier secrétaire du PS lors de son discours :

« Notre vision du progrès elle-même doit évoluer. Qu’est ce qui fait notre richesse, qu’est ce qui améliore notre vie et nous permet d’aller au bout de nous même, de nous émanciper, de nous construire. Déjà les premiers socialistes, avant l’avènement du marxisme, avaient proposé des réponses à ces questions.

Ils avaient mis en avant la coopération et l’entre-aide, l’accès à la connaissance et à la culture, et la réponse aux besoins humains fondamentaux, du temps pour les siens, pour participer à la vie de son quartier, de sa ville, bref, d’être citoyen. »

Parler d’entre-aide, de culture et vie collective épanouie n’a rien d’extraordinaire pour n’importe quelle personne de gauche, sauf qu’ici c’est opposé au marxisme et au progrès tel que considéré classiquement par la Gauche, avec la lutte des classes comme moteur de celui-ci. L’idée d’Olivier Faure est que la Gauche historique est dépassée et que ce qui compte n’est pas de se battre contre la bourgeoisie pour les richesses.

Pour lui, la question est réglée et il faudrait maintenant passer à autre chose :

« Au 20e siècle, le mouvement ouvrier a imposé la question sociale, et c’est Jaurès qui a opéré la synthèse entre la République et la question sociale. Eh bien au 21e siècle, il nous appartient à nous tous de faire en sorte qu’il y a ait une nouvelle synthèse entre république sociale et écologie ».

Exit donc la lutte de classes, qui appartiendrait au passé, car il ne faudrait plus s’occuper des richesses. Il l’a dit très précisément :

« La liberté de l’homme, sa capacité à réaliser ses aspirations, ne peuvent plus reposer sur un mouvement d’accumulation ininterrompue des richesses matérielle, car ces richesses elles-mêmes ont une base matérielle, et que cette base, ce sont les ressources de la planète, et nous avons dépassé ses limites. »

On touche là à quelque chose de très intéressant, avec la prétention à avoir un discours écologiste au nom du rejet de la lutte des classes (et inversement). Olivier Faure prétend que la recherche de richesses matérielles n’est plus possible en raison des limites de la planète. Cela a l’air plein de bon sens dit comme cela, sauf qu’en réalité ce sont deux choses n’ayant rien à voir.

C’est le capitalisme qui épuise la planète, car son but est de produire pour produire, afin d’enrichir une minorité, la bourgeoisie, qui d’ailleurs n’a jamais été aussi riche qu’à notre époque. Mais cela n’a aucun rapport avec la recherche de richesses matérielles, qui n’est pas incompatible avec les besoins de la planète. Bien au contraire.

Ce qui compte, c’est de reconnaître la nature et de comprendre que l’humanité en est une composante, en tant qu’espèce animale particulière au sein d’une planète formant une biosphère. La particularité de l’être humain, c’est d’être douée de la raison et du travail : cela donne beaucoup de possibilités, ainsi que beaucoup de devoirs. Mais en aucun cas cela fait des humains des êtres à part, comme le prétendent les religieux…. Ou les gens comme Olivier Faure.

Olivier Faure n’en a rien à faire de la planète, car il rejette la nature. Il a expliqué cela en détail pendant son discours de Blois, mais il l’avait également très bien formulé dans un entretien au Monde du 28 août 2020 en disant :

« Nous devons prendre des mesures radicales pour tenir compte de l’urgence climatique. Mais je le dis aussi : mon écologie est humaniste. Elle ne déifie pas la nature. Elle refuse de calquer l’ordre social sur l’ordre naturel. La loi de la nature, c’est celle du plus fort. Le logiciel écologiste ne peut être le seul filtre à travers lequel tout doit être regardé. Il n’y a pas d’écologie possible sans justice sociale. »

Il y a là une double signification. D’abord, c’est qu’Olivier Faure est un environnementalisme mou, comme ses amis d’EELV. Que la bourgeoisie soit rassurée : ils ne prôneront aucun bouleversement pour faire face aux défis que sont le changement climatique, l’assèchement des zones humides et les pollutions immenses engendrées par le capitalisme.

L’autre signification, philosophique, ou idéologique, c’est qu’Olivier Faure a exactement la même vision du monde que celle de la bourgeoisie ayant menée à l’écocide que nous vivons : seule l’humanité compte, car la nature est mauvaise.

C’est exactement le point de vue inverse de la Gauche historique, qui reconnaît la nature et donc les richesses matérielle. Et c’est précisément pour cette raison que seule la Gauche historique peut être à la hauteur en matière d’écologie, car la biosphère est une richesse matérielle.

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Oui, Willy Schraen, la «guerre civile»!

Dans son interview au Journal du Dimanche, le président des chasseurs Willy Schraen menace : on va vers la « guerre civile » s’il continue à y avoir les graines de la « grande révolution animaliste ». Ce qu’il exprime ici, c’est sa terreur devant la lutte de classes, qui ne peut que renverser le régime.

Willy Schraen est un bourgeois comme on en fait plus, un bourgeois capable de flairer la menace subversive, à l’ancienne, comme les gaullistes savaient le faire. C’est que les gaullistes étaient cultivés, très cultivés même, alors que la bourgeoisie d’aujourd’hui est simplement utilitariste ; sa culture s’est ratatinée, ses connaissances sont factices et il n’y a plus que l’idéologie de la consommation débridée, dont l’art contemporain avec toute sa vacuité est le plus grand symbole.

Willy Schraen, lui, a compris que hors du gaullisme point de salut : il faut une Droite populaire, solidement appuyée sur le conformisme de la France profonde, pour que le régime capitaliste puisse avoir en France de solides fondements. Alors, il est en grand stress, car il est en train de s’apercevoir que ce que Mai 1968 avait échoué à faire, notre époque le réalise. C’est tout le mode de vie français « à l’ancienne » qui se voit ébranlé, voire remis en cause.

De par son sens de l’Histoire, Willy Schraen a compris que tout est alors une question de vision du monde. Et pour lui il est encore temps, urgemment temps même, d’assécher l’émergence d’une vision du monde raisonnant en termes de planète et ne considérant pas les animaux comme des ressources. Si on ne le fait pas… le conflit est inévitable.

En ce sens, il a tout à fait raison, et la Gauche, s’appuyant sur ses fondamentaux historiques, doit simplement reprendre à l’inverse, ses propos au Journal du Dimanche du 16 août 2020 :

« Aujourd’hui, ses tentatives malsaines [à Nicolas Hulot] de rattrapage en essayant de faire passer le Covid pour un cri d’alerte de la biodiversité, c’est du racolage idéologique.

C’est semer les graines d’une tempête qui emportera tout. A ce rythme, on aura une guerre civile (…).

Elle [= l’écologie] va s’essouffler car à un moment on ne pourra pas toucher au pré carré vital des Français. Le bon sens et la raison vont revenir.

Cette grande révolution animaliste n’aura pas lieu.

Quand ils iront mieux, on pourra se poser autour d’une table. Je serai heureux d’y participer car j’ai une vraie vision écologique. »

Il est évident que le Covid-19 est le produit d’une crise de la biodiversité, que les chasseurs sont des figures du passé, que le rapport aux animaux doit être changé, que le « pré carré vital des Français » n’est que le masque d’un mode de vie individualiste consommateur toujours plus vide dans son contenu culturel et toujours plus empli d’exploitation, d’aliénation, de souffrances morales, psychologiques et physiques.

Alors, oui, Willy Schraen, la « guerre civile », ou plus exactement la révolution est inévitable. Car le monde ne restera pas tel qu’il est, car le changement complet des mentalités est nécessaire, car la planète est malade d’une humanité qui a totalement perdu toute orientation intellectuelle, culturelle, morale.

Et pour cette guerre civile, il y a deux camps qui s’appellent simplement : la Gauche et la Droite.

> Lire également : Le ministre de la justice Eric Dupond-Moretti en duo avec le chef des chasseurs Willy Schraen

 

 

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Politique

Anne Hidalgo et la marque Paris vendue au Qatar

Si elle se prétend de gauche, Anne Hidalgo gère en ardente partisane du capitalisme l’une des plus grandes villes du monde, en étroite relation d’ailleurs avec le Qatar.

Le 13 août l’équipe du Paris Saint-Germain gagnait son match de quart de finales de la Ligue des Champions en marquant deux buts dans les toutes dernières minutes, un renversement qui a été source d’émotions (positives comme négatives). Dans la foulée, Anne Hidalgo a publié sur Twitter un message intitulé « Paris La plus belle des équipes ».

Cela n’a l’air de rien, mais cela relève d’une gigantesque opération politico-commerciale, dont Anne Hidalgo est un élément clef en tant que maire de Paris. On sait en effet que le Paris Saint-Germain a été acheté par le Qatar, une dictature totalement réactionnaire où une petite oligarchie profite du gaz et du pétrole. Sur pratiquement trois millions d’habitants, les Qataris ne sont d’ailleurs que 10 %, le reste étant de la main d’œuvre.

Avec le Paris Saint-Germain, les Qataris ont acheté une « marque » dans leur démarche de « soft power » ; rappelons qu’ils sont historiquement les représentants des « frères musulmans » avec la Turquie, et ainsi les concurrents de l’Arabie Saoudite qui est « wahabite ». On est là dans un jeu de relations internationales, de jeux expansionnistes, bref de magouilles comme les États capitalistes ou corrompus savent les faire.

Dans ce cadre, les Qataris font en sorte que le club du Paris Saint-Germain devienne le plus possible le club de « Paris » tout court, « Saint-Germain » se réduisant toujours plus. C’est une question de prestige ; plus il grandit, plus les retombées sont bonnes, directement et indirectement, pour le Qatar. Si le Qatar se faisait attaquer il y a vingt ans, personne ne savait même qu’il existait ; aujourd’hui, il est très connu alors qu’il n’est qu’une parodie de pays, au sens strict.

En disant ainsi « Paris La plus belle des équipes », Anne Hidalgo intègre totalement la démarche des Qataris, dont elle est par ailleurs très proche. On est en effet dans le donnant-donnant, au point que, miracle, on a par exemple eu le financement à hauteur de 60 % par le Qatar des ignobles fontaines du Rond-Point des Champs-Elysées, qui ont coûté 6,3 millions d’euros.

D’où la langue de bois d’Anne Hidalgo depuis le rachat du Paris Saint-Germain, ce qui donne par exemple en 2016 :

« Ce que je peux dire sur Paris et la relation que l’on a avec le PSG et le patron du PSG, c’est une relation extrêmement positive, forte, je les remercie d’avoir mis le club de Paris au niveau auquel il est et puis de soutenir des choses qui m’importaient beaucoup. Je pense au foot féminin.

Ils ont vraiment mis les moyens et l’accompagnement pour construire une équipe magnifique. Et puis dans toute la lutte contre l’homophobie et le racisme dans les stades. Nous travaillons main dans la main et avec les gamins de Paris. Je suis heureuse de cette collaboration avec eux ».

Aucun mot sur l’oligarchie quatarie, ses financements d’une variété de l’islamisme, ses multiples casseroles à l’internationale pour obtenir la coupe du monde de football en 2022, etc. etc. Aucune critique du football business, au point que Neymar, arraché 222 millions d’euros au FC Barcelone, a eu droit à la Tour Eiffel le saluant en 2017 !

On comprend qu’Anne Hidalgo apprécie, de par son mode de vie et sa vision du monde, les Qataris qui possèdent à Paris l’hôtel Lambert, l’hôtel Kinski, l’hôtel Landolfo-Carcano, l’hôtel d’Évreux, le palace The Peninsula Paris, l’hôtel Gray d’Albion15, l’hôtel de Coislin, les immeubles des Galaries Lafayette, de HSBC et du Lido sur les Champs-Élysées, le Royal Monceau.

C’est la corruption complète. Comme on est loin du Paris des années 1930 où le Parti Communiste était le premier parti électoralement, sans parler de la banlieue rouge tout autour ! C’est désormais une ville bourgeois et petite-bourgeoise, avec de gens comme Ian Brossat pour servir de caution de « gauche ».

Il faut oser poser la question : lorsque la France basculera, enfin, un jour, dans le socialisme, que va-t-on faire de ces Parisiens, ou plutôt de ces néo-Parisiens, vivant dans leur bulle argentée ?

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Politique

Remaniement: un gouvernement Jean Castex prêt pour la guerre sociale

Emmanuel Macron avait expliqué juste avant le remaniement ministériel que la rentrée sera difficile et qu’il fallait s’y préparer, précisant que l’économie du pays allait connaître des faillites et des plans sociaux multiples. Dès le lendemain Le Figaro, le quotidien faisant référence chez les éléments les plus sérieux de la bourgeoisie, a publié et mis en avant une analyse précisant le dessin de cette rentrée :

« Pronostiquer qu’elle sera «difficile» est au mieux un euphémisme, au pire une lapalissade. La rentrée de septembre, de l’avis de tous les experts, va être bien pire, c’est-à-dire apocalyptique ».

Les considérations de la bourgeoisie à propos de la crise à venir ne présentent en effet aucune ambiguïté. La facture va être salée, mais il est hors de question pour elle de payer alors il va falloir cogner fort pour que ce soit chaque travailleur et chaque chômeur qui en assume les conséquences. Il faut donc s’attendre à des licenciements bien sûr, mais aussi des chantages à l’emploi menant à des appels à se « serrer la ceinture », à travailler plus, plus longtemps, à renoncer à de soi-disant « avantage », à des acquis disparaissant, etc.

Emmanuel Macron imagine pouvoir tirer son épingle du jeu dans cette situation, en prenant lui-même la barre du navire. Il a donc besoin pour cela d’un gouvernement aux ordres, qui ne reculera pas devenant une telle tâche, tout en lui laissant suffisamment de latitude pour arrondir les angles, en tous cas en surface.

Jean Castex est de ce point de vue l’homme de la situation comme premier ministre. Technicien dévoué de l’appareil d’État, appartenant formellement à la Droite donc n’ayant pas peur d’assumer la guerre sociale, il saura cogner fort, sans craindre pour sa propre image. Emmanuel Macron se réserve quant à lui les grandes déclarations et autre subtilités politiques. D’ailleurs, Jean Castex devra attendre longtemps pour faire son discours de politique générale, qui ne pourra avoir lieu qu’après le discours du 14 juillet du président. Ce sera quasiment dix jours après la nomination de son gouvernement, ce qui symboliquement est lourd de sens.

Ce que cela signifie de manière très claire, c’est qu’on a un gouvernement qui se doit d’être aux ordres, qui est là pour servir directement et rapidement en vue de la crise qui s’annonce à la rentrée. Nulle question pour les ministres de « s’installer » dans leur fauteuil et de s’imaginer travailler leurs dossiers, leur ligne politique, leur image, etc. Le gouvernement passe, au sens strict, au second plan, dans ce qui une application stricto sensu de la logique la 5e République mise en place par le coup d’État du Général de Gaulle.

Le régime se démasque entièrement.

On a au gouvernement, dans l’ordre protocolaire :

le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, centriste issue de la Gauche, bien en place depuis 2017 et qui ne fera pas de vague.

la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili, figure inoffensive de l’opportunisme politique à la Française, provenant d’EELV et ayant rallié Emmanuel Macron depuis le début. Elle saura ne pas s’immiscer dans la grande casse sociale qui s’annonce, tout en torpillant vaguement le terrain électoral pour EELV.

– le ministre de l’Education nationale, de la Jeunesse et des Sports Jean-Michel Blanquer, déjà suffisamment impopulaire pour ne pas causer spécialement de remous, tout en appliquant à la lettre la ligne de conduite.

– le ministre de l’économie, des Finances et de la Relance Bruno Le Maire, homme de droite appliquant depuis 2017 une politique de droite, figure bourgeoise, qui prépare déjà depuis plusieurs semaines la « relance économique ».

la ministre des Armées Florence Parly, elle aussi en place depuis le début, personnalité discrète mais parfaitement au cœur des préoccupations militaires françaises, que ce soit au Sahel, pour les essais de missile à capacité nucléaire ou plus récemment au sujet de la Libye avec les tensions grandissantes entre la France et la Turquie.

– le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, anciennement ministre du budget, promu à l’Intérieur pour assumer une posture rigide et directive alors que les tensions sont nombreuses au sein de la police. Il est une figure de droite, sachant ne pas se couper des préoccupations populaires avec des élucubrations « sociétales », comme l’avait trop fait Christophe Castaner. Son rôle sera ni plus ni moins que de savoir cogner si la situation l’exige et cela n’aura rien à voir avec les prétendues « violences policières » que l’on a vu jusqu’à présent.

– la ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion Elisabeth Borne, qui était depuis l’an passé la ministre pour le moins discrète de la Transition écologique et solidaire. Alors que son ministère est censé être au cœur de l’actualité sociale, cette cadre d’État (Collège des ingénieurs, élève de Polytechnique, passée par la SNCF, Eiffage ou la RATP, ancienne préfète et directrice de cabinet) saura également appliquer comme il se doit la politique de guerre sociale.

On a ensuite, avec la même logique :

– le ministre des Outre-mer Sébastien Lecornu ;

la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales Jacqueline Gourault ;

– la ministre de la Culture Roselyne Bachelot ;

– le ministre des Solidarités et de la Santé Olivier Véran ;

le ministre de la Mer Annick Girardin ;

le ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation Frédérique Vidal ;

le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation Julien Denormandie ;

la ministre de la Transformation et de la Fonction publiques Amélie de Montchalin.

et bien sûr le Garde des Sceaux, ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti.

La nomination de ce dernier est un scandale de haute volée et l’annonce de la liquidation de l’appareil juridique, au nom du triomphe du libéralisme. Lire à ce sujet : Éric Dupond-Moretti ou le nihilisme juridique au ministère de la Justice

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Politique

L’opération de démantèlement de la Gauche par Olivier Faure du Parti socialiste

La stratégie du premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure est très claire : la Gauche doit s’effacer face à « l’écologie ». L’enjeu est selon lui la consolidation d’un nouveau « bloc social-écologiste », avec l’idée assumée à demi-mot de se ranger derrière un candidat « écologiste » pour les élections de 2022.

Cela fait longtemps que la direction du Parti socialiste a tourné le dos aux classes populaires au profit d’un cosmopolitisme bourgeois-moderniste, largement libéral sur le plan des valeurs. L’opération de liquidation du patrimoine historique de la Gauche, relevant du mouvement ouvrier, connaît un nouveau bond à l’occasion de ces élections municipales 2020.

Avec la victoire d’Europe Écologie-Les Verts dans de nombreuses grandes villes, victoire portée par les bobos métropolitains, le premier secrétaire du Parti socialiste s’imagine qu’il y a un « immense élan » auquel il faudrait se rattacher, acceptant par là de solder le compte de la Gauche. Ce n’est pas dit aussi ouvertement, car Olivier Faure aimerait faire du PS une force importante de ce « bloc », mais la perspective est évidente.

De son côté, se voyant en position de force, EELV assume ouvertement son rejet de la Gauche depuis plusieurs mois, si ce n’est plusieurs années. Grégory Doucet, victorieux à Lyon, explique par exemple que « l’écologie est l’alliée de l’économie » et qu’elle est au-delà du clivage Gauche/Droite, ne reconnaissant simplement que des « éléments » pouvant accessoirement venir de la Gauche. C’est un point de vue strictement équivalent à celui d’Emmanuel Macron, trustant la Gauche par le centre, pour ensuite tout ramener vers le libéralisme sur les plans économique et culturel.

Cela fait un moment qu’EELV ne fait plus semblant d’être de Gauche, à quelques exceptions près. Ce parti n’a eu aucun scrupule à vouloir rafler la mairie de Lille au PS, manquée de peu, ou bien à Poitiers et à Strasbourg, où là ce furent des réussites. À Marseille, où EELV revendique la victoire (qui n’est pas acquise au conseil municipal d’ailleurs, en raison de la spécificité locale du scrutin), la tête de liste Michèle Rubirola avait été suspendue de la formation écologistes alors qu’elle se rangeait du côté de la Gauche, ou en tous cas d’une dynamique largement portée par la Gauche pour les municipales.

Olivier Faure n’y voit aucune contradiction et explique au contraire qu’il se bat depuis deux ans pour « rassembler et fédérer ces forces qui ont tellement en commun ».

Ses propos dans médias, retranscrits sur le compte Twitter du PS avec l’écriture « inclusive » histoire de bien s’assumer bobo, sont ainsi d’une grande limpidité :

« Si nous ne voulons plus du duo #LePen / #Macron, il faudra nous rassembler. Il faudra un·e candidat·e du bloc social-écologiste. Peut [sic] importe d’où il vient. La seule question est de savoir où il va. »

C’est ni plus ni moins que l’affirmation de la liquidation de la Gauche, de ses principes, de ses valeurs, de sa tradition, au profit d’autre chose. Cet autre chose en l’occurrence, consiste en un libéralisme tout à fait classique, s’imaginant légitime à représenter à lui-même « l’écologie », comme si cela était une orientation politique en soi.

D’ailleurs, il ne faut vraiment rien connaître, ou ne rien vouloir connaître des mouvements écologistes en France (très faibles et marginaux), pour s’imaginer qu’EELV a une quelconque hégémonie sur la question. Ce parti n’a par exemple rien à voir avec ce que peuvent être les Verts en Allemagne, avec une véritable culture alternative et un ancrage indéniable dans tout un tas de mouvements. En France, EELV a surtout une culture de type « ONG », c’est-à-dire de grande structures institutionnelles, tout à fait bourgeoises tant dans l’expression que dans le fond même de leur démarche.

De son côté, le Parti socialiste est largement passé à côté de la question écologique pendant de nombreuses années et s’imagine maintenant pouvoir se moderniser à moindres frais en se mettant à la remorque d’EELV.

Olivier Faure croit pouvoir contourner la question, en expliquant par exemple :

« je suis d’accord pour dire qu’il y a une écologie de droite et une écologie de gauche »

C’est incohérent. Il n’y a pas d’écologie « de gauche », car la Gauche est une conception totale, c’est-à-dire embrassant en elle-même tous les sujets et prétendant être la seule à pouvoir résoudre les problèmes.

Il n’y a pas d’écologie « de gauche », car il y a une conception générale portée par la Gauche, consistant en la prise du pouvoir populaire pour dépasser le capitalisme par le Socialisme, ce qui inclut par définition l’écologie, comme question propre à notre époque. Cela signifie également, par définition, que seule la Gauche est à même d’être à la hauteur en matière d’écologie.

Pour la Gauche, l’écologie ne relève pas d’une coloration politique comme chez Emmanuel Macron ou bien chez EELV, mais d’une conception matérialiste de la nature, des choses naturelles en général. Tel n’est pas le cas chez Olivier Faure, pour qui l’idée de mettre la nature au-dessus de tout est une idée réactionnaire qui musellerait les gens, comme il l’a expliqué à la télévision hier. Spinoza, Denis Diderot ou Karl Marx apprécieront !

En attendant, tout cela est bien loin des préoccupations populaires et la Gauche en France continue de s’enfoncer, de s’isoler, de s’effriter au profit de bourgeois libéraux piétinant toutes ses valeurs, toutes ses conceptions, tout son patrimoine.

La Gauche historique doit se reconstruire par l’unité, mais cette unité ne sera possible et fructueuse qu’en écartant franchement des liquidateurs de la Gauche tels Olivier Faure, le premier secrétaire du Parti socialiste.

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Politique

EELV ou le triomphe des bobos des centre-villes

Ils ont réussi leur pari : les bobos s’emparent de municipalités importantes au moyen d’EELV. Mais leur utopie libérale-libertaire représente en réalité la véritable agonie d’un système à bout de souffle.

Le jour même des élections est apparu un nouveau mouvement politique, « #Nous Demain ». Il a été constitué à partir du groupe parlementaire « Ecologie Démocratie Solidarité », une pseudo-scission de La République en Marche. Théoriquement « ni dans la majorité, ni dans l’opposition », « Ecologie Démocratie Solidarité » est en réalité un calcul machiavélique de la part d’Emmanuel Macron afin de former un bloc pour les prochaines élections présidentielles.

Dans les prochains jours, il sera d’ailleurs poussé en ce sens, « #Nous Demain » se voulant le point de rencontre des « associations, ONG, syndicats, coopératives, entrepreneurs sociaux ou mouvements de jeunesse ». Son discours libéral-libertaire rejoint la « gauche » postmoderne en pratiquement tous les points (cannabis légalisé, racisme systémique, etc.).

C’est qu’Emmanuel Macron a compris que la Gauche historique étant hors-jeu et l’extrême-Droite isolée, la « gauche » postmoderne se fera happer par EELV. Naturellement une telle analyse part du principe que le capitalisme est inébranlable et que la crise sera surmontée. On est là dans une fiction, mais ses acteurs se croient dans la réalité. Les partisans de François Ruffin, cet opportuniste patenté se prétendant écologiste depuis toujours, sont d’ailleurs en panique et soulignent bien qu’EELV serait de « gauche ».

EELV fait en effet la conquête d’Annecy, Poitiers, Besançon, Tours… et surtout de Lyon, Bordeaux et Strasbourg. Lille a été ratée de rien du tout, ce qui est étonnant tellement cette ville est un phare de la démarche bobo. Car on est là dans un phénomène urbain et plus exactement de centre-ville, bourgeois, de cette bourgeoisie cosmopolite et libérale, moderniste et relativiste.

C’est pour cela qu’EELV réussit à acquérir l’hégémonie sur la « gauche » postmoderne, qui se dilue d’ailleurs toujours plus dans ce pseudo-mouvement de la « social-écologie ». EELV est plus intellectuelle, plus éduquée, davantage capable de faire semblant de parler des animaux, bien plus apte à prôner le libéralisme culturel le plus complet, clairement plus efficace dans sa dynamique de modernisation du capitalisme.

Ceux qui disent qu’EELV est de « gauche », ce sont des gens qui ne le sont plus et qui ont besoin d’EELV comme moyen de se prétendre encore de gauche. Le panorama qui se déduit de cela, c’est d’ailleurs une mouvance libérale-libertaire gouvernementale avec une ultra-gauche postmoderne lui servant de levier, et une gauche syndicaliste et sociale ringardisée, figée, débordée. Pour prendre un exemple concret, on aura des relativistes modernistes libéraux ne voulant pas du véganisme et des syndicalistes ne sachant toujours pas ce que c’est !

Tout cela est cependant totalement vain, car la lutte des classes va se frayer son chemin à travers une crise qui s’annonce dévastatrice. Le triomphe d’EELV apparaîtra à l’avenir comme un des tout derniers épisodes des Bisounours que sont les bobos anti-politique et anti-ouvrier des centre-villes. C’est même une insulte aux Bisounours, car les bobos en question vivent de manière aisée et tranquille, dans le cynisme et l’hypocrisie. Ils ne croient pas en leur utopie, ils font simplement très bien semblants, étant avant tout des bourgeois.

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Covid-19 : Le président du Conseil scientifique pense qu’il faut « [laisser] les gens vivre »

La France s’est littéralement fracassée face la crise sanitaire du Covid-19, sans masque, sans tests, avec des hôpitaux débordés et des milliers de personnes âgées mourant dans l’indifférence. Mais le pays n’a toujours rien compris et voilà que même le président du Conseil scientifique, Jean-François Delfraissy, trouve qu’on en fait trop et qu’il serait temps de laisser les gens tranquilles. Il souhaite d’ailleurs dissoudre le Conseil scientifique début juillet, en toute quiétude, sans faire de bilan, sans que personne ne sache vraiment où nous en sommes…

Jean-François Delfraissy était intervenu régulièrement dans les médias pendant le confinement. On reconnaissait en lui tout à fait la figure du bourgeois parisien, hautain comme il se doit, ne laissant jamais transparaître une quelconque émotion, si ce n’est un agacement perceptible lorsqu’il avait l’impression de devoir se répéter.

Le Conseil scientifique Covid-19 qu’il dirige a été mis en place par le ministère de la Santé le 11 mars, alors que la France découvrait, candide, que la pandémie contre laquelle rien n’avait été fait pendant des semaines, s’installait dans le pays. Le virus-qui-n’a-pas-de-passeport ne s’était évidemment pas arrêté aux frontières grandes ouvertes de la France…

C’est le Conseil scientifique qui avait suggéré le confinement de la population, face à la gravité de la situation et l’impossibilité de faire autrement. La nation était pendant plusieurs semaines suspendue à ces recommandations, afin d’y voir un peu clair dans ce moment particulièrement compliqué, avec la tête de l’État complètement à la dérive. Cela a parfois créé des incompréhensions, par exemple quand il a suggéré que cela n’était pas la peine de rouvrir les écoles avant septembre, mais que le gouvernement ne l’a pas suivi.

Tout cela semble bien loin maintenant, en ce début juin. Qu’en est-il de la situation ? La deuxième vague de contamination n’a fort heureusement pas eu lieu, en partie grâce aux mesures sanitaires, en partie également parce que le coronavirus en question ne circule pas exactement comme les épidémiologistes l’avaient compris au départ.

Cela étant dit, le virus circule encore dans le pays, 31 personnes en sont officiellement décédées samedi, et 13 dimanche (les chiffres du dimanche sont souvent minorés et réévalués ensuite). D’après Jean-François Delfraissy, il y aurait actuellement encore 1000 à 2000 nouvelles contaminations recensées chaque jour, avec une grosse centaine de foyers épidémiques dénombrés depuis début mai.

La pandémie a fortement reculé, mais elle n’est pas dernière nous, bien que le gouvernement et le Conseil scientifique la considère sous-contrôle en raison de la capacité de test et de dépistage grâce aux enquêtes sanitaires. Il reste cependant beaucoup à faire, et surtout à dire. La pression contre les mesures sanitaires est énorme, venant des milieux économiques, et du libéralisme en général, portée par les gens voulant vivre leur vie comme une aventure individuelle, sans aucune entrave venant de la collectivité.

Quel sens cela a t-il alors, dans ces conditions, de la part de Jean-François Delfraissy, de dire « Laissons les choses s’ouvrir ; les gens vivre, mais en respectant les mesures barrière » ?

D’un côté, il explique qu’on en fait trop, qu’il faudrait profiter de l’été et assouplir un certain nombre de règles… mais en même il rappelle qu’il faut respecter les mesures barrières, et qu’ils recommandent avec le Conseil scientifique « une large utilisation [du masque] dans les lieux publics et confinés – transports, commerces –, mais aussi dans les rues bondées. »

On ne peut pas dire à la fois « il faut se protéger » et « il faut se relâcher ». Pas en France, pas dans ces conditions, pas avec une telle pression du libéralisme contre les mesures collectives, pas avec une telle passivité de la population face à des institutions foncièrement antidémocratiques.

Il ne s’agit pas d’être unilatéral, mais d’être clair et compréhensible, en assumant des choix forts, des propos stricts et cohérents. Le Conseil scientifique n’en est cependant pas capable, car il est lui-même contaminé par le libéralisme, à l’image de la bourgeoisie toute entière qui est devenue une classe décadence.

Le Conseil scientifique n’est pas porté par le peuple, il n’est pas une instance démocratique et populaire. Il est composé de bourgeois, mis en place par des bourgeois, et à l’image de la bourgeoisie en tant que classe sociale, il est en pleine décadence.

Jean-François Delfraissy réclame donc des vacances, avec la satisfaction du travail bien fait :

« Nous souhaiterions arrêter nos travaux à partir de début juillet. Nous nous sommes mis au service de la nation, en donnant les grandes directions basées sur la science pour éclairer les décisions politiques difficiles. Mais, à présent, les services de l’État sont en ordre de marche. »

Le décalage avec la réalité, et en particulier la réalité des masses populaires qui ne sont pas entièrement contaminées par le capitalisme, est immense, intenable.

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Camélia Jordana et la police qui massacrerait en banlieue

Les propos hallucinés de Camélia Jordana croyant que la France est l’Afrique du Sud de l’apartheid reflète bien toute une bourgeoisie d’origine immigrée utilisant une démagogie infâme pour se faire valoir.

Camélia Jordana est une chanteuse et une actrice. Elle a eu un parcours bourgeois toute sa vie, son père est chef d’une entreprise de transport en béton et sa mère une thérapeute en développement personnel.

De passage à « On n’est pas couché », une émission de France 2, elle a tenu des propos délirants, mais tout à fait en phase avec l’ultra-gauche. Dénonçant la police, elle dit :

« Je ne parle pas des manifestants, je parle des hommes et des femmes qui vont travailler tous les matins en banlieue qui se font massacrer pour nulle autre raison que leur couleur de peau. C’est un fait. »

Et Camélia Jordana d’expliquer qu’elle ne se sent pas en sécurité « face à un flic » parce qu’elle a les cheveux frisés ! Cela ne doit pas étonner, cela dit, cela fait plusieurs années qu’elle raconte cela dans la presse people. Selon elle, depuis les attentats du 13 novembre 2015, l’ambiance aurait changé, le racisme serait prégnant, en particulier dans la police, etc.

On a là une démagogie typique. La bourgeoisie d’origine immigrée cherche à gagner des positions en s’appuyant sur les prolétaires d’origine immigrée. Mais il faut pour cela gommer les différences de classe. Par conséquent, rien de tel qu’un racisme institutionnel imaginaire pour faire des immigrés une « caste » qui serait opprimée. Et comme levier, on utilise les lumpens confrontés à la police qu’on transforme en « martyrs ».

C’est un très beau tour de passe-passe, qui ravit l’ultra-gauche qui trouve là du grain à moudre pour ses fantasmes anti-étatiques. Jamais d’ailleurs le roman 1984 n’aura été aussi à la mode dans toutes les couches intellectuelles petites-bourgeoises, qui voient en l’intervention de l’État contre le covid-19 l’émergence du spectre du totalitarisme communiste.

C’est naturellement tout aussi parfait pour le Paris rive gauche, d’esprit catho de gauche, portant historiquement la droite du Parti socialiste, surfant les modes « post-modernes ». De France Inter à Glamour, on adore Camélia Jordana.

Car les gens comme elle en rajoutent et en rajoutent, jusqu’à un irrationalisme considéré comme la plus grande des rationalités. Camélia Jordana, qui bien entendu habite au cœur de Paris, croit en ce qu’elle dit, elle pense vraiment que la police « massacre » les non-blancs en banlieue. Une banlieue considérée par elle, bien entendu, comme uniquement composée de non-blancs. Et d’ailleurs, comme pour l’ultra-gauche, seuls ces non-blancs seraient le peuple au sens strict. Tous les autres seraient des privilégiés.

Camélia Jordana représente le grand succès des « Indigènes de la République » et de toutes ces idéologies de la bourgeoisie immigrée nées comme la vague islamiste, de la grande défaite du soulèvement des banlieues de 2005. 2005 aurait pu amener un grand renouveau de la Gauche, avec l’affirmation d’un conflit assumé avec le régime. Cela se transforma en rejet des institutions.

La différence entre un conflit avec un régime et un rejet des institutions doit être ici bien comprise et pour cela, il suffit de regarder le hip hop, le rap. Avant 2005, la dimension sociale suinte par tous les pores dans ce courant musical. Après 2005, c’est terminé.

Camélia Jordana procède de cette situation et représente une partie de la bourgeoise manipulant les esprits avec une démagogie racialiste, un discours anti-institutionnel néo-féodal, tout cela pour se donner une image « populaire ».

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Le Medef veut forcer le déconfinement et provoque la colère des pro-Macron

Le président du Medef a appelé à forcer les choses et à faire payer la crise aux travailleurs. Cela rend fou furieux les grands capitalistes représentés par Emmanuel Macron qui sont illico intervenus pour protéger leur représentant.

C’est une tempête dans un verre d’eau capitaliste. Il n’est évidemment pas facile de se retrouver dans ce verre d’eau plutôt invisible avec des petits capitalistes et des gros, différents clans, différentes factions aux intérêts divers et variés. Mais la crise étant présente, il faut abattre les cartes. Il faut en effet des options à mettre sur la table, et il n’y en a pas tant que cela, il n’y en a que trois :

a) on continue comme avant ;

b) on galvanise socialement on ne sait pas trop comment mais on y va prudemment ;

c) on rentre dans le tas en exigeant une unité nationale vigoureuse et militarisée.

La dernière option est bien entendu représentée par Marion Maréchal, ainsi que Marine Le Pen. Elles ne cessent de dérouleur leurs discours et on peut être certain que leur travail de sape est efficace. Ce sont cependant les deux autres factions qui sont concernées ici.

La première, c’est celle de la bourgeoisie prise en grand, avec de multiples ramifications, avec plus ou moins d’unité, etc. Le Figaro en est le vecteur idéologique. Et dans ce journal, à l’occasion d’une interview, le dirigeant du Medef, le syndicat patronal, est allé droit au but. Geoffroy Roux de Bézieux a dit qu’il fallait reprendre le travail le plus vite possible, qu’il fallait retrouver la normalité à marche forcée :

« L’important, c’est de remettre la machine économique en marche et de reproduire de la richesse en masse, pour tenter d’effacer, dès 2021, les pertes de croissance de 2020. »

Naturellement, il faut que quelqu’un paie tout cela. Ce sera les travailleurs :

« Il faudra bien se poser tôt ou tard la question du temps de travail, des jours fériés et des congés payés pour accompagner la reprise économique et faciliter, en travaillant un peu plus, la création de croissance supplémentaire. »

On aurait tort cependant de penser que c’est là l’expression de la bourgeoisie en général. Ainsi, la revue Challenges, un très important porte-parole du milieu économique, a littéralement dézingué le président du Medef. Pour que les choses soient bien comprises, il s’agit d’un éditorial. Le titre a été choisi comme une savante provocation : « Quand le président du Medef Geoffroy Roux de Bézieux se caricature tout seul ».

Cette réponse du dimanche à 12 avril à l’interview du Figaro du 11 n’y va pas par quatre chemins. Il faut un « Grenelle social », une unité nationale. On se moque du Figaro, « quotidien de la droite bourgeoise et du monde des affaires » et du « prêt-à-penser libéral » du patronat.

La raison de tout cela, c’est que la France est socialement à deux doigts d’exploser :

« Depuis le choc du coronavirus, une fracture s’est encore creusée.

D’un côté, des travailleurs anonymes, dont une partie fut gilets jaunes, qui assurent les activités indispensables à la collectivité et prennent ainsi des risques; de l’autre, en seconde ligne pourrait-on arguer, les « confinés », souvent des cadres qui contribuent eux aussi, depuis leur domicile et en télétravail, à ce que l’économie ne sombre pas tout à fait.

Mais ceux-là, admettons-le, sont plus « conforts », sinon plus tranquilles.

A l’abri, contrairement à tous les exposés précités, sans oublier les démunis, reclus, eux, dans des conditions souvent éprouvantes. Deux France, voire trois, qu’on ne peut traiter comme si rien ne s’était passé. »

Par conséquent, le patronat doit céder et l’éditorial se conclut par un appel à une remise au pas :

« Il faudra bien que ce fameux « capital » en passe par une baisse de ses rémunérations au profit du travail. Autrement dit, si Emmanuel Macron entend que « ça reparte vraiment », et pourquoi répétons-le ne le voudrait-il pas, il lui faudra à l’exemple du général De Gaulle, faire plier le patronat. L’archéo-patronat… »

Il faut être ici très intelligent, très subtil. En effet, il ne s’agit pas d’un éditorial appelant à un coup de force militariste : l’extrême-Droite y est ouvertement dénoncé. Et s’il y a des revendications sociales prononcées, on est dans Challenges, et il y a un appel à Emmanuel Macron qui doit être le grand dirigeant mettant le patronat au pas !

On l’aura compris : cet éditorial représente les intérêts de grosses fortunes, évidemment celles qui ont permis à Emmanuel Macron d’être élu président de la République en montant un mouvement du jour au lendemain. Ce sont des grands capitalistes et à ce titre, extérieurs au capitalisme traditionnel.

Ils peuvent donc exiger que celui-ci paie la crise. Mieux vaut cela que l’instabilité en pressurisant les travailleurs encore plus ! Ce refus d’aller dans le sens de l’extrême-droite tient à la base économique de ces grands capitalistes. Ils ne sont pas dans la tradition des monopoles français, ni économiquement, ni culturellement ; ils relèvent du business international. Ils ne peuvent donc pas appeler à une unité nationale, au nationalisme, au militarisme.

Mais leur sort est scellé, comme dans les années 1930. Le capitalisme tend à la guerre et le business international, flottant au-dessus des nations allant au militarisme, se fait violemment mettre au pas. Il n’y a pas de sortie libérale internationale, seulement la destruction avec le fascisme ou l’avenir avec le socialisme.

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Municipales: Nantes, la «Gauche» sans les prolétaires?

La liste électorale proposée par la maire de Nantes sortante Johanna Rolland, candidate à sa succession, est très marquante : les 69 candidats y sont quasiment tous des bourgeois. Le Parti socialiste, qui dirige la ville depuis 1977 avec seulement une interruption entre 1983 et 1989, ne fait même plus semblant d’apparaître populaire, mais assume totalement son orientation bourgeois-bohème. C’est une catastrophe pour la Gauche.

La candidature de Johanna Rolland à sa succession à la Mairie de Nantes est typique d’une frange du Parti socialiste qui préfère à la Gauche un vague « progressisme », en fait un social-libéralisme modernisateur. Dans son programme, le mot « Gauche » ne figure qu’une seule fois et en tout petit, à la fin d’une mini biographie. La Gauche n’est pas du tout mise en avant.

Le programme est lui-même d’un apolitisme total, élaboré à la manière d’une agence de communication et pas dans le cadre d’une bataille pour le socialisme. Il y a des éléments de langage soigneusement choisis, accompagnant un long catalogue de 189 mesures où chacun pourrait piocher ce qui l’intéresse, comme dans un catalogue Ikea.

Les propositions vont des plus marketing comme les transports en commun gratuits le week-end, aux plus ridicules comme la numéro 53 : « Créer un kit du nouvel arrivant nantais : une gourde et une tasse à chacune et à chacun »…

Cela n’a aucune dimension politico-culturelle, ne s’inscrit pas dans un enjeu politique national ni ne contribue à l’affirmation des valeurs de la Gauche. Il faudra, dans l’analyse faite à l’issue des élections municipales, se poser la question d’associer vraiment à la Gauche les victoires avec de tels programmes électoraux, autant portés par la bourgeoisie des métropoles « dynamiques » du capitalisme.

Il n’y a qu’à voir les professions des candidats (voir ci-dessous) pour que cela saute aux yeux : la liste de Johanna Rolland à Nantes n’a aucune dynamique populaire. On n’a pas la Gauche des caissières, des femmes de ménage, des infirmières, des éboueurs, des manutentionnaires, des magasiniers, de la classe ouvrière, mais un agrégat bourgeois et petit bourgeois associé à un opportunisme politique de quelques organisations de Gauche et d’identitaires bretons.

Le PCF notamment, qui en novembre 2019 produisait un document politique avec « 100 propositions pour une ville solidaire et populaire », se range ici totalement derrière une dynamique bourgeoise en l’échange du maintien de poste. Il ne fallait cependant pas attendre grand-chose du PCF local qui parlait dans son document d’une « pop’city », avec l’idée au fond d’associer dynamisme de grande métropole à l’illusion d’une culture populaire – le populaire consistant ici en général uniquement en les cités HLM liées à l’immigration.

Cela renvoie d’ailleurs à un second aspect, qui touche directement à la question démocratique. Dans les grandes villes comme Nantes, les classes populaires se trouvent pour la plupart en dehors de la commune centrale, mais dans les communes de l’agglomération, voire en périphérie de la périphérie ou carrément à la campagne.

C’est pourtant la maire de Nantes qui, quasi mécaniquement, obtient la présidence de la Métropole et la marque de son empreinte. Il y a donc ici un véritable problème démocratique avec une élection locale où les classes populaires n’ont en vérité pas de possibilité d’expression électorale commune, et se voient confisquer la Gauche par une bourgeoisie et petite-bourgeoisie de centre-ville.