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Société

« Le vélo des champs doit obtenir la même sécurité que le vélo des villes »

Communiqué de presse.

Voici un communiqué initié par l‘association « Mon vélo est une vie », qui fait un travail de longue haleine en ce qui concerne la sécurité routière à vélo. Il y est question du vélo sur les routes de campagne, qui est il est vrai bien souvent oublié, car toute l’attention à notre époque se porte sur les grandes métropoles.

Voici le communiqué datant du 31 janvier 2023, suite à un dramatique accident en Bretagne. Dramatique, mais nullement étonnant pour qui a l’habitude de circuler à vélo sur les routes de campagne françaises. Il y a sur ce sujet, comme tant d’autre, une véritable révolution culturelle à mener.

« Les cyclistes Français en danger de mort

Samedi 21 janvier 2023, sur la départementale 84 à Plouagat, un automobiliste alcoolisé a fauché treize jeunes cyclistes du Vélo Club du Pays de Guingamp.

L’automobiliste a percuté de front les coureurs qui roulaient en groupe et ensuite pris la fuite. Encore une fois, ces accidents en route de campagne ont impliqué des cyclistes sportifs en qualité de victime.

Plus de 60% des cyclistes trouvant la mort après un accident roulaient en dehors des villes. Ces cyclistes regroupent des pratiquants sportifs affiliés dans des fédérations aussi bien que des pratiquants en loisir.

La conséquence de cette insécurité peut entraîner une diminution des licenciés auprès des fédérations, qui ont la route pour seul terrain d’entraînement, une diminution générale de la pratique du vélo, qui est enjeu majeur de santé publique et des mobilités.

Nous comprenons l’inquiétude des parents qui confient leur enfant à une structure affiliée afin de pratiquer sur des routes de campagne ouvertes à la circulation.

Comment les rassurer lorsque l’on sait que chaque cycliste a peur de se faire percuter par l’arrière ? En effet, nombreux sont ceux qui mentionnent l’irresponsabilité de certains automobilistes qui ne respectent pas les distances de sécurité d’un mètre cinquante lors des dépassements.

Comment pouvoir les rassurer lorsque l’on sait que certains voudraient faire un strike d’un groupe de cyclistes? En effet, nombreux sont ceux qui pourraient témoigner de la dangerosité dont les chauffards font preuve au quotidien.

C’est pourquoi le vélo des champs doit obtenir la même sécurité que le vélo des villes.

Avec l’incitation du gouvernement aux mobilités douces, le vélo des champs doit obtenir la même sécurité que le vélo des villes. Que ce soit dans un but sportif ou de loisir, nous devrions pouvoir rouler sans avoir peur des délinquants de la route Nos futurs champions dont certains participeront peut-être aux Jeux Olympiques de Paris 2024, sont tout aussi concernés que les voyageurs à vélo ou tout pratiquant de loisirs.

C’est avec cette volonté que nous demandons aux Ministères des Sports et de l’intérieur d’organiser au plus vite un Grenelle de la mobilité en conviant les associations et les fédérations signataires de ce communiqué. L’objectif sera de rapidement établir une stratégie de sécurité afin de diminuer le taux de mortalité) sur les routes en cohabitant et en partageant au mieux la chaussée.

Signataires :

– Fédération Française de Cyclotourisme (FFVélo)

– Mon vélo est une vie

– 40 millions d’automobilistes »

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Culture

Mouchette (Robert Bresson, 1967) et la ruralité étouffante

Le cinéma de Bresson peut être qualifié de classique. Il n’est pas sensible aux modes et procède d’une même intention de l’auteur variant peu dans la forme. Mouchette, film du milieu de la carrière du cinéaste, ne fait pas exception. La narration est classique, linéaire, aux antipodes des films conçus par les scénaristes qui pullulent en streaming.

Bresson est connu pour son approche picturale du cinéma. Si dans leur forme, les tableaux qui se succèdent dans Mouchette sont plutôt naturalistes, l’effet d’épouvante qu’ils provoquent sur le spectateur a la puissance d’un Jérôme Bosch. Mouchette secoue le spectateur car il donne à voir des hommes indifférents à la présence répétée du « Mal », comme le disent ceux qui, comme l’auteur, croient en dieu.

Adapté d’un roman de Bernanos, le film interroge la morale du spectateur. Celui-ci est confronté de manière frontale et sans échappatoire aux tourments de la frêle Mouchette. Il se trouve complice de ceux qui la font souffrir par sa passivité (de spectateur, précisément).

Bresson a fait figurer au premier plan de ce film des personnes qui ne sont pas des comédiens. Il a capté de Nadine Nortier, qui est Mouchette, l’intensité de la vie intérieure d’une jeune femme de 14 ans. Le bouillonnement des sensations et des sentiments contradictoires jaillit à chaque plan, d’autant que la caméra est souvent mue à courte distance.

Mouchette souffre sans jamais l’exprimer. La jeune femme n’a de prise sur rien, c’est le destin qui la jette contre les évènements. Mouchette vit une profonde solitude morale. Ses expériences de la joie et de l’attention d’autrui se soldent irrémédiablement par des échecs violents.

Bresson, comme Bernanos, traite cette situation depuis un point de vue propre aux religieux. Evidemment, à gauche, on n’adopte pas cette posture idéaliste tendant au déterminisme. Ni la providence ni le destin ne sont des forces réelles capables de décider du sort de Mouchette. En réalité, la jeune femme ne peut pas s’extirper de sa condition sociale, car la société est bloquée.

En plus de l’omniprésence du « Mal » qui anime peu ou prou chacun des personnages, un des thèmes du film est la ruralité aux prises avec la modernité, en ce tout début des années 1960. C’est comme un second film, dans le film, qui s’offre à la vue du spectateur de 2021.

La société rurale n’est une communauté unie et bienveillante qu’en apparence. Au fil des séquences, on découvre que les paysans pauvres et riches se côtoient dans une violence muette. Toute cette société villageoise est rongée par les inégalités et la misère. Le contrôle social passe par l’étouffement de l’expression de la personnalité. Il est implacable, assuré contre Mouchette par l’institutrice, les commerçants et les hommes en général, au service d’un ordre qui se veut immuable. Il en va de même pour Louisa la serveuse du café et, dans une moindre mesure, pour Arsène le braconnier.

La ruralité se maintient au prix d’une violence implacable à l’encontre des faibles et des sensibles. Elle se reproduit par la répétition des activités rituelles comme la chasse pour les hommes et la messe pour les femmes.

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Écologie

« Morts, violences et abus liés à la chasse: plus jamais ça! »

Le collectif Un jour Un chasseur mène un travail démocratique de fond sur un sujet de première importance.

La vie dans les campagnes l’automne et l’hiver est profondément abîmée par la chasse. Il ne s’agit pas ici que des animaux, persécutés et assassinés en masse pour le loisir de quelques-uns, mais aussi des habitants et des promeneurs.

Le collectif Un jour Un chasseur parle de cela avec beaucoup de justesse et de conviction, pour réclamer des droits démocratiques fondamentaux aux habitants des campagnes et aux promeneurs amoureux de la nature.

Le collectif parle juste, car ce qu’il a à dire est tout à fait concret et tristement réel : Un jour Un chasseur est né après la mort Morgan Keane, victime d’une balle de chasseur alors qu’il coupait du bois à côté de chez lui.

Depuis, la mission est de recueillir et relayer des témoignages de comportements abusifs liés à la chasse. Voici des exemples terrifiants en vidéo :

Ce n’est pas tout, car il y a également une pétition qui a été lancée récemment. Celle-ci a la particularité d’être une pétition citoyenne sur le site du Sénat : l’objectif est donc d’obtenir 100 000 signatures en six mois, pour que les parlementaires soient obligés légalement de la prendre en compte. La date butoir est le 10 mars 2022.

Voici les 5 modifications de la loi qui sont revendiquées :

  • Dimanche et mercredi sans chasse ;
  • Formation plus stricte et renforcement des règles de sécurité ;
  • Contrôle et suivi des armes de chasse et des comportements à risque ;
  • Des sanctions pénales à la hauteur des délits commis ;
  • Libération de la parole et reconnaissance des victimes de la chasse par l’État.

Naturellement, ces modifications de la loi espèrent en fin de compte une modernisation de la chasse et des chasseurs. Ce n’est pas possible (ni d’ailleurs souhaitable). La chasse est substantiellement une démarche réactionnaire de masse. Le collectif, né sur le tas, n’a ici pas un positionnement adéquat ; il est une expression immédiate d’un des aspects sombres de la chasse.

Un jour Un chasseur est présent sur Instagram, Twitter et Facebook ; pour la pétition, voici la page où se rendre sur le site du Sénat : petitions.senat.fr/initiatives/i-742

Voici le texte complet de la pétition citoyenne.

« Morts, violences et abus liés à la chasse : plus jamais ça !

Texte législatif

Le 2 décembre dernier, en plein confinement, Morgan Keane, 25 ans, a été abattu par un chasseur alors qu’il coupait du bois dans son jardin. Le tireur l’aurait “confondu” avec un sanglier. Morgan. Un prénom qui vient s’ajouter à ceux de Gaël, Annie, Mark, Samuel, Frank, Marcel, et tant d’autres.

En 20 ans, les “accidents” de chasse ont provoqué la mort de plus de 400 personnes. À ces 400 “accidents” mortels, il faut ajouter les 158 accidents par an (en moyenne) déclarés à la gendarmerie. Un chiffre qui ne signifie rien, si l’on considère que la majorité des incidents ne sont pas déclarés, et que ceux qui le sont ne font que très rarement l’objet d’une enquête.

Nous refusons d’accepter la banalisation de ces drames, que le terme “d’accident” vise à normaliser et à rendre supportables. Qu’ils provoquent la mort, des blessures physiques, ou entraînent des séquelles psychologiques, il est de notre devoir, de celui des autorités et du gouvernement de les dénoncer, de leur faire face et de ne surtout pas tolérer l’intolérable.

Le collectif Un jour un chasseur, créé à la suite de la mort de Morgan, qui collecte et relaie des témoignages de violences et d’abus liés à la chasse, exige la mise en place des mesures ci-dessous et la modification en profondeur de lois qui, de toute évidence, ne garantissent ni notre sécurité, ni notre bien-être.

I – Dimanche et mercredi sans chasse

Nous demandons l’interdiction de la chasse le dimanche et le mercredi, sur l’ensemble du territoire français et sans possibilité aucune de dérogation. L’inquiétude et l’insécurité ressenties en période de chasse par les usagers de la nature non-chasseurs est intolérable. Nous demandons un juste partage de nos campagnes.

Rappelons que nos voisins européens ont, pour la plupart, adopté au moins un jour hebdomadaire sans chasse.

Par exemple, au Royaume-Uni, la chasse est interdite le dimanche depuis 1831. Aux Pays-Bas, la chasse est également interdite le dimanche, ainsi que dans plusieurs États d’Allemagne, cantons suisses et régions espagnoles.

II – Formation plus stricte et renforcement des règles de sécurité

Le permis de chasser permettant l’acquisition et la détention d’armes de catégorie C et leurs munitions, son obtention ne peut en aucun cas être considérée comme anodine.

La formation du permis de chasser doit être revue (âge minimum, difficultés des épreuves, renouvellement du permis chaque année avec certificat médical et test psychologique).

D’autre part, les règles de sécurité sont actuellement insuffisantes.

Nous demandons un renforcement général de ces règles : instauration d’une zone de protection autour des habitations égale à la portée maximale des armes utilisées, interdiction de l’alcool à la chasse, encadrement strict des battues et amélioration de la communication à leur sujet, mise en place de contrôles fréquents par des personnes étrangères aux fédérations de chasseurs pour faire respecter les règles de sécurité et rapporter les incidents en gendarmerie.

III- Contrôle et suivi des armes de chasse et des comportements à risque

Le 11 juin dernier, une mère de famille a été abattue par son ex-compagnon sur un parking public à Monéteau. Celui-ci, titulaire d’un permis de chasse, a utilisé son arme de chasse pour perpétrer cet homicide, et était déjà connu de la justice pour violences conjugales. En avril 2018, à Aurillac, un homme qui avait effectué un séjour en hôpital psychiatrique quelques mois plus tôt, a abattu son ex-femme avec son arme de chasse.

Combien de faits divers similaires ? Combien d’homicides et de féminicides commis avec des armes de chasse par des personnes qui les détenaient de manière complètement légale ?

Nous demandons un réel contrôle et suivi des armes sur le territoire national. Étant donné la facilité d’acquisition et de détention d’armes en France via le permis de chasse, celles-ci doivent être contrôlées et leurs détenteurs suivis.

Par exemple, il existe déjà le fichier FINIADA, censé recenser les personnes interdites d’acquisition et de détention d’armes. La mise à jour régulière de ce fichier, et la possibilité d’y faire inscrire une personne suite à une infraction constatée, si elles étaient respectées, pourraient permettre la diminution des incidents liés à l’utilisation d’une arme de chasse, pendant et hors actions de chasse (suicides, règlements de compte, féminicides, homicides volontaires…).

IV- Des sanctions pénales à la hauteur des délits commis

Nous remarquons, à travers les témoignages reçus par le collectif Un jour un chasseur, que les plaintes déposées par les victimes se voient généralement refusées ou classées sans suite. Les victimes doivent pouvoir porter plainte facilement pour dénoncer tout comportement abusif.

D’autre part, nous demandons des sanctions pénales systématiques en réponse à tout incident survenu lors d’une action de chasse : la possibilité du retrait immédiat du permis de chasser, l’interdiction de détenir ou d’acquérir une arme, des dédommagements et intérêts conséquents et des peines d’emprisonnement strictes et fermes.

Rappelons qu’un homicide involontaire commis par un conducteur est puni jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende. Ces peines peuvent être alourdies en cas de circonstances aggravantes.

Cependant, l’auteur d’un homicide involontaire d’un autre genre, dont les chasseurs, peut être sanctionné jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.

Dans certains cas, le tribunal peut prononcer une ou plusieurs peines complémentaires, comme l’interdiction de porter une arme soumise à autorisation pendant 5 ans au plus, la confiscation d’armes ou le retrait temporaire du permis de chasser.

Quelques questions se posent. En quoi est-ce moins condamnable d’abattre quelqu’un dans son jardin que de le tuer sur la route ? Comment se fait-il que le permis de chasser ne soit pas retiré à vie à l’auteur d’un homicide involontaire ? Ces lois traduisent encore une fois la banalisation de la mort par arme à feu, une banalisation inacceptable dans notre pays, au 21ème siècle.

V- Libération de la parole et reconnaissance des victimes de la chasse par l’État

Il est primordial et nécessaire de laisser un espace d’expression aux victimes et/ou proches des victimes des chasseurs. Tous les parents, les enfants, conjoints et amis des victimes mortelles de la chasse sont aussi des victimes collatérales qui doivent continuer à vivre avec le traumatisme d’une mort violente et injuste, à laquelle ils ont parfois assisté.

Nous demandons une reconnaissance officielle et publique des victimes de la chasse par l’État ainsi que la mise en place systématique d’un soutien psychologique et financier. »

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Société

Accidents de chasse: il faut faire le procès de la chasse elle-même

Mardi 1er décembre avait lieu un procès important en Haute-Savoie, à l’issue duquel un chasseur a été condamné pour l’homicide involontaire d’un vététiste en 2018. Rien n’a changé depuis ce terrible accident et, terrible coïncidence, dès le lendemain mercredi 2 décembre, c’est à nouveau un jeune homme qui a été tué par un chasseur dans le Lot, alors qu’il coupait du bois à côté de chez lui.

Cinq personnes comparaissaient devant le tribunal correctionnel de Thonon-les-Bains mardi 1er décembre suite à la mort de Mark Sutton, un Britannique de 34 ans qui se promenait à VTT sur la commune de Montriond.

L’auteur du tir, qui a 24 ans cette année, était poursuivi pour homicide involontaire par imprudence et a écopé d’un an de prison ferme (ainsi que trois ans avec sursis). La peine est accompagnée d’une interdiction de chasser pendant dix ans et de détenir une arme pendant cinq ans.

À ses côtés, deux jeunes chasseurs ainsi que le père de l’un d’entre eux et sa compagne ont été reconnus coupables d’avoir maquillé la vérité sur l’homicide et ont écopé de peines allant de 6 mois à 18 mois de prison… avec sursis, avec interdiction de chasser et de détenir une arme pendant cette période.

Les heures du procès ont établi que, ce jour d’octobre 2018, l’auteur du tir et ses compagnons de chasses avaient manqué gravement à leurs obligations de sécurité, alors que le cycliste tué a été décrit comme « parfaitement identifiable » sur un chemin fréquenté, pentu et difficile d’accès.

Le coup de feu d’abord, était illégal puisqu’il était oblique, c’est-à-dire non dirigé vers le sol comme ce doit être le cas en théorie. Mais c’est la partie de chasse elle-même qui a été décrite comme « désorganisée », ainsi que le rapporte la rédaction locale de France 3 :

« La battue se serait déroulée sans responsable identifié, sans secteur de chasse établi, sans carnet de battue prérempli et à moins de 150 mètres des habitations. La jeunesse des chasseurs a aussi été invoquée. »

Pourtant, le plus âgé des chasseurs a expliqué que selon lui, « cela s’est toujours passé comme ça » à propos des règles de sécurité. Avec toute sa condescendance bourgeoise, le président du tribunal s’est alors permis de manière odieuse de répondre en le traitant « d’abruti », puis la Fédération des chasseurs de Haute-Savoie, partie civile, est intervenue via son avocat pour se défausser entièrement en pointant des « erreurs absolues ».

En clair, il s’agit de protéger la chasse et c’est ce qui s’est passé au procès du mardi 1er décembre à Thonon-les-Bains. Ce sont  officiellement quelques chasseurs, considérés simplement comme fautifs individuellement, qui ont été condamnés en dehors de toute mise en perspective sociétale à propos de la chasse et de la façon dont elle est pratiquée dans notre pays.

Les propos du tireur plaidant sa bonne foi posent pourtant la question de l’existence de la chasse en général :

« Il n’y avait pas vraiment de poste défini. Je me suis posté, j’ai tiré et j’ai raté un chevreuil. Quinze minutes après, j’ai entendu un autre chien et j’ai vu un sanglier sortir. Je l’ai suivi dans la croix de ma lunette, il n’y avait aucune erreur possible ».

Comment se fait-il que d’aussi jeunes gens puissent se balader avec autant de légèreté dans la nature avec des armes aussi puissantes ? Il est bien trop facile ici de résumer l’homicide de Mark Sutton à seulement des manquements individuels, de la part de gens menés par un « abruti » selon les mots du juge.

Ce même juge qui d’ailleurs a été bien moins sévère que le procureur, qui avait requis cinq ans de prison dont deux ferme pour le principal accusé. C’est qu’il fallait protéger la chasse en général, tout en résumant le drame à un acte isolé.

Steve Downs, un ami du cycliste tué, a fondé l’Union des victimes de la chasse et a très bien saisi tout l’enjeu de cette affaire, qui n’est pas seulement le produit d’un manquement individuel, mais bien liée à la pratique de la chasse en général. Voici ce qu’il explique avec une très grande justesse :

« Ce cas a mis en lumière le côté toxique de la culture des chasseurs ainsi que le fait qu’ils mettent en danger chaque jour des vies pendant la saison de la chasse. Les chasseurs ont montré une indifférence totale au regard de la sécurité des autres.

 1.  Ils avaient bu de l’alcool au déjeuner avant d’aller chasser, armés dans un endroit public. Un des groupes a reconnu avoir bu une bouteille de vin , 2 bières et avoir fumé du cannabis.

Pourquoi n’existe-t-il pas une loi contre la consommation d’alcool pendant la chasse ? Comme boire et conduire ?

Il est autorisé pour les chasseurs de boire pendant la chasse, et cette tradition doit être remise en question.

 2. Ce groupe de chasseurs n’avait pas mis de panneau avertissant une  “chasse en cours” donc personne ne pouvait savoir qu’il circulait dans une zone de tirs.

 3. Ils n’avaient pas rempli le carnet de battue et ont donc ignoré la sécurité des marcheurs, des cyclistes et des habitants proches de la zone de tirs.

 Ce sont les fédérations et le gouvernement qui autorisent cette culture dangereuse à  perdurer, en oubliant de revoir les règles de sécurité et les lois après chaque mort ou chaque accident.

Il y a beaucoup de choses qui peuvent être faites aujourd’hui pour essayer de s’assurer que cela ne se reproduise jamais .

 1. Rendre chaque membre responsable en cas d’accident, pendant une session de chasse, ce qui encouragerait à contrôler le comportement de chacun.

 2. Punir la consommation d’alcool pendant la chasse et en faire une infraction pénale.

 3. Changer progressivement  les règles du permis de chasse  , en fonction de l’âge et de l’expérience.

Ne plus avoir autant de jeunes chasseurs portant des armes très puissantes si près des habitations après avoir bu, ce qui a été la cause de cette tragédie.

 4. Revoir entièrement l’utilisation du carnet de battue et la façon dont les associations locales contrôlent chaque chasse, afin que l’évaluation des risques soit bien gérée et vérifiée à chaque fois.

 La mort de Mark à fait prendre conscience à notre communauté de l’attitude dangereuse des chasseurs. Beaucoup  de gens vivent dans la peur pendant la saison de la chasse, et ne peuvent pas profiter de la campagne près de chez eux puisqu’ils courent le risque d’être victime d’une balle perdue la plupart des jours de la semaine et tout les weekend.

De nombreuses personnes à travers la France nous ont contactés pour nous signaler de dangereux comportements de chasseurs, ou ont été victimes d’un incident eux-mêmes.

Nous demandons à chacun d’entre eux de raconter leur histoire pour l’ajouter au site internet de notre campagne www.victimeschasse.fr pour que nous puissions montrer la multiplication de ce fléau et comment il impacte les gens à travers la campagne chaque année.

Rien ne pourra ramener Mark et tout ce que nous pouvons faire maintenant est d’essayer de protéger les autres et de faire en sorte que cela ne se reproduise jamais, en sa mémoire. . 

Nous n’essayons pas d’arrêter la chasse , nous essayons d’éviter les morts. »

Mercredi 2 décembre, c’est donc un nouvel accident qui a donné, malheureusement, raison au fondateur de l’Union des victimes de la chasse, avec la mort d’un jeune homme victime d’une balle perdue, alors qu’il coupait du bois à proximité de son habitation sur la commune de Calvignac dans le Lot.

L’auteur du tir a été interpellé pour homicide involontaire et un nouveau procès se tiendra forcément, avec la même individualisation sans mise en perspective sociétale, avec la même focalisation mensongère, malhonnête, sur un particulier, sans considération du contexte général. Pourtant, c’est bien le procès de la chasse en général qu’il faut faire, car les accidents sont nombreux et réguliers.

C’est là une question démocratique très importante en ce qui concerne la vie quotidienne dans les campagnes en France et ce doit être une préoccupation de la Gauche.

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Écologie

Le tournant raté de la Gauche à propos de la chasse à la fin des années 1990

Dans les années 1990, les chasseurs ont été secoués par la mise en place de nouvelles directives européennes modifiant leur pratique. En 1997, le gouvernement de la « gauche plurielle » allait se trouver confronter à cet enjeu, ratant le coche d’une résolution démocratique et populaire d’un problème décisif pour le XXIe siècle.

En 1979, l’Union européenne édictait une directive sur la protection des oiseaux sauvages. Pays de paysans, attachés à la chasse « populaire », la France n’a pas véritablement respecté la règle de transposition de cette directive pendant les années 1980. Jusqu’à ce que des associations écologistes mènent des actions juridiques et finissent par faire appliquer la directive, bousculant la pratique de la chasse au gibier d’eau. La date d’ouverture de cette chasse fut par exemple progressivement reculée du 14 juillet au 1er septembre.

Or, on le sait, si la chasse à courre est une pratique élitiste, portée par des grand bourgeois sur un mode aristocratique, la chasse au gibier d’eau est plus largement populaire. Depuis les années 1960, les zones populaires étaient confrontées à une urbanisation croissante et une forte suspicion naissait quant à une perte de ce « droit » face aux privatisations de vastes domaines de chasse par de grandes fortunes… Cela allait fournir une base pour une contestation pro-chasse de la part du PCF.

Dès le départ donc s’entremêlaient des enjeux démocratiques et populaires, si bien qu’autour des fameuses A.C.C.A, les chasseurs de gibier d’eau s’appuyèrent sur l’association nationale des chasseurs de gibier d’eau (ANCGE), présente dans la façade maritime de l’Ouest et du Nord, et sur l’union nationale de défense des chasses traditionnelles françaises (UNDCTF), devenue l’ « union nationale des associations de chasseurs d’oiseaux migrateurs » en 1999, plutôt implantée dans le sud ouest.

À la directive européenne de 1979 s’en ajouta une nouvelle en 1992 à propos de l’ « habitat-faune-flore », s’appuyant notamment sur les réserves Natura 2000 dans lesquelles la chasse est limitée.

Face à ces législations encadrant les activités de la chasse, une partie des chasseurs, principalement des notables ruraux, fondent en 1989 le parti « chasse, pêche, nature et traditions » afin de défendre ce qu’ils nommaient déjà « l’identité des ruraux ». Ce parti n’aura jamais vraiment de bases militantes, étant plutôt un outil de « lobbying » électoral pour la chasse, avec en arrière plan une idéologie réactionnaire sur un mode rural. Il n’en reste pas moins qu’un cap fut franchi dans la contestation pro-chasse.

Le « tournant » se situe en 1997 avec la victoire de la coalition dite de « gauche plurielle » aux élections législatives, rassemblant le PS, PCF, Les Verts, le Mouvement des Citoyens de Jean-Pierre Chevènement et le Parti radical de gauche. C’est la seconde cohabitation avec un gouvernement de gauche et Jacques Chirac, président de la République depuis 1995.

Issue des Verts, Dominique Voynet devient alors la ministre de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement. Une de ses missions va être de mettre la France en conformité avec les directives européennes de 1979 et 1992, peu respectées au niveau local. En 1996, l’ASPAS et la SNPN (société nationale de protection de la nature) assignaient en justice le président « Comité pour la défense et l’organisation de la chasse à la tourterelle », Georges Riboulet, pour non respect des réglementations en matière de protection de ces oiseaux (pas encore totalement respectée aujourd’hui).

Et c’est à travers ce procès que l’on voit tous les enjeux de la Gauche et de la chasse à cette époque. Si l’un des avocats de Georges Riboulet était Daniel Piquotin, également conseiller régional d’Aquitaine de l’UDF (ancêtre du Modem), le chasseur pouvait également compter sur la défense d’Alain Anziani, président du PS en Gironde. Le Parti socialiste était en effet grand défenseur des chasseurs en Gironde, de part la forte présence des chasseurs à la palombe dans les réseaux de pouvoir. En 1992, le conseil général d’Aquitaine comptait même 10 conseillers CPNT.

Face aux directives européennes, aux mises en justice et à une ministre issue des Verts, la contestation montante des chasseurs devait finir par se manifester au grand jour devant tout le pays. Ce fut le cas le 14 février 1998 où 150 000 chasseurs venus de toute la France par auto-car manifestaient sur les Champs-Élysées à Paris, appuyés par des cors de chasse, des défilés de chiens et des lâchages d’oiseaux.

Dans la manifestation, on retrouvait toutes les associations de chasse, mais aussi des figures de la droite, du Front National ainsi que du PCF. Une partie des bases du PCF étaient acquises à la défense de la chasse dans la perspective de défense de la Révolution française ayant aboli le privilège des « nantis ». Maurice Rocher, responsable PCF Loire-Atlantique de 1963 à 1983, n’était-il pas lui-même un pratiquant de chasse dans sa propriété de Saint-Joachim dans le marais de Brière ?

Point culminant de la contestation : lors des élections européennes de 1999, Jean Saint-Josse, président de CPNT obtenait 1 195 863 voix, soit 6,5 % des suffrages exprimés.

Il n’empêche qu’en mars 2000, la loi portée par Dominique Voynet finit par être votée. Elle instaura notamment le mercredi « jour sans chasse », la protection des oiseaux migrateurs avec la fermeture de leur chasse au 31 janvier et un encadrement hebdomadaire de la chasse en général. Le droit de chasser la nuit, avec de la glu et de pénétrer dans les propriétés privées furent toutefois maintenues. C’est que la Droite avait pu compter lors des débats à l’Assemblée nationale sur le soutien non négligeable des élus du PCF et de la majorité des députés PS du sud-ouest.

Minée par ses renoncements idéologiques, la Gauche n’a pas été en mesure d’assumer une mobilisation démocratique et populaire sur la question de la chasse, des campagnes et des animaux dans les années 1990. Cela a d’ailleurs contribué à marquer la différence entre les « écologistes » et la « gauche », alors même qu’un espace était ouvert, avec une opinion publique favorable à des campagnes tournées vers la nature et les animaux.

Les années 2020 seront les années du dépassement de ces renoncements, avec une recomposition générale de la Gauche sur ses bases historiques en tenant compte de la nature et des animaux comme aspects centraux de la cause du Socialisme.

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Écologie

Comment le loup a été exterminé en France

Au XVIIIe siècle, il y avait encore des dizaines de milliers de loups en France. Mais avec le triomphe général de la bourgeoisie à la fin du XIXe siècle, l’extermination de cet animal fut décrétée.

L’obsession de la traque du loup remonte à loin. Au IXe siècle, entre 800 et 813, Charlemagne fondait déjà l’institution chargée de les chasser : les lieutenants de louveterie. Toutefois, c’est à l’époque du capitalisme triomphant que l’espèce a été exterminée.

Évalués en France à encore plusieurs milliers d’individus à la fin du XIXe siècle, objet de fantasme d’horreur autant que responsables de dégâts sur les cultures agricoles, le loup devait passer sous le rouleau compresseur de l’administration bourgeoise.

L’histoire de la IIIe République (1870-1940), c’est l’histoire de l’alliance entre la bourgeoisie libérale des villes et des paysans propriétaires des campagnes contre le mouvement ouvrier et le socialisme et c’est dans ce cadre politique qu’il faut comprendre l’extermination complète des loups.

En 1875, le journal L’Avenir Républicain, dont le nom trahit son orientation politique, fustigeait la SPA fondée en 1845 dont une partie de « philosophes profonds et mystiques » :

« ils veulent conserver tous les carnassiers : ours, loups, renards, fouines, éperviers, d’abord parce que ce sont des créatures de Dieu ! et ensuite par ce qu’ils détruisent les rats, les souris, les taupes. Ils veulent conserver les taupes parce qu’elles détruisent les insectes ; ils veulent conserver les insectes parce qu’ils se détruisent entre eux; mais ils veulent que cette destruction se borne à quelques individus qui se trouvent de trop, et que la race soit maintenue. »

La SPA avait en effet ici une approche relevant de la croyance religieuse, quoi qu’elle anticipait, sans le savoir, la compréhension scientifique de Planète comme Biosphère, où chaque espèce est inter-dépendante formant une dynamique générale.

Il faudrait également mentionner le pasteur lyonnais Georges Blot qui en 1907 rappelait dans un « plaidoyer pour les loups » leur filiation avec le chien, décrivant les choses avec une grande sensibilité :

« Mais le loup, que lui avons-nous fait ? De quelle infamie humaine a-t-il été victime ou témoin pour qu’il ne veuille plus, lui, nous tendre la patte ? (…)

L’homme a choisi, voilà tout. Oui, l’homme a choisi ; mais comment ? Là est la question ! Sans doute comme font les forts, en renvoyant d’un coup de pied ou d’un coup de pierre, le méprisé. Alors, dans son cœur de bête déjà ulcéré, peut-être par ce que son frère (le chien) était plus beau que lui, mieux tacheté, mieux fourré, plus gracieux ou plus habile à plaire, le loup sentit la jalousie, la haine devenir implacables ! »

Les défenseurs du loup étaient toutefois bien trop dénigrés pour être soutenus, d’autant plus que les argumentations mystiques les isolaient à la fois de la classe ouvrière, profondément anti-cléricale, que de la bourgeoisie républicaine.

Ainsi, le 12 juin 1880, Pierre Tirard, ministre de l’agriculture, déposait un projet de loi sur « la destruction des loups » dans laquelle il était proposé de relever les primes pour la chasse de l’espèce sauvage.

Les primes instaurées sous le Directoire (1795-1799) étaient devenues trop faibles pour espérer une extermination rapide. Le projet de loi relevait donc les primes à 200 francs s’il est prouvé que le loup a tenté d’agresser un humain, à 100 francs par loup ou louve « non pleine », à 150 francs par louve pleine et à 40 francs par tête de louveteau.

L’idée était également de contourner les lieutenants de louveterie, marqués par la culture monarchiste et plus tournés vers la traque « loisir » que vers l’élimination minutieuse et totale de l’espèce. En plus, cela ne pouvait que renforcer le soutien des petits paysans à la bourgeoisie républicaine.

Le 30 août 1880, le journal régional La Mayenne saluait la mesure et forçait même le trait en liant protection des agriculteurs et défense patriotique :

« Les loups qu’il s’agit en effet de détruire sont, pour la plupart, des envahisseurs qui ont passé la frontière en 1870, à la suite des armées allemandes.

Voilà de quoi, nous l’espérons, donner du cœur au ventre aux tueurs de loups. La Société d’agriculture l’a dit, c’est une question d’humanité. Nous ajoutons, nous : c’est une question patriotique. Donc guerre aux loups, sus aux loups ! »

C’est dire comment la destruction du loup à cette époque était liée à la culture militariste et à l’esprit revanchard nationaliste anti-allemand. Le 3 août 1882, la loi sur la destruction du loup était adoptée.

Et cela va fonctionner à plein régime, avec des pratiques d’une très grande cruauté. Des louves étaient surveillées afin de tuer les louveteaux dès leur naissance, que cela soit par étouffement ou par empoisonnement à la strychnine. En août 1913, le « Journal des débats politiques et littéraires » annonçait que 2 344 loups avaient été tués pour la seule année de 1882, et près de 8 000 entre 1883 et 1894.

La population de loups en France a ainsi été exterminée en l’espace d’une décennie, et cela du fait même de l’engouement général des populations des campagnes pour l’anéantissement du-dit « nuisible ».

Cela si bien qu’en janvier 1940, « le petit Journal » pouvait affirmer que l’éradication du loup n’avait pas été le fait des chasseurs professionnels, les « lieutenants de louveterie », mais par ce qu’il appelle de manière générale la « grande gargamelle » :

« Il faut reconnaître que les loups ont aujourd’hui disparu de nos campagnes, on le doit bien plutôt à l’action de la Grande Gargamelle et de ses émules qu’à celle des veneurs qui chassaient à cor et à cri. Le système de la prime est le plus efficace. (…)

La race dès loups est à peu près éteinte chez nous. Sans la tradition administrative qui maintient toujours là fonction de lieutenant de louveterie — laquelle, d’ailleurs, ne coûte rien au Trésor — qui songerait seulement qu’il y a eu naguère, dans nos campagnes, tant de bêtes malfaisantes qui dévoraient les moutons, et même, à l’occasion, les femmes et les petits enfants ? »

La « Grande Gargamelle » faisait référence au personnage éponyme du roman « Gargantua » écrit en 1534 par le grand classique de l’époque de l’Humanisme français, François Rabelais. « Gargamelle » était l’épouse de « Grandgousier » avec qui elle enfanta « Gargantua ». Ces personnages représentaient une famille de seigneurs mangeant salement et ne respectant aucune bien-séance à table.

Si dans l’esprit de François Rabelais, c’était une manière de critiquer de manière habile et humoristique le manque de raffinement de la classe dominante (seigneurs) de son époque, cela désigna ensuite de manière péjorative les personnes rustres des campagnes.

Ainsi, cette tranche d’histoire doit-elle se comprendre en lien avec le retour actuel du loup. Vraisemblablement venu d’Italie, sa présence a été remarquée dans les Alpes en 1992, avant leur expansion à partir du milieu des années 2000. On compterait aujourd’hui environ 500 loups, avec une forte présence dans le massif des Alpes.

N’est-il pas heureux et bienvenue que cet animal sauvage, liquidé de manière infâme, soit de retour ? N’est-ce pas le signe de la persévérance de la vie sauvage à se maintenir malgré une traque organisée ? Et surtout, cela n’est-il pas une invitation à ne pas répéter les erreurs du passé ?

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Écologie

«Zone300»: l’impossible tentative de modernisation de la chasse

La plateforme de vidéos à la demande (VOD) « zone300 » a lancé une campagne de publicité dans les grandes villes, pour ce qui se veut un « Netflix de la chasse ». Il y a là une contradiction intenable pour la chasse, qui d’un côté cherche à se moderniser pour ne pas disparaître, alors que de l’autre elle n’existe que comme « tradition », c’est-à-dire en fait comme un vestige du passé.

Composée d’une douzaine de personnes professionnelles de l’audiovisuel, « zone300 » vise à souder la communauté des chasseurs et des pêcheurs autour de « l’ éthique et de l’esthétique de nos trois passions » (la « chasse sous-marine », étant la troisième « passion »…)

On y retrouve ainsi toutes les semaines des vidéos tournées par des professionnels des « trois chasses », et l’on peut même y envoyer ses propres vidéos amateurs et recevoir un montage gratuit à montrer à son entourage.

C’est tout le monde de la chasse, des entreprises d’équipementiers au simple chasseur en passant par les revues spécialisées, qui sont tournés vers un but : s’unir pour défendre non pas un simple « loisir », mais un style de vie fondé sur l’ « instinct » et la « prédation » animale. Ce n’est pas pour rien qu’on retrouve même des « tutos » pour apprendre à cuisiner « ses prises » de chasse.

Le problème, c’est que tout cela est franchement dépassé. La France est bel et bien sortie du 20e siècle et les campagnes se sont largement modernisées depuis les années 1990. Cela fait bien longtemps que les chasseurs n’étaient pas appréciés, y compris dans les campagnes. Mais en 2020, ils sont ouvertement décriés. Leurs pires pratiques sont même dénoncées sur la place publique, comme les immondes élevages d’oiseaux pour la chasse, le nourrissage des sangliers, l’horrible chasse à la glu, que le gouvernement vient de suspendre sous la pression, la très féodale et aristocratique chasse à courre, etc.

Il y a là quelque chose de nouveau qui fait que la chasse n’est plus seulement « pas approuvée », mais ouvertement critiquée, avec de nombreuses personnes voulant l’interdire, ou en tous cas la faire reculer le plus possible.

Face à cela, le monde de la chasse réagit, en prétendant être dans l’air du temps. C’est le sens de la campagne publicitaire de « zone300 », qui s’affiche jusque dans le métro parisien. À l’affiche, il y a Johanna Clermont, cette grande bourgeoise étalant sa richesse et son mode de vie sur les réseaux sociaux, promouvant systématiquement la chasse et posant devant des « trophées » d’animaux assassinés.

Étudiante en droit à Perpignan, elle a été recrutée il y a quelques années par l’entreprise de chasse Browning Europe pour être son ambassadrice. Suivie par des centaines de milliers de personnes sur les réseaux sociaux, protagoniste d’une série disponible sur « zone300 », Johanna Clermont est ici l’outil de communication des « beaufs » de la chasse.

Le problème, c’est que ces mêmes « beaufs » la rejettent. Ces derniers se veulent attachés à la vie « authentique », au style « à l’ancienne », figés dans un monde dont les traditions sont révolues. Mais ce « monde », cette vision du monde plutôt, n’est plus possible en France. La popularité du sketch des Inconnus diffusé en 1991 annonçait déjà la mort culturelle des chasseurs.

Il n’y a donc plus que deux options pour les chasseurs.

Soit arrêter d’être « beauf » justement, et rejoindre le camp démocratique. Cela signifie poser le fusil et découvrir la nature des campagnes autrement, en se mettant réellement à son service. Avec un appareil photo pour un rapport non assassin avec les animaux par exemple (et naturellement sans les déranger), et finalement mieux les connaître, les apprécier, et apprendre à habiter la campagne avec eux.

Soit assumer la beauferie, ce qui à notre époque revient à se mettre à la botte d’une partie de la grande bourgeoisie, qui avec un style post-aristocratique se donne une raison d’être grâce à la chasse. La chasse n’est plus dans ce cas qu’une fascination pour la mort, la domination et la destruction.

« zone300 » représente précisément cette classe sociale et cette vision de la chasse. Tout comme Willy Schraen d’ailleurs, le président de la Fédération nationale des chasseurs, qui déclarait ce lundi 24 août sur le plateau de BFMTV :

« la quête de l’animal, effectivement le fait de le tuer, le fait de le manger, dans un cadre raisonnable et bien clair et bien structuré, oui il y a une notion de plaisir »

« Zone300 », c’est le reflet de l’isolement de la chasse, de son repli sur elle-mêmes face à une opinion publique réclamant sa mise au pas. En prétendant être moderne, la chasse assume maintenant ce qu’elle est vraiment : non pas une « tradition » au sens strict, mais une véritable barbarie.

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Politique

Oui, Willy Schraen, la «guerre civile»!

Dans son interview au Journal du Dimanche, le président des chasseurs Willy Schraen menace : on va vers la « guerre civile » s’il continue à y avoir les graines de la « grande révolution animaliste ». Ce qu’il exprime ici, c’est sa terreur devant la lutte de classes, qui ne peut que renverser le régime.

Willy Schraen est un bourgeois comme on en fait plus, un bourgeois capable de flairer la menace subversive, à l’ancienne, comme les gaullistes savaient le faire. C’est que les gaullistes étaient cultivés, très cultivés même, alors que la bourgeoisie d’aujourd’hui est simplement utilitariste ; sa culture s’est ratatinée, ses connaissances sont factices et il n’y a plus que l’idéologie de la consommation débridée, dont l’art contemporain avec toute sa vacuité est le plus grand symbole.

Willy Schraen, lui, a compris que hors du gaullisme point de salut : il faut une Droite populaire, solidement appuyée sur le conformisme de la France profonde, pour que le régime capitaliste puisse avoir en France de solides fondements. Alors, il est en grand stress, car il est en train de s’apercevoir que ce que Mai 1968 avait échoué à faire, notre époque le réalise. C’est tout le mode de vie français « à l’ancienne » qui se voit ébranlé, voire remis en cause.

De par son sens de l’Histoire, Willy Schraen a compris que tout est alors une question de vision du monde. Et pour lui il est encore temps, urgemment temps même, d’assécher l’émergence d’une vision du monde raisonnant en termes de planète et ne considérant pas les animaux comme des ressources. Si on ne le fait pas… le conflit est inévitable.

En ce sens, il a tout à fait raison, et la Gauche, s’appuyant sur ses fondamentaux historiques, doit simplement reprendre à l’inverse, ses propos au Journal du Dimanche du 16 août 2020 :

« Aujourd’hui, ses tentatives malsaines [à Nicolas Hulot] de rattrapage en essayant de faire passer le Covid pour un cri d’alerte de la biodiversité, c’est du racolage idéologique.

C’est semer les graines d’une tempête qui emportera tout. A ce rythme, on aura une guerre civile (…).

Elle [= l’écologie] va s’essouffler car à un moment on ne pourra pas toucher au pré carré vital des Français. Le bon sens et la raison vont revenir.

Cette grande révolution animaliste n’aura pas lieu.

Quand ils iront mieux, on pourra se poser autour d’une table. Je serai heureux d’y participer car j’ai une vraie vision écologique. »

Il est évident que le Covid-19 est le produit d’une crise de la biodiversité, que les chasseurs sont des figures du passé, que le rapport aux animaux doit être changé, que le « pré carré vital des Français » n’est que le masque d’un mode de vie individualiste consommateur toujours plus vide dans son contenu culturel et toujours plus empli d’exploitation, d’aliénation, de souffrances morales, psychologiques et physiques.

Alors, oui, Willy Schraen, la « guerre civile », ou plus exactement la révolution est inévitable. Car le monde ne restera pas tel qu’il est, car le changement complet des mentalités est nécessaire, car la planète est malade d’une humanité qui a totalement perdu toute orientation intellectuelle, culturelle, morale.

Et pour cette guerre civile, il y a deux camps qui s’appellent simplement : la Gauche et la Droite.

> Lire également : Le ministre de la justice Eric Dupond-Moretti en duo avec le chef des chasseurs Willy Schraen

 

 

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Écologie

AVA: «La saison de chasse à courre est officiellement finie»

Voici le communiqué d’AVA pour la fin de la saison de chasse à courre ! Un petit bilan est fait, marquant l’excellent travail de cette formation démocratique et populaire dans les campagnes françaises.

« 🎉 LA SAISON DE CHASSE À COURRE EST OFFICIELLEMENT FINIE 💐

Chaque année, le 31 mars sonne la fin de saison de la chasse à courre en France. La forêt et ses animaux sont partis pour 6 mois de répit. Même si cette fois ce loisir barbare a du s’interrompre avec plusieurs semaines d’avance, c’est la date idéale pour réaliser un petit bilan de la saison. 📣🏡

➡️ 26 INCIDENTS EN 6 MOIS
Accidents de voiture, chiens de meute renversés, villages et jardins envahis, sorties scolaires perturbées…Cette saison comme toutes les autres a été le théâtre d’inacceptables débordements de la vénerie.
Dans l’Oise, un arrêté municipal inédit interdisant la chasse à courre jusqu’à 400 mètres autour des habitations, contesté par la Fédération départementale des Chasseurs, a finalement été validé par la justice !
http://www.ava-france.org/…/saison-20192020-incidents-de-c…/

➡️ VICTOIRE CONTRE l’ONF !
En juillet 2018, l’Office National des Forêts avait assigné en justice trois membres d’AVA, leur réclamant 55 000 € afin d’indemniser les chasseurs à courre s’estimant lésés dans leur droit de chasse.
En décembre dernier, après une procédure d’un an et demi, le Tribunal de Grande Instance de Compiègne a tranché : l’ONF est débouté de toutes ses demandes et condamné à verser 1500€ aux militants ! Une victoire importante qui confortera tous les défenseurs des animaux dans leur cause.

➡️ UN MOUVEMENT DE RÉSISTANCE BIEN ANCRÉ
Cette année encore, ce sont des centaines de personnes qui se sont relayées dans les bois pour surveiller les chasses et intervenir quand cela est possible. Le mouvement s’étend désormais sur 22 forêts françaises ! Bravo à tous.

📅 La saison 2020/2021 reprend le 15 septembre. Soyons prêts tous ensemble !
Rendez-vous dès la fin du confinement dans les rues des villages, lors des brocantes et des festivals printaniers, pour faire vivre ce mouvement populaire de résistance à la barbarie féodale.
🤝 D’ici là, nous souhaitons courage et rétablissement à toutes les personnes touchées par le Covid-19. Toute notre solidarité doit être mise en œuvre pour se protéger les uns les autres face à cette crise, qui n’a pu avoir lieu qu’à cause d’un rapport inadapté entre l’humanité et la vie sauvage. 💚

🎨 Merci à Philippe Marin (le dessinateur de Bibifoc !) d’avoir si magnifiquement symbolisé notre action en dessin ! »

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Société

L’alcool pour remédier à la misère sociale dans les campagnes?

Jeudi 20 février, Édouard Philippe, en déplacement dans les Vosges a annoncé, pour la deuxième fois (la première étant en septembre 2019 lors de « l’agenda rural »), la mise en place de 10 000 nouvelles licences IV, c’est-à-dire d’autorisation de débit d’alcool dans les villages ayant perdu leur bistrot, afin de lutter contre la morosité dans les campagnes.

C’est glaçant de voir qu’en France cela ne pose pas de problème de dire que la vie sociale va de paire avec l’alcool.

Du point de vue d’un citadin quelconque, qui n’a jamais traîné dans un bar de village (type PMU), évidemment l’idée d’amener un petit bistrot, cela paraît sympa. On se dit que ça peut être un endroit où écouter de la musique, où rencontrer de nouvelles personnes, où trouver l’amour, où exposer de l’art et d’autres choses encore…Bref, un bar à la campagne, ce serait contrer l’ennui et la morosité.

On a là toute l’approche d’une bourgeoisie libérale qui voit la culture rurale dans les bistrots comme elle voit la « lutte des classes » dans le mouvement des gilets jaunes. La campagne ce serait de manière immuable le combo beauf-chasseur-bistrot.

Mais il suffit de ré-écouter « demain c’est trop tard » de MC Circulaire pour comprendre comment la jeunesse populaire des campagnes évite ces bistrots, voir même les fuit comme un résidu folklorique. Dans les années 1990 – 2000, l’arrivée des free party furent un temps l’expression d’un besoin de culture avec le progrès technologique comme outil, pour rompre avec des mentalités qui ne changent pas.

Dans les campagnes et les zones péri-urbaines, l’alcool, et les drogues en général, participent à un long naufrage social, culturel. C’est justement dans les villages, où l’alcool est un faux frère emportant amis et familles dans des accidents de la route, qu’il faut fermer les vannes. Le quotidien est morose c’est ainsi, le bistrot n’y changera rien.

Dans ce genre de bar, pas de concerts, il y a la radio ou les clips à la télé, de toute façon, ça ferme à 20h car il faut ouvrir à l’aube pour ceux qui prennent le premier verre avant le travail. Dans ce genre de bar, pas de rencontre, on connaît déjà tout le monde ! Et puis les femmes n’aiment pas trop y traîner car les hommes y sont pesants. Celles qui y traînent, on leur refait leur réputation.

Le murmure des ragots, c’est aussi ça l’ambiance « bistrot » des campagnes, ça comble le vide. Il n’en faut pas plus pour pousser à s’en aller pour la jeunesse moderne qui veut s’épanouir.

Or, la culture « bistrot » fait partie d’un dispositif de maintien des mentalités conservatrices dans le cœur du pays. En faisant une telle annonce à quelques semaines des élections municipales, Édouard Philippe joue là sa carte de ralliement des esprits les plus rétrogrades et montre par là-même que le libéralisme des villes renforce l’arriération réactionnaire des campagnes. Le retro-pédalage de l’Etat concernant la campagne du mois sans alcool est aussi révélateur.

Ce qui sauverait le village, ce serait des services publics, qu’une association se monte proposant des choses qui changent, un petit festival pendant l’été, un café bibliothèque avec des concerts divers et variés. Ce serait que la jeunesse refuse d’avoir à choisir entre passivité au village ou consommation à la ville, pour mettre en œuvre ce dont elle a besoin.

Il est donc de la responsabilité de la gauche dans les milieux ruraux d’assumer son rôle de vecteur d’élévation culturelle. Car si la question des services publics appartient à l’état, la culture, l’enrichissement moral ne peut venir d’en haut, il est un produit des bases se mettant en mouvement pour changer la vie.

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Société

France du terroir, terreau de la réaction

Une femme enceinte de 29 ans a été tuée par des chiens samedi 16 novembre 2019 dans l’Aisne, dans la forêt de Retz. Que ce soit des chiens de chasse à courre ou pas, dès mardi 19 décembre, deux équipages y chassaient : la Futaie des Amis et l’équipage de Villers-Cotterêts. Quelle indignité ! Cela en dit long sur tout un état d’esprit, propre à la France profonde, celle du terroir, qui forme le terreau historique de la réaction dans notre pays.

Les grands mouvements populaires de l’histoire de France se sont toujours brisés sur la France du terroir, que ce soit la Commune de Paris, le Front populaire ou bien mai 1968. C’est que l’arrière-pays – dont l’esprit peut exister dans les grandes villes – est imprégné du triptyque petite propriété – conformisme – consommation en mode patriarcal.

L’univers mental est totalement restreint, réduit à la reproduction du passé, de manière améliorée. Il suffit pour s’en convaincre de regarder les terribles faiblesses culturelles de la France dans tous les domaines si l’on compare aux pays voisins. Paris a phagocyté les forces vives pour les mener dans la décadence, le reste du pays s’endort et grommelle lorsque Paris fait trop de bruit, dans un sens ou dans un autre.

Les gilets jaunes n’étaient donc pas l’avant-garde de la contestation de gauche, mais l’arrière-ban de la France du terroir qui proteste de manière véhémente, plébéienne, grossière contre « Paris » l’empêchant de continuer à tout faire comme avant.

Car le fond du problème est là : la France vit dans la nostalgie, de tout et n’importe quoi. De Napoléon, des années Chirac, des années yéyé, des années Mitterrand, du Paris jazzy d’après-guerre, du petit village avec son clocher, et ce à l’infini.

Et la solution est déjà là : la génération d’après 2000 s’est déconnectée du passé, elle est superficielle mais pétrie de modernité et d’activité. Le conflit est inévitable et il est fascinant de voir à quel point Emmanuel Macron, qui s’est présenté comme le grand représentant de l’avenir, a résumé tout cela à une partition de Daft Punk joué par une fanfare militaire un 14 juillet.

Qui aurait dit avant les élections présidentielles qu’il serait un farouche partisan des chasseurs, à part des observateurs aguerris de la cause animale ? Il est désormais connu qu’il y a eu en décembre 2017 un « pacte de Chambord » conclu entre lui et les responsables de la chasse en France. Nicolas Hulot s’est fait broyer en tant que ministre de la « transition écologique » par cette machinerie.

Tout le monde sait désormais que cette alliance existe, même les anarchistes de Nantes révoltée qui font le tour de force de parler de tout cela et de la terrible affaire de la forêt de Retz sans mentionner une seule fois AVA, le mouvement anti-chasse à courre qui a pourtant ébranlé tout un pan de la réaction dans notre pays. Les choses sont très claires quant à l’alliance d’un gouvernement libéral-social, entièrement libéral sur le plan des mœurs, social uniquement pour encadrer la concurrence un tant soit peu, et le vaste système réactionnaire que représentent les chasseurs.

Reste à comprendre la fonction historique de tout cela. Ce qui s’affirme ici, c’est la France du terroir, comme terreau de la réaction. Et cette réaction se retrouve tout à fait en phase avec le capitalisme, ce qui ne doit aucunement surprendre. Le grand malentendu de la Gauche française a toujours été de croire que l’Allemagne nazie et l’Italie fasciste étaient des « totalitarismes », une notion inventée par les théoriciens libéraux. En réalité, il s’agissait d’une sorte de société totalement libérale, au point de ne plus avoir de société civile, avec un État organisant le militarisme et exigeant une mobilisation en ce sens.

> Lire également : AVA : une force démocratique contre la chasse à courre

Les gens continuaient de vivre en Allemagne nazie et en Italie fasciste. Ils le faisaient, comme avant. Précisément comme avant, car la réaction avait triomphé et avait écrasé les forces de l’avenir. Ils vivaient, de manière libérale, mais comme des beaufs. Et tout ce qui n’était pas beauf était mis de côté, tout comme les gilets jaunes voulaient mettre de côté Emmanuel Macron. Le triomphe de l’ultra-libéralisme culmine dans l’aseptisation de la société réduite à des individus se cantonnant dans un vécu de beauf.

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Culture

Mc Circulaire et Patrick 51, des expressions prolétaires des campagnes

En juin 2018, le rappeur Kamini produisait « Eul’Vraie France » revenant sur la situation d’isolement et de délabrement des zones rurales. Quelques mois plus tard, c’est Mc Circulaire, le père du « rap de plouc », qui sortait « France éternelle » sur la même thématique. Ces titres expriment la contradiction entre la ville et la campagne, que le mouvement des gilets jaunes a été incapable de résoudre de par son incapacité à s’organiser sur le plan politique et idéologique.

Lorsqu’on écoute ses morceaux de rap, on comprend vite que Mc Circulaire n’est pas là pour faire du buzz, pour s’attirer la lumière. Avec plus de 3 millions de vues, le titre « Demain c’est trop tard » est au prolétariat des campagnes ce que « Demain c’est loin » d’I am a été au prolétaires des périphéries urbaines.

Ce rap respire une vie authentique, celle de la misère sociale et culturelle des campagnes françaises. Que Mc Circulaire soit originaire de Vendée ne change rien à la nature de sa musique : quiconque vivant l’ennui, la morosité et l’arriération culturelle des campagnes s’y reconnaît.

Dans la même démarche, il y a aussi Patrick 51 (que l’on peut voir dans le clip « France éternelle »). Usine, chômage, quotidien ennuyeux, alcool, les grands sujets de la vie prolétaire sont abordés avec réalisme. Des paroles à la production, « Campagne shit » reflète parfaitement cette ambiance au ralenti des campagnes, cette impression que tout tourne en rond.

Il serait bien erroné de penser qu’il y a là une valorisation unilatérale de l’alcool et des drogues car « quand tu voudrais être à New-York et qu’t’es dans la cambrousse, faut d’l’imagination et un pack de 12 ». C’est une volonté de transcrire fidèlement le réel pris dans une fuite en avant alors que toute la richesse sociale et culturelle est spoliée par la ville, la grande métropole.

Des paroles au « blase » de ces rappeurs, il y a une approche typiquement populaire de la franchise, de la rigolade, de ne pas trop « se prendre au sérieux ». Si ce style n’aide pas toujours à élever le niveau culturel, laissant une porte ouverte à la passivité, il reste un puissant rempart à la corruption mentale du business et de son esprit aseptisé.

C’est ainsi que Mc Circulaire a toujours refusé les grands majors du disque, les plateaux de TV, la démarche commerciale. Dans une récente interview, il déclare :

« Moi je fais ce business, enfin ce business, je fais ce taff pour faire des morceaux qui déchirent et faire des concerts. Le reste j’en ai rien à foutre, j’ai rien à vendre, j’ai jamais eu besoin de Hip Hop pour grailler tu vois »

Fidélité populaire disons : le délaissement des campagnes ne méritent pas d’être vendue, la situation ne doit pas être un tremplin à la promotion individuelle. Ces morceaux respirent la dignité, l’authenticité, la sincérité comme l’illustre si bien la tourmente existentielle de la mort avec « Pierre Tombale », ou cet ennui terrible que toute personne en campagne a vécu ce « jour de pluie ».

Il est finalement peu étonnant que ces « légendes rurales » soit originaires d’Île-et-Vilaine et de Vendée. La paysannerie y était encore forte dans les années 1960-1970 et a été brutalement prolétarisée au cours des années 1980-1990. Ce sont deux départements qui ont vu la paysannerie fondre comme neige au soleil et par conséquent les rares endroits en France qui ont connu une forte hausse du nombre d’ouvriers depuis 1968.

Mais cette prolétarisation s’accompagne nécessairement de l’accentuation de la contradiction entre une ville captant tout et une campagne se renfermant sur le quotidien « voiture, boulot, dodo ». La campagne française, c’est culturellement les années 1970, mais socialement l’usine moderne, l’individualisme des pavillons et des routes, avec l’alcool et le shit comme pacification sociale se substituant à une religion en perte de vitesse.

On est bien désemparé quand on reprend les paroles si justes et parallèles de NTM dans « qu’est-ce qu’on attend ? » en 1995 :

« Voilà pourquoi cela finira dans le désarroi
Désarroi déjà roi, le monde rural en est l’exemple
Désarroi déjà roi, vous subirez la même pente, l’agonie lente
C’est pourquoi j’en attente aux putains de politiques incompétentes
Ce qui a diminué la France
Donc l’heure n’est plus à l’indulgence, mais aux faits, par le feu
Ce qui à mes yeux semble être le mieux
Pour qu’on nous prenne un peu plus, un peu plus au sérieux »

Car finalement, avec une même substance sociale, ni la révolte de novembre 2005, ni celle de novembre 2018, n’ont été en mesure de résoudre ce grand problème de la contradiction ville/campagne. Il faut écouter et ré-écouter Mc Circulaire et Patrick 51 car la pente à remonter va être longue et sinueuse, avec une Gauche post-moderne aliénée aux grandes métropoles qui favorise l’emprise de l’extrême-Droite…

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Écologie

L’indemnisation des agriculteurs par les fédérations de chasseurs

Depuis 1968, ce sont les chasseurs qui financent les indemnisations aux agriculteurs ayant connus des dégâts de la part de certains animaux comme les sangliers. C’est une chose très peu connue du grand public, mais qui signifie beaucoup pour comprendre ce que représentent la chasse en France à notre époque.

Avant 1968, les agriculteurs disposaient d’un « droit d’affût », c’est-à-dire du droit de tuer eux-mêmes les animaux qu’ils considéraient nuisibles pour leurs cultures. Cela existait dans le cadre d’une économie rurale peu concentré, avec de petites exploitations fonctionnant sur un modèle ancien.

Les campagnes françaises ont cependant changé dans les années 1950 et 1960, avec l’intensification et l’industrialisation de la production agricole. Les exploitations se sont agrandies tout en concernant de moins en moins de personnes.

Avant cette grande modernisation, la chasse, qui était déjà en partie un loisir, existait surtout par rapport à une réalité économique et des nécessités spécifiques. Il y avait la figure du paysan avec son fusil comme outil, dans le cadre de son existence rurale. Cela d’autant plus que le chasse pouvait être alimentaire.

La chasse est devenue cependant autre chose à cette même époque, concernant des personnes ayant une culture rurale, mais n’étant pas forcément des paysans. Il y a alors eu une contradiction entre les pratiques agricoles et la chasse comme loisir.

Dans le cadre de l’intensification de la production, les agriculteurs ont commencé à décimer les populations animales pouvant endommager leurs récoltes. Les chasseurs, pour qui la chasse est un loisir moderne, bien qu’existant dans le cadre de traditions rurales et d’une nécessité d’avoir un rapport à la nature, étaient opposés à cette pratique radicale. Le risque était tout simplement qu’il n’y ai plus de « gibier » à chasser.

L’État français a donc organisé un compromis par le biais d’une loi en 1968. Les agriculteurs se sont vus privés de leur « droit d’affût », mais en contre-partie les chasseurs ont pris en charge les indemnisations de récoltes dégradées, surtout par les sangliers, mais aussi par les cerfs, chevreuils, daims, mouflons, chamois et isards.

Autrement dit, les chasseurs se sont vu reconnaître la responsabilité des dégradations, en l’échange de la non-extermination de certaines espèces afin que celles-ci puissent toujours être chassées par loisir.

Pour encadrer cela, des plans de chasses sont décidés afin de réguler les populations et empêcher dans une certaine mesure ces dégâts. De la même manière, les chasseurs pratiquent l’agrainage, c’est-à-dire nourrissent les populations sauvages, surtout de sanglier, afin de les attirer ou les maintenir à certains endroits. Cela a bien sûr pour effet d’augmenter les populations, et donc le nombre d’individus à tuer.

Sur le plan idéologique, ces indemnisations permettent de justifier l’activité des chasseurs en maintenant la fiction de la régulation des espèces dites envahissantes. En effet, les chasseurs pourraient très bien militer en faveurs de mesures de protections des cultures, mais ils ne le font pas, ou seulement dans des cas particuliers où les indemnisations à payer sont trop importantes.

En termes de chiffres, cela représente des sommes énormes, entièrement à la charge des chasseurs, qui ne sont pas nécessairement des gens très riches, mis à part pour la pratique aristocratique et bourgeoise de la chasse à courre. Ils versent chaque année, dans le cadre du permis de chasse, 50 millions d’euros destinés à rembourser les dégâts causés aux agriculteurs et à mettre en place des mesures préventives. Il faut ajouter à cela 80 millions d’euros qui sont dédiés à la gestion cynégétique, c’est-à-dire à la gestion globale de ces populations animales.

Depuis 2000, à leur demande, ce sont les fédérations départementales de chasseurs, et dans certains cas la fédération nationale, qui sont chargés de payer elles-mêmes les indemnisations. Les agriculteurs doivent signaler les dégâts à la fédération de leur département qui missionne alors un expert et propose ensuite un accord, selon un barème financier établi à l’avance.

Cela est bien sûr organisé dans le détail pour éviter certains excès. Par exemple un agriculteur ne peut pas demander de remboursements pour des dégâts causés par des animaux provenant d’un « fonds » (par exemple un bois) qui lui appartient. Dans ce cas, il doit, soit acquérir un permis de chasse, soit faire appel à des chasseurs, pour « gérer » ou exterminer ces populations, selon l’option qu’il choisit.

Sur le plan juridique, cela est très particulier, car il y a un mécanisme d’indemnisation, avec une responsabilité, sans pour autant qu’il soit reconnu au sens strict une faute de la part des chasseurs. Cela revient en fait à donner une sorte de mission de service publique aux chasseurs, mais sans que cela soit le cas non-plus puisqu’il est considéré qu’ils sont responsables de ces populations d’animaux et des dégâts qu’elles causent en les maintenant.

Les Fédérations départementales ont à la fois une grande autonomie, mais en même temps elles dépendent totalement de décisions prises par l’État.

La Commission nationale d’indemnisation des dégâts (CNI) qui encadre tout cela est ainsi surtout composée de représentant de l’État :

  • un représentant du ministre chargé de la chasse qui préside la CNI ;
  • le directeur général de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, ou son représentant ;
  • le directeur général de l’Office national des forêts, ou son représentant ;
  • le président de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture, ou son représentant ;
  • le président du Centre national de la propriété forestière, ou son représentant ;
  • le président de la Fédération nationale des chasseurs, ou son représentant ;
  • cinq présidents des fédérations départementales ou interdépartementales des chasseurs nommés sur proposition du président de la Fédération nationale des chasseurs ;
  • quatre représentants des organisations nationales d’exploitants agricoles habilitées, nommés sur proposition du ministre de l’agriculture ;

Un telle organisation ne serait exister dans le cadre d’une société réellement démocratique. On a ici quelque chose de très flou, et non efficace au sens strict, destiné en fait à maintenir une pratique minoritaire, en cherchant les moyens de la justifier culturellement.

Cela ne fonctionne d’ailleurs pas très bien et il y a régulièrement des tensions entre les agriculteurs et les chasseurs. Un article du Figaro de ce mercredi 22 août 2018 expliquait par exemple que « les paysans accusent les chasseurs de favoriser la prolifération des cochons sauvages qui causent de gros dégâts dans les cultures. »

Il n’y a bien sûr aucune recul ni aucune compréhension globale de la question des forêts ou des espaces naturels en général, et de leurs habitants animaux.

La situation aujourd’hui est que les productions agricoles humaines perturbent les équilibres naturels en faisant officie de garde-manger attrayants pour des animaux qui sont ensuite considérés comme « nuisibles ». Être de gauche et avoir un minimum de considérations écologiques, c’est au contraire prôner un certain nombre de mesures intelligentes et efficaces par rapport à cette situation.

Le meurtres des animaux par la chasse n’est pas indispensable. Il est évident que l’on pourrait systématiser la pose de clôtures spécifiques, trouver des moyens de dissuasion olfactive et gustative, ou encore réorganiser les productions en éloignant celles qui attirent le plus les animaux, comme le maïs, des bordures des forêts.

Au contraire, la chasse telle qu’elle existe aujourd’hui reflète un rapport à la nature, aux campagnes, tout à fait conforme aux valeurs de la Droite. Ce sont des valeurs conservatrices et réactionnaires ; c’est pour cela que la sensibilité envers les animaux dérange tant les chasseurs.