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L’État incapable de mettre en place les lois pour le déconfinement du 11 mai

Les couches dominantes de la société étant décadentes, plus rien ne va et malgré la préparation du déconfinement du 11 mai, les lois l’encadrant n’ont pas été mises en place à temps. C’est très révélateur de l’effondrement en cours.

Le déconfinement du 11 mai a comme principe fondateur l’impossibilité de se déplacer à plus de 100 km de son département. Sauf que, problème, il faut une loi pour cela et la validation du conseil constitutionnel. La loi ayant été votée le 9 mai, le conseil constitutionnel ne l’a validé que le 11 mai… rendant impossible toute vérification étatique au moyen des forces de l’ordre.

Il en va de même pour l’attestation obligatoire dans les transports en commun d’Île-de-France, qui relève de la même loi sur l’état d’urgence sanitaire. La vérification de ces attestation est d’ailleurs remise à… mercredi 13 mai.

On a ici un exemple de ratage total. D’ailleurs, le conseil constitutionnel a cassé deux autres mesures, montrant à quel point le libéralisme a tout vérolé. Il a dit : pas de quarantaine obligatoire pour les gens arrivant en France, sauf sous supervision d’un juge. Le conseil constitutionnel nie ainsi le principe d’état d’urgence, au nom des « droits de l’Homme » si chers à la petite-bourgeoisie anti-État.

Le conseil constitutionnel agit ici de manière purement idéologique, totalement libérale-démocrate :

« S’agissant du régime de l’état d’urgence sanitaire, le Conseil constitutionnel a jugé que la Constitution n’exclut pas la possibilité pour le législateur d’en prévoir un. Il lui appartient, dans ce cadre, d’assurer la conciliation entre l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé et le respect des droits et libertés reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République.

Parmi ces droits et libertés figurent la liberté d’aller et de venir, composante de la liberté personnelle, protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789, le droit au respect de la vie privée, qui découle de cet article 2, la liberté d’entreprendre qui découle de cet article 4, ainsi que le droit d’expression collective des idées et des opinions résultant de l’article 11 de cette déclaration. »

Vie privée, droit d’entreprendre, dire ce qu’on veut… la liberté est ici entièrement au service de l’initiative capitaliste. Le conseil constitutionnel est d’ailleurs très content que le gouvernement n’ait pas étendu l’interdiction de se réunir lors du confinement aux locaux à usage d’habitation. C’est la pure négation de la primauté du collectivisme.

D’ailleurs, le conseil constitutionnel se prononce… contre le traçage des malades. Selon lui, c’est une atteinte à la vie privée ! Ainsi, il a :

« relevé que les dispositions contestées autorisent le traitement et le partage, sans le consentement des intéressés, de données à caractère personnel relatives à la santé des personnes atteintes par la maladie du covid-19 et des personnes en contact avec elles, dans le cadre d’un système d’information ad hoc ainsi que dans le cadre d’une adaptation des systèmes d’information relatifs aux données de santé déjà existants. Ce faisant, ces dispositions portent atteinte au droit au respect de la vie privée. »

L’individualisme avant tout ! D’ailleurs, dans un même ordre d’idée, Lille a ouvert son plus grand parc, celui de la Citadelle. La région est en zone rouge ? Pas grave, les « droits » individuels avant tout !

Le conseil constitutionnel a également retoqué le principe enlevant la responsabilité pénale des élus en cas de catastrophe sanitaire. En apparence, on dira : c’est normal, les élus doivent rendre des comptes. Sauf que cela signifie simplement que les élus serviront de fusibles et que les grandes décisions gouvernementales, étatiques, à la base des actions des élus, disparaissent du champ de la critique. On ne dira pas : l’État a mal agi, de par ses orientations, ses valeurs, ses fondements. On dira : un tel a mal agi et doit être condamné.

Entre le conseil constitutionnel garant de la main-mise complète du capitalisme et un gouvernement incapable de ficeler des lois malgré une grande préparation du déconfinement, on voit bien que l’État ne tient plus. D’aucuns diront qu’au contraire c’est la démocratie, c’est l’équilibre des pouvoirs, etc. Mais une telle conception des choses ne fait que refléter le libéralisme. En réalité, tout est instable, précaire. Le personnel politique bourgeois est de plus en plus nul, l’administration étatique toujours plus bureaucratique. C’est l’effondrement étatique reflétant la profonde crise du capitalisme dans notre pays.

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Société

Pour quoi le Conseil Constitutionnel reconnaît-il la notion de « fraternité »?

La société française est-elle démocratique, un pays où des choix sont possibles sans dépendre des classes dominantes? Quand on est de Gauche, on ne peut pas penser que oui. Cela en dit long sur la nature de « gauche » de gens ayant salué une décision du Conseil Constitutionnel.

Dans son avis rendu le 6 juillet suite à son étude de la notion juridique de fraternité, celui-ci énonce que la fraternité est un principe à valeur constitutionnelle. Autrement dit, les lois et règlements ne peuvent déroger que de manière limitée et justifiée à ce principe.

A propos de la fraternité, le Conseil Constitutionnel énonce que :

« Il découle de ce principe la liberté d’aider autrui, dans un but humanitaire, sans considération de la régularité de son séjour sur le territoire national. »

Le Conseil Constitutionnel affirme ainsi la valeur juridique suprême de la fraternité, dans la mesure où elle s’exprime comme un choix individuel. C’est une victoire pour les avocats des deux personnes, considérées comme militant en faveur des droits des étrangers illégaux et dont le sort judiciaire dépendait de cette décision.

Mais la portée est plus générale. Le Conseil Constitutionnel considère que la loi doit être changée. Il maintient la limite de l’aide à l’entrée sur le territoire, qui elle, doit pouvoir être sanctionnée. Mais les juges ne doivent plus pouvoir sanctionner le soutien à des personnes se trouvant de manière illégale sur le territoire de la France.

C’est le triomphe du relativisme dans la loi, ce qui est contraire au principe d’une société civilisée. On reconnaît ici la négation du droit comme universel au profit du choix individuel.

C’est le triomphe de l’idéologie présentant la France comme « morale », le « pays des droits de l’Homme ». C’est aussi le triomphe de la migration comme principe reconnu et accepté, alors que c’est l’un des grands drames d’un capitalisme tellement développé qu’il pompe les gens diplômés des pays pauvres et attire des gens voulant connaître leur « rêve américain ».

La Gauche est ici coincée entre les libéraux libertaires faisant des migrants un sujet positif et l’extrême-droite en faisant un sujet négatif, alors qu’en réalité les migrants sont simplement les objets du capitalisme, étant déterminés par la situation mondiale.

Pour les partisans de l’ouverture des frontières aux migrants, les pays d’origine ne peuvent qu’être horribles, sans intérêt, ne valant rien culturellement : on a ici un néo-colonialisme au service des pays capitalistes présentés comme le paradis sur terre, au moins par rapport à l’enfer ailleurs.

La décision du Conseil Constitutionnel a donc bien sûr ravi Génération-s, qui a fait des migrants un thème essentiel à sa convention tout récemment. 

Les militants anarchistes « No Borders » et les juges du Syndicat de la Magistrature se retrouvent ainsi côte-à-côte sur la même barricade, celui du Conseil Constitutionnel, du président de la république, du gouvernement, de la mairie de Paris.

Il ne s’agit pas, de la part du Conseil Constitutionnel, de marquer la fraternité de la nation française envers les populations qui se trouvent dans l’impossibilité de vivre, voire de survivre, au point que des masses nombreuses sont contraintes de quitter leur pays, c’est-à-dire les réfugiés.

Ce qui est validé par les juges, c’est la liberté individuelle de chacun de pouvoir « faire de l’humanitaire » de se prendre, pour ainsi dire, pour Albert Schweitzer, d’agir dans l’esprit de l’Eglise catholique, sur la base de la supériorité du capitalisme, en direction des migrants.

On est là non pas dans l’internationalisme sur la base de la classe, mais dans la charité individuelle, avec en arrière-plan la valorisation du capitalisme à prétention démocratique.

On est là dans un abaissement de la loi qui a une valeur en termes de société au niveau de l’individu et de ses prétendus choix. Ce qui est conforme à l’idéologie du capitalisme, qui nie les classes sociales, le déterminisme faisant qu’un choix correspond à ces classes sociales.

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Société

Le Conseil Constitutionnel aborde la notion de fraternité

Depuis le 26 juin, le Conseil Constitutionnel étudie la notion juridique de fraternité. La fraternité est présente dans la loi fondamentale de la république comme composante de la devise : liberté, égalité, fraternité. La question est de savoir quelle est la portée juridique de la fraternité.

Concrètement, il s’agit de déterminer si oui ou non, la « fraternité » doit être prise en compte comme valeur incontournable irriguant toute loi. Évidemment, il y a en arrière-plan la profonde crise de cette notion de par l’individualisme du capitalisme triomphant, le relativisme, l’esprit de concurrence.

L’enjeu est de taille pour deux citoyens ayant aidé au séjour irrégulier de personnes entrées illégalement sur le territoire français. Les avocats de ces personnes condamnées en première instance et en appel jouent ici leur va-tout. Si la fraternité est reconnue comme un principe incontournable, alors la loi sur l’aide au séjour irrégulier ne saurait être opposable aux personnes agissant simplement par solidarité, sans intention frauduleuse.

Des associations poussent dans ce sens. Il s’agit notamment des associations protestantes liées historiquement à la question des réfugiés, comme la CIMADE. On voit aussi une partie des catholiques mettre en avant leur conception de l' »hospitalité ». Les associations de défense des Droits de l’Homme plaident quant à elles pour une meilleure protection des bénévoles de l’aide aux clandestins.

Rappelons ici qu’il ne faut pas confondre charité chrétienne et partage au sens socialiste du terme… Cela n’a même rien à voir et la Gauche ne devrait pas avoir pour but d’accompagner les migrations imposées par le capitalisme à des gens abandonnant leur pays, leur famille, leur vie.

Faire de la retape pour la France « moderne », des droits de l’Homme, accueillante, fraternelle, c’est servir une idéologie qui n’est pas celle de la Gauche, mais du régime en place!

Raisonner abstraitement en termes de fraternité contribue à renforcer les illusions quant à une fraternité institutionnelle qui existerait. Le Conseil constitutionnel est bien une institution parfaitement non-démocratique composée sur la base de désignations arbitraires au plus haut niveau de l’État. Et pour autant, c’est cet organe de l’État qui, paradoxalement, est chargé de veiller sur le respect des droits fondamentaux des citoyens.

On est ici dans une rapport idéologique, mensonger, qui tient historiquement à ce que la notion de fraternité fasse partie de la devise de la république française.

En effet, la liberté est la plus haute valeur de la bourgeoisie. C’est en faisant accéder la notion de liberté individuelle au plus haut niveau des conceptions philosophiques que la bourgeoisie a pu mobiliser pour conquérir le pouvoir politique en France. C’est la liberté qui est venue briser les privilèges féodaux. La liberté est strictement encadrée par le pouvoir politique, puisqu’elle est limitée par les lois.

L’égalité est une concession faite à la classe travailleuse naissante et à la paysannerie immense du 18e siècle. La féodalité représentait ce système obsolète des inégalités érigées en institutions et justifiées par la naissance. L’égalité à la naissance est un fondement de la république (« les hommes naissent égaux en droit »). Il s’agit d’une égalité des droits, bien sur, non d’une égalité réelle. Sous couvert de cette égalité formelle, la bourgeoisie peut exister avec la propriété, se maintenir et donner des gages de bonne foi.

Voilà comment Marx explique dans son texte Les luttes de classes en France (1848-1850), l’entrée de la fraternité dans la devise républicaine à la faveur de la révolution de 1848 :

« Ainsi, dans l’esprit des prolétaires qui confondaient en général l’aristocratie financière avec la bourgeoisie, dans l’imagination de braves républicains qui niaient l’existence même des classes ou l’admettaient tout au plus comme une conséquence de la monarchie constitutionnelle, dans les phrases hypocrites des fractions bourgeoises jusque-là exclues du pouvoir, la domination de la bourgeoisie se trouvait abolie avec l’instauration de la République.

Tous les royalistes se transformèrent alors en républicains et tous les millionnaires de Paris en ouvriers. Le mot qui répondait à cette suppression imaginaire des rapports de classe, c’était la fraternité, la fraternisation et la fraternité universelles.

Cette abstraction débonnaire des antagonismes de classes, cet équilibre sentimental des intérêts de classe contradictoires, cette exaltation enthousiaste au-dessus de la lutte de classes, la fraternité, telle fut vraiment la devise de la révolution de Février.

C’était un simple malentendu qui séparait les classes, et, le 24 février, Lamartine baptisa le Gouvernement provisoire : « Un gouvernement qui suspend ce malentendu terrible qui existe entre les différentes classes. » Le prolétariat de Paris se laissa aller à cette généreuse ivresse de fraternité. »

Graver la fraternité sur les frontons des Mairies, c’est laisser penser que dans la république française, tous les français vivent en frères et soeurs, en dépit de l’exploitation d’une classe par l’autre. Mais si on donne une réalité juridique à la fraternité, alors il faudra que la bourgeoisie partage fraternellement, pour de vrai.

On le comprend, ce n’est pas une décision du Conseil Constitutionnel qui pourra imposer la fraternité. La fraternité suppose la disparition des classes sociales, et pour cela il faut le socialisme ; laisser le Conseil Constitutionnel fournir un avis à ce sujet, c’est contribuer au maintien des illusions.