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Le second tour des municipales du 28 juin 2020

Le second tour des municipales du 28 juin 2020 concernait surtout les grandes et moyennes villes, la majorité des communes en France ayant eu leur conseil municipal élu au premier tour en mars dernier (85 % d’entre elles). Le taux d’abstention est immense, avec un record historique de près de 60 % pour l’ensemble des 4820 communes où le scrutin avait lieu.

Ce record d’abstention, qui était déjà massif au premier tour dans un contexte de début de crise sanitaire avec un chiffre alors de 56 %, est supérieur de 22 point au précédent record en 2014 pour un second tour (près de 38 % d’abstention). C’est l’élément marquant de cette élection, comme expression de la crise dans laquelle s’enfonce la France, la dimension sanitaire de la crise n’en étant ici qu’un aspect confortant la crise en général, sur les plans politique, institutionnel, culturel, économique, etc.

Les élections municipales, historiquement un scrutin connaissant une importante participation en France, se sont déroulées de manière largement déconnectée du pays, et particulièrement des classes populaires, largement passives politiquement. Elles regardent d’assez loin des choses auxquels elles ne semblent pas vraiment croire… sans non plus les désapprouver.

En ce qui concerne les résultats, l’élection est marquée par plusieurs succès dans des grandes villes pour Europe Ecologie-Les Verts, dans le prolongement du score aux élections européennes. Sont ainsi concernées les villes de Lyon, Bordeaux, Strasbourg, Besançon, Grenoble, Annecy, Poitiers, ou encore Tours.

Dans le même temps, les franges libérales et ouvertement post-industrielles du Parti socialiste se maintiennent dans des grandes villes métropolitaines comme Paris, Rennes ou Nantes.

Il faut noter le cas de Lille, terre historique du socialisme, où Martine Aubry, figure du PS, ne l’emporte qu’avec 227 voix d’avance… face à un candidat EELV. D’ailleurs, à Poitiers ou à Strasbourg, c’est face à la Gauche qui dirigeait ces villes qu’EELV remporte le scrutin. C’est tout un symbole d’une volonté de remplacement.

Le Parti socialiste conserve par ailleurs de nombreuses villes comme Clermont-Ferrand, Le Mans, La Rochelle, Rouen, Brest, Douai, Lens, Sedan, Créteil et enlève à la Droite la ville de Nancy, ainsi que celle de Montpellier dans la mesure où le maire sortant était un ex-PS passé du côté de la majorité présidentielle. Le PS arrache également la ville de Saint-Denis au PCF. Il y aurait ici énormément de choses à dire tellement c’est un symbole.

Qui plus est, le PCF, s’il regagne Bobigny en Île-de-France en la reprenant au Centre-droit (UDI), perd ses bastions historiques d’Aubervilliers et de Choisy-le-Roi, au profit du Centre-droit (UDI) dans le premier cas et de la Droite (LR) dans le second (allié à un EELV exclu pour cette raison). C’est très parlant, notamment pour Choisy-le-Roi qui passe donc à Droite dans le prolongement de l’absence de lutte sérieuse sur le site Renault local, en passe de fermer.

C’est la Droite également qui remporte le scrutin à Lorient, cette ville socialiste de longue date, depuis plus de 50 ans. La Droite, en généralisant avec le premier tour, bénéficie même d’un ancrage solide dans le pays en dehors de la plupart des très grandes villes. Elle s’enorgueillit par la voix du président de Les Républicains Christian Jacob, d’une « grande victoire », avec « plus de 50% des villes de plus de 9 000 habitants qui sont détenues par LR. »

La Droite conserve également les villes de Limoge, Bayonne, Toulouse, Nice… mais aussi Le Havre, avec la victoire écrasante du Premier ministre Édouard Philippe obtenant le score extrêmement élevé de près de 59 % des suffrages exprimés. En face, la Gauche portée par un candidat PCF connaît une défaite cuisante, incapable de mobiliser la base populaire de la ville face au premier représentant du gouvernement (58 % d’abstention).

Le cas du Havre est un résultat très significatif en ce qui concerne la Gauche historique, celle encore liée au mouvement ouvrier, car il y avait là la possibilité d’une expression prolétarienne majeure, alors que la crise économique s’impose déjà. C’est tout simplement une catastrophe.

Il faut aussi regarder du côté de Bruay-la-Buissière dans le Pas-de-Calais, un bastion de la Gauche, particulièrement populaire, où l’extrême-Droite l’emporte avec le RN, dans une ville qu’elle convoite depuis longtemps, ce qui est là encore une terrible défaite.

L’autre fait marquant en ce qui concerne l’extrême-Droite est bien sûr la victoire à Perpignan de Louis Alliot, cadre majeur du Rassemblement national. C’est une grande ville, avec une large frange populaire et elle constituera un point d’appui important pour le nationalisme en France… alors que la Gauche en face s’est retrouvée largement désemparée. L’extrême-Droite gagne quelques communes et conserve également Orange, alors qu’elle avait dès le premier tour conservé huit maires sortants, notamment à Fréjus et Béziers, mais aussi dans les petites villes populaires de Hénin-Beaumont et Hayange.

Par ailleurs, la grande absente de cette élection est la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon, qui n’a existé que comme supplétive à des listes de rassemblement, mais est complètement hors-jeu dès qu’elle s’est positionné en dehors du PS, du PCF, d’EELV et des Radicaux de gauche. La France insoumise, qui a poussé énormément dans le sens du mouvement des gilets jaunes, prouve s’il en était besoin, à quel point le populisme plébéien qu’elle a soutenu ne représente aucune perspective politique, ni aucune possibilité de changement social.

Inversement, si le Parti socialiste peut être satisfait de se maintenir dans un certain nombre de communes importantes et d’en gagner quelques-unes, en n’en perdant presque pas, on peut douter de la pertinence du propos de son premier secrétaire Olivier Faure qui voit un « immense élan qui se lève dans toute la France », avec la naissance d’un « bloc social-écologique qu’il faut maintenant consolider ».

On a pourtant là un « élan » pour le moins restreint vu le taux d’abstention, mais qui surtout ne concerne pas du tout les classes populaires, mais simplement des franges modernistes et libérales des grands centres métropolitains.

Reste le cas de Marseille, deuxième plus grande commune de France, largement marquée par sa culture populaire. La ville a vu la large victoire de la liste d’union de la Gauche, malgré une campagne particulièrement hostile de la part de la Droite. La future maire, Michèle Rubirola, est membre de longue date d’EELV… mais elle en avait été exclue récemment, car elle préférait rejoindre la dynamique unitaire de la Gauche avec des associatifs et des syndicalistes, dynamique portée par l’émotion sociale et populaire suite au drame de l’effondrement des immeubles rue d’Aubagne.

Marseille, sur cette base, sera-t-elle un nouveau centre de gravité pour la Gauche, traçant la voix à une perspective unitaire, mais également sociale-populaire ? Ou bien ne sera-t-elle qu’une grande métropole de plus dans l’escarcelle « écolo-libéral » d’EELV et d’une partie du PS ? Ce sera là un enjeu politique majeur de ces prochains mois pour la Gauche, mais vu le taux d’abstention extrêmement fort à Marseille (65%), il faudra à la nouvelle équipe municipale prouver beaucoup de choses pour faire exister une réelle dynamique populaire.

Surtout que les temps qui s’annoncent vont être tempétueux.
 

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EELV ou le triomphe des bobos des centre-villes

Ils ont réussi leur pari : les bobos s’emparent de municipalités importantes au moyen d’EELV. Mais leur utopie libérale-libertaire représente en réalité la véritable agonie d’un système à bout de souffle.

Le jour même des élections est apparu un nouveau mouvement politique, « #Nous Demain ». Il a été constitué à partir du groupe parlementaire « Ecologie Démocratie Solidarité », une pseudo-scission de La République en Marche. Théoriquement « ni dans la majorité, ni dans l’opposition », « Ecologie Démocratie Solidarité » est en réalité un calcul machiavélique de la part d’Emmanuel Macron afin de former un bloc pour les prochaines élections présidentielles.

Dans les prochains jours, il sera d’ailleurs poussé en ce sens, « #Nous Demain » se voulant le point de rencontre des « associations, ONG, syndicats, coopératives, entrepreneurs sociaux ou mouvements de jeunesse ». Son discours libéral-libertaire rejoint la « gauche » postmoderne en pratiquement tous les points (cannabis légalisé, racisme systémique, etc.).

C’est qu’Emmanuel Macron a compris que la Gauche historique étant hors-jeu et l’extrême-Droite isolée, la « gauche » postmoderne se fera happer par EELV. Naturellement une telle analyse part du principe que le capitalisme est inébranlable et que la crise sera surmontée. On est là dans une fiction, mais ses acteurs se croient dans la réalité. Les partisans de François Ruffin, cet opportuniste patenté se prétendant écologiste depuis toujours, sont d’ailleurs en panique et soulignent bien qu’EELV serait de « gauche ».

EELV fait en effet la conquête d’Annecy, Poitiers, Besançon, Tours… et surtout de Lyon, Bordeaux et Strasbourg. Lille a été ratée de rien du tout, ce qui est étonnant tellement cette ville est un phare de la démarche bobo. Car on est là dans un phénomène urbain et plus exactement de centre-ville, bourgeois, de cette bourgeoisie cosmopolite et libérale, moderniste et relativiste.

C’est pour cela qu’EELV réussit à acquérir l’hégémonie sur la « gauche » postmoderne, qui se dilue d’ailleurs toujours plus dans ce pseudo-mouvement de la « social-écologie ». EELV est plus intellectuelle, plus éduquée, davantage capable de faire semblant de parler des animaux, bien plus apte à prôner le libéralisme culturel le plus complet, clairement plus efficace dans sa dynamique de modernisation du capitalisme.

Ceux qui disent qu’EELV est de « gauche », ce sont des gens qui ne le sont plus et qui ont besoin d’EELV comme moyen de se prétendre encore de gauche. Le panorama qui se déduit de cela, c’est d’ailleurs une mouvance libérale-libertaire gouvernementale avec une ultra-gauche postmoderne lui servant de levier, et une gauche syndicaliste et sociale ringardisée, figée, débordée. Pour prendre un exemple concret, on aura des relativistes modernistes libéraux ne voulant pas du véganisme et des syndicalistes ne sachant toujours pas ce que c’est !

Tout cela est cependant totalement vain, car la lutte des classes va se frayer son chemin à travers une crise qui s’annonce dévastatrice. Le triomphe d’EELV apparaîtra à l’avenir comme un des tout derniers épisodes des Bisounours que sont les bobos anti-politique et anti-ouvrier des centre-villes. C’est même une insulte aux Bisounours, car les bobos en question vivent de manière aisée et tranquille, dans le cynisme et l’hypocrisie. Ils ne croient pas en leur utopie, ils font simplement très bien semblants, étant avant tout des bourgeois.

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L’initiative commune lancée par de nombreuses figures de la Gauche

C’est « à titre personnel » que de nombreuses figures de la Gauche ont lancé une « initiative commune », dont voici le manifeste. Cela regroupe l’ensemble du spectre centristes de gauche, EELV, PS, PCF, avec une volonté sous-jacente de dépassement de ces structures.

Cette initiative commune vise clairement à passer au-dessus des partis et organisations, voire au-delà de la notion de parti, dans la perspective d’une unification nouvelle de la Gauche.

Parmi les signataires, notons le premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure, l’économiste Thomas Piketty, l’ex secrétaire général de la CGT Bernard Thibault, la figure du PCF Ian Brossat, la porte-parole du PCF Cécile Cukierman, la directrice d’OXFAM France et ancienne figure d’EELV Cécile Duflot, le fondateur de Place publique Raphaël Glucksmann, la principale figure d’EELV Yannick Jadot, le maire EELV de Grenoble Éric Piolle, la centriste écologiste ex-LREM Corinne Lepage, Virginie Rozière co-présidente des Radicaux de gauche.

« Au cœur de la crise, construisons l’avenir

La France affronte un séisme d’une ampleur inouïe. Favorisée par la destruction de la nature, la pandémie a généré une crise économique de grande ampleur, une commotion sociale brutale, notamment pour les plus précaires, et une mise entre parenthèse du fonctionnement démocratique. Elle a révélé l’improvisation des pouvoirs publics face à cette crise majeure. L’engagement extraordinaire des soignantes et des soignants, le courage de celles et ceux qui n’ont cessé de travailler sans relâche au service de tous et le civisme de millions de personnes confinées dans des conditions difficiles appellent une reconnaissance unanime. Dès maintenant, il s’agit d’éviter le pire et de préparer l’avenir. La réparation des dégâts annoncés, la défense des libertés, l’obligation de préparer une société résiliente nécessitent de fortes dynamiques collectives. La crise confirme l’urgence radicale des grandes transitions. De cette impérieuse nécessité, faisons naitre une espérance. Nous ne sommes pas condamnés à subir !

Au coeur de cette crise, il nous faut tourner la page du productivisme. Il faut affronter les périls immédiats, s’accorder pour engager la transition écologique et dans un même mouvement les transformations sociales et économiques trop longtemps différées. L’impasse où nous ont conduits les politiques dominantes depuis quarante ans et le capitalisme financier exige une offensive résolue. Avec cette initiative commune, dans le respect de nos différences, nous nous engageons à la hauteur des principes que nos prédécesseurs ont affirmés dans la « reconstruction » qui suivit la seconde guerre mondiale. Aujourd’hui, en temps de paix, nous devons faire preuve d’une égale ambition, avec la volonté que les Français s’emparent de ces débats.

L’état d’urgence sociale doit se déployer dès maintenant dans l’ensemble du pays, à commencer par les quartiers populaires et les territoires ruraux, partout où la crise remet à vif la grande pauvreté et les inégalités. Les familles déjà vulnérables, comme celles qui viennent brutalement de plonger dans le chômage et la pauvreté, se comptent par millions. La solidarité nationale doit intervenir pour aider les locataires, contribuer à payer les factures d’eau et d’électricité, par l’aide alimentaire et la fourniture gratuite de masques, par des soutiens exceptionnels individualisés pour que vivent décemment celles et ceux, y compris les jeunes, qui ont vu leur travail et leurs revenus disparaitre. Cette crise doit enfin imposer un basculement des politiques publiques : « sortir » des dizaines de milliers de personnes de la rue, c’est affaire de dignité d’abord, mais aussi d’ordre public sanitaire et social.

Pour aller plus loin, la France, comme d’autres en Europe, doit imaginer et mettre en chantier dès cette année un nouveau modèle de protection sociale. Pour ces temps de grande transition, il y a urgence à assurer un revenu digne rendant possibles à toutes et tous la formation, l’accès à un nouvel emploi ou un projet professionnel. Compte tenu de la hausse explosive du nombre des sans-emplois, ce serait une faute historique de maintenir la « réforme » de l’assurance chômage de 2020. Il faut permettre dès maintenant à tous les territoires volontaires de mettre en oeuvre la belle initiative Territoires zéro chômeur de longue durée, inspirée des expériences du mouvement associatif. Quant aux travailleurs étrangers en situation irrégulière, soutiers plus anonymes encore de nos économies, leur accès au droit au séjour doit être facilité.

Pour pouvoir mobiliser les énergies de toutes et tous, il faudra inventer et consolider des protections collectives plus adaptées à notre temps, combler les failles majeures que la crise a soulignées, agir pour l’accès à la santé et des retraites décentes. Certains, à l’inverse, manifestent déjà la volonté de réduire les droits sociaux à la faveur de l’émotion générale, notamment sur la question du temps de travail. Nous ne laisserons pas faire, et nous demandons qu’il soit renoncé définitivement au projet de réforme des retraites qui mine la cohésion nationale dont nous avons tant besoin. Face à la précarité ou aux inégalités femmes-hommes, tous les travailleurs et travailleuses, indépendants, artisans et commerçants, professionnels des plates-formes, salariés en CDD, intermittents ou intérimaires, doivent être dotés de droits sociaux individuels complets et d’une capacité réelle de négociation collective.

Le statu quo n’est plus possible. Nous défendons une société de la reconnaissance, qui sache valoriser celles et ceux sans lesquelles elle ne tiendrait pas, dans la crise comme après. Travailleurs de l’aube et du soir, fonctionnaires de jour comme de nuit, soignants et enseignants dévoués, elles (très souvent) et ils sont en droit d’attendre bien sûr des primes immédiates et légitimes, mais aussi une amélioration significative et sans délai de leurs conditions d’emploi et de salaire, à commencer par le Smic. Lorsque ces personnes ont des enfants, la prise en charge par les employeurs des frais de garde, l’organisation de nouveaux centres de vacances dès 2020 avec les mouvements d’éducation populaire seraient aussi de justes rétributions. Le confinement a mis également en exergue la nécessité de reconnaitre le féminicide en droit français et de ne plus reporter un plan national d’ampleur contre les violences faites aux femmes et aux enfants, en doublant le budget alloué aux associations venant en aide aux victimes et aux lieux de prise en charge

Les Français vivent intensément les effets de l’affaiblissement de notre système de santé. Sous tension bien avant le tsunami du Covid19, l’hôpital public a été asphyxié par des années d’austérité budgétaire et la marchandisation de la santé. Une loi de programmation doit assurer au plus vite un financement pérenne des investissements des hôpitaux et des Ehpad, rompre avec la spirale des fermetures de lits et permettre la revalorisation des métiers de soignantes et soignants. Cette refondation permettra de retrouver une capacité de prévision et d’anticipation, et les moyens d’affronter collectivement les chocs de grande ampleur. Elle devra également garantir à tout moment la disponibilité des principaux médicaments sur le territoire national. Elle assurera enfin la réhabilitation des soins de premiers recours, efficients et réactifs face à de nouvelles crises et la fin des déserts médicaux, indignes de notre pays.

L’avenir de notre économie et sa conversion écologique se jouent en ce moment. Le soutien public à la survie du système productif est vital. Il doit être associé à une conditionnalité environnementale et sociale exigeante. Des fleurons de notre économie sont au bord de la faillite, avec le cortège habituel de restructurations brutales et de chômage massif. Face à ces risques, la réaction de l’État en faveur de l’emploi doit être couplée à la mise en oeuvre accélérée de la transition écologique, à commencer par le respect des Accords de Paris sur le climat. C’est seulement ainsi que le sauvetage des emplois sera durable. Une politique industrielle crédible implique des choix stratégiques nationaux ; elle se construit dans chaque région avec toutes les parties concernées, entreprise par entreprise, branche par branche. La mobilisation doit intégrer pleinement les enjeux d’indépendance et de relocalisation, de recherche et d’innovation, mis en lumière de façon éclatante dans la crise actuelle.

D’ici la fin de cette année, il appartient à la puissance publique d’identifier avec tous les acteurs les secteurs stratégiques à relocaliser au niveau français ou européen, les chaines de valeurs à contrôler et les productions à assurer au plus proche des lieux de consommation. Les événements récents confirment une fois de plus les fragilités de l’Europe quand elle se limite à n’être qu’un marché livré aux excès du libre-échange, renonçant à protéger son économie. La signature des traités qui amplifient cet abandon doit être stoppée, et ceux qui existent déjà révisés. Rien ne sera possible sans un pilotage ambitieux du système de crédit, avec un pôle public de financement et la BPI jouant enfin réellement son rôle. La mise en oeuvre de nationalisations là où il le faut doit permettre non de mutualiser les pertes, mais d’atteindre des objectifs d’intérêt général. Dans ce but, il faudra aussi miser davantage sur l’économie sociale et solidaire pour mieux ancrer l’économie dans les territoires et impulser le nouveau modèle de développement.

Cette épidémie et sa propagation rapide sont liées à la destruction accélérée des habitats sauvages combinée à une mondialisation insuffisamment régulée. Elles renforcent l’urgence d’une remise en cause de notre mode de production et de consommation : la transformation écologique de la France est le nouveau défi de notre République au XXIème siècle. Cette prise de conscience des communs naturels à protéger et de l’impasse des modes de consommation actuels est essentielle, tout comme les combats de la gauche. Les propositions des participants de la Convention citoyenne pour le climat et sa méthode ont permis que progressent dans la société des projets d’une grande richesse. Les politiques publiques doivent être au rendez-vous de cette urgence planétaire.

Nous proposons que soit discutée et mise en oeuvre rapidement une Prime pour le climat, afin d’éliminer en priorité les passoires thermiques et sortir les plus pauvres de la précarité énergétique. Elle accompagnera aussi les travaux de rénovation énergétique rendus obligatoires pour l’ensemble du bâti afin d’atteindre deux millions de logements par an, en privilégiant les rénovations complètes. Des dizaines de milliers d’emplois non délocalisables pourraient être ainsi créés.

La France a besoin également de bâtir un plan ambitieux de transition vers une mobilité durable, pour soutenir l’électrification des motorisations, les modes de transports collectifs et partagés, la relance des réseaux ferroviaires, mais aussi l’extension du droit au télétravail dans des conditions protectrices pour les salariés.

Conçue pour éviter un recours accru aux énergies fossiles, dont les prix baissent du fait de la crise, la Contribution Climat Énergie doit s’accompagner de mesures de redistribution de grande ampleur pour en compenser les effets sur les plus vulnérables. Une relance publique du soutien à la transition écologique locale est plus que jamais indispensable afin d’impliquer beaucoup plus les territoires et les citoyen.ne.s dans le déploiement des projets collectifs d’énergies renouvelables. Ces investissements supplémentaires dans la transition écologique devront être sortis des critères budgétaires européens.

La refonte des aides de la PAC en soutien des petites et moyennes exploitations doit être accélérée, pour permettre une agriculture respectueuse de l’environnement, la croissance des productions bio, et pour développer le paiement des services environnementaux (stockage du carbone, arrêt des intrants chimiques…). Il faudra enfin donner toute sa place dans nos textes fondamentaux au droit de la nature et mettre en oeuvre de façon strict sur l’ensemble du territoire la politique du « zéro artificialisation nette » et la protection de la biodiversité.

Ces investissements massifs, pour l’immédiat ou le futur, exigent un financement soutenable et équitable. L’engagement de l’Europe en est l’une des clés. C’est une nécessité qui conditionne la survie de l’Union, quand les forces de démembrement prospèrent grâce au manque de solidarité européenne dans chaque moment de crise. On attend de l’Europe qu’elle conduise durablement une politique monétaire à la hauteur du risque actuel, mais aussi qu’elle mette en oeuvre des formes inédites de financement en commun pour empêcher une hausse de l’endettement des États, en particulier les plus affectés par la crise sanitaire. Il faudra aussi dès les prochains mois engager le chantier de la restructuration des dettes héritées des crises successives.

Tous les pays en ont en effet un urgent besoin pour permettre un nouveau départ et la transformation de leurs économies tellement interdépendantes. Ces financements européens ne sauraient être assortis des mesures d’austérité qui ont creusé entre les peuples des blessures encore inguérissables. Les conditionnalités aujourd’hui se nomment écologie, cohésion sociale et respect de la démocratie. Une transformation profonde des structures de l’Union européenne est indispensable pour rendre possibles ces politiques ambitieuses de solidarité. Cela implique la remise en cause du pacte budgétaire.

Mais l’Europe ne pourra pas régler seule l’addition de la crise. Les États devront eux aussi apporter une réponse fiscale et budgétaire dans un esprit de justice. Pour corriger les inégalités creusées au cours des dernières décennies et aggravées par la crise, et pour prévenir l’effondrement de nos sociétés. La France doit rétablir un Impôt de solidarité sur la fortune, mettant à contribution les patrimoines les plus élevés, et renforcer la progressivité de sa fiscalité sur les revenus, notamment ceux du capital, largement érodée depuis 2017. Compte tenu de l’ampleur des dépenses engagées pour faire face à la crise, elle devra appeler une contribution anti-crise des citoyens les plus aisés. La taxation des secteurs qui ont bénéficié de la crise et de ceux qui ont décidé, au coeur de la tempête, de continuer à distribuer des dividendes ou à s’enrichir à l’abri des paradis fiscaux doit être proposée sans délai au Parlement. La maitrise à l’avenir des écarts de salaires au sein des entreprises participe de ces préalables de justice : au-delà d’un écart d’un à douze, il ne serait plus possible de déduire les rémunérations et les cotisations de l’impôt sur les sociétés. Ces choix sont inséparables d’une action ambitieuse pour que les bénéfices des sociétés multinationales cessent d’échapper largement à la fiscalité française, notamment en les obligeant à une totale transparence sur leurs activités et les taxes payées dans les pays où elles sont présentes. Cette reconquête ne sera complète que lorsque les géants du numérique contribueront par un impôt juste aux efforts d’investissement qui attendent la France et l’Europe.

Ces mesures n’auront de sens et d’efficacité que si dans l’après-crise, une transition démocratique offre à tous la capacité d’agir pour un monde commun. La verticalité du pouvoir fracture la société. Elle alimente l’impuissance et la défiance. C’est l’échec de la Vème République. Seule une refondation de nos institutions permettra de le dépasser. Il est impératif de ne pas confier à un « sauveur suprême » ou au pouvoir technocratique « la sortie de crise », mais au contraire d’augmenter la participation des citoyen·ne·s aux décisions qui les concernent et cela à tous les niveaux.

Réussir les transitions exige un développement des emplois publics partout où leur manque cruel se vérifie aujourd’hui. Il faudra aussi rénover l’action publique en inventant les outils, l’organisation, les métiers du secteur public de demain. Rien ne progressera sans des délibérations collectives, valorisant bien davantage les citoyens et leurs compétences, l’éducation, l’innovation sociale et la création culturelle, les territoires, villes et villages.

Cet impératif s’adresse aussi aux entreprises : pour réussir la sortie de crise, il faut y faire entrer la démocratie en associant réellement les salariés à leur stratégie. Cela doit s’incarner dans une codétermination à la française avec la présence de 50% de représentants des salariés dans les conseils de surveillance ou les conseils d’administration des grandes entreprises et le renforcement des pouvoirs des représentants des salariés à tous les niveaux.

Lourde de souffrances inédites, cette période ne doit pas confisquer les espoirs de changement, bien au contraire. Faisons place à l’action collective et à ces premières convergences. Pour être à ce rendez-vous de notre Histoire, nous proposons qu’un grand événement, une « convention du monde commun », réunisse dans les prochains mois toutes les énergies disponibles, les citoyennes et citoyens épris de profonds changements, les formations politiques, les forces associatives, les initiatives que portent syndicats et ONG. C’est une première étape cruciale et attendue pour une alternative démocratique, écologique et sociale. Nous voulons lui donner la force de notre engagement.


Premiers signataires* : Syamak Agha Babaei, Christophe Aguiton, Amandine Albizzati, Claude Alphandery, Nathalie Appéré, Gérard Aschieri, Guillaume Balas, Jeanne Barseghian, Marie-Laure Basilien-Gainche, Laurent Baumel, Romain Beaucher, Anne-Laure Bedu, Jacqueline Belhomme, Esther Benbassa, Patrice Bessac, Olivier Bianchi, Habiba Bigdade, Loïc Blondiaux, Alice Bosler, Maurice Braud, Rony Brauman, Axelle Brodiez, Ian Brossat, Philippe Brun, Julia Cagé, Sophie Caillat, Andrea Caro, Fanélie Carrey-Conte, Lucas Chancel, Pierre Charbonnier, Christian Chavagneux, Alain Coulombel, Annick Coupé, Jezabel Couppey-Soubeyran, Françoise Coutant, Thomas Coutrot, Cécile Cukierman, Ronan Dantec, Joël Decaillon, Carole Delga, Stéphane Delpeyrat, Laurianne Deniaud, Emmanuel Denis, Gregory Doucet, Marie-Guite Dufay, Cécile Duflot, Antoine Dullin, Jérôme Durain, Guillaume Duval, Timothée Duverger, Nicolas Duvoux, Anne Eydoux, Olivier Faure, Rémy Féraud, Aurélie Filippetti, Diana Filippova, Alain Foix, Didier Fradin, Philippe Frémeaux, Guillaume Garot, Karl Ghazi, Jean-Luc Gleyze, Raphael Glucksmann, Daniel Goldberg, Guillaume Gontard, Gaëtan Gorce, Aziliz Gouez, Bernadette Groison, Florent Gueguen, Denis Guenneau, Hélène Hardy, Jean-Marie Harribey, Anne Hessel, Catherine Hoeffler, Pierre Hurmic, Marie-Hélène Izarn, Pierre Jacquemain, Yannick Jadot, Hugues Jallon, Vincent Joineau, Régis Juanico, Nina Karam-Leder, Pierre Khalfa, Yazid Kherfi, Hella Kribi-Romdhane, Thierry Kuhn, Joël Labbé, Guillaume Lacroix, Delphine Lalu, Aurore Lalucq, François Lamy, Sandra Laugier, Pierre Laurent, Guillaume Le Blanc, Joël Le Coq, William Leday, Claire Lejeune, Corinne Lepage, Elliot Lepers, Nadine Levratto, Medhi Litim, René Louail, Benjamin Lucas, François Mandil, Bénédicte Manier, Edouard Martin, Gus Massiah, Nora Mebarek, Dominique Meda, Philippe Meirieu, Claire Monod, Beligh Nabli, Naïri Nahapetian, Jean-François Naton, Alexandre Ouizille, Christian Paul, Renaud Payre, Willy Pelletier, Camille Peugny, Maxime Picard, Thomas Piketty, Eric Piolle, Dominique Plihon, Dominique Potier, Alexis Poulin, Angèle Préville, Audrey Pulvar, Valérie Rabault, Jean-Paul Raillard, Gilles Raveaud, Sandra Regol, Nadine Richez-Battesti, Martin Rieussec-Fournier, Jacques Rigaudiat, Marie-Monique Robin, Johanna Rolland, Barbara Romagnan, Laurence Rossignol, Muriel Rouyer, Virginie Rozière, Michèle Rubirola, Jérôme Saddier, Bernard Saincy, Eva Sas, Mounir Satouri, Frédéric Sawicki, Laurence Scialom, Sabrina Sebaihi, Aissata Seck, Véronique Sehier, Gabrielle Siry, Emmanuel Soulias, Jo Spiegel, Olivier Szulzynger, Sophie Taillé-Polian, Bernard Thibault, Benoît Thieulin, François Thiollet, Isabelle This Saint-Jean, Stéphane Troussel, Henri Trubert, Hulliya Turan, Boris Vallaud, Najat Vallaud-Belkacem, Shahin Vallée, Antoine Vauchez, Denis Vicherat, Anne Vignot, Patrick Viveret.

* à titre personnel »

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Tribune pro-transgenre: une idéologie ultra-libérale avec EELV au centre

La tribune de soutien à la conception ultra-libérale (et donc absurde) de « femmes trans » en dit long sur la situation de panique vécue par tous les postmodernes face à une révolte contre leurs délires. Cela est d’autant plus clair que désormais la « Gauche » postmoderne s’est ralliée à EELV, ce qui a le mérite de clarifier les choses.

C’est la panique chez les post-modernes ! Une tribune dans Libération, une liste de signataires immensément longue, un site internet avec de multiples liens vers des articles explicatifs… Et un titre sans appel pour la tribune : « Le débat sur la place des femmes trans n’a pas lieu d’être ».

C’est qu’il y a le feu car la révolte gronde. L’affaire Marguerite Stern a provoqué une véritable onde de choc. L’idéologie postmoderne en mode LGBT – on est ce qu’on veut être – tout est choix individuel… est puissamment ébranlée.

Il s’agit donc de colmater les brèches. Et qui retrouve-t-on en première ligne ? EELV bien entendu. On trouve ainsi parmi les signataires la secrétaire nationale adjointe d’EELV Sandra Regol, la porte parole d’EELV Eva Sas, la sénatrice écologiste de Paris Esther Benbassa, la commission LGBTI d’EELV. EELV, cette forteresse de l’apolitisme social-écologiste, cette négation du mouvement ouvrier, est le cœur même du processus de macronisation « par la gauche ».

> Lire également : Cauchemar pour la Gauche: EELV en nouveau François Hollande

Et la « Gauche » postmoderne est toute contente de s’aligner sur EELV. On retrouve parmi les signataires les équipes thématiques égalité femme-homme ainsi que LGBTI de la France insoumise, les députées France insoumise Clémentine Autain, Mathilde Panot et Danièle Obono, la députée européenne France insoumise Manon Aubry.

On a également la députée PCF Elsa Faucillon, Générations-s LGBTI+, la porte-parole du Nouveau Parti Anticapitaliste Christine Poupin.

On a naturellement aussi toutes les structures passées de la défense des gays et des lesbiennes à l’idéologie ultra-libérale LGBT, telles la Fédération LGBTI+, la Fédération des Associations & Centres LGBTI+, ainsi que les collectifs défendant la prostitution comme un « travail ».

On a surtout la cohorte de femmes ayant trouvé leur place dans la bourgeoisie intellectuelle universitaire. Car le fond de la question est là. Comme l’a formulé Bertolt Brecht, pour saisir une idée il faut savoir d’où elle vient et où elle va.

D’où vient la conception de « femmes trans » ? D’hommes qui, au lieu de remettre en cause leur culture patriarcale, d’apprendre des femmes, voire même de se soumettre à leur approche non viriliste – destructrice, s’imaginent être une femme.

D’où vient la conception LGBT ? Du capitalisme le plus poussé, pour qui il n’y a que des consommateurs, pour qui tout est choix individuel, décision de consommer, achat, vente.

Produit de l’ultra-modernité capitaliste, de la totale décadence des valeurs dans le capitalisme, les postmodernes accusent leurs détracteurs d’être des fachos. Mais ils ne sont que le revers de la médaille capitaliste, qui a un côté identitaire facho, un côté identitaire postmoderne. Les uns se nourrissent des autres, avec un seul but : nier les classes, masquer la bourgeoisie, préserver le capitalisme.

Toutes les personnes qui assument la Gauche historique voient bien cela. Elles doivent faire front. Refuser. Empêcher la grande opération de lessivage des valeurs, des liquidations des traditions du mouvement ouvrier par l’alliance baroque des identitaires fachos et des identitaires post-modernes.

Il y en assez de ces « identités »… Il faut la lutte des classes !

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Cauchemar pour la Gauche: EELV en nouveau François Hollande

L’opportunisme qui s’exprime à Gauche à l’occasion des municipales laisse craindre la réédition de l’épisode François Hollande, c’est-à-dire l’utilisation d’une figure de centre-Gauche pour gagner aux présidentielles et mener la lutte des places.

L’attitude de la Gauche aux municipales est très problématique en bien des endroits. L’unité a été saisie comme importante et essentielle, mais il n’y a pas de mouvement vers une autocritique, un retour aux valeurs historiques. Il y a un contournement des questions de fond en se plaçant à la remorque d’EELV.

Ce qui se passe à Amiens est un exemple glaçant. Cette image présentant les candidats de la liste « Amiens, c’est l’tien ! » représente à elle seule tout un suicide généralisé de gens se disant de Gauche mais totalement déconnecté du monde populaire. Amiens, ville populaire, ville prolétaire, et on la droit à ça ?

Il ne faut pas s’étonner si une ligne aussi anti-ouvrière, anti-prolétaire aboutit aux succès de l’extrême-Droite. Et pour saisir l’ampleur de la catastrophe, la liste est soutenue par le PS, le PCF, Génération-s, Place publique, LFI, Picardie debout, Ensemble 80 et EELV.

C’est du suicide politique. Et ce suicide s’accompagne d’un véritable positionnement stratégique, visant à faire d’EELV le fer de lance pour les élections présidentielles à venir. Il y a bien évidemment l’idée qu’EELV, par son positionnement assez « neutre » politiquement, puisse permettre de gagner et d’amener dans la foulée un gouvernement fondée sur l’alliance EELV-Gauche.

De cette manière, tout serait sauvé, aucune remise en cause ne serait nécessaire, l’équilibre et la stabilité seraient retrouvés. EELV est une carte utilisée pour un gigantesque tour de passe-passe historique. Tout devrait reprendre son cours, comme avant la désillusion de la fin du quinquennat de François Hollande.

C’est là bien évidemment ridicule, alors que l’on voit bien que le sol du pays remue, que les gilets jaunes et la grève des syndicats contre la réforme des retraites n’ont été que de bien pâles hors d’œuvre historiques comparés à ce qui va se produire. C’est un tremblement de terre qui se profile à l’horizon, parce que le capitalisme est instable, qu’il est en crise, que la guerre se montre toujours plus comme une option désirée pour se sortir de la crise.

Se placer à la remorque d’EELV, c’est nier tout cela. C’est se dire qu’à coups de mesures écologistes par en haut, le réchauffement climatique sera supportable. C’est se dire que par l’Union Européenne, on échappera à la crise économique. Que par l’emplacement géographique de la France, on échappera à la rivalité sino-américaine menaçant la paix mondiale.

C’est là une véritable capitulation à laquelle on assiste. Dire que François Hollande a été dénoncé, tout cela pour refaire exactement la même chose dans la foulée avec EELV !

Mais cela permet également d’y voir clair. La Gauche institutionnelle s’éloigne tellement de la Gauche historique qu’elle devient autre chose. La Gauche institutionnelle espère avancer par EELV, alors qu’elle se fera phagocyter.

Et les esprits sincères comprendront vite que se mettre derrière EELV, c’est simplement se mettre à la remorque de capitalistes plus « modernes » que d’autre.

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La liste «Pour Demain, Tours 2020», laboratoire de la Gauche?

La liste «Pour Demain, Tours 2020» s’appuie sur un très large rassemblement de la Gauche. Cela attire une grande attention, car cela peut éventuellement servir de modèle au niveau national. Le souci, c’est que sur le plan du contenu, il n’y a rien à part la soumission à EELV. Cela n’annonce rien de bon pour la Gauche, qui s’efface par pragmatisme.

La ville de Tours, qui a un peu plus de 130 000 habitants, a comme maire un radical, mais la Gauche est pratiquement entièrement unie pour les prochaines municipales. Elle joue même la course en tête dans les sondages et si le candidat LREM se maintient, il y a une chance de l’emporter.

La liste unifie le PS, le PCF, La France insoumise, Ensemble !, Génération-s, Génération écologie, Nouvelle donne, Place publique, ainsi qu’EELV, dont est issu le candidat au poste de maire, Emmanuel Denis. Il y a toutefois un problème de fond qui saute aux yeux à quiconque connaît la situation un tant soit peu, et même deux problèmes en fait.

Le premier, c’est que la composante de la liste est d’une nature guère populaire. Le site 37° (consacré à la Touraine) résume cela de manière fort judicieuse.

Sortir de l’image de candidat utopiste écolo-bobo de centre-ville. Une faiblesse qu’il faudra gommer.

Car à regarder de près la liste des 57 candidats présentés (55 titulaires et 2 suppléants, une nouveauté de cette élection), certains secteurs de la ville peuvent se sentir oubliés.

Quand on pointe ainsi l’absence de représentant sur le quartier du Sanitas, les réponses sont un peu gênées, et on rétorque une erreur dans le fichier qui va être réparée.

Reste l’impression que la liste est un classique de la gauche. Si quelques salariés et cadres du privé sont bien présents (Emmanuel Denis en tête), on note en effet une forte représentation de membres issus de l’Education Nationale, de la Fonction Publique, du monde associatif ou encore de la culture.

Le second souci, c’est que pour une liste de grande union de la Gauche, il n’y a pas grand chose de gauche qui en ressort. Le paradoxe a ici une grande importance. Il faut savoir en effet que ce qui se passe à Tours est grandement observé à Gauche. Le 11 février, il y avait un meeting à Tours, avec 300 personnes, dans le cadre de la campagne de la liste. Étaient présents le secrétaire général d’EELV, Julien Bayou, ainsi que le premier secrétaire du PS, Olivier Faure.

Il y avait également la députée du groupe la France Insoumise Clémentine Autain et Sophie Taillé-Polian, qui est sénatrice de Génération-s. C’est dire si la situation à Tours est pratiquement vue comme une sorte de petit laboratoire. Pourtant, quand on regarde le programme, on a une démarche apolitique, ne se revendiquant nullement de la Gauche, avec un discours social et écologiste le plus neutre possible.

Les points du programme sont ainsi intitulés Une ville économe, Une ville qui répare, produit et innove, Une ville qui émancipe, Une ville solidaire et accueillante, Une ville sûre pour tous ses habitants. Ce n’est nullement engageant, c’est typique du populisme neutraliste municipal.

Le paradoxe c’est que le candidat au poste de maire s’imagine inversement que le positionnement est très combatif. Libération mentionne les mesures annoncées en premier et comment Emmanuel Denis les évalue. Cela donne la chose suivante:

Les différents partis se retrouvent autour de trois axes forts du programme : l’écologie, la participation des citoyens aux prises de décision, et les solidarités.

Parmi les premières mesures dévoilées, Emmanuel Denis cite la création de cinq voies cyclables protégées, 5 % du budget d’investissement (1 million d’euros) pour la réalisation de projets d’aménagement initiés et concrétisés par les habitants, une attention portée à l’égalité femmes-hommes dans l’octroi de subventions aux associations, la tarification progressive pour l’eau ou encore la gratuité de l’aide aux devoirs.

«Nous voulons mettre en œuvre une politique sociale forte. Pour nous, fin du mois, fin du monde, c’est le même combat», lâche le candidat, qui place les électeurs de gauche et les abstentionnistes au centre de son attention.

Si c’est là une politique sociale forte, alors le programme commun de 1981 est le summum du bolchevisme. Il faut être sérieux, de telles mesures ne sont même pas de Gauche, ce sont des mesures sociales que n’importe quel parti radical de gauche pourrait prendre. Mais justement, ce sont des mesures que prend n’importe quel parti radical de gauche, et pas n’importe lequel en fait : EELV.

La liste «Pour Demain, Tours 2020» n’est pas un laboratoire de la Gauche. C’est le laboratoire de la soumission à EELV. Ce qu’on peut craindre, c’est une soumission générale de la Gauche à EELV, sur un mode : EELV permet de gagner les présidentielles, puis après les élections parlementaires il y a un gouvernement avec largement la Gauche aux commandes.

EELV jouerait ainsi la fonction qu’a eu François Hollande, celle de fer de lance de centre-gauche pour réussir à gager aux élections. Il y a ici un opportunisme complet qui se profile, comme répétition de la logique pragmatique, électoraliste, aux dépens des idées, des valeurs, des principes de la Gauche historique.

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Les élections municipales en Alsace et la Gauche

En Alsace, tout reste à faire pour la Gauche. Réputée « terre de Droite », l’Alsace est surtout remarquable par la passivité des ouvriers et des forces populaires, de plus en plus subjugués par le nationalisme du Rassemblement national. Ceci dit, ici comme dans le reste de notre pays, la situation est en réalité identique. Elle prend certes un tour particulier en Alsace du fait de l’Histoire de cette région où la Gauche a subi de lourds reculs. Mais là aussi s’affirment des besoins, une nécessité forte, auxquels il est du devoir de notre camp de répondre.

C’est une certitude jamais franchement expliquées par les médias lorsqu’ils parlent de l’Alsace comme étant une « terre de droite ». Reconnaissons le fait que l’Alsace constitue dans notre pays un bastion de la Droite, dans sa version libérale comme dans sa version réactionnaire comme un constat incontournable.

Bien entendu, il faut voir aussi l’abstention massive, notamment lors des élections municipales justement (entre 55 % et 65 % ces dernières années). Mais encore faudrait-il dire que bien souvent, et notamment pour les élections municipales, cette abstention n’est qu’un autre reflet de la popularité du RN malheureusement. Elle est forte dans les communes qui votent massivement pour l’extrême-Droite mais où le RN n’est justement pas en mesure de proposer des listes municipales. Mais tout cela n’est pas une fatalité, ou une sorte d’état irrationnel relevant d’une essence « identitaire » de l’Alsace.

Il faut se souvenir d’abord qu’à l’époque du Reichland (1871-1919), quand la région était une part de l’Empire allemand annexée suite à la défaite française de 1871, l’Alsace a été particulièrement marquée par le ddéveloppement de la social-démocratie allemande de cette époque. La confessionalisation du vote entre protestants et catholiques si forte sous le Second Empire français (1852-1871) y a été dépassée dès les années 1880. Dans un contexte d’urbanisation et d’industrialisation rapide, le SPD (parti social-démocrate d’Allemagne) y est devenu le principal parti politique avec des scores dépassant systématiquement les 25 % des suffrages. La ville de Strasbourg a ainsi été représentée au Reichtag par une figure de la Gauche sociale-démocrate allemande aussi importante qu’August Bebel (député de Strasbourg entre 1893 et 1898).

La défaite de l’Allemagne, le sort des 380 000 soldats alsaciens combattants et l’annexion à la France signent l’effondrement de la social-démocratie en Alsace. La défaite de l’éphémère Conseil des Ouvriers et des Soldats de Strasbourg en novembre 1918 voit la prise de pouvoir des libéraux, appuyés par les nationalistes français, rejetant dans l’abstention et la morosité le mouvement ouvrier et les classes populaires.

Le PCF ne s’est paradoxalement que mal développé dans la région, littéralement écrasée alors par l’élan patriotique. L’Alsace, malgré tout de même l’élection d’un député communiste dans la circonscription de Sélestat lors du Front Populaire de 1936, reste massivement sur une ligne de Droite, libérale-nationale, affirmant le régionalisme dans le cadre de la France. Parallèlement, tous les groupes d’extrême-Droite ont trouvé une audience forte dans la région : en 1936, le PSF du général de La Roque compte ainsi près de 20 000 adhérents en Alsace. Toutes ces caractéristiques se prolongent encore comme les grandes lignes qui structurent le panorama politique de l’Alsace d’aujourd’hui.

Enfin, la période cruciale de l’annexion nazie en 1940-1945 se conclue par une nouvelle vague de nationalisme français, portée cette fois par le Gaullisme. Celui-ci va appuyer à la fois la question des « Malgré Nous » pour contourner celle de la nazification en Alsace et la question du traitement des prisonniers alsaciens sous uniforme allemand par l’Union Soviétique, avec toute la dénonciation du camp de Tambov comme symbole, pour appuyer localement l’anticommunisme.

Les Gaullistes appuient ainsi dans la région leur hégémonie culturelle sur un réseau d’élus locaux qui verrouillent fortement toute expression politique concurrente, notamment face à l’extrême-Droite. Cette hégémonie n’est seulement contestée que par des forces libérales, voire sociale-libérales, sous diverses étiquettes des partis centristes de type UDI/Modem et aujourd’hui LREM. Mais ces partis ne sont forts que là où l’urbanisation a permis de générer des classes moyennes relativement éduquées, ouvertes au cosmopolitisme, au relativisme postmoderne et fortement marquées par le protestantisme ou par leur passage dans les écoles confessionnelles du genre du Gymnase Jean Sturm, bastion culturel de cette petite-bourgeoisie libérale et fascinée par le mythe du « capitalisme rhénan » et ses prétendus valeurs « humanistes » et aujourd’hui « écologistes ».

C’est cette conformité culturelle qui donne aux prétentions de la petite-bourgeoisie entreprenante régionale une certaine, mais fausse, diversité. Prenons le cas de Strasbourg. On voit ainsi se présenter aux élections municipales Alain Fontanel, une figure du PS local, fortement « radical-socialiste » sur la ligne portée par François Hollande. Cette personne est passé aujourd’hui à LREM, et il est donné favori pour ces élections.

Face à lui, le PS local pour sauver la face ne peut plus qu’aligner qu’une figure dépassée comme Catherine Trautmann, qui dit d’ailleurs presque la même chose. Même flou, même ligne pour l’autre liste, issue de la même majorité précédente elle aussi et de la même matrice culturelle, autour de la candidate EELV Jeanne Barseghian, soutenue par le PCF et quelques organisations locales de gauche. Cela dans une ambiance de pur opportunisme et de calcul électoraliste sans envergure, sans réel travail sur le terrain. La liste de Jeanne Barseghian entend opposer à LREM un programme d’écologie « sociale », marquée par des positions post-modernes, donc forcément anti-populaires, qui ne risque pas de se démarquer de manière significative de celui de ses opposants. C’est sans doute d’ailleurs la raison pour laquelle cette dernière laisse le PCF développer son thème de la « gratuité » des transports, sans produire bien sûr aucun engagement ni même aucune campagne populaire dans ce sens.

Le panorama est tout aussi déplorable à Mulhouse, malgré une apparente mais fragile affirmation d’union de la Gauche, autour de la liste Cause Commune et avec un candidat de Lutte Ouvrière, un peu moins faible ici qu’ailleurs, Julien Wostyn.

Ce que l’on voit donc surtout, c’est l’étau qui traverse notre pays, entre un libéralisme post-moderne forcément diversifié et un nationalisme de plus en plus affirmé, qui trouve en Alsace un écho plus fort encore qu’ailleurs en France. La conquête par le FN/RN des classes populaires y a ainsi commencé plus tôt, dès la fin des années 1980 et avec plus de force malheureusement. L’Alsace constitue en effet un terrain propice à l’offensive néo-gaulliste du RN : autant les thèmes sociaux-nationalistes y trouvent un écho, notamment dans les banlieues et les villes ouvrières, que les thèmes identitaires anti-mondialisation dans les campagnes rurales, notamment celles organisées autour de l’élevage dans le nord et le sud de la région.

Il faudra donc ici accorder une attention significative à la capacité du RN a s’imposer à la Droite dans le cadre de ses élections, les seules où jusqu’à présent les scores du FN/RN décrochaient en raison de la faible implantation territoriale de ce parti en Alsace, en dépit de ses scores élevés par ailleurs : en 2014, le FN/RN n’avait ainsi pu constituer que 11 listes pour un total de 904 Communes en Alsace. Ce parti ne semble pas en mesure de faire beaucoup mieux cette fois-ci encore, mais il compte néanmoins développer sa présence, y compris par des alliances ou de l’entrisme, au moins par consolider ou développer sa base électorale, dangereusement large.

Il y aurait pourtant beaucoup à dire pour la Gauche en Alsace dans le cadre de ces élections municipales par exemple sur la question de l’agriculture, l’utilisation massive des pesticides dans les zones viticoles, la question des déchets industriels et nucléaires notamment, la question des animaux avec l’ignoble laboratoire de test de Hausbergen et le soutien à la production de foie gras. Il y aussi la question bien sûr de la pollution de l’air, notamment dans la ville de Strasbourg, où le taux des AVC des moins de 30 ans a littéralement explosé ces 20 dernières années. La question aussi des soutiens municipaux aux bastions scolaires de la bourgeoisie, comme notamment à l’emblématique Gymnase Jean Sturm à Strasbourg, ou à l’Institution Saint Jean à Colmar ou encore à l’école Jeanne d’Arc à Mulhouse. Tout cela permettrait d’affirmer autant de lignes rouges face aux libéraux post-modernes de tout bord comme face à la démagogie des nationalistes.

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La fin de l’ancrage des «écologistes» à Gauche

Le gouvernement autrichien, après avoir été formé d’une coalition Droite / extrême-Droite, s’appuie désormais depuis janvier 2020 sur l’alliance de la Droite et des écologistes. Cette tendance est générale en Europe et en passe de se réaliser en France. Faire confiance à EELV serait un suicide pour la Gauche.

Les Verts autrichiens sont un équivalent des Verts allemands : ils sont nés pareillement de toute une génération qui s’est politisée dans les années 1970, souvent chez les « maos ». La question écologiste, une problématique née très tôt dans les pays germaniques, a servi de détonateur pour la naissance d’une Gauche alternative brassant les anciens hippies, les anti-nucléaires, les opposants à la guerre et l’OTAN, les féministes, les autonomes et leurs squats berlinois, etc.

Par la suite, tant en Allemagne qu’en Autriche, les realos (réalistes) ont vaincu les fundis (fondamentalistes), c’est-à-dire que les tenants du pragmatisme ont triomphé de ceux exigeant un modèle alternatif de société comme dénominateur commun du mouvement. Daniel Cohn-Bendit, qu’on présente souvent en France comme très « alternatif », est en réalité l’un des principaux dirigeants historiques du courant realos.

Les Verts allemands et autrichiens sont alors devenu un parti comme les autres, le parti des bobos (bourgeois-bohème), avec donc une base diplômée, vivant en centre-ville et adeptes d’un libéralisme culturel forcené.  Les grandes ONG écologistes ou humanitaires ont ici notamment servi de vivier de cadres pour les Verts, avec des allers-retours.

L’installation de la bourgeoisie de type « bobo » dans le paysage a mis un terme à toute prétention à être « alternatif ». Cela explique la formation en janvier 2020 d’un gouvernement autrichien formé par l’alliance de la Droite et des Verts, le congrès de ces derniers appuyant l’initiative à 93,18 %. Deux régions autrichiennes avaient de toutes façons, depuis plusieurs années déjà, un gouvernement avec une telle coalition.

Werner Kogler, dirigeant des Verts autrichiens et désormais vice-chancelier

En Allemagne, il y avait également eu des mairies de coalition Droite / Verts ; même si cela a toujours été une exception, cela reflète toute une tendance et c’est d’ailleurs cas d’une importante ville comme Cologne depuis 2016. Dans les années 1990, les représentants de la Droite et des Verts se rencontraient secrètement dans une pizzeria (donnant le nom de pizzeria-connexion), il n’en est aujourd’hui plus besoin.

Enfin, il y a eu également des alliances des Verts avec des partis conservateurs pour les gouvernements tchèques (2007-2009), en Irlande (2007-2011) et en Finlande (2007-2011). Ce furent des premiers coups de semonce, la participation des Verts autrichiens à un gouvernement de Droite ouvrant la boîte de Pandore.

Il est bien connu d’ailleurs que l’une des principales figures d’EELV, Yannick Jadot, est ouvertement favorable à un tel pragmatisme. François de Rugy et Jean-Vincent Placé avaient déjà ouvert la voie avant lui.

De toutes manières, la tendance est inévitable, car elle est dans la matrice d’EELV. En effet, les « Verts » à la française n’ont jamais été alternatifs comme les Allemands et les Autrichiens, ils ne sont pas issus de mai 1968. Ce sont des anti-progrès anti-technologie refusant l’opposition gauche-droite, proposant un retour en arrière, Antoine Waechter étant leur chef de file historique, un journal comme La Décroissance étant un bon exemple.

Les Verts en version alternatif ont bien existé, mais cela a été en France davantage des marxistes autogestionnaires de sensibilité écologiste. L’Alternative rouge et verte (1989-1998) fut leur structure historique. Cela donna les Alternatifs avec une alliance avec d’autres groupes, pour former finalement Ensemble ! dans le Front de gauche. Toute la culture alternative passa à la trappe dans ce processus.

Il faut souligner également que cette gauche représentée par l’AREV profite en grande partie du courant catholique de gauche, avec surtout la CFDT prônant le socialisme autogestionnaire à la fin des années 1960 (la CFDT était jusqu’en 1964 la « Confédération française des travailleurs chrétiens »).

C’est ce qu’on appelle la nouvelle gauche dans les pays anglo-saxons, et la seconde gauche en France.

On peut noter ici justement que Yannick Jadot avait participé à une association étudiante, La Déferlante, à l’université de Paris-Dauphine (sélective et fondamentalement tournée vers le « business »). Ses membres ont notamment rejoint la CFDT ainsi que des cabinets de conseil lui étant proches, des structures internationales comme la Banque Mondiale. Yannick Jadot, lui, a dirigé Greenpeace France de 2002 à 2008.

C’est une bon exemple, car cela montre que les « écologistes » tendent à devenir toujours la même chose, de par leur matrice, quel que soit leur pays. De par l’abandon de la base alternative et de par le refus du mouvement ouvrier, on a une soumission à des gens surdiplômés, vivant dans les centre-villes, profitant de structures associatives au financement massif, ainsi que d’institutions internationales ou même directement des institutions européennes.

On est ici dans une utopie sociale-libérale et par conséquent le rapprochement avec Emmanuel Macron est inévitable. L’affirmation d’un projet libéral-écologiste, appuyant l’Union Européenne, est pratiquement inéluctable comme « idée politique ». Faire confiance à EELV, c’est donc amener la Gauche à se faire tôt ou tard poignarder dans le dos.

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Des « foulards rouges » en réaction aux gilets jaunes

Les gilets jaunes n’ont pas ébranlé l’ordre social, mais ils ont révélé des failles et ce moment de crise est considéré comme très stressant par des couches sociales éduquées et socialement parfaitement intégrées. C’est le début d’un remue-ménage digne des années 1930.

foulards rouges

La manifestation parisienne de dix mille personnes sous la bannière des « foulards rouges » n’est pas du tout quelque chose d’anecdotique. Cette « marche républicaine des libertés » montre au contraire qu’il y a une grande expérience politique en France, même si le niveau idéologique et culturel en rapport avec la politique est au plus bas. Pour dire le niveau, d’ailleurs, ces foulards rouges sont… une allusion aux fêtes de Bayonne.

C’est que les gilets jaunes ont révélé les faiblesses structurelles de la France, une grande puissance en perte de vitesse. Ils ne représentent pas une lutte de classes quelconque, mais sont une expression du ralentissement de la France, de la crise. Et forcément cela inquiète, beaucoup de couches sociales se remuent, agissent, se mettent en branle. Malheureusement pas les ouvriers, évidemment, pas encore.

En l’occurrence, les foulards rouges sont une expression ultra-minoritaire mais très hautement symbolique de couches petites-bourgeoises et bourgeoises éduquées, socialement intégrées, particulièrement posées dans leur style de vie. Forcément, elles sont profondément inquiètes du remue-ménage causé par les gilets jaunes. Ce qui cause des troubles les dérange, les agace, leur rappelle qu’on ne vit pas dans une bulle dont la construction européenne serait l’apogée.

Il faut également prendre en compte que ce qui se passe en France avec les gilets jaunes a attiré l’attention de l’opinion publique mondiale, qui se dit que vraiment les Français ont des mœurs étranges pour laisser un tel chaos se développer, jusqu’aux Champs-Élysées. Cette tolérance, voire ce goût pour la contestation exprimée de manière véhémente surprend, surtout somme toute pour des perspectives extrêmement floues. Ces couches sociales éduquées, mais hors sol, voient les choses de la même manière.

Du côté de l’État et de la haute bourgeoisie, on sait évidemment que les gilets jaunes, la casse, le petit chaos, etc. relève davantage du folklore symbolique qu’autre chose. C’est du théâtre ; cela fait des années que cela existe, c’est une manière de contenir les tensions, d’empêcher une politisation, etc. Ce n’est tout de même pas pour rien que la police laisse la casse se mener régulièrement, par exemple dans le centre-ville de Nantes.

Cependant, du côté des couches petites-bourgeoises et bourgeoises moyennes, urbaines, tout cela est considéré comme très mauvais, très dérangeant. Surtout quand les choses durent. Ces couches sociales, qui sont somme toute le public de Benoît Hamon, d’EELV, et bien évidemment d’Emmanuel Macron. Et elles ne l’ont pas soutenu dès le départ, pour se retrouver dans une telle situation !

Sur Europe 1, l’un des initiateurs des « foulards rouges », Théo Poulard, a très bien résumé cet état d’esprit :

« On n’est pas contre les ‘gilets jaunes’. On est contre les casseurs, les pilleurs et les extrêmes. »

La France n’est évidemment nullement aux mains des casseurs, des pilleurs ; quant aux extrêmes, il n’y a que l’extrême-droite. Mais ce rejet des extrêmes correspond au fonds de commerce de couches sociales républicaines, prêtes à du social, éduquées et intégrées, détestant tout ce qui menace par contre ses intérêts ou semble les menacer. Elles font toujours des efforts pour être dans la tendance à la stabilité : il faut bien se souvenir ici qu’elles ont joué un rôle important dans le cadre du Front populaire. Les radicaux de gauche alliés aux socialistes et aux communistes, ce sont précisément ces couches sociales. Il va de soi qu’en 1981, elles ont joué un rôle essentiel pour la victoire socialiste.

Elles sont donc toujours légitimistes, détestent les confrontations sociales, sans pour autant être réactionnaires. D’où les t-shirts avec inscrits « Stop aux violences » et « J’aime ma République », la banderole « Stop la violence La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale », les slogans « Non, non non à la révolution. Oui, oui, oui à la démocratie », les pancartes « On veut rester libres », « Non à l’intolérance ».

Il va de soi que gagner ces couches sociales sera dans tous les cas une des difficiles tâches de tout mouvement de Gauche cherchant à changer profondément les choses. Cependant, il faut bien voir qu’elles sont déboussolées ; elles voient bien qu’Emmanuel Macron les a plus utilisées qu’autre chose. Leur éloge d’Emmanuel Macron lors de la manifestation d’hier est surtout un appel à ce qu’il revienne dans « leur » camp.

C’est cependant trop tard et c’est bien pour cela que seulement une quinzaine de députés et cinq sénateurs de La République en marche ont participé à la manifestation. Emmanuel Macron représente la bourgeoisie moderniste prête à la marche forcée dans le sens de l’ultra-libéralisme, le contenu « républicain » ne l’intéresse pas du tout. Il suffit d’ailleurs de voir son soutien total aux chasseurs, à la chasse à courre, son arrogance liée à son parcours.

Ces couches sociales vont donc continuer à être ébranlées et les propositions d’une utopie européenne, comme le font EELV et Benoît Hamon, ne les satisferont pas. A la Gauche d’être en mesure de calibrer un rapport productif avec elles, en s’appuyant sur leur rejet des monopoles et leur conscience écologique.

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Retour critique sur la «marée humaine» du 26 mai 2018

La France connaît une vague de populisme sans précédent, un populisme qui est en train de balayer la Gauche dans toutes ses valeurs historiques, si ce n’est déjà fait.

C’est l’alliance de l’esprit individualiste et du corporatisme, avec un sens aigu de la paranoïa, un goût assumé pour les simplifications et les explications délirantes.

A chaque fois qu’on lit les discours anarchistes ou de la France Insoumise, on croit que la France est à deux doigts de l’insurrection, que la police matraque, torture et tue, que l’apartheid aurait été instauré, qu’il n’y aurait plus de droits sociaux.

La photographie suivante du 26 mai 2018, où Emmanuel Macron est présenté comme un SS, avec les « S » utilisant le logo du dollar, témoigne tout à fait de cela ; c’est le prolongement populiste de la pendaison de l’effigie d’Emmanuel Macron, de la mise au feu de sa marionnette, lors de précédentes manifestations.

Ce relativisme des crimes nazis est inacceptable ; il reflète bien d’une hystérie de gens des couches sociales intermédiaires utilisant un discours outrancier pour prétendre être les victimes absolues et les vrais protagonistes de l’Histoire.

On remarquera aussi ce qui semble bien être le drapeau israélien sur le bras droit, une allusion désormais classique dans la mouvance d’ultra-gauche et de la France Insoumise, avec cet antisémitisme classique comme socialisme des imbéciles.

C’est là en rupture avec toutes les valeurs historiques de la Gauche, et on ne s’étonnera donc pas que Jean-Luc Mélenchon, dans une interview accordée à Libération, récuse le terme de gauche.

– Pourquoi ne voulez-vous plus revendiquer le mot «gauche» ?

Il a été tellement faussé par la période Hollande…

– L’enjeu n’est-il pas alors de le réinvestir ?

Il est réinvesti par les contenus que nous mettons sur la table : planification écologique, Constituante, partage des richesses. Les idées sont des matières vivantes, elles deviennent des forces matérielles si les gens s’en emparent. Tant que le mot «gauche» signifiera «la bande à Hollande», il repoussera plus qu’il n’agrégera.

– Le mot «gauche» ne se réduit pas à Hollande ! Pour beaucoup de gens, la gauche, ça veut encore dire quelque chose…

Je suis un homme issu de la gauche. Tout notre groupe parlementaire de même. Parmi les responsables politiques, je suis sûrement celui qui a le plus écrit sur l’idée de gauche et qui l’a le plus nourrie. Je n’ai jamais dit que ça ne voulait plus rien dire !

Mais dans le combat que nous menons, il faut laisser de côté la fausse monnaie. La gauche, ça n’a jamais été la politique de l’offre ou la soumission aux traités libéraux de l’Union européenne. L’enjeu majeur de 1789 à aujourd’hui, c’est la souveraineté politique du peuple. Le mot «gauche» est né de cela ! Notre stratégie révolutionnaire, c’est la révolution citoyenne par la Constituante.

La Gauche, c’est le mouvement ouvrier, et certainement pas François Hollande… On ne raye pas plus de cent ans d’histoire, d’expériences, de lerçons comme cela! Jean-Luc Mélenchon est un démolisseur, un liquidateur, un fossoyeur.

Et il est terrible qu’il y a une capitulation face à lui, comme en témoigne la très longue liste des soutiens à son initiative de prétendue marée humaine :

Alternative et autogestion – Alternative libertaire – EPEIS -ATTAC – Climat social – Collectif des Associations Citoyennes – Collectif National pour les Droits des Femmes – Collectif La Fête à Macron – CGT – Coordination nationale de défense des hôpitaux et maternités de proximité – Convergence nationale de défense des services publics – DIDF – DIEM25 – Droit au Logement – Ecologie sociale – EELV – Les effronté.es – Ensemble – Femmes Egalité – Fondation Copernic – France Insoumise – Gauche Démocratique et Sociale – MJCF – Mouvement Ecolo – Mouvement National des Chômeurs et Précaires – Nouvelle Donne – NPA – PCF – PG – Parti Ouvrier Indépendant Démocratique – PCOF – PCRF – République et Socialisme – Résistance Sociale – Snesup-FSU – Solidaires  – Syndicat des Avocats de France  – Syndicat de la Magistrature – UEC – UNEF – Union Nationale Lycéenne (ont également appelé la FCPE et la FSU)

Mais de cela, tout le monde se fout, à part les gens liés aux syndicats et à leur corporatisme, ou bien à une sorte de romantisme anarchiste totalement hors sol. Le résultat est ainsi très clair pour la pseudo marée humaine.

La police a compté 21 000 personnes à Paris, le cabinet Occurrence travaillant pour des médias institutionnels en a dénombré 31 700, la CGT 80 000.

A l’échelle du pays, la CGT a revendiqué 250 000 personnes, le ministère de l’intérieur en a compté 93 315 (on remarquera le souci de précision).

En clair, la population française a totalement boudé cette pseudo révolte, ayant très bien compris de quoi il en retournait. Malgré le printemps et la grève des cheminots, la sauce ne prend pas, car personne n’est dupe : c’est le populisme et le corporatisme qui sont à l’oeuvre.

Ainsi que, ne l’oublions pas, le néo-libéralisme culturel, que cette photo de la sénatrice Esther Benbassa résume parfaitement. La nouvelle pseudo gauche prend entièrement l’ancienne Gauche à contre-pied sur le plan des valeurs culturelles.

C’est à cause de cela que de jeunes ouvriers vont chez les nazis, s’imaginant que la Gauche ce serait juste un néo-libéralisme où chacun peut faire ce qu’il veut, sans responsabilités ni devoirs, sans morale ni valeurs.

Une autre photographie est également emblématique : celle où un manifestant tient une pancarte où il est écrit qu’un poulet serait mieux grillé. C’est bien entendu une allusion aux policiers, avec un goût sinistrement morbide.

Cet anarchisme de pacotille – très ironique quand on voit la drapeau d’air France, depuis quand un travailleur assume le drapeau de son entreprise ? – prêterait au mieux à sourire (cela ne sera pas notre cas) si désormais la condition animale n’était connue de tous.

Culturellement, là aussi on voit bien la faillite morale et intellectuelle, au profit de la posture.

Ce populisme, cette négation du contenu, est intolérable et montre bien la nécessité d’en revenir aux fondamentaux du mouvement ouvrier.