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La pétition réclamant la démission d’Emmanuel Macron

Une pétition issue des gilets jaunes et réclamant la démission d’Emmanuel Macron a recueilli 492 467 signatures, ce qui est assez révélateur de l’état de la société française.

Pétition : démission du président Macron

Évoquons tout d’abord l’objectif de cette pétition : la démission d’Emmanuel Macron, comme solution au manque de démocratie de la Cinquième République, et à tous les problèmes de la population.

Comment peut-on prétendre que changer de Président plus tôt que prévu changerait quoi que ce soit dans les institutions de l’État français ? On atteint là des profondeurs insoupçonnées dans le gouffre de la déliquescence idéologique de notre société. Ce niveau de réflexion, qui ne dépasse pas la discussion de bistrot, est d’ailleurs revendiqué :

« Avons-nous réellement besoin de disserter des années pour comprendre la base du problème ? »

C’est vrai, quoi ! Pourquoi réfléchir, quand on peut faire du populisme de bas étage ? Si tout va mal, c’est la faute d’Emmanuel Macron, « élu avec [sic] 16 % des électeurs ». Rien à voir, évidemment, avec le mode de production capitaliste, avec le fait qu’il soit en crise ou que l’État n’en soit que le reflet institutionnel.

L’explication n’est pas « un peu brève » : elle est inexistante. Cela n’empêche pourtant pas son initiateur, « Lucchesi », de présenter sa pétition comme l’initiatrice de « grands changements ».

Peu importe que l’initiateur de la pétition confonde président et gouvernement (on nous dit qu’il faut virer le président… car le gouvernement décide des guerres… ce qui est faux, une fois encore), et n’envisage sa pétition que comme une espèce de test pour vérifier une dernière fois si la France est une démocratie ou non (« cela nous prouverait que le peuple n’est pas souverain »).

Passons sur l’idée qu’un président idéal doit, selon Lucchesi, contenter entre 50 et 100 % de la population, ce qui indique bien l’ignorance et la négation totale de la lutte des classes.

Passons également sur l’idée, finalement centrale, selon laquelle tout doit passer par le Président. Passons également sur l’objectif de réunir « 50 % des électeurs », soit entre 18 500 000 et 23 800 000 de personnes, selon qu’on se réfère aux inscrits ou aux votants.

Cette pétition est anti-Macron, mais certainement pas dirigée contre les institutions capitalistes, ni même au minimum contre la cinquième République…

Ce qui est inquiétant, c’est de constater que cette pathétique tentative soit en mesure de recueillir autant de signature. Certes, ce ne sont pas 492 467 signatures sur une pétition aussi ridicule qui vont avoir une impact direct. En revanche, cela indique que 492 467 personnes ont jugé utile d’apposer leur signature au bas d’une réflexion comptoir, qui véhicule l’idée qu’il suffit que le « peuple », bourgeois, petit-bourgeois et prolétaires confondus, s’unisse pour changer le gestionnaire de l’État capitaliste, pour que l’État devienne démocratique et populaire.

Bien sûr, les commentaires sont à l’avenant. Si deux ou trois sortent du lot, en ce qu’ils sont un cri de révolte authentique d’un peuple qui souffre du capitalisme ( « Honteux la réduction des retraites savez vous combien coûte une maison de retraite et sans plus beaucoup de personnel ! »), on y trouve, grosso modo, tout ce qui, finalement, compose le mouvement des gilets jaunes. On y lit (assez péniblement d’ailleurs) des commentaires de bistrot (« casse toi », « pas voter mr macron », « marre de ce type », « macron démission », « dégage »), des phrases pseudo-lyriques, typiques de la petite bourgeoisie qui verse dans le pathos, la théâtralisation et le verbiage (« Il n’aime pas les français, pourquoi devrions-nous l’aimer ? », « Finisson avec l exclavages .. », « Les tyrans, dehors ! », « Le ROI doit descendre de son piédestal, l’époque des rois et seigneurs est finie depuis longtemps », etc.).

On trouve des insoumis (ou assimilés), qui parlent de VIe République, qui défendent le « peuple » contre la « finance » (sans jamais parler de capitalisme, bien évidemment), avancent même parfois tout leur programme (comme si la démission de Macron signifiait leur victoire immédiate), quelques altermondialistes, qui prônent tel ou tel système de vote (« Vive le Jugement Majoritaire. Regardez sur Google. ») ou glosent sur le vote blanc, qui serait la solution miracle.

Et, bien sûr, il y a les fascistes. Les fascistes qui, probablement, s’ignorent sont ceux qui jugent Macron « inefficace », « incapable » de gérer l’État. Ils montrent bien là leur logique de gestion par en-haut de l’État. Les autres sont des fascistes bien plus ouverts et crient à la « trahison de la Nation », à la « vente de la France », jugent que Macron est un « pédéraste » qui représente la « secte maçonnique », et en appellent à la renaissance de la France, à la « FRANCE en marche », et crient « France d’abord ».

Cette pétition et ses commentaires symbolisent finalement très bien comment l’apolitisme et les délires altermondialistes de la gauche petite-bourgeoise et anti-ouvrière mènent au fascisme, le renforcent et l’accompagnent.

 

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Gilets jaunes : la France coincée entre Emmanuel Macron et les populistes

Le huitième samedi des gilets jaunes a mobilisé 50 000 personnes et souligne bien une chose : la France va se retrouver coincée entre des pro-Européens regroupés autour d’Emmanuel Macron et une vague populiste portée par l’extrême-droite et soutenue par l’ultra-gauche.

La raison s’évapore, la rationalité disparaît ; le nihilisme triomphe, la confusion nationale et sociale s’impose et Emmanuel Macron cherche à se placer comme seul recours.

La « gauche » qui a soutenu les gilets jaunes s’est d’ailleurs littéralement suicidée : c’était prévisible, désormais c’est acté. Il est désormais flagrant que les gilets jaunes véhiculent un style, une démarche, une perspective, pour ne pas dire une idéologie, totalement opposé aux valeurs de la Gauche.

Le huitième samedi des gilets jaunes a d’ailleurs connu quelques épisodes assez typiques du genre, dans une sorte de mélange de révolte brouillonne et de radicalité diffuse, propre à la panique face au déclassement. On a pu voir un boxeur professionnel, ancien champion de France, boxer des policiers à visage découvert, un acte d’une naïveté terrible amenant directement à la case prison.

On a pu également voir des gilets jaunes détournent un engin de chantier à Paris pour aller défoncer l’entrée des locaux du porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux. C’est là pour le coup tellement énorme qu’on a du mal à y croire : aucun État moderne ne peut avoir de tels problèmes de maintien de l’ordre, surtout avec quelques milliers de personnes seulement défilant à Paris.

Il en va de même pour l’attaque par 30 personnes d’une caserne à Dijon. Trente personnes dégradant soixante mètres de grillage, pénétrant dans la caserne, lançant des panneaux de signalisation et des barres de fer, avec un gendarme blessé à la tête de manière grave, perdant plusieurs dents… cela serait impossible si l’État avait décidé une répression réelle.

On devine ainsi qu’en réalité, le régime laisse faire et table sur un pourrissement du mouvement, il compte sur la lassitude des gens, et il sait très bien que les classes populaires ne participent pas, regardant cela de loin. Le but d’Emmanuel Macron est de se présenter comme recours pro-européen face aux populistes, il joue donc ouvertement avec le feu en laissant ceux-ci s’agiter.

Ce n’est là pas sans ressemblance avec l’Italie des années 1920 et l’Allemagne des années 1930, avec les forces libérales, s’imaginant incontournables face au populisme, laissant celui-ci se développer par opportunisme, pour apparaître comme incontournable. Cela ne veut pas dire qu’il ne faille pas préférer le libéralisme au fascisme, et les vrais gens de Gauche ont voté Emmanuel Macron pour barrer la route à Marine Le Pen. C’était autant de temps de gagné.

Mais il faut bien prendre conscience du caractère terrible de la situation. Les gilets jaunes expriment une hantise du déclassement, de la part de gens ne voulant surtout pas du socialisme, de la révolution ou de quoi que ce soit de Gauche. Ils veulent vivre comme avant, ils veulent la France du passé.

Ils ne veulent ni politique, ni rationalité ; ils ne portent que l’antiparlementarisme, le populisme comme solution aux problèmes. Ils refusent catégoriquement de viser les riches, les bourgeois, ils font comme si ceux-ci n’existaient pas. Il y aurait une sorte d’oligarchie, et l’État serait le seul souci. On a là un confusionnisme malsain et totalement idéaliste, qui ne sait que retrouver dans le bleu-blanc-rouge une identité.

C’est là une catastrophe intellectuelle et morale, tant sur le plan des exigences de l’Histoire en ce qui concerne le dépassement du capitalisme que sur celui de l’écologie, avec la lutte nécessaire contre le réchauffement climatique.

Les gens de Gauche peuvent le voir maintenant aisément et l’angoisse les saisit. L’ombre du fascisme s’agrandit désormais chaque samedi et pétrifie les espoirs d’un monde nouveau. Nous sommes censés apprécier l’ordre présent ou bien lui préférer l’ordre du passé, d’il y a quelques années… Un choix inacceptable !

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La « réconciliation » franco-allemande qui n’a jamais eu lieu

A l’occasion du 11 novembre, Emmanuel Macron et Angela Merkel avaient souligné l’importance de la réconciliation franco-allemande. Pourtant, dans les faits, celle-ci n’existe pas et les Français ne pratiquent strictement aucune ouverture à la culture allemande.

Helmut Kohl François Mitterrand

Les préjugés français à l’encontre des Allemands sont particulièrement nombreux encore de nos jours, et ils sont d’autant plus ridicules que, depuis la réunification, la société allemande a puissamment changé. Celle-ci s’est radicalement ouverte et si auparavant, il n’existait que quelques poches isolées de modernité – les universités, les intellectuels, les fameux « autonomes » – désormais l’Allemagne se vit au quotidien comme finalement on le fait en France.

Il y a des gens de différentes couleur de peau, il y a des bars et la musique techno existe ; on n’est pas obligé de croire ce que dit le gouvernement, on peut manifester son mécontentement et protester. Cela a l’air idiot dit comme cela, mais l’Allemagne de l’Ouest des années 1970 était un enfer de conformisme et de pression conservatrice, en raison de l’influence massive des restes du nazisme, ainsi que des nazis pullulant encore dans l’appareil d’État.

Aujourd’hui, tout cela a été balayé et l’Allemagne connaît la même modernité que la France, avec les mêmes rappeurs vulgaires, la même extrême-droite populiste, la même société de consommation avec sa course à la propriété effrénée, etc. Il y a la même acculturation de la jeunesse, le même mépris de l’héritage culturel national, le même rejet de tout ce qui est historique.

Bref, rien ne ressemble plus à la France que l’Allemagne et inversement. Cela n’en fait cependant pas une réconciliation pour autant, cela en fait surtout une relation vide. Les Français ne s’intéressent pas aux auteurs allemands, les fameux Goethe et Schiller, Novalis et Thomas Mann ; tout au plus trouve-t-on quelques philosophes saluant Nietzsche et Heidegger, qui inversement sont rejetés en Allemagne comme de véritables zozos détraqués d’extrême-droite.

Les Français imaginent la langue allemande comme moche à la prononciation et les Allemands comme des êtres rigides, bornés, des sortes de robot. Le pays est imaginé comme froid, voire hostile, tant sur le plan de la météo que sur le plan des rapports humains. Alors que plus de la moitié des Allemands sont catholiques, les Français les imaginent également comme des puritains adeptes d’une morale stricte.

Tout cela ne correspond pas vraiment à une sorte de « réconciliation » ! Les Français ne connaissent tout simplement pas les Allemands. Pire, ils s’en moquent, car seule compte désormais la petite vie individuelle.

Tout cela va fondamentalement dans un sens anti-démocratique : on va ici à l’encontre de l’amitié entre les peuples, de l’internationalisme comme assimilation réciproque des valeurs universels. Il y aurait beaucoup à gagner des échanges franco-allemands, mais il n’y en a pas qui aient une importance authentique, une base de masse.

Rien n’a changé depuis 1914, et encore est-ce inexact, puisque, avant 1914, les gens cultivés disposaient au moins d’une certaine connaissance sérieuse de l’Allemagne, de sa culture, de sa science. Il n’y a rien de tout cela, et cela n’a pas de rapport ni avec la première guerre mondiale, ni avec les massacres nazis, car les Français se désintéressent tant de celle-ci que de ceux-là.

Non, on fait simplement face à une indifférence à ce qui est culturel, à ce qui est vivant culturellement, issu des cultures des peuples. Seul compte désormais ce qui relève de la consommation, passive et permissive.

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Un discours d’Emmanuel Macron qui converge avec la montée du refus de la démocratie

Emmanuel Macron n’a pas compris le sens des gilets jaunes et propose des mesures sociales, accompagnées de propositions pour renouveler la gestion de l’État. C’est une démolition par en haut des principes démocratiques, les gilets jaunes agissant par en bas pour les détruire également. Cela forme un boulevard pour la démagogie fasciste.

 

Le discours « à la nation » d’Emmanuel Macron en réponse au mouvement des gilets jaunes a été d’une faiblesse ahurissante. On a immédiatement vu le fossé qui sépare quelqu’un comme lui, ou Nicolas Sarkozy, François Hollande, des véritables ténors politiques du passé comme François Mitterrand, Georges Pompidou ou Valéry Giscard d’Estaing.

Ses mesures sont de véritables recettes de cuisine sociale, consistant en des annonces censées étouffer les motivations sociales (annulation de la CSG pour les retraités gagnant moins de 2000 euros par mois, suppression des impôts et charges pour les heures supplémentaires dès 2019, augmentation du Smic de 100 euros par mois en 2019).

Il passe complètement à côté de la nature de la révolte des gilets jaunes, dont le noyau dur consiste en une petite-bourgeoisie prise de rage par les déséquilibres du capitalisme. Ce qu’elle veut ne peut pas être défini, conceptualisé, et donc a fortiori on ne peut y répondre autrement que par l’apparence de modifications du régime lui-même, au minimum.

Tout va donc encore plus rapidement qu’on ne pouvait le craindre. Emmanuel Macron a asphyxié Marine Le Pen lors de l’élection Présidentielle, ce qui était autant de temps de gagné, mais là on se retrouve déjà dans la période d’après, où son positionnement libéral se confronte à une immense secousse populiste.

Il est évident que c’est là non seulement le résultat d’une question française, mais aussi le produit de toute une situation internationale marquée par le Brexit, la victoire de Donald Trump et de Jair Bolsonaro, l’arrivée de l’extrême-droite au gouvernement en Autriche et en Italie, la montée de l’AFD en Allemagne, la poussée expansionniste de la Russie et son soutien aux courants ultra-nationalistes en Europe occidentale.

La machine capitaliste s’emballe et la Gauche est inexistante pour mobiliser et encadrer. Pire encore, la révolte se développe désormais de manière populiste, de manière soi-disant apolitique, donc nécessairement portée par des populistes, des cadres d’extrême-droite, des gens qui récusent le débat intellectuel et les questions démocratiques et ne raisonnent qu’en termes de référendum, de corporatisme « par en bas ».

C’est l’effondrement de la démocratie « à l’ancienne » et il y a désormais convergence avec ce qu’Emmanuel Macron représente justement : une « modernisation » servant de tremplin à la liquidation de la démocratie « à l’ancienne ».

Dans son discours, Emmanuel Macron a d’ailleurs souligné l’importance que des gens sans-partis soient présents dans les débats, que l’État cesse sa gestion « trop centralisée » car « depuis Paris », etc. C’est une contribution directe à la tendance à la négation de la démocratie comme principe général.

Il ne s’agit pas de dire qu’auparavant on était en démocratie, mais qu’il y avait au moins l’apparence de l’exigence de celle-ci. Là on est dans sa liquidation, par en bas et par en haut. Les couches supérieures de la société sont dans une gestion technocratique et avec les gilets jaune on a le vecteur direct des exigences du fascisme comme mouvement romantique en bas.

Comment dans un tel contexte la Gauche peut-elle exiger la raison, la réflexion, des principes, une discipline de parti autour d’un programme ? Il va de soi que cela va demander un vrai travail de fond, de la part des gens conscients que le mouvement ouvrier est social et démocrate, que le socialisme qu’on doit exiger s’appuie sur une forme d’organisation rationnelle, réfléchie, avec des principes bien déterminés.

Quiconque fantasme sur les gilets jaunes doit bien voir qu’en quatre semaines, il n’est jamais allé dans le sens des grèves, des assemblée générales, de la formation de conseils populaires. C’est pourtant le critère de base pour juger la nature démocratique, au sens révolutionnaire, d’un mouvement.

Il faut bien être conscient qu’en n’étant pas capable de canaliser les gilets jaunes comme révolte des « classes moyennes », Emmanuel Macron et le régime laissent le champ libre au fascisme comme mouvement romantique par en bas.

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La cérémonie du 11 novembre 2018 et l’incohérence si française

La cérémonie du 11 novembre, avec sur les Champs-Élysées de très nombreux chefs d’État, est la preuve que la France est entièrement enserrée dans une idéologie à la fois républicaine et guerrière, chauvine et libérale. Une incohérence qui lui fournit cependant une vraie dynamique.

Cérémonie 11 novembre 2018. Emmanuel Macron.

Il est difficile de faire de la politique en France, car les Français sont incohérents. Ils sont plutôt contre le libéralisme économique, mais dans tous les cas pour le libéralisme politique et culturel. Ils sont opposés au nationalisme, mais pratiquent un chauvinisme maquillé en fierté de la « grande nation ». Ils détestent le système social américain, mais adorent Apple et McDonald’s, les films de gangsters et la course à l’argent.

Ils sont contre les impôts, mais pour la sécurité sociale. Ils sont pour les grandes idées et la culture, voire pour le communisme, mais pratiquent le cynisme, consomment des choses culturellement stupides, ne lisent plus de livres. Ils sont pour l’égalité hommes-femmes, mais acceptent le machisme « latin ». Ils sont contre le racisme, mais ne quittent pas le terrain des préjugés sur les autres peuples.

Quand ils sont catholiques, ils pensent que le pape peut dire ce qu’il veut et que cela ne change pas grand-chose ; quand ils sont juifs et musulmans ils pensent pareillement que c’est l’intention qui compte. Le Parisien adore les musées de sa ville, mais n’y va pas. Le Français râle contre chaque président, mais votera passionnément pour le prochain.

Toute cette incohérence fait qu’on ne sait pas comment s’y prendre pour aborder les Français, et Emmanuel Macron, qui se veut un grand modernisateur, tout étant un ardent défenseur de la chasse et des chasseurs, correspond à cette incohérence française.

La cérémonie d’hier du 11 novembre en dit beaucoup à ce sujet également. Les Français considèrent la première guerre mondiale comme une boucherie, mais en même temps ils acceptent sans broncher le discours républicain patriotique. Il suffit pour cela qu’il soit parlé de paix.

Les Français ont donc accepté et apprécié. Sur les Champs-Élysées, de très nombreux chefs d’État entouraient Emmanuel Macron, pour des petites cérémonies militaires, des intermèdes musicaux, des lectures de documents d’époque, etc. Ce sont des lycéens de Seine-Saint-Denis qui lisaient les documents, il y a eu un petit intermède musical d’Afrique, avec une femme en tenue traditionnelle d’un peuple de ce continent, Emmanuel Macron a vanté l’armistice : tout est parfait pour un confort national ouaté.

Qu’importe s’il a proféré le mensonge comme quoi la guerre de 1914-1918 était une bataille pour la patrie et la liberté, avec des gens du monde entier venant rejoindre les rangs de l’armée française, car « la France représentait ce qu’il y a de plus beau dans le monde ».

Tout cela ne compte pas, car les Français ont capitulé devant l’État et son appareil, son armée et son administration. Du moment qu’il est possible de râler, d’être mécontent, de recevoir des aides de l’État à certains moments, le contrat est signé et l’État peut faire ce qu’il veut.

Cette attitude n’a pas changé depuis 1914, il y a la même confiance méfiante en l’État et si l’État disait de nouveau : il faut la guerre, les Français donneront pareillement leur blanc-seing. Si c’est ainsi, c’est qu’il n’y a pas le choix, tout le monde n’est-il pas raisonnable ?

C’est exactement ce raisonnement qui a coulé la Gauche en 1914, qui était contre la guerre et l’armée, mais a fait confiance en l’État, considérant que l’administration et l’armée devaient forcément être raisonnables face à une telle crise.

Cette capacité à protester, râler, rager, combattre quelque chose, tout en faisant finalement tout de même confiance, en dernier recours, est la vraie caractéristique de l’attitude des Français. Tant que n’est pas brisée une telle démarche, la Gauche sera toujours engloutie dans les sables mouvants d’une République qui est un simple appareil de la bourgeoisie, dont la prétention humaniste et universaliste, raisonnable et généreuse, pour fausse qu’elle soit, hypnotise avec force, encore et toujours.

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Le syndicaliste : « On réussit sans vous »

Les syndicalistes n’ont aucune perspective socialiste, car ils refusent de se soumettre à la Gauche politique. Les propos tenus à Maubeuge par un syndicaliste à Emmanuel Macron fournissent un exemple de plus de cela.

Emmanuel Macron

Dès qu’un syndicaliste l’ouvre, on sait que ce qu’il va dire va torpiller la Gauche. Car la prétention des syndicalistes est incroyable : ils pensent pouvoir mieux gérer que tout le monde, représenter réellement les salariés. Alors qu’en réalité, ils ont une petite minorité sans réel écho, à part pour le patronat qu’ils aident de toutes leurs forces.

Voilà pourquoi un syndicaliste de Sud, alors qu’Emmanuel Macron était dans une usine Renault près de Maubeuge, accompagné de PDG du groupe Carlos Ghosn, a réagi de manière critiquable :

Emmanuel Macron : « On est là tous ensemble pour réussir. »

Le syndicaliste : « On réussit sans vous. »

Ce discours sur la réussite de l’entreprise comme critère de la valeur des ouvriers, on le retrouve à la CGT comme à la CGT-FO, à SUD comme à la CNT ou à la CFDT. Car les syndicalistes ne raisonnent pas en tant que classes, mais en défense de « salariés », c’est-à-dire de gens employés par et pour les entreprises capitalistes ou l’État.

Le raisonnement est donc fait de l’intérieur du capitalisme, sans jamais le dépasser. Le syndicalisme n’a un horizon que totalement borné, et voilà la raison pour laquelle la social-démocratie allemande, au 19e siècle, était scandalisé des socialistes français qui se mettaient à la remorque de la CGT, alors que les syndicalistes doivent inversement être soumis à la Gauche politique.

Un autre propos du syndicaliste en dit long par ailleurs sur la mentalité restreinte, bornée de celui-ci :

« M. Macron, vous n’êtes pas le bienvenu ici. M. Ghosn se donne du mal. Mais avec l’augmentation de l’essence vous reprenez d’une main ce que vous donnez de l’autre. »

Le syndicaliste a tout faux, il ne peut pas voir ni l’écologie, ni le rapport aux campagnes ; en syndicaliste, il veut juste aider à produire des voitures. Comme d’autres veulent plus de fermes-industrielles, de centrales nucléaires, de constructions d’autoroutes, etc.

On retrouve évidemment la problématique de fond : le syndicalisme voit des individus, qu’il compte défendre, il a perdu entièrement de vue la notion de classe. On dit souvent ici que la CFDT représente le syndicalisme le plus adapté à cette perspective individualiste : pas du tout, c’est la CGT-FO qui depuis le départ représente cette tradition, qui est par ailleurs la vraie tradition syndicaliste française.

La CNT n’est d’ailleurs qu’une forme radicalisée de la CGT-FO, la CFDT étant issue du syndicalisme chrétien devenue autogestionnaire puis moderniste, SUD étant un prolongement autogestionnaire de cette tradition CFDT. La CGT est quant à elle les restes des restes de la CGT produite par la vague du Front populaire, qui a obligé la CGT à s’unir et à soutenir celui-ci, avec une tradition d’ouverture à la politique avec le PCF des années 1930 et 1950.

Cela fait qu’au final, c’est le syndicalisme à la CGT-FO qui prend inéluctablement le dessus, comme syndicalisme des salariés, des individus. Et il ne s’agit pas de parler d’un syndicalisme de classe, dont le sens est flou ; ce qu’il faut exiger, c’est la soumission des syndicalistes à la Gauche politique.

Seule la Gauche politique a l’envergure pour faire avancer la société ; les syndicalistes doivent en faire partie, mais leur activité ne leur donne nullement la primauté, c’est à la politique que celle-ci doit revenir.

Sans cela, comme on peut le voir, les syndicalistes soutiennent les entreprises et l’État, diffusent l’apolitisme, ne servent en rien la cause du socialisme, de la classe ouvrière, de la population salariée.

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« A l’égard de la Chine, de la Russie et même des États-Unis d’Amérique »

Emmanuel Macron est très présent dans les médias à l’occasion du centenaire du 11 novembre 2018 et dans une interview pour Europe 1, il est encore revenu sur ce qui est bien un leitmotiv : l’armée européenne.

Emmanuel Macron

Cette fois, il nomme expressément les ennemis potentiels. Et fort logiquement, on trouve les États-Unis, car Emmanuel Macron représenter la bourgeoisie pro-européenne, à l’opposé de la bourgeoisie gaulliste, qu’il appelle de son côté les « nationalistes ».

Emmanuel Macron a la même idéologique que l’UDF, cette frange libérale et moderniste (Valéry Giscard d’Estaing, Simone Veil…), et s’oppose à l’idéologie qui était celle du RPR. L’alliance RPR-UDF qui a marqué plusieurs décennies est désormais impossible, de par le contexte international.

Être de gauche et ne pas voir cela, c’est soit tomber dans le piège des modernistes – qui a fonctionné impeccablement puisque Emmanuel Macron a siphonné une large partie des socialistes – soit rater qu’il se passe quelque chose d’extrêmement important dans la société française, une rupture au sein de la bourgeoisie, de l’État lui-même.

Regardons les propos d’Emmanuel Macron, qui sont incompréhensibles pour qui n’a qu’un regard schématique :

« Ces élections vont permettre de voir quels sont les projets européens. On ne protège pas les Européens si on ne décide pas d’avoir une vraie armée européenne et si on a pas une Europe qui sache protéger ses entreprises, ses travailleurs face aux géants du numérique. »

« Nous avons besoin d’une Europe plus forte, qui protège. Il s’agit d’avoir conscience de ce que nous sommes et de ce que nous vivons : la paix et la prospérité dans laquelle vit l’Europe depuis 70 ans est une parenthèse dorée dans notre histoire. »

« nous protéger à l’égard de la Chine, de la Russie et même des États-Unis d’Amérique. »

« Une colère contre une Europe ultra-libérale qui ne permet plus aux classes moyennes de bien vivre. On a besoin d’une Europe qui protège les salariés. »

Emmanuel Macron a un vrai projet. Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen veulent une armée française forte et interventionniste, Emmanuel Macron veut lui une armée européenne forte, car il pense qu’il faut passer à une autre échelle.

Il profite de la question de la paix avec le 11 novembre pour prétendre défendre celle-ci, alors qu’en fait il veut la constitution d’un nouveau bloc militaire dans le repartage du monde.

Cela fait de la question du militarisme une chose essentielle, car sinon on tombe dans un camp ou dans un autre, on en revient à soutenir un militarisme ou un autre, au lieu de défendre la paix. C’est au nom du refus du militarisme allemand que les socialistes ont soutenu l’Union sacrée en 1914, ce qui était une erreur grossière.

Et cela est d’autant plus important qu’on voit bien la dramatisation qui se profile pour les prochaines élections européennes, où apparaît déjà que tournent autour de 20 % tant les modernistes d’Emmanuel Macron que les nationalistes de Marine Le Pen, tous les autres étant loin derrière.

Il y a ici un moment de tension historique.

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Interview d’Emmanuel Macron au Courrier Picard

Les gens conscients de l’évolution du monde comprennent bien qu’on va dans le sens d’un repartage, d’une guerre. La grande masse des gens, par contre, croit encore que tout est stable et que le capitalisme va de cycle de consommation en cycle de consommation, que l’irréparable ne saurait être commis, car cela ne serait logique pour personne.

Emmanuel Macron

C’est ici toute la question de la bataille pour le socialisme à l’échelle mondiale qui se pose et le grand souci, c’est que beaucoup de ceux qui savent sont cyniques. Ils pensent que la France peut tirer son épingle du jeu, ils raisonnent en des termes nationalistes.

Emmanuel Macron, dans une interview au Courrier Picard, exprime tout à fait cela. Il reconnaît parfaitement que la tendance est à la guerre. Mais au lieu d’aller combattre le mal à la racine, il considère que c’est ainsi et qu’il faut raisonner en se limitant aux « intérêts du pays ».

Voici comment il dit cela, de manière ouverte :

« Je veux attirer l’attention de chacun : Est-ce que les nationalismes ne sont pas en train de revenir ? Si.

Est-ce que les gens qui sont en train de pousser le retour à des conflits ne sont pas en train de remonter dans de nombreux pays en Europe ? Si.

Est-ce que des gens qui aujourd’hui veulent réduire les droits de la presse, l’indépendance de la justice, la possibilité de se former de manière libre ne sont pas en train, dans certaines régions de l’Europe, d’être de plus en plus puissants et de plus en plus désinhibés ? Si.

Est-ce qu’on n’assiste pas dans le monde à un retour de pouvoirs autoritaires, à des risques de proliférations des armements ? Si, c’est la réalité (…).

Je ne veux pas faire le prophète de mauvais augure, et rien n’indique aujourd’hui que des conflits en Europe seraient en passe de renaître. Mais quand vous avez les États-Unis qui annoncent leur sortie du traité FNI sur les armements intermédiaires en disant que les Russes ne les respectent plus et qu’il y a de plus en plus d’armements du côté chinois qu’on ne voit pas, qui en est la première victime géopolitique ? L’Europe et sa sécurité.

Je vous rappelle que ce traité FNI est né après la crise des Euromissiles, il y a trente ans et à quelques centaines de kilomètres de chez nous. Donc il ne faut pas penser que le monde dans lequel nous vivions et dans lequel l’Europe vit depuis 70 ans est acquis pour toute éternité.

C’est tout le sens de la nécessité de se souvenir : c’est se souvenir de la précarité de la situation dans laquelle nous vivons. Le pire a été vécu par notre pays et notre continent quand il s’est divisé et il ne faut pas céder en quoi que ce soit à cela.

Or je considère qu’aujourd’hui il y a les ferments d’une division européenne, il y a un retour des nationalismes et il y a un retour des inquiétudes et des peurs. Parce que les gens ont l’impression que le monde dans lequel nous vivons n’est plus fait pour eux.

Il faut avoir des réponses au niveau national, européen, international qui soient des réponses de souverainetés bien supérieures. Et il y a aujourd’hui des indices d’une remilitarisation du monde. Tout cela ne va pas dans le sens d’un monde pacifié, d’une fin de l’histoire et d’une fin du tragique, je crois tout le contraire. »

Ce qu’explique Emmanuel Macron, somme toute, c’est que la concurrence entre la Chine et les États-Unis va être le détonateur d’une guerre et que les pays européens doivent s’unir pour former un troisième bloc.

Ce n’est pas combattre la guerre, cela, mais chercher à en profiter. Il a beau jeu de critiquer les nationalistes, qui eux pensent que la France peut tirer seule son épingle du jeu. Il veut juste faire pareil, mais avec une alliance européenne, le moteur franco-allemand étant bien entendu au coeur de son projet.

On remarquera que Benoît Hamon ne dit finalement pas autre chose, que Jean-Luc Mélenchon lui prône le « cavalier seul ». Cela n’est pas du tout de Gauche ! Ce qui est de Gauche, c’est la dénonciation des armées, de la militarisation, de la guerre !

Voilà le grand critère qui a toujours séparé la véritable Gauche de ceux qui cèdent au capitalisme et à ses guerres : l’union sacrée de 1914, où les socialistes et les anarchistes se sont précipités dans l’ultra-patriotisme en trahissant leurs valeurs, est ici un triste rappel du piège à éviter.

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Écologie

L’ONF réclame 55 000 € à trois opposants à la chasse à courre

Le collectif AVA – Abolissons la Vénerie Aujourd’hui est victime d’une nouvelle manœuvre d’intimidation de la part de l’État, par le biais de l’ONF – Office National des Forêts. Cet établissement public a en effet intenté une action en justice le 27 juillet 2018 pour réclamer pas moins de 55 000 euros à trois personnes désignées comme « meneurs ». La démarche vise à casser brutalement le mouvement populaire contre la chasse à courre qui prend de l’ampleur dans le pays.

La chasse à courre sera abolie en France, comme elle l’a été en Allemagne en 1950, en Belgique en 1995, en Écosse en 2002 puis en Angleterre en 2005. C’est inévitable, car la population ne peut plus tolérer une telle pratique arriérée et brutale, pour ne pas dire barbare.

En attendant, les forces réactionnaires s’organisent et cherchent des moyens pour freiner la marche de l’Histoire. agauche.org a déjà signé et relayé la tribune dénonçant cette répression.

> Lire : Chasse à courre et répression (tribune)

Celle-ci prend une dimension nouvelle avec l’assignation d’AVA devant le Tribunal de grande instance de Compiègne. Outre le fait qu’elle a lieu au plein milieu de l’été pour tenter d’isoler la défense, les sommes énormes qui sont réclamées visent clairement à intimider les opposants à la chasse à courre partout en France.

De plus, comme l’a expliqué l’avocate Barbara Vrillac au Courrier-Picard :

«  L’ONF fait le sale boulot. Pourquoi en prendre trois au hasard, même s’ils ont eu les honneurs de la presse. Au niveau juridique, il va y avoir un problème. »

Depuis la fin de la dernière saison de chasse, les déclinaisons locales d’AVA se sont multipliées et l’État considère que cela devient problématique. Quand on dit l’État, il faut bien sûr penser à Emmanuel Macron, car la France a un fonctionnement de type monarchique donnant un pouvoir immense au Président de la République. C’est sous son autorité que sont désignés tant les Préfets que les directions des Établissements publics comme l’ONF (par décision du conseil des ministres, sur proposition de l’Élysée).

> Lire également : Plus de 30 000 personnes appellent à la démission du préfet de l’Oise

Dans sa communication, reprise dans l’assignation en Justice, le Préfet de l’Oise explique qu’il a écrit au Ministre de l’Intérieur et qu’il a donné des consignes pour la prochaine saison de chasse afin de disperser les « entrave au droit de chasse ».

Mais comme tout le monde le sait, le Préfet n’est qu’une autorité exécutive, un relais de l’État dans son département.

C’est la même chose pour l’ONF et on notera d’ailleurs que le Président de son conseil d’administration, Jean-Yves Caullet, est un ancien socialiste s’étant rallié à Emmanuel Macron pour la présidentielle 2017. Il a ensuite été investi par En Marche dans la 2e circonscription de l’Yonne pour les élections législatives, qu’il n’a pas remportée.

Il est évident aujourd’hui qu’Emmanuel Macron entend soutenir la vénerie et empêcher le mouvement populaire de s’exprimer. Lui qui souhaite rouvrir les chasses présidentielles et qui a fêté ses 40 ans au Château de Chambord en assistant à une chasse de manière aristocratique.

Car justement, c’est de cela dont il est question avec la chasse à courre : soit l’on considère que la France doit évoluer sur le plan culturel, soit l’on trouve qu’il est acceptable qu’une bande de notables vêtus comme des aristocrates d’un autre temps pénètre brusquement des habitations ou des terrains, traverse les routes n’importe comment et cause un raffut pas possible dans les forêts.

Outre la chasse en elle-même, que l’on peut ne pas apprécier par compassion pour les animaux, il y a surtout la manière de la chasse à courre qui est rejetée par la population.

Faut-il le rappeler, celle-ci ne consiste pas simplement à tuer un animal, mais à le poursuivre pendant des heures pour l’épuiser, le terroriser, l’isoler, le « soumettre » en lui frappant les pattes, puis le tuer avec une dague, avant de le laisser dévorer par la meute de chien.

Ce sont des notables, souvent des châtelains, qui s’adonnent à cette activité très hiérarchisée et codifiée de manière féodale. Ils ont avec eux un certain nombre de suiveurs, c’est-à-dire des gens n’ayant pas le même rang social et n’ayant pas le droit d’être à cheval. Ils peuvent quand-même se voir récompenser d’un trophée (par exemple le bois d’un cerf) si leur dévouement est considéré par le maître d’équipage.

> Lire également : La chasse à courre : une véritable néo-féodalité

Un tel panorama est absolument détestable, et n’importe qu’elle personne de gauche ne peut que souhaiter l’interdiction de cette pratique, et soutenir AVA.

Le mouvement populaire contre la chasse à courre a pris de l’ampleur après que différentes vidéos aient circulé sur internet ces dernières années. Elles montrent le comportement des veneurs qui se considèrent au-dessus de tout, à la manière de grands seigneurs sur « leur » domaine.

AVA fait un travail démocratique remarquable, en mobilisant des personnes qui étaient auparavant isolées, ne trouvant pas les moyens d’y faire face.

Cela consiste à :

  •  créer des « réseaux de voisins capables de se rassembler rapidement en cas d’intrusion » et « transformer chaque village, chaque lotissement en sanctuaire pour les animaux » ;
  •  surveiller les chasses à courre en suivant les équipages ;
  • dénoncer cette pratique par des vidéos et des plaintes ;
  • rassembler des gens capables d’aider des maires à parfaire leurs arrêtés municipaux pour protéger les villages ;
  • permettre des réunions publiques afin de sensibiliser la population et faire connaître le mouvement d’opposition ;
  • contribuer à faire avancer l’abolition de la vénerie sur le terrain parlementaire.

Il ne s’agit pas d’un mouvement d’activistes isolés, mais bien un mouvement populaire qui s’organise démocratiquement, en se donnant les moyens d’être efficace.

La plainte de l’ONF vise évidement directement cela, et son objet n’est qu’un prétexte. L’argumentation est d’ailleurs assez grotesque puisqu’elle consiste à dire qu’AVA a empêché l’exécution du plan de chasse annuel.

Cette institution considère en effet que la nature n’est pas capable de fonctionner sans les humains, et qu’il faut donc « réguler » des équilibres dans les forêts. Elle établit donc un plan de chasse et délivre des permis afin qu’il soit réalisé par des gens en faisant leur loisir.

Cela est totalement contradictoire, et en fait n’a aucun sens. Soit il y a un loisir, soit il y a une mission de service publique indispensable, mais les deux ne sont pas compatibles. Les plans de chasses ne sont qu’un prétexte pour le « loisir », et cela est flagrant avec la chasse à courre.

D’ailleurs les veneurs expliquent eux-mêmes qu’ils ne tuent pas beaucoup d’animaux en définitive et que leur action permet d’éliminer les individus les faibles… pour renforcer les espèces !

Quelle prétention, et surtout quelle mauvaise foi !

Pour l’instant, aucune date n’a été fixée pour le procès. D’ici là, pour faire face aux frais de justice et organiser sa défense, AVA a lancé une souscription populaire de soutien dont voici le lien :

Cagnotte leetchi.com Frais de justice AVA

Cet épisode de répression est un obstacle, mais il n’empêchera pas le mouvement populaire. L’opposition va forcément se généraliser pour aboutir à l’abolition de la chasse à courre en France. C’est en tous cas indispensable si l’on souhaite que le pays évolue sur le plan des mœurs et de la civilisation. Il s’agit d’une cause démocratique essentielle, et cette tentative de procès en est un moment important.

Comme le dit AVA :

« Tous les habitants et usagers des forêts, les amis de la Nature, les démocrates, les progressistes, les élus des campagnes, les artistes et intellectuels engagés doivent faire front pour défendre ce mouvement authentiquement populaire qu’est AVA ! Ensemble, nous devons faire échouer cette manoeuvre anti-démocratique ! »

La liste des groupes pour rejoindre des habitants en forêt près de chez soit est disponible en suivant ce lien.

Voici pour finir le lien vers le communiqué d’AVA :

http://ava-picardie.org/2018/08/07/lonf-reclame-55-000e-a-trois-personnes/#more-756

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Écologie

Nicolas Hulot prétend défendre l’écologie pour servir Emmanuel Macron

Nicolas Hulot a expliqué dans un entretien au Journal du dimanche qu’il faudrait « une union sacrée sur le climat ». Le ministre de la Transition écologique et solidaire d’Emmanuel Macron se prétend à l’avant-garde de la défense de la planète mais sa démarche est erronée.

L’action du gouvernement auquel participe Nicolas Hulot consiste surtout à élargir et intensifier le prisme de l’économie marchande sur la société tout entière. Il est le Ministre d’État d’un Président et d’un chef du Gouvernement qui ne parlent pour ainsi dire jamais d’écologie.

Son rôle est donc de s’exprimer régulièrement sur le sujet, avec la posture de celui qui sait, qui alerte et tente d’emmener un mouvement ; dans le monde des entreprises on appelle cela du greenwashing.

Son entretien au Journal du dimanche allait pleinement dans ce sens. C’est un exercice grotesque dans lequel il prétend avoir des considérations écologiques, alors qu’il ne fait que de la communication au service de la modernité d’Emmanuel Macron.

Comment interpréter cela autrement quand on lit quelque chose d’aussi énorme que :

« Si on ne veut pas décourager ceux qui commencent à intégrer cette mouvance, reconnaissons les avancées plutôt que de prêcher entre convaincus. Il y a quelques mois, qui aurait pensé qu’EDF ou Total se mettraient à faire des énergies renouvelables, ou que la FNSEA chercherait des solutions alternatives au glyphosate ? »

C’est absurde ! Une recherche rapide sur les sites internet de Total et EDF permet bien sûr de constater que les premiers disent qu’ils sont « engagés depuis plus de 30 ans dans le développement des énergies renouvelables » et que les seconds affirment être le « 1er producteur d’énergies renouvelables en Europe ». Cela n’a donc rien de nouveau.

Une telle légèreté sur un point qui est au cœur de son discours en dit long sur la vanité de sa démarche.

Quant à la question du glyphosate, on se demande si ce n’est pas une provocation tellement, justement, c’est l’inverse qui est vrai. Nicolas Hulot avait subit un sacré revers sur ce sujet au mois de mai puisque les députés de la Majorité avaient sous l’impulsion du Ministre de l’agriculture refusé l’interdiction du glyphosate.

Cet exemple du glyphosate, qui rappelons-le est un puissant herbicide typique de l’agro-industrie, montre à quel point la question économique est primordiale. Nicolas Hulot prétend que les choses avancent alors qu’il y a eu ici une pression économique immense et une défaite nette sur une question très partielle.

Les changements nécessaires contre la pollution et contre les émissions de gaz à effet de serre sont pourtant incommensurablement supérieurs à un simple amendement de loi visant un produit.

L’humanité est très loin du compte et la tendance ne s’inverse pas.

En attendant, s’il y a de l’argent à faire, le Ministre de la transition écologique et solidaire est là pour aider, comme le lui confèrent ses missions officielles.

« Depuis mon entrée au gouvernement, nous avons renégocié les appels d’offres des six champs d’éoliennes offshore, pour en construire plus sans dépenser plus. J’ai donné un cap pour que l’industrie automobile propose, dans un délai très court, des véhicules électriques à tout le monde. »

L’écologie est en effet considérée par de nombreux entrepreneurs et décideurs comme un relais de croissance. La France, en tant que grande puissance économique, cherche à se placer afin d’être à la pointe technologiquement et industriellement sur ces secteurs économiques.

Mais cela ne représente rien concrètement, aujourd’hui. À tel point que finalement Nicolas Hulot est obligé de le reconnaître. Quand il lui est fait remarquer que la France ne respecte pas ses engagements et « laisse ses émissions de gaz à effet de serre augmenter de 3 % par an », il répond :

« Sur certains sujets, je l’admets, la France n’est pas dans les clous. Tant que nous ne serons pas sur la bonne trajectoire, je ne m’en satisferai pas. Je l’ai souligné à l’occasion du bilan de la première année du plan climat. »

Son rôle est ici d’expliquer que ce n’est pas si grave, il ajoute ensuite :

« Pour moi, ce n’est pas un échec, c’est simplement que nous devons faire plus. Nous entrons maintenant dans la période des solutions, car elles sont là : ce sont les énergies renouvelables, la voiture électrique, l’agroécologie. Nous avons tout pour réussir, si nous n’hésitons plus. »

Qu’il existe, potentiellement, des solutions techniques, c’est une chose. Mais que celles-ci soient généralisées de manière conformes aux enjeux écologiques, c’en est une autre. À Gauche, du moins pour les personnes qui n’ont pas abandonné le cœur de la pensée de Gauche, nous n’avons aucune confiance en l’économie capitaliste pour cela.

Car, soit il y a la concurrence et le profit privé, comme le prône Emmanuel Macron que sert Nicolas Hulot, soit il y a une planification économique de manière démocratique et utile socialement.

Ce ne sont pas les besoins de la population, mais des quêtes d’enrichissement pour quelques-uns qui imposent le glyphosate, la multiplication de panneaux publicitaires ultra-lumineux, l’accumulation de marchandises de mauvaise qualité produites à l’autre bout du monde, le sur-emballage, la pêche intensive, la généralisation des transports polluants et le démantèlement du chemin de fer ou encore une mine d’or en pleine forêt Amazonienne, etc.

Nicolas Hulot, pour justifier sa propre inutilité, explique qu’il n’est responsable de rien, voire que ce serait la faute des autres :

« Nous avons collectivement une immense responsabilité. On le voit bien quand certains partis politiques rechignent encore à faire figurer le changement climatique et la biodiversité dans l’article premier de la Constitution, comme si c’était une préoccupation mineure. Même constat avec les états généraux de l’alimentation et la loi sur les hydrocarbures. Ils n’ont pas compris que ce sujet conditionne tous les autres.

Nous ne pouvons plus entretenir des divisions, réelles ou factices, alors que cet enjeu appelle une réponse universelle. La confrontation politique est nécessaire, mais sur ce point, faisons la paix. J’appelle à une union sacrée sur le climat. Ne tombons pas dans la querelle des anciens et des modernes. Le feu est à nos portes, au sens propre comme au sens figuré. »

Et :

« Je fixe un cap, je prends des mesures. Mais tout le monde doit comprendre qu’un homme, un ministre, un gouvernement seuls ne peuvent rien faire. »

À le lire cela, on croirait qu’il est un Ministre hyper actif, déployant des moyens énormes, promouvant une refondation radicale du mode de production et des institutions, et faisant face à une organisation politique structurée contre l’écologie.

Cela n’est pas vrai, c’est de la démagogie, de la poudre aux yeux. L’écologie en tant que telle n’existe pas. Elle n’est qu’à la marge, parfois comme faire-valoir, souvent comme seulement une démarche individuelle.

C’est le rôle de la Gauche de la faire exister, de lui donner corps dans un projet idéologique et culturel de grande envergure, propre à soulever les masses.

L’actualité est intense en termes d’événements liés au dérèglement du climat. Les records de chaleurs se succèdent de monstrueux incendies et autres catastrophes font rage à travers le monde. La question n’est plus de savoir si l’on va bouleverser les équilibres naturels de la planète ; c’est déjà fait, comme tout le monde le sait.

On se demande maintenant jusqu’où ira-t-on avant d’essayer, enfin, d’inverser la tendance.

Nicolas Hulot a un rôle néfaste en ce sens, puisqu’il est là pour prétendre que des choses sont faites, afin que surtout rien ne change, que le capitalisme ne soit pas remis en cause.

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Politique

Emmanuel Macron et le capitalisme modernisé

Sous cette forme et à ce moment de notre histoire, Emmanuel Macron ne représente rien de positif pour notre pays et pour les masses. Toute sa démarche vise concrètement à briser l’esprit collectif, démocratique, et les avancées sociales au profit de l’individualisme bourgeois et du capitalisme entrepreneurial.

Sur le plan culturel, sa politique est celle d’un cosmopolite qui nie la culture française, au nom d’un différentialisme universel, relativiste, où tout se vaut, encourageant la « diversité », c’est à dire l’atomisation. Sur ce point, il vide littéralement le contenu de la gauche post-moderne dont il n’hésite pas à s’approprier le jargon « post-colonial » ou même franchement raciste, comme l’illustre sa sortie à l’occasion du « Plan Banlieue ».

Or, la gauche, celle qui connaît sa tradition, celle qui réfléchit et n’a pas cédé au post-modernisme décadent, défend précisément tout l’inverse. La défense de la culture française collective, en vue de sa fusion universelle, est une base essentielle de la démocratie, il y a lieu de défendre et promouvoir la culture, au singulier, dans l’héritage et le métissage, contre les cultures au pluriel, dans la consommation et l’individualisme.

Mais plus profondément encore, Emmanuel Macron et son gouvernement entendent élargir la base capitaliste de l’économie et de la société de notre pays. Il est question ici d’un véritable assaut libéral généralisé, il s’agit concrètement de briser ce qui reste du consensus social construit après la Seconde Guerre Mondiale : mater les syndicats, atomiser les travailleurs à l’échelle de l’entreprise, voire de leur propre « carrière » individuelle, briser les secteurs jusque là protégés du capitalisme d’État comme la SNCF, EDF et les entreprises publiques, l’Éducation Nationale, les Hôpitaux.

Il s’agit donc de faire reculer la fonction sociale de l’État et de développer à sa place les entreprises privées. Emmanuel Macron présente cela comme une « libéralisation », un « progrès » à même de donner à chacun la possibilité de faire carrière en relançant un nouveau cycle de croissance.

Et il est évident de dire que cela parle à une partie des masses, travaillées malheureusement par l’esprit compétitif et individualiste de la bourgeoisie. Même par attentisme, elles comprennent cette perspective et espèrent, faussement, pouvoir compter sur la réussite de ce « pari ».

Cela constitue un frein conséquent aux mouvements sociaux qui se dressent légitimement contre la politique libérale du gouvernement pour en faire un puissant mouvement de masse, mais ceux-ci, captifs des insuffisances idéologiques et des outrances stériles de la « gauche » populiste ou racialiste post-moderne, échouent face à la simple volonté du gouvernement. Cela parce que sa base populaire est plus large, même par attentisme ou résignation, mais les masses ne suivent pas cette gauche.

Pour rendre son projet plus crédible aux yeux des masses, Emmanuel Macron s’appuie sur les secteurs dynamiques du capitalisme français, ceux qui incarnent le mieux sa réussite : la « French Tech », les ETI (ou Entreprises de Taille Intermédiaire) et les banques de type « capital-investissement » comme Rothschild & Cie où travailla justement Emmanuel Macron.

Contrairement aux fantasmes démagogiques et antisémites des populistes, cette banque et le secteur bancaire auquel elle appartient ne sont pas d’immenses entreprises monopolistiques investissant massivement dans la spéculation, comme le sont la Société Générale ou le Crédit Lyonnais par exemple.

Emmanuel Macron s’appuie au contraire sur le capitalisme encore peu concentré, qui laisse croire à la possibilité de chacun de se lancer, de tenter sa chance, devenir entrepreneur, « monter sa boîte », ou du moins de faire une belle « carrière ».

Enfin sur ce plan, Emmanuel Macron propose aussi une « aventure » à travers l’Union Européenne : lancer les entreprises françaises à la conquête du continent et même du monde. D’où son activité militariste et sa promotion par ailleurs de la défense européenne. Emmanuel Macron est ouvertement un partisan de l’aventure capitaliste impérialiste. Il y a donc un réel élan libéral et face à celui-ci, il faut impérativement être à la hauteur, sortir des caricatures « merguez-fanfares » de la gauche populiste et élever le niveau, les exigences.

Enfin et pour finir, sur le plan plus politique, s’appuyant sur la figure qu’il représente et sur son projet économique et social, il faut encore ajouter qu’Emmanuel Macron développe l’idée d’un gouvernement d’expert, réduit, efficace, pragmatique.

En cela, il développe toute une culture de la pratique autoritaire du pouvoir, déjà profondément encouragée par les institutions et surtout contribue très dangereusement à dépolitiser notre société, d’autant que chaque « citoyen » est invité à participer à l’aventure libérale qui s’ouvre non par la pratique démocratique, en se politisant, mais tout au contraire individuellement, en se concentrant sur sa carrière, qui commence au bas mot dès le lycée, sur sa volonté d’entreprendre et sur la consommation, y compris « culturelle ».

Cela est d’autant plus inquiétant qu’Emmanuel Macron et son gouvernement développent eux-mêmes tout un discours populiste articulé entre la lutte des « progressistes » qu’ils seraient, contre leurs adversaires « conservateurs ». On voit bien là que le danger est justement de valider le populisme de tendance nationaliste qui lui répond sur le mode « le peuple » contre « l’oligarchie », que ce soit à la sauce FN ou même FI, entraînant dangereusement notre pays dans la pente de l’effondrement vers le fascisme.

Emmanuel Macron ne représente donc pas simplement qu’un libéral voulant privatiser les secteurs protégé du service public qu’il s’agirait de défendre. Il représente une figure de la bourgeoisie nationale française particulièrement développée, différentialiste et relativiste sur le plan culturel, partisan d’un capitalisme généralisé et impérialiste (bien qu’encore avec comme base le capitalisme industriel le moins concentré appuyé sur un secteur bancaire relativement encore diversifié), et autoritaire et anti-démocratique sur le plan politique.

A tous les niveaux, Emmanuel Macron représente un réel danger, pour le dire clairement, une étape dans l’organisation d’un courant fasciste dans notre pays.

Non qu’il le soit en lui-même bien entendu, mais parce que si on analyse les bases qu’il construit, elles ne sont en rien démocratiques, mais elles préparent précisément ce dont à besoin un État autoritaire, voire même plus tard fasciste, ouvrant en tout cas la voie à la dictature directe des monopoles et des secteurs les plus réactionnaires de la bourgeoisie en affaiblissant la société et l’esprit collectif.

La tâche de la Gauche face à Emmanuel Macron et à son « monde », c’est-à-dire la bourgeoisie libérale, est donc absolument d’être au niveau, de politiser les mouvements sociaux qui se développent pour élever le niveau de conscience, générer des organismes de lutte collective, rassemblant le plus grand nombre pour l’organiser, démocratiquement, dépassant les revendications velléitaires et creuse ainsi que l’horizon borné des principales organisations syndicales qui se contentent beaucoup trop souvent de négocier à leur avantage la « cogestion » des secteurs privilégiés dans une démarche corporatiste.

Il s’agit de rompre avec les illusions libérales décadentes d’Emmanuel Macron tout en refusant parallèlement son « double » sous la forme du populisme, quelque puisse être sa forme, car celui-ci c’est la défaite, c’est la porte vers le nationalisme. Ces deux courants, libéralisme ou populisme, l’un comme l’autre nous entraînant, par des voies différentes mais parallèle, au fascisme et à la guerre.

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Politique

L’ « affaire » Benalla, une grande comédie et des institutions bien en place

Le régime en place en France est très stable et dispose d’institutions solides avec un personnel administratif très efficace pour les servir. Voilà ce qui ressort, surtout, de la dite « affaire » Benalla. La vidéo du 1er mai 2018, connue par énormément de monde en hauts-lieux depuis le début, n’est évidemment qu’un prétexte sorti au bon moment pour régler des affaires internes. Elle ne relève pas en elle-même d’une très grande importance.

Alexandre Benalla est un jeune homme qui a pris trop au sérieux les fonctions qui lui ont été attribuées auprès d’Emmanuel Macron. La polémique vient de son identification en train de jouer au « gros bras » de manière ridicule lors d’une opération de maintien de l’ordre par des CRS place de la Contrescarpe à Paris.

Il avait bénéficié plus tôt dans la journée d’un casque, d’une radio et d’un brassard de police alors qu’il n’était censé être qu’un observateur. On voit d’ailleurs à la façon dont il s’en prend à la jeune fille puis au jeune homme à terre sur la vidéo qu’il ne maîtrise pas du tout les standards techniques de la police pour une interpellation publique en plein Paris.

Cette affaire ne représente somme toute pas grand-chose au regard de ce que la France à connu au XXe siècle en termes de barbouzerie, de police parallèle et de « raison d’État ». Le couple de victimes n’avait d’ailleurs jusqu’ici pas porté plainte suite à ce qui semblait n’être qu’un dérapage de policiers ayant « pété un câble ». D’après ses avocats, le couple s’est porté partie civile après l’identification de leur agresseur par le journal Le Monde la semaine dernière, ce que l’on peut comprendre.

Alexandre Benalla avait assuré la sécurité du candidat « En Marche » lors de l’élection présidentielle. On le voit à ses côtés lors de son apparition grandiloquente à la pyramide du Louvre le soir de la victoire. Il a ensuite intégré le cabinet de l’Élysée et occupait différentes fonctions d’organisation auprès du Président de la République.

Récemment, il était là lors de la panthéonisation de Simone Veil, pour le 14 juillet et lors du retour en France de l’équipe de France de football. Un certain nombre de commentaires font état de son rôle pour accélérer le bus des joueurs afin qu’ils arrivent rapidement à l’Élysée.

Ce jeune homme qui n’a que 26 ans disposait d’un permis de port d’arme délivré par la Préfecture de Police de Paris alors qu’il avait été refusé par le Ministère de l’Intérieur, d’un badge d’accès total à l’Assemblée Nationale, d’un appartement quai Branly à Paris, il pouvait rouler dans une berline de luxe du cortège présidentiel, ou encore être promu de manière quelque peu rapide au grade d’expert colonel de l’armée de réserve de la Gendarmerie Nationale.

L’indignation publique vient surtout du fait qu’il ne semble pas avoir été sanctionné réellement après ses agissements du 1er mai. N’importe qui sait bien que son geste aurait dû faire l’objet d’une suspension immédiate et d’un licenciement rapide, à moins d’être directement couvert en tant que proche du Président.

D’après le directeur de cabinet de l’Élysée, il a seulement été suspendu 15 jours. Il a d’abord été affirmé, sous serment devant des députés, que cela avait donné lieu à une suspension de salaire ; il a ensuite été expliqué, toujours sous serment mais devant des sénateurs, que cette retenue de salaire n’avait en fait pas eu lieu mais serait reportée ultérieurement en tant que retenue sur le paiement différé de jours de congés, au moment de son licenciement.

Si ce genre d’information, de petits mensonges et de couverture d’une personne ayant dérapé est de nature à soulever les indignations, c’est que l’époque a changé. La population n’avait pas accepté non plus le comportement de François Fillon avec sa femme, alors que cela ne choquait pas grand monde jusque-là.

Les mentalités ont évolué en France, dans le sens d’une plus grande modernité des institutions, avec une meilleure transparence, sur le modèle de ce qui existe dans les pays de culture protestante.

Le spectacle de voir des gens se renvoyant la balle quant à la responsabilité au sujet du « cas » Benalla est insupportable pour de nombreuses personnes exigeant la justice et la morale. Emmanuel Macron peut bien fanfaronner devant ses députés en affirmant qu’il assume tout et en lançant un « qu’ils viennent me chercher ».

Il n’en reste pas moins que cette affaire aura un impact important dans l’opinion et fragilisera la suite de son mandat, ce qui satisfait toutes les forces d’opposition.

Il faut noter à cet égard le grand élan d’union entre les forces d’extrême-droite et la France Insoumise, entre les reliquats de la gauche et la droite traditionnelle. Tout cela pour une histoire qui ne mérite pas un tel remue-ménage, à moins d’être complètement de mauvais foi quant à la réalité de ce qu’est un État dans une société marquée par le capitalisme.

Cette petite « affaire » Benalla ne change pas grand-chose à la nature du régime en France. Cela n’a certainement pas l’envergure d’une « affaire d’État ».

C’est surtout qu’Emmanuel Macron agace un certain nombre de personne de par son comportement et sa volonté de tout ramener à lui. On a en fait un certain nombre de hautes personnalités qui n’entendent pas se faire marcher dessus et rappellent l’importance de leur propre administration.

Avec son mouvement « En Marche » puis « La République En Marche », Emmanuel Macron a voulu tout chambouler en France, renouveler largement le personnel politique pour satisfaire son ambition personnelle. Cela a obligé le personnel politique à se remettre en cause : voilà une occasion pour eux d’apparaître modernes et démocratiques avec les commissions d’enquête parlementaires.

On a à leurs côtés toute une presse allant dans le sens du régime, bien contente de se montrer utile pour la préservation des institutions contre une personnalité qui les a pris de haut, et qui d’ailleurs les a encore insulté dans sa déclaration censée être privée mardi soir.

L’institution policière semble surtout être celle qui est au cœur de cette affaire. La police ne se laisse pas comme cela « dire la messe » par un président qui veut réformer ses services. Car il y a en arrière plan de ces révélations un projet de réorganisation de la protection du Président.

La police française rappelle ici qu’elle existe de manière supérieure à la simple incarnation de la présidence par un individu. L’institution en elle-même est au-dessus du mandat politique et empêche l’Élysée de s’autonomiser. Ce dernier étudie en effet un projet d’ouverture à des forces civiles et la mise en place d’une organisation interne non organiquement liée à la police nationale.

Alexandre Benalla fait figure ici de symbole. D’après les syndicats de police et des commentaires de la presse, son attitude était exécrable, voulant donner des ordres à tout le monde en termes de sécurité, se présentant comme directement l’émanation du Président, etc.

Il ne s’agit pas ici d’une Police parallèle comme ont pu le soutenir Marine le Pen et Jean-Luc Mélenchon. Il s’agit de l’embryon d’une réforme interne d’un service, avec une petite frappe devant servir les ambitions d’Emmanuel Macron mais se faisant recadrer rapidement par des institutions bien en place.

Pour le reste, cette « affaire » Benalla est surtout une grande comédie, un psychodrame déroulé en feuilletons haletants digne d’une série comme « House of Cards ». Alexandre Benalla n’en est que le triste et ridicule pantin.

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Société

Le régime et Emmanuel Macron profitent de la victoire de l’Équipe de France

La victoire de l’Équipe de France de Football à la Coupe du Monde a été largement mise en scène. La population est en quelque sorte privée d’une célébration intime, sincère, authentique. Les avions de la patrouille de France ont fait leur apparition au-dessus de Paris, comme pour bien rappeler les célébrations militaristes de l’avant-veille. De nombreux prêtres ont saisi l’opportunité pour sonner les cloches des églises et rappeler leur existence. Emmanuel Macron a été fortement mis en avant, etc.

Quoi qu’on en dise, le régime en place est le grand gagnant de la victoire de l’équipe de France de Football. Cela est bien sûr nié par l’immense majorité des commentateurs qui expriment à l’unisson la même béatitude surjouée, afin que surtout aucune voix dissonante ne transparaisse.

Et comme s’il fallait prévenir la critique, celle-ci est dénigrée dans son essence même. À ce jeu, on peut noter la copie tout à fait typique rendue par le rédacteur en chef du Figaro Guillaume Tabard, expliquant que :

« Chez tous ceux-là, une incapacité à se laisser emporter par la joie et, sur le plan politique, la hantise de voir Emmanuel Macron s’emparer de cette victoire, pour ne pas dire l’accaparer. »

Cela est très bien vue de parler de joie, car au centre de tout cela il y a en effet les masses et la joie qu’elles ont exprimée. Les célébrations ont été intenses après la victoire.

Cela avait d’ailleurs commencé dès l’après-midi avant même la rencontre contre la Croatie. Une ambiance guillerette, voire pétillante, traversait la France ensoleillée ce dimanche. Dans les villes et les campagnes, dans les stations balnéaires et les campings, les masses se parlaient ou se regardaient affectueusement.

Il y avait un parfum de 1998 avec des places de villages réunies autour d’un écran, des familles dans les jardins où les femmes, surtout les anciennes, étaient là pour réguler les excès regrettables des hommes avec l’alcool, des centres-villes où la jeunesse plus intellectuelle et cultivée prenait plaisir à s’associer à une joie simple et populaire, des cités de banlieues où l’enthousiasme était particulièrement exacerbé, et puis encore à Paris, où il y avait un peu de tout cela.

Il faut reconnaître aussi l’immense ferveur des gens qui ont attendu pendant de nombreuses heures en plein soleil l’arrivée des joueurs sur les Champs-Élysées. Il y a là quelque chose d’éminemment populaire, relevant d’une véritable communion nationale, à l’opposée par exemple des cérémonies administratives organisées par le régime pour célébrer son Armée chaque 14 juillet.

Au contraire, ce genre de défilé parisien massif, rassemblant plusieurs centaines de milliers de personnes pour un événement sportif, est quelque-chose de rare et précieux. C’était le quatrième. Il y a eu 1998 évidemment, dans une moindre mesure 2000 après la victoire à l’Euro de Football, et il y avait eu avant seulement l’incroyable déambulation du champion de course à pied Jules Ladoumègue en 1935 devant 400 000 personnes.

Il était une figure ouvrière, proche du Parti Communiste, et victime d’institutions sportives réactionnaires l’interdisant de pratiquer son sport, jusqu’à le priver de Jeux Olympiques. L’URSS lui avait proposé de concourir là-bas ; le journal Paris-Soir avait organisé pour son retour une course d’exhibition à travers Paris dont le succès fut immense.

Ce lundi 16 juillet 2018, les masses n’auront par contre pas véritablement célébré la prestation sportive des “bleus”. On ne peut pas dire que l’équipe a brillé de par le jeu qu’elle a proposé ; elle a même fait preuve d’une réussite insolente pour s’imposer face à la Belgique puis à la Croatie. Mais là n’est pas du tout la question.

Le sport n’est ici qu’un prétexte. La population s’empare de cette victoire à la Coupe du Monde pour exprimer quelque-chose de plus important que simplement le football. Cela dépasse le sport et n’appartient même pas aux joueurs eux-mêmes, pas plus qu’à Didier Deschamps.

Les joueurs ne sont pas extérieurs à l’événement, par définition, évidemment. Ils en sont simplement l’incarnation. Cela s’est traduit entre-autre par la reprise de plusieurs chansons dédiés à certains joueurs, diffusées grâce aux réseaux sociaux.

Les deux plus populaires sont celles dédiées à N’Golo Kanté, dont la qualité de jeu est particulièrement appréciée, et à Benjamin Pavard. Cette dernière fait écho à un chant stupide et très grossier des supporters marseillais pour leur finale de Ligue Europa à Lyon (sur un air classique de supporters anglais), qui a connu un grand succès au printemps chez les jeunes garçons amateurs de football partout en France.

La ferveur populaire prend donc comme prétexte le football pour exprimer un besoin social, qui est en quelque sorte un besoin d’unité.

Le régime n’a surtout pas envie de cette unité populaire, mais plutôt d’une unité derrière ses institutions et le système économique qu’il promeut. C’est la raison pour laquelle il tend à personnifier largement les célébrations. Les joueurs sont donc mis au centre du dispositif, présentés comme étant des individus ayant réussis quelque-chose.

Quand les masses disent “on a gagné”, parce que l’élan est collectif, le régime préfère un “merci les bleus”.

Pour les masses, peu importe qu’il n’y avait pas 67 millions de français sur le terrain, ce qui compte est l’unité autour d’un même mouvement, d’une même cause, aussi futile soit-elle.

Cela ne saurait compter pour les représentants du capitalisme où l’entreprise individuelle et la réussite personnelle sont au centre de tout.

C’est ainsi que de nombreuses grandes entreprises ont communiqué ce “merci les bleus”. C’est également le coeur du message d’Emmanuel Macron et de toute la communication qu’il a mise en place, faisant de cette victoire presque une “affaire d’État”.

La question n’est pas ici de savoir si le président Macron profitera personnellement de l’événement. Il ne faut pas sous-estimer les masses françaises qui, normalement, au moins pour celles ayant un héritage politique, ne se font pas avoir aussi facilement.

Par contre, parce qu’elles sont largement dépolitisées, abandonnées depuis longtemps par la Gauche, elles se retrouvent désemparées face aux institutions qui profitent de l’événement pour maintenir et renforcer le régime.

Emmanuel Macron joue un rôle important en ce sens. Il a méticuleusement soigné son approche de la question, en étant toujours là tout en prenant soin de ne jamais donner l’impression d’en faire trop.

Lors de sa visite en Bretagne pendant les phases de poule, il avait fait en sorte de “s’éclipser” pour assister à la deuxième mi-temps d’un match debout au milieu des clients d’un bar, commandant une bière et payant sa tournée pour fêter la victoire.

Il a fait inviter des jeunes footballeurs d’Île-de-France à l’Élysée pour un autre match, rendu visite aux joueurs dans les vestiaires après la victoire contre la Belgique tout en prenant soin de ne pas diffuser de photos, etc.

Les images de sa présence dans le vestiaire après la victoire en finale, appelant les joueurs “les enfants”, ont par contre été largement diffusées. Les commentaires promouvaient systématiquement son discours “émouvant”, suite logique de son attitude “survoltée” durant la rencontre.

Il avait emmené avec lui un sous-officier de l’Armée gravement blessé au Mali, afin de servir un odieux discours nationaliste, hautain, mélangeant tout et n’importe quoi, relativisant quelque chose d’aussi grave que la guerre avec du sport :

«Je l’ai revu [le militaire] le 13 juillet, il était sur un fauteuil roulant […]. Il m’a dit: “J’ai une faveur à vous demander. Après-demain, quand vous verrez les joueurs, dites-leur qu’ils ont fait rêver un petit Français comme moi.” C’est pour ça que je voulais vous l’emmener, parce que je voulais que vous vous rendiez compte de ce que vous faites».

Certains joueurs sont littéralement tombés dans le panneau pour célébrer le régime. Comme si finalement leur victoire était aussi importante pour la population que l’ouverture d’une usine donnant du travail à des milliers d’ouvriers, ou encore une découverte scientifique permettant de grandes avancées sur le plan écologique.

Benjamin Mendy s’est carrément permis un “dab” avec Emmanuel Macron tandis que Blaise Matuidi, le prenant en accolade, s’exclamait : « Avec Monsieur le Président, vive la France, vive la République ! ».

Le lendemain, le transfert des joueurs vers Paris depuis l’aéroport a également été organisé de manière à ce que la célébration des individus soit totale. On a laissé des gens s’arrêter à pied sur l’autoroute pour “voir” leur bus de prêt, d’autre circuler à scooter, sans gants, portable à la main, parfois debout sur leurs machines, au milieu de l’escadron de police motorisé encadrant le bus.

La suite de cela fût une grande “garden party” dans les jardins de l’Élysée. Étaient invités un millier de jeunes issus des clubs d’origines des joueurs de l’équipe de France, afin de souligner encore une fois le caractère individuel de l’aventure. Il était bien sûr expliqué qu’il y avait parmi-eux probablement les “futurs Mbappé”, comme si le sport amateur n’était en fait là que pour servir de réservoir au sport de haut niveau et aux clubs professionnels.

Les médias ont relayé tout cela en grandes pompes, meublant avec des interventions de journalistes ridicules voulant à tout prix se placer au coeur de l’événement. TF1, France 2, les quatre chaînes d’information en continu et la chaînes L’Équipe ont toutes assurées un direct de plusieurs heures.

En ce qui concerne la classe politique, les principales figures ont relayé, forcément, le remerciement aux “bleus”.

Édouard Philippe: « Champions du monde !!! Quel match ! Quel mondial ! Quelle équipe ! Vous faites la fierté de votre pays, bravo ».

Benjamin Griveaux: « GÉANTS 20 ans après, merci les Bleus d’offrir le rêve à une nouvelle génération » (Twitter)

François de Rugy: « On est les champions, on est, on est, on est les champions ! Bravo LesBleus ! Et bravo aux Croates pour leur jeu. Beau moment de football, beau moment de rassemblement et de fierté nationale »

Christophe Castaner: « Toucher les étoiles ! Merci à l’équipe de France ! »

Valérie Pécresse: « Champions du monde. Quel match ! Quels joueurs ! Ils ont réussi… Merci Didier Deschamps pour ce bonheur ! »

Anne Hidalgo: « Champions du monde ! Quel bonheur ! Quel match ! C’était un rêve, vous en avez fait une réalité. Merci les Bleus !

Parti socialiste: « Champions du monde ! Félicitations à l’équipe de France qui 20 ans après réitère l’exploit en s’imposant 4-2 en finale ! Bravo les Bleus ».

Manuels Valls: « Un immense merci aux Bleus, à Griezmann, Pogba, Mbappé… à la défense de fer avec Varane et Umtiti… au stratège Deschamps qui a construit un groupe soudé, efficace et fort de ses valeurs. C’est beau le foot ».

Laurent Wauquiez: « Ils l’ont fait ! L’équipe de France, championne du monde. 20 ans que la France attendait. Nous en avons rêvé. Nous avons tant vibré. Nous sommes fiers de vous ! Bravo les Bleus ! »

Nicolas Dupont-Aignan: « Bravo bravo bravo ! Tellement fier d’être Français ! Félicitations à nos héros ! »

A noter également, le message d’Eric Coquerel de “La France Insoumise”, relayant directement et sans filtre le discours en faveur du régime :

Le régime ne profitera pas éternellement de cet élan, ou de ce type d’élan. La nature du système économique qu’il promeut est trop instable. Le capitalisme génère trop de crise, de chômage, de décadence culturelle, d’incertitudes morales, pour que la ferveur populaire ne se transforme pas à un moment ou à un autre en colère populaire.

D’ailleurs, les masses étaient nombreuses à siffler le président de la République à diverse occasion lors de cette Coupe du Monde.

Le régime peut se maintenir un moment, mais il peut tout aussi bien vaciller rapidement. Ce qui comptera alors, c’est la nature du renversement de ce régime en place. Si la Gauche aujourd’hui en France n’est pas à la hauteur de cet enjeu, tel n’est pas le cas des différents cercles réactionnaires et de l’Extrême-Droite qui se préparent à cela.

Si le régime tente aujourd’hui de se maintenir par des artifices patriotiques, il ne faut pas perdre des yeux le nationalisme qui en arrière-plan se profile.

Illustration de cela, cet extrait d’une tribune de la réactionnaire Natacha Polony. Cela devrait être un avertissement, un message d’alerte à toutes les personnes de gauche soucieuses des valeurs démocratiques et de l’unité populaire.

Elle a ici très bien compris l’enjeu, la nature profonde et sincère de l’élan populaire autour de l’Équipe de France. Elle entend l’orienter vers le nationalisme plutôt que le socialisme.

« […] À nous tous, adultes et dépositaires de l’immense héritage d’un pays millénaire de convertir cet élan superficiel en sentiment profond et pérenne, à travers la transmission des textes historiques, philosophiques et littéraires qui racontent ce qu’est la France, comme à travers une géographie, des paysages qui en sont le visage.

Tous ces enfants qui brandissent des drapeaux et crient leur joie d’être français ne demandent qu’à aimer leur patrie. Ils ne sont pas toute la France, ils ne masquent pas les haines, le séparatisme, les fractures. Mais plus ils seront nombreux, et plus nous serons nombreux pour combattre ceux qui nous ont déclaré la guerre.

Nul ne s’imagine qu’un pays s’apaise par le miracle d’un match de foot mais un point nourrit nos espoirs : on ne nous sort plus le mythe de la France black-blanc-beur. Cette équipe est tout aussi diverse mais elle est avant tout bleu-blanc-rouge, ce qui signifie que -rêvons un peu – nous retrouvons peut-être un peu de cet universalisme qui est l’identité même de la France et que la globalisation culturelle a voulu remplacer par un multiculturalisme profondément communautariste.

Allons, enfants de la Patrie, les jours de gloire ne se dédaignent pas, quels qu’ils soient. »

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Mai 2018 a été une farce

On peut reprendre le principe. Mai 2018 a été une farce, tant de la part du gouvernement que de celle de la gauche velléitaire qui a cru pouvoir rejouer la pièce, alors qu’elle n’a même pas réalisé un travail d’analyse digne de ce nom sur Mai 68. .

On peut penser au bon mot connu de Karl Marx, dans son ouvrage sur Napoléon III faisant un coup d’État. Il s’agissait de montrer qu’un événement important peut se rejouer, mais il n’est alors que l’ombre de lui-même.

« Hegel fait remarquer quelque part que, dans l’histoire universelle, les grands faits et les grands personnages se produisent, pour ainsi dire, deux fois. Il a oublié d’ajouter : la première fois comme tragédie, la seconde comme farce. »

Ce qui reste, c’est Emmanuel Macron, c’est le post-modernisme de Mai 68 sans l’élan des masses, sans leur esprit positif tourné vers la démocratie et la vie.

Mai 68 fut le symbole d’une crise de croissance du capitalisme et celle de la pleine entrée dans la consommation de masse. Voilà ce qu’on semble en retenir aujourd’hui. Le compromis social d’après-guerre a été à cette occasion bousculé par ses contradictions internes par un puissant mouvement de masse qui a ouvert un réel espace à la lutte de classe. C’est là toute son importance historique indéniable.

Mais pour autant, et malgré le contexte externe très agité, avec tout le développement d’un véritable esprit anti-impérialiste, notamment autour du conflit au Vietnam, et malgré le foisonnement des utopies exprimant une authentique soif existentielle, l’événement ne déboucha pas sur une révolution ou même un changement de régime.

Non, 50 ans après, on peut dire que malheureusement Mai 68 se résume en fait à un pur et simple « état d’esprit » qui a ouvert ce que l’on a appelé la « post-modernité », soit au final une capitulation des idées de gauche, au motif de la libéralisation de l’individu et de la lutte contre les oppressions comme refus des « totalitarismes ».

Cette crise du capitalisme, a en effet trouvé partiellement sa réponse dans la poursuite « post-moderne » de celui-ci, dont l’horizon apparaît alors comme étant la Californie : une société « post-industrielle » ouverte à la consommation de masse, l’entertainment, les alternatives stylistiques en matière alimentaire, de mode de vie ou artistique pour une minorité confortable de 35% à 45% de la population, reléguant les « losers » et autres « déclassés » dans les ghetto urbains ou les zones rurales effondrées.

50 ans après, on comprend comment Emmanuel Macron a pu parvenir au pouvoir, en ce qu’il représente encore cet « esprit » post-moderne, mais sous une forme maintenant attardée.

Il y a 50 ans en effet, le post-modernisme capitaliste pouvait réussir à s’appuyer sur l’élan populaire de Mai 68 et proposer son monde. Aujourd’hui, il règne sur une société au bord de l’assèchement qui se résigne sans élan et sans enthousiasme a accepter le « monde nouveau », toujours le même d’il y a 50 ans.

L’esprit d’utopie a été tué par le post-modernisme bourgeois. Pire même, la société civile elle-même semble se ratatiner et verse dans l’irrationnel, cédant aux populismes ou à la réaction voire au nihilisme, quand il ne s’agit pas même simplement d’une dépolitisation totale.

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La philosophie pragmatique et rassurante d’Emmanuel Macron

Le libéralisme d’Emmanuel Macron constitue une puissante vague qui révèle en symétrie de manière terrible l’impuissance et l’absence totale de crédibilité, sur le fond comme sur la forme, de la contestation de la « gauche » majoritaire. Celle-ci, en raison notamment de la force du populisme agité par la France Insoumise de François Ruffin ou Jean-Luc Mélenchon, n’est pas en mesure de faire face aux exigences brutales d’Emmanuel Macron, ni même simplement en mesure de le comprendre, de comprendre en quoi celui-ci incarne quelque chose qui à la fois tétanise les masses et les fascine.

D’abord, Emmanuel Macron n’est pas un personnage sorti de nulle part. Il n’est pas le produit d’une « oligarchie mondialiste » plus ou moins organisée en « hyper-classe », suivant un « plan » ou un « agenda », avec le soutien de la « finance apatride » et des média « mainstream ».

Tout cela est du jargon populiste, de la capitulation de la pensée et pour tout dire, une trahison de la gauche en ce que cette ligne mène tout droit au nationalisme. Emmanuel Macron représente au contraire quelque chose de tout à fait précis, de tout à fait identifiable et de compréhensible, au sein de notre société, au sein de notre pays et de son histoire, au sein de la lutte des classes.

Il est vrai qu’immédiatement, on perçoit Emmanuel Macron comme un genre « d’homme pressé », un peu comme dans la célèbre chanson de Noir Désir : un genre de bourgeois post-moderne, technocrate, métropolitain et cosmopolite.

Cette perception, quoique superficielle, est néanmoins correcte. Emmanuel Macron est d’abord en tant que personne, le produit d’une éducation et plus profondément de tout un pan de notre culture nationale, dans ce quelle a de plus réactionnaire même. Emmanuel Macron, c’est l’incarnation d’abord du pragmatisme, de cet esprit pratique, anti-matérialiste, réputé « empirique », qui nie les contradictions, entend trouver l’équilibre, réconcilier.

Cet état d’esprit flatte une bonne partie de la France, et même hors des métropoles, en ce qu’elle représente la stabilité, l’ordre, la « raison » ordonnée. On la retrouve ainsi autour de nombreuses figures de notre histoire : Richelieu, Louis XIV, Napoléon Bonaparte, Napoléon III, Jaurès, Pétain, De Gaulle.

L’idéologie compte peu, voire pas du tout pour ces figures, ce qui compte c’est rassembler, gouverner avec une méthode pratique qui serait tout simplement la meilleure, sinon la seule possible, en bon père de famille, rassurant et puissant. Pas d’idées, pas de fond, mais une belle forme. Parfois, il est vrai, c’est très baroque : c’est qu’il ne faut pas oublier que les plus riches sont les plus décadents.

On aurait donc tout à fait tort de sous-estimer la flatterie que représente Emmanuel Macron aux yeux d’une partie de notre pays, bien plus large même que ces seuls électeurs d’ailleurs. Et le fait qu’il soit jeune, dynamique, « moderne » est encore mieux. Cela dépasse donc le cadre même des institutions de la Ve République, qui jouent à fond cette carte de l’homme providentiel, du « monarque républicain », c’est un véritable rapport culturel que la gauche doit absolument comprendre pour être en mesure de le briser.

Emmanuel Macron est aussi un produit des Grandes Écoles françaises : Lycée Henri IV, classes préparatoires en Lettres après un Baccalauréat scientifique, obtenu avec une mention Très Bien, IEP de Paris, ENA de Strasbourg, classé 5e.

Il a été pendant ses études un assistant de l’écrivain, revendiqué comme philosophe par la bourgeoisie, Paul Ricoeur et un membre du comité de rédaction de la revue bourgeoise de haut niveau qu’est Esprit.

Il s’inscrit ainsi tout à fait dans la continuité de la technocratie française, de la tendance planiste, experte, coupée des masses mais qui se veut néanmoins « républicaine », au service non seulement de l’État mais aussi du peuple.

Mais Emmanuel Macron est une figure qui pousse cette logique plus loin même. Ses prétentions culturelles voire intellectuelles le traduisent bien, tout comme la référence à Paul Ricoeur, personnage presque inconnu du grand public.

Même sans l’avoir étudié ou lu, les masses française connaissent ainsi Karl Marx par exemple et ont quelques idées sur le contenu de sa pensée. Ni l’une ni l’autre de ces affirmations ne sont vraies pour Paul Ricoeur, mais sa pensée et surtout le courant qu’il représente ont néanmoins inspiré tout un pan de la pensée intellectuelle de notre pays, que l’on peut qualifier de post-moderne, de Jean-Paul Sartre à Alain Finkelkraut, et indirectement donc, de l’éducation même des masses.

Paul Ricoeur, mort en 2005, a quand à lui essayé de développer une pensée qualifiée de « phénoménologie ». Pour la décrire rapidement, il s’agit de réduire l’être humain à l’individu d’une part, et d’autre part sa pensée à la seule captation des « phénomènes » : c’est à dire de l’expérience vécue (que chaque personne devrait donc renouveler, tout à fait dans l’esprit « nuit debout ») et du contenu de la conscience, c’est à dire des choses que l’on ne connaît pas par expérience mais par intuition.

C’est par cette recherche de l’intuition d’ailleurs que Paul Ricoeur en particulier a réintroduit la théologie dans cette démarche « phénoménologique ». Paul Ricoeur en effet, lui-même ayant enseigné à la Faculté de théologie protestante de Strasbourg puis de Paris, place en quelque sorte Dieu au bout de la pensée, des intuitions, comme base du bien.

La vie humaine serait donc au maximum une sorte de quête individuelle de la connaissance qui aboutirait par les expériences et « l’intuition » à Dieu au bout du compte et dans le meilleur des cas. La « phénoménologie » nie donc tous les rapports sociaux collectifs au profit d’une réduction à l’individu dont la seule perspective commune avec les autres serait une éventuelle communion abstraite en Dieu par une éthique partagée.

C’est cette transcendance qui guiderait la morale, ou « l’éthique » et motiverait l’action en vue du bien. Ce n’est donc ni plus ni moins qu’une sorte de « déisme » rebouilli, typique de l’esprit bourgeois français, mais dans une perspective néanmoins pessimiste désormais.

C’est exactement ce qui « structure » la pensée d’Emmanuel Macron, et donne une part quasi-mystique à sa démarche pragmatique, qu’il vit comme une « aventure » éthique personnelle mais transcendante, qui lui donne son style et son assurance.

Cela poursuit toute une tendance bourgeoise, technocratique et « chevaleresque » affirmée depuis l’École d’Uriage en passant aussi en partie par Mai 1968.

Il n’y a donc rien de plus faux que de tenter de décrire Emmanuel Macron comme une sorte de parasite crée par « l’oligarchie », de dire qu’il serait « étranger » au fond à la France, sinon celle des bobos cosmopolites des métropoles ou des grands groupes financiers, de la « banque ».

En réalité, Emmanuel Macron est un produit de toute une part de la culture nationale de notre pays tel que forgée par la bourgeoisie. En cela, il représente donc une part de l’esprit français, même en-dehors du soutien des média, sa popularité vient du fait qu’il constitue une figure identifiable, familière, rassurante et flatteuse auprès d’une large partie de la population française.

Voilà pourquoi les critiques velléitaires et populistes se rencontrent pas d’écho dans les masses. La Gauche telle qu’elle est majoritairement organisée face à Emmanuel Macron et son libéralisme ne fait tout simplement pas le poids, elle n’est pas au niveau. Sa critique superficielle, ses mises en scènes ridicule se brisent sur la volonté d’Emmanuel Macron de ne plus faire semblant d’écouter la contestation velléitaire de la « rue » et de la gauche institutionnelle, de montrer en quelque sorte que le cinéma qu’entretient cette gauche s’imaginant défendre le peuple est fini, que le « réel » et le sérieux sont de retour.

Il y a là une question d’exigence culturelle absolument capitale : il faut élever le niveau, être à la hauteur des attaques.

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Emmanuel Macron et le sens de l’affaire « Manu »

Ce lundi 18 juin, Emmanuel Macron, Président de la République, a sèchement recadré un jeune lycéen qui l’a interpellé de manière décalée, en l’appelant « Manu » et en chantonnant quelques paroles de l’Internationale.

Il faut revenir dessus, car c’est important et pas seulement parce qu’en s’excusant platement, le jeune n’a pas été à la hauteur de l’Internationale. La jeunesse n’est pas une excuse de cette faiblesse : on est quand même 50 ans après mai 1968, épisode de révolte de la jeunesse. Et les jeunes ont plus d’expérience sociale, de connaissances qu’alors. Ils devraient être encore plus tranchants. Cela viendra!

L’échange a eu lieu devant les caméra et les micros de la presse et a rapidement rencontré un écho massif. Emmanuel Macron était en effet en déplacement au Mont Valérien pour décorer, à l’occasion des cérémonies de commémoration de l’appel du Général De Gaulle du 18 juin 1940, cinq personnalité honorées du statut de « Compagnons de la Libération ».

Emmanuel Macron savait donc ce qu’il faisait lorsqu’il a apparemment vivement réagi donc à cette interpellation, à la fois pour recadrer le jeune, rappeler son rang et les formalité qu’il estime lui être dû en conséquence, mais aussi pour lui faire la leçon, visant explicitement les valeurs énoncées par le lycéen, même maladroites et superficiellement :

« Tu es là, dans une cérémonie officielle, tu te comportes comme il faut […] aujourd’hui c’est la Marseillaise, le Chant des partisans »

Non content de cela, Emmanuel Macron en rajouta même pour affirmer notamment avec une totale condescendance :

« Le jour où tu veux faire la révolution, tu apprends d’abord à avoir un diplôme et à te nourrir toi-même, d’accord? Et à ce moment-là tu iras donner des leçons aux autres »

C’était un show médiatique. Ensuite, la cellule en charge de la communication de l’Elysée a été jusqu’à publier dans la foulée une vidéo complète de cet échange sur son compte Twitter.

La raison d’une telle démarche, tout de même assez ridicule en apparence, est qu’il s’agit là selon Emmanuel Macron d’un symbole, de quelque chose de significatif. Il a entendu par là affirmer sa position de chef d’Etat tel que le conçoivent les institutions de la Ve République, et ce d’autant plus bien entendu que le contexte se prête parfaitement pour que soit fait un parallèle avec la figure du Général De Gaulle.

Emmanuel Macron veut incarner toute la dignité qu’il pense être celle de de sa fonction et plus profondément encore, il veut incarner une autorité morale devant le peuple français, devant les masses, d’où sa fierté assumée de la petite sortie qu’il a faite pour recadrer les velléités de ce lycéen avec cette injonction « réaliste » et « mature » censée opposée à l’immaturité des idées de « gauche », le pragmatisme responsable de son libéralisme.


Le fait est que cette sortie passe néanmoins largement aux yeux des masses pour ce que c’était : une agression disproportionnée et brutale face à un jeune garçon somme toute innocent, coupable au pire d’une bien légère taquinerie.

C’est aussi que, malheureusement, on joue en France à la contestation, à la révolution. Et c’est là qu’on voit que, finalement, Emmanuel Macron est sérieux, la contestation ne l’étant pas. C’est un vrai problème.

Emmanuel Macron a été obligé de se rattraper, comprenant qu’il a témoigné un peu trop fort du mépris qu’il exprime dans la lutte des classes. L’image libérale du bourgeois entreprenant, pragmatique et sûr de lui est cassante, blessante.

Cependant, le message est clair : on ne plaisante plus avec le régime. Le cinéma de la contestation est terminée, car considérée comme n’ayant désormais plus aucun intérêt. Désormais, il y a un cadre. Et qui prétend changer le monde doit être au niveau d’un tel cadre!

 

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Faut-il une « désintox » pour l’affiche d’Emmanuel Macron en SS?

Qu’est-ce que la vérité, comment la comprendre ? Est-ce une chose en mouvement, ou une chose statique ? En voici un exemple bien parlant…

Car il existe une mode depuis quelques années dans les milieux journalistiques, visant à prôner un stop à « l’intox », à se lancer dans une dénonciation du complotisme. S’il peut s’agir parfois d’un vrai souci de rationalisme, bien souvent c’est un mépris des gens, du peuple en général, considéré comme trop idiot, trop inculte.

Les gens auraient besoin d’une enquête journalistique, faite par quelqu’un de diplômé, qui maîtriserait ses émotions par rapport au bon populo… Seul le journaliste sait ! Seul le journaliste comprend ! Le monde est statique, les bas peuple versatile !

Affiche Emmanuel Macron SSL’affaire de l’affiche représentant Emmanuel Macron en SS lors de la marée humaine de samedi dernier a justement été un thème de cette campagne de « désintoxication » ces derniers jours ; elle en révèle parfaitement les limites que l’on doit qualifier, sans aucun doute, de petites-bourgeoises intellectuelles.

En effet, à force de à prétendre une neutralité qui n’existe pas, en prétendant à une objectivité froide qui n’a jamais existé, on finit forcément par se prendre les pieds dans le tapis.

En l’occurrence, il est expliqué que l’insigne sur le bras d’Emmanuel Macron ne serait pas un drapeau israélien, mais bien l’insigne de destruction de blindés présent sur l’original.

Affiche Emmanuel Macron SS - image originaleComme sur la photo originale, le logo est le même, qu’il n’a pas été changé, il y a une « désintox » de faite, par exemple par Conspiracy Watch – Observatoire du conspirationnisme, Jean-Paul Lilienfeld, etc.

Quelle naïveté ! Quelle pseudo objectivité !

Car, quand on étudie une chose, on doit la regarder dans son mouvement, dans sa réalité, en tant que processus. On ne peut pas voir les choses statiquement.

Il faut voir comment l’image a été transformée, dans quel but. Il faut regarder quelles sont les valeurs de la personne qui l’a transformée. Il faut délimiter dans quelle mesure cette personne a conscience de ses propres valeurs.

Il faut regarder les valeurs de la société à un moment donné, en saisir les codes.

Affiche Emmanuel Macron SS - image originaleFaisons ainsi les choses sérieusement, en s’aidant d’une image présentant les images côte à côte, en faisant attention parce que l’image connaît une autre variante.

Déjà un travail sérieux aurait en effet été de trouver la source directe de ces images. Il s’agit d’une entreprise proposant des tenues de western, de Batman, de nazis, etc. Ce n’est nullement une photographie historique.

Donc, le logo SS a été changé par celui d’en marche, la tête de mort par « EM » (pour Emmanuel Macron ou En marche). L’aigle avec la croix gammée a été remplacée par « $$ », pour SS avec une allusion aux dollars (même pas à l’euro donc).

Une des épaulettes a été modifiée avec le symbole de l’entreprise Vinci. Sur l’avant-bas gauche, l’inscription « Götz von Berlichingen » a été remplacé par MEDEF. Götz von Berlichingen est un chevalier allemand ayant pris le parti des paysans révoltés à l’époque de Martin Luther, avant de finalement les trahir. Son nom a été employé pour nommer une division d’infanterie mécanisée de la Waffen-SS, la 17e Panzergrenadier Division SS.

La croix de fer (ici nazie), très connu en France, a été enlevé, pas les trois autres insignes nazis.

Affiche Emmanuel Macron SS et image originale

Affiche Emmanuel Macron SS, détail tankEt il y a donc, sur le côté gauche, sur le bras droit près de l’épaule, l’insigne de destruction des blindés, mis en place par Adolf Hitler en 1942.

Sur la photo ayant servi au montage, la couleur de cet insigne est déjà bleu, ce qui est une erreur historique de la part de ceux qui ont refait le costume.

Mais la question n’est pas là. La question est : est-ce que la personne qui a fait le montage a sciemment laissé cet insigne bleu comme une allusion au drapeau israélien, ou bien n’a pas touché en général les insignes secondaires?

Voilà la véritable question, parce que l’image a été retouchée de manière professionnelle ; il est évident que chaque aspect de ce qui a été touché ou pas a été pensé.

Et cette question demande une réponse politique, pas une réponse de journaliste. Il n’y a pas de pseudo objectivité qui tienne ici.

D’ailleurs, il ne faut pas être idiot. Le fait de déguiser Emmanuel Macron en nazi montre bien que la personne qui a fait le photomontage ne connaît rien à la Shoah et dispose d’une mentalité particulièrement malsaine.

N’importe qui voyant l’assimilation d’Emmanuel Macron non seulement au grand capital (ce qui est vrai en partie) mais également aux dollars devine aussi très bien la mentalité du photomontage : on a ici affaire à un anticapitalisme “antiimpérialiste” qui s’est largement développé ces dernières années, avec Jean-Luc Mélenchon, Alain Soral, l’ultra-gauche, le GUD, etc.

On n’a pas ici affaire à la Gauche historique. Partant de là, il est évident que l’insigne sur le côté est une allusion au drapeau israélien. Il est inévitable que le fait de l’avoir laissé sur le côté, avec sa forme et sa couleur bleue, ferait penser au drapeau israélien.

Il y a tellement ce genre d’allusions ces derniers temps qu’il n’y a pas de hasard. Pas de hasard… si l’on prend un point de vue politique.

Et le point de vue politique se moque de savoir si le choix est objectif ou subjectif. Historiquement, tout le monde a saisi cela comme une allusion. Politiquement, il y a donc responsabilité.

Ce que les partisans de la « désintox » ne prennent pas, en raison de leur « objectivité » froide, apolitique… les amenant à capituler devant cette affiche.

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L’analyse erronée de l’antisémitisme par Emmanuel Macron

Il est courant à l’ultra-gauche de faire des cités le bastion du peuple : c’est totalement erroné, et cela au moins depuis les émeutes des banlieues de 2005. L’échec de la jonction populaire dans une révolte commune a marqué une rupture ayant comme conséquence le renforcement dans les banlieues de l’esprit lumpen-prolétaire et des trafics de drogues, de l’islamisme, d’un rejet total des valeurs de Gauche, d’une diffusion massive de l’antisémitisme.

L’échec de 2005 a abouti à un processus de ghettoïsation assumé de l’intérieur des banlieues elles-mêmes, alors qu’auparavant la pression était quasi uniquement extérieure. Le Front National et les « identitaires » en ont largement profité pour diffuser l’idée d’un conflit « racial » en France, tandis qu’Alain Soral a tenté, par tous les moyens et avec un succès certain, avec Dieudonné, à développer le thème d’une lutte anticapitaliste romantique ayant comme prisme l’antisémitisme.

Emmanuel Macron ne peut pas faire face à cela. Il ne peut pas assumer que l’immigration est une démolition de personnes arrachées à leur pays pour travailler comme main d’œuvre mal payée et dévalorisée. Il est obligé de la maintenir comme processus « naturel », comme déplacement individuel.

Par conséquent, il ne peut pas assumer les conséquences du déplacement d’une population pétrie de valeurs féodales dans un pays capitaliste développé et de la formation de ghettos. Il ne peut pas reconnaître la souffrance du travailleur arraché à ce qu’il a connu et isolé socialement, tout comme il ne peut pas saisir l’émergence de révoltes dévoyées, d’une fuite dans les superstitions, la paranoïa.

Aussi, lorsqu’il a abordé le sujet de l’antisémitisme en France lors d’un échange avec des étudiants américains de l’université George Washington, le 25 avril, Emmanuel Macron a développé une rhétorique ridiculement absurde :

« Il y a deux racines de ce nouvel antisémitisme. La première est liée à l’importation du conflit entre Israël et la Palestine.

Certaines personnes en France souhaitent reproduire ce conflit international au sein même de la société française.

La deuxième racine est une sorte d’ancien antisémitisme français, qui existait au début du siècle et qui reprend de l’ampleur. C’est une forte préoccupation pour moi. Nous devons le reconnaître ».

Finalement, Emmanuel Macron a la même lecture de l’antisémitisme que l’ultra-gauche ! Car on le sait, l’ultra-gauche, n’ayant plus rien à dire depuis 1989, a fait grosso modo de même, avec une esthétisation forcenée de la question palestinienne.

Cela alors, que dans les faits réels là-bas, bien loin de cette esthétisation, le pauvre peuple palestinien se prend davantage de coups chaque jour, sombrant sur le plan des idées dans l’ignoble corruption de l’OLP ou l’esprit moyen-âgeux sordide du Hamas, pendant que l’État israélien renforce sa main-mise totale sur tous les aspects de la vie (l’économie, les infrastructures, les emplois, etc.).

Et quand l’antisémitisme malheureusement populaire affleure trop, l’ultra-gauche prétend que ce n’est qu’un antisionisme qui ne se connaît pas, un anti-impérialisme qui ne se connaît pas, un anticapitalisme qui ne se connaît pas.

Les personnes juives sont assimilées à l’État israélien, à la question des conflits mondiaux, bref à une question « mondiale ». C’est là un discours national-révolutionnaire, ni plus ni moins.

Voilà pourquoi les personnes juives fuient une « gauche de la gauche » de moins en moins de gauche, ainsi que des départements comme le 93, et que des enfants juifs dans les écoles publiques est quelque chose d’extrêmement problématique en cas de situation de minorité.

Cette réalité ne peut pas être niée et ce n’est nullement un secret que l’Islam, pour se parer d’attributs sociaux malgré son conservatisme forcené, utilise la question juive comme anticapitalisme à destination de gens totalement coupés des traditions du mouvement ouvrier.

Et cette religion profite de la question de l’immigration, dont la nature, la forme, le fond, est un formidable non-dit depuis les années 1960.

En pratique, l’immigration est une déportation de population travailleuse, un drainage des forces vives. C’est un véritable pompage d’une main d’œuvre largement corvéable, car issue de la paysannerie et partant de là très peu éduquée, encadrée par des superstitions religieuses, des habitudes patriarcales.

Cela est vrai pour les Philippines venant servir de femmes de ménage à Neuilly – Auteuil – Passy depuis plusieurs années, comme des Arabes envoyés dans les usines des années 1960. Si l’on va à la fête annuelle des associations philippines à Paris, que voit-on ? Des regroupements religieux, des structures pour investir au pays.

Il n’y a jamais eu et il ne peut pas y avoir une équation : immigration = de gauche, bien au contraire. S’il y a une bataille tout à fait juste pour les droits, il en ressortira toujours sur le plan individuel une volonté d’affirmation sociale au sein de l’idéologie dominante, et cela d’autant plus qu’il y a des superstitions, des préjugés, des restes rétrogrades ramenés de pays arriérés.

Mais il y a pire. La gauche qui ne s’assume pas a accompagné cette immigration appuyant la pression sur les salaires et l’exploitation forcenée des personnes immigrées. C’est cela qui a poussé une large partie des couches populaires françaises dans les bras de l’extrême-droite profitant des préjugés racistes.

Même lorsqu’il y a eu des tentatives de révolte en faveur des travailleurs immigrés, cela a toujours basculé dans une lecture chrétienne de la « solidarité », l’Église catholique menant sur ce plan un travail forcené.

Le résultat en est une contribution à la ghettoïsation et l’un des aspects de la ghettoïsation de l’immigration… avec comme aspect incontournable, l’antisémitisme. L’antisémitisme, aujourd’hui, n’est porté que de manière résiduelle par les personnes françaises depuis plusieurs générations : si des préjugés restent, il est considéré toutefois comme inacceptable comme expression culturelle.

Par contre, dans l’immigration, ce n’est pas un secret, c’est un fait culturel solidement enraciné, principalement les jeunes, les religieux, les hommes. C’est un antisémitisme patriarcal, servant une prétention anticapitaliste romantique ; c’est un socialisme des imbéciles mêlé à un esprit de carrière petit-bourgeois.

Et seul un véritable socialisme peut le balayer. Emmanuel Macron, ne voulant pas de socialisme du tout, est alors obligé de le nier…

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Les mises en scène médiatiques d’Emmanuel Macron

Emmanuel Macron a, comme le dit l’expression désuète, mangé son pain blanc. Élu par une partie de la population le voyant comme un Kennedy français, il fait désormais figure de cadre technocratique qui a encore l’aura du type « qui sait ce qu’il fait ».

Cependant, chaque passage médiatique est toujours un risque pour cette image. Aussi, avant de passer hier soir chez les journalistes Jean-Jacques Bourdin et Edwy Plenel pour RMC, BFMTV et Mediapart, il était passé trois jours avant sur TF1 chez Jean-Pierre Pernaut.

Ce dernier est bien connu pour correspondre, prétendument, à la France profonde, avec un 13h violemment populiste, une posture bien rodée, bien entendu également utilisée avec Emmanuel Macron :

« Nous avons choisi un cadre inédit et magnifique, le p’tit village de Berd’huis, dans l’Orne (…). Je poserai au président les questions que vous vous posez. »

C’est qu’Emmanuel Macron a bien compris que la « mondialisation » commençait à tanguer sévèrement en France et qu’il fallait faire semblant de ne pas être uniquement le président de ceux qui profitent.

Son soutien total aux chasseurs relève de cette conquête des territoires en s’appuyant sur le maillage des notables et de l’idéologie des terroirs.

Mais, chasser le naturel il revient au galop, Emmanuel Macron n’a pas pu s’empêcher d’expliquer, dans l’école servant de lieu d’accueil, qu’il ne compte pas « montrer du doigt une catégorie qui irait moins bien, les villes ou les métropoles parce qu’elles iraient mieux ».

Et pour son passage hier soir, avec Jean-Jacques Bourdin et Edwy Plenel, il a choisi comme emplacement le Théâtre national de Chaillot, en face de la Tour Eiffel.

On retrouve là tout le symbole tout à fait parisianiste d’Emmanuel Macron, même si la légende veut que ce soit les journalistes qui aient en partie choisi le lieu, parce qu’ils ne voulaient pas de l’Elysée, et que l’ONU lors d’une assemblée générale y a proclamé la Déclaration universelle des droits de l’homme, en décembre 1948.

En réalité, tout a été choisi bien entendu par l’équipe d’Emmanuel Macron, tout comme les journalistes eux-mêmes, connus pour leur « pugnacité ». Ils ont également dit « Emmanuel Macron », et jamais « Monsieur le président ».

Les épisodes de joute verbale ont été de rigueur, avec les fameuses petites remarques pleines de panache, pour le plus grand plaisir de Jean-Luc Mélenchon qui dénonçait pourtant juste avant les journalistes, un populisme en chassant un autre.

On a ainsi eu Jean-Jacques Bourdin faisant un « Si vous faites des réponses de 5 minutes, on y sera jusqu’à minuit » et Edwy Plenel un « Vous n’êtes pas le professeur, nous ne sommes pas vos élèves ».

Tout cela est du show, orchestré de manière méthodique, millimétrée, conformément aux règles du marketing politique et médiatique d’un Etat moderne de plus en plus coupé de la population. Le but est simple à comprendre : Emmanuel Macron veut se présenter comme un battant, comme un réformateur, comme quelqu’un à l’écoute du bas peuple mais forçant surtout les choses pour faire avancer, en général, la cause du pays.

Et cela marche, qu’on trouve cela bien ou non. Ce qui montre qu’il y a dans notre pays un véritable problème de maturité politique. Tout comme avec Nicolas Sarkozy, il y a une polarisation populiste autour du président de la République, ce qui était par ailleurs évidemment le cas avant puisque tout provient de la nature du régime de la Ve République.

Cependant, avec la force des médias et des réseaux sociaux, cela ressort d’autant plus. Il y a un anéantissement du débat d’idées en France et derrière Emmanuel Macron, il y a le populisme, le nationalisme, le fascisme.

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La valorisation ultra du catholicisme par Emmanuel Macron chez les Évêques de France

Le discours d’Emmanuel Macron devant les évêques de France, il y a quelques jours, a provoqué de nombreuses réactions, parce que le président de la République a parlé de rétablir le « lien » du pays avec l’Église catholique romaine. C’est la laïcité qui aurait été remise en cause.

Cela est erroné. La laïcité n’est qu’un compromis historique. Et, historiquement, il ne peut pas y avoir de compromis entre la Gauche et les religions, qui ne sont que des superstitions, des mensonges.

Naturellement, le contexte historique des religions est à comprendre : nier qu’elles aient apporté quelque chose serait ridicule. Une position anarchiste serait absurde. Cependant, il serait tout aussi absurde de ne pas affirmer que les religions ont fait leur temps.

Or, comme Emmanuel Macron est en même temps un libéral et un conservateur – ce qui n’est pas une contradiction, car le capitalisme libère le marché mais enferme le pays dans une communauté aliénée, consommatrice, aux personnalités déformées -, il a besoin des religions.

En particulier du catholicisme : il n’a pas hésité à parler des « liens les plus indestructibles entre la nation française et le catholicisme », de « la sève catholique » qui contribue à faire vivre la nation. On est ici dans l’idéologie de Charles Péguy, de Charles Maurras, de Georges Bernanos, mais également d’Emmanuel Mounier que, bien entendu, Emmanuel Macron a nommé.

Car le catholicisme et sa focalisation sur l’individu intégré à une communauté correspond tout à fait au capitalisme où le consommateur est encadré. Rien à voir avec le protestantisme et les Lumières où c’est la personne qui assume des choix moraux, porte la civilisation dans chacun de ses actes.

Le catholicisme est par définition un mysticisme, où l’existence humaine est un mystère hiérarchisé, avec l’Église reproduisant la hiérarchie céleste. Il n’y a plus rien à en tirer, depuis le développement des villes, depuis la fin du moyen-âge.

Il n’y pas d’humanisme catholique, c’est une absurdité, prétendre que l’Église a une portée universelle est mensonger. Emmanuel Macron se conforme à ce mensonge, en disant par exemple, avec un lyrisme quasi mystique, au sujet des débats bioéthiques :

« C’est pourquoi en écoutant l’Eglise sur ces sujets, nous ne haussons pas les épaules. Nous écoutons une voix qui tire sa force du réel et sa clarté d’une pensée où la raison dialogue avec une conception transcendante de l’homme. Nous l’écoutons avec intérêt, avec respect et même nous pouvons faire nôtres nombre de ses points. Mais cette voix de l’Eglise, nous savons au fond vous et moi qu’elle ne peut être injonctive. Parce qu’elle est faite de l’humilité de ceux qui pétrissent le temporel. Elle ne peut dès lors être que questionnante. »

On a également droit à une citation de Pascal, ce mystique délirant, un ultra-religieux sectaire comme ce n’est pas permis, faisant partie du jansénisme :

« Vénérable parce qu’elle a bien connu l’homme », dit PASCAL de la religion chrétienne.

En réalité, il parlait du catholicisme, promettant l’enfer aux autres, et même aux mauvais catholiques. C’est un exemple, parmi tant d’autres, de ces contorsions nécessaires pour faire du catholicisme, qu’il faut supprimer comme toutes les religions, quelque chose apportant quelque chose.

Emmanuel Macron y croit-il vraiment ? Vu qu’il cite Georges Bataille, ce mystique semi-surréaliste cherchant Dieu sans y croire, en quête de transcendance par la transgression, c’est sans doute que c’est un « moderne » : un libéral pour qui l’Église est quelque chose de pas assez branchée, mais pourtant nécessaire.

Comme toutes les personnes imbriquées dans les classes dominantes, il ne peut pas assumer l’athéisme, et l’Église est si utile de par sa dimension réactionnaire !

Transcription du discours du Président de la République devant les Evêques de France

Collège des Bernardins – Lundi 9 avril 2018

Monsieur le Ministre d’Etat,

Mesdames les ministres,

Mesdames, messieurs les parlementaires,

Monsieur le Nonce,

Mesdames et messieurs les ambassadeurs,

Mesdames et messieurs les responsables des cultes,

Monseigneur,

Mesdames et Messieurs,

Je vous remercie vivement, Monseigneur, et je remercie la Conférence des Evêques de France de cette invitation à m’exprimer ici ce soir, en ce lieu si particulier et si beau du Collège des Bernardins, dont je veux aussi remercier les responsables et les équipes.

Pour nous retrouver ici ce soir, Monseigneur, nous avons, vous et moi bravé, les sceptiques de chaque bord. Et si nous l’avons fait, c’est sans doute que nous partageons confusément le sentiment que le lien entre l’Eglise et l’Etat s’est abîmé, et qu’il nous importe à vous comme à moi de le réparer.

Pour cela, il n’est pas d’autre moyen qu’un dialogue en vérité.

Ce dialogue est indispensable, et si je devais résumer mon point de vue, je dirais qu’une Eglise prétendant se désintéresser des questions temporelles n’irait pas au bout de sa vocation ; et qu’un président de la République prétendant se désintéresser de l’Eglise et des catholiques manquerait à son devoir.

L’exemple du colonel BELTRAME par lequel, Monseigneur, vous venez d’achever votre propos, illustre ce point de vue d’une manière que je crois éclairante.

Beaucoup, lors de la journée tragique du 23 mars, ont cherché à nommer les ressorts secrets de son geste héroïque : les uns y ont vu l’acceptation du sacrifice ancrée dans sa vocation militaire ; les autres y ont vu la manifestation d’une fidélité républicaine nourrie par son parcours maçonnique ; d’autres enfin, et notamment son épouse, ont interprété son acte comme la traduction de sa foi catholique ardente, prête à l’épreuve suprême de la mort.

Ces dimensions en réalité sont tellement entrelacées qu’il est impossible de les démêler, et c’est même inutile, car cette conduite héroïque c’est la vérité d’un homme dans toute sa complexité qui s’est livrée.

Mais dans ce pays de France qui ne ménage pas sa méfiance à l’égard des religions, je n’ai pas entendu une seule voix se lever pour contester cette évidence, gravée au cœur de notre imaginaire collectif et qui est celle-ci : lorsque vient l’heure de la plus grande intensité, lorsque l’épreuve commande de rassembler toutes les ressources qu’on a en soi au service de la France, la part du citoyen et la part du catholique brûlent, chez le croyant véritable, d’une même flamme.

Je suis convaincu que les liens les plus indestructibles entre la nation française et le catholicisme se sont forgés dans ces moments où est vérifiée la valeur réelle des hommes et des femmes. Il n’est pas besoin de remonter aux bâtisseurs de cathédrales et à Jeanne d’Arc : l’histoire récente nous offre mille exemples, depuis l’Union Sacrée de 1914 jusqu’aux résistants de 40, des Justes aux refondateurs de la République, des Pères de l’Europe aux inventeurs du syndicalisme moderne, de la gravité éminemment digne qui suivit l’assassinat du Père HAMEL à la mort du colonel BELTRAME, oui, la France a été fortifiée par l’engagement des catholiques.

Disant cela, je ne m’y trompe pas. Si les catholiques ont voulu servir et grandir la France, s’ils ont accepté de mourir, ce n’est pas seulement au nom d’idéaux humanistes. Ce n’est pas au nom seulement d’une morale judéo-chrétienne sécularisée. C’est aussi parce qu’ils étaient portés par leur foi en Dieu et par leur pratique religieuse.

Certains pourront considérer que de tels propos sont en infraction avec la laïcité. Mais après tout, nous comptons aussi des martyrs et des héros de toute confession et notre histoire récente nous l’a encore montré, et y compris des athées, qui ont trouvé au fond de leur morale les sources d’un sacrifice complet.Reconnaître les uns n’est pas diminuer les autres, et je considère que la laïcité n’a certainement pas pour fonction de nier le spirituel au nom du temporel, ni de déraciner de nos sociétés la part sacrée qui nourrit tant de nos concitoyens.

Je suis, comme chef de l’Etat, garant de la liberté de croire et de ne pas croire, mais je ne suis ni l’inventeur ni le promoteur d’une religion d’Etat substituant à la transcendance divine un credo républicain.

M’aveugler volontairement sur la dimension spirituelle que les catholiques investissent dans leur vie morale, intellectuelle, familiale, professionnelle, sociale, ce serait me condamner à n’avoir de la France qu’une vue partielle ; ce serait méconnaître le pays, son histoire, ses citoyens ; et affectant l’indifférence, je dérogerais à ma mission. Et cette même indifférence, je ne l’ai pas davantage à l’égard de toutes les confessions qui aujourd’hui habitent notre pays.

Et c’est bien parce que je ne suis pas indifférent, que je perçois combien le chemin que l’Etat et l’Eglise partagent depuis si longtemps, est aujourd’hui semé de malentendus et de défiance réciproques.

Ce n’est certes pas la première fois dans notre histoire. Il est de la nature de l’Eglise d’interroger constamment son rapport au politique, dans cette hésitation parfaitement décrite par MARROU dans sa Théologie de l’histoire, et l’histoire de France a vu se succéder des moments où l’Eglise s’installait au cœur de la cité, et des moments où elle campait hors-les-murs.

Mais aujourd’hui, dans ce moment de grande fragilité sociale, quand l’étoffe même de la nation risque de se déchirer, je considère de ma responsabilité de ne pas laisser s’éroder la confiance des catholiques à l’égard de la politique et des politiques. Je ne puis me résoudre à cette déprise. Et je ne saurais laisser s’aggraver cette déception.

C’est d’autant plus vrai que la situation actuelle est moins le fruit d’une décision de l’Eglise que le résultat de plusieurs années pendant lesquelles les politiques ont profondément méconnu les catholiques de France.

Ainsi, d’un côté, une partie de la classe politique a sans doute surjoué l’attachement aux catholiques, pour des raisons qui n’étaient souvent que trop évidemment électoralistes. Ce faisant, on a réduit les catholiques à cet animal étrange qu’on appelle l’« électorat catholique » et qui est en réalité une sociologie.Et l’on a ainsi fait le lit d’une vision communautariste contredisant la diversité et la vitalité de l’Eglise de France, mais aussi l’aspiration du catholicisme à l’universel – comme son nom l’indique – au profit d’une réduction catégorielle assez médiocre.

Et de l’autre côté, on a trouvé toutes les raisons de ne pas écouter les catholiques, les reléguant par méfiance acquise et par calcul au rang de minorité militante contrariant l’unanimité républicaine.

Pour des raisons à la fois biographiques, personnelles et intellectuelles, je me fais une plus haute idée des catholiques. Et il ne me semble ni sain ni bon que le politique se soit ingénié avec autant de détermination soit à les instrumentaliser, soit à les ignorer, alors que c’est d’un dialogue et d’une coopération d’une toute autre tenue, d’une contribution d’un tout autre poids à la compréhension de notre temps et à l’action dont nous avons besoin pour faire que les choses évoluent dans le bon sens.

C’est ce que votre belle allocution a bien montré, Monseigneur. Les préoccupations que vous soulevez – et je tâcherai pour quelques-unes d’y répondre ou d’y apporter un éclairage provisoire – ces préoccupations ne sont pas les fantasmes de quelques-uns. Les questions qui sont les vôtres ne se bornent pas aux intérêts d’une communauté restreinte. Ce sont des questions pour nous tous, pour toute la nation, pour notre humanité toute entière.

Ce questionnement intéresse toute la France non parce qu’il est spécifiquement catholique, mais parce qu’il repose sur une idée de l’homme, de son destin, de sa vocation, qui sont au cœur de notre devenir immédiat. Parce qu’il entend offrir un sens et des repères à ceux qui trop souvent en manquent.

C’est parce que j’entends faire droit à ces interrogations que je suis ici ce soir. Et pour vous demander solennellement de ne pas vous sentir aux marches de la République, mais de retrouver le goût et le sel du rôle que vous y avez toujours joué.

Je sais que l’on a débattu comme du sexe des anges des racines chrétiennes de l’Europe. Et que cette dénomination a été écartée par les parlementaires européens. Mais après tout, l’évidence historique se passe parfois de tels symboles. Et surtout, ce ne sont pas les racines qui nous importent, car elles peuvent aussi bien être mortes. Ce qui importe, c’est la sève. Et je suis convaincu que la sève catholique doit contribuer encore et toujours à faire vivre notre nation.

C’est pour tenter de cerner cela que je suis ici ce soir. Pour vous dire que la République attend beaucoup de vous. Elle attend très précisément si vous m’y autorisez que vous lui fassiez trois dons : le don de votre sagesse ; le don de votre engagement et le don de votre liberté.

*

* *

L’urgence de notre politique contemporaine, c’est de retrouver son enracinement dans la question de l’homme ou, pour parler avec MOUNIER, de la personne. Nous ne pouvons plus, dans le monde tel qu’il va, nous satisfaire d’un progrès économique ou scientifique qui ne s’interroge pas sur son impact sur l’humanité et sur le monde. C’est ce que j’ai essayé d’exprimer à la tribune des Nations unies à New York, mais aussi à Davos ou encore au Collège de France lorsque j’y ai parlé d’intelligence artificielle : nous avons besoin de donner un cap à notre action, et ce cap, c’est l’homme.

Or il n’est pas possible d’avancer sur cette voie sans croiser le chemin du catholicisme, qui depuis des siècles creuse patiemment ce questionnement. Il le creuse dans son questionnement propre dans un dialogue avec les autres religions.

Questionnement qui lui donne la forme d’une architecture, d’une peinture, d’une philosophie, d’une littérature, qui toutes tentent, de mille manières, d’exprimer la nature humaine et le sens de la vie. « Vénérable parce qu’elle a bien connu l’homme », dit PASCAL de la religion chrétienne. Et certes, d’autres religions, d’autres philosophies ont creusé le mystère de l’homme. Mais la sécularisation ne saurait éliminer la longue tradition chrétienne.

Au cœur de cette interrogation sur le sens de la vie, sur la place que nous réservons à la personne, sur la façon dont nous lui conférons sa dignité, vous avez, Monseigneur, placé deux sujets de notre temps : la bioéthique et le sujet des migrants.

Vous avez ainsi établi un lien intime entre des sujets que la politique et la morale ordinaires auraient volontiers traités à part. Vous considérez que notre devoir est de protéger la vie, en particulier lorsque cette vie est sans défense. Entre la vie de l’enfant à naître, celle de l’être parvenu au seuil de la mort, ou celle du réfugié qui a tout perdu, vous voyez ce trait commun du dénuement, de la nudité et de la vulnérabilité absolue. Ces êtres sont exposés. Ils attendent tout de l’autre, de la main qui se tend, de la bienveillance qui prendra soin d’eux. Ces deux sujets mobilisent notre part la plus humaine et la conception même que nous nous faisons de l’humain et cette cohérence s’impose à tous.

Alors, j’ai entendu, Monseigneur, Mesdames et Messieurs, les inquiétudes montant du monde catholique et je veux ici tenter d’y répondre ou en tout cas de donner notre part de vérité et de conviction.

Sur les migrants, on nous reproche parfois de ne pas accueillir avec assez de générosité ni de douceur, de laisser s’installer des cas préoccupants dans les centres de rétention ou de refouler les mineurs isolés. On nous accuse même de laisser prospérer des violences policières.

Mais à dire vrai, que sommes-nous en train de faire ? Nous tentons dans l’urgence de mettre un terme à des situations dont nous avons hérité et qui se développent à cause de l’absence de règles, de leur mauvaise application, ou de leur mauvaise qualité – et je pense ici aux délais de traitement administratif mais aussi aux conditions d’octroi des titres de réfugiés.

Notre travail, celai que conduit chaque jour le ministre d’Etat, est de sortir du flou juridique des gens qui s’y égarent et qui espèrent en vain, qui tentent de reconstruire quelque chose ici, puis sont expulsés, cependant que d’autres, qui pourraient faire leur vie chez nous, souffrent de conditions d’accueil dégradées dans des centres débordés.

C’est la conciliation du droit et de l’humanité que nous tentons. Le Pape a donné un nom à cet équilibre, il l’a appelé « prudence », faisant de cette vertu aristotélicienne celle du gouvernant, confronté bien sûr à la nécessité humaine d’accueillir mais également à celle politique et juridique d’héberger et d’intégrer. C’est le cap de cet humanisme réaliste que j’ai fixé. Il y aura toujours des situations difficiles. Il y aura parfois des situations inacceptables et il nous faudra à chaque fois ensemble tout faire pour les résoudre.

Mais je n’oublie pas non plus que nous portons aussi la responsabilité de territoires souvent difficiles où ces réfugiés arrivent. Nous savons que les afflux de populations nouvelles plongent la population locale dans l’incertitude, la poussent vers des options politiques extrêmes, déclenchent souvent un repli qui tient du réflexe de protection. Une forme d’angoisse quotidienne se fait jour qui crée comme une concurrence des misères.

Notre exigence est justement dans une tension éthique permanente de tenir ces principes, celui d’un humanisme qui est le nôtre et de ne rien renoncer en particulier pour protéger les réfugiés, c’est notre devoir moral et c’est inscrit dans notre Constitution ; nous engager clairement pour que l’ordre républicain soit maintenu et que cette protection des plus faibles ne signifie pas pour autant l’anomie et l’absence de discernement car il y a aussi des règles qu’il faudra faire valoir et pour que des places soient trouvées, comme c’était dit tout à l’heure, dans les centres d’hébergement, ou dans les situations les plus difficiles, il faut aussi accepter que prenant notre part de cette misère, nous ne pouvons pas la prendre tout entière sans distinction des situations et il nous faut aussi tenir la cohésion nationale du pays où parfois d’aucuns ne parlent plus de cette générosité que nous évoquons ce soir mais ne veulent voir que la part effrayante de l’autre, et nourrissent ce geste pour porter plus loin leur projet.

C’est bien parce que nous avons à tenir ces principes, parfois contradictoires, dans une tension constante, que j’ai voulu que nous portions cet humanisme réaliste et que je l’assume pleinement devant vous.

Là où nous avons besoin de votre sagesse c’est pour partout tenir ce discours d’humanisme réaliste c’est pour conduire à l’engagement de celles et ceux qui pourront nous aider et c’est d’éviter les discours du pire, la montée des peurs qui continueront de se nourrir de cette part de nous car les flux massifs dont vous avez parlé que j’évoquais à l’instant ne se tariront pas d’ici demain, ils sont le fruit de grands déséquilibres du monde.

Et qu’il s’agisse des conflits politiques, qu’il s’agisse de la misère économique et sociale ou des défis climatiques, ils continueront à alimenter dans les années et les décennies qui viennent des grandes migrations auxquelles nous serons confrontés et il nous faudra continuer à tenir inlassablement ce cap, à constamment tenter de tenir nos principes au réel et je ne cèderai en la matière ni aux facilités des uns ni aux facilités des autres. Car ce serait manquer à ma mission.

Sur la bioéthique, on nous soupçonne parfois de jouer un agenda caché, de connaître d’avance les résultats d’un débat qui ouvrira de nouvelles possibilités dans la procréation assistée, ouvrant la porte à des pratiques qui irrésistiblement s’imposeront ensuite, comme la Gestation Pour Autrui. Et certains se disent que l’introduction dans ces débats de représentants de l’Eglise catholique comme de l’ensemble des représentants des cultes comme je m’y suis engagé dès le début de mon mandat est un leurre, destiné à diluer la parole de l’Eglise ou à la prendre en otage.

Vous le savez, j’ai décidé que l’avis du Conseil consultatif national d’Ethique, Monsieur le président, n’était pas suffisant et qu’il fallait l’enrichir d’avis de responsables religieux. Et j’ai souhaité aussi que ce travail sur les lois bioéthiques que notre droit nous impose de revoir puisse être nourri d’un débat organisé par le CCNE mais où toutes les familles philosophiques religieuses, politiques, où notre société aura à s’exprimer de manière pleine et entière.

C’est parce que je suis convaincu que nous ne sommes pas là face à un problème simple qui pourrait se trancher par une loi seule mais nous sommes parfois face à des débats moraux, éthiques, profonds qui touchent au plus intime de chacun d’entre nous. J’entends l’Eglise lorsqu’elle se montre rigoureuse sur les fondations humaines de toute évolution technique ; j’entends votre voix lorsqu’elle nous invite à ne rien réduire à cet agir technique dont vous avez parfaitement montré les limites ; j’entends la place essentielle que vous donnez dans notre société, à la famille – aux familles, oserais-je dire -, j’entends aussi ce souci de savoir conjuguer la filiation avec les projets que des parents peuvent avoir pour leurs enfants.

Nous sommes aussi confrontés à une société où les formes de la famille évoluent radicalement, où le statut de l’enfant parfois se brouille et où nos concitoyens rêvent de fonder des cellules familiales de modèle traditionnel à partir de schémas familiaux qui le sont moins.

J’entends les recommandations que formulent les instances catholiques, les associations catholiques, mais là encore, certains principes énoncés par l’Eglise sont confrontés à des réalités contradictoires et complexes qui traversent les catholiques eux-mêmes ; tous les jours, tous les jours les mêmes associations catholiques et les prêtres accompagnent des familles monoparentales, des familles divorcées, des familles homosexuelles, des familles recourant à l’avortement, à la fécondation in vitro, à la PMA , des familles confrontées à l’état végétatif d’un des leurs, des familles où l’un croit et l’autre non, apportant dans la famille la déchirure des choix spirituels et moraux, et cela je le sais, c’est votre quotidien aussi.

L’Eglise accompagne inlassablement ces situations délicates et tente de concilier ces principes et le réel.C’est pourquoi je ne suis pas en train de dire que l’expérience du réel défait ou invalide les positions adoptées par l’église ; je dis simplement que là aussi il faut trouver la limite car la société est ouverte à tous les possibles, mais la manipulation et la fabrication du vivant ne peuvent s’étendre à l’infini sans remettre en cause l’idée même de l’homme et de la vie.

Ainsi le politique et l’Eglise partagent cette mission de mettre les mains dans la glaise du réel, de se

confronter tous les jours à ce que le temporel a, si j’ose dire, de plus temporel.

Et c’est souvent dur, compliqué, et exigeant et imparfait. Et les solutions ne viennent pas d’elles-mêmes.Elles naissent de l’articulation entre ce réel et une pensée, un système de valeur, une conception du monde. Elles sont bien souvent le choix du moindre mal, toujours précaire et cela aussi est exigeant et difficile.

C’est pourquoi en écoutant l’Eglise sur ces sujets, nous ne haussons pas les épaules. Nous écoutons une voix qui tire sa force du réel et sa clarté d’une pensée où la raison dialogue avec une conception transcendante de l’homme. Nous l’écoutons avec intérêt, avec respect et même nous pouvons faire nôtres nombre de ses points. Mais cette voix de l’Eglise, nous savons au fond vous et moi qu’elle ne peut être injonctive. Parce qu’elle est faite de l’humilité de ceux qui pétrissent le temporel. Elle ne peut dès lors être que questionnante. Et sur tous ces sujets et en particulier sur ces deux sujets que je viens d’évoquer, parce qu’ils se construisent en profondeur dans ces tensions éthiques entre nos principes, parfois nos idéaux et le réel, nous sommes ramenés à l’humilité profonde de notre condition.

L’Etat et l’Eglise appartiennent à deux ordres institutionnels différents, qui n’exercent pas leur mandat sur le même plan. Mais tous deux exercent une autorité et même une juridiction. Ainsi, nous avons chacun forgé nos certitudes et nous avons le devoir de les formuler clairement, pour établir des règles, car c’est notre devoir d’état. Aussi le chemin que nous partageons pourrait se réduire à n’être que le commerce de nos certitudes.

Mais nous savons aussi, vous comme nous, que notre tâche va au-delà. Nous savons qu’elle est de faire vivre le souffle de ce que nous servons, d’en faire grandir la flamme, même si c’est difficile et surtout si c’est difficile.

Nous devons constamment nous soustraire à la tentation d’agir en simples gestionnaires de ce qui nous a été confié. Et c’est pourquoi notre échange doit se fonder non sur la solidité de certaines certitudes, mais sur la fragilité de ce qui nous interroge, et parfois nous désempare. Nous devons oser fonder notre relation sur le partage de ces incertitudes, c’est-à-dire sur le partage des questions, et singulièrement des questions de l’homme.

C’est là que notre échange a toujours été le plus fécond : dans la crise, face à l’inconnu, face au risque, dans la conscience partagée du pas à franchir, du pari à tenter. Et c’est là que la nation s’est le plus souvent grandie de la sagesse de l’Eglise, car voilà des siècles et des millénaires que l’Eglise tente ses paris, et ose son risque. C’est par là qu’elle a enrichi la nation.

C’est cela, si vous m’y autorisez, la part catholique de la France. C’est cette part qui dans l’horizon séculier instille tout de même la question intranquille du salut, que chacun, qu’il croie ou ne croie pas, interprétera à sa manière, mais dont chacun pressent qu’elle met en jeu sa vie entière, le sens de cette vie, la portée qu’on lui donne et la trace qu’elle laissera.

Cet horizon du salut a certes totalement disparu de l’ordinaire des sociétés contemporaines, mais c’est un tort et l’on voit à bien à des signes qu’il demeure enfoui. Chacun a sa manière de le nommer, de le transformer, de le porter mais c’est tout à la fois la question du sens et de l’absolu dans nos sociétés, que l’incertitude du salut apporte à toutes les vies même les plus résolument matérielles comme un tremblé au sens pictural du terme, est une évidence.

Paul RICŒUR, si vous m’autorisez à le citer ce soir, a trouvé les mots justes dans une conférence prononcée à Amiens en 1967 : « maintenir un but lointain pour les hommes, appelons-le un idéal, en un sens moral, et une espérance, en un sens religieux».

Ce soir-là, face à un public où certains avaient la foi, d’autres non, Paul RICŒUR invita son auditoire à dépasser ce qu’il appela « la prospective sans perspective » avec cette formule qui, je n’en doute pas, nous réunira tous ici ce soir : « Viser plus, demander plus. C’est cela l’espoir ; il attend toujours plus que de l’effectuable. »

Ainsi, l’Eglise n’est pas à mes yeux cette instance que trop souvent on caricature en gardienne des bonnes mœurs. Elle est cette source d’incertitude qui parcourt toute vie, et qui fait du dialogue, de la question, de la quête, le cœur même du sens, même parmi ceux qui ne croient pas.

C’est pour cela que le premier don que je vous demande est celui de l’humilité du questionnement, le don de cette sagesse qui trouve son enracinement de la question de l’homme et donc dans les questions que l’homme se pose.

Car c’est cela l’Eglise à son meilleur ; c’est celle qui dit : frappez et l’on vous ouvrira, qui se pose en recours et en voix amie dans un monde où le doute, l’incertain, le changeant sont de règle ; où le sens toujours échappe et toujours se reconquiert ; c’est une église dont je n’attends pas des leçons mais plutôt cette sagesse d’humilité face en particulier à ces deux sujets que vous avez souhaité évoquer et que je viens d’esquisser en réponse parce que nous ne pouvons avoir qu’un horizon commun et en cherchant chaque jour à faire du mieux, à accepter au fond la part « d’intranquillité » irréductible qui va avec notre action.

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Questionner, ce n’est pas pour autant refuser d’agir ; c’est au contraire tenter de rendre l’action conforme à des principes qui la précèdent et la fondent et c’est cette cohérence entre pensée et action qui fait la force de cet engagement que la France attend de vous. Ce deuxième don dont je souhaitais vous parler.

Ce qui grève notre pays – j’ai déjà eu l’occasion de le dire – ce n’est pas seulement la crise économique, c’est le relativisme ; c’est même le nihilisme ; c’est tout ce qui laisse à penser que cela n’en vaut pas la peine. Pas la peine d’apprendre, pas la peine de travailler et surtout pas la peine de tendre la main et de s’engager au service de plus grands que soit. Le système, progressivement, a enfermé nos concitoyens dans « l’à quoi bon » en ne rémunérant plus vraiment le travail ou plus tout à fait, en décourageant l’initiative, en protégeant mal les plus fragiles, en assignant à résidence les plus défavorisés et en considérant que l’ère postmoderne dans laquelle nous étions collectivement arrivés, était l’ère du grand doute qui permettait de renoncer à toute absolu.

C’est dans ce contexte de décrue des solidarités et de l’espoir que les catholiques se sont massivement tournés vers l’action associative, vers l’engagement. Vous êtes aujourd’hui une composante majeure de cette partie de la Nation qui a décidé de s’occuper de l’autre partie – nous en avons vu des témoignages très émouvants tout à l’heure – celle des malades, des isolés, des déclassés, des vulnérables, des abandonnés, des handicapés, des prisonniers, quelle que soit leur appartenance ethnique ou religieuse.BATAILLE appelait ça « la part maudite » dans un terme qui a parfois été dénaturé mais qui est la part essentielle d’une société parce que c’est à cela qu’une société, qu’une famille, qu’une vie se juge… à sa capacité à reconnaître celle ou celui qui a eu un parcours différent, un destin différent et à s’engager pour lui. Les Français ne mesurent pas toujours cette mutation de l’engagement catholique ; vous êtes passés des activités de travailleurs sociaux à celles de militants associatifs se tenant auprès de la part fragile de notre pays, que les associations où les catholiques s’engagent soient explicitement catholiques ou pas, comme les Restos du Cœur.

Je crains que les politiques ne se soient trop longtemps conduits comme si cet engagement était un acquis, comme si c’était normal, comme si le pansement ainsi posé par les catholiques et par tant d’autres sur la souffrance sociale, dédouanait d’une certaine impuissance publique.

Je voudrais saluer avec infiniment de respect toutes celles et tous ceux qui ont fait ce choix sans compter leur temps ni leur énergie et permettez-moi aussi de saluer tous ces prêtres et ces religieux qui de cet engagement ont fait leur vie et qui chaque jour dans les paroisses françaises accueillent, échangent, œuvrent au plus près de la détresse ou des malheurs ou partagent la joie des familles lors des événements heureux. Parmi eux se trouvent aussi des aumôniers aux armées ou dans nos prisons et je salue ici leurs représentants ; eux aussi sont des engagés. Et permettez-moi d’associer se faisant également tous les engagés des autres religions dont les représentants sont ici présents et qui partagent cette communauté d’engagement avec vous.

Cet engagement est vital pour la France et par-delà les appels, les injonctions, les interpellations que vous nous adressez pour nous dire de faire plus, de faire mieux, je sais, nous savons tous, que le travail que vous accomplissez, n’est pas un pis-aller mais une part du ciment même de notre cohésion nationale. Ce don de l’engagement n’est pas seulement vital, il est exemplaire. Mais je suis venu vous appeler à faire davantage encore car ce n’est pas un mystère, l’énergie consacrée à cet engagement associatif a été aussi largement soustrait à l’engagement politique.

Or je crois que la politique, si décevante qu’elle ait pu être aux yeux de certains, si desséchante parfois aux yeux d’autres, a besoin de l’énergie des engagés, de votre énergie. Elle a besoin de l’énergie de ceux qui donnent du sens à l’action et qui placent en son cœur une forme d’espérance. Plus que jamais, l’action politique a besoin de ce que la philosophe Simone WEIL appelait l’effectivité, c’est-à-dire cette capacité à faire exister dans le réel les principes fondamentaux qui structurent la vie morale, intellectuelle et dans le cas des croyances spirituelles.

C’est ce qu’ont apporté à la politique française les grandes figures que sont le Général de GAULLE, Georges BIDAULT, Robert SCHUMAN, Jacques DELORS ou encore les grandes consciences françaises qui ont éclairé l’action politique comme CLAVEL, MAURIAC, LUBAC ou MARROU et ce n’est pas une pratique théocratique ni une conception religieuse du pouvoir qui s’est fait jour mais une exigence chrétienne importée dans le champ laïc de la politique. Cette place aujourd’hui est à prendre non parce qu’il faudrait à la politique française son quota de catholiques, de protestants, de juifs ou de musulmans, non, ni parce que les responsables politiques de qualité ne se recruteraient que dans les rangs des gens de foi, mais parce que cette flamme commune dont je parlais tout à l’heure à propos d’Arnaud BELTRAME, fait partie de notre histoire et de ce qui toujours a guidé notre pays. Le retrait ou la mise sous le boisseau de cette lumière n’est pas une bonne nouvelle.

C’est pourquoi, depuis le point de vue qui est le mien, un point de vue de chef d’Etat, un point de vue laïc, je dois me soucier que ceux qui travaillent au cœur de la société française, ceux qui s’engagent pour soigner ses blessures et consoler ses malades, aient aussi une voix sur la scène politique, sur la scène politique nationale comme sur la scène politique européenne. Ce à quoi je veux vous appeler ce soir, c’est à vous engager politiquement dans notre débat national et dans notre débat européen car votre foi est une part d’engagement dont ce débat a besoin et parce que, historiquement, vous l’avez toujours nourri car l’effectivité implique de ne pas déconnecter l’action individuelle de l’action politique et publique.

A ce propos, il me faut rappeler la clarté parfaite du texte proposé par la Conférence des évêques en novembre 2016 en vue de l’élection présidentielle, intitulé « Retrouver le sens du politique ». J’avais fondé En Marche quelques mois plus tôt et sans vouloir engager, Monseigneur, une querelle de droits d’auteur, j’y ai lu cette phrase dont la consonance avec ce qui a guidé mon engagement, m’a alors frappé ; il y était ainsi écrit – je cite – « Nous ne pouvons pas laisser notre pays voir ce qui le fonde, risquer de s’abîmer gravement, avec toutes les conséquences qu’une société divisée peut connaître ; c’est à un travail de refondation auquel il nous faut ensemble nous atteler ».

Recherche du sens, de nouvelles solidarités mais aussi espoir dans l’Europe ; ce document énumère tout ce qui peut porter un citoyen à s’engager et s’adresse aux catholiques en liant avec simplicité la foi à l’engagement politique par cette formule que je cite : « Le danger serait d’oublier ce qui nous a construits ou à l’inverse, de rêver du retour à un âge d’or imaginaire ou d’aspirer à une église de purs et à une contre-culture située en dehors du monde, en position de surplomb et de juges ».

Depuis trop longtemps, le champ politique était devenu un théâtre d’ombres et aujourd’hui encore, le récit politique emprunte trop souvent aux schémas les plus éculés et les plus réducteurs, semblant ignorer le souffle de l’histoire et ce que le retour du tragique dans notre monde contemporain exige de nous.

Je pense pour ma part que nous pouvons construire une politique effective, une politique qui échappe au cynisme ordinaire pour graver dans le réel ce qui doit être le premier devoir du politique, je veux dire la dignité de l’homme.

Je crois en un engagement politique qui serve cette dignité, qui la reconstruise où elle a été bafouée, qui la préserve où elle est menacée, qui en fasse le trésor véritable de chaque citoyen. Je crois dans cet engagement politique qui permet de restaurer la première des dignités, celle de pouvoir vivre de son travail. Je crois dans cet engagement politique qui permet de redresser la dignité la plus fondamentale, la dignité des plus fragiles ; celle qui justement ne se résout à aucune fatalité sociale – et vous en avez été des exemples magnifiques tous les six à l’instant – et qui considère que faire œuvre politique et d’engagement politique, c’est aussi changer les pratiques là où on est de la société et son regard.

Les six voix que nous avons entendues au début de cette soirée, ce sont six voix d’un engagement qui a en lui une forme d’engagement politique, qui suppose qu’il n’est qu’à poursuivre ce chemin pour trouver aussi d’autres débouchés, mais où à chaque fois j’ai voulu lire ce refus d’une fatalité, cette volonté de s’occuper de l’autre et surtout cette volonté, par la considération apportée, d’une conversion des regards ; c’est cela l’engagement dans une société ; c’est donner de son temps, de son énergie, c’est considérer que la société n’est pas un corps mort qui ne serait modifiable que par des politiques publiques ou des textes, ou qui ne serait soumise qu’à la fatalité des temps ; c’est que tout peut être changé si on décide de s’engager, de faire et par son action de changer son regard ; par son action, de donner une chance à l’autre mais aussi de nous révéler à nous-mêmes, que cet autre transforme.

On parle beaucoup aujourd’hui d’inclusivité ; ce n’est pas un très joli mot et je ne suis pas sûr qu’il soit toujours compris par toutes et tous. Mais il veut dire cela ; ce que nous tentons de faire sur l’autisme, sur le handicap, ce que je veux que nous poursuivions pour restaurer la dignité de nos prisonniers, ce que je veux que nous poursuivions pour la dignité des plus fragiles dans notre société, c’est de simplement considérer qu’il y a toujours un autre à un moment donné de sa vie, pour des raisons auxquelles il peut quelque chose ou auxquelles il ne peut rien, qui a avant tout quelque chose à apporter à la société. Allez voir une classe ou une crèche où nous étions il y a quelques jours, où l’on place des jeunes enfants ayant des troubles autistiques et vous verrez ce qu’ils apportent aux autres enfants ; et je vous le dis Monsieur, ne pensez pas simplement qu’on vous aide… nous avons vu tout à l’heure dans l’émotion de votre frère tout ce que vous lui avez apporté et qu’aucun autre n’aurait pu apporter. Cette conversion du regard, seul l’engagement la rend possible et au cœur de cet engagement, une indignation profonde, humaniste, éthique et notre société politique en a besoin. Et cet engagement que vous portez, j’en ai besoin pour notre pays comme j’en ai besoin pour notre Europe parce que notre principal risque aujourd’hui, c’est l’anomie, c’est l’atonie, c’est l’assoupissement.

Nous avons trop de nos concitoyens qui pensent que ce qui est acquis, est devenu naturel ; qui oublient les grands basculement auxquels notre société et notre continent sont aujourd’hui soumis ; qui veulent penser que cela n’a jamais été autrement, oubliant que notre Europe ne vit qu’au début d’une parenthèse dorée qui n’a qu’un peu plus de 70 ans de paix, elle qui toujours avait été bousculée par les guerres ; où trop de nos concitoyens pensent que la fraternité dont on parle, c’est une question d’argent public et de politique publique et qu’ils n’y auraient pas leur part indispensable.

Tous ces combats qui sont au cœur de l’engagement politique contemporain, les parlementaires ici présents les portent dans leur part de vérité, qu’il s’agisse de lutter contre le réchauffement climatique, de lutter pour une Europe qui protège et qui revisite ses ambitions, pour une société plus juste. Mais ils ne seront pas possibles si à tous les niveaux de la société, ils ne sont accompagnés d’un engagement politique profond ; un engagement politique auquel j’appelle les catholiques pour notre pays et pour notre Europe.

Le don de l’engagement que je vous demande, c’est celui-ci : ne restez pas au seuil, ne renoncez pas à la République que vous avez si fortement contribué à forger ; ne renoncez pas à cette Europe dont vous avez nourri le sens ; ne laissez pas en friche les terres que vous avez semées ; ne retirez pas à la République la rectitude précieuse que tant de fidèles anonymes apportent à leur vie de citoyens. Il y a au cœur de cet engagement dans notre pays a besoin la part d’indignation et de confiance dans l’avenir que vous pouvez apporter.

Cependant, pour vous rassurer, ce n’est pas un enrôlement que je suis venu vous proposer et je suis même venu vous demander un troisième don que vous pouvez faire à la Nation, c’est précisément celui de votre liberté.

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Partager le chemin, ce n’est pas toujours marcher du même pas ; je me souviens de ce joli texte où Emmanuel MOUNIER explique que l’Eglise en politique a toujours été à la fois en avance et en retard, jamais tout à fait contemporaine, jamais tout à fait de son temps ; cela fait grincer quelques dents mais il faut accepter ce contretemps ; il faut accepter que tout dans notre monde n’obéisse pas au même rythme et la première liberté dont l’Eglise peut faire don, c’est d’être intempestive.

Certains la trouveront réactionnaire ; d’autres sur d’autres sujets bien trop audacieuse. Je crois simplement qu’elle doit être un de ces points fixes dont notre humanité a besoin au creux de ce monde devenu oscillant, un de ces repères qui ne cèdent pas à l’humeur des temps. C’est pourquoi Monseigneur, Mesdames et Messieurs, il nous faudra vivre cahin-caha avec votre côté intempestif et la nécessité que j’aurai d’être dans le temps du pays. Et c’est ce déséquilibre constant que nous ferons ensemble cheminer.

« La vie active, disait GREGOIRE, est service ; la vie contemplative est une liberté ». Je voudrais ce soir en rappelant l’importance de cette part intempestive et de ce point fixe que vous pouvez représenter, je voudrais ce soir avoir une pensée pour toutes celles et tous ceux qui se sont engagés dans une vie recluse ou une vie communautaire, une vie de prière et de travail. Même si elle semble pour certains à contretemps, ce type de vie est aussi l’exercice d’une liberté ; elle démontre que le temps de l’église n’est pas celui du monde et certainement pas celui de la politique telle qu’elle va – et c’est très bien ainsi.

Ce que j’attends que l’Eglise nous offre, c’est aussi sa liberté de parole.

Nous avons parlé des alertes lancées par les associations et par l’épiscopat ; je songe aussi aux monitions du pape qui trouve dans une adhésion constante au réel de quoi rappeler les exigences de la condition humaine ; cette liberté de parole dans une époque où les droits font florès, présente souvent la particularité de rappeler les devoirs de l’homme envers soi-même, son prochain ou envers notre planète.La simple mention des devoirs qui s’imposent à nous est parfois irritante ; cette voix qui sait dire ce qui fâche, nos concitoyens l’entendent même s’ils sont éloignés de l’Eglise. C’est une voix qui n’est pas dénuée de cette « ironie parfois tendre, parfois glacée » dont parlait Jean GROSJEAN dans son commentaire de Paul, une foi qui sait comme peu d’autres subvertir les certitudes jusque dans ses rangs. Cette voix qui se fait tantôt révolutionnaire, tantôt conservatrice, souvent les deux à la fois, comme le disait LUBAC dans ses « Paradoxes », est importante pour notre société.

Il faut être très libre pour oser être paradoxal et il faut être paradoxal pour être vraiment libre. C’est ce que nous rappellent les meilleurs écrivains catholiques, de Maurice CLAVEL à Alexis JENNI, de Georges BERNANOS à Sylvie GERMAIN, de Paul CLAUDEL à François SUREAU ; de François MAURIAC à Florence DELAY, de Julien GREEN à Christiane RANCE. Dans cette liberté de parole, de regard qui est la leur, nous trouvons une part de ce qui peut éclairer notre société.

Et dans cette liberté de parole, je range la volonté de l’Eglise d’initier, d’entretenir et de renforcer le libre dialogue avec l’islam dans le monde a tant besoin et que vous avez évoqué.

Car il n’est pas de compréhension de l’islam qui ne passe par des clercs comme il n’est pas de dialogue interreligieux sans les religions. Ces lieux en sont le témoin ; le pluralisme religieux est une donnée fondamentale de notre temps. Monseigneur LUSTIGER en avait eu l’intuition forte lorsqu’il a voulu faire revivre le Collège des Bernardins pour accueillir tous les dialogues. L’Histoire lui a donné raison. Il n’y a pas plus urgent aujourd’hui qu’accroître la connaissance mutuelle des peuples, des cultures, des religions ; il n’y a d’autres moyens pour cela que la rencontre par la voix mais aussi par les livres, par le travail partagé ; toutes choses dont Benoît XVI avait raconté l’enracinement dans la pensée cistercienne lors de son passage ici en 2008.

Ce partage s’exerce en pleine liberté, chacun dans ses termes et ses références ; il est le socle indispensable du travail que l’Etat de son côté doit mener pour penser toujours à nouveaux frais, la place des religions dans la société et la relation entre religion, société et puissance publique. Et pour cela, je compte beaucoup sur vous, sur vous tous, pour nourrir ce dialogue et l’enraciner dans notre histoire commune qui a ses particularités mais dont la particularité est d’avoir justement toujours attaché à la Nation française cette capacité à penser les universels.

Ce partage, ce travail nous le menons résolument après tant d’années d’hésitations ou de renoncements et les mois à venir seront décisifs à cet égard.

Ce partage que vous entretenez est d’autant plus important que les chrétiens payent de leur vie leur attachement au pluralisme religieux. Je pense aux chrétiens d’Orient.

Le politique partage avec l’Eglise la responsabilité de ces persécutés car non seulement nous avons hérité historiquement du devoir de les protéger mais nous savons que partout où ils sont, ils sont l’emblème de la tolérance religieuse. Je tiens ici à saluer le travail admirable accompli par des mouvements comme l’Œuvre d’Orient, Caritas France et la communauté Sant’Egidio pour permettre l’accueil sur le territoire national des familles réfugiées, pour venir en aide sur place, avec le soutien de l’Etat.

Comme je l’ai dit lors de l’inauguration de l’exposition « Chrétiens d’Orient » à l’Institut du Monde arabe le 25 septembre dernier, l’avenir de cette partie du monde ne se fera pas sans la participation de toutes les minorités, de toutes les religions et en particulier les chrétiens d’Orient. Les sacrifier, comme le voudraient certains, les oublier, c’est être sûr qu’aucune stabilité, aucun projet, ne se construira dans la durée dans cette région.

Il est enfin une dernière liberté dont l’Eglise doit nous faire don, c’est de la liberté spirituelle

Car nous ne sommes pas faits pour un monde qui ne serait traversé que de buts matérialistes. Nos contemporains ont besoin, qu’ils croient ou ne croient pas, d’entendre parler d’une autre perspective sur l’homme que la perspective matérielle.

Ils ont besoin d’étancher une autre soif, qui est une soif d’absolu. Il ne s’agit pas ici de conversion mais d’une voix qui, avec d’autres, ose encore parler de l’homme comme d’un vivant doté d’esprit. Qui ose parler d’autre chose que du temporel, mais sans abdiquer la raison ni le réel. Qui ose aller dans l’intensité d’une espérance, et qui, parfois, nous fait toucher du doigt ce mystère de l’humanité qu’on appelle la sainteté, dont le Pape François dit dans l’exhortation parue ce jour qu’elle est « le plus beau visage de l’Eglise ».

Cette liberté, c’est celle d’être vous-mêmes sans chercher à complaire ni à séduire. Mais en accomplissant votre œuvre dans la plénitude de son sens, dans la règle qui lui est propre et qui depuis toujours nous vaut des pensées fortes, une théologie humaine, une Eglise qui sait guider les plus fervents comme les non-baptisés, les établis comme les exclus.

Je ne demanderai à aucun de nos concitoyens de ne pas croire ou de croire modérément. Je ne sais pas ce que cela veut dire. Je souhaite que chacun de nos concitoyens puisse croire à une religion, une philosophie qui sera la sienne, une forme de transcendance ou pas, qu’il puisse le faire librement mais que chacune de ces religions, de ces philosophies puisse lui apporter ce besoin au plus profond de lui-même d’absolu.

Mon rôle est de m’assurer qu’il ait la liberté absolue de croire comme de ne pas croire mais je lui demanderai de la même façon et toujours de respecter absolument et sans compromis aucun toutes les lois de la République. C’est cela la laïcité ni plus ni moins, une règle d’airain pour notre vie ensemble qui ne souffre aucun compromis, une liberté de conscience absolue et cette liberté spirituelle que je viens d’évoquer.

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« Une Eglise triomphant parmi les hommes ne devrait-elle pas s’inquiéter d’avoir déjà tout compromis de son élection en ayant passé un compromis avec le monde ? »

Cette interrogation n’est pas mienne, ce sont mots de Jean-Luc MARION qui devraient servir de baume à l’Eglise et aux catholiques aux heures de doute sur la place des catholiques en France, sur l’audience de l’Eglise, sur la considération qui leur est accordée.

L’Eglise n’est pas tout à fait du monde et n’a pas à l’être. Nous qui sommes aux prises avec le temporel le savons et ne devons pas essayer de l’y entraîner intégralement, pas plus que nous ne devons le faire avec aucune religion. Ce n’est ni notre rôle ni leur place.

Mais cela n’exclut pas la confiance et cela n’exclut pas le dialogue. Surtout, cela n’exclut pas la reconnaissance mutuelle de nos forces et de nos faiblesses, de nos imperfections institutionnelles et humaines.

Car nous vivons une époque où l’alliance des bonnes volontés est trop précieuse pour tolérer qu’elles perdent leur temps à se juger entre elles. Nous devons, une bonne fois pour toutes, admettre l’inconfort d’un dialogue qui repose sur la disparité de nos natures, mais aussi admettre la nécessité de ce dialogue car nous visons chacun dans notre ordre à des fins communes, qui sont la dignité et le sens.

Certes, les institutions politiques n’ont pas les promesses de l’éternité ; mais l’Eglise elle-même ne peut risquer avant le temps de faucher à la fois le bon grain et l’ivraie. Et dans cet entre-deux où nous sommes, où nous avons reçu la charge de l’héritage de l’homme et du monde, oui, si nous savons juger les choses avec exactitude, nous pourrons accomplir de grandes choses ensemble.

C’est peut-être assigner là à l’Eglise de France une responsabilité exorbitante, mais elle est à la mesure de notre histoire, et notre rencontre ce soir atteste, je crois, que vous y êtes prêts.

Monseigneur, Mesdames et Messieurs, sachez en tout cas que j’y suis prêt aussi.

Je vous remercie.