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La valorisation ultra du catholicisme par Emmanuel Macron chez les Évêques de France

Le discours d’Emmanuel Macron devant les évêques de France, il y a quelques jours, a provoqué de nombreuses réactions, parce que le président de la République a parlé de rétablir le « lien » du pays avec l’Église catholique romaine. C’est la laïcité qui aurait été remise en cause.

Cela est erroné. La laïcité n’est qu’un compromis historique. Et, historiquement, il ne peut pas y avoir de compromis entre la Gauche et les religions, qui ne sont que des superstitions, des mensonges.

Naturellement, le contexte historique des religions est à comprendre : nier qu’elles aient apporté quelque chose serait ridicule. Une position anarchiste serait absurde. Cependant, il serait tout aussi absurde de ne pas affirmer que les religions ont fait leur temps.

Or, comme Emmanuel Macron est en même temps un libéral et un conservateur – ce qui n’est pas une contradiction, car le capitalisme libère le marché mais enferme le pays dans une communauté aliénée, consommatrice, aux personnalités déformées -, il a besoin des religions.

En particulier du catholicisme : il n’a pas hésité à parler des « liens les plus indestructibles entre la nation française et le catholicisme », de « la sève catholique » qui contribue à faire vivre la nation. On est ici dans l’idéologie de Charles Péguy, de Charles Maurras, de Georges Bernanos, mais également d’Emmanuel Mounier que, bien entendu, Emmanuel Macron a nommé.

Car le catholicisme et sa focalisation sur l’individu intégré à une communauté correspond tout à fait au capitalisme où le consommateur est encadré. Rien à voir avec le protestantisme et les Lumières où c’est la personne qui assume des choix moraux, porte la civilisation dans chacun de ses actes.

Le catholicisme est par définition un mysticisme, où l’existence humaine est un mystère hiérarchisé, avec l’Église reproduisant la hiérarchie céleste. Il n’y a plus rien à en tirer, depuis le développement des villes, depuis la fin du moyen-âge.

Il n’y pas d’humanisme catholique, c’est une absurdité, prétendre que l’Église a une portée universelle est mensonger. Emmanuel Macron se conforme à ce mensonge, en disant par exemple, avec un lyrisme quasi mystique, au sujet des débats bioéthiques :

« C’est pourquoi en écoutant l’Eglise sur ces sujets, nous ne haussons pas les épaules. Nous écoutons une voix qui tire sa force du réel et sa clarté d’une pensée où la raison dialogue avec une conception transcendante de l’homme. Nous l’écoutons avec intérêt, avec respect et même nous pouvons faire nôtres nombre de ses points. Mais cette voix de l’Eglise, nous savons au fond vous et moi qu’elle ne peut être injonctive. Parce qu’elle est faite de l’humilité de ceux qui pétrissent le temporel. Elle ne peut dès lors être que questionnante. »

On a également droit à une citation de Pascal, ce mystique délirant, un ultra-religieux sectaire comme ce n’est pas permis, faisant partie du jansénisme :

« Vénérable parce qu’elle a bien connu l’homme », dit PASCAL de la religion chrétienne.

En réalité, il parlait du catholicisme, promettant l’enfer aux autres, et même aux mauvais catholiques. C’est un exemple, parmi tant d’autres, de ces contorsions nécessaires pour faire du catholicisme, qu’il faut supprimer comme toutes les religions, quelque chose apportant quelque chose.

Emmanuel Macron y croit-il vraiment ? Vu qu’il cite Georges Bataille, ce mystique semi-surréaliste cherchant Dieu sans y croire, en quête de transcendance par la transgression, c’est sans doute que c’est un « moderne » : un libéral pour qui l’Église est quelque chose de pas assez branchée, mais pourtant nécessaire.

Comme toutes les personnes imbriquées dans les classes dominantes, il ne peut pas assumer l’athéisme, et l’Église est si utile de par sa dimension réactionnaire !

Transcription du discours du Président de la République devant les Evêques de France

Collège des Bernardins – Lundi 9 avril 2018

Monsieur le Ministre d’Etat,

Mesdames les ministres,

Mesdames, messieurs les parlementaires,

Monsieur le Nonce,

Mesdames et messieurs les ambassadeurs,

Mesdames et messieurs les responsables des cultes,

Monseigneur,

Mesdames et Messieurs,

Je vous remercie vivement, Monseigneur, et je remercie la Conférence des Evêques de France de cette invitation à m’exprimer ici ce soir, en ce lieu si particulier et si beau du Collège des Bernardins, dont je veux aussi remercier les responsables et les équipes.

Pour nous retrouver ici ce soir, Monseigneur, nous avons, vous et moi bravé, les sceptiques de chaque bord. Et si nous l’avons fait, c’est sans doute que nous partageons confusément le sentiment que le lien entre l’Eglise et l’Etat s’est abîmé, et qu’il nous importe à vous comme à moi de le réparer.

Pour cela, il n’est pas d’autre moyen qu’un dialogue en vérité.

Ce dialogue est indispensable, et si je devais résumer mon point de vue, je dirais qu’une Eglise prétendant se désintéresser des questions temporelles n’irait pas au bout de sa vocation ; et qu’un président de la République prétendant se désintéresser de l’Eglise et des catholiques manquerait à son devoir.

L’exemple du colonel BELTRAME par lequel, Monseigneur, vous venez d’achever votre propos, illustre ce point de vue d’une manière que je crois éclairante.

Beaucoup, lors de la journée tragique du 23 mars, ont cherché à nommer les ressorts secrets de son geste héroïque : les uns y ont vu l’acceptation du sacrifice ancrée dans sa vocation militaire ; les autres y ont vu la manifestation d’une fidélité républicaine nourrie par son parcours maçonnique ; d’autres enfin, et notamment son épouse, ont interprété son acte comme la traduction de sa foi catholique ardente, prête à l’épreuve suprême de la mort.

Ces dimensions en réalité sont tellement entrelacées qu’il est impossible de les démêler, et c’est même inutile, car cette conduite héroïque c’est la vérité d’un homme dans toute sa complexité qui s’est livrée.

Mais dans ce pays de France qui ne ménage pas sa méfiance à l’égard des religions, je n’ai pas entendu une seule voix se lever pour contester cette évidence, gravée au cœur de notre imaginaire collectif et qui est celle-ci : lorsque vient l’heure de la plus grande intensité, lorsque l’épreuve commande de rassembler toutes les ressources qu’on a en soi au service de la France, la part du citoyen et la part du catholique brûlent, chez le croyant véritable, d’une même flamme.

Je suis convaincu que les liens les plus indestructibles entre la nation française et le catholicisme se sont forgés dans ces moments où est vérifiée la valeur réelle des hommes et des femmes. Il n’est pas besoin de remonter aux bâtisseurs de cathédrales et à Jeanne d’Arc : l’histoire récente nous offre mille exemples, depuis l’Union Sacrée de 1914 jusqu’aux résistants de 40, des Justes aux refondateurs de la République, des Pères de l’Europe aux inventeurs du syndicalisme moderne, de la gravité éminemment digne qui suivit l’assassinat du Père HAMEL à la mort du colonel BELTRAME, oui, la France a été fortifiée par l’engagement des catholiques.

Disant cela, je ne m’y trompe pas. Si les catholiques ont voulu servir et grandir la France, s’ils ont accepté de mourir, ce n’est pas seulement au nom d’idéaux humanistes. Ce n’est pas au nom seulement d’une morale judéo-chrétienne sécularisée. C’est aussi parce qu’ils étaient portés par leur foi en Dieu et par leur pratique religieuse.

Certains pourront considérer que de tels propos sont en infraction avec la laïcité. Mais après tout, nous comptons aussi des martyrs et des héros de toute confession et notre histoire récente nous l’a encore montré, et y compris des athées, qui ont trouvé au fond de leur morale les sources d’un sacrifice complet.Reconnaître les uns n’est pas diminuer les autres, et je considère que la laïcité n’a certainement pas pour fonction de nier le spirituel au nom du temporel, ni de déraciner de nos sociétés la part sacrée qui nourrit tant de nos concitoyens.

Je suis, comme chef de l’Etat, garant de la liberté de croire et de ne pas croire, mais je ne suis ni l’inventeur ni le promoteur d’une religion d’Etat substituant à la transcendance divine un credo républicain.

M’aveugler volontairement sur la dimension spirituelle que les catholiques investissent dans leur vie morale, intellectuelle, familiale, professionnelle, sociale, ce serait me condamner à n’avoir de la France qu’une vue partielle ; ce serait méconnaître le pays, son histoire, ses citoyens ; et affectant l’indifférence, je dérogerais à ma mission. Et cette même indifférence, je ne l’ai pas davantage à l’égard de toutes les confessions qui aujourd’hui habitent notre pays.

Et c’est bien parce que je ne suis pas indifférent, que je perçois combien le chemin que l’Etat et l’Eglise partagent depuis si longtemps, est aujourd’hui semé de malentendus et de défiance réciproques.

Ce n’est certes pas la première fois dans notre histoire. Il est de la nature de l’Eglise d’interroger constamment son rapport au politique, dans cette hésitation parfaitement décrite par MARROU dans sa Théologie de l’histoire, et l’histoire de France a vu se succéder des moments où l’Eglise s’installait au cœur de la cité, et des moments où elle campait hors-les-murs.

Mais aujourd’hui, dans ce moment de grande fragilité sociale, quand l’étoffe même de la nation risque de se déchirer, je considère de ma responsabilité de ne pas laisser s’éroder la confiance des catholiques à l’égard de la politique et des politiques. Je ne puis me résoudre à cette déprise. Et je ne saurais laisser s’aggraver cette déception.

C’est d’autant plus vrai que la situation actuelle est moins le fruit d’une décision de l’Eglise que le résultat de plusieurs années pendant lesquelles les politiques ont profondément méconnu les catholiques de France.

Ainsi, d’un côté, une partie de la classe politique a sans doute surjoué l’attachement aux catholiques, pour des raisons qui n’étaient souvent que trop évidemment électoralistes. Ce faisant, on a réduit les catholiques à cet animal étrange qu’on appelle l’« électorat catholique » et qui est en réalité une sociologie.Et l’on a ainsi fait le lit d’une vision communautariste contredisant la diversité et la vitalité de l’Eglise de France, mais aussi l’aspiration du catholicisme à l’universel – comme son nom l’indique – au profit d’une réduction catégorielle assez médiocre.

Et de l’autre côté, on a trouvé toutes les raisons de ne pas écouter les catholiques, les reléguant par méfiance acquise et par calcul au rang de minorité militante contrariant l’unanimité républicaine.

Pour des raisons à la fois biographiques, personnelles et intellectuelles, je me fais une plus haute idée des catholiques. Et il ne me semble ni sain ni bon que le politique se soit ingénié avec autant de détermination soit à les instrumentaliser, soit à les ignorer, alors que c’est d’un dialogue et d’une coopération d’une toute autre tenue, d’une contribution d’un tout autre poids à la compréhension de notre temps et à l’action dont nous avons besoin pour faire que les choses évoluent dans le bon sens.

C’est ce que votre belle allocution a bien montré, Monseigneur. Les préoccupations que vous soulevez – et je tâcherai pour quelques-unes d’y répondre ou d’y apporter un éclairage provisoire – ces préoccupations ne sont pas les fantasmes de quelques-uns. Les questions qui sont les vôtres ne se bornent pas aux intérêts d’une communauté restreinte. Ce sont des questions pour nous tous, pour toute la nation, pour notre humanité toute entière.

Ce questionnement intéresse toute la France non parce qu’il est spécifiquement catholique, mais parce qu’il repose sur une idée de l’homme, de son destin, de sa vocation, qui sont au cœur de notre devenir immédiat. Parce qu’il entend offrir un sens et des repères à ceux qui trop souvent en manquent.

C’est parce que j’entends faire droit à ces interrogations que je suis ici ce soir. Et pour vous demander solennellement de ne pas vous sentir aux marches de la République, mais de retrouver le goût et le sel du rôle que vous y avez toujours joué.

Je sais que l’on a débattu comme du sexe des anges des racines chrétiennes de l’Europe. Et que cette dénomination a été écartée par les parlementaires européens. Mais après tout, l’évidence historique se passe parfois de tels symboles. Et surtout, ce ne sont pas les racines qui nous importent, car elles peuvent aussi bien être mortes. Ce qui importe, c’est la sève. Et je suis convaincu que la sève catholique doit contribuer encore et toujours à faire vivre notre nation.

C’est pour tenter de cerner cela que je suis ici ce soir. Pour vous dire que la République attend beaucoup de vous. Elle attend très précisément si vous m’y autorisez que vous lui fassiez trois dons : le don de votre sagesse ; le don de votre engagement et le don de votre liberté.

*

* *

L’urgence de notre politique contemporaine, c’est de retrouver son enracinement dans la question de l’homme ou, pour parler avec MOUNIER, de la personne. Nous ne pouvons plus, dans le monde tel qu’il va, nous satisfaire d’un progrès économique ou scientifique qui ne s’interroge pas sur son impact sur l’humanité et sur le monde. C’est ce que j’ai essayé d’exprimer à la tribune des Nations unies à New York, mais aussi à Davos ou encore au Collège de France lorsque j’y ai parlé d’intelligence artificielle : nous avons besoin de donner un cap à notre action, et ce cap, c’est l’homme.

Or il n’est pas possible d’avancer sur cette voie sans croiser le chemin du catholicisme, qui depuis des siècles creuse patiemment ce questionnement. Il le creuse dans son questionnement propre dans un dialogue avec les autres religions.

Questionnement qui lui donne la forme d’une architecture, d’une peinture, d’une philosophie, d’une littérature, qui toutes tentent, de mille manières, d’exprimer la nature humaine et le sens de la vie. « Vénérable parce qu’elle a bien connu l’homme », dit PASCAL de la religion chrétienne. Et certes, d’autres religions, d’autres philosophies ont creusé le mystère de l’homme. Mais la sécularisation ne saurait éliminer la longue tradition chrétienne.

Au cœur de cette interrogation sur le sens de la vie, sur la place que nous réservons à la personne, sur la façon dont nous lui conférons sa dignité, vous avez, Monseigneur, placé deux sujets de notre temps : la bioéthique et le sujet des migrants.

Vous avez ainsi établi un lien intime entre des sujets que la politique et la morale ordinaires auraient volontiers traités à part. Vous considérez que notre devoir est de protéger la vie, en particulier lorsque cette vie est sans défense. Entre la vie de l’enfant à naître, celle de l’être parvenu au seuil de la mort, ou celle du réfugié qui a tout perdu, vous voyez ce trait commun du dénuement, de la nudité et de la vulnérabilité absolue. Ces êtres sont exposés. Ils attendent tout de l’autre, de la main qui se tend, de la bienveillance qui prendra soin d’eux. Ces deux sujets mobilisent notre part la plus humaine et la conception même que nous nous faisons de l’humain et cette cohérence s’impose à tous.

Alors, j’ai entendu, Monseigneur, Mesdames et Messieurs, les inquiétudes montant du monde catholique et je veux ici tenter d’y répondre ou en tout cas de donner notre part de vérité et de conviction.

Sur les migrants, on nous reproche parfois de ne pas accueillir avec assez de générosité ni de douceur, de laisser s’installer des cas préoccupants dans les centres de rétention ou de refouler les mineurs isolés. On nous accuse même de laisser prospérer des violences policières.

Mais à dire vrai, que sommes-nous en train de faire ? Nous tentons dans l’urgence de mettre un terme à des situations dont nous avons hérité et qui se développent à cause de l’absence de règles, de leur mauvaise application, ou de leur mauvaise qualité – et je pense ici aux délais de traitement administratif mais aussi aux conditions d’octroi des titres de réfugiés.

Notre travail, celai que conduit chaque jour le ministre d’Etat, est de sortir du flou juridique des gens qui s’y égarent et qui espèrent en vain, qui tentent de reconstruire quelque chose ici, puis sont expulsés, cependant que d’autres, qui pourraient faire leur vie chez nous, souffrent de conditions d’accueil dégradées dans des centres débordés.

C’est la conciliation du droit et de l’humanité que nous tentons. Le Pape a donné un nom à cet équilibre, il l’a appelé « prudence », faisant de cette vertu aristotélicienne celle du gouvernant, confronté bien sûr à la nécessité humaine d’accueillir mais également à celle politique et juridique d’héberger et d’intégrer. C’est le cap de cet humanisme réaliste que j’ai fixé. Il y aura toujours des situations difficiles. Il y aura parfois des situations inacceptables et il nous faudra à chaque fois ensemble tout faire pour les résoudre.

Mais je n’oublie pas non plus que nous portons aussi la responsabilité de territoires souvent difficiles où ces réfugiés arrivent. Nous savons que les afflux de populations nouvelles plongent la population locale dans l’incertitude, la poussent vers des options politiques extrêmes, déclenchent souvent un repli qui tient du réflexe de protection. Une forme d’angoisse quotidienne se fait jour qui crée comme une concurrence des misères.

Notre exigence est justement dans une tension éthique permanente de tenir ces principes, celui d’un humanisme qui est le nôtre et de ne rien renoncer en particulier pour protéger les réfugiés, c’est notre devoir moral et c’est inscrit dans notre Constitution ; nous engager clairement pour que l’ordre républicain soit maintenu et que cette protection des plus faibles ne signifie pas pour autant l’anomie et l’absence de discernement car il y a aussi des règles qu’il faudra faire valoir et pour que des places soient trouvées, comme c’était dit tout à l’heure, dans les centres d’hébergement, ou dans les situations les plus difficiles, il faut aussi accepter que prenant notre part de cette misère, nous ne pouvons pas la prendre tout entière sans distinction des situations et il nous faut aussi tenir la cohésion nationale du pays où parfois d’aucuns ne parlent plus de cette générosité que nous évoquons ce soir mais ne veulent voir que la part effrayante de l’autre, et nourrissent ce geste pour porter plus loin leur projet.

C’est bien parce que nous avons à tenir ces principes, parfois contradictoires, dans une tension constante, que j’ai voulu que nous portions cet humanisme réaliste et que je l’assume pleinement devant vous.

Là où nous avons besoin de votre sagesse c’est pour partout tenir ce discours d’humanisme réaliste c’est pour conduire à l’engagement de celles et ceux qui pourront nous aider et c’est d’éviter les discours du pire, la montée des peurs qui continueront de se nourrir de cette part de nous car les flux massifs dont vous avez parlé que j’évoquais à l’instant ne se tariront pas d’ici demain, ils sont le fruit de grands déséquilibres du monde.

Et qu’il s’agisse des conflits politiques, qu’il s’agisse de la misère économique et sociale ou des défis climatiques, ils continueront à alimenter dans les années et les décennies qui viennent des grandes migrations auxquelles nous serons confrontés et il nous faudra continuer à tenir inlassablement ce cap, à constamment tenter de tenir nos principes au réel et je ne cèderai en la matière ni aux facilités des uns ni aux facilités des autres. Car ce serait manquer à ma mission.

Sur la bioéthique, on nous soupçonne parfois de jouer un agenda caché, de connaître d’avance les résultats d’un débat qui ouvrira de nouvelles possibilités dans la procréation assistée, ouvrant la porte à des pratiques qui irrésistiblement s’imposeront ensuite, comme la Gestation Pour Autrui. Et certains se disent que l’introduction dans ces débats de représentants de l’Eglise catholique comme de l’ensemble des représentants des cultes comme je m’y suis engagé dès le début de mon mandat est un leurre, destiné à diluer la parole de l’Eglise ou à la prendre en otage.

Vous le savez, j’ai décidé que l’avis du Conseil consultatif national d’Ethique, Monsieur le président, n’était pas suffisant et qu’il fallait l’enrichir d’avis de responsables religieux. Et j’ai souhaité aussi que ce travail sur les lois bioéthiques que notre droit nous impose de revoir puisse être nourri d’un débat organisé par le CCNE mais où toutes les familles philosophiques religieuses, politiques, où notre société aura à s’exprimer de manière pleine et entière.

C’est parce que je suis convaincu que nous ne sommes pas là face à un problème simple qui pourrait se trancher par une loi seule mais nous sommes parfois face à des débats moraux, éthiques, profonds qui touchent au plus intime de chacun d’entre nous. J’entends l’Eglise lorsqu’elle se montre rigoureuse sur les fondations humaines de toute évolution technique ; j’entends votre voix lorsqu’elle nous invite à ne rien réduire à cet agir technique dont vous avez parfaitement montré les limites ; j’entends la place essentielle que vous donnez dans notre société, à la famille – aux familles, oserais-je dire -, j’entends aussi ce souci de savoir conjuguer la filiation avec les projets que des parents peuvent avoir pour leurs enfants.

Nous sommes aussi confrontés à une société où les formes de la famille évoluent radicalement, où le statut de l’enfant parfois se brouille et où nos concitoyens rêvent de fonder des cellules familiales de modèle traditionnel à partir de schémas familiaux qui le sont moins.

J’entends les recommandations que formulent les instances catholiques, les associations catholiques, mais là encore, certains principes énoncés par l’Eglise sont confrontés à des réalités contradictoires et complexes qui traversent les catholiques eux-mêmes ; tous les jours, tous les jours les mêmes associations catholiques et les prêtres accompagnent des familles monoparentales, des familles divorcées, des familles homosexuelles, des familles recourant à l’avortement, à la fécondation in vitro, à la PMA , des familles confrontées à l’état végétatif d’un des leurs, des familles où l’un croit et l’autre non, apportant dans la famille la déchirure des choix spirituels et moraux, et cela je le sais, c’est votre quotidien aussi.

L’Eglise accompagne inlassablement ces situations délicates et tente de concilier ces principes et le réel.C’est pourquoi je ne suis pas en train de dire que l’expérience du réel défait ou invalide les positions adoptées par l’église ; je dis simplement que là aussi il faut trouver la limite car la société est ouverte à tous les possibles, mais la manipulation et la fabrication du vivant ne peuvent s’étendre à l’infini sans remettre en cause l’idée même de l’homme et de la vie.

Ainsi le politique et l’Eglise partagent cette mission de mettre les mains dans la glaise du réel, de se

confronter tous les jours à ce que le temporel a, si j’ose dire, de plus temporel.

Et c’est souvent dur, compliqué, et exigeant et imparfait. Et les solutions ne viennent pas d’elles-mêmes.Elles naissent de l’articulation entre ce réel et une pensée, un système de valeur, une conception du monde. Elles sont bien souvent le choix du moindre mal, toujours précaire et cela aussi est exigeant et difficile.

C’est pourquoi en écoutant l’Eglise sur ces sujets, nous ne haussons pas les épaules. Nous écoutons une voix qui tire sa force du réel et sa clarté d’une pensée où la raison dialogue avec une conception transcendante de l’homme. Nous l’écoutons avec intérêt, avec respect et même nous pouvons faire nôtres nombre de ses points. Mais cette voix de l’Eglise, nous savons au fond vous et moi qu’elle ne peut être injonctive. Parce qu’elle est faite de l’humilité de ceux qui pétrissent le temporel. Elle ne peut dès lors être que questionnante. Et sur tous ces sujets et en particulier sur ces deux sujets que je viens d’évoquer, parce qu’ils se construisent en profondeur dans ces tensions éthiques entre nos principes, parfois nos idéaux et le réel, nous sommes ramenés à l’humilité profonde de notre condition.

L’Etat et l’Eglise appartiennent à deux ordres institutionnels différents, qui n’exercent pas leur mandat sur le même plan. Mais tous deux exercent une autorité et même une juridiction. Ainsi, nous avons chacun forgé nos certitudes et nous avons le devoir de les formuler clairement, pour établir des règles, car c’est notre devoir d’état. Aussi le chemin que nous partageons pourrait se réduire à n’être que le commerce de nos certitudes.

Mais nous savons aussi, vous comme nous, que notre tâche va au-delà. Nous savons qu’elle est de faire vivre le souffle de ce que nous servons, d’en faire grandir la flamme, même si c’est difficile et surtout si c’est difficile.

Nous devons constamment nous soustraire à la tentation d’agir en simples gestionnaires de ce qui nous a été confié. Et c’est pourquoi notre échange doit se fonder non sur la solidité de certaines certitudes, mais sur la fragilité de ce qui nous interroge, et parfois nous désempare. Nous devons oser fonder notre relation sur le partage de ces incertitudes, c’est-à-dire sur le partage des questions, et singulièrement des questions de l’homme.

C’est là que notre échange a toujours été le plus fécond : dans la crise, face à l’inconnu, face au risque, dans la conscience partagée du pas à franchir, du pari à tenter. Et c’est là que la nation s’est le plus souvent grandie de la sagesse de l’Eglise, car voilà des siècles et des millénaires que l’Eglise tente ses paris, et ose son risque. C’est par là qu’elle a enrichi la nation.

C’est cela, si vous m’y autorisez, la part catholique de la France. C’est cette part qui dans l’horizon séculier instille tout de même la question intranquille du salut, que chacun, qu’il croie ou ne croie pas, interprétera à sa manière, mais dont chacun pressent qu’elle met en jeu sa vie entière, le sens de cette vie, la portée qu’on lui donne et la trace qu’elle laissera.

Cet horizon du salut a certes totalement disparu de l’ordinaire des sociétés contemporaines, mais c’est un tort et l’on voit à bien à des signes qu’il demeure enfoui. Chacun a sa manière de le nommer, de le transformer, de le porter mais c’est tout à la fois la question du sens et de l’absolu dans nos sociétés, que l’incertitude du salut apporte à toutes les vies même les plus résolument matérielles comme un tremblé au sens pictural du terme, est une évidence.

Paul RICŒUR, si vous m’autorisez à le citer ce soir, a trouvé les mots justes dans une conférence prononcée à Amiens en 1967 : « maintenir un but lointain pour les hommes, appelons-le un idéal, en un sens moral, et une espérance, en un sens religieux».

Ce soir-là, face à un public où certains avaient la foi, d’autres non, Paul RICŒUR invita son auditoire à dépasser ce qu’il appela « la prospective sans perspective » avec cette formule qui, je n’en doute pas, nous réunira tous ici ce soir : « Viser plus, demander plus. C’est cela l’espoir ; il attend toujours plus que de l’effectuable. »

Ainsi, l’Eglise n’est pas à mes yeux cette instance que trop souvent on caricature en gardienne des bonnes mœurs. Elle est cette source d’incertitude qui parcourt toute vie, et qui fait du dialogue, de la question, de la quête, le cœur même du sens, même parmi ceux qui ne croient pas.

C’est pour cela que le premier don que je vous demande est celui de l’humilité du questionnement, le don de cette sagesse qui trouve son enracinement de la question de l’homme et donc dans les questions que l’homme se pose.

Car c’est cela l’Eglise à son meilleur ; c’est celle qui dit : frappez et l’on vous ouvrira, qui se pose en recours et en voix amie dans un monde où le doute, l’incertain, le changeant sont de règle ; où le sens toujours échappe et toujours se reconquiert ; c’est une église dont je n’attends pas des leçons mais plutôt cette sagesse d’humilité face en particulier à ces deux sujets que vous avez souhaité évoquer et que je viens d’esquisser en réponse parce que nous ne pouvons avoir qu’un horizon commun et en cherchant chaque jour à faire du mieux, à accepter au fond la part « d’intranquillité » irréductible qui va avec notre action.

*

* *

Questionner, ce n’est pas pour autant refuser d’agir ; c’est au contraire tenter de rendre l’action conforme à des principes qui la précèdent et la fondent et c’est cette cohérence entre pensée et action qui fait la force de cet engagement que la France attend de vous. Ce deuxième don dont je souhaitais vous parler.

Ce qui grève notre pays – j’ai déjà eu l’occasion de le dire – ce n’est pas seulement la crise économique, c’est le relativisme ; c’est même le nihilisme ; c’est tout ce qui laisse à penser que cela n’en vaut pas la peine. Pas la peine d’apprendre, pas la peine de travailler et surtout pas la peine de tendre la main et de s’engager au service de plus grands que soit. Le système, progressivement, a enfermé nos concitoyens dans « l’à quoi bon » en ne rémunérant plus vraiment le travail ou plus tout à fait, en décourageant l’initiative, en protégeant mal les plus fragiles, en assignant à résidence les plus défavorisés et en considérant que l’ère postmoderne dans laquelle nous étions collectivement arrivés, était l’ère du grand doute qui permettait de renoncer à toute absolu.

C’est dans ce contexte de décrue des solidarités et de l’espoir que les catholiques se sont massivement tournés vers l’action associative, vers l’engagement. Vous êtes aujourd’hui une composante majeure de cette partie de la Nation qui a décidé de s’occuper de l’autre partie – nous en avons vu des témoignages très émouvants tout à l’heure – celle des malades, des isolés, des déclassés, des vulnérables, des abandonnés, des handicapés, des prisonniers, quelle que soit leur appartenance ethnique ou religieuse.BATAILLE appelait ça « la part maudite » dans un terme qui a parfois été dénaturé mais qui est la part essentielle d’une société parce que c’est à cela qu’une société, qu’une famille, qu’une vie se juge… à sa capacité à reconnaître celle ou celui qui a eu un parcours différent, un destin différent et à s’engager pour lui. Les Français ne mesurent pas toujours cette mutation de l’engagement catholique ; vous êtes passés des activités de travailleurs sociaux à celles de militants associatifs se tenant auprès de la part fragile de notre pays, que les associations où les catholiques s’engagent soient explicitement catholiques ou pas, comme les Restos du Cœur.

Je crains que les politiques ne se soient trop longtemps conduits comme si cet engagement était un acquis, comme si c’était normal, comme si le pansement ainsi posé par les catholiques et par tant d’autres sur la souffrance sociale, dédouanait d’une certaine impuissance publique.

Je voudrais saluer avec infiniment de respect toutes celles et tous ceux qui ont fait ce choix sans compter leur temps ni leur énergie et permettez-moi aussi de saluer tous ces prêtres et ces religieux qui de cet engagement ont fait leur vie et qui chaque jour dans les paroisses françaises accueillent, échangent, œuvrent au plus près de la détresse ou des malheurs ou partagent la joie des familles lors des événements heureux. Parmi eux se trouvent aussi des aumôniers aux armées ou dans nos prisons et je salue ici leurs représentants ; eux aussi sont des engagés. Et permettez-moi d’associer se faisant également tous les engagés des autres religions dont les représentants sont ici présents et qui partagent cette communauté d’engagement avec vous.

Cet engagement est vital pour la France et par-delà les appels, les injonctions, les interpellations que vous nous adressez pour nous dire de faire plus, de faire mieux, je sais, nous savons tous, que le travail que vous accomplissez, n’est pas un pis-aller mais une part du ciment même de notre cohésion nationale. Ce don de l’engagement n’est pas seulement vital, il est exemplaire. Mais je suis venu vous appeler à faire davantage encore car ce n’est pas un mystère, l’énergie consacrée à cet engagement associatif a été aussi largement soustrait à l’engagement politique.

Or je crois que la politique, si décevante qu’elle ait pu être aux yeux de certains, si desséchante parfois aux yeux d’autres, a besoin de l’énergie des engagés, de votre énergie. Elle a besoin de l’énergie de ceux qui donnent du sens à l’action et qui placent en son cœur une forme d’espérance. Plus que jamais, l’action politique a besoin de ce que la philosophe Simone WEIL appelait l’effectivité, c’est-à-dire cette capacité à faire exister dans le réel les principes fondamentaux qui structurent la vie morale, intellectuelle et dans le cas des croyances spirituelles.

C’est ce qu’ont apporté à la politique française les grandes figures que sont le Général de GAULLE, Georges BIDAULT, Robert SCHUMAN, Jacques DELORS ou encore les grandes consciences françaises qui ont éclairé l’action politique comme CLAVEL, MAURIAC, LUBAC ou MARROU et ce n’est pas une pratique théocratique ni une conception religieuse du pouvoir qui s’est fait jour mais une exigence chrétienne importée dans le champ laïc de la politique. Cette place aujourd’hui est à prendre non parce qu’il faudrait à la politique française son quota de catholiques, de protestants, de juifs ou de musulmans, non, ni parce que les responsables politiques de qualité ne se recruteraient que dans les rangs des gens de foi, mais parce que cette flamme commune dont je parlais tout à l’heure à propos d’Arnaud BELTRAME, fait partie de notre histoire et de ce qui toujours a guidé notre pays. Le retrait ou la mise sous le boisseau de cette lumière n’est pas une bonne nouvelle.

C’est pourquoi, depuis le point de vue qui est le mien, un point de vue de chef d’Etat, un point de vue laïc, je dois me soucier que ceux qui travaillent au cœur de la société française, ceux qui s’engagent pour soigner ses blessures et consoler ses malades, aient aussi une voix sur la scène politique, sur la scène politique nationale comme sur la scène politique européenne. Ce à quoi je veux vous appeler ce soir, c’est à vous engager politiquement dans notre débat national et dans notre débat européen car votre foi est une part d’engagement dont ce débat a besoin et parce que, historiquement, vous l’avez toujours nourri car l’effectivité implique de ne pas déconnecter l’action individuelle de l’action politique et publique.

A ce propos, il me faut rappeler la clarté parfaite du texte proposé par la Conférence des évêques en novembre 2016 en vue de l’élection présidentielle, intitulé « Retrouver le sens du politique ». J’avais fondé En Marche quelques mois plus tôt et sans vouloir engager, Monseigneur, une querelle de droits d’auteur, j’y ai lu cette phrase dont la consonance avec ce qui a guidé mon engagement, m’a alors frappé ; il y était ainsi écrit – je cite – « Nous ne pouvons pas laisser notre pays voir ce qui le fonde, risquer de s’abîmer gravement, avec toutes les conséquences qu’une société divisée peut connaître ; c’est à un travail de refondation auquel il nous faut ensemble nous atteler ».

Recherche du sens, de nouvelles solidarités mais aussi espoir dans l’Europe ; ce document énumère tout ce qui peut porter un citoyen à s’engager et s’adresse aux catholiques en liant avec simplicité la foi à l’engagement politique par cette formule que je cite : « Le danger serait d’oublier ce qui nous a construits ou à l’inverse, de rêver du retour à un âge d’or imaginaire ou d’aspirer à une église de purs et à une contre-culture située en dehors du monde, en position de surplomb et de juges ».

Depuis trop longtemps, le champ politique était devenu un théâtre d’ombres et aujourd’hui encore, le récit politique emprunte trop souvent aux schémas les plus éculés et les plus réducteurs, semblant ignorer le souffle de l’histoire et ce que le retour du tragique dans notre monde contemporain exige de nous.

Je pense pour ma part que nous pouvons construire une politique effective, une politique qui échappe au cynisme ordinaire pour graver dans le réel ce qui doit être le premier devoir du politique, je veux dire la dignité de l’homme.

Je crois en un engagement politique qui serve cette dignité, qui la reconstruise où elle a été bafouée, qui la préserve où elle est menacée, qui en fasse le trésor véritable de chaque citoyen. Je crois dans cet engagement politique qui permet de restaurer la première des dignités, celle de pouvoir vivre de son travail. Je crois dans cet engagement politique qui permet de redresser la dignité la plus fondamentale, la dignité des plus fragiles ; celle qui justement ne se résout à aucune fatalité sociale – et vous en avez été des exemples magnifiques tous les six à l’instant – et qui considère que faire œuvre politique et d’engagement politique, c’est aussi changer les pratiques là où on est de la société et son regard.

Les six voix que nous avons entendues au début de cette soirée, ce sont six voix d’un engagement qui a en lui une forme d’engagement politique, qui suppose qu’il n’est qu’à poursuivre ce chemin pour trouver aussi d’autres débouchés, mais où à chaque fois j’ai voulu lire ce refus d’une fatalité, cette volonté de s’occuper de l’autre et surtout cette volonté, par la considération apportée, d’une conversion des regards ; c’est cela l’engagement dans une société ; c’est donner de son temps, de son énergie, c’est considérer que la société n’est pas un corps mort qui ne serait modifiable que par des politiques publiques ou des textes, ou qui ne serait soumise qu’à la fatalité des temps ; c’est que tout peut être changé si on décide de s’engager, de faire et par son action de changer son regard ; par son action, de donner une chance à l’autre mais aussi de nous révéler à nous-mêmes, que cet autre transforme.

On parle beaucoup aujourd’hui d’inclusivité ; ce n’est pas un très joli mot et je ne suis pas sûr qu’il soit toujours compris par toutes et tous. Mais il veut dire cela ; ce que nous tentons de faire sur l’autisme, sur le handicap, ce que je veux que nous poursuivions pour restaurer la dignité de nos prisonniers, ce que je veux que nous poursuivions pour la dignité des plus fragiles dans notre société, c’est de simplement considérer qu’il y a toujours un autre à un moment donné de sa vie, pour des raisons auxquelles il peut quelque chose ou auxquelles il ne peut rien, qui a avant tout quelque chose à apporter à la société. Allez voir une classe ou une crèche où nous étions il y a quelques jours, où l’on place des jeunes enfants ayant des troubles autistiques et vous verrez ce qu’ils apportent aux autres enfants ; et je vous le dis Monsieur, ne pensez pas simplement qu’on vous aide… nous avons vu tout à l’heure dans l’émotion de votre frère tout ce que vous lui avez apporté et qu’aucun autre n’aurait pu apporter. Cette conversion du regard, seul l’engagement la rend possible et au cœur de cet engagement, une indignation profonde, humaniste, éthique et notre société politique en a besoin. Et cet engagement que vous portez, j’en ai besoin pour notre pays comme j’en ai besoin pour notre Europe parce que notre principal risque aujourd’hui, c’est l’anomie, c’est l’atonie, c’est l’assoupissement.

Nous avons trop de nos concitoyens qui pensent que ce qui est acquis, est devenu naturel ; qui oublient les grands basculement auxquels notre société et notre continent sont aujourd’hui soumis ; qui veulent penser que cela n’a jamais été autrement, oubliant que notre Europe ne vit qu’au début d’une parenthèse dorée qui n’a qu’un peu plus de 70 ans de paix, elle qui toujours avait été bousculée par les guerres ; où trop de nos concitoyens pensent que la fraternité dont on parle, c’est une question d’argent public et de politique publique et qu’ils n’y auraient pas leur part indispensable.

Tous ces combats qui sont au cœur de l’engagement politique contemporain, les parlementaires ici présents les portent dans leur part de vérité, qu’il s’agisse de lutter contre le réchauffement climatique, de lutter pour une Europe qui protège et qui revisite ses ambitions, pour une société plus juste. Mais ils ne seront pas possibles si à tous les niveaux de la société, ils ne sont accompagnés d’un engagement politique profond ; un engagement politique auquel j’appelle les catholiques pour notre pays et pour notre Europe.

Le don de l’engagement que je vous demande, c’est celui-ci : ne restez pas au seuil, ne renoncez pas à la République que vous avez si fortement contribué à forger ; ne renoncez pas à cette Europe dont vous avez nourri le sens ; ne laissez pas en friche les terres que vous avez semées ; ne retirez pas à la République la rectitude précieuse que tant de fidèles anonymes apportent à leur vie de citoyens. Il y a au cœur de cet engagement dans notre pays a besoin la part d’indignation et de confiance dans l’avenir que vous pouvez apporter.

Cependant, pour vous rassurer, ce n’est pas un enrôlement que je suis venu vous proposer et je suis même venu vous demander un troisième don que vous pouvez faire à la Nation, c’est précisément celui de votre liberté.

*

* *

Partager le chemin, ce n’est pas toujours marcher du même pas ; je me souviens de ce joli texte où Emmanuel MOUNIER explique que l’Eglise en politique a toujours été à la fois en avance et en retard, jamais tout à fait contemporaine, jamais tout à fait de son temps ; cela fait grincer quelques dents mais il faut accepter ce contretemps ; il faut accepter que tout dans notre monde n’obéisse pas au même rythme et la première liberté dont l’Eglise peut faire don, c’est d’être intempestive.

Certains la trouveront réactionnaire ; d’autres sur d’autres sujets bien trop audacieuse. Je crois simplement qu’elle doit être un de ces points fixes dont notre humanité a besoin au creux de ce monde devenu oscillant, un de ces repères qui ne cèdent pas à l’humeur des temps. C’est pourquoi Monseigneur, Mesdames et Messieurs, il nous faudra vivre cahin-caha avec votre côté intempestif et la nécessité que j’aurai d’être dans le temps du pays. Et c’est ce déséquilibre constant que nous ferons ensemble cheminer.

« La vie active, disait GREGOIRE, est service ; la vie contemplative est une liberté ». Je voudrais ce soir en rappelant l’importance de cette part intempestive et de ce point fixe que vous pouvez représenter, je voudrais ce soir avoir une pensée pour toutes celles et tous ceux qui se sont engagés dans une vie recluse ou une vie communautaire, une vie de prière et de travail. Même si elle semble pour certains à contretemps, ce type de vie est aussi l’exercice d’une liberté ; elle démontre que le temps de l’église n’est pas celui du monde et certainement pas celui de la politique telle qu’elle va – et c’est très bien ainsi.

Ce que j’attends que l’Eglise nous offre, c’est aussi sa liberté de parole.

Nous avons parlé des alertes lancées par les associations et par l’épiscopat ; je songe aussi aux monitions du pape qui trouve dans une adhésion constante au réel de quoi rappeler les exigences de la condition humaine ; cette liberté de parole dans une époque où les droits font florès, présente souvent la particularité de rappeler les devoirs de l’homme envers soi-même, son prochain ou envers notre planète.La simple mention des devoirs qui s’imposent à nous est parfois irritante ; cette voix qui sait dire ce qui fâche, nos concitoyens l’entendent même s’ils sont éloignés de l’Eglise. C’est une voix qui n’est pas dénuée de cette « ironie parfois tendre, parfois glacée » dont parlait Jean GROSJEAN dans son commentaire de Paul, une foi qui sait comme peu d’autres subvertir les certitudes jusque dans ses rangs. Cette voix qui se fait tantôt révolutionnaire, tantôt conservatrice, souvent les deux à la fois, comme le disait LUBAC dans ses « Paradoxes », est importante pour notre société.

Il faut être très libre pour oser être paradoxal et il faut être paradoxal pour être vraiment libre. C’est ce que nous rappellent les meilleurs écrivains catholiques, de Maurice CLAVEL à Alexis JENNI, de Georges BERNANOS à Sylvie GERMAIN, de Paul CLAUDEL à François SUREAU ; de François MAURIAC à Florence DELAY, de Julien GREEN à Christiane RANCE. Dans cette liberté de parole, de regard qui est la leur, nous trouvons une part de ce qui peut éclairer notre société.

Et dans cette liberté de parole, je range la volonté de l’Eglise d’initier, d’entretenir et de renforcer le libre dialogue avec l’islam dans le monde a tant besoin et que vous avez évoqué.

Car il n’est pas de compréhension de l’islam qui ne passe par des clercs comme il n’est pas de dialogue interreligieux sans les religions. Ces lieux en sont le témoin ; le pluralisme religieux est une donnée fondamentale de notre temps. Monseigneur LUSTIGER en avait eu l’intuition forte lorsqu’il a voulu faire revivre le Collège des Bernardins pour accueillir tous les dialogues. L’Histoire lui a donné raison. Il n’y a pas plus urgent aujourd’hui qu’accroître la connaissance mutuelle des peuples, des cultures, des religions ; il n’y a d’autres moyens pour cela que la rencontre par la voix mais aussi par les livres, par le travail partagé ; toutes choses dont Benoît XVI avait raconté l’enracinement dans la pensée cistercienne lors de son passage ici en 2008.

Ce partage s’exerce en pleine liberté, chacun dans ses termes et ses références ; il est le socle indispensable du travail que l’Etat de son côté doit mener pour penser toujours à nouveaux frais, la place des religions dans la société et la relation entre religion, société et puissance publique. Et pour cela, je compte beaucoup sur vous, sur vous tous, pour nourrir ce dialogue et l’enraciner dans notre histoire commune qui a ses particularités mais dont la particularité est d’avoir justement toujours attaché à la Nation française cette capacité à penser les universels.

Ce partage, ce travail nous le menons résolument après tant d’années d’hésitations ou de renoncements et les mois à venir seront décisifs à cet égard.

Ce partage que vous entretenez est d’autant plus important que les chrétiens payent de leur vie leur attachement au pluralisme religieux. Je pense aux chrétiens d’Orient.

Le politique partage avec l’Eglise la responsabilité de ces persécutés car non seulement nous avons hérité historiquement du devoir de les protéger mais nous savons que partout où ils sont, ils sont l’emblème de la tolérance religieuse. Je tiens ici à saluer le travail admirable accompli par des mouvements comme l’Œuvre d’Orient, Caritas France et la communauté Sant’Egidio pour permettre l’accueil sur le territoire national des familles réfugiées, pour venir en aide sur place, avec le soutien de l’Etat.

Comme je l’ai dit lors de l’inauguration de l’exposition « Chrétiens d’Orient » à l’Institut du Monde arabe le 25 septembre dernier, l’avenir de cette partie du monde ne se fera pas sans la participation de toutes les minorités, de toutes les religions et en particulier les chrétiens d’Orient. Les sacrifier, comme le voudraient certains, les oublier, c’est être sûr qu’aucune stabilité, aucun projet, ne se construira dans la durée dans cette région.

Il est enfin une dernière liberté dont l’Eglise doit nous faire don, c’est de la liberté spirituelle

Car nous ne sommes pas faits pour un monde qui ne serait traversé que de buts matérialistes. Nos contemporains ont besoin, qu’ils croient ou ne croient pas, d’entendre parler d’une autre perspective sur l’homme que la perspective matérielle.

Ils ont besoin d’étancher une autre soif, qui est une soif d’absolu. Il ne s’agit pas ici de conversion mais d’une voix qui, avec d’autres, ose encore parler de l’homme comme d’un vivant doté d’esprit. Qui ose parler d’autre chose que du temporel, mais sans abdiquer la raison ni le réel. Qui ose aller dans l’intensité d’une espérance, et qui, parfois, nous fait toucher du doigt ce mystère de l’humanité qu’on appelle la sainteté, dont le Pape François dit dans l’exhortation parue ce jour qu’elle est « le plus beau visage de l’Eglise ».

Cette liberté, c’est celle d’être vous-mêmes sans chercher à complaire ni à séduire. Mais en accomplissant votre œuvre dans la plénitude de son sens, dans la règle qui lui est propre et qui depuis toujours nous vaut des pensées fortes, une théologie humaine, une Eglise qui sait guider les plus fervents comme les non-baptisés, les établis comme les exclus.

Je ne demanderai à aucun de nos concitoyens de ne pas croire ou de croire modérément. Je ne sais pas ce que cela veut dire. Je souhaite que chacun de nos concitoyens puisse croire à une religion, une philosophie qui sera la sienne, une forme de transcendance ou pas, qu’il puisse le faire librement mais que chacune de ces religions, de ces philosophies puisse lui apporter ce besoin au plus profond de lui-même d’absolu.

Mon rôle est de m’assurer qu’il ait la liberté absolue de croire comme de ne pas croire mais je lui demanderai de la même façon et toujours de respecter absolument et sans compromis aucun toutes les lois de la République. C’est cela la laïcité ni plus ni moins, une règle d’airain pour notre vie ensemble qui ne souffre aucun compromis, une liberté de conscience absolue et cette liberté spirituelle que je viens d’évoquer.

*

* *

« Une Eglise triomphant parmi les hommes ne devrait-elle pas s’inquiéter d’avoir déjà tout compromis de son élection en ayant passé un compromis avec le monde ? »

Cette interrogation n’est pas mienne, ce sont mots de Jean-Luc MARION qui devraient servir de baume à l’Eglise et aux catholiques aux heures de doute sur la place des catholiques en France, sur l’audience de l’Eglise, sur la considération qui leur est accordée.

L’Eglise n’est pas tout à fait du monde et n’a pas à l’être. Nous qui sommes aux prises avec le temporel le savons et ne devons pas essayer de l’y entraîner intégralement, pas plus que nous ne devons le faire avec aucune religion. Ce n’est ni notre rôle ni leur place.

Mais cela n’exclut pas la confiance et cela n’exclut pas le dialogue. Surtout, cela n’exclut pas la reconnaissance mutuelle de nos forces et de nos faiblesses, de nos imperfections institutionnelles et humaines.

Car nous vivons une époque où l’alliance des bonnes volontés est trop précieuse pour tolérer qu’elles perdent leur temps à se juger entre elles. Nous devons, une bonne fois pour toutes, admettre l’inconfort d’un dialogue qui repose sur la disparité de nos natures, mais aussi admettre la nécessité de ce dialogue car nous visons chacun dans notre ordre à des fins communes, qui sont la dignité et le sens.

Certes, les institutions politiques n’ont pas les promesses de l’éternité ; mais l’Eglise elle-même ne peut risquer avant le temps de faucher à la fois le bon grain et l’ivraie. Et dans cet entre-deux où nous sommes, où nous avons reçu la charge de l’héritage de l’homme et du monde, oui, si nous savons juger les choses avec exactitude, nous pourrons accomplir de grandes choses ensemble.

C’est peut-être assigner là à l’Eglise de France une responsabilité exorbitante, mais elle est à la mesure de notre histoire, et notre rencontre ce soir atteste, je crois, que vous y êtes prêts.

Monseigneur, Mesdames et Messieurs, sachez en tout cas que j’y suis prêt aussi.

Je vous remercie.

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Guerre

Non à l’intervention militaire, aux bombardements en Syrie!

La guerre, la guerre et toujours la guerre ! A force de se tourner vers le protectionnisme et le nationalisme comme seules solutions « accessibles », les pays les plus développés assument la compétition « géopolitique », avec l’assentiment d’une partie significative de la population.

Ce que cela signifie, c’est simplement la guerre, il faut bien le dire. Et on est tellement dans un jeu malsain que c’est par un message Twitter que Donald Trump l’escalade, disant à la Russie de se tenir prête face à l’intervention américaine en Syrie.

« La Russie jure d’abattre n’importe quel missile tiré sur la Syrie. Que la Russie se tienne prête, car ils arrivent, beaux, nouveaux et “intelligents” ! Vous ne devriez pas vous associer à un Animal qui Tue avec du Gaz, qui tue son peuple et aime cela. »

Il n’a pas hésité à écrire, pour en rajouter :

« Notre relation avec la Russie est pire maintenant qu’elle ne l’a jamais été, et cela inclut la Guerre froide. »

C’est là préparer l’opinion publique à la guerre, avec des cibles désignées : la Syrie tout d’abord, mais également l’Iran, ainsi que la Russie elle-même.

La visite du prince héritier saoudien,  Son Altesse Royale le prince Mohammed ben Salman ben Abdulaziz al-Saoud, à Paris ces derniers jours – il a pu manger son repas avec Emmanuel Macron devant le tableau « La liberté guidant le peuple », quelle honte – participe à ce mécano militariste, puisque l’Arabie Saoudite prône la guerre contre l’Iran.

L’Arabie Saoudite a même reconnu que les Israéliens avaient droit à un territoire, rompant avec sa position officielle traditionnelle, montrant qu’on est désormais dans le dur, dans le concret, dans la « realpolitik ».

La Grande-Bretagne l’a bien compris et Theresa May a ordonné l’envoi de sous-marins à proximité de la Syrie, alors qu’un autre sous-marin fait des manœuvres avec deux navires américains dans la zone arctique, pour la première fois depuis dix ans.

Cela va cogner et il faut avoir suffisamment de réseaux, d’alliances, de participations ici et là pour tenir. Ne pas comprendre que cela va cogner ou pire le nier est une faillite intellectuelle et morale – la guerre est inévitable, à moins de changements de régimes dans les pays concernés.

C’est bien pour cela, justement, que l’Europe comme projet politique a eu tellement de succès chez les peuples. L’Europe permet, en théorie, de dépasser les nationalismes, les patriotismes étriqués, et il y a 25 ans tous les Français pensaient qu’il y aurait à moyen terme un passeport européen, et bientôt un gouvernement européen, des États-Unis d’Europe.

C’est pour cela que beaucoup de gens croient encore en l’Union Européenne comme moyen d’éviter les conflits, tout en espérant souvent, en même temps, de manière directement impérialiste, que cela soit un empire face aux États-Unis et à la Chine.

Naturellement, c’est au nom des droits de l’homme encore une fois que les missiles sont présentés comme essentiels. L’hypothèse d’une attaque chimique en Syrie à Douma du 7 avril sert ici de prétexte à une immense campagne en faveur de la guerre, tout comme la question kurde pour l’intervention française annoncée il y a quelques jours.

Il ne s’agit pas ici, naturellement, de dédouaner la Syrie, l’Iran et la Russie. Ces régimes sont odieux. Cependant, l’ennemi c’est toujours notre propre nationalisme, notre propre chauvinisme, notre propre impérialisme. Les prétextes pour refuser cela ont permis la guerre de 1914-1918, alors qu’une révolte dans un pays aurait produit des révoltes dans les autres.

Il ne faut jamais accepter les initiatives militaires, militaristes, de la part de son propre pays !

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Guerre

Non à l’envoi de troupes françaises en Syrie !

Quand un pays en envahit un autre depuis une centaine d’années, que ce soit par colonialisme ou par expansionnisme, il ne dit pas qu’il le fait car il veut s’étendre. Il affirme le faire par nécessité : pour sauver des gens, libérer une population, empêcher la barbarie, étendre la civilisation, etc.

Même l’Allemagne nazie, outrancière dans son agressivité, prétendait vouloir former une nouvelle Europe. Ne parlons pas non plus de la guerre de 1914 ou du colonialisme français, tout pétri de « bonnes intentions ».

Être de gauche, c’est inversement et par définition refuser tout interventionnisme militaire de son propre pays dans un autre. Toute acception d’une exception est une trahison de ce principe.

On peut soutenir un pays, un régime, comme par exemple la République espagnole face au soulèvement de Franco. On peut soutenir une résistance légitime à une occupation. Mais on ne peut pas soutenir une faction, des bandes armées, des troubles visant à dépecer un pays.

Par conséquent, être de gauche c’est rejeter par principe l’envoi de troupes françaises en Syrie annoncé hier. La décision, de manière subtile, a été annoncée non pas par l’Élysée, mais par un représentant des Forces démocratiques syriennes, les FDS, le Kurde Khaled Issa.

L’Élysée s’est contentée d’un communiqué de presse, expliquant avoir discuté avec des membres des FDS « à parité de femmes et d’hommes, d’Arabes et de Kurdes syriens » et disant d’Emmanuel Macron que :

« Il a assuré les FDS du soutien de la France, en particulier pour la stabilisation de la zone de sécurité au nord-est de la Syrie, dans le cadre d’une gouvernance inclusive et équilibrée, pour prévenir toute résurgence de Daech dans l’attente d’une solution politique au conflit syrien. »

La « stabilisation » en question est une allusion aux conséquences de l’intervention militaire turque ces derniers jours en Syrie du Nord, dans une zone contrôlée jusque-là par les forces kurdes, avec un chaos général, avec 160 000 personnes fuyant les combats.

La Turquie, aidée de « rebelles » syriens, contrôle déjà une importante zone (en turquoise sur la carte ci-conre).

Pour rappeler brièvement les événements, lors de la guerre civile en Syrie, les occidentaux avec la France en tête ont cru que le régime allait vite tomber et ont arrosé des opposants malgré la forte présence d’Al – Qaïda.

Non seulement le régime a tenu, mais ces forces sont devenues autonomes, alors que l’État islamique s’est développée.

La Russie et l’Iran sont alors intervenus pour soutenir le régime syrien, pendant que les États-Unis développaient une présence en se liant aux Kurdes de Syrie, également appuyées techniquement par des experts non officiels français et britanniques.

La Turquie, qui appuyait l’État islamique, est rentrée dans la danse et officiellement, l’État français vient pour « sauver les Kurdes ». C’est-à-dire, en réalité, pour participer au dépeçage de la Syrie, avec trois zones :

– le régime syrien officiel de Bachar Al-Assad, lié à l’Iran et la Russie ;
– un régime « arabo-kurde » lié aux États-Unis, la Grande-Bretagne et la France ;
– un régime arabo-islamiste aux contours flous encore ;
– une zone passant sous la coupe de la Turquie.

Tout le monde est gagnant : la Turquie empêche l’avènement d’un État kurde et renforce sa dimension « ottomane », pendant que les autres ont un pied à terre local. C’est gagnant-gagnant, aux dépens de la démocratie et des populations locales, jusqu’à la prochaine guerre de partage…

Il faut souligner ici l’importance, dans ce cadre d’un régime autoritaire. De plus en plus, avec la montée des tensions, les régimes deviennent de plus en plus pyramidales, que ce soit en Turquie ou en Russie, en Inde ou aux États-Unis, en Chine ou en Égypte.

Il y a à chaque fois un chef qui dirige le pays, prenant des décisions avec une approche ultra-populiste. C’est aussi le cas en France : la décision d’Emmanuel Macron est, naturellement, celle d’un président de la cinquième République, qui décide seul de la politique extérieure, sans le parlement, sans demander son avis à la population.

Il est inévitable, ici, de parler des Kurdes. Il est tout à fait compréhensible que l’on éprouve de la sympathie pour ce peuple sans État, aux populations vivant en minorité dans plusieurs États, et plus précisément en minorité opprimée, que cela soit en Turquie, en Iran, en Irak ou en Syrie.

Cependant, on ne découpe pas les États comme cela, encore moins quand ce sont des grandes puissances qui sont partie prenante. Cela n’a rien de démocratique, à moins de considérer les nations comme des fictions, les États comme des aberrations.

Lorsque, en France (mais aussi en Belgique), les anarchistes se sont massivement lancés dans des campagnes de soutien aux Unités de protection du peuple (YPG) kurdes agissant en Syrie, ils sont cohérents, puisqu’ils veulent une décentralisation, des communautés autonomes, un État central présent le moins possible, etc.

Mais être de gauche sans basculer dans l’anarchisme qui est bloqué à une vision individuelle des choses, c’est voir le rôle de la guerre, des grandes puissances, de la logique de partage par la conquête…

C’est refuser que des parties fassent ce qu’elles veulent aux dépens du tout, car une telle logique de dépeçage ne profite qu’aux conquérants qui utilisent le vieux principe : diviser pour régner !

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Politique

Les Jeunes Socialistes voient une « jeunesse française plus engagée que jamais »

Les Jeunes Socialistes ont pris position au sujet de la proposition de service national obligatoire ; ils ont également lancé une pétition pour protester. Une initiative louable, certainement, de par l’esprit de militarisation, d’encasernement dont cela relève.

Cependant, la phrase justifiant l’absence de valeur de ce service national laisse littéralement pantois :

« Dans des associations, des mutuelles, des organisations de jeunesse politique, auprès des réfugié.e.s ou dans des luttes écologiques, la jeunesse française est plus engagée que jamais. »

Comment quelqu’un peut-il oser écrire cela ? Jamais les organisations de jeunesse politique n’ont été aussi clairsemées, vide de militants et de contenus. Jamais le degré d’organisation politique n’aura été aussi vide dans notre pays.

Les seules structures qui se maintiennent profitent soit du copinage et de l’amitié pour se maintenir, soit de postes à pourvoir, et beaucoup plus rarement, si elles ont du contenu, restent ultra-minoritaires.

La jeunesse vit un faux hédonisme, elle tente de « profiter de la vie » à travers toute une série d’échappatoires, s’imaginant qu’il suffit de prendre un micro pour être un rappeur, de faire quelques sons pour faire de la techno, tout étant censé s’offrir avec facilité, et de toutes façons « tu ne connais pas ma vie », personne n’aurait le droit de juger.

La jeunesse vit un gigantesque non-dit : elle est culturellement vide, elle consomme pour chercher un sens à sa vie, s’imaginant que le capitalisme permettra de trouver une voie individuelle privilégiée.

On est à l’opposé de mai 1968, de la jeunesse mobilisée, en colère, étudiant, se révoltant, s’engageant.

Quelle est donc cette histoire d’associations et de mutuelles ? Et où les Jeunes Socialistes voient-ils également des luttes écologiques ? La jeunesse devrait ruer dans les brancards en raison du réchauffement climatique : elle ne prend pas cela au sérieux. D’ailleurs, elle ne prend rien au sérieux.

Il ne faut donc pas dire que « la jeunesse française est plus engagée que jamais », mais qu’au contraire elle est une génération faillie, en échec total sur le plan des idées et de la pratique.

Est-ce à dire que cela ne va pas changer ? Bien au contraire. Néanmoins, pour cela il ne faut pas faire du populisme. Il faut être exigeant, ne pas céder sur le dur labeur intellectuel à mener, sur la pratique sur le terrain nécessaire.

Les Jeunes Socialistes ne veulent donc pas assumer cela, ils espèrent que tout cela se fera tout seul. Ils maintiennent la fiction d’une gauche qui irait bien, d’où justement la remarque sur le prétendu soutien de la jeunesse aux «  réfugié.e.s », alors que ce terrain du soutien est porté par des adultes d’esprit catholique, dans le direct prolongement des incessants appels du Vatican.

Le mouvement ouvrier a déjà historiquement réglé sur le plan des idées cette question des réfugiés. Mais encore faut-il assumer le mouvement ouvrier et son histoire, et les ouvriers eux-mêmes.

Un service national obligatoire ? Emmanuel Macron vit dans le passé

La volonté du gouvernement de mettre en place un “service national” obligatoire constitue une attaque grave contre la jeunesse, ses aspirations et sa liberté. La République ne s’apprend pas dans les casernes.

Le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux a confirmé ce mardi matin que le “service universel” voulu par Emmanuel Macron serait obligatoire. Le gouvernement fait donc le choix très conservateur d’imposer à toute une génération un encasernement forcé. Cette décision démagogique ne fait que répondre et soutenir la nostalgie réactionnaire d’un service militaire qui n’a jamais véritablement joué le rôle de mixité sociale dont on le crédite.

Dans des associations, des mutuelles, des organisations de jeunesse politique, auprès des réfugié.e.s ou dans des luttes écologiques, la jeunesse française est plus engagée que jamais. Elle n’a pas besoin d’une injonction au civisme de la part d’un gouvernement qui voudrait penser pour elle. La conjonction de la sélection à l’université, de la baisse des aides au logement, et de l’instauration d’un service national obligatoire révèle la nature réactionnaire d’un gouvernement qui veut mettre au pas sa jeunesse.

Plutôt que ce carcan paternaliste, le gouvernement ferait mieux de donner à la jeunesse les moyens de son autonomie. C’est à l’école que la République doit faire ses preuves : les Jeunes Socialistes appellent à investir en urgence au moins un milliard d’euros par an dans l’université et à embaucher 40 000 enseignant.e.s, prioritairement dans l’école primaire.

Pour être libres de faire nos propres choix, les Jeunes Socialistes proposent également la mise en place d’un Revenu Universel d’Existence (RUE), universel et inconditionnel, et supérieur au seuil de pauvreté. C’est la seule universalité dont la jeunesse a aujourd’hui besoin.

Le texte de la pétition.

Emmanuel Macron veut mettre en place un “service national” qui sera obligatoire pour toutes et tous les jeunes. Vingt ans après l’abrogation du service militaire, il veut remettre la jeunesse au pas. Il vit dans le passé.

Après la sélection à l’université et la baisse des aides au logement, Emmanuel Macron s’attaque une nouvelle fois à la jeunesse.

Nous ne nous laisserons pas faire ! Nous revendiquons le droit d’agir, de penser et de nous engager là où nous le souhaitons plutôt que de subir un encasernement forcé.

Non, Monsieur le Président, la République ne s’apprend pas dans les casernes !

3 raisons de s’opposer au service national obligatoire
Nous refusons ce carcan paternaliste et réactionnaire qu’est le service national obligatoire.

1 – C’est cher : le cout estimé est au minimum de trois milliards d’euros ! Autant d’argent qui serait bien plus utile ailleurs.

2 – C’est inutile : d’une part, l’armée n’en a pas besoin et s’y oppose. De l’autre, la jeunesse n’a pas attendu une injonction du gouvernement pour s’engager dans des associations, des mutuelles, auprès des réfugié.e.s ou dans des luttes écologiques !

3 – Si c’est obligatoire, c’est un endoctrinement, pas un choix. La République ne s’apprend pas par la contrainte !

3 meilleures idées pour vraiment changer la vie des jeunes
1 – C’est à l’école que la République doit faire ses preuves : plutôt que sélectionner à l’université, il faut investir 1 milliard d’euro par an dans le supérieur et embaucher 40 000 enseignant.e.s

2 – Un véritable accès des jeunes à la santé et au logement : un.e jeune sur trois renonce à des soins chaque année.

3 – Un Revenu Universel d’Existence, supérieur au seuil de pauvreté et inconditionnel, seule universalité dont la jeunesse a aujourd’hui besoin pour s’émanciper

La jeunesse a besoin de davantage de droits, non pas qu’on exige d’elle de nouveaux devoirs !

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Emmanuel Macron et le coup de fil en direct de Cyril Hanouna

L’émission Touche pas à mon poste! de Cyril Hanouna est connue des gens disposant d’une conscience culturelle pour être un monument de stupidité, de vacuité, de destruction de l’intelligence. Emmanuel Macron qui se veut si moderne a pourtant participé à la mascarade que représente cette émission, en acceptant d’être appelé en direct pendant l’émission le 20 décembre 2017.

Jouant la carte de l’humour et n’hésitant pas à saluer Cyril Hanouna, Emmanuel Macron s’est révélé excellent dans ce petit exercice de négation de la pensée. Quatre jours plus tard, il rééditait une telle opération en accordant une interview au pathétique site Konbini, un « site d’infodivertissement ».

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Culture

Emmanuel Macron sur Johnny Hallyday à l’église de la Madeleine

Transcription du discours du Président de la République – Hommage populaire à Johnny Hallyday en l’église de la Madeleine

Mes chers compatriotes,

Vous êtes là pour lui, pour Johnny HALLYDAY.

Près de 60 ans de carrière, 1.000 chansons, 50 albums. Et vous êtes là, encore là, toujours là.

Je sais que vous vous attendez à ce qu’il surgisse de quelque part. Il serait sur une moto, il avancerait vers vous. Il entamerait la première chanson et vous commenceriez à chanter avec lui.

Il y en a certaines qu’il vous laisserait chanter presque seuls. Vous guetteriez ses déhanchés, ses sourires.Il ferait semblant d’oublier une chanson et vous la réclameriez, alors il la chanterait.

Vers la fin, il présenterait ses musiciens et vous applaudiriez, vous applaudiriez plus encore pour que cela ne finisse jamais. Et dans un souffle, en n’osant pas vous l’exprimer trop fort, alors il vous dirait qu’il vous aime.

Alors oui, ce samedi de décembre est triste. Mais il fallait que vous soyez là pour Johnny parce que Johnny depuis le début était là pour vous.

Dans chacune de vos vies, il y a eu ce moment où l’une de ses chansons a traduit ce que vous aviez dans le cœur, ce que nous avions dans le cœur : une histoire d’amour, un deuil, une résistance, la naissance d’un enfant, une douleur.

Dans sa voix, dans ses chansons, dans son visage il y avait cette humanité indéfinissable qui vous perce à jour et qui fait qu’on se sent moins seul.

C’est comme cela que Johnny est entré dans nos vies, par ce blues qui dit nos misères et nos bonheurs, par ce rock qui dit nos combats et nos désirs et pour beaucoup il est devenu une présence indispensable, un ami, un frère.

Et je sais que certains aujourd’hui ont le sentiment d’avoir perdu un membre de leur famille, je sais que beaucoup d’entre vous depuis quelques jours découvrent une solitude étrange.

Mais vous aussi, vous étiez dans sa vie. Vous l’avez vu heureux, vous l’avez vu souffrir. Vous avez vécu ses succès et ses échecs.

Vous l’avez vu parcourir le moindre recoin du pays, passer près de chez vous, chanter dans les petites salles et dans les plus grands stades. Vous l’avez vu frôler la mort plusieurs fois et vous avez tremblé pour lui. Vous avez aimé ses amours, vous avez vécu ses ennuis et à chaque instant, vous l’avez aidé parce qu’il savait que vous étiez là pour lui.

Nous sommes là avec sa famille : avec Sylvie VARTAN, Nathalie BAYE, Laeticia HALLYDAY ; avec ses enfants David, Laura, Joy et Jade, avec ses petits enfants, Emma, Ilona, Cameron.

Et je n’oublie pas que pour eux, c’est aussi un jour de souffrance intime. Nous vous avons si souvent volé votre mari, votre père, votre grand-père, aujourd’hui nous devons aussi vous le laisser un peu parce que ce deuil est d’abord le vôtre.

Nous sommes là avec sa marraine, avec ses musiciens, avec ses paroliers, ses équipes, ses amis, avec ses compagnons de route de toujours. Eux aussi sont déjà un peu plus seuls, ils chercheront cette énergie qui emportait tout sur scène.

Ils devront désormais retenir les mots et les mélodies que personne d’autre ne pouvait chanter ; et ils attendront le copain, l’ami, celui dont ils aimaient les longs silences et l’œil qui à un moment sourit.

Mais tous, tous au fond d’eux-mêmes savent depuis longtemps que Johnny était à vous, Johnny était à son public, Johnny était au pays.

Parce que Johnny était beaucoup plus qu’un chanteur, c’était la vie, la vie dans ce qu’elle a de souverain, d’éblouissant, de généreux et c’était une part de nous-mêmes, c’était une part de la France.

Que ce jeune belge décidant de prendre un nom de scène anglo-saxon soit allé chercher très loin le blues de l’âme noire américaine, le rock’n’roll de Nashville pour le faire aimer aux quatre coins du pays était hautement improbable. Et pourtant, c’est un destin français.

Dix fois, dix fois il s’est réinventé, changeant les textes, les musiques, s’entourant des meilleurs mais toujours il a été ce destin et toujours vous étiez au rendez-vous. Il a été ce que Victor HUGO appelait « une force qui va ».

Il a traversé à peu près tout sur son chemin, il a connu les épreuves, les échecs. Il a traversé le temps, les époques, les générations et tout ce qui divise la société.

Et c’est aussi pour cela que nous sommes ensemble aujourd’hui, c’est aussi pour cela que je m’exprime devant vous. Parce que nous sommes une nation qui dit sa reconnaissance. Parce que nous sommes un peuple uni autour d’un de ses fils prodigues.

Et parce qu’il aimait la France, parce qu’il aimait son public, Johnny aurait aimé vous voir ici.

Il ne savait pas vraiment exprimer ce qu’il vivait, il préférait les silences. Alors il chantait les mots des autres, les chansons des autres. Il n’osait pas avouer ce qu’il ressentait, il aimait la pudeur.

Alors il se brûlait au contact du public, dans la ferveur de la scène et il s’offrait entièrement, terriblement, furieusement à vous.

Il aurait dû tomber 100 fois, mais ce qui l’a tenu, ce qui souvent l’a relevé c’est votre ferveur, c’est l’amour que vous lui portez.

Et l’émotion qui nous réunit ici aujourd’hui lui ressemble. Elle ne triche pas. Elle ne pose pas. Elle emporte tout sur son passage. Elle est de ces énergies qui font un peuple parce que pour nous, il était invincible parce qu’il était une part de notre pays, parce qu’il était une part que l’on aime aimer.

Alors au moment de lui adresser un dernier salut, pour que demeure vivant l’esprit du rock’n’roll et du blues, pour que le feu ne s’éteigne pas, je vous propose où que vous soyez, qui que vous soyez pour lui dire merci, pour qu’il ne meure jamais d’applaudir monsieur Johnny HALLYDAY.

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Décès de Johnny Hallyday : le communiqué de l’Élysée

Johnny Hallyday est un excellent exemple de pourquoi nous allons exister agauche.org. C’est un écorché vif qui est capable d’exprimer des émotions. Mais ce n’est ni un auteur, ni un compositeur.

Il est resté orienté dans un registre rock – variété particulièrement régressif, à l’image d’une France refusant catégoriquement toute évolution, tout changement. Sa carrière a été soutenue par tous les médias, en faisant une icône au-dessus des classes sociales, de toute critique aussi.

Les attitudes concernant Johnny Hallyday sont particulièrement régressives : il était intouchable, on lui accordait une dimension pratiquement christique.

Johnny Hallyday est l’exemple significatif du poids culturel de la France profonde, d’ouvriers capables de voter pour une droite « populaire », et cela pendant plusieurs décennies. Comme si le monde ne changeait pas, comme si aucun changement n’était jamais possible…

Emmanuel Macron, qui se veut résolument moderne, l’a parfaitement compris et le communiqué de l’Élysée est un parfait exemple de démagogie et de contribution à l’endormissement des gens.

On a tous en nous quelque chose de Johnny Hallyday.

Celui qui se disait fils de personne, né à Paris, un soir de juin 1943, s’appelait Jean-Philippe Smet et fut rapidement mieux connu sous le nom de Johnny.

La rock’n’roll attitude qu’il importa des Etats-Unis fit de lui l’idole des jeunes dans les années 60, et une figure de la génération yé-yé. Lorsque passa le bon temps du rock’n’roll, le public aurait pu l’abandonner. Il n’en fut rien. Une autre vie pour lui commença.

Celle d’un artiste puisant dans la musique qu’il aimait, qui venait du blues, du rock, de ces Etats-Unis rêvés. Celle d’un homme resté l’enfant qui faisait le rêve tout bleu de Nashville. Il tirait de cela une sincérité et une authenticité qui maintinrent vivant le feu qu’il avait allumé dans le cœur du public. Depuis plus de 50 ans, il était une icône vivante.

Il était le bad boy qui chantait l’amour, le rocker sentimental qui défiait Gabrielle ou Sarah, le cœur tendre allant de conquêtes en déchirures. Nous avons souffert et aimé avec lui.

A travers les générations, il s’est gravé dans la vie des Français. Il les a conquis par une générosité dont témoignaient ses concerts : tantôt gigantesques tantôt intimes, tantôt dans des lieux démesurés, tantôt dans des salles modestes.

Il chantait avec la même passion à Las Vegas et au Stade de France qu’à Epinal, Rodez ou Bar-le-Duc. Il n’a jamais vieilli parce qu’il n’a jamais triché. Parce qu’il est resté simple et amoureux de la vie. Et parce qu’il savait que le secret pour ne pas vieillir est d’avoir plusieurs vies.

Jusqu’au bout, libre dans sa tête, il aura été cette présence familière, cette voix tant de fois imitée, cette personnalité osant vivre pour le meilleur, et communiquant une énergie fraternelle à ce public qui en retour lui criait : « Que je t’aime ». Ce public aujourd’hui est en larmes, et tout le pays est en deuil.

Tout au long de sa carrière, il sut s’entourer des meilleurs – musiciens, compositeurs, paroliers -, les associant pleinement à ses succès et partageant souvent la scène avec un sens profond de l’amitié, qu’il s’agisse de plus jeunes que lui ou de ses immédiats contemporains comme récemment Eddy Mitchell et Jacques Dutronc.

Il s’honorait parfois aussi de la présence à ses côtés de quelques-unes de ses idoles, comme Lionel Richie.

De Johnny Hallyday nous n’oublierons ni le nom, ni la gueule, ni la voix, ni surtout les interprétations, qui, avec ce lyrisme brut et sensible, appartiennent aujourd’hui pleinement à l’histoire de la chanson française. Il a fait entrer une part d’Amérique dans notre Panthéon national.

Le Président de la République et son épouse présentent à Laeticia Hallyday, à ses filles Joy, Jade et Laura, à son fils David, à ses musiciens, à son équipe, à ses amis, à ses fans, leurs sincères condoléances.