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La « réconciliation » franco-allemande qui n’a jamais eu lieu

A l’occasion du 11 novembre, Emmanuel Macron et Angela Merkel avaient souligné l’importance de la réconciliation franco-allemande. Pourtant, dans les faits, celle-ci n’existe pas et les Français ne pratiquent strictement aucune ouverture à la culture allemande.

Helmut Kohl François Mitterrand

Les préjugés français à l’encontre des Allemands sont particulièrement nombreux encore de nos jours, et ils sont d’autant plus ridicules que, depuis la réunification, la société allemande a puissamment changé. Celle-ci s’est radicalement ouverte et si auparavant, il n’existait que quelques poches isolées de modernité – les universités, les intellectuels, les fameux « autonomes » – désormais l’Allemagne se vit au quotidien comme finalement on le fait en France.

Il y a des gens de différentes couleur de peau, il y a des bars et la musique techno existe ; on n’est pas obligé de croire ce que dit le gouvernement, on peut manifester son mécontentement et protester. Cela a l’air idiot dit comme cela, mais l’Allemagne de l’Ouest des années 1970 était un enfer de conformisme et de pression conservatrice, en raison de l’influence massive des restes du nazisme, ainsi que des nazis pullulant encore dans l’appareil d’État.

Aujourd’hui, tout cela a été balayé et l’Allemagne connaît la même modernité que la France, avec les mêmes rappeurs vulgaires, la même extrême-droite populiste, la même société de consommation avec sa course à la propriété effrénée, etc. Il y a la même acculturation de la jeunesse, le même mépris de l’héritage culturel national, le même rejet de tout ce qui est historique.

Bref, rien ne ressemble plus à la France que l’Allemagne et inversement. Cela n’en fait cependant pas une réconciliation pour autant, cela en fait surtout une relation vide. Les Français ne s’intéressent pas aux auteurs allemands, les fameux Goethe et Schiller, Novalis et Thomas Mann ; tout au plus trouve-t-on quelques philosophes saluant Nietzsche et Heidegger, qui inversement sont rejetés en Allemagne comme de véritables zozos détraqués d’extrême-droite.

Les Français imaginent la langue allemande comme moche à la prononciation et les Allemands comme des êtres rigides, bornés, des sortes de robot. Le pays est imaginé comme froid, voire hostile, tant sur le plan de la météo que sur le plan des rapports humains. Alors que plus de la moitié des Allemands sont catholiques, les Français les imaginent également comme des puritains adeptes d’une morale stricte.

Tout cela ne correspond pas vraiment à une sorte de « réconciliation » ! Les Français ne connaissent tout simplement pas les Allemands. Pire, ils s’en moquent, car seule compte désormais la petite vie individuelle.

Tout cela va fondamentalement dans un sens anti-démocratique : on va ici à l’encontre de l’amitié entre les peuples, de l’internationalisme comme assimilation réciproque des valeurs universels. Il y aurait beaucoup à gagner des échanges franco-allemands, mais il n’y en a pas qui aient une importance authentique, une base de masse.

Rien n’a changé depuis 1914, et encore est-ce inexact, puisque, avant 1914, les gens cultivés disposaient au moins d’une certaine connaissance sérieuse de l’Allemagne, de sa culture, de sa science. Il n’y a rien de tout cela, et cela n’a pas de rapport ni avec la première guerre mondiale, ni avec les massacres nazis, car les Français se désintéressent tant de celle-ci que de ceux-là.

Non, on fait simplement face à une indifférence à ce qui est culturel, à ce qui est vivant culturellement, issu des cultures des peuples. Seul compte désormais ce qui relève de la consommation, passive et permissive.