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Culture & esthétique

Merci Damo Suzuki !

Né le 16 janvier 1950 avant de s’en aller le 9 février 2024, Damo Suzuki est une figure marquante et attachante de la musique. Japonais parcourant le monde en mode bohème, il est découvert jouant de la musique sur les trottoirs de la ville de Munich en Allemagne et directement engagé par les membres du groupe Can. Il joue le soir même en concert et chante sur plusieurs albums, Soundtracks (1970), Future Days (1973), et surtout Tago Mago (1971), ainsi que Ege Bamyasi (1972).

Can

Can est un groupe dit de « Krautrock », la variante allemande de rock progressif. On parle ici d’un mélange de musique psychédélique, de jazz, de funk, avec l’utilisation des premiers matériels de musique électronique. Ecouter Can, c’est redécouvrir de nombreux groupes essentiels qui l’ont suivi : Joy Division, The Stone Roses, The Happy Mondays, Siouxsie and the Banshees, Cabaret Voltaire, Radiohead, The Jesus & Mary Chain, Sonic Youth, Portishead, Talk Talk, The Talking Heads, PIL, et plus tard on retrouve bien entendu Kanye West.

Can est emblématique d’un son répétitif envoûtant, au son particulièrement léché et d’un rythme dansant (ou bien au contraire très lancinant), avec une boucle psychédélique retrouvant pied grâce à la dynamique funk. C’est à la fois totalement minimaliste et entièrement plein, et toujours d’une pleine maîtrise musicale. On est ici chez des orfèvres de la musique.

En un sens, l’approche de Can est très intellectuel ou intellectualisé ; c’est entre Pink Floyd avec son approche psychédélique et le Velvet Underground (de White Light / White Heat) avec son approche abrasive underground. On est ici dans l’expérimental et il ne s’agit pas d’en faire un fétiche, ce que s’empressent de faire les snobs. On ne peut pas être un intellectuel bourgeois parisien – forcément « de gauche » – sans ne pas tarir d’éloge sur Can.

Si on voit les choses de manière socialiste par contre, on peut voir que Can a été à la base d’un mouvement de musique populaire de masse : la scène de Manchester appelée « Madchester », avec sa musique « avant-funk », sorte de démarche d’avant-garde de funk électronique avec tout un arrière-plan disco, dont les Happy Mondays sont un bon exemple. Can a produit tout un travail en amont et c’est en cela qu’il faut s’y intéresser et l’estimer. C’est sans doute de la musique pour musiciens, mais il en faut aussi.

Dans les Happy Mondays, il y a Bez qui ne sert à rien dans le groupe, il ne fait au sens strict que danser. Mais ce petit élément inégal tient justement à Can. Tout comme les postures de David Bowie ont bouleversé les jeunes qui formeront ensuite la vague gothic rock, la position de Damo Suzuki a inspiré ceux qui faisaient le dos rond au star system dans la musique.

Damo Suzuki chantait dans une langue inventée par lui, mais ce n’était pas un délire comme le feraient des tenants de l’art contemporain aujourd’hui, il y avait une idée de négation qu’on retrouve dans la « no wave », les sons répétitifs ou abrasifs à la PIL, Sonic Youth ou à la Jesus & Mary Chain (qui jouaient initialement souvent le dos au public).

Damo Suzuki insistait sur la dimension « spontanée », mais on parle ici d’un vrai artiste, avec un immense arrière-plan culturel. On est dans un travail sur la composition musicale, pas dans le subjectivisme.

Tago Mago fut enregistré dans un château prêté gratuitement au groupe par un collectionneur d’art, dans l’esprit « mécène » propre aux années 1960-1980, et inconcevable aujourd’hui dans la (haute) bourgeoisie.

En ce sens, merci Damo Suzuki, pour sa contribution à l’histoire de la musique, au développement de la composition musicale ! Il est un bon exemple de la rencontre inéluctable de toutes les nations du monde, de leur mélange, de leur fusion. Le monde de demain, fusion de toutes les nations en une seule humanité, regorgera de productions de valeur s’interpénétrant comme des vagues l’une en l’autre, à l’infini !

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Événements significatifs

Sahra Wagenknecht fonde son parti au « Kosmos »

Le parti politique autour de Sahra Wagenknecht s’est fondé le week-end des 27-28 janvier 2024, avec des principes et un programme électoral pour les élections européennes. C’est à cette occasion d’ailleurs que le parti changera de nom, car pour l’instant il s’appelle « Alliance Sahra Wagenknecht – Raison et Justice ».

Cela tient au rôle central de Sahra Wagenknecht comme figure polarisante dans la situation actuelle en Allemagne ; elle-même est la co-présidente du parti fondé aux côtés d’Amira Mohamed Ali. Mais un autre nom sera choisi.

Pour l’instant, il y a eu 44 délégués pour officialiser le parti, qui a reçu 1,4 million d’euros de dons et n’a officialisé l’adhésion que de quelques centaines de personnes. Le temps choisi est le temps long.

Sahra Wagenknecht lors de la fondation

Il a été parlé ici et là de cet événement en France, et ce pour une raison très simple : la gauche gouvernementale française est pour la guerre à la Russie, ou du moins pas contre (y compris La France insoumise), mais Sahra Wagenknecht est, elle, totalement contre cette guerre.

On retrouve ici toute la tradition allemande, dans le prolongement de Rosa Luxembourg. L’ambiance de la fondation du parti y doit être quelque chose. Voici comment le quotidien français Les Echos présentent le lieu où s’est tenu le congrès de fondation :

« C’est au numéro 131 de l’avenue Karl-Marx, à Berlin, qu’ils se sont réunis. Dans un ancien cinéma construit au début des années 1970 par le régime communiste.

Planté au milieu de grands bâtiments staliniens, tout droit sortis d’une BD d’Enki Bilal, le Kosmos était alors la plus grande salle de cinéma d’Allemagne de l’Est.

Avec son architecture ovale, le lieu se voulait l’incarnation de la modernité communiste. »

En fait, l’avenue Karl-Marx, c’est la Karl-Marx-Allee, qui était auparavant la Stalin-Allee, une immense avenue (2,6 km de long et 89 mètres de large) emblématique de la reconstruction architecturale réaliste socialiste après 1945.

Et Sahra Wagenknecht est arrivée habillée… tout en rouge. Tout un symbole.

Mais ce n’est pas tout. Le Kosmos est aujourd’hui une salle pour les réunions et les meetings et c’était effectivement un cinéma en RDA. Il était consacré aux premières… dont celle du film Les Aventures de Werner Holt. Sorti en 1965, il a été vu par trois millions de personnes et le roman dont est tiré le film, écrit par Dieter Noll, avait été tiré à deux millions d’exemplaires.

La première du film Les Aventures de Werner Holt, au Kosmos

Le roman raconte la prise de conscience d’un jeune Allemand de ce qu’est vraiment le nazisme. Et il faut bien comprendre que ça, c’est l’arrière-plan de Sahra Wagenknecht.

Lors de la fondation du parti, dont on trouvera ici les principes et objectifs, il n’a pas été parlé de Socialisme, mais toujours de l’unité des gens du commun. Les commentateurs journalistiques français (ou allemands) disent alors : c’est donc un discours populiste, ou bien d’extrême-Droite.

C’est là où le manque de culture historique se révèle. Car Sahra Wagenknecht est historiquement issue de l’aile gauche de la « gauche de la gauche » allemande et elle est connue pour ne jamais critiquer la République démocratique allemande.

Et quel était le noyau idéologique de la RDA ? C’était, comme dans le roman et le film mentionnés, le traumatisme de la défaite de la Gauche face au nazisme. Pourquoi le peuple a-t-il choisi les nazis plutôt que les communistes ? Pourquoi n’y a-t-il eu une prise de conscience de ce qu’est le nazisme que de la part d’une minorité de gens ?

Car les communistes allemands ne se sont pas mentis à eux-mêmes, ils n’ont jamais prétendu que les Allemands avaient été manipulés, hypnotisés, ou que sait-on encore. Ils avaient conscience des problèmes historiques dans le parcours national allemand.

D’où, dès 1945, la volonté des communistes de fusionner avec les socialistes et d’établir une alliance avec plusieurs partis (ce qui continuera dans les années 1960, 1970, 1980, même si de manière fictive). Et le modèle de tout cela, c’est le Front populaire français, considéré comme l’opération « miraculeuse » sauvant de l’extrême-Droite.

Si on veut comprendre Sahra Wagenknecht, il suffit de voir comme les communistes français se sont alignés sur les centristes en 1934-1935 pour établir le Front populaire. C’est précisément la même ligne d’unir « les gens du commun », ceux qui travaillent, contre une poignée de va-t-en guerre de la haute bourgeoisie.

D’ailleurs, à l’époque, on visait les « deux cents familles » – une expression inventée par le centriste Édouard Daladier qui l’emploie le premier lors du congrès du Parti radical-socialiste de 1934. Et Sahra Wagenknecht parle elle des « 10 000 » d’en haut.

Ainsi, Sahra Wagenknecht entend parler à la classe moyenne et avec son approche, on croit lire le PCF de 1935, avec cette idée que le capitalisme ne tourne plus rond et que seule l’alliance populaire contre les « dominants » peut empêcher le désastre.

C’est une très bonne chose, si on part du principe de faire un front le plus large possible contre la guerre.

C’est par contre erroné, s’il est escompté que va s’ouvrir, comme par magie, une voie à une autre société. Là-dessus, Sahra Wagenknecht a une approche très RDA : il suffit d’unir les gens contre la guerre et les choses iront d’elles-même dans l’autre sens.

C’est une sous-estimation de la question de la culture. D’ailleurs, c’est le grand problème de la nature de son parti, qui oppose les petites gens au style de vie grand-bourgeois ou bobo urbain. Sauf que les petites gens, en Allemagne, ce sont les outils Lidl pour s’occuper de « son jardin » en mangeant « ses » saucisses et en buvant « sa » bière. On ne va pas loin avec ça.

Si on dit que Sahra Wagenknecht est un obstacle à la guerre et une contribution au rejet de la « gauche » post-moderne, alors c’est très bien. Et c’est déjà effectivement quelque chose !

Mais courir derrière les « classes moyennes », quitte à tout accepter de leur part, est erroné : il faut au contraire qu’elles se plient au prolétariat.

En France, on ne va pas courir derrière les gilets jaunes, les antivax, ceux qui ne pensent qu’à leurs retraites en 2023 ou les agriculteurs de 2024. D’ailleurs, ces gens n’en ont rien à faire du Socialisme ; ils vivent dans le fantasme petit-bourgeois qu’ils vont trouver une « troisième voie ».

Qu’il faille leur ôter le terrain pour les amener à bon port, à la base, oui. En ce sens, ce que fait Sahra Wagenknecht est utile à connaître. Mais sans poids culturel – et idéologique – le poids des traditions capitalistes l’emportera et c’est le prolétariat qui se retrouvera à la traîne des « classes moyennes » et de leur mode de vie « beauf » déjà largement répandu et triomphant.

Les mesures « socialistes », même bien présentées, « neutralisées », ne suffisent pas en soi. Il faut le drapeau, la conscience, les cœurs, la culture. Sans cela, on n’a rien, rien du tout !

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Événements significatifs

Principes fondateurs du parti de Sahra Wagenknecht

Ils ont été adoptés en janvier 2024 au congrès de fondation à Berlin en Allemagne.

« Notre pays ne fait pas bonne figure. Depuis des années, il est gouverné en mettant de côté les souhaits de la majorité.

Au lieu de récompenser les réalisations, il a été redistribué depuis les durs au labeur aux 10 000 d’en haut.

Au lieu d’investir dans un État compétent et de bons services public, les politiciens ont servi les vœux de lobbys influents, et par là vidé les caisses publiques.

Au lieu de prendre soin de la liberté et de la diversité des opinions, un style autoritaire de politique s’est répandu, qui entend dicter aux citoyens comment ils vivent, comment ils se chauffent, comment ils pensent et comment ils parlent.

Beaucoup de décisions politiques semblent prises sans plan d’ensemble, à courte vue et en partie même de manière incompétente.

Sans un redémarrage, notre industrie et notre classe moyenne sont en jeu.

Beaucoup de gens ont perdu confiance en l’État et ne se sentent représentés par aucun des partis existant. Ils ont, à juste titre, l’impression de ne plus vivre dans la République fédérale qui a existé auparavant.

Ils s’inquiètent pour les leurs et l’avenir de leurs enfants. Ils souhaitent une politique responsable de conservation de nos atouts économiques, de compensation sociale et de répartition juste de la prospérité, d’une coexistence pacifique des peuples et d’une préservation des fondements naturels de notre vie.

« L’Alliance Sahra Wagenknecht – Raison et Justice » a été fondée, afin de redonner la parole à ces gens. Nous sommes pour le retour de la raison en politique.

L’Allemagne a besoin d’une économie forte, innovante, et de la justice sociale, de la paix et du commerce équitable, du respect de la liberté individuelle de ses citoyens et d’une culture ouverte de discussion.

Il y a besoin de politiciens fiables, qui se sentent obligés par des objectifs.

Les membres du parti soutiennent les principes et objectifs qui suivent :

Raison économique

Notre pays dispose encore d’une industrie solide et d’une classe moyenne prospère et innovante.

Mais les conditions générales se sont considérablement détériorée ces dernières années. Notre infrastructure publique est dans une situation embarrassante pour un pays industriel leader.

Pratiquement aucun train ne circule à l’heure, en tant que patient de l’assurance maladie obligatoire, on attend des mois pour un rendez-vous avec un médecin spécialiste, il manque des dizaines de milliers d’enseignants, de places en garderie et d’ appartements.

Des rues et des ponts délabrés, des trous dans les réseaux et un internet lent, des administrations débordées et des réglementations inutiles rendent la vie difficile précisément aux plus petites et moyennes entreprises.

Le système scolaire allemand avec 16 différents niveaux d’études, des classes beaucoup trop nombreuses et une sélection anticipée, sabote les chances des enfants de familles moins aisées quant aux opportunités d’éducation et dans la vie, et échoue en même temps à la tâche de former des travailleurs qualifiés dont l’économie a un besoin pressant.

Depuis qu’avec les sanctions russes et la prétendue politique climatique, l’énergie est soudainement également devenue plus chère, ce qui menace notre pays, c’est la perte d’industries importantes et des centaines de milliers d’emplois bien rémunérés.

De nombreuses entreprises envisagent une délocalisation de leur production à l’étranger. D’autres sont menacées dans leur existence même.

La politique, influencée et achetée par les grandes entreprises [les konzerns] et l’échec des autorités antitrust ont créé une économie de marché dans laquelle de nombreux marchés ne fonctionnent plus.

Se sont mises en place de grandes entreprises qui dominent le marché, des monopoles financiers surpuissants comme Blackrock et des monopoles numériques comme Amazon, Alphabet, Facebook, Microsoft et Apple, qui imposent leur tribut aux autres participants du marché, portent atteinte à la compétition et détruisant la démocratie.

Dans une mesure considérable, l’inflation actuelle est également un résultat d’un échec du marché provoqué par un pouvoir économique trop grand.

Nous aspirons à une économie innovante, avec une concurrence loyale, des emplois sûrs et bien payés, une forte proportion de création industrielle de valeur, une fiscalité équitable et une classe moyenne forte.

Pour ça, nous voulons limiter le pouvoir de marché et dégrouper les entreprises dominants le marché.

Là où les monopoles sont inévitables, il faut confier les tâches à des prestataires à but non lucratif.

L’industrie allemande est l’épine dorsale de notre prospérité et doit être conserver. Nous avons de nouveau besoin de davantage de technologies d’avenir made in Germany, plus de champions cachés et non pas moins.

Afin d’empêcher le déclin économique de notre pays, des investissements massifs dans notre système éducatif, notre infrastructure publique et dans des administrations compétentes, sont nécessaires.

Nous avons besoin de fonds futurs pour le soutien des entreprises locales innovantes et des start-up, et non des milliards de subventions pour les monopoles d’outre-Atlantique.

L’Allemagne comme pays fort en exportations et pauvre en matières premières a besoin d’une politique de commerce extérieur fondée sur des relations commerciales stables avec le plus grand nombre de partenaires, au lieu de la formation de nouveaux blocs et de sanctions sans bornes, et qui assure notre approvisionnement en matières premières et en énergie bon marché.

Le changement du climat mondial et la destruction de nos moyens naturels de subsistance sont de sérieux défis, que la politique ne doit pas ignorer.

Cependant, une politique environnementale et de climat sérieuse requiert de l’honnêteté : l’approvisionnement énergétique de l’Allemagne, eu égard aux technologies d’aujourd’hui, ne saurait être uniquement assurée par les énergies renouvelables.

Un activisme aveugle et des mesures mal pensées n’aident pas le climat, mais mettent en danger notre substance économique, rendent la vie des gens plus chère et minent l’acceptation du public de mesures sensées de protection du climat.

La contribution la plus importante qu’un pays comme l’Allemagne puisse réaliser dans la lutte contre le changement climatique et la destruction de l’environnement est le développement de technologies clés innovantes pour une économie du futur neutre sur le plan du climat et acceptable par la nature.

Justice sociale

Dans notre pays, depuis des années, l’inégalité grandit.

Des millions de personnes travaillent dur, afin de permettre une vie bonne pour eux-mêmes et leurs familles.

Ils sont ceux qui font fonctionner notre société et payent une grande partie des impôts.

Au lieu d’avoir en retour le respect et la protection sociale, leur existence est devenue moins certaine et plus lourde dans les dernières décennies.

Beaucoup de gens, malgré un emploi à temps plein, ne parviennent avec leur revenu pratiquement pas au bout du mois.

La promesse d’avancement de l’économie sociale de marché n’est plus d’actualité, la prospérité personnelle dépend depuis longtemps avant tout du statut social des parents.

La concentration des richesses en Allemagne est aujourd’hui aussi élevé qu’elle l’était avant le début de la Première Guerre mondiale, lorsque le Kaiser régnait encore à Berlin.

Alors que les monopole, même en temps de crise, versent des dividendes records, les files d’attente aux associations caritatives sont de plus en plus longues.

Même ceux qui ont travaillé pendant des années et cotisé pour la sécurité sociale se retrouvent quémandeurs plein d’amertume après une année de chômage.

Parce qu’il n’y a pas de places en garderie et que notre société est tout sauf favorable au cadre familial, les parents célibataires et leurs enfants en particulier vivent souvent dans la pauvreté, qui n’est pas devenue plus supportable par le changement de nom de Hartz IV [réforme de 2005 supprimant des droits sociaux].

Des millions de personnes âgées ne peuvent pas, après une une longue vie professionnelle, profiter de leur retraite, parce que leurs pensions sont abaissées de manière humiliante.

Les appartements, hôpitaux, établissements de soins, cabinets médicaux et bien d’autres d’autres institutions sociales importantes ont été et sont vendus à des chasseurs de rendement

Depuis, les coûts ont augmenté tandis que coule la qualité des services pour la majorité des gens.

Nous voulons stopper la désintégration du vivre-ensemble social et de nouveau aligner la politique sur le bien commun.

Notre objectif est une société méritocratique juste avec de véritables égalité des chances et un niveau élevé de sécurité sociale.

Une économie hautement productive a besoin d’employés qualifiés et motivés. Les conditions préalables pour cela, ce sont des salaires compétitifs, des emplois sûrs et de bonnes conditions de travail.

C’est également vrai pour les salariés des métiers de services, qui sont tout aussi importants pour notre société que les bons ingénieurs et ingénieurs en mécatronique.

Afin d’éviter la pression sur les salaires, la convention collective doit à nouveau être renforcée et la validité générale des conventions collectives être facilitée.

Nous soutenons les employés, leurs syndicats et les comités d’entreprise et du personnel dans leur engagement en faveur des droits des travailleurs et d’un bon travail.

En même temps, notre pays en a besoin un État-providence fiable, qui démonte les peurs de l’avenir et protège de la chute en cas de maladie, de chômage et de vieillesse.

La privatisation et la commercialisation des services existentiels, comme dans les domaines de la santé, des soins ou du logement, doivent cesser ; les prestataires à but non lucratif doivent avoir la priorité sur ces secteurs.

Ce qu’il faut, c’est un système fiscal équitable qui allège le fardeau des faibles revenus et empêche les grandes entreprises et les particuliers très riches de se soustraire à leur juste part du financement de la communauté.

La prospérité personnelle ne doit pas être une question d’origine sociale, mais doit être le résultat d’un travail acharné et d’efforts individuels. Chaque enfant a le droit de voir ses talents découverts et promus.

La paix

Notre politique étrangère se situe dans la tradition du chancelier fédéral Willy Brandt et du président soviétique Mikhaïl Gorbatchev, qui ont opposé à la pensée et l’action dans la logique de la guerre froide une politique de détente, d’équilibre des intérêts et de coopération internationale.

La solution des conflits par les moyens militaires, nous la rejetons fondamentalement.

Nous nous opposons à ce que de plus en plus de ressources vont aux armes et aux équipements de guerre, au lieu d’aller à l’éducation de nos enfants, la recherche de technologies protectrices de l’environnement ou aux installations de santé et de soins.

L’armement nucléaire et l’escalade des conflits entre les puissances nucléaires mettent la survie du l’humanité en danger et il faut y mettre fin.

Nous luttons pour une nouvelle ère de détente, et de nouveaux contrats de désarmement et de sécurité commune.

La Bundeswehr [l’armée allemande] a pour mission de protéger notre pays. Pour cette tâche, elle doit être adéquatement équipée.

Nous refusons le déploiement de soldats allemands dans les guerres internationales, tout comme leur stationnement à la frontière russe ou en mer de Chine méridionale.

Une alliance militaire, dont la puissance dominante a ces dernières années attaqué cinq pays en violation du droit international, avec plus d’un million de personnes tués dans ces guerres, alimente les sentiments de menace et les réactions de défense et contribue ainsi à l’instabilité générale.

Au lieu d’un instrument de pouvoir pour des objectifs géopolitiques, nous avons besoin d’une union de défense alignée de manière défensive, qui respecte les principes de la Charte des Nations unies, vise au désarmement au lieu de s’engager dans la course aux armements, et dans laquelle les membres sont sur un pied d’égalité.

L’Europe a besoin d’une architecture de sécurité stable qui, à long terme, devrait aussi inclure la Russie.

Notre pays mérite un politique sûre d’elle-même, qui place l’accent sur le bien-être de ses citoyens et qui soit porté par la considération que les intérêts américains diffèrent parfois grandement des nôtres.

Notre objectif est un Europe indépendante des démocraties souveraines dans un monde multipolaire, et non pas une nouvelle confrontation des blocs, dans laquelle l’Europe se retrouve comprimée entre les États-Unis et un bloc en formation prenant toujours plus conscience de lui-même, autour de la Chine et de la Russie.

La liberté

Nous voulons redonner souffle à une formation démocratique des vœux, élargir le processus décisionnel démocratique et protéger la liberté personnelle.

Nous rejetons les idéologies extrémistes de droite, racistes et promptes à la violence.

La Cancel Culture, la pression à la conformité et le rétrécissement croissant de l’éventail d’opinions sont incompatibles avec les principes d’une société libre.

Il en va de même pour le nouvel autoritarisme politique, qui prétend éduquer les gens et réglementer leur mode de vie ou leur langage.

Nous condamnons les tentatives de surveillance générale et de manipulation des gens par les monopoles, services secrets et gouvernements.

L’immigration et la coexistence de différentes cultures peuvent être un enrichissement. Mais cela ne s’applique que tant que l’afflux est limité à un certain ordre de grandeur, ne déborde pas notre pays et ses infrastructures, et tant que l’intégration est activement promu et réussit.

Nous le savons : le prix d’une concurrence accrue pour des logements abordables, des emplois à bas salaires et pour une intégration ratée sont payés en premier lieu par ceux qui n’ont pas leur place au soleil.

Toute personne politiquement persécutée dans son pays a droit à l’asile.

Mais la migration n’est pas la solution au problème de la pauvreté dans notre monde.

Au lieu de cela, nous avons besoin des relations économiques mondiales équitables et une politique qui s’efforce de produire davantage de perspectives dans les pays d’origine.

Une société dont les acteurs les plus puissants ne sont motivés qu’à gagner plus d’argent au moyen de l’argent conduit à des inégalités croissantes, jusqu’à la destruction nos ressources naturelles et à la guerre.

Nous y opposons nos idées de sens commun, de responsabilité et de vivre-ensemble, à qui nous souhaitons redonner une chance par la modification des rapports de force.

Notre objectif est une société dans laquelle le bien commun est supérieur aux intérêts égoïstes, où ce ne sont pas les tricheurs et les joueurs qui gagnent, mais ceux qui réalisent un travail honnête et bon, sincère et solide.

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Culture & esthétique

Casse-noisette va rétablir Noël

Noël est devenu un prétexte à l’achat de n’importe quoi sur internet, distribué n’importe comment dans des points relais. Tout est fait dans la précipitation et en même temps machinalement, et les cadeaux n’ont pas de personnalité, ils ne sont plus adaptés aux gens.

Les aristocrates ou ceux qui s’imaginent l’être diront qu’on a troqué la qualité contre la quantité. Ce n’est même pas sûr. Mais admettons, peut-on pour autant revenir en arrière? Pas du tout, il vaut mieux profiter de la capacité énorme des forces productives pour faire mieux.

Il suffit que les gens aient du goût et à ce moment-là ils choisiront de manière à la fois naturelle et culturelle. La magie de Noël pourra alors opérer, car s’adressant à chacun personnellement. Et qui peut faire tout cela? Casse-noisette qui remplace le père Noël !

Ce n’est pas seulement que le ballet Casse-noisette de Tchaïkovski est charmant, incontournable. C’est qu’il plaît de manière universelle et même s’il y a une dimension commerciale dans le phénomène, depuis plusieurs années en France la figurine du casse-noisette est devenue régulière au moment de Noël. C’est assez notable quand on sait que le régime ukrainien fait un lobbying de folie pour interdire tout ce qui est russe, Tolstoï et Dostoïevsky en tête.

De plus, il y a l’arrière-plan littéraire. Il est vrai que le roman d’Ernst Theodor Amadeus (E.T.A.) Hoffmann est assez difficile à lire et peut-être un peu sombre dans son ambiance, malgré la magie. Cependant, cela renforce la dimension culturelle. Un ballet, un roman… c’est autre chose que Coca-Cola ayant forcé l’introduction du Père Noël.

C’est d’ailleurs ici une contradiction qui doit nous intéresser en premier lieu. Il y a un côté désuet, passéiste dans Casse-noisette. Et c’est très bien, car cela montre bien que c’est un héritage historique. Exactement ce que le capitalisme ne supporte pas, de par son besoin de tout déconstruire, de tout recycler. Ce n’est pas non plus de l’idéalisme réactionnaire, car c’est de la vraie culture, allemande puis russe, atteignant l’universel.

Bref, c’est du classicisme et le socialisme défend le classicisme!

Noël a bien mérité un ballet, plein de légèreté et de féérie. Casse-noisette peut rétablir Noël, il en a les moyens. Il y a ici suffisamment d’ampleur, de profondeur, pour faire s’exprimer les esprits avec intelligence et bienveillance. C’est de cela dont les enfants ont besoin, et d’ailleurs Noël ne doit être que pour eux.

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Refus de l’hégémonie

Sahra Wagenknecht et l’économie de guerre allemande

La démarche de Sahra Wagenknecht en Allemagne a ceci de pertinent qu’elle se confronte ouvertement avec la marche à la guerre des deux superpuissances, américaine et chinoise.

Il faut bien comprendre qu’économiquement, la première victime du conflit militaire Russie-Ukraine du côté des pays riches est l’Allemagne, son satellite autrichien y compris. Toutes les économies des principales puissances ont été torpillées par la crise commencée en 2020. Mais l’initiative russe a fait de l’Allemagne un maillon faible, comme celle-ci s’est alignée sur la superpuissance américaine.

Sahra Wagenknecht a indubitablement compris que les masses allemandes allaient protester contre la situation et que le grand risque était celui d’une situation comme celle des années 1930, où c’est le nationalisme qui l’emporte. C’est le cas en Autriche, où la Gauche a acquis une position très marquée contre le capitalisme, mais reste dans l’ombre d’une extrême-Droite assumant d’être contre la guerre à la Russie.

Sa ligne est donc de former un mouvement de masse, afin de bloquer l’extrême-Droite et de permettre une initiative de masse sur une base sociale.

« Ses propres intérêts et la paix au lieu de la fidélité vassalisée et la confrontation »

Voici un long extrait du document d’analyse proposée par le mouvement « Aufstehen » (se lever, se soulever) lancé par Sahra Wagenknecht. Ce document fait partie des éléments constitutifs du parti qu’elle met en place fin octobre 2023.

On y trouve des points essentiels de la vision de Sahra Wagenknecht sur la guerre et la situation allemande.

« L’espoir de nombreux électeurs qu’un gouvernement dans lequel davantage de partis de gauche seraient représentés, et qui remplacerait ainsi le gouvernement conservateur en tant que représentant de l’élite, s’est rapidement évanoui.

Depuis le début de la guerre [entre la Russie et l’Ukraine], le gouvernement de coalition, contrairement au reste du monde, a complètement mis de côté les intérêts nationaux par rapport au capital américain et a déguisé moralement son action en opération d’aide à l’Ukraine.

Au lieu d’œuvrer dès le début à une solution diplomatique (le début remonte à 2014 au plus tard), des armes et de l’argent sont fournis sans cesse.

Le chancelier [social-démocrate Olaf] Scholz a amorcé un tournant. Aujourd’hui, c’est la confrontation qui remplace la détente.

La guerre actuelle a été déclenchée par la Russie. Si on veut y mettre fin, on ne doit pas mettre de côté ce qui a précédé.

En toute allégeance aux États-Unis et à nos dépens, la coalition, avec de prétendus objectifs moraux, vise uniquement à écraser la Russie ([référence aux propos de la ministre des affaires étrangères, écologiste, Annalena] Baerbock) et, si possible, à parvenir à un changement de gouvernement dans ce pays.

Surtout, les sanctions et l’embargo pétrolier ont amené notre économie au bord de l’effondrement dans de nombreux domaines et déclenché une vague sans précédent de « fierté coupable » ([l’expert du proche et moyen-orient Michael] Lüders = aveu d’actes répréhensibles contre la Russie avant la guerre).

Ceux qui sont au pouvoir parlent ainsi toujours sous la forme du « nous » et exigent que nous, les contribuables, acceptions la réduction de notre propre « prospérité » par solidarité avec l’Ukraine. Une majorité est pourtant depuis longtemps opposée au prolongement d’un soutien militaire.

Ces sanctions visaient à priver la Russie de sa base financière, même si les importations de pétrole n’ont pas encore été sanctionnées. Dans une obéissance prématurée, [le ministre de l’économie, écologiste, Robert] Habeck les a arrêtés, causant d’énormes dégâts à notre économie.

En tant que société, nous sommes simplement accaparés et, selon lui, nous devons supporter les difficultés.

Le suicide économique et social dû à une augmentation incommensurable des coûts n’a jusqu’à présent fait que prolonger les morts des deux côtés du front dans la guerre injustifiée de la Russie contre l’Ukraine, mais a causé bien moins de dégâts à l’économie russe qu’à la nôtre.

Mais « nous sommes les bons » ! La propagande de guerre s’accompagne d’une autoglorification morale et d’une perte du sens des réalités.

Bush, Reagan, Clinton et Obama ont mené des guerres comme étant du « bon côté ». C’est pourquoi les sanctions n’ont même jamais été ne serait-ce qu’envisagées.

Ainsi, de l’accord de coalition, peu a été mis en œuvre. « Oser faire plus de progrès », tel est le titre du document de 178 pages, empruntant évidemment à la déclaration gouvernementale de Willy Brandt en 1969, dont le slogan était « Oser plus de démocratie ».

A quoi ressemblent ces progrès ?

Avec le début de la guerre en Ukraine, notre économie est entrée dans le déclin.

L’interdiction d’importer du pétrole et du gaz naturel russes a poussé l’économie à ses limites, à l’exception de l’industrie militaire, qui est en plein essor grâce à l’injection de 100 milliards.

Lorsque le pays est entré en récession, le taux d’inflation a parfois dépassé 10% et s’élève au 23 juillet à 6,4%, même s’il dépasse encore 11% pour l’alimentation.

Cela touche particulièrement les groupes à faible revenu, déjà défavorisés.

Malgré une baisse significative des ventes de produits alimentaires, les bénéfices des leaders de l’industrie ont augmenté grâce à des prix abusifs criminels.

Cela signifie que les bénéfices vont aux riches, tandis que l’augmentation des coûts affecte particulièrement la population la plus pauvre.

La demande intérieure a été considérablement ralentie et, tout comme la baisse des exportations, elle a un impact sur la conjoncture négative.

Compte tenu de la hausse des prix des denrées alimentaires allant jusqu’à 20%, le flux vers les banques alimentaires a considérablement augmenté et, dans certains cas, a doublé. de sorte que des arrêts d’admission et des réductions de quantité dans la distribution ont été nécessaires.

C’est une impudence de la part du pouvoir que de confier la prise en charge de la « partie de la population laissée pour compte » à des associations organisées et financées par le secteur privé, sans leur apporter le soutien financier approprié !

En Allemagne, plus de deux millions de personnes dépendent désormais de l’aide alimentaire. Le besoin est probablement encore plus grand, car de nombreuses banques alimentaires ont cessé de les accepter.

Les dividendes des actionnaires ont cependant augmenté. De moins en moins de bénéfices sont restés dans l’entreprise, de plus en plus sont allés aux propriétaires (…).

Notre économie est en récession « technique » depuis le printemps 2023.

La production économique (produit intérieur brut, PIB) a diminué tant au quatrième trimestre 2022 qu’au premier trimestre 2023. Et les perspectives ne se sont pas améliorées depuis.

L’Allemagne connaît cette année la pire situation parmi toutes les grandes économies. Et ce sera probablement la seule grande économie à connaître une contraction. Cela veut dire : le FMI s’attend à une récession pour l’Allemagne.

L’industrie chimique en particulier s’est affaiblie, car les sanctions pétrolières et gazières y ont eu un impact particulier, mais aussi les secteurs des machines-outils et de l’électrotechnique.

Contrairement aux « citoyens normaux », l’économie allemande peut fuir. Une entreprise sur cinq envisage de délocaliser sa production à l’étranger.

Les petits fournisseurs qui ne peuvent pas déménager avec nous seront conduits à la ruine !

Il y a également un exode de travailleurs qualifiés. Environ 1,2 million de spécialistes bien formés et pour la plupart hautement qualifiés ont émigré en 2022.

Le budget fédéral 2024 prévoit des économies dans presque tous les domaines afin de pouvoir financer les dépenses d’armement et de guerre tout en respectant le frein à l’endettement (…).

La démocratie occidentale actuelle est une démocratie d’élite. Elle ne repose pas sur une volonté unifiée de la société, car la société est divisée en raison de différents intérêts économiques et de différentes visions du monde quant au développement.

Les élites comprennent des personnes qui ont beaucoup de pouvoir et qui, socialement, proviennent presque exclusivement des classes les plus riches et les plus capitalisées.

Leur attitude face aux inégalités sociales est essentiellement façonnée par leurs origines sociales exclusives et homogènes : c’est la base de leur pouvoir et de la mise en œuvre des politiques néolibérales !

Cependant, il n’existe pas une élite fermée, mais plutôt différents groupes d’élite, généralement liés les uns aux autres par leurs origines sociales.

Ils vivent dans un monde parallèle depuis leur naissance et ont une culture, une éducation et des opportunités de carrière communes. Cela signifie qu’ils fréquentent des écoles privées d’élite, étudient dans des collèges et universités (privés) d’élite et ont donc déjà un lien avec l’élite au pouvoir. »

Sahra Wagenknecht veut couper l’herbe sous le pied du nationalisme ; le faible niveau politique l’amène à lancer une initiative « sociale » avant tout, mais autour de principes bien circonscrits, comme la paix, le refus de l’OTAN. C’est là ce qui la distingue fondamentalement de gens comme Jean-Luc Mélenchon en France, dont le populisme est sans bornes aucune.

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Événements significatifs

Sahra Wagenknecht fonde un nouveau parti

Sahra Wagenknecht fonde fin octobre 2023 un nouveau parti ; voici quelques points précisant sa démarche. Nous en avons déjà parlé à plusieurs reprises, car elle est une figure de la Gauche historique. Elle n’appartient pas à la « gauche post-moderne » qui s’est installé à partir des années 2000, dans le prolongement du développement forcené du capitalisme de 1989 à 2020. Wagenknecht a ainsi comme démarche de chercher à s’adresser aux gens « normaux », refusant de s’aligner sur les principes de l’écriture inclusive, sur le migrant ou les LGBT comme figure sociales à défendre, etc.

A quel courant de la Gauche historique appartient Wagenknecht? Disons que c’est une socialiste à l’allemande. Si on prend la question de la guerre, elle relève de la social-démocratie d’avant 1914 (donc Lénine et Rosa Luxembourg compris). Elle dénonce non stop le militarisme et la course à la guerre des superpuissances ; vivant en Allemagne, elle s’oppose en premier lieu à l’OTAN et au soutien militariste sans limites au régime ukrainien.

Nous sommes la majorité et nous ne voulons pas vos guerres ! Pas de raison de célébrer les 70 ans de l’OTAN.

Sur le plan social, Sahra Wagenknecht a une ligne revendicative agressive, très agressive. Pour forcer le trait, elle agit comme si elle craignait qu’un mouvement comme les gilets jaunes se produisent, ou bien que l’extrême-Droite s’approprie une thématique sociale. Donc elle a une ligne, pas populiste, mais peut-être assez proche dans la forme, afin de vraiment la rendre lisible et présente. Cela marche très bien, tout le monde doit le reconnaître en Allemagne. Un sondage à l’annonce de la fondation de son parti montre que 19% des gens pensent pouvoir voter pour elle à l’ouest de l’Allemagne, et 29% à l’est.

Sur le plan économique, sa position est, on va dire, assez proche dans l’esprit ds discours de l’Allemagne de l’Est des années 1980. Sahra Wagenknecht considère que le capitalisme, c’est désormais un capitalisme féodal, avec des monopoles donnant le ton. Elle est pour briser ces monopoles. Par contre, elle n’est pas pour le socialisme. En fait, sa ligne tient plutôt au fameux propos de François Hollande « mon ennemi c’est la finance ». Elle veut un capitalisme industriel et concurrentiel, dans le cadre d’un système évidemment très social.

Ce qui est intéressant ici, c’est que ce capitalisme compétitif et social, c’est le vrai rêve d’Emmanuel Macron au départ. Sauf que lui est sorti de nulle part car de gros capitalistes « modernes » sont allés le chercher et qu’il est totalement intégré au turbo-capitalisme LGBT pro-migrants. Sahra Wagenknecht ne veut justement pas aller dans ce sens là. Elle est une sorte de rupture à la Emmanuel Macron, mais dans l’autre sens, ou bien si on veut, une sorte de François Hollande qui aurait assumé la rupture, ce en quoi beaucoup de gens avaient cru et espéré au moment de son élection.

Dénonciation de l’expérimentation animale en Allemagne et appel à une transition pour leur arrêt complet

Sahra Wagenknecht est évidemment totalement dénoncé par toute la « gauche postmoderne » allemande. Elle est considérée comme une « stalinienne » en raison de sa volonté d’avoir des principes bien établis et de ne pas du tout participer aux mouvements pro-migrants et pro-LGBT. Il est évident que lorsqu’elle dit que les migrations vers l’Allemagne rentrent au service du capitalisme et des monopoles – une simple vérité – cela déplaît fortement à la « gauche post-moderne » dont la fonction est justement de repeindre aux couleurs LGBT le capitalisme occidental.

Pareillement, elle a dénoncé les massacres du Hamas du début octobre 2023, tout en dénonçant dans la foulée le blocus terrible de Gaza par Israël. Rien de plus normal, et rien à voir avec l’hystérie « gauchiste » au sujet de la Palestine, dont elle se tient bien à l’écart. La ligne de Sahra Wagenknecht, c’est clairement une Gauche accessible, lisible, se plaçant dans une continuité historique et sur la base de valeurs bien définies.

C’est en cela que sa démarche est très intéressante !

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Guerre

Allemagne : 50 000 personnes contre la guerre en Ukraine

Avec Alice Schwarzer et Sahra Wagenknecht.

Nous avions déjà parlé en mai 2022 de la Lettre ouverte au chancelier Olaf Scholz, lancée par la revue féministe historique EMMA avec Alice Schwarzer. Depuis, un vrai travail de fond a été mené, avec notamment également et bien entendu Sahra Wagenknecht, la principale figure de la Gauche historique en Allemagne.

Sahra Wagenknecht et Alice Schwarzer

Leur manifeste pour la paix mis en ligne le 10 février 2023 a ainsi obtenu plus de 650 000 signatures. Il demande l’arrêt de l’escalade militaire de la part des pays occidentaux et la mise en place d’une véritable diplomatie pour la paix. Il met en avant un appel à manifester comme « soulèvement pour la paix ».

50 000 personnes se sont rendus à Berlin à la suite de cet appel, le 25 février 2023, manifestant sous la neige, exigeant la cessation de l’envoi d’armes au régime ukrainien.

Quel contraste avec la France où toutes les forces politiques, de La France Insoumise au Rassemblement national sont sur la ligne du gouvernement et de l’Otan, même si parfois avec certaines « réserves »!

Le drapeau du mouvement pacifiste (et non pas celui LGBT)

Là on voit la différence, avec une vraie position sur celle de la Gauche historique. Disons le, c’est exemplaire. Cela fait chaud au cœur !

C’est d’autant plus brillant qu’en Allemagne, contrairement à en France et à en Italie, l’extrême-Droite est opposée aux États-Unis. Les médias ont ainsi essayé de dénoncer le mouvement anti-guerre en l’assimilant à l’extrême-Droite, dans un matraquage ininterrompu dans tous les médias.

Mais l’entreprise a échoué ! L’intelligence politique et la légitimité d’Alice Schwarzer et de Sahra Wagenknecht ont permis l’émergence d’une vraie opposition, sur une ligne relevant de la Gauche historique.

« Bas les armes ! La guerre en Ukraine peut et doit être terminé au moyen de la diplomatie »
Bas les armes ! est une allusion au titre d’un ouvrage éponyme majeur dans les pays de langue allemande au début du 20e siècle, écrit par l’activiste Bertha von Suttner

Sahra Wagenknecht a avec justesse souligné d’ailleurs que ceux qui dénoncent l’extrême-Droite feraient bien de voir l’Ukraine et ses représentants, alignés sur le bandérisme !

Quel contraste avec la France où, le même jour, à Paris, le Parti socialiste, La France Insoumise, Ensemble et bien d’autres manifestaient avec les bandéristes !

En Allemagne, il y en a qui assument de se confronter avec leur propre militarisme !

1812 Napoléon 1914 L’empereur Guillaume 1941
Hitler 2023 Scholz / Baerbock?

Et il ne faut pas croire qu’en Allemagne, il n’y ait pas d’ailleurs en général le même matraquage qu’en France, bien au contraire ! L’Allemagne a même placé un… tank russe détruit il y a quelques mois devant l’ambassade de Russie à Berlin ! Les couleurs ukrainiennes ont été hissées sur les bâtiments officiels, etc.

C’est le même bourrage de crâne, la même guerre psychologique, la mobilisation pour l’Otan, pour la guerre américaine contre la Russie.

Les camarades allemands montrent l’exemple : c’est un mouvement démocratique et populaire qu’il faut générer contre la guerre !

Pas d’armes pour le régime ukrainien, et pression maximale sur les gouvernements pour forcer à aller dans le sens de la diplomatie !

Dans la compréhension, pour les éléments les plus conscients, qu’on est là dans la bataille pour le repartage du monde, et que c’est le Socialisme qui est à proposer comme horizon véritable pour empêcher ou stopper la nouvelle guerre mondiale qui se met en place !

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Guerre

La double ligne allemande sur l’Ukraine

La bourgeoisie n’est jamais un bloc unifié.

Couverture du quotidien allemand avec le chancelier Olaf Scholz et la ministre des Affaires étrangères Annalena Baerbock : « La fissure »

L’intérêt de porter un regard sur la ligne allemande dans les Affaires extérieures est double. Déjà, cela permet de voir comment les contradictions entre grandes puissances se façonnent. C’est un aspect directement utile.

Ensuite, cela permet de voir que la bourgeoisie n’est jamais un bloc unifié et qu’en son sein de multiples factions s’affrontent. C’est une leçon indirecte pour la situation française.

Surtout que la question de cette « double ligne allemande » a atteint un point de non-retour. Le chancelier Olaf Scholz, un social-démocrate, est en confrontation ouverte avec la ministre des Affaires étrangères Annalena Baerbock, une écologiste.

Toute la presse allemande « sérieuse » aborde ouvertement la question, pour saluer l’un, pour saluer l’autre, pour s’arracher les cheveux devant une telle crise, alors que l’Allemagne est partie prenante du bloc occidental pour détruire la Russie.

Ministère allemand de la Défense : le ministre de la Défense Pistorius à Ramstein, avec le secrétaire américain à la Défense Austin ouvrant la cnférence pour coordonner le « soutien » à l’Ukraine

Concrètement, Annalena Baerbock a agi en coulisses afin de faire triompher la ligne anglo-américaine. Elle a poussé à fond pour que des chars Leopard 2 soient livrés au régime ukrainien, y compris sans dire ce qu’elle faisait, ou le masquant au chancelier.

Le quotidien d’importance Die Zeit parle notamment d’un voyage à Londres où elle a demandé à son homologue britannique James Cleverly de livrer des chars Challenger au régime ukrainien, afin de forcer la main à l’Allemagne.

Autrement dit, Olaf Scholz aimerait temporiser, ce qui représente les intérêts de la bourgeoisie allemande, qui aimerait tirer son épingle du jeu. La ligne d’Olaf Scholz est d’impliquer au maximum la superpuissance américaine, pour que celle-ci ne se soit pas en mesure de se défausser si les choses ne tournent pas très bien. En cas de désastre sur le front ukrainien, l’Allemagne serait la première à en payer le prix.

Annalena Baerbock représente les intérêts de la bourgeoisie s’alignant entièrement sur la superpuissance américaine. Il faut y aller à fond, à tout prix, il y a tout à gagner. C’est la même ligne qu’Emmanuel Macron en France. Annalena Baerbock exprime cependant ça de manière encore plus ouverte, car elle est écologiste, et les écologistes de toute l’Europe occidentale sont devenus littéralement une annexe de la CIA.

D’où ses propos au Conseil de l’Europe, le 24 janvier 2023, en appelant à l’unité : « Nous sommes en guerre contre la Russie, pas entre nous ».

Annalena Baerbock en Ukraine le 10 janvier 2023 : « Soyez certain que l’Allemagne vous soutiendra sur toute la ligne ».

C’est là une contradiction interne à la bourgeoisie allemande, et elle touche tous les aspects de la « diplomatie », c’est-à-dire des orientations stratégiques bourgeoisies.

Le chancelier Olaf Scholz cherche, pour prendre un autre exemple, à pareillement temporiser avec la Chine, un pays qu’inversement Annalena Baerbock considère ouvertement comme un ennemie. Et elle met les pieds dans le plat, pour savonner la planche au chancelier. Lorsque celui-ci est allé à Pékin en novembre 2022, juste avant son départ elle rappelle que la coalition gouvernementale considère la Chine comme un « rival systémique ».

Le chancelier allemand Olaf Scholz et le président chinois Xi jinping en novembre 2022

Il en va de même pour la Turquie : Olaf Scholz veut temporiser, c’est la ligne officielle, mais Annalena Baerbock est ouvertement pour une ligne agressive contre la Turquie, comme elle l’a ouvertement formulé à l’été 2022.

Comme on le voit, il n’y a rien d’unifié dans la ligne allemande. Rien de plus faux que de voir la bourgeoisie comme unifiée, capable de raisonner, de former une stratégie, etc. C’est une classe décadente.

Et dans ce processus de décadence, les factions cherchent chacune à prendre le dessus. Ne pas sombrer à la remorque d’une d’entre elles exige d’avoir un haut niveau d’économie politique. On peut par exemple voir que le mouvement actuel contre la réforme des retraites est entièrement au service d’une faction bourgeoise social-impérialiste. La preuve ? Le thème de la guerre contre la Russie n’existe tout simplement pas. C’est très révélateur.

L’autonomie stratégique des masses populaires est une condition à leur libération, et pour cela il faut un haut niveau de conscience, un haut niveau d’analyse – c’est à cela que sert et que reflète agauche.org.

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Guerre

L’Allemagne pourrait produire bientôt du matériel de guerre américain

L’économie de guerre, dans la soumission à la superpuissance américaine.

La société allemande Rheinmetall AG est un conglomérat industriel spécialisé dans l’armement (ainsi que l’équipement automobile). Elle fabrique notamment le canon de 120 mm du char Leopard 2. Son PDG, Armin Papperger, a annoncé le 29 janvier 2023 qu’il envisageait de produire directement du matériel américain.

En l’occurrence, il s’agit des M142 HIMARS (High Mobility Artillery Rocket System) de Lockheed Martin. C’est un système d’artillerie puissant, très utilisé en Ukraine. A l’origine, il est question pour Rheinmetall d’augmenter considérablement la production de munitions de chars et d’artillerie, car la demande en Ukraine et en Occident est très forte. C’est clairement l’économie de guerre qui est en place.

Il a expliqué :

« Nous pouvons produire 240 000 cartouches de munitions de char (120 mm) par an, ce qui est plus que ce dont le monde entier a besoin ».

Et dans ce cadre donc, il explique que cela passera probablement (en fait sûrement) par une soumission directe au matériel américain.

« Nous avons la technologie pour la production des ogives ainsi que les moteurs-fusée. Et nous avons les camions sur lesquels monter les lanceurs».

De fait, Rheinmetall agit ici directement comme agent américain, en finissant de détruire toutes les perspectives européennes en ce qui concerne l’armement. La soumission à la superpuissance américaine doit être totale.

Historiquement, l’Union européenne, c’est le moteur franco-allemand. C’était encore largement vrai jusqu’à il y a peu, mais la crise et la guerre en Ukraine (deux phénomènes relevant d’une même chose) changent la donne.

L’Union européenne est devenue uniquement une succursale politique de l’Otan, donc une dépendance des États-Unis. L’Allemagne et la France ne pèsent plus en tant que telles, mais simplement de par leur capacité à se soumettre aux États-Unis.

Jusqu’à récemment, il était question de relative autonomie politique et militaire, avec surtout le projet SCAF, système de combat aérien du futur. Autrement dit, un projet franco-allemand (et un peu espagnol) d’avion de guerre, pour remplacer le Rafale (français) et l’Eurofighter (utilisé par l’Allemagne et l’Espagne) d’ici 2040.

Tout cela a du plomb dans l’aile depuis la fin 2022 et il est de plus en plus clair que l’Allemagne n’en prend plus le chemin. Surtout qu’en 2022, elle avait fait une grosse commande de 35 avions F-35 américains.

Du côté de la bourgeoisie française, le message est très clair. Dans Le Figaro, le « consultant » dédié à la chose explique à propos de cette annonce de la société allemande de fabriquer du matériel américain que cela va à l’encontre directe des projets franco-allemands.

«[Rheinmetall ] se positionne de manière très agressive pour torpiller les accords franco-allemands. Il entretient l’espoir de satisfaire rapidement des besoins immédiats, qui les positionnera comme leader pour les projets futurs, ou les tuera simplement dans l’œuf».

C’est dans l’ordre des choses. La 3e guerre mondiale, c’est l’affrontement entre deux blocs, celui de la superpuissance américaine et celui de son challenger, la superpuissance chinoise.

Tant la France que l’Allemagne sont maintenant entièrement précipitées dans le bloc américain, mais à peine en tant qu’alliés, de plus en plus clairement en tant que colonies. La question de l’autonomie dans l’armement étant ici un point clef quant à cet aspect.

La France est un pion dans la grande bataille pour le repartage du monde. Un pion en or, mais un pion tout de même.

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Guerre

La campagne « Rheinmetall Entwaffnen » en Allemagne

Un pacifisme héritier du mouvement ouvrier.

La déclaration par le chancelier allemand Olaf Scholz issu du SPD le 27 février 2022 de la création d’un fonds spécial pour le réarmement de l’Allemagne d’une hauteur de 100 milliards a fait grand bruit, en Allemagne comme partout en Europe.

Sans surprise, en France, il en est plus ressorti une vieille rancœur germanophobe avec la crainte à peine masquée de voir l’immense complexe militaro-industriel français être concurrencé en Europe.

Or, contrairement à la France où le terrain de la contestation antimilitariste est littéralement absent, il existe en Allemagne une importante tradition pacifiste liée à l’un des plus grands mouvement ouvriers européens qui, rappelons-le, a généré des figures d’importance comme Karl Kautsky, Rosa Luxembourg, Karl Liebknecht, Ernst Thälmann, Ulrike Meinhof…

On retrouve une partie de cette tradition dans la campagne ou plutôt l’alliance « Rheinmetall Entwaffnen » (Désarmer Rheinmetall) lancée en 2018, et qui chaque année organise un camp d’été autour de débats, d’activités et se concluant par une manifestation, le tout étant rythmés par des démarches plus activistes.

Rheinmetall ainsi que Heckler & Koch sont à l’Allemagne ce que sont Dassault ou Nexter à la France, soit des rouages névralgiques de l’industrie de guerre. Et si en France il existe l’association « Stop fueling War » (Cesser d’alimenter la guerre) fondée en 2017, « Rheinmetall Entwaffnen » s’en démarque par son militantisme qui se déploie sur le terrain d’une critique du militarisme comme faisant partie du système capitaliste.

Cela fait ici écho à la pensée de Rosa Luxembourg qui pensait dans son ouvrage majeur « l’Accumulation du capital » publié en 1913 que le capitalisme ne pouvait s’élargir sans la conquête militaire de zones non capitalistes, analyse qui fut par ailleurs critiquée par d’autres figures comme Lénine en Russie. On remarquera le clin d’œil fait à cette grande figure du mouvement ouvrier international par la petite gazette française anti-guerre « Rosa », qui porte son prénom.

Pour comprendre la démarche de « Rheinmetall Entwaffnen », voici la conclusion de la présentation du camp d’été baptisé « Désarmer Rheinmetall n’est pas un art », en référence à l’exposition d’art contemporain la Documenta qui avait lieu au même moment à Kassel, une ville moyenne de 200 000 habitants au centre de l’Allemagne où se concentre de nombreuses fabriques d’armement :

En tant qu’internationalistes et antimilitaristes, nous sommes solidaires de ceux qui se rebellent contre les guerres – qui sabotent, désertent, s’évadent. Nous nous battons avec ceux qui refusent d’allégeance à leurs seigneurs de guerre. La solidarité signifie rejeter l’incitation au bellicisme et reconnaître que nos alliés sont au-delà des lignes de front. La limite est toujours entre le haut et le bas.

[…]

Les guerres de ce monde doivent être terminées dès que possible. Nous nous opposons à la militarisation et au réarmement. Il nous faut 100 milliards d’euros pour la santé, l’éducation et la transition écologique au lieu de les fourrer dans le cul de l’industrie de l’armement. Nous voulons sortir du système capitaliste mondial qui apporte avec lui tant de catastrophes, de crises et de guerres.

Pour conclure le camp pacifiste, une manifestation « Contre l’armement et la militarisation » a réuni le samedi 3 septembre environ 1000 personnes dans le centre-ville de Kassel, derrière des slogans comme « Non au programme de réarmement de 100 milliards d’euros », « Plus jamais la guerre ! », ce slogan héritier du pacifisme de la Première Guerre mondiale ou bien encore « Le militarisme n’est pas de la solidarité », en référence aux livraisons d’armes au régime ukrainien et dont on trouve une explication intéressante :


La militarisation a un impact profond sur notre société. Ce faisant, il peut se connecter au patriarcat. Les hommes sont contraints à un rôle « héroïque » de combat sur les lignes de front, les femmes sont reléguées à une position vulnérable et pitoyable. L’État ukrainien en fait une doctrine d’État en refusant de quitter le pays ou en emprisonnant les déserteurs ou les objecteurs de conscience.

La veille, le vendredi 2 septembre, environ 200 personnes s’étaient rassemblées devant l’usine Rheinmetall afin d’en bloquer la production, ce qui a réussi puisque les ouvriers furent renvoyés chez eux, le rassemblement finissant par être délogé de force par la police à coups de gaz lacrymogènes. Un type d’action qui a déjà eu lieu à 2019 à Unterlüß, en Basse-Saxe, où les portes de l’usine Rheinmetall furent bloquées avec du bois et les planches d’une tourelle de chasse d’une forêt voisine !

Lors de ces journées de protestation, plusieurs opérations activistes ont ainsi eu lieu, contribuant à créer un climat d’agitation dans la ville permettant un débat d’idée autour de la question de l’industrie de guerre et le réarmement.

On peut citer des jets de peinture rouge sur le bâtiment d’un sous-traitant industriel de Rheinmetall, des pochoirs « aucun soldat allemand pour la guerre ». Ce sont également des affichettes qui ont été collées sur la plaque commémorative au ton plus que nationaliste du monument aux morts des deux guerres mondiales. Cette affichette présentait la biographie d’Helmut R., « né à Kassel en 1915, déserte la Wehrmacht en 1940 et rejoint un groupe de résistants français. Il a participé à des actions de sabotage contre l’industrie d’armement allemande. Il est arrêté en 1942. Il a été exécuté le 26 mai 1943 ».

On retrouve régulièrement mis en avant ce lien entre l’antifascisme et l’antimilitarisme. En mai 2021, un rassemblement a eu lieu devant la société de logistique DB Schenker à Hanovre du fait de son enrichissement pendant la Seconde Guerre mondiale, et cela jusqu’à aujourd’hui puisque le transport d’armement et la logistique militaire sont d’importantes activités de l’entreprise.

Le 8 octobre 2021, réunies derrière des banderoles portant les morts d’ordre « Bloquer Hecker & Koch, attaquer les profiteurs de guerre », « Bloquer les sociétés d’armement. La guerre commence ici », 200 activistes répondirent à l’appel de l’alliance à bloquer l’usine Hecker & Koch à Oberndorf am Neckar, entreprise spécialisée dans la fabrication d’armes de poing et dont les racines historiques puisent dans le travail forcé pendant le nazisme.

Vu de France, ce pays où la bataille populaire contre le militarisme est au point mort, la campagne Rheinmetall Entwaffnen est une grande bouffée d’oxygène !

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Guerre

L’Allemagne choisit des avions de chasse américains plutôt que franco-allemands

La tendance à la guerre renforce l’OTAN, et inversement.

Pendant cinq ans, le président Emmanuel Macron a mis sur la table l’idée d’une force armée européenne, et en tous cas de grande coopération et intégration industrielle-militaire en Europe. C’est là une sorte de gaullisme light, voulant garder pour la France un statut de relative grande puissance relativement indépendante, mais via l’Union européenne et son moteur franco-allemand.

Le projet d’armée européenne n’a jamais pris concrètement, puis il a été balayé par la guerre en Ukraine qui a vu le retour au premier plan de l’OTAN, pourtant donnée « en état de mort cérébrale » il y a très peu de temps encore par Emmanuel Macron.

Une nouvelle étape de l’échec de ce « gaullisme light » d’Emmanuel Macron via l’Union européenne vient d’être franchie, avec l’annonce par l’armée allemande de se tourner vers les États-Unis pour l’achat d’avions de guerre de type chasseurs-bombardiers. En l’occurrence, c’est une trentaine de F-35 de Lockheed Martin qui doit être commandée.

C’est un grand chamboulement, car l’Allemagne est censée intégrer depuis 2017 un programme de développement spécifiquement européen, nommé Système de combat aérien du futur ou SCAF. Plusieurs contrats et commandes spécifiques ont été passées auprès Dassault Aviation et Airbus Defence and Space, avec plusieurs millions d’euros de budget déjà engagés, des lettres d’intentions signées entre les ministres allemands et français de la Défense, etc.

Seulement, tout cela est pour dans longtemps, pas avant 2040. Et c’est maintenant que se dessine la tendance à la guerre. Et c’est maintenant que la superpuissance américaine met la pression pour une intégration totale à l’OTAN dans le sens d’un alignement militaire sur sa superpuissance.

Concrètement, l’Allemagne se positionne comme étant dans le sillage immédiat et direct des États-Unis, balayant toute la perspective franco-allemande sur le plan militaire. Voici comment l’agence de presse allemande Deutsche Presse-Agentur résume la chose :

« Les inquiétudes antérieures du gouvernement fédéral selon lesquelles l’achat du F-35 pourrait contrecarrer les projets conjoints avec la France de construire un ‘avion de combat du futur’ européen sont désormais passées au second plan et semblent largement invalidées du point de vue de Berlin ».

La pression américaine est en effet trop forte, et l’Allemagne ne misera pas sur la France. Car qui dit F-35, dit en fait et surtout intégration au programme militaire nucléaire de l’OTAN, c’est-à-dire américain. L’Allemagne dispose, sur la base de Büchel, de bombes nucléaires dite tactiques de type B-61, activables sur décision américaine. Mais pour rester intégrée à ce programme nucléaire, l’Allemagne est obligée d’acquérir les F-35 américains, car plus aucun nouvel appareil européen n’est certifié par les États-Unis pour cela.

L’Allemagne rejoint ainsi le Royaume-Uni, la Belgique, les Pays-Bas et l’Italie, qui ont déjà acheté des F-35. Elle fait un immense pas de côté par rapport au moteur franco-allemand.

La grande bataille pour le repartage du monde est concrètement d’actualité, et ce que cela induit principalement, c’est une tendance au renforcement des deux principaux blocs. L’un américain, l’autre chinois. L’Allemagne renforce son intégration dans le premier, aux dépens d’une relative indépendance avec la France dans le cadre européen.

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Guerre

Troubles diplomatiques entre l’Ukraine et l’Allemagne sur fond d’accumulation militaire

L’arrivée des troupes continue.

L’Allemagne a vu sa réflexion stratégique posée par la Prusse, et c’est une démarche très machiavélique. Le coup qu’elle vient de jouer est en ce sens tout à fait exemplaire. Pour un Français, c’est surréaliste.

On a donc le chef de la Marine allemande Kay-Achim Schönbach invité par un think tank indien, à Delhi. Il tient des propos qui sont ressortis par quelqu’un ayant opportunément filmé. Et c’est littéralement énorme.

L’accusation occidentale comme quoi la Russie voudrait envahir l’Ukraine est une « ineptie », pourquoi de toutes façons la Russie voudrait-elle un bout de terre en plus? Ce que cherche Vladimir Poutine c’est le respect et il le mérite.

Quant à la Crimée, elle ne retournera pas à l’Ukraine, cette dernière ne peut pas rentrer dans l’OTAN de par sa situation. La Géorgie le peut, mais est-ce que cela serait « smart »? Non, cela ne le serait pas.

Kay-Achim Schönbach ajoute qu’il est un chrétien catholique romain très radical et il préfère un voisin chrétien comme la Russie, même si Vladimir Poutine est athée, car le véritable ennemi c’est la Chine.

Alors que cette vidéo est sortie (et que le chef de la Marine allemande a démissionné après un temps mort), l’information est sortie, même si elle a été démentie de part et d’autre, comme quoi le chancelier allemand Olaf Scholz avait refusé d’aller aux États-Unis pour avoir un entretien avec Joe Biden au sujet de l’Ukraine, son calendrier étant trop chargé !

Et cela s’ajoute au fait que l’Allemagne ne veut pas envoyer d’armes en Ukraine, en raison officiellement de son histoire à la Russie, ce qui bloque également les armes venant d’Allemagne mais arrivées dans d’autres pays, comme l’Estonie, qui veulent les remettre à une tierce partie, en l’occurrence l’Ukraine.

L’Ukraine a très bien compris que l’Allemagne visait à sauver le gazoduc Nordstream 2 et ses bons liens avec la Russie, même en cas d’invasion. Le ministre ukrainien des affaires étrangères Dmytro Kuleba a ouvertement critiqué l’Allemagne et a même convoqué l’ambassadeur allemand Anka Feldhusen.

Il faut comparer cela bien entendu à la position des autres pays. Le Canada vient de faire un prêt de 84,3 millions d’euros à l’Ukraine, la superpuissance américaine vient d’y envoyer cent tonnes de matériel et des formateurs des forces des opérations spéciales, une délégation parlementaire britannique vient de se rendre secrètement sur le front au Donbass.

Et l’ambassade américaine à Kiev va évacuer les familles du personnel diplomatique dès le 23 janvier, les États-Unis considérant que la capitale de l’Ukraine est désormais franchement menacée de par les nouvelles troupes russes en Biélorussie. L’Ukraine a quant à elle placé 120 000 soldats sur la ligne de front au Donbass.

On notera que ces derniers jours, il y a eu de très nombreuses alertes à la bombe dans les écoles de Kiev ; une journée ce furent même toutes les écoles qui furent concernées.

La Roumanie a déployé également des chars et de l’artillerie à la frontière avec la Transnistrie, une région séparatiste pro-russe (qu’une invasion russe dans le Sud de l’Ukraine pourrait rejoindre).

Escalade sur escalade, contradiction entre puissances sur contradictions entre puissances, alors que la crise pousse à la guerre dans la bataille pour le repartage du monde. Sinistre panorama !

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Politique

Allemagne : 25% pour les sociaux-démocrates et triomphe du référendum berlinois pour exproprier les grands promoteurs

Un signal qui est fort.

Les élections du 26 septembre 2021 en Allemagne ont été particulièrement serrées, mais finalement les sociaux-démocrates l’ont emporté avec 25,7% des voix. Leur progression s’est faite notamment aux dépens du parti à sa gauche, Die Linke, juste en-dessous de 5% désormais, mais c’est un marqueur que, contrairement à la France, il existe une Gauche réelle et concrète en Allemagne.

D’ailleurs, Berlin a réalisé quelque chose de très fort, de très marquant. Un référendum a en effet eu lieu le même jour que les élections nationales, concernant pas moins que l’expropriation des grands promoteurs immobiliers. Il est le produit du rassemblement de 346 000 signatures permettant son organisation officielle.

La source du référendum est simple à comprendre. La chute du mur a fait de la ville de Berlin la capitale du jour au lendemain, la sortant de son statut de ville à part. Résultat, depuis 20 ans, elle connaît l’assaut des grands promoteurs immobiliers, qui ont investi plus qu’à Paris et à Londres réunis, les loyers grimpant en moyenne de 85 % en un peu plus de dix ans.

Cela joue particulièrement dans une ville où pratiquement 90% des gens sont locataires et où l’existence passée de très nombreux squats – une centaine dans les deux vagues historiques des années 1980-1990 (voir ici la carte) – implique une contestation puissante sur ce thème.

Le référendum – qui n’a pas d’implication légale et est juste une force de proposition – appelait à « socialiser » 240 000 logements en expropriant les grands promoteurs immobiliers que sont Deutsche Wohnen, Vonovia, Akelius, Covivio SE, DVI, Adler Group SA, TAG Immobilien AG, Pears Global Real Estate et d’autres.

Sont en fait concernées toutes les entreprises possédant plus de 3 000 logements. Vonovia compte d’ailleurs prendre le contrôle de Deutsche Wohnen, ce qui formerait un monstre capitaliste possédant plusieurs centaines de milliers de logements!

On attend d’ailleurs de disposer d’une liste de telles entreprises en France, cela serait plus qu’intéressant.

Et, donc, le référendum a été victorieux. Sur 2 447 600 inscrits, 1 835 115 ont voté (soit 74,98 %), avec 56,4 % de soutien à l’expropriation (et 39 % contre).

Dans l’esprit, le mouvement pour l’expropriation, qui a été très bien organisé comme on s’en doute, est une sorte de mélange de l’aile gauche des sociaux-démocrates (visant à remettre en cause la direction berlinoise par ailleurs contrôlant la mairie), de hippies alternatifs à l’allemande, de post-autonomes, bref de toute une scène berlinoise (dont la marque de vêtements Irie Daily est représentative).

Ce n’est pas pour rien qu’à Berlin, les 34 restaurants et cafétérias universitaires ne proposent que des plats végétariens ou vegans, en soutien aux animaux et au climat. Il y a une forte tradition d’implication et de confrontation.

Le thème de l’expropriation est ainsi ouvertement assumé et, comme on le voit, avec succès. Bien entendu cela n’a pas de conséquence directe et au final le vote n’amène rien de concret, tout comme d’ailleurs même l’expropriation impliquerait un rachat (pour autour de 30 milliards d’euros) et non une socialisation par la force, sans contrepartie, une réelle expropriation.

Mais tout de même, quel signal, quel marqueur de pour la Gauche! C’est du réformisme, mais un réformisme qui dit qu’il veut mettre les capitalistes au pas. C’est quelque chose !

Alors que nous, en France, on doit se contenter pour le thème du logement des story-telling de Paris, la ville grande-bourgeoise, où Ian Brossat, le délégué PCF au logement, parade sur les réseaux sociaux en présentant régulièrement quelques bienheureux choisis au compte-goutte…

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Politique

L’importance de la manifestation antifasciste de Leipzig du 18 septembre 2021

Les antifascistes allemands ne se laissent pas distancer.

A rebours d’une ultra-gauche française ayant choisi de manifester avec les anti-pass, la gauche radicale allemande maintient des fondamentaux en termes de contenu. Il est vrai que la situation est différente puisqu’il y a eu en Allemagne un mouvement anti-mesures et anti-vax multipliant dès le début de la pandémie les initiatives, porté par l’extrême-Droite (comme en France par la suite), la scène antifasciste organisant des contre-rassemblements, par exemple à vélo.

Il y a également une extrême-Droite activiste bien plus virulente et c’est ce qui a amené la manifestation antifasciste du 18 septembre 2021, à Leipzig. A la suite de la chute du mur de Berlin, cette ville s’est ajouté à Berlin et Hambourg comme bastion de la gauche radicale. La manifestation s’est d’ailleurs terminé dans le quartier de Connewitz, bastion de ce qu’on peut appeler la scène post « autonome » allemande.

On trouve à l’origine de la manifestation l’extrême-agressivité policière contre la gauche radicale à Leipzig, avec même une « soko linx », commission spéciale pour la gauche (qui se dit « links » en allemand et s’écrit parfois de manière argotique « linx » à l’extrême-Gauche) multipliant les arrestations, perquisitions, surveillances, etc. Ces enquêteurs anti-gauche radicale sont directement liés à l’extrême-Droite, qui leur fournit même des dossiers sur des militants de la Gauche. Cela rend la situation particulièrement explosive à Leipzig, avec d’importantes confrontations de part et d’autre.

C’est dans ce cadre qu’a été arrêtée Lina, une étudiante accusée d’attaques violente contre des activistes d’extrême-Droite. La manifestation, dont voici la vidéo (on voit bien le cortège à partir de la 22e minute), était en solidarité avec elle. Elle a rassemblé 4 000 personnes.

L’initiative se déroule avant le procès de Lina et les élections parlementaires. La manifestation exige la dénazification des services de sécurité allemand, la dissolution de la commission spéciale de Leipzig et la liberté pour les antifascistes.

Les allusions au marteau dans le cortège font référence au nom qu’aurait eu le groupe auquel appartenait Lina (le « groupe au marteau »). Le groupe aurait utilisé cet outil pour agresser treize activistes d’extrême-Droite entre 2018 et 2020. Lina est considérée comme la dirigeante du groupe et est en prison depuis novembre 2020, trois autres personnes étant également accusées (mais pas emprisonnées en préventive). Tous sont considérés comme ayant formé un groupe criminel (l’équivalent français de l’association de malfaiteurs). La mère de Lina était présente à la manifestation et a pris la parole.

On peut remarquer aussi des blocs assez distincts lors de la manifestation ; cela tient à des options très différentes pour la ligne antifasciste, même si l’ensemble relève de la gauche radicale allemande formant une seule scène. On peut par exemple voir sur la fin les tenants d’une ligne « dure », se cachant avec des parapluies pour se masquer et dont la banderole annonce que le responsable de la commission spéciale va terminer dans le coffre d’une voiture (allusion au chef du patronat allemand et ex nazi Hanns Martin Schleyer terminant ainsi après son enlèvement par la RAF en 1977).

La manifestation se terminant dans le quartier de Connewitz a d’ailleurs culminé avec des barricades, la police intervenant alors très brutalement, ayant été resté à l’écart jusque-là, même si un hélicoptère survolait en permanence la manifestation.

La scène allemande étant conséquente en termes numérique et culturel, il y a évidemment toute une série de produits lifestyle qui sont réalisés en soutien et pour obtenir des fonds, avec le symbole du marteau (« hammer » en allemand qui s’emploie également pour signifier « génial »).

Les différences avec la France sont flagrantes. Tout d’abord le niveau de violence est bien plus élevé en Allemagne de la part de l’extrême-Droite et les institutions penchent clairement vers celle-ci. Le niveau de tension est élevé et la répression réelle, régulière. L’Etat allemand n’hésite pas à arrêter des « politiques » et à la présenter tel quel.

C’est tout à fait différent de la France où l’Etat pratique une « désescalade » symbolique permanente, comme à Nantes où l’ultra-gauche démolit le centre-ville à chaque grande manifestation sans aucune criminalisation ni arrestation.

Il est vrai que la Gauche radicale allemande forme un bloc à part, est ainsi relativement isolée socialement, propose du contenu « sécessionniste », alors que l’ultra-gauche française a un écho réel dans la société mais se limite à « suivre » de manière violemment anti-intellectuelle les protestations en s’imaginant son aile radicale.

Autrement dit, l’ultra-gauche française est petite-bourgeoise populiste et se limite à une approche relevant des ultras du football, alors que la gauche radicale allemande est petite-bourgeoise culturelle et a un patrimoine alternatif issu des autonomes.

L’antifascisme de l’ultra-gauche française est une escroquerie jouant sur les mots (antifascisme étant ici « anti-autoritaire » en mode libéral libertaire), l’antifascisme de la gauche radicale allemande réel, pour des raisons historiques évidemment.

Ce qui est plutôt rassurant en 2021 car cela montre que les antifascistes allemands sont là, qu’ils vont tenir dans la tourmente des prochaines années. Et qu’ils vont apporter des choses dont on pourra apprendre.

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Guerre

L’Allemagne choisit la Russie, les Etats-Unis cèdent sur l’Ukraine

L’Allemagne a réussi à revenir au centre du jeu dans le conflit Russie-Ukraine.

Test le 19 juillet 2021 du missile de croisière hypersonique russe Tsirkon

« Trahison » : voici comment le journal Kyiv Post – un média fondé aux États-Unis traitant de tout ce qui concerne l’Ukraine avec une ligne pro-occidentale agressive – résume la visite de la chancelière allemande Angela Merkel aux États-Unis. En effet, le président américain Joe Biden a fini, contrairement à certaines attentes, par céder et à accepter l’existence du Nord Stream 2, un gazoduc germano-russe passant par la mer Baltique, doublant le Nord Stream 1 déjà existant.

Or, la principale conséquence est que les gazoducs venant de Russie passaient jusqu’ici principalement par l’Ukraine, et perdent leur importance. L’un des éléments importants donnant de la valeur à l’intégrité territoriale ukrainienne aux yeux des pays européens disparaît.

Les gazoducs provenant de Russie

Les 1200 km du gazoduc Nord Stream 2 étaient en passe d’être terminés, mais les États-Unis avaient bien insisté pour dire que ce n’était pas une raison et qu’il était encore temps de l’arrêter. L’objectif américain était d’isoler la Russie ; stopper Nord Stream 2 quasiment terminé, c’était établir une détermination sans faille contre la Russie, réaliser un vrai bloc européen.

L’opération a échoué. En Allemagne la bataille interne, très remuante, a tourné à la victoire des tenants de l’affirmation hégémonique, contre une soumission – intégration aux États-Unis. Le choix a été fait d’exiger la mise en place de Nord Stream 2. Comme le constate l’éditorial du Monde du 23 juillet 2021, c’est toute la diplomatie européenne dans son opposition à la Russie qui tombe à l’eau.

Le désarroi ukrainien est, de fait, très grand. Il y a peu le pays était sur des charbons ardents, gonflé à bloc, prêt à en découdre avec la Russie en s’estimant soutenu par toute l’Union européenne et les États-Unis. Fin juillet, le pays se retrouve clairement comme un pion qui a été plus ou moins abandonné.

Officiellement, bien sûr, ce n’est pas le cas. Victoria Nuland, la numéro trois du département d’État américain, a résumé comme suit l’accord germano-américain du 21 juillet 2021 :

« Si la Russie devait tenter d’utiliser l’énergie comme une arme ou commettre d’autres actes agressifs à l’égard de l’Ukraine, l’Allemagne s’engage, dans cet accord avec nous, à prendre des mesures au niveau national, et à faire pression pour des mesures efficaces au niveau européen, y compris des sanctions pour limiter les capacités d’exportation russes vers l’Europe dans le secteur énergétique. »

Si les choses se passent rapidement sur le terrain, un tel engagement ne signifie pourtant pas grand chose, l’Ukraine le sait bien.

De toutes façons, l’Allemagne, la principale puissance européenne, décidera comme elle l’entend. C’est d’autant plus vrai que toute l’Europe de l’Est et du Sud dépend du gaz russe. L’Allemagne et son satellite autrichien ont donc vite fait de prendre partie.

Et si l’accord russo-ukrainien sur le transit du gaz finit en 2024 et si l’accord germano-américain prévoit que l’Allemagne soutienne la reconduite du contrat pour dix ans, cela veut simplement dire que l’Allemagne compte passer à l’offensive pour littéralement faire passer sous sa coupe toute cette région du monde, en partenariat avec la Russie.

On peut ainsi constater ici que la vaste offensive de l’OTAN contre la Russie, si puissante il y a quelques jours, quelques semaines, vient de se voir mettre en échec par les contradictions germano-américaines. On a ici un moment clef avec une affirmation profondément agressive de l’Allemagne comme grande puissance avec des visées hégémoniques.

La Russie a accompagné ce processus de manière prononcée.

Le 16 juillet 2021, à Tachkent en Ouzbékistan, les ministres des affaires étrangères chinois et russe, Wang Yi et Sergueï Lavrov, se sont rencontrés, soulignant l’entente sino-russe et son opposition à une « stratégie indo-pacifique » emplie d’une « mentalité de Guerre froide ». Sergueï Lavrov a mis en valeur que :

« Les relations sino-russes sont à leur meilleur niveau dans l’histoire et elles ne constituent pas une alliance militaro-politique similaire à celles forgées pendant la période de la Guerre froide, mais un nouveau type de relations bilatérales. »

Le 19 juillet s’est tenue une réunion sur le développement stratégique russe et le premier vice-Premier ministre russe Andreï Belousov a affirmé que le transit maritime par l’Arctique passerait de 1,3 million de tonnes en 2020 à 30 millions de tonnes en 2030.

Le même jour a eu lieu le test d’un nouveau missile hypersonique, Tsirkon, lancé depuis la frégate Admiral Gorshkov contre une cible de surface à 350 km. Tsirkon a atteint Mach 7. Ce missile de croisière, dont la vitesse maximale est Mach 8 (10.780 km/h), peut parcourir 600 kilomètres à une moyenne de 6 000 km/h ; il doit équiper tous les sous-marins et tous les navires de surface de l’armée russe.

L’armée russe a également mis en place l’étude systématique par son personnel de l’article sur l’Ukraine du président russe Vladimir Poutine. Rappelons que l’existence de l’Ukraine comme nation indépendante y est niée.

Et lors du Salon international aérospatial MAKS 2021, s’ouvrant le 20 juillet 2021, l’armée russe a présenté le Soukhoï Su-75, surnommé Checkmate. Ce chasseur de haute qualité, sorte d’équivalent low cost du Rafale français, doit être produit à partir de 2025 pour être exporté. C’est un élément essentiel dans une politique hégémonique que d’être capable de fournir du matériel de guerre à ses satellites.

Le Soukhoï Su-75

La Russie a donc réussi à échapper à une offensive de l’OTAN et à renverser la partie par l’intermédiaire de l’Allemagne. Désormais, elle redevient la menace principale dans la région, avec clairement un risque pour l’unité territoriale ukrainienne.

Et la tension principale se déplace. Il est évident que les États-Unis entendent éviter deux fronts. Une seconde réunion au sommet américano-russe a d’ailleurs été mis en place en urgence et doit se tenir dans quelques jours ; comme celle du 16 juin 2021, elle se tiendra à Genève.

Il faut donc désormais porter une attention significative à la mer de Chine, puisque l’affrontement sino-américain direct redevient, comme sous Donald Trump, l’aspect principal. Et déjà le 20 juillet le Royaume-Uni a annoncé le déploiement permanent de deux navires de guerre en mer de Chine…

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Culture

Il y a cent ans naissait Sophie Scholl

Sophie Scholl représente une jeunesse capable de faire face.

Elle représente une jeunesse capable de faire face.

Les 8-9 mai 1945 l’Allemagne capitulait, et le 9 mai aurait été normalement l’anniversaire de Sophie Scholl, née en 1921. Mais cette figure du mouvement chrétien de résistance anti-nazie La Rose blanche avait été guillotinée par le régime national-socialiste le 22 février 1943.

Tel était le prix à payer pour avoir diffusé des tracts, qu’on peut lire ci-dessous, et qui abordent par ailleurs ouvertement la question des meurtres de masse commis par les nazis. Si l’Éducation nationale n’était pas décadente, à l’image de la société, les négationnistes et les gens comme Dieudonné n’existeraient même pas. Il suffit de savoir transmettre et d’affronter les forces obscures du nihilisme.

On notera que le fait que cette protestante ait comme référence, en plus du mystique et théologien Augustin (354-430), l’écrivain français Georges Bernanos avec Le journal d’un curé de campagne, semble confirmer la thèse de la base luthérienne de cet auteur. La Rose blanche est à ce titre un mouvement puisant dans le romantisme sa capacité de rébellion contre une société sordide.

roseblanche

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Écologie

55 000 cochons meurent dans l’incendie de l’élevage allemand d’Alt Tellin

C’est un drame à l’échelle de la catastrophe en cours à notre époque.

Le capitalisme modernisé a systématisé l’emploi d’animaux, dont les conditions de vie ont toujours été rendus plus horribles afin d’élargir la consommation. L’existence de McDonald’s et des kebabs, ces paradis du consommateur pressé, dépend de ces lieux infernaux où les cadences assassines et les emplois aliénés sont la règle.

L’incendie de l’élevage d’Alt Tellin, un village de 400 habitants tout au nord-est de l’Allemagne, apparaît ainsi comme une « anecdote » sanglante dans un océan de sang et de misère. Il y avait 7 000 cochonnes et 50 000 porcelets lorsque l’incendie s’est déclaré ; seulement 1300 animaux ont pu être sauvés. Mais sauvés de quoi ?

Les éleveurs assument ouvertement de mettre en place l’enfer sur Terre, de déclarer la guerre aux besoins naturels, à la sensibilité, à l’empathie. Les cochonnes subissent un cauchemar éveillé, c’est l’Horreur.

Une véritable résistance à la construction de cet élevage gigantesque – 250 000 porcelets chaque année – s’était développé en 2009-2010. Manifestations, conférences, sabotages par l’ALF, campagnes régionales… La bataille avait continué même après les débuts de l’usine-élevage, avec des tentatives de blocage juridiques, des campagnes de protestation.

Et l’usine-élevage cumulait, forcément, nombre de problèmes techniques, étant même obligé de changer la terre en raison d’une fuite d’acide sulfurique. De la construction en 2010 à 2015, il y a eu 207 inspections montrant pas moins de 213 manquements. L’usine-élevage est alors passé dans les mains d’un monopole, la Landwirtschaftliche Ferkelzucht Deutschland, car dans le capitalisme il faut toujours aller de l’avant.

L’incendie est ainsi le point culminant d’une crise traversant la réalité à tous les niveaux, de par le caractère infâme et intenable d’une telle usine-élevage, de par la tentative du capitalisme de toujours abaisser les coûts et de toujours vendre davantage. Quitte à aller en conflit avec la vie elle-même. Des êtres vivants brûlés vifs par milliers, dans la panique, la souffrance, c’est l’enfer de Dante. Le responsable départemental Achim Froitzheim a expliqué en parlant des pompiers que :

« Les gens ont des images dans la tête, c’est indescriptible. »

L’usine-élevage est détruite pour de bon. Les animaux ayant échappé au feu, eux, vont par contre rejoindre d’autres usines-élevages. Car le capitalisme continue et il continuera inlassablement à produire des usines-élevages toujours plus vastes, pour une consommation absurde pour des consommateurs façonnés par le capitalisme.

Mais cet dramatique événement donne aussi, tristement, raison à la résistance, qui ne manquera pas de prendre l’initiative. 200 personnes ont immédiatement manifesté aux abords de l’incendie pour protester d’ailleurs. L’honneur de l’humanité n’est pas sauvée, mais la bataille est en cours !

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Politique

Allemagne: la Gauche historique balayée dans Die Linke

Les courants de la Gauche historique ont perdu pied dans le principal parti de la gauche de la Gauche en Allemagne.

Die Linke est le parti à gauche des socialistes en Allemagne ; il est né en 2007 des restes du parti dominant au sein de la République Démocratique Allemande et d’une scission de gauche des socialistes à l’Ouest. Sa ligne est celle d’une sorte d’alliance socialiste-communiste pour un socialisme démocratique, avec comme identité la Gauche historique. Il est à ce titre opposé au régime, même si son approche est réformiste.

Dans les sondages, Die Linke est à 8%, les Socialistes et les Verts tous les deux à 17%. La pression pour une « grande coalition » de ces partis est ainsi très grande. Les tenants de la Gauche historique refusent d’écouter les sirènes gouvernementales, au nom des principes, mais les courants post-modernes pensent pouvoir « peser » sur les questions sociétales… D’où un renversement de majorité au congrès (réalisé en ligne) de Die Linke de la fin février 2021, avec des conséquences ébranlant profondément ce parti depuis, au point que la question d’une scission est sur la table.

En effet, sur les 44 membres de la direction, aucun ne relève des courants de la Gauche historique ; en pratique cette dernière ne représente plus que 20% de Die Linke, principalement à travers :

  • la Plate-forme communiste, qui veut que le marxisme soit assumé, avec une culture très liée à celle de la RDA (Sahra Wagenknecht en est issue) ;
  • la Gauche socialiste, dont l’esprit est à peu près celui du programme commun français de 1981.

La Gauche historique a été battue par les multiples autres courants post-modernes appuyés par les « centristes » de la « gauche en mouvement » dont l’objectif est très clairement la participation à un gouvernement avec les Socialistes et les Verts. Un important soutien à cette démarche est la Gauche anticapitaliste, qui rassemble des gens très à gauche, mais dans un esprit éclectique, souvent philo-trotskiste.

Autrement dit, il y a un véritable conflit de ligne. Il y a d’un côté ceux pour qui Die Linke ce sont des valeurs bien ancrées et d’autres pour qui c’est un levier « émancipateur ». Les tenants de la Gauche historique posent de ce fait la question de la scission de manière ouverte notamment en raison de la question du militarisme et de l’OTAN. Pour eux, il est hors de question d’accepter la « neutralité » de l’État et du régime, pas question de cautionner l’armée allemande.

En théorie, le congrès ne modifie pas ce positionnement, dont les tenants de la Gauche historique se veulent les garde-fous. En pratique, le basculement est fait. Car tel n’est pas du tout l’essentiel pour les courants comme la Gauche émancipatrice, le Réseau de la gauche réformiste, etc., pour qui ce qui prime, ce sont les réformes sociétales. Entre maintenir des valeurs « passéistes » et accepter l’exigence des Socialistes et des Verts de soutenir l’armée allemande et l’OTAN, le choix est fait discrètement mais sûrement…

On trouve à l’arrière-plan l’expression d’un changement de génération. Les nouvelles générations, largement influencées par les courants post-modernes, se situent en dehors des traditions du mouvement ouvrier et sont de ce fait étrangères à la Gauche historique. Il y a également un poids croissant des milieux petits-bourgeois, au grand dam des tenants de la Gauche historique qui pensent qu’à continuer comme cela Die Linke se coupera entièrement de la classe ouvrière.

Il y a également la question Est-allemande. Il y a dix ans, la moitié des 60 000 membres vivait dans l’Est du pays, désormais ce sont 38%. Die Linke s’est toujours appuyé largement sur des bastions Est-allemands, désormais il a réussi à intégrer le paysage allemand en général, mais au prix d’être devenu un mouvement « témoignage » sans perspective stratégique.

D’où les deux options : revenir aux fondamentaux et surtout à la classe ouvrière, ou aller dans un sens de participation gouvernementale comme satellite des Socialistes et des Verts.

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Culture Vie quotidienne

Détruire ce qui nous détruit

Slogan de la Gauche allemande alternative, « détruire ce qui nous détruit » est emblématique d’une exigence de transformation de la vie quotidienne.

« Détruire ce qui nous détruit » est un slogan classique de la Gauche allemande alternative des années 1970 en Allemagne de l’Ouest ; à rebours complet de la logique syndicale, il place les revendications sur le plan de la vie quotidienne. C’est exemplaire de la différence d’ailleurs entre la Gauche française des années 1960-1970 et son équivalent allemand.

Ce slogan est connu par le groupe « Ton Steine Scherben » (Hauteur de voix Pierres Bris de vitres), dont c’est le premier single en 1970. Le groupe, qui pratique une sorte de rock, est devenu emblématique d’une scène allant des Verts alternatifs à la Fraction Armée Rouge en passant par les autonomes et tous les squats berlinois des années 1980, avec comme dénominateur commun la revendication de la transformation de la vie quotidienne. En France, le journal L’Internationale liée à Action Directe reprendra d’ailleurs le slogan en couverture de son numéro de décembre 1983 ; il est souvent employé par le PCF(mlm).

Voici la chanson de Ton Steine Scherben.

En voici les paroles, les dernières lignes étant présentes sur la version de l’album.

« Les radios sont allumés, les disques tournent
Les films sont diffusés, les télévisions allumés
Acheter des voyages, acheter des voitures

Acheter des maisons, acheter des meubles
Pourquoi ?

Détruisez ce qui vous détruit !

Détruisez ce qui vous détruit !

Les trains roulent, les dollars roulent

Les gens s’épuisent au boulot, les machines tournent

Construire des usines, construire des machines
Construire des moteurs, construire des canons

Pour qui ?

Détruisez ce qui vous détruit !

Détruisez ce qui vous détruit !

Les bombardiers volent, les chars roulent,

Les policiers frappent, les soldats tombent
Protéger les chefs, protéger les actions

Protéger le Droit, protéger l’État

De nous !

[A quoi s’ajoute sur l’album la chanson du Front de l’unité de Bertolt Brecht et Hanns Eisler :

Et parce que l’homme est un homme
voilà pourquoi il lui faut de quoi manger, eh oui!
Aucun bavardage ne le rassasie
ça ne ramène pas de bouffe.

Donc gauche, deux, trois!
Donc gauche, deux, trois!
Là où est ta place, camarade!
Range-toi dans le Front de l’unité des travailleurs
Car toi aussi es un travailleur

Et parce que l’homme est un homme
voilà pourquoi il lui faut aussi vêtements et chaussures.
Aucun bavardage ne le réchauffe
et pas de roulement de tambour, non plus

Donc gauche, deux, trois!
Donc gauche, deux, trois!
Là où est ta place, camarade!
Range-toi dans le Front de l’unité des travailleurs
Car toi aussi es un travailleur

Et parce que l’homme est un homme
voilà pourquoi les bottes dans la figure ne lui plaisent pas.
Il ne veut voir parmi soi aucun esclave
et au-dessus de lui aucun maître.

Donc gauche, deux, trois!
Donc gauche, deux, trois!
Là où est ta place, camarade!
Range-toi dans le Front de l’unité des travailleurs
Car toi aussi es un travailleur

Et parce que le prolétaire est un prolétaire
voilà pourquoi aucun autre le libérera,
la libération de la classe ouvrière
ne peut être que l’œuvre des ouvriers

Donc gauche, deux, trois!
Donc gauche, deux, trois!
Là où est ta place, camarade!
Range-toi dans le Front de l’unité des travailleurs
Car toi aussi es un travailleur] »

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Société Vie quotidienne

Ragwear, un streetwear vegan normal et donc classe

La marque allemande Ragwear est à la fois ouverte et exigeante ; elle réussit à ouvrir un chemin pour le moins incontournable.

Ragwear est une marque allemande qui est assez proche de l’esprit d’iriedaily, mais sans la prétention alternative, ce qui amène paradoxalement un style beaucoup plus grand public et accessible, avec un esprit même peut-être plus authentique, parce que plus simple, plus neutre, sans agressivité.

Fondée en 1997 sur une base streetwear liée à la culture skate, la marque s’est aperçue des conditions terribles qu’implique la production de denim en Afrique en termes de conditions de travail et de pollution de l’eau. Elle a alors tout changé et en 2007 elle est devenue une marque strictement vegan accordant une place essentielle au refus de polluer.

Comme chez Iriedaily, on a pareillement sur Facebook les photos des travailleurs chinois produisant les habits ainsi que des lieux de travail, des employés, mais chez Ragwear on a également régulièrement des photos d’animaux, avec également des appels aux dons, la marque parrainant également une vache arrivée dans un refuge spécialisé pour vaches, etc. On est davantage dans une modernité vegan que dans un style branché urbain comme fin en soi.

Cela implique bien entendu un style moins tranché, moins cassant sur le plan graphique, mais de ce fait quelque chose de moins masculin urbain. La touche féminine est marquée et il est intéressant de savoir que les designers se trouvent à Prague, ce qui joue certainement sur le côté neutre et fleuri.

Cela interpellera forcément, parce qu’on sort clairement de la course au bizarre ou au grotesque qui est le pendant de la compétition au sein du streetwear, puisque le principe sous-jacent est de se faire remarquer en ville. C’est toute la difficulté de la question du style alors que le capitalisme corrompt les designers et les gens en général, imposant une fuit effrénée dans le remarquable. Ragwear se sort de cette problématique par un côté clairement tourné vers les gens normaux et par un souci fondamental : celui d’être sympathique et du bon côté.

Ragwear produit des t-shirts manches longues et courtes, des chemises, des sweatshirts, des blousons, des robes, des hauts et des pantalons ; on notera que son site dispose d’une version en français, ce qui est valable pour les sympathiques articles du magazine.

La marque mérite clairement d’être connue en France et il est évident qu’elle le sera, parce qu’elle propose ce qui est tout à fait dans l’air du temps. L’exigence posée par Ragwear correspond à quelque chose de tout à fait populaire : simple et vegan, urbain mais sans pousser à une distinction artificielle. Ce qui est classe, somme toute.