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Culture & esthétique

Des halles socialistes plutôt que des zones commerciales

Avec l’essor de la commande en ligne et des livraisons à domicile (ou points relais), le capitalisme s’enfonce tout en essayant de résoudre ses propres contradictions. La décadence d’un mode de production est justement complet quand même les solutions aux problèmes sont de nouveaux problèmes.

Depuis les années 1950, la société marchande a connu un véritable bond en avant, développant une multitudes de possibilités de consommation. D’un côté cela veut dire que l’abondance des biens est un progrès immense qui permet de vivre confortablement, si l’on vit dans un pays développé. D’un autre côté, cela signifie que la tendance au monopole et la mise en concurrence produisent un éparpillement. En pratique, pour trouver ce que l’on cherche il faut se rendre dans plusieurs enseignes au lieu d’une seule et souvent cela veut dire faire des kilomètres, perdre du temps et ne plus s’y retrouver.

Cela est particulièrement palpable au moment des fêtes dans la mesure où l’on veut mettre la barre haute, que ce soit en faisant des cadeaux ou préparant des repas conviviaux, mais c’est surtout une réalité qui pèse toute l’année pour ses courses au quotidien.

Galeries Lafayette, boulevard Haussman, Paris (1894, coupole 1912)

Dans un magasin A on trouve de la nourriture pour animaux correcte, dans un magasin B comment s’alimenter sainement de manière vegan, dans un magasin C le meilleur rapport qualité prix pour des produits de base, dans un magasin D l’ambiance sera moins oppressante que le magasin C mais on ne trouvera que peu de choses, ainsi de suite. C’est un vrai casse-tête du quotidien qui se multiplie dans tous les domaines de consommation.

Il ne faut pas négliger cet aspect dans la tendance à l’augmentation des achats en ligne, du recours au « drive » ou à la livraison de ses courses à domicile : il y a une tentative de résolution de ce chaos à l’échelle individuelle. Et comme cela touche l’organisation du quotidien, ce sont principalement les femmes qui ont recours à ces services.

Certes beaucoup apprécieront de faire les boutiques, mais au quotidien naviguer de zones commerciales en supermarchés en zones piétonnes, de tours de ronds-points en embouteillages et recherche d’une place de parking, c’est tout bonnement intenable.

Dans ce cadre, il faut maintenir un certain rythme, un certain standing et avec le développement anarchique des enseignes et des produits visant simplement à satisfaire des niches, rien n’est uniformisé, homogénéisé, centralisé, simplifié et surtout rendu plus agréable. Le temps libre se transforme en un long cauchemar quand il faut se confronter à ces espaces labyrinthiques d’une grande laideur. À ce titre on voit bien l’évolution esthétique de la bourgeoisie rien qu’en comparant un centre commercial d’après les années 1970 avec une galerie marchande de la fin du XIXe siècle. Entre vecteur de beauté et décadence capitaliste.

Grand Magasin à dimension populaire, Paris (1856)

Les centre commerciaux ont été imaginés chacun comme une flânerie à l’abri des intempéries, mais dès qu’une agglomération dépasse quelques milliers d’habitants ce sont plusieurs centres commerciaux, voire zones commerciales qui se font concurrence, et alors cela se transforme en course contre la montre quotidienne. À moins d’être chanceux, il faut choisir entre rationaliser ses lieux de consommation avec ses trajets domicile travail ou faire de choix plus culturels ou sain au prix de beaucoup de temps et d’argent.

En soi cela ne pose aucun problème pour le capitalisme que le temps libre du travailleur soit dédié à ce genre de course à la consommation. Mais le besoin de sérénité et surtout de rationalité trouve toujours un chemin !

Celui-ci pourrait être celui de remettre en question une vie quotidienne dictée par les lois du profit et sa laideur. Mais en l’absence de perspectives la remise en question est remplacée par un repli sur soi et une participation à l’extension de la consommation capitaliste à la sphère privée.

Avec le développement des plateformes d’achats en ligne, de la livraison et des « drive », le capitalisme exploite ses propres failles en compensant l’absence de l’objet convoité par un « parcours client » virtuel amenant à la compulsivité.

Passage Pommeraye, Nantes (1843)

Là où en allant en ligne on pensait gagner en tranquillité tout en supprimant la tentation des packaging et de la mise en rayon en faisant son panier en ligne, les publicités ciblées se chargent de rappeler qu’on ne s’est mis à l’écart de rien du tout, que la capitalisme se glisse dans la moindre pensée de manière perfide.

La seule échappatoire est politique et sur ce sujet là, il n’est pas compliqué d’avoir un minimum d’utopie car on peut faire beaucoup mieux. Alors, que serait un lieu de distribution de la marchandise tout à fait socialiste ?

Tout d’abord, le socialisme permet d’unifier les différents monopoles et ainsi de supprimer l’éparpillement des produits tout en réduisant le volume de l’inutile grâce à la planification. Il est donc possible de rendre la distribution des produits plus claire. Surtout cela permet de satisfaire la qualité des produits dans l’abondance générale. Car à y regarder de près, le capitalisme prétend à l’abondance en ne parvenant pas à répondre à la qualité, sauf à appartenir aux classes les plus riches de la société.

La « publicité » doit être limitée à promouvoir des bonnes habitudes de salubrité et à présenter les nouveaux produits élaborés dans ce sens. Cela diminue le stress psychique au quotidien et au moment des courses. Ainsi, les dépenses compulsives en raison de prétendues promotions sont éliminées.

Passage Balthus, Autun (1848)

Le moment des courses est replacé au centre de la vie quotidienne et doit pouvoir s’effectuer à moins de dix minutes de chez soi, sans prendre la voiture puisque les voitures sont bannies du quotidien du plus grand nombre.

La fin des voitures étant nécessaire pour réduire l’étalement urbain, il est évident que les zones commerciales seront repensées soit pour ramener la nature dans et aux abords des villes, soit pour créer de nouveaux centres-villes là où les grandes villes et zones commerciales avaient absorbés l’activité des bourgs secondaires. Dans le cas de cette seconde option, les nouveaux magasins socialistes sont une structure centrale pour reconstruire la vie collective dans les déserts urbains capitalistes.

On trouve une halle dans chaque quartier dans les grandes villes, celles-ci sont adaptées au nombre d’habitants par leurs dimensions et la quantité de produits, mais le choix est aussi large dans les bourgs modeste que les grandes villes. Les halles participent à l’attractivité et ainsi au rééquilibrage démographique entre ville et campagne.

La forme du lieu où faire ses courses pourrait être empruntée aux halles ou galeries marchandes puisque cela permet d’éviter les « parcours clients » des hypermarchés de la société actuelle au milieux de rayons de marchandises dont l’achat n’est pas prévu. Les galeries sont un ensemble de boutiques thématiques approvisionnées essentiellement de la marque issue des monopoles précédemment socialisés.

Ainsi, on a d’une part l’alimentaire sec, de l’autre les fruits et légumes, ou encore la parapharmacie, les produits d’entretien, etc. La qualité est mise en avant car mise à disposition du peuple tout entier, que cela concerne l’alimentation, l’habillement, l’ameublement, etc.

Les galeries sont couvertes et il est possible de ramener les chariots jusque chez soi, jusqu’aux prochaines courses. Pour les personnes âgées et le parent faisant les courses en présence d’enfants en bas âge, les halles emploient des personnes affectées à l’aide aux course et à la restauration du lien social.

Coupole en vitrail dans le magasin Printemps (Paris) reconstruit en style néo-classique en 1883

Le beau redevient un critère essentiel aux nouvelles constructions, y compris pour les halles. Leur architecture se réfère au classicisme et les ornements empruntent à différents courants figuratifs du classicisme à l’art nouveau.

Les halles socialistes sont réellement des lieux de flâneries où l’on se croise aussi bien à faire ses courses qu’à admirer les bas reliefs, tableaux, vitraux et statues représentant la Nature, les animaux ou des moments clefs de l’Histoire de l’humanité. Ce lieu, comme le reste des villes et communes populaires sont décorés avec goût pour fêter les solstices et les dates clefs de l’Histoire mondiale du mouvement ouvrier.

En somme une halle socialiste se doit d’être un carrefour entre le musée, l’architecture et la satisfaction des besoins humains. La halle a comme aspect principal de mettre en exergue le contrôle par le peuple des forces productives permettant de satisfaire les besoins. Contrairement aux grands magasins bourgeois, les halles socialistes ne font pas dans la démesure, l’objectif est de faire du beau simplement, et néanmoins répandu sur tout le territoire.

Retrouver des lieux de consommation agréables ne pourra se faire qu’avec le socialisme puisque les modalités d’accumulation du capital poussent à réduire le bâtis au fonctionnel et poussent ceux-ci en dehors des villes. Cette incapacité à faire du beau, de la qualité et de l’écologique est d’ailleurs une des choses qui va pousser inéluctablement l’Humanité dans l’ère du Socialisme.

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Réflexions

Les gens bien ne font pas de trottinette électrique

C’est le véhicule du 24h/24 turbocapitaliste.

Les gens circulant à trottinette électrique sont moches. Ils n’ont aucune allure de part la position guindée et crispée que nécessite la conduite d’un tel engin. C’est un manque cruel de style et de raffinement ; culturellement, surtout en France, c’est quelque chose de tout sauf anodin. La généralisation des trottinettes électriques est une marque évidente de décadence des mentalités, avec une américanisation totale des comportements.

Mais s’ils sont moches, c’est aussi parce qu’ils sont des feignants incapables de prendre un simple vélo, ou même de se déplacer à pied. Il ne faut pas s’y tromper : la trottinette électrique n’est aucunement une mobilité «douce ». Elle ne remplace pas les horribles voitures et les immondes scooters. Elle en est plutôt leur extension, sur des parcours courts. La trottinette électrique est typiquement une modernisation et une généralisation de l’état d’esprit « automobile » du 20e siècle.

S’imaginer seul au monde, circuler à toute allure sans aucune considération pour les autres et les règles communes, se garer n’importe où, voire emmener son propre véhicule jusque dans les rayons d’un magasin : telle est la réalité de la trottinette électrique dans les villes, comme elle l’était dans les années 1980 pour l’automobile.

D’ailleurs, on pourra faire toutes les critiques que l’on veut sur l’automobile dans les villes – et il faut faire ces critiques, mais il est indéniable qu’au moins, la circulation automobile est encadrée. Ce n’est qu’à la marge qu’il y a des salopards pour ne rien respecter. Pour la trottinette électrique par contre, c’est systématique.

Le pire en la matière vient bien sûr des flottes en libre service, où en fait c’est l’usage même que de se garer n’importe où et de ne surtout pas respecter le matériel utilisé. Qui a vécu ou est passé ne serait-ce qu’une journée à Paris ces dernières années ne peut qu’être horrifié de ce sinistre spectacle des trottinettes électriques absolument partout, y compris dans les cours d’eau…

Le référendum local proposé par le Mairie de Paris le 2 avril 2023 visant à interdire ces flottes en libre service ne pouvait qu’aboutir. Rien d’étonnant à ce qu’elles furent rejetées à près de 90% (avec toutefois un taux de participation très faible, moins de 10%).

Impossible néanmoins de considérer ce vote comme une victoire de la société. Déjà, car il arrive bien trop tard : une société réellement civilisée n’aurait jamais laissé faire depuis le début.

Surtout, car cela ne changera rien à la prolifération des trottinettes électriques personnelles, comme c’est le cas dans beaucoup d’autres villes. Les trois opérateurs parisien Lime, Tier et Dott trouverons d’ailleurs probablement des parades pour continuer à exister dans la capitale après le 1er septembre 2023. On peut compter sur leur créativité capitaliste pour cela…

Toujours est-il que les trottinettes électrique sont un symbole typique de notre époque.

Une époque où la bourgeoisie française, censée être garante de la société et de son ordre, a littéralement sombré, au point de se faire déborder dans sa propre capitale par quelques hurluberlus (dont énormément de touristes étrangers).

Une époque de décadence, où le vivre ensemble recule chaque jour un peu plus en raison de l’ensauvagement de la société, qui va de pair avec l’emprise toujours plus grande du capitalisme sur la vie des gens, et inversement.

Un époque où le turbocapitalisme s’immisce partout, 24 heures sur 24. Il faut pouvoir consommer sans entrave, telle est la promesse à laquelle s’imagine céder la pauvre âme se déplaçant en trottinette électrique.

Ce n’est pas simplement que le capitalisme colonise tout, c’est aussi que les gens eux-mêmes sont des agents du capitalisme. La trottinette électrique est le parfait véhicule de l’individualiste acharné.

Il est pourtant bien plus simple de prendre un vélo (un vrai, pas un vélo avec un moteur), ou de marcher. Mais cela demande un effort, de l’organisation, alors que par contre le capitalisme permet d’aller vite partout en restant debout figé sur une plateforme en plastique dur.

Peu importe que cela pollue énormément pour de simples petits trajets, à cause des batteries, et aussi de l’électricité qui est majoritairement nucléaire en France. Peu importe que cela soit dangereux, surtout pour les piétons, mais aussi pour les usagers de la trottinette électrique eux-mêmes. Peu importe, car il faut foncer sans se poser de question, consommer sans restriction aucune.

C’est une évidence, les gens bien ne peuvent pas participer à cela, ils tiennent les trottinettes électrique et leurs usagers en horreur. Reste aux gens bien de se prendre en main et de renverser la table, au nom de la civilisation. C’est précisément le programme de la Gauche historique !

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Société

« Dark stores » et « dark kitchens » : l’agonie du capitalisme

La société marchande est condamnée.

Depuis plusieurs années, les villes françaises sont polluées par la prolifération de service de livraison à domicile. Cela a d’abord concerné les restaurants déjà en place, puis il y a eu des restaurants se spécialisant dans la livraison, sans aucun service d’accueil sur place. À ces « dark kitchens » s’ajoutent maintenant tout un tas de « dark stores », soit l’équivalent de supérettes ou supermarchés, mais uniquement destinés à la livraison.

Ces entrepôts posent des problèmes évident de nuisance dans les rues où ils sont implantés. D’abord en raison du va et vient des scooters (qui attendent longtemps sur place, sur les trottoirs, les éventuels commandes), mais aussi à cause des livraisons pour l’approvisionnement. Un « dark store », c’est plusieurs camions semi-remorques ou gros porteurs par semaine, souvent tôt le matin, parfois en journée, y compris le samedi. Et ce sans infrastructures, ni aucune concertation préalable avec les municipalités, contrairement aux supermarchés classiques (quoi que c’est de moins en moins vrai pour les supermarchés classiques).

Ces entrepôts sont installés en toute illégalité, et bien sûr en toutes connaissance de cause de la part des entrepreneurs. Il est joué sur la prétention de dire qu’il s’agit de commerces traditionnels (ce qui serait légal), alors qu’ils s’agit manifestement en droit urbain d’entrepôts, donc soumis à des règles et des autorisations particulières.

Il y a quelques jours, l’adjoint à la mairie de Paris en charge de l’urbanisme s’est imaginé porter une grande cause en « dévoilant » un projet gouvernemental de légaliser les « dark stores » et « dark kitchens ». Il s’agit d’un petit article d’un arrêté de la Direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages, permettant de requalifier en « commerces de détail » ce qui est défini comme des « points de collecte d’achats commandés par voie télématique ». Cela mettrait définitivement fin à toute « interprétation » juridique de la chose.

C’est une vision des choses d’ailleurs très cohérente du point de vu capitaliste, car on à là effectivement des points de collecte de marchandises par des particuliers, la seule nuance étant qu’ils sous-traitent cette collecte à des domestiques.

De toutes façon, c’est là un détail tout à fait insignifiant, car en réalité ces entrepôts sont déjà légaux de fait, puisqu’ils se sont implanté de force et que personne ne les a empêché. Ni les administrations, ni les préfectures, ni les municipalités (y compris Paris), n’ont rien fait contre, alors qu’il y avait tout un tas de manières administratives et policières d’empêcher ces activités dès le premier jour.

Ne serait-ce qu’en réprimant concrètement l’occupation illégale de l’espace publique par les scooters accompagnants ces entrepôts. En réprimant l’exercice illégal de l’activité de livraison avec engin motorisé de la part d’auto-entrepreneurs grouillant autour de ces entrepôts. En réprimant la circulation sur bandes et pistes cyclables par les « speed bikes » utilisés par ces entrepôts, qui sont légalement des cyclo-moteurs.

Le ministre délégué à la Ville et au Logement Olivier Klein a mis fin à la polémique en faisant savoir qu’il n’était pas question d’imposer et que les collectivité locales doivent avoir la possibilité de refuser ces « stores », via les plans locaux d’urbanisme. C’est la magie du turbo-capitalisme : d’abord le droit est piétiné par des entrepreneurs, puis la puissance publique, qui n’a plus grand chose de publique, torpille le droit en légiférant dans le sens des entrepreneurs pour accompagner ce qui est déjà en place, et ensuite il prétendu qu’il y a le choix. Le « choix » étant l’alpha et l’oméga du turbocapitalisme.

Fini la démocratie dans sa forme moderne-républicaine donc, avec la bourgeoisie censée être la meilleure représentante de la société. Seul le marché compte avec le « choix » des consommateurs. Mais ce qui est vraiment remarquable dans cette histoire, c’est que même en ce qui concerne le marché, il n’y a en fait pas grand-chose.

Car il ne faut pas s’y tromper. Si ces « stores » représentent en partie une expansion du capitalisme, avec des marchandises disponibles 24h/24 ou presque, ils représentent surtout un ratatinement total du capitalisme. Ces stores n’apportent aucune plus value, ne représentent aucune valeur ni véritable modernité, si ce n’est une façon nouvelle d’avoir recours collectivement à des domestiques, sans être soi-même très riche.

Mais ces « stores » sont très loin d’être rentables et au sens strict, ils forment une concurrence déloyale aux commerces traditionnels. Mais comme les monopoles du commerce traditionnel (Carrefour par exemple) sont en général eux-mêmes actionnaires de ces nouvelles entreprises, alors ils accompagnent le mouvement en s’imaginant être placé pour l’avenir, face à la crise.

Si le capitalisme était vaillant, la bourgeoisie écraserait ces tentatives commerciales ridicules dans les centres urbains, en raison des nuisances évidente qui n’apportent en contre-partie rien au PIB du pays ni à la croissance capitaliste des villes. Mais le capitalisme est en crise, face à un mur, alors tous les moyens sont bons pour espérer. C’est ainsi que s’est développée la croyance (irrationnelle par définition) en les « start-ups » et les applications pour smartphone.

Alors, la modernité capitaliste serait de se faire livrer ses courses commandés sur iphone en 15 minutes, par des domestiques qui ont attendu sagement devant les entrepôts que le consommateurs du futur aient une petite faim, et surtout une grosse flemme de bouger du canapé ou de l’ordinateur. Il y a beaucoup de gens, surtout jeunes, pour trouver cela sympa et payer plus cher leur paquet de chips et leur sauce tomate pour ce « service » 2.0. Mais ce n’est pas ainsi que le capitalisme se sauvera de la crise, bien au contraire.

On peut d’ailleurs se douter qu’avec l’inflation et la crise énergétique, le problème des « dark stores » va être réglé rapidement. Quand les gens vont découvrir leur facture de chauffage cet hiver, alors que tous les prix vont drastiquement continuer d’augmenter en raison également de cette crise énergétique dans l’industrie et le transport, la donne ne sera plus la même. Et l’agonie du capitalisme en sera d’autant plus évidente.

Reste à savoir quelle sera la réponse populaire face à la crise sociale et économique. En attendant, sur le plan culturel, la faillite populaire est évidente, sinon ces absurdes « stores » n’auraient jamais pu voir le jour.

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Écologie

Le dossier complet des «marches des terres» contre l’urbanisation en Île-de-France

L’écologie est forcément une question globale, avec en premier lieu le réchauffement climatique et les émissions mondiales de CO2. Mais c’est aussi une question se posant chaque jour sous nos yeux partout en France, avec l’étalement urbain.

Zones humides, terres agricoles, prairies, forêts, friches urbaines : au 21e siècle le capitalisme est toujours en expansion, il ne cesse jamais de s’étaler en bitumant le pays. L’Île-de-France est particulièrement concernée par l’étalement urbain, cette folie morbide, comme si la région parisienne n’était pas déjà un monstre contre-nature.

Alors c’est un véritable crève-cœur de constater la faiblesse des « marches des terres » ayant eu lieu ce samedi 9 octobre 2021. Depuis le Nord, le Sud, l’Est et l’Ouest de la région, quatre départs de marches étaient organisés pour converger à Paris ; les marches n’ont rassemblé que quelques centaines de personnes.

Où sont ces soit-disant « jeunes pour le climat » dont les médias se gargarisaient il n’y a pas si longtemps ? Pourquoi les jeunes franciliens ne sont pas terrifiés et révoltés par l’avenir qui leur est dessiné ? Les « marches des terres » ne font peut-être pas rêver dans leur forme et par la perspective qu’elles proposent. Mais on ne pourra pas leur reprocher par contre de ne pas être concrètement attaché à leur sujet.

En l’occurrence, il y a un vrai travail de fond qui est mené, et la documentation proposée par le collectif d’associations au sujet de l’artificialisation des sols en Île-de-France est très dense et minutieuse. C’est, pour le dire autrement, tout l’inverse de l’immédiateté consommatrice et superficielle d’Instagram ou Tiktok. Mais c’est de ce genre de document dont on a pourtant besoin pour la nécessaire réflexion afin de mener correctement la bataille pour l’écologie.

Le document est disponible sur le site du collectif à cette adresse : les-marches-des-terres.com


Le voici également ci dessous (faire apparaître les boutons de navigation pour changer de page) :

2021-10-09-dossier-de-presse-Marches-des-Terres

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Société

La pandémie n’a pas stoppé l’étalement urbain

Les villes moyennes ne profitent pas de la situation nouvelle.

Le Courrier des maires et des élus locaux s’est penché sur la question de l’exode depuis les grandes villes. On sait comment il a été parlé d’une prise de conscience que la vie dans les grandes villes a des aspects désagréables ou insupportables.

En réalité, il n’y a rien de tout cela… Sauf à la marge et encore est-ce la marge de couches sociales aisées. Ce qui est inévitable dans le capitalisme, parce que seules ces couches ont une marge de manœuvre (et encore est-elle définie par une approche consumériste bourgeoise). Les autres sont directement façonnées par le capitalisme, sans intermédiaire, par pression.

« Plus une semaine ou presque ne passe sans qu’une association d’élus, un institut de sondages, la presse grand public, un réseau d’agents immobiliers ou un think-tank ne prédisent la dé-métropolisation de la France. La pandémie et son lot de restrictions aurait fait chuter la côte de Bordeaux, Marseille, Paris ou Toulouse auprès des jeunes actifs. Et le développement du télé-travail inciterait aujourd’hui nombre d’entre eux à questionner leurs conditions, lieux et modes de vie.

De nouveaux imaginaires territoriaux seraient d’ores et déjà nés. Plusieurs études et sondages donnent déjà à lire un désir d’ailleurs chez une majorité de citadins. Si bien que la résurrection de Chartres, Joigny, Limoges, Moulins ou Poitiers mais aussi de départements tout entiers comme l’Ain, l’Eure, la Somme ou l’Yonne ne serait plus qu’une question de mois, d’une poignée d’années tout au plus… (…)

 l’emballement est quasi-général. Après avoir conté encore jusqu’à peu la mue de capitales régionales en « métropoles », ChallengesLe MondeLe Nouvel ObservateurLes Echos ne s’embarrassent pas davantage aujourd’hui d’investigations poussées pour crédibiliser cet hypothétique exode urbain (…).

Comment parler d’une dé-métropolisation alors que les départs de Lyon, Marseille ou Toulouse se font encore majoritairement pour leurs grandes banlieues, au sein des mêmes bassins de vie ?

Si l’on se fie aux mêmes données notariales que précédemment, les mobilités inter-départementales et inter-régionales sont en légère hausse, mais demeurent marginales : l’« exode urbain » du trader Parisien s’installant dans le Larzac ou le Morvan après s’y être réfugié lors d’un confinement en 2020 ou 2021 relève encore, pour l’heure, du cliché.

Les rares éléments d’objectivation du phénomène disponibles appellent plutôt à la mesure. Parce que toutes les villes moyennes – qui forment un ensemble hétérogène – n’en profiteront pas, déjà : Bourges, Montbéliard, Sedan ou Tulle continuent à éprouver, semblerait-il, un certain nombre de difficultés.

Dans certains bassins de vie réceptacles d’un flux de citadins plus important qu’à l’accoutumée comme Saint-Brieuc, les équilibres internes font, au demeurant, craindre le pire… Parce que la tentation d’un déménagement concerne, ensuite, certaines catégories d’actifs bien particulières – les cadres supérieurs et professions libérales disposant d’un pouvoir d’achat suffisamment confortable -, et non l’ensemble de la population française. »

Loin d’amener une modification dans le sens d’un retour en arrière, vers un équilibre harmonieux ou du moins moins de déséquilibre, la pandémie amène une décrochage encore plus prononcé.

Et ce décrochage est d’autant moins visible que l’ensemble des médias a en tête la vraie figure dominante, celle du bourgeois aisé, cultivé, capable de faire des « choix » plus ou moins subjectivistes comme celui de partir sur un coup de tête pour changer de vie… parce que, derrière, il a un filet de sécurité, ou bien simplement parce que son subjectivisme est un nihilisme conforme à l’idéologie dominante (tels les trans, les « expats », la cohorte d’étudiants bourgeois allant étudier en Angleterre et aux États-Unis, etc.).

C’est la décadence générale des couches sociales dominantes qui s’expose ici et il y a une telle pression que dans la petite-bourgeoise il y a un effet de mimétisme prononcé, voire même dans les catégories populaires.

Les faits sont cependant têtus et la base matérielle, elle, ne change pas, allant vers une situation toujours plus marquée de crise.

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Culture

«Asphalte Hurlante», la poésie métropolitaine de La Caution en mai 2001

Au mois de mai 2001 il y a 20 ans, le groupe La Caution sortait l’incroyable album « Asphalte Hurlante ». C’était un disque à part, avec son approche totalement pop et en même temps une sophistication musicale et lyrique extrêmement poussée, typiquement parisienne.

Autrement dit, La Caution avait réussi l’exploit d’une synthèse entre le rap « Versaillais » (qui mélangeait le fun à la sophistication instrumentale) et le récit de tranches de vie authentiquement populaires des HLM de Noisy-le-Sec en Seine-Saint-Denis.

Cela a donné des textes magnifiques, mais relativement difficiles à appréhender, ainsi que musicalement un style électro et « cassé » peu accessible de prime abord. C’était en fait l’apogée de pratiquement trente ans de musique « urbaine », depuis « The Revolution Will Not Be Televised » de Gil Scott-Heron en 1970.

Cela marquait en 2001 pour les amateurs de musique un véritable tournant vers le 21e siècle, avec une poésie métropolitaine d’une grande profondeur culturelle. Rien que la pochette de l’album est une grande réussite.

Voici la transcription du morceau « Souvent », poésie sombre exprimant à merveille la folie des grandes métropoles.

Souvent [La Caution]

[Nikkfurie & Hi-Tekk]
On associe les paramètres.
Les quartiers de France comme système métrique,
Se base sur l’arithmétique de masse et sa rime maîtrise.
Hélas, on a mis l’éthique en place et la rue s’excite.
On nage dans la prise de risque, face à ça : notre charisme d’équipe.
C’est tout con, vu l’style, de traces conductrices,
De haine combustible, en fait : on se duplique.
Une toux convulsive, toute pleine d’onces d’usine,
La peste ondule vite, Hi-tekk plombe une cible.
Je me dis : « nom d’une pipe », réflexe translucide,
De la merde : on butine, de la merde : on butine…

[Hi-Tekk]
Je m’arrête net, en parachute,
Dans les bars à neusks ou les bars à putes.
Dans ce cas, je l’assume et je cavale plus,
Loin des stars de l’anus et de leurs parades nulles.
Leurs carnavals, loin des bases navales, me rendent paranoïaque.
Les narvallos jactent,
Fais gaffe à nos actes, on se masque à l’occaz’,
On marche à l’orgasme paranormal…

[Refrain]
Souvent, on parle d’avant,
Parfois, on parle d’après,
Parfois, on parle d’argent,
Souvent, on parle de vrai.
Parfois, on est 40,
Souvent, on est tout seul,
Parfois, on r’monte la pente,
Souvent, on est sur le seuil.
Souvent, ça boit de l’alcool,
Souvent, ça fume du shit.
Parfois, ça parle de rap,
Tout le temps, on voit les flics.
Parfois ça s’entraide,
Parfois ça s’embrouille,
Souvent, ça galère sec,
Tout le temps : les rêves se rouillent !

[Nikkfurie]
Le flic : un dos d’âne anodin, doté du don d’abattre au teint,
Dompté d’un tonneau de vin d’antan, pendant qu’un badaud meurt d’OD.
La France d’auteur d’Alphonse Daudet, de Danton à Baudin,
Mentir de Sedan à Meudon, du bandit au mendiant, du lundi au lundi.
Du condé qui condamne à la place du juge et qui t’emmerde,
C’est bien au placard qu’il t’emmène, ça a une odeur de chrysanthème…

[Hi-Tekk]
Je représente l’injection létale,
Pour les pointeurs la peur se présente : inspectons les caves.
Pour eux : la peine capitale et maximale.
Après maintes questions légales,
On m’assimile à la peste en HLM habitacle.
Elle reflète la misère, après on se plaint que les cons s’éclatent…

[Nikkfurie]
Compte jusqu’à 10, on gravite au-dessus de notre maigre discographie.
Bon nombre d’africains trafiquent, arrivent en avion, en navire.
Regarde la poésie d’ici, car aucun pro n’hésite ici,
Ici personne n’est justicier et le choix des armes est judicieux…

[Refrain]
Souvent, on parle d’avant,
Parfois, on parle d’après,
Parfois, on parle d’argent,
Souvent, on parle de vrai.
Parfois, on est 40,
Souvent, on est tout seul,
Parfois, on r’monte la pente,
Souvent, on est sur le seuil.
Souvent, ça boit de l’alcool,
Souvent, ça fume du shit.
Parfois, ça parle de rap,
Tout le temps, on voit les flics.
Parfois ça s’entraide,
Parfois ça s’embrouille,
Souvent, ça galère sec,
Tout le temps : les rêves se rouillent !

[Nikkfurie]
On dépayse le racisme avec des armes dignes de Maciste.
On se fout de l’aristocratie : le rap, mon art dit trop crasseux.
Si la France était un poumon, nos tours en seraient les cancers !
Si la France était un sumo, nos tours en seraient les Pampers !
Si la France était un rouleau, nos tours seraient ce qu’il compresse !
Si la France, c’était les journaux, nous en serions les faits divers…

[Hi-Tekk]
Je suis complètement à côté de la plaque,
Un pote me casse les yeuks avec ses histoires de cunnilingus.
En face de moi le mur est sale, je vois que l’urine s’incruste.
L’odeur de bière est omniprésente.
Au final, avec la justice, ceux qui la subissent trinquent plus.
Je me dis que l’ultime insulte est celle qui vise mes ancêtres,
Quand on les traite en stupides incultes.
J’aimerais qu’à l’usine s’insurgent les prolétaires,
Qu’ils baisent la France patronale.
Quand je me défoule,
Plus je nique un truc, plus je me dis que dans ma vie,
Je suis l’unique intrus.
Je me prends un stop.
C’est anormal.
Sur les bancs publics s’incrustent,
Nos embrouilles sur la corde raide.
Ma haine : une forteresse munie d’instrus…

[Refrain]
Souvent, on parle d’avant,
Parfois, on parle d’après,
Parfois, on parle d’argent,
Souvent, on parle de vrai.
Parfois, on est 40,
Souvent, on est tout seul,
Parfois, on r’monte la pente,
Souvent, on est sur le seuil.
Souvent, ça boit de l’alcool,
Souvent, ça fume du shit.
Parfois, ça parle de rap,
Tout le temps, on voit les flics.
Parfois, ça s’entraide,
Parfois, ça s’embrouille,
Souvent ça galère sec,
Tout le temps : les rêves se rouillent !

Parfois c’est Hi-Tekk, souvent c’est du bon son
Parfois c’est Nikkfurie, tout le temps c’est La Caution
Parfois on parle de nos pères, parfois on parle de nos mères
Souvent de faits divers, jamais on ne sort de nos sphères
Parfois c’est Hi-Tekk, souvent c’est du bon son
Parfois c’est Nikkfurie, tout le temps c’est La Caution
Souvent, parfois, tout le temps, jamais en transe, maintenant, souvent

Parfois c’est Hi-Tekk, souvent c’est du bon son
Parfois c’est Nikkfurie, tout le temps c’est La Caution
Parfois c’est DJ FAB, souvent c’est du bon son
Parfois c’est KEROZEN, tout le temps c’est La Caution

L’album a été réédité en 2002 dans une « Ultime édition » avec quelques morceaux supplémentaire, dont le sublime Metropolis :

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Écologie

Un petit amendement contre la pollution des publicités lumineuses

L’Assemblée nationale a adopté un amendement concernant la publicité lumineuse, soumis par Delphine Batho. Il sera inscrit dans la loi la possibilité pour les municipalités d’interdire les panneaux publicitaires lumineux sur leur territoire. À quelques mois des élections municipales, les candidats soucieux de l’écologie doivent maintenant s’en saisir pour inscrire l’interdiction de cette insupportable pollution lumineuse dans leur programme de campagne.

[ image antipub.org ]
Les grandes villes et leurs banlieues tentaculaires sont des monstres qui ont tué la nuit et il va falloir y mettre fin. On peut se dire que cet amendement contre les publicités lumineuses n’est pas grand chose, tant les sources de pollutions urbaines sont nombreuses. Toutefois, il faut bien commencer par quelque chose pour avancer et ces panneaux qui se sont répandus absolument partout durant ces dix dernières années sont vraiment significatifs en terme de pollution et de gaspillage énergétique.

Ils sont dans les gares, sur tous les murs du métro parisien, sur les grandes avenues urbaines, aux grands rond-points des périphéries, sur les pompes à essence, mais aussi dans des petites rues quasiment infréquentés la nuit. Le capitalisme a en effet besoin du moindre espace, de la moindre opportunité y compris en pleine nuit pour exposer les marchandises par ses publicités agressives. Il faut que la grande machinerie capitaliste tourne en permanence, 24h sur 24.

Ne rêvons pas toutefois avec cet amendement qui en pratique ne change pas grand chose. Déjà parce qu’il faudrait une interdiction dans tout le pays, ainsi que dans tous les pays ! Mais aussi car les municipalités sont en générale elles-mêmes à l’origine de ces panneaux, sur les arrêts de bus notamment, qu’elles concèdent à de grands groupes pour des raisons financières.

C’est cependant un marqueur important en cette période électorale, car cela a le mérite de mettre la question sur la table : les candidats ne pourront pas dire « ce n’est pas de mon ressort », mais peuvent s’engager dès maintenant à mettre fin à ces pollutions sur leur commune s’ils sont élus.

Voici l’intervention de Delphine Batho, députée « Génération écologie », défendant son amendement le 13 décembre 2019 lors de l’examen du projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire :

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Société

La violence aveugle des jeunes dans les cités pour Halloween

L’actualité est marquée par quelques violences liées à Halloween dans les cités, avec notamment ce centre culturel brûlé à Chanteloup-les-Vignes dans les Yvelines, ainsi que cette école elle aussi brûlée à Bézier dans l’Hérault. Cela ne relève toutefois pas d’une insurrection généralisée ou d’une mise en péril de l’État, mais d’une grande décomposition sociale s’exprimant dans une violence aveugle, strictement parallèle à la décomposition de la Gauche historique.

Le gouvernement fanfaronne en prétendant que les récentes violences dans les cités seraient une réaction à son plan de lutte contre la drogue. Le Premier ministre lui-même a été dépêché pour expliquer :

« Nous sommes parfaitement conscients de ce que lorsque nous bousculons les trafics de stupéfiants, cela crée des tensions (…). Mais nous sommes déterminés à faire en sorte que ce trafic puisse cesser et à faire en sorte que l’ordre puisse être respecté et rétabli ».

Qui peut croire à cela, franchement ? Déjà parce que le trafic de drogue n’est nullement empêché en France et de toutes manière ce genre de violences spectaculaires n’est pas son mode opératoire. Personne ne peut croire que les réseaux de trafiquants auraient à ce point la main qu’ils s’imagineraient faire pression directement sur le gouvernement.

D’ailleurs, aussi impressionnantes peuvent-elles êtres, ces violences ne représentent en réalité pas grand-chose. On peut bien sûr être en colère contre le fait que des adolescents en soient rendu à brûler une école primaire ou un bâtiment culturel, pour ce qui relève surtout d’une surenchère concurrentielle entre cités via Snapchat. Mais à part pour les habitants directement concernés ( et encore ), cela ne change pas grand-chose à la marche quotidienne du pays. C’est anecdotique, bien plus anecdotique que la fermeture d’une usine ou l’installation d’un nouveau centre commercial.

Il n’y a d’ailleurs pas particulièrement de blessés graves du côté des forces de l’ordre, qui sont extrêmement bien équipées et rodées à ce genre de confrontations. C’est violent certes, mais il ne s’agit dans la plupart des cas que de cailloux et de tir de feux d’artifices par des adolescents en quête de sensations fortes. Tout au plus y a-t-il parfois des jets de boules de pétanque ou des cocktails Molotov.

C’est un peu l’équivalent des gilets jaunes et des « blacks blocs » le samedi, mais en version adolescents prolétaires issus de l’immigration et en moins prétentieux. Dans les deux cas, cela consiste en beaucoup de bruit pour en fait pas grand-chose, ce qui est une attitude très française.

Il ne faudrait pas pour autant nier la pression que subissent les forces de l’ordre et les pompiers, qui sont ici en première ligne pour « gérer » la décomposition sociale (et ne surtout rien régler). Comme si cela ne leur suffisait pas de voir leurs moyens matériels se dégrader, de faire énormément d’heures supplémentaires, d’arrêter en permanence des délinquants qui sont ensuite relâchés par la Justice, ils doivent aussi se « coltiner » ces bandes d’adolescent leur tendant des guets-apens pour s’amuser en criant « mort aux porcs » et autres idioties du genre.

Les statistiques officielles sont ici assez marquantes. Depuis le début de l’année, les « violences contre les dépositaires de l’autorité » ont augmentée de 14 %, soit 29 254 faits comptabilisés fin septembre. Cela donne en moyenne 107 agressions par jour. Il faut compter à côté de cela 22 624 outrages sur la même période.

Tout cela est la preuve d’une grande décomposition sociale dans le pays, avec une généralisation des attitudes décadentes autodestructrices. Les policiers et les pompiers sont pris pour cible à titre individuel, comme des totems, mais il n’y a aucun contenu politico-culturel à ces agressions, ni aucune perspective positive évidemment. Le plus inquiétant d’ailleurs en ce qui concerne les cités est qu’il ne semble y avoir aucun adulte pour mettre le holà aux bêtises des jeunes ou pour les aider à orienter positivement leur besoin de révolte.

Dans les années 1990, il y a eu le film Ma 6T va craker comme étendard de ce qui était censé être le summum de la révolte sociale. On peut avoir beaucoup de sympathie encore aujourd’hui pour le clip « La sédition » de 2 bal et Mystik (issu de la BO très réussi du film lui sans intérêt), qui était un clip d’une grande vigueur et assumait même un discours révolutionnaire communiste.

Mais que s’est-il passé depuis ? L’échec de la révolte de 2005, avec une Gauche cachée sous la table, a permis la grande offensive des islamistes. Parallèlement à cela, la Gauche institutionnelle a toujours plus disparu des cités, pour ne les regarder que de loin avec un discours misérabiliste, comme si les gens y vivaient en guenille en ayant à peine de quoi manger. Cela a directement laisser l’espace à une nouvelle génération de petits-bourgeois jouant sur le communautarisme et l’idéologie pseudo-décoloniale pour prendre des places dans la société capitaliste.

Bien sûr, la vie dans ces banlieues sensibles des grandes villes ne fait pas rêver, surtout pour qui ne supporte pas les trafics de drogues et les attitudes patriarcales des garçons comme le vrombissement de grosses cylindrées.

Ces attitudes sont d’autant plus détestables qu’elles sont largement encouragées par des petits-bourgeois de centre-ville fantasmant sur certains clips de rap, comme le ridicule et caricatural clip « Fuck le 17 » récemment.

En attendant, la Droite et l’extrême-Droite ont le champ libre pour dérouler leur discours et préparer l’opinion à un changement de régime, dans le sens d’une intégration forcée et généralisée au nationalisme.

Bruno Retailleau, un des leaders de la Droite s’est ainsi enflammé :

« Les incendiaires de Chanteloup-les-Vignes ne sont pas des imbéciles et des irresponsables comme le dit Édouard Philippe. Ce sont des criminels qui veulent affaiblir la République. Tant que les réponses politique et pénale seront aussi faibles, cette situation ne changera pas »

Guillaume Peltier, l’un des principaux responsables du parti Les Républicains, a même plaidé pour que « les mineurs délinquants récidivistes » aillent en service militaire obligatoire.

On aura compris que le jeune Jordan Bardella, vice-président du Rassemblement national, appel pour sa part directement à une réaction violente et organisée contre les jeunes de cité  :

« la solution ne réside pas dans plus de politique de la ville et plus de milliards d’euros, mais dans la sortie de l’angélisme et dans le rétablissement de l’ordre républicain, en regardant les causes en face: l’immigration massive, le communautarisme, le rejet de la France et de ses valeurs, la ‘culture racaille’, et les trafics en tous genres qui alimentent ces quartiers ».

On a le même genre de propos du côté du PCF avec le bourgeois Ian Brossat, adjoint à la Maire de Paris, qui en appel au « retour de l’État dans nos quartiers populaires » et à plus de Police, comme si l’État français était une force neutre, au service de la population… Comme si d’ailleurs l’État avait déserté les « quartiers » et qu’il n’y avait aucune structures d’aide sociale, d’animation culturelle, de soutien scolaire, etc.

C’est la Gauche historique qui par contre a largement disparu des quartiers populaires. C’est cela le grand drame des cités, tout comme c’est le drame des zones pavillonnaires populaires et des campagnes ouvrières. C’est cela qu’il faut changer, pour remettre le prolétariat et la perspective d’une société nouvelle, démocratique et populaire, au centre des préoccupations populaires.

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Culture

Joker, un film problématique aussi bien sur la forme que sur le fond

Le film Joker rencontre un large succès, aussi bien critique puisqu’il a décroché le Lion d’or à la Mostra de Venise, que public avec déjà plus de trois millions d’entrées en France. Il n’en est pas moins problématique, aussi bien sur la forme que sur le fond.

En à peine plus de dix ans, nous en sommes à la troisième interprétation du personnage du Joker après Heath Ledger dans The Dark Knight en 2008, Jared Leto dans Suicide Squad en 2016 et à présent Joaquin Phoenix. Une belle preuve d’originalité et de capacité créative de la part d’Hollywood…

Ceci étant dit, si ce film s’inscrit lui aussi comme une production dans l’univers super-héroïque de DC Entertainment et Warner Bros, il a l’ambition de s’en distinguer par son approche, bien plus proche du drame que du film d’action et sa mise en scène « auteurisante ».

On ne peut nier qu’on est dans un registre cinématographique bien différent des Avengers, Justice League, ou Suicide Squad. On n’en reste pas moins loin du chef d’œuvre décrit ici et là.

> Lire également : Les blockbusters dénoncent la collectivité et les machines

Sur la forme tout d’abord. L’ambition ne fait pas un film et la prétention de Todd Phillips se fait trop voyante. L’ensemble apparaît forcé, les effets de mise en scène plaqués et même la performance de Joaquin Phoenix, certes de qualité, semble être configurée pour les Oscars.

Il est d’ailleurs regrettable que les performances d’acteurs se trouvent bien plus largement acclamées (et récompensées) dans ce genre de rôle grandiloquent, plutôt que pour des interprétations plus en subtilité, comme ce fut le cas de Joaquin Phoenix dans ses collaborations avec James Gray par exemple.

Et malgré ce ton oscillant entre poseur et suffisant, certaines séquences tombent dans le classique travers de prendre le spectateur par la main pour souligner lourdement certains éléments scénaristiques.

Que cela soit imputable au réalisateur ou à la production n’enlève rien au fait que cela en fait un film assez bancal dans sa forme, entre volonté de faire autre chose, sans trop avoir le savoir faire pour, ni la possibilité de se détacher d’un système de production et de création cinématographique. Nous restons bien loin sur le plan formel des références ouvertes de Todd Philipps que sont Taxi Driver ou La Valse des Pantins de Martin Scorsese, dont il reprend d’ailleurs l’acteur principal de ces deux films, Robert De Niro.

Mais la plus grosse critique qui est imputable à ce film concerne son propos plus ou moins sous-jacent. Il y a deux manières de le voir, qui se rejoignent finalement : soit comme un film terriblement réactionnaire, soit comme un film profondément nihiliste.

Toujours est-il qu’il sera compliqué d’y trouver une once de valeur de gauche, ou ne serait-ce que positive. Le film exprime la folie générée par les grandes métropoles où l’absence de nature est criante, ce qui favorise une société abandonnant ceux qui ont besoin d’aide, ainsi que les services publics de santé. Mais sans parvenir à le comprendre.

Le problème est que le peuple y apparaît presque toujours malveillant, par de la violence gratuite, des moqueries, de l’indifférence, de l’individualisme.

Cette misanthropie se mélange avec un haut degré de populisme, notamment lorsque les classes populaires vont prendre parti pour le meurtrier employé de Wayne Enterprise, avec pour seul base une haine des plus riches. Une haine qui nous est présentée dans sa dimension la plus nihiliste et populiste : sans politique, culture, valeur, sans but ni idéologie. Mais capable de tourner en un rien de temps au lynchage.

Et si le film se veut léger en termes d’action, le dernier quart montre une violence assez crue et brut. Là où celle-ci était problématique dans le dernier film de Quentin Tarantino pour son aspect fun, cool et décomplexée, ici le plus dérangeant est le manque de recul, voir la complaisance vis-à-vis de celle-ci et du personnage du Joker, qui termine tel un héros.

Le thème du « fou » qui le devient sous la pression et la violence de la société aurait pu être intéressant si la société mise en scène ne représentait pas un tout, presque organique, où la barbarie est partout (voir surtout chez le peuple) et l’espoir, nulle part. Et si la folie du personnage ne se résumait pas quasiment à un simple TOC de fou rire.

Difficile de ne pas penser au violent nihilisme et à l’anticapitalisme romantique de Fight Club, film à juste titre utilisé dans la propagande de groupuscule s’assumant ouvertement fasciste à l’époque.

Ou au dernier volet réactionnaire de la trilogie Batman de Christopher Nolan, The Dark Knight Rises, d’où le peuple de Gotham était totalement absent et les rues occupées uniquement par la police pour combattre le mal et des terroristes d’extrême-gauche anti-finance.

Certains auront beau argumenter que ce qui nous est présenté n’est pas notre monde, mais Gotham et un univers fantastique, ou que Joker est quand même un super-vilain, que Fight Club prend une autre tournure dans son final (alors que le dernier plan est le plus romantique du film), etc. Mais il faudrait être sacrément de mauvaise foi pour nier l’aspect principal qui se dégage de ces films, ce qu’on en retient.

C’est ici globalement la même recette nauséabonde qui peut vite passer pour subversive sans certaines bases culturelles, politiques et idéologiques, c’est-à-dire tout ce que la Gauche postmoderne tend à liquider.

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Société

La moto et la ville

On part au travail dans une zone industrielle, on travaille dans un bureau, dans un hangar, peu importe… On travaille en intérieur, sous la lumière blanche des néons pendant sept à huit heures d’affilées. À la fin de la journée, on rentre en ville, généralement dans son appartement, après avoir passé tout le trajet à voir sans vraiment regarder des panneaux publicitaires, des enseignes lumineuses, de la même façon qu’on est hypnotisé par la lumière rouge des feux arrières des voitures devant nous. Et le lendemain, ça recommence !

Quand on vit en ville, et qu’on y travaille, en son cœur ou bien en périphérie dans une zone industrielle, vient toujours un moment où le travailleur se sent pris à la gorge, et rêve de s’échapper. Il y a une contradiction puissante entre la profusion urbaine poussée jusqu’au malsain, et le vide total des campagnes. Le motard, lui, est souvent une personne qui, au fond, cherche à briser ne serait-ce que le temps d’une balade, cette contradiction.

Il part donc, seul ou accompagné, sur les plus jolies routes de sa région. Pourquoi sont-elles plus jolies ? Parce-qu’elles sont bordées d’arbres, parce-qu’elles sont à flanc de falaise et laissent admirer des paysages à couper le souffle. Même sans tomber sur de magnifiques panoramas, le simple fait de sortir et d’être au contact de la nature, de voir qu’il existe encore des endroits où les bâtiments ne font pas la jonction entre la terre et le ciel, est un soulagement en soi. Certains roulent doucement, pour prendre le temps d’admirer et certains roulent trop vite, pour se défouler.

Le motard cherche à vivre, à être au contact de l’air, il tâtonne pour trouver une authenticité qui lui manque. Il a toujours une bonne raison de fuir la ville, qu’il ne supporte pas au quotidien : il suffit d’observer son comportement dans la circulation pour voir qu’il se sent oppressé et frustré dans le chaos urbain, ses embouteillages, ses grandes voies réservées à certains usagers précis, qui lui semblent désespérément et inutilement vides. Il a rapidement besoin d’aller vite, même pour aller travailler dans un endroit qu’il n’apprécie pas vraiment.

C’est pour cela qu’il adopte souvent une conduite à risque, qu’il se met lui et les autres en danger. Si conduire une moto n’est pas un crime, il faut aussi que le motard devienne plus conscient de ce qui le motive au fond et qu’il comprenne que la moto, si elle lui permet de fuir la folie des villes ou de se vider l’esprit de tous ses soucis, n’est pas pour autant un sésame pour l’authenticité et la liberté.

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Société

APACAUVI: STOP au scandale des trottinettes, NON à l’anarchie urbaine

L’Association Philanthropique Action contre l’Anarchie Urbaine Vecteur d’incivilité (APACAUVI) s’est constituée en réaction à l’invasion de Paris par les trottinettes électriques, source de nombreux accidents et d’une incivilité générale insupportable.

L’APACAUVI met en place un recensement et une aide au victimes. Elle mène également un travail quotidien d’information et de diffusion d’information sur le sujet de « l’Anarchie Urbaine Vecteur d’incivilité ». On retrouvera une partie de ce travail sur la page Facebook de l’association.

Une vidéo présente la question :

Il existe également une pétition (suivre ce lien pour signer) dont le texte exprime le combat démocratique de l’association :

« Face au développement anarchique des trottinettes électriques,

Face aux carences des pouvoirs publics quant à réguler le trafic,

Face aux nombreux accidents…

  • Une pianiste de l’Opéra de Paris, renversée par une trottinette et qui ne pourra certainement pas rejouer.
  • Une mère de famille et son bébé de 7 semaines, percutés par une trottinette avec, à la clé, un traumatisme crânien pour le bébé.
  • Plusieurs décès…

Combien faudra-t-il encore de victimes pour que les élus réagissent?

Nous avons décidé d’agir !

En créant l’association : APACAUVI : ASSOCIATION PHILANTHROPIQUE ACTION CONTRE L’ANARCHIE URBAINE VECTEUR D’INCIVILITÉS.

Notre objectif est clair :

  • Obliger les villes à faire respecter la Loi, afin de protéger les citoyens contre toute forme d’incivilité.

  • Soutenir les victimes d’accidents de trottinettes électriques ou autres engins de déplacement motorisés.

  •  Accompagner les victimes dans leurs démarches administratives;

  • Connecter les victimes entre elles afin de partager leur expérience.

  • Orienter les victimes dans le parcours de la victime. »

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Société

Campements de migrants: 13 maires principalement de gauche signent une tribune réclamant à l’État d’agir

Dans une tribune publiée par Libération, treize maires de grandes villes ou de villes de banlieue, liés à la Gauche sauf deux d’entre eux, demandent à l’État d’assumer ses responsabilités par rapport aux campements de migrants. Les situations sont en effets catastrophiques et de moins en moins acceptables pour la population.

L’État laisse littéralement pourrir la situation de migrants dans de nombreuses villes et des camps se généralisent depuis plusieurs années, formés par des personnes qui devraient pourtant, dans l’immense majorité des cas, être expulsées du pays depuis longtemps. Les mairies doivent alors gérer en urgences des situations qui relèvent pourtant de la compétence de l’État. Des gymnases ont pu être réquisitionnés, quand ce ne sont pas des bâtiments désaffectés, au mépris de toute garantie en matière de sécurité.

En l’absence d’une situation régulière ou dans l’attente de l’examen d’une demande de droit d’asile dont ils seront très probablement déboutés, ces migrants errèrent dans les villes et s’entassent dans ces campements devenant vite insalubres. Les situations sont humainement inacceptables. La population quant à elle voit apparaître des bidonvilles sous ses yeux, ainsi qu’une délinquance accompagnant ces situations précaires.

Les réseaux mafieux profitent largement de cette situation, qui est quasiment assumée par l’État refusant de procéder aux expulsions et à un véritable contrôle des frontières. Il faut dire que la situation de ces migrants est tout à fait acceptable pour le capitalisme, car ils peuvent servir de main d’œuvre bon marché et sur-exploitée – situation renforcée par l’état d’esprit même de ces migrants qui dans la plupart des cas ont une perspective de réussite individuelle et sont près à travailler très dur en s’imaginant devenir vite riche.

Une partie d’entre eux sévit parallèlement, ou entièrement, dans des trafics en tous genres, souvent plus rentables dans cette perspective d’enrichissement individuel.

La tribune des 13 maires demande à l’État d’assumer ses responsabilités, mais se garde bien d’avoir un discours clair et cohérent quant à la question de l’immigration. La confusion est volontairement faite entre les migrants économiques et les véritables demandeurs d’asiles, exactement comme le fait le gouvernement. Cela n’aide en rien à la compréhension de cette réalité et n’offre aucune perspective pour y faire face conformément à l’exigence démocratique et populaire.

Voici la tribune :

« En avril dernier, nous maires d’Aubervilliers, Grande-Synthe, Grenoble, Lille, Metz, Nantes, Paris, Rennes, Strasbourg, Saint-Denis, Toulouse et Troyes, avons interpellé le gouvernement sur la situation des personnes à la rue, parmi lesquelles des personnes migrantes cherchant un refuge dans les villes de France. Une situation qui, malgré les dispositifs mis en place par l’Etat et les efforts réalisés en matière de création de places d’hébergement, ne cesse de se dégrader.

Dans les campements de fortune qui se sont installés au cœur de nos villes, on compte chaque jour plus d’hommes, de femmes et d’enfants. Il n’est pas rare d’y voir des nourrissons et des familles entières en attente d’une solution. Livrées à elles-mêmes, exposées à toutes les difficultés qu’implique la vie dans la rue, ces personnes sont dans une situation d’extrême vulnérabilité.

Plus de quatre mois après ce courrier demeuré sans réponse, la situation reste très inquiétante. Après l’été et son lot d’épisodes caniculaires, c’est bientôt l’hiver qui se profile, avec des conditions climatiques qui font craindre pour la survie des personnes. Face à l’urgence, les villes font tout leur possible pour apporter une réponse à cette crise qui dure depuis trop longtemps. Sur tout le territoire, des actions concrètes ont été mises en œuvre pour prendre en charge celles et ceux que la carence de l’Etat contraint à vivre dans des conditions indignes.

Grenoble a pris un arrêté anti «mise à la rue», qui a été suspendu cet été par le tribunal administratif. Des personnes sans domicile sont accueillies en partenariat avec des associations et des collectifs dans des lieux disponibles ou temporairement vacants appartenant à la ville. Rennes héberge, chaque nuit, 640 personnes migrantes et ouvrira prochainement un centre d’hébergement d’urgence de 100 places pour les familles. La ville de Grande-Synthe a également ouvert l’hiver dernier un gymnase ayant permis d’accueillir près de 250 réfugiés. En 2018-2019, au-delà des actions déjà menées, Nantes a pris en charge l’hébergement et l’accompagnement social de 758 personnes après la fermeture d’un campement. Récemment, 88 nouvelles places ont été mises à la disposition de l’Etat pour abriter des familles à la rue. Les bains-douches municipaux accueillent chaque jour plus de 140 personnes. Depuis deux ans, Metz met à disposition de l’Etat un lycée désaffecté qui s’est transformé en centre d’accueil temporaire des migrants en attente d’hébergement. Un carrefour des solidarités a été créé, placé sous l’égide du CCAS ; il permet d’accueillir toute personne en situation de précarité pour lui faciliter l’accès aux soins et aux droits.

Paris a créé, en lien avec Saint-Denis, une halte d’accueil humanitaire à proximité des campements. Dans ce lieu très fréquenté, plus de 400 personnes sont accueillies chaque jour pour un temps de répit. Deux centres humanitaires ont également été ouverts, dont un dédié aux hommes qui a accueilli plus de 25 000 personnes sur dix-huit mois, et un dédié aux familles, en lien avec la ville d’Ivry-sur-Seine et qui est encore en activité. Saint-Denis a ouvert ses centres de vacances et ses gymnases durant les périodes hivernales. Aubervilliers a mis en place une cellule de veille qui réunit les associations effectuant des maraudes et les services municipaux participants aux signalements des personnes SDF. Depuis 2015, Lille a permis l’accueil et l’accompagnement de nombreux réfugiés dans des lieux divers (résidences municipales et logements diffus notamment).

Lille accompagne et soutient également les associations organisant des maraudes et des distributions alimentaires auprès des personnes vivant à la rue. Dans sa démarche «Ville hospitalière», Strasbourg a ouvert des accueils nouveaux, en logement ou habitat «intercalaire», et un lieu de répit pour familles à la rue. En deux ans, sous son impulsion, l’hébergement de migrants, en lien avec les acteurs locaux, a permis de mettre fin à plus de 12 campements. A Toulouse, le plan de résorption des bidonvilles initié en 2015 a permis d’accueillir plus de 1 200 personnes grâce à sa capacité d’hébergement de 150 appartements. Plus de 300 d’entre elles ont été orientées vers des logements sociaux après un accompagnement vers l’inclusion sociale. La Ville ouvrira plus de 100 places supplémentaires d’ici la fin de l’année à destination des publics réfugiés.

Les villes agissent. A leurs côtés, nombreuses sont les associations, les entreprises, les citoyennes et les citoyens qui s’engagent pour mettre fin à une réalité devenue insupportable ; pour trouver des logements vacants, coordonner la prise en charge des personnes et répondre aux besoins spécifiques. Tous font un travail considérable. Mais cette mobilisation, aussi soutenue soit-elle, ne doit pas avoir pour effet de décharger l’Etat de compétences qui sont les siennes. D’autant que, si les acteurs de terrain ne manquent pas d’idées, ils arrivent à court de moyens.

Seul l’Etat est à même de créer et de déployer le dispositif pérenne dont nous manquons aujourd’hui. Un dispositif qui peut s’inspirer des solutions imaginées par les villes, comme le centre humanitaire qui a récemment fermé Porte de la Chapelle à Paris. Nous avons besoin de lieux comme celui-ci, identifiables et accessibles à tous. Seul l’Etat est en mesure de porter au niveau européen les négociations relatives à la crise migratoire, pour construire une réponse globale au défi que pose l’accueil des réfugiés en France. C’est pourquoi nous réitérons notre appel à l’Etat, pour qu’il assume pleinement son rôle. Il en va de la garantie du respect des droits fondamentaux dont toute personne peut se prévaloir, conformément à nos valeurs et à la tradition humaniste dont se revendique notre pays. Il s’agit également de faire revenir la tranquillité publique dans des quartiers très éprouvés par la permanence de situations humaines et sociales critiques.

Nous, maires, exigeons la mise à l’abri inconditionnelle des personnes présentes sur notre territoire puisque le droit impose que toute personne, même déboutée ou «dublinée», soit prise en charge avant son éventuel renvoi. Nous demandons par ailleurs à être reçus sans délai pour échanger sur le dispositif d’accueil et d’orientation des migrants. Ce nouvel appel doit trouver un écho, alors que s’ouvre le débat sur la situation des migrants.

Signataires :

Nathalie Appere, maire de Rennes ; Martine Aubry, maire de Lille ; François Baroin, président de l’Association des maires de France, maire de Troyes ; Martial Beyaert, maire de Grande-Synthe ; Philippe Bouyssou, maire d’Ivry-sur-Seine ; Meriem Derkaoui, maire d’Aubervilliers ; Dominique Gros, maire de Metz ; Anne Hidalgo, maire de Paris ; Jean-Luc Moudenc, président de France urbaine, maire de Toulouse ; Eric Piolle, maire de Grenoble ; Roland Ries, maire de Strasbourg ; Johanna Rolland, maire de Nantes ; Laurent Russier, maire de Saint-Denis. »

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Rapport entre les classes Société

L’évolution de la figure du livreur «Deliveroo» dans les grandes métropoles

Le livreur « Deliveroo », du nom de la principale plateforme de livraison de plat à domicile, est devenu une figure incontournable du centre-ville des grandes métropoles. Elle a cependant très vite évoluée, passant en quelques années d’une image très moderne et branchée à ce qu’il y a de plus terrible en termes d’exploitation capitaliste.

Il y a quelques années, cinq ans peut-être, Deliveroo se payait des livreurs-ambassadeurs pour promouvoir sa plateforme. C’était des jeunes, forcément branchés, avec du style sur le vélo, de préférence en pignon-fixe, si possible brakeless (sans frein). Ceux-ci recrutaient dans leur entourage en promouvant des conditions de travail et de rémunération attrayantes pour de jeunes urbains au mode de vie libéral. Être payé à faire du vélo en ville en choisissant ses horaires à la carte, sans un chef sur le dos et en pouvant partir en vacances quand on veut : le rêve ! C’est en tous cas ce que se sont dit de nombreux jeunes dont beaucoup d’étudiants et il y a eu un afflux pour ce nouveau job.

Le petit-bourgeois urbain, trop content d’avoir une nouvelle application à utiliser sur son iphone, a lui aussi pleinement répondu à l’appel. Il s’est mis à commander des hamburgers végétariens ou un petit plat asiatique très sympa, sans bouger de chez lui.

Les livreurs étaient un peu des copains, ou s’ils ne l’étaient pas, ils auraient très bien pu l’être, car ils avaient toujours l’air cool et ils avaient du style. D’ailleurs, cela payait relativement bien à ce moment d’être livreur par rapport à d’autres jobs. Il y avait une rémunération fixe qui était majorée à chaque livraison et même une petite prime les jours de pluie.

Rapidement cependant, on a vu apparaître des livreurs d’un tout autre style. C’était ce trentenaire un peu perdu, lassé de l’intérim, qui a ressorti son vieux VTT pour essayer un job qui a l’air moins ennuyeux. Ou encore cette étudiante fraîchement arrivée de la campagne, un peu perdue dans la grande ville où elle n’a pas eu le temps de trouver mieux. Elle aussi avait un VTT et c’est là quelque-chose de très marquant : les urbains branchés portent en horreur ce VTT qui n’a rien à faire en ville, symbole du périurbain, de gens pas hype.

Forcément, le livreur n’est alors plus un pote, juste un prestataire lambda à qui ont fait appel par habitude. On a vite pris cette habitude. Le profil des clients a changé aussi puisqu’il s’est élargi, comme c’était prévu. Le livreur en VTT a de plus en plus livré des plats basiques, le plus souvent froids et renversés dans le sac, à monsieur et madame tout le monde.

Les livreurs-ambassadeurs sont en général passés à autre chose. Il faut dire que les conditions de rémunération des plateformes se sont dégradées, petit à petit. Il a fallu se connecter chaque semaine à une heure très précise sur le serveur pour avoir la chance d’obtenir les créneaux de livraison les plus intéressants, tellement il y a de monde. Il n’y a plus de rémunération fixe. Depuis quelques mois, les livraisons courtes sont même encore moins bien payées.

Une poignée d’« historiques » tentent de s’organiser contre cela, ou plutôt s’imaginent pouvoir peser en s’y opposant. On a entendu parler de quelques « grèves » cet été, bien relayées par la presse, probablement parce que les journalistes sont eux-mêmes des grands clients de ces plateformes.

Cela ne représente cependant rien du tout face à la grande machinerie que sont devenues ces plateformes. Déjà, parce qu’on ne peut pas vraiment faire grève quand on a soi-même accepté de devenir auto-entrepreneur à la base. Mais surtout, car il y a des dizaines et des dizaines d’autres livreurs qui acceptent ces nouvelles conditions.

Tout le monde l’a remarqué tellement c’est flagrant : le profil des livreurs a bien changé ces deux dernières années, d’abord à Paris puis maintenant dans toutes les villes. Ils sont de plus en plus des immigrés fraîchement arrivés, dans des situations très précaires.

Quelques jeunes prolétaires de banlieue ont également rejoint le cortège des livreurs, mais en scooter par contre, avec l’idée de pouvoir optimiser bien plus les livraisons par la vitesse. C’est complètement absurde, car l’amortissement d’un scooter (complètement à sa charge) rend vraiment ridicule la possibilité de rémunération avec ce travail dans ces conditions. Mais ce n’est qu’une absurdité de plus dans la folie des grandes métropoles.

En quelques années, la figure du livreur « Deliveroo » a complètement changé. C’était un jeune urbain branché, faisant quelque-chose ayant l’air moderne et sympa. C’est maintenant un africain sans-papier sur un vélo en piteux état, qui sous-loue le compte de quelqu’un d’autre s’octroyant une partie de sa rémunération. C’est quasiment de l’esclavage, c’est absolument ignoble et tout le monde le sait. Mais tout le monde s’en fiche, ou prétend ne pas le savoir.

Les restaurants eux aussi sont devenu complètement dépendant de ces plateformes, qui changent totalement la nature de leur travail le rendant de plus en plus industriel. Le comble de l’horreur en ce domaine consiste même, à Paris, en des entrepôts en banlieue pour des restaurants uniquement dédiés à la production de plats pour la livraison via ces plateformes.

Voilà à quoi ressemble aujourd’hui la pseudo-modernité dans les grandes métropoles. C’est du capitalisme, toujours plus de capitalisme et encore plus de capitalisme, partout, tout le temps…

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L’assassin de Villeurbanne : il y a des responsables à sa folie

Le capitalisme, c’est du profit et en rien de l’organisation. C’est une fuite éperdue en avant. Les vagues massives de mouvements de population sont dans son intérêt, afin d’impulser de nouvelles dynamiques économiques. L’assassin de Villeurbanne est un de ces migrants qui, incapable de se propulser dans le capitalisme, a basculé dans l’errance et la folie.

C’est un drame du monde d’en bas – alors que la société tout en haut du capitalisme vit bien à l’écart de ce genre d’événements. L’assassin de Villeurbanne, un Afghan pachtoune, l’État ne sait pas quel âge il a. 33, 31 ou peut-être 27 ans. Il avait trois identités différentes. Et son errance est longue. On sait qu’il était en France en 2009, en Italie en 2014, en Allemagne en 2015, en Norvège en 2016, puis la même année en France.

Bref, on ne savait finalement rien de lui et lui-même ne savait sans doute plus trop qui il était. Sa personnalité a été atomisée. Pulvérisée par un parcours erratique depuis l’Afghanistan tribale jusqu’aux métropoles modernes et aliénées dans leur anonymat consommateur.

C’était un être humain, mais socialement un sous-produit de la vague d’immigration servant à renouveler les stocks de main d’œuvre pour le capitalisme. C’était un numéro parmi d’autres numéros. Et les numéros peuvent faire ce qu’ils veulent du moment qu’ils restent des numéros isolés.

C’est le principe du libéralisme, de l’atomisation en individus séparés. Le soutien au vague migratoire n’est rien d’autre qu’un éloge de l’atomisation, de la course au bonheur purement individuel, dans la négation de l’histoire, de la société, de la culture.

L’assassin de Villeurbanne, avant d’assassiner, a été assassiné culturellement. Sa folie vient de là. Et il y a justement une administration étatique, qui se charge de vérifier que rien ne déborde. Celle-ci a fait qu’il disposait d’une carte de séjour temporaire valable jusqu’à janvier 2020, la première étant obtenue en 2018, ce qui signifie qu’elle a été renouvelé en 2019.

Et elle savait qu’il avait des problèmes. Depuis avril 2019, il était dans un centre d’hébergement à Vaulx-en-Velin et on lui a proposé de se tourner vers le centre de santé mentale de Forum réfugiés, puis vers un établissement psychiatrique de Lyon.

Il n’a pas voulu. Mais on l’a laissé, car l’administration étatique ne fait qu’accompagner les phénomènes de la société capitaliste. Elle ne veut pas les résoudre. Cela signifie qu’on le reconnaissait, mais qu’en même temps on ne le reconnaissait pas. Cela ne pouvait qu’ajouter à sa folie.

Jusqu’à ce jour fatidique du samedi 31 août donc, où sur l’esplanade de la gare routière Laurent-Bonnevay, à Villeurbanne, armé d’un couteau et d’une broche de barbecue, il tue une personne, en blesse deux grièvement, ainsi que six autres encore.

On savait qu’il n’allait pas bien. Mais on a nié ses problèmes, son existence. Le capitalisme ne se préoccupe pas des existences. Ceux qui prônent l’ouverture totale de la France à tout le monde non plus. Tout ce qui intéresse ici, c’est le libéralisme, le libéralisme, le libéralisme et encore le libéralisme. Et tant pis si c’est un échec : malheur aux vaincus.

Finissons donc sur la seule réponse possible : non les gens ne doivent pas faire ce qu’ils veulent, comme ils veulent. Non, ils ne peuvent pas faire atterrir leur avion près du Mont-Blanc, à 4 450 mètres d’altitude, comme des Suisses l’ont fait en juillet dernier. Non, ils ne devraient pas posséder de voitures capables de dépasser les vitesses autorisées ou de rouler en SUV. Non, ils ne devraient pas avoir le droit de s’installer comme ils le veulent, n’importe où.

Mais c’est la dictature, ça ! Tout à fait, la dictature au service des intérêts de la grande majorité. Parce qu’il est évident que ceux qui ont tous les moyens, font n’importe quoi avec.

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Le Parisien publie le journal de bord d’une infirmière des urgences

Le Parisien week-end a publié le compte rendu très intéressant de la semaine de travail d’une infirmière des urgences d’un grand hôpital parisien. Sont décrites dans le détail cinq gardes de nuit effectuées récemment, du 17 au 24 juin 2019.

Il y a bien sûr l’actualité sociale en arrière-plan de cet article avec ce mouvement de grève des personnels qui n’en peuvent plus des conditions de travail et d’accueil des patients.

« A la fin de la nuit, on est tous crevés. On a travaillé en sous-effectif, il manquait trois aides-soignants sur sept. Ça augmente beaucoup la charge de travail. Je prends ma voiture et rentre chez moi à toute vitesse. »

Il y a aussi cette réalité plus quotidienne de la vie dans les grandes métropoles du capitalisme qui est très bien décrite par Élise, dont le prénom à été changé.

« Mes parents, qui habitent en province, viennent à Paris ce week-end. On a prévu de déjeuner ensemble samedi. Ça va être vite fait, car je serai entre deux gardes. Je pars pour l’hôpital, sans dîner. De toute façon, le frigo est vide, nettoyé et éteint. Je n’ai pas eu le temps de faire les courses depuis plus d’un mois ! »

Comment ne pas devenir fou, se demande-t-on, quand on lit cela. On remarquera d’ailleurs que beaucoup des cas décris par cette infirmière relèvent ni plus ni moins que de la folie, avec une très grande violence, reflet de la violence sociale et culturelle de notre époque.

« Vers minuit, un garçon de 16 ans, alcoolique, déjà venu la veille, arrive inconscient, avec des traces d’agression sur le corps et le visage. On fait le scanner : il a un hématome sous-dural (NDLR : un épanchement de sang autour du cerveau). Il est envoyé au bloc, son pronostic vital est engagé. Avec des personnes aussi jeunes, on se dit qu’on a encore moins le droit de se tromper. »

Ce récit est très intéressant, montrant une grande dignité de la part de gens voulant très bien faire, mais qui se retrouvent littéralement broyés par cette machine infernale qu’est le capitalisme. L’infirmière adore son travail et a le sens du service, mais envisage de démissionner.

« Je prends mon poste en tant qu’infirmière d’accueil et d’orientation. Je suis la première personne que les patients voient. C’est à moi de faire le tri et de les installer dans différentes zones, en fonction du degré d’urgence. C’est un rôle que j’aime bien, il y a beaucoup d’adrénaline et il faut bien connaître son métier. Quand je commence, beaucoup de patients attendent déjà. Je dois aller vite, mais je n’ai pas le droit à l’erreur. »

À lire sur le site du Parisien : « Dans l’enfer des urgences : l’affolant journal de bord d’une infirmière de nuit »