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Culture & esthétique

Biensüre, l’amitié anatolienne

Biensüre est un groupe originaire de Marseille ayant sorti son premier album au titre éponyme en 2022. Il s’agit de sept morceaux dansants dans leur style particulier, que les quatre membres qualifient de « psychédelisco anatolien ».

Se dire de l’Anatolie est pour eux une manière de prôner artistiquement un rassemblement autour de la méditerranée, un échantillon d’amitié entre les peuples. Parler d’Anatolie est d’ailleurs historiquement un marqueur pour les gens de gauche liés de près ou de loin à l’actuelle Turquie.

C’est que Hakan Toprak, le chanteur, lyriciste et joueur de saz est un kurde de Turquie et Anselme Kavoukdjian (clavier) est d’origine arménienne de Turquie. Hakan chante à propos de l’exil, de l’amour et de l’amitié.

L’influence « Kraftwerk » est flagrante dans ce morceau.

« Anatolien » car le saz est leur signature. Le saz est un instrument à corde, à la manière d’une guitare, que l’on trouve en Perse jusqu’à 3000 ans avant notre ère. Il est donc un liant de la musique que l’on trouve en Turquie, Grèce, Azerbaïdjan et Arménie mais aussi jusque dans le Caucase, la Crimée et les Balkans.

On le trouve dans des musiques traditionnelles et plus récemment dans la scène disco turque des années 1980 dans laquelle Hakan a baigné.

L’influence turque ne sera donc pas nationale, mais liée à une très grande histoire culturelle et de mélange des peuples. Ce mélange continue avec l’influence du batteur, Milan Petrucci, amateur de techno et de cold wave façon New Order qui n’hésite d’ailleurs pas à saluer Deli Teli, un groupe de musique grec.

Dans le clip de Muhabbet il arbore d’ailleurs un t-shirt Versace « greca » avec un motif clé grecque identique à celui du logo de la marque, inspiré directement de la mythologie grecque. Ici il s’agit d’un logo des années 1990, c’est très fin, très branché, très marseillais et sûrement pas laissé au hasard.

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Guerre

La Grèce, poste-avancé de l’OTAN contre la Turquie

La Grèce se militarise pour le compte de l’OTAN.

La Grèce a toujours été un fer de lance de l’OTAN, hier dans sa lutte contre l’URSS, aujourd’hui dans sa défense de l’hégémonie occidentale.

Dès 1947, la Grèce signait un accord bilatéral avec les Etats-Unis pour mettre à disposition toutes ses infrastructures pour le compte de l’OTAN, avant de rejoindre officiellement l’alliance atlantique en 1952…en même temps que la Turquie.

Le bloc occidental était alors concentré sur l’opposition à l’empire soviétique et se devait de maintenir la discipline de ses membres, tous ses membres, y compris donc la Grèce et la Turquie malgré leur opposition historique commencée avec la guerre d’indépendance grecque en 1821 et allant jusqu’à la persécution des Grecs d’Anatolie en 1922.

Mais tout cela est du passé. La situation qui prime dorénavant est la tendance à la guerre et les antagonismes refont surface.

Car si la Turquie était depuis la fondation de la République de Turquie par Mustafa Kemal Atatürk en 1923 un simple satellite des États-Unis, avec des centres urbains modernes dans un océan rural isolé, l’arrivée d’Erdogan au pouvoir à la fin des années 1990 a coïncidé avec une vague de modernisation qui a bénéficié aux gens ayant quitté les campagnes arriérées dans les années 1970.

Cette nouvelle génération de « turcs noirs », en opposition aux « turcs blancs » des grands centres urbains, se trouve en phase avec l’idéologie du parti de la justice et du développement (AKP) qui a su dépasser les vieux mouvements islamistes turcs en maintenant le conservatisme religieux comme levier d’organisation civile tout en acceptant la laïcité comme fondement de l’Etat turc moderne.

Bref, la Turquie n’est plus celle des années 1960, et la vague de modernisation alliée à la mobilisation de pans entiers de la société lui permet de rêver au retour du passé ottoman…et le coup de frein engendré par la pandémie de Covid-19 ne peut que la faire basculer dans l’expansionnisme et le militarisme.

Mais la Turquie reste membre de l’OTAN, tout comme la Grèce, ce qui provoque forcément des remous comme lors d’une réunion de l’alliance de décembre 2020 où les ministres des affaires étrangères grecs, français, des États-Unis et de la Turquie se sont accusés de favoriser les tensions en Méditerranée.

Évidemment, face à cela, la Grèce n’est pas en reste. Sauf qu’à la différence de la Turquie, elle est un pays affaibli par la crise financière de 2008, incapable de défendre seule ses zones d’influences, d’autant plus que l’armée grecque compte un peu plus de 100 000 militaires actifs contre 735 000 en Turquie.

Si la Grèce a annoncé le rallongement de son service militaire obligatoire de 9 à 12 mois dès le mois de mai 2021, avec la perspective de former 15 000 nouveaux soldats, ainsi qu’une augmentation hallucinante de son budget militaire, elle ne peut faire face à la Turquie sans se vendre en découpe à l’OTAN.

Dès 2019, elle signe un accord de mise à jour du partenariat de défense mutuelle avec les États-Unis, revenant en fait à ouvrir les vannes à la présence des forces américaines en Grèce.

En septembre 2020, le secrétaire d’État à la défense Mike Pompeo venait affirmer cet accord, en proclamant au passage qu’il était envisagé le déplacement des forces américaines des bases turcs d’Incirlik et de Kürecik vers la Thrace orientale et la Crète.

Et c’est bien ce qui est en train de se passer. En 2021, le gouvernement de droite grec ouvrait ainsi les portes du port d’Alexandroúpolis dans le Nord-Est de la Grèce, à la frontière avec la Turquie, aux forces américaines.

Un port qui s’est avéré central pour la livraison d’armes occidentales au régime de Kiev ainsi que pour le renforcement des positions de l’OTAN en Roumanie et Bulgarie, après que la Turquie a fermé les détroits de Bosphore et des Dardanelles en vertu de la convention de Montreux de 1936.

En fait, le port est carrément devenu l’une des plus grandes bases américaines en Europe, avec des agrandissements qui lui permettent d’accueillir dorénavant des bâtiments maritimes de gros tonnages. À terme, il doit également se doter d’un système de radar en lien avec la station mère de l’île de Samothrace pour surveiller les détroits de la mer noire dans l’optique de remplacer la station-radar turque de Kürecik.

Heureusement, une partie de la population conteste cette militarisation car cela l’expose directement aux conséquences d’un conflit direct avec la Russie ou la Turquie. Du bon sens pacifiste quand on sait que les avions de chasse turcs violent régulièrement cet espace aérien grec à cet endroit !

Mais au-delà d’Alexandroúpolis, c’est également la base historique de l’OTAN en baie de Souda au sud de la Grèce qui a été modernisé pour y accueillir des drones de combat et de surveillance F-22 et F-35, trois nouveaux avions ravitailleurs essentiels pour les AWACS, ces Boeings E-3A dotés d’un système aéroporté de détection et de contrôle qui sont basés à l’ouest de la Grèce sur la base d’Aktion. Enfin, la base de Souda doit également voir s’installer un radar de veille pour la surveillance de la Méditerranée orientale et de la Mer Égée.

Boeing E-3A AWACS

A cela s’ajoute, les bases aériennes en Thessalie de Larissa et Vólos, qui accueillent respectivement des drones américains MQ-9Reaper spécialisés dans la surveillance et des hélicoptères Apache et Chinook.

En violet : bases grecques modernisées pour l’OTAN, en marron : quelques bases grecques, en jaune : bases militaires mises à disposition des armées françaises, en violet : bases britanniques à Chypre, en vert : base turques de l’OTAN, en bleu : détroits de la mer noire fermés depuis mars 2022

Ce déploiement massif des États-Unis en Grèce est le reflet que l’OTAN prépare la guerre contre une Turquie dont elle pense qu’elle va basculer à terme dans le bloc sino-russe. Une perspective soi-disant justifiée notamment par la décision de cette dernière de se fournir en missiles S-400 russes après le refus américain de lui vendre ses systèmes Patriot.

Un des tournants qui apparaît comme un marqueur historique est la levée par les États-Unis en septembre 2022 de son embargo pesant sur la République de Chypre sur l’exportation d’armes américaines décidé en 1987. Avant de venir en Grèce, Mike Pompeo est d’ailleurs passé par l’île.

Cet embargo servait à geler la situation du conflit entre la Turquie et la Grèce sur cette île de la Méditerranée depuis 1974 où un coup d’État militaire en faveur du rattachement à la Grèce avaient eu pour conséquence l’envahissement par la Turquie de la partie nord de l’île, contribuant à la séparation entre une République de Chypre au sud et une République Turc de Chypre Nord (RTCN), avec en parallèle une partage entre populations turcophones et grécophones.

Au centre de la rivalité gréco-turque du fait de sa place pour l’exploitation des hydrocarbures, l’île est prise en étau entre les partisans ultranationalistes grecs de l’ « Enosis » et l’expansionnisme turc et l’idéologie de la « Patrie bleue », dont la dernière manifestation a été l’intégration de la RTCN comme membre observateur de l’Organisation des Etats turciques en novembre 2022.

A la lumière de ce contexte, il est évident que si les États-Unis réorientent leur implantation militaire vers la Grèce, et surtout de sa partie orientale pour mieux anticiper la séparation avec ses bases en Turquie et son centre de commandement terrestre à Izmir, il y a clairement un partage des tâches occidentales dans la zone.

Ainsi le Royaume-Uni est en charge de la mission européenne du groupe d’intervention littorale fondée sur une capacité de débarquement optimale grâce à l’interopérabilité de ses forces aériennes, maritimes et terrestres.

Pour s’entraîner à ses manœuvres, le Royaume-Uni peut compter sur ses bases de Dhekelia et d’Akrotiri qui s’étalent sur 3 % de son ex-colonie Chypre, portions de territoire sur lesquels il reste pleinement souverain.

La base d’Akrotiri abrite le quartier général des forces britanniques et apparaît comme un lieu central pour les opérations occidentales en Irak, Libye et Afghanistan mais aussi plus récemment dans la guerre en Ukraine.

Elle est tellement centrale que l’état-major britannique a entrepris une vaste modernisation de la base, le commandant adjoint du Commandement stratégique britannique affirmant que le rôle de Chypre était appelé à devenir plus important pour « la sécurité mondiale et notre posture mondiale ».

Mais le rôle principal dans la zone pour le compte de l’OTAN revient à la France. Elle a toujours considéré la Méditerranée comme une de ses chasses gardées, remontant à la percée du Canal de Suez et à l’expédition de Morée au XIXe siècle et allant jusqu’à l’intervention militaire en Libye en 2011 en passant par la forte implication de Nicolas Sarkozy dans le projet d’Union pour la Méditerranée en 2008.

Le pacte d’assistance militaire mutuelle signé entre la France et la Grèce en septembre 2021 illustre le rôle joué par la France dans la zone, avec notamment le renforcement d’exercices interarmées comme l’exercice ARGO22.

Le complexe militaro-industriel français est même aux avant-postes de la construction du « bouclier » méditerranéen grec, avec la livraison de 24 rafales stationnés à la base de Tanagra ainsi que de 3 nouvelles frégates.

A cela s’ajoute l’accord de défense signé entre la République de Chypre et la France à Paris en avril 2017 qui lui donne l’accès total au port de Limassol, faisant de la France le second partenaire militaire de l’île après la Grèce. Une des premières illustrations de cet accord a été la mission Clemenceau 2022 entre février et avril 2022 lors de laquelle le porte-avion Charles de Gaulle a stationné dans la zone, permettant l’exercice aérien conjoint TALOS22 avec la garde nationale chypriote.

C’est pourquoi les pacifistes en France doivent se concentrer sur le conflit gréco-turc, en se focalisant forcément sur la Grèce et les agissements de son régime. Car bientôt la France et la Grèce seront en guerre ouverte pour le compte de l’OTAN contre la Turquie et il faudra assumer ses responsabilités historiques.

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Guerre

Le président turc menace de frapper… Athènes

La Turquie pourrait tirer un missile sur la capitale grecque.

Le 17 décembre 2022, la Grèce a bouclé son budget 2023. Le ministre de la défense de la Grèce, Nikos Panagiotopoulos, a expliqué à cette occasion qu’il était très satisfait de la situation militaire de la Grèce.

Le budget militaire est passé de 3,35 milliards d’euros en 2020 à 5,44 milliards en 2021, 6,39 milliards en 2022, et sera de 5,65 milliards en 2023.

Selon lui, la Grèce est désormais en position de force par rapport à la Turquie, dont il décrit l’agressivité comme « pré-électorale », mais également comme portant des « éléments d’objectifs politiques révisionnistes stables dans notre région ».

Il y a là un événement de la plus grande portée, car en admettant que cela soit vrai, cela montre bien que l’analyse que nous faisons d’une Turquie avec le doigt sur la gâchette est tout à fait juste. Pour la Turquie, c’est maintenant ou jamais, comme en témoigne l’affaire qui a précédé l’annonce du ministre grec de la défense d’une « supériorité » grecque.

À l’origine, il y a une fuite dans la presse turque, en tous cas c’est officiellement présenté comme une fuite, à propos du missile Tayfun développé par la Turquie. L’agence de presse Demirören News Agency a montré les images d’un essai en commentant la réussite de celui-ci. La cible aurait été atteinte à une distance de 561 kilomètres en 456 secondes seulement, soit moins de 8 minutes.

Le tir aurait eu lieu le 18 octobre 2022, depuis un tracteur-érecteur-lanceur positionné à Rize, sur les bords de la mer Noire. Réelle ou fictive, cette « fuite » dans la presse a en tous cas été très à propos, puisque le président turc s’est saisi de l’occasion pour menacer la Grèce comme jamais. Le 11 décembre 2022, Recep Tayyip Erdoğan a ouvertement menacé de frapper la capitale grecque avec ce missile balistique puissant.

On ne parle pas là d’allusion, de sous-entendu, ou même de simples avertissements pour la forme. Ce qu’il a dit est on ne peut plus concret, furieusement belliciste.

« Nous avons maintenant commencé à produire nos propres missiles. Cela effraie les Grecs, bien sûr. Quand vous dites ‘Tayfun’, les Grecs ont peur. Ils se disent qu’il pourrait frapper Athènes.

Et cela pourrait arriver si vous ne gardez pas votre calme. Si vous essayez d’envoyer sur les îles les armes que vous avez reçues des États-Unis, dans ce cas, un pays comme la Turquie ne va pas se contenter de ramasser des poires : il va faire quelque chose. »

Quand il parle des îles, il faut comprendre les îles de la mer Égée que nous avons régulièrement évoquées ici. Les lecteurs désireux d’en savoir plus peuvent par exemple lire cet article : La France pousse la Grèce à la guerre contre la Turquie

Toujours est-il que de tels propos sont loin d’être anecdotiques. On parle là d’un pays menaçant de frapper tout azimut la capitale d’un autre pays. C’est-à-dire que même la Russie n’a jamais employé un tel langage à propos de Kiev avant de lancer son offensive !

Et surtout, il faut lire entre les lignes pour comprendre la portée de ces propos. Le président turc parle ici des armes américaines, alors que la Grèce est dans l’Otan (l’alliance américaine) tout comme la Turquie. Le propos vise donc tout autant les États-Unis et l’Otan en général, que la Grèce.

La Turquie dit ici au bloc américain : maintenant il va falloir définir très vite et très clairement les camps, car nous ne lâcheront rien face à la Grèce et si vous l’aidez, nous ferons immédiatement partie du camp d’en face.

C’est la logique des blocs : il est évident que la Turquie, dans ses visées expansionnistes, entend bien profiter de la guerre mondiale pour mener à bien ses plans. Pour cela, peut importe qu’elle choisisse le bloc américain ou le bloc chinois, elle prendra ce qui est le plus conforme au moment venu.

Bien entendu, la Grèce est immédiatement montée au créneau par la voix de son chef de la diplomatie, Nikos Dendias. A ses collègues européens, en fait surtout de l’Otan, il a dit :

« La menace d’une attaque de missile contre la Grèce proférée par un allié de l’Otan est à la fois inacceptable et tout à fait condamnable. Les attitudes de style nord-coréen ne peuvent et ne doivent pas être tolérées par l’Alliance. »

Mais aucune réaction n’est venue du côté européen, ni du côté de l’Otan, ni du côté américain. Cela en dit très long sur la situation mondiale. Pour l’instant, les États-Unis ne sont pas encore prêts à lâcher la Turquie dans le camp d’en face, alors la Turquie va en profiter à fond.

Et comme la Grèce, de son côté, est elle aussi tout autant furieusement anti-turque, belliciste, les choses vont aller de mal en pis, jusqu’à l’explosion inévitable. C’est une immense escalade guerrière de plus entre les deux pays, qui sont à couteaux tirés, prêts à se lancer dans la guerre mondiale pour le repartage du monde. En pratique, la 3e guerre mondiale pour le repartage du monde a déjà commencé.

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Guerre

Le complexe militaro-industriel français dans la course aux armements avec la Turquie en ligne de mire

La course aux armements s’accélère dans la zone euro-méditerranéenne.

Alors que la Turquie multiplie les coups de menton sur ses frontières, face à l’Arménie, face à la Syrie, à l’Irak et face à la Grèce et Chypre, la France a annoncé ce mois-ci le début de la livraison des premières frégates dites de défense et d’intervention (FDI) à la marine française, qui doit en être équipée de manière opérationnelle pour 2024, avant la marine grecque, qui sera livrée en 2025.

La Grèce a annoncé l’achat de quatre FDI (trois plus une en option), et le ministre grec des armées, Nikolaos Panagiotopoulos, était d’ailleurs présent à Lorient, en Bretagne, dans le département du Morbihan, qui abrite la principale base des sous-marins de la Marine de guerre française, et où se trouve aussi le site de production d’un des principaux monopoles du complexe militaro-industriel français, Naval Group, chargé de l’assemblage de ces frégates.

On parle là d’un véhicule considéré comme étant à la pointe de la technologie actuelle, avec une capacité de longue autonomie technique et numérique, bénéficiant d’une installation de haut niveau en mesure de contrer théoriquement toute attaque de type informatique, tout en embarquant un équipement complet et quasiment autonome de traitement de données complexes.

Le bateau en lui-même est conçu pour être à la fois rapide, discret et en mesure d’embarquer un lourd armement de frappe : drone, hélicoptère d’assaut, dont le modèle à venir Guépard Marine, en commande chez Airbus et surtout tout un arsenal (antiaérien, antinavire, antisous-marin et mer-sol) de missiles de frappe produit par MBMA , sans compter la capacité à projeter des groupes armés des forces spéciales.

Les FDI sont donc des armes polyvalentes, conçues autant pour appuyer le renseignement, l’attaque et la défense, avec un système de radar conçu par Thalès en mesure de constituer un bouclier anti-missile.

Le discours prononcé à l’occasion de ce lancement par le PDG de Naval Group, Pierre Éric Pommellet, lui-même polytechnicien passé par le MIT américain, s’est donc voulu extrêmement clair sur l’engagement central du complexe militaro-industriel au service de l’État français, en parlant frontalement d’économie de guerre :

« Nous sommes fiers d’être présents ici à Lorient aujourd’hui pour célébrer ce jalon important pour l’Amiral Ronarc’h, première de la série FDI, la nouvelle génération de frégates de premier rang de la Marine nationale. La mise à l’eau d’un navire de guerre est aussi l’occasion de rappeler que l’outil industriel français est au service de nos forces armées, engagé dans l’économie de guerre.

Dès 2025, le site Naval Group de Lorient réalisera ainsi jusqu’à deux bateaux par an. Aujourd’hui, nous célébrons également l’avenir du programme FDI avec la présence du ministre Nikolaos Panagiotopoulos, l’occasion de rappeler l’importance de la coopération militaire et industrielle en Europe, la FDI associant déjà de nombreux industriels grecs dans la réalisation du programme pour la Grèce ».

Il faut voir ici que Naval Group a annoncé la création de près de 2000 emplois pour satisfaire cette commande, et que donc la pression sur les masses en terme de propagande et de bourrage de crâne pro-militariste ne peut que s’accroître, d’abord de manière sectorielle sur la région, mais cette tendance ne peut que se renforcer de plus en plus de manière générale au plan national.

Le nom choisi pour ce premier navire est d’ailleurs aussi une sorte de symbole, l’Amiral Ronarc’h ayant été un officier très engagé dans le cadre de la Première Guerre mondiale, et s’étant formé face à la Chine dans le cadre de la guerre des Boxers (1899-1901).

Mort en avril 1940, après avoir été chef d’état-major de la Marine, il a aussi l’avantage de ne pas avoir eu à se postionner face à la capitulation décidée par le Maréchal Pétain en juin 1940.Pierre Éric Pommellet n’a bien sûr pas manqué d’appuyer l’alliance militaire qui se constitue de manière toujours plus nette avec la Grèce, avec bien entendu la Turquie en ligne de mire.

Il faut voir que la Grèce dispose ainsi d’une perspective redoutable de consolidation de son arsenal, avec une alliance militaire renforcée, désignée comme la QUAD (EUNOMIA), liant Chypre, la Grèce, l’Italie et la France, explicitement formée pour affirmer l’hégémonie de ces pays en Méditerranée orientale.

L’horizon 2024-2025 est d’autant plus significatif du côté turc, que la République de Turquie célébrera alors son centenaire, et que Recep Tayyip Erdogan annonce depuis des années vouloir faire de cette date une sorte de refondation de la puissance turque.

La course aux armements qui s’élance pour le repartage de la Méditerranée, mettant face à face la Turquie et la France, au-delà de la Grèce, a de très bonnes chances de faire exploser toute cette situation bien avant cela… On est à la limite de l’ouverture du conflit – ce qui implique en réalité que la limite a déjà été dépassée : les conflits dans le cadre de la bataille pour le repartage du monde se mettent toujours en place avant même de commencer formellement.

Le désastre n’est pas devant nous : il est parmi nous.

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Guerre

Montée explosive des tensions turco-grecques

On va droit à la guerre.

Les événements se précipitent depuis un mois de manière absolument catastrophique. On est dans une accumulation de faits exactement comme avant 1914. Et la journée du 17 juillet 2022 a été marquée par l’arrivée de troupes de part et d’autres, avec construction de tranchées, de part et d’autre de la frontière gréco-turque marquée par le fleuve Maritsa.

Voici un article racontant cette situation saisissante et effroyable, tiré du numéro 21 / juillet 2022 de la revue maoïste Crise (téléchargeable dans son ensemble ici).

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Guerre

La France pousse la Grèce à la guerre contre la Turquie

La mer Égée est au cœur de la bataille pour le repartage du monde.

Cela fait des années et des années que la Grèce et la Turquie se toisent du regard, s’invectivent, s’accusent, se provoquent, etc. Et la France est pleinement partie prenante de ces tensions.

En 2020, l’opposition entre la Grèce et la Turquie a pris une nouvelle tournure, au point que le risque de guerre s’est avéré imminent. La France est intervenue militairement au côté de la Grèce, et a dénoncé sans vergogne la Turquie, jetant ainsi de l’huile sur le feu. Puis elle s’est officiellement alliée à la Grèce.

Un nouvel épisode de cette saga guerrière s’est produit mardi 31 mai 2022. En arrière plan, il y a la Turquie qui reproche à la Grèce de sur-armer ses îles proches du territoire continental turc en mer Égée. Le ministre turc des Affaires étrangères a fait une déclaration choc à ce sujet, dans laquelle il dit notamment :

« La Grèce a violé le statut de ces îles et doit les désarmer. Sinon, un débat sur leur souveraineté commencera ».

Autrement dit, la Turquie reproche à la Grèce de ne pas respecter ses engagements historiques et menace de ne plus lui reconnaître ces îles. Rappelons que ce qui intéresse la Turquie ce ne sont pas ces îles en elles-mêmes, mais leurs eaux territoriales adjacentes.

Cela fait que la Turquie pourrait profiter de la situation pour enfin s’approprier des eaux (et leur sous-sol) qu’elle considère comme les siennes depuis des années. Le problème, on l’aura compris, c’est que justement si la Grèce sur-arme les îles en question, c’est précisément parce que de son côté elle considère que sa souveraineté est menacée.

De quelque manière qu’on prenne le problème, ce ne peut être que l’escalade. Il ne manque plus qu’une étincelle pour que le baril de poudre qu’est cette situation, explose. Et la France a clairement pris parti, et assumera s’il le faut un conflit militaire avec la Turquie, ce qu’elle souhaite même en fait, considérant que c’est un adversaire à sa portée.

D’où une prise de position unilatérale pour la Grèce, comme l’a annoncé Emmanuel Macron, dans une série de remarques à la presse sur cette question, lors d’un sommet européen. Il a parlé de la souveraineté territoriale de la Grèce, qu’il faut absolument défendre face à la Turquie.

Alors ce n’est pas nouveau, certes. La France est déjà engagée militairement auprès de la Grèce face à la Turquie, elle a déjà participé à des manœuvres en août 2020 avec trois avions Rafale, la frégate La Fayette et un hélicoptère. Et donc, surtout, la France a un pacte d’intervention avec la Grèce, comme nous l’expliquions ici en octobre 2021.

Mais nous sommes dans une situation de crise. La France, qui est une puissance en perdition, doit être de plus en plus agressive pour continuer à exister sur la scène internationale. Alors elle se pose comme gendarme de la Méditerranée, qu’elle considère comme sorte de prolongement naturel de son passé impérial puis colonial, avec le Liban comme aboutissement.

En pratique cependant, la France n’agit nullement comme un gendarme, elle n’arbitre rien dut tout mais prend clairement part à un conflit. Ce conflit fait partie des grands points d’accroche mondiaux pouvant mener à une nouvelle grande guerre mondiale.

Pour l’instant, la situation est même relativement figée, en raison de la complexité de la formation de grands blocs, nécessaire historiquement à la dégénération en une guerre mondiale. Concrètement, si on prend la question Ukrainienne, on voit tout de suite que cela freine tant la Grèce que la Turquie. Les deux sont dans la même position, au sein de l’OTAN donc tournée vers l’Ukraine en raison de leur soumission à la superpuissance américaine, mais en même temps ils sont chacun naturellement tournés vers la Russie avec la perspective d’exister de manière plus puissante en étant du côté de la Russie.

Tant la Grèce que la Turquie ont une position bien moins tranchante que les autres membre de l’OTAN vis-à-vis de la Russie. La Grèce est accusée d’aider objectivement la Russie à contourner les blocus, via ses ports. La Turquie assume officiellement de bloquer l’élargissement de l’OTAN contre la Russie, en raison du soutien suédois aux forces kurdes indépendantistes.

Cela peut néanmoins changer à tout moment, car personne ne décide de rien. C’est la crise qui décide de tout et précipite la monde. Toutefois, il est clair que la France participe activement à envenimer la situation en mer Égée, poussant objectivement la Turquie dans les bras de la Russie, et tirant la Grèce vers elle pour qu’elle se soumette avec elle entièrement à l’OTAN… avec l’espoir de bousculer la Turquie.

C’est la bataille pour le repartage du monde.

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Graves incidents militaristes en Méditerranée et dans le Pacifique

Les puissances se testent, s’éprouvent, avant le choc.

Ces derniers jours, une grande vague de tension s’est développée tant en mer Méditerranée que dans le Pacifique. La Grèce accuse la Turquie de coups de pression contre plusieurs de ses îles, les eaux territoriales, ainsi que Chypre. Le ministre grec des affaires étrangères Nikos Dendias n’a pas hésité à affirmer que:

« Notre souveraineté dans la Méditerranée orientale est menacée. La situation peut se transformer en guerre à tout moment. »

Ces propos ont tenus le 14 octobre, jour d’un accord signé par Nikos Dendias avec le responsable des affaires étrangères des Etats-Unis, Antony Blinken, pour un accord de coopération de défense prolongé de cinq ans, qui était auparavant signé chaque année depuis 1990.

C’est une manière pour les Etats-Unis de temporiser l’accord stratégique récent France-Grèce, en se proposant comme grand frère régional notamment par l’intermédiaire de l’OTAN. D’ailleurs, l’accord implique une négociation pour l’implantation d’une base navale américaine pour une longue durée.

Les Etats-Unis ont parallèlement à cette intervention dans la zone Méditerranée mené un coup de semonce important dans la zone Pacifique. Le 15 octobre l’USS Chafee, un destroyer (en français une variante de frégate), a tenté en mer du Japon, à l’Ouest du Pacifique, de pénétrer dans les eaux maritimes russes alors que des exercices militaires russo-chinois devaient s’y tenir quelques heures plus tard.

La frégate russe Amiral Vladimir Tribouts est intervenue pour lui barrer la route et le navire américain n’a changé de direction que lorsque il n’y avait plus que soixante mètres de distance entre les deux.

L’attaché militaire américain a été convoqué par le ministre russe des affaires étrangères.

En réponse, ou pas, la Russie a annoncé le 18 octobre que le premier novembre il n’y aurait plus de bureau russe auprès de l’OTAN, ni de bureau de l’OTAN auprès de la Russie. Il y a quelques semaines, huit responsables russes à Bruxelles auprès de l’OTAN s’en était fait expulser pour espionnage.

La superpuissance américaine témoigne ici de son esprit d’initiative, alors que le secrétaire à la défense américain Lloyd Austin s’est rendu en Géorgie signer un accord stratégique. C’est bien la démonstration que, contrairement à ce que laisse penser l’apparente sortie chaotique en Afghanistan, la superpuissance américaine a toute une stratégie globale et qu’elle agit conformément à cette stratégie dans chaque partie du monde.

L’objectif est d’encercler le challenger chinois et il est évident que l’espoir américain est que la Chine s’empêtre en Afghanistan. Et dans cet encerclement, il y a deux pays qui doivent tomber : l’Iran et la Russie. Comme en ce moment l’économie iranienne s’effondre – les travailleurs viennent de perdre 32% de pouvoir d’achat – et que la Russie connaît une terrible vague prolongée de covid-19, la superpuissance américaine exerce toujours davantage de pression.

Il faut ajouter que l’économie chinoise ralentit elle-même, ayant connu de grandes pénuries d’énergie cet été et en connaissant encore. La superpuissance américaine est ainsi en ce moment le facteur principal de la tendance à la guerre. Elle pousse à ce que l’ensemble vacille et le premier pays qui tombe se fait dépecer avec son aval du moment que la réorganisation qui en ressort rentre dans le cadre de l’encerclement de la Chine.

Plus que jamais, l’affrontement sino-américain prend tout son sens dans le cours dramatique de l’Histoire.

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Guerre

La France se lance dans le conflit gréco-turc

La France est alliée à la Grèce pour le prochain conflit maritime.

C’est une situation qui est à la fois nouvelle et dans le prolongement de ce qui s’est déroulé ces derniers mois. La Grèce s’arme, la Turquie s’arme, et la France fournit les armes à la Grèce, en se posant également comme allié. Cela a pris un tournant officiel, bien que non public, à la fin du mois de septembre avec la visite en France des plus hautes représentants officiels grecs (le premier ministre accompagné des ministres de la Défense et des Affaires étrangères).

Si des armes ont été achetées à cette occasion – des frégates et des avions de chasse – il y a surtout un partenariat stratégique qui a été signé et dont le document n’est pas rendu public, ce qui a justement été dénoncé par le PCF(mlm) comme un pacte secret (Pacte militaire secret franco-grec : préparez-vous au grand défi de la guerre franco-turque!).

C’est que l’article 2 du partenariat stratégique dit que si l’un des pays est attaqué, l’autre le soutiendra y compris de manière militaire. Comme en théorie c’est déjà le cas normalement puisqu’il y a des accords entre les pays de l’Union européenne, entre les pays de l’OTAN, c’est qu’on parle ici d’une alliance pour la prochaine guerre maritime.

Il ne faut pas, en effet, s’imaginer que l’armée turque va envoyer ses tanks en Grèce ou inversement. C’est bien entendu possible, mais un regard sur la carte montre aisément que là n’est pas le centre du problème.

Car, si l’on regarde bien, on peut s’apercevoir qu’il y a de nombreuses îles grecques qui sont très proches de la Turquie. Il y a donc d’incessants conflits territoriaux. On a frôlé l’affrontement militaire en 1987 et en 1996 déjà.

Source Wikipédia

Un autre problème qui s’ajoute est Chypre, que la Turquie occupe en partie, que la Grèce considère comme lui revenant de droit, avec pareillement autant de contentieux pour les frontières maritimes

En bleu : zone revendiquée par la Grèce et Chypre
En rouge : zone revendiquée par la Turquie

Voici comment le quotidien Le Monde présente cette question en 2020 :

« Premièrement, celle de « mer territoriale ». Depuis 1982, la largeur des eaux territoriales peut atteindre 12 milles depuis les côtes (environ 22,2 km) et l’État y dispose des mêmes droits que sur son territoire terrestre.

Dans le cas de la Turquie et de la Grèce, la limite est fixée à 6 milles depuis 1936. Si la Grèce décidait d’étendre sa mer territoriale à 12 milles, comme elle l’a laissé entendre ces dernières semaines et comme le droit l’y autorise, les Turcs ne pourraient plus traverser la mer Égée sans passer par les eaux grecques, tant les îles sont nombreuses.

Ce serait « un motif de guerre », a prévenu la Turquie début septembre.

La seconde notion d’importance est celle de zone économique exclusive (ZEE), instaurée par la convention dite de Montego Bay de 1982. D’une largeur maximale de 200 milles (environ 370 km), la ZEE assure à l’État côtier un droit exclusif à l’exploration, à l’exploitation et à la gestion des ressources de la zone. Dit autrement : tout ce qui est découvert dans la ZEE d’un pays lui appartient.

Si un État démontre que son territoire terrestre se prolonge sur le fond des océans au-delà des 200 milles de la ZEE, il peut également demander à étendre ce qu’on appelle son « plateau continental » jusqu’à 350 milles (650 km) et en exploiter ainsi le sol et le sous-sol. »

Cette présentation tout à fait neutre est exemplaire de toute une éducation faite en France à ce sujet, parce que la France, puissance de seconde zone par rapport à la superpuissance américaine et son challenger chinois, vise d’autant plus la Turquie qui est à sa portée et qui plus est dans une zone méditerranéenne toujours considérée comme essentielle.

Tout est fait pour pousser l’opinion publique dans le sens d’une position « naturelle » de la France en Méditerranée, avec une hégémonie qui en découlerait – il suffit de penser à comment la France s’arroge perpétuellement un droit de regard très prononcé sur le Liban.

Et là, avec une alliance officielle de la France avec la Grèce – officielle, mais en même temps « secrète » – on est dans la préparation du conflit, en posant les bases pour celui-ci. Et cela dans l’indifférence complète de l’opinion publique, dépolitisée, prisonnière de la consommation ininterrompue et sans esprit du capitalisme.

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La condamnation d’Aube dorée : une victoire en trompe-l’œil

Mercredi 7 octobre, la justice grecque a tranché : Aube dorée (Χρυσή Αυγή) est une organisation criminelle néo-nazie. C’était une évidence pour tout le monde, mais cette condamnation officielle est néanmoins très importante. Faisant suite à l’enquête visant un militant néonazi pour son assassinat du rappeur antifasciste Pavlos Fyssas, le procès était rapidement devenu celui de toute l’organisation.

En effet, ce parti, se revendiquant presque ouvertement du national-socialisme et du négationnisme, s’était illustré par des opérations punitives et autres ratonnades contre les immigrés, des syndicalistes ou des militants de gauche, avec des perturbations de bureaux de vote pendant les élections et de nombreuses menaces à l’égard d’associations ou simplement de ces gens que les nazis détestent : étrangers, Juifs, homosexuels, etc. Comme le parti d’Adolf Hitler jadis, Aube dorée avait une stratégie double : d’un côté une participation aux élections (qui lui a permis d’obtenir plusieurs députés pendant des années, à l’assemblée comme au parlement européen), de l’autre un militantisme de type milicien violent.

Alors que la stratégie parlementaire s’est soldée par un échec, des divisions internes et une disparition du parlement aux dernières élections, cette condamnation s’attaque directement à l’autre aspect de l’organisation. En effet, plus d’une cinquantaine de membres ont été condamnés, dont des cadres importants, comme Nikolaos Michaloliakos, le fondateur du parti, ancien cadre de l’organisation de jeunesse de la dictature, négationniste et nazi revendiqué.

Il ne faudrait pas pour autant s’imaginer que c’est une victoire décisive contre le fascisme en Grèce, ni un signe que l’Etat hellénique est un rempart contre ce dernier. Ainsi que les manifestations antifascistes importantes le jour du résultat du procès l’ont rappelé, l’opposition antifasciste est populaire. Si la justice ne s’est pas contentée de juger le meurtrier de Pavlos Fyssas, c’est parce qu’il existait une pression démocratique en ce sens. La Gauche, quoique affaiblie, demeure forte en Grèce et ancrée dans les masses, avec une extrême-gauche (marxisante ou anarchisante) assez active. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si cet important procès contre Aube dorée a débuté sous le mandat d’Alexis Tsipras, dirigeant du parti issue de la gauche Syriza.

Ces manifestations ont été principalement menées par la Gauche, évidemment. On retrouve notamment le Parti communiste de Grèce, avec le syndicat PAME et la Jeunesse communiste de Grèce qui lui sont liés. Les slogans, dans un esprit très « Front populaire », parlent d’eux-mêmes : « Le peuple exige l’emprisonnement des nazis », « Ce ne sont pas des innocents. Ce sont des ennemis. Par la lutte populaire, écrasons le fascisme. », « Dès hier, le peuple travailleur avait rendu son verdict ! ». D’autres organisations et militants issus de la gauche ou liés à celle-ci étaient présents, comme le Mouvement uni contre le racisme et la menace fasciste, dont l’appel fondateur contre le racisme avait été signé, entre autres, par Mikis Theodorakis, grande figure (désormais égarée dans un chauvinisme idiot, notamment sur la question macédonienne) de la gauche antifasciste grecque.

Par ailleurs, si les commentateurs médiatiques avaient proclamé, en même temps qu’ils encensaient « Koulis » Mitsotakis comme supposé « Macron grec, jeune et moderne », qu’Aube dorée ayant disparu de son parlement, la Grèce retrouvait une vie politique apaisée, c’est évidemment une analyse d’une imbécillité crasse.

Sous l’effet du procès, de son recul électoral, et de rivalités internes, Aube dorée a commencé à éclater il y a déjà quelques mois et deux partis ont depuis été formés par d’anciens cadres. Les « Grecs pour la Patrie » entendent suivre le modèle (jusque dans le logotype) de la Ligue du Nord italienne, en coupant avec le fascisme revendiqué, pour adopter une ligne national-populiste plus « ouverte », et certains sondages optimistes les placent déjà en situation d’espérer entrer au parlement aux prochaines élections, puisqu’ils pourraient frôler le seuil de 3% requis. Quant à la « Conscience nationale populaire », alliée à l’Union patriotique populaire grecque (dont l’acronyme grec « ΛΕΠΕΝ » est un hommage à Jean-Marie Le Pen), elle semble vouloir maintenir un militantisme certes plus prudent face à la justice mais toujours aussi radical.

En juillet 2019, dans un article paru sur Slate.fr, le journaliste Alexandros Kottis expliquait que « l’extrême droite grecque ne disparaît pas, elle se recompose », citant les liens historiques entre la droite et l’extrême-droite dans le pays, sur fond d’anticommunisme, ainsi que l’absence d’épuration politique de l’appareil d’état après la dictature. Il est de notoriété publique que l’armée est un repère de nazis, dans ce pays, et on se souviendra que Tsipras s’était allié à un parti d’extrême-droite pour gouverner, en faisant des clins d’œil appuyés à l’armée. Le grand parti de la droite grecque, la Nouvelle démocratie, comporte en son sein des gens issus ou liés à l’extrême-droite. De plus, alors que la « grande trahison » de son père avait permis la dictature en 1967, l’actuel premier ministre Kyriakos Mitsotakis n’a pas hésité à nommer dans son gouvernement deux anciens membres de l’extrême-droite : Spyrídon-Ádonis Georgiádis, issu du parti nationaliste Alerte populaire orthodoxe (LAOS), aujourd’hui ministre de la croissance et des investissements, et Makis Voridis, ministre de l’agriculture, également issu du LAOS, mais aussi de l’extrême-droite issue de la dictature, connu pour ses saluts nazis et son négationnisme.

Élu, entre autres, grâce aux voix d’anciens électeurs d’Aube dorée, le gouvernement actuel inquiète par sa politique agressivement réactionnaire, fortement anticommuniste (et anti-Gauche en général), au service des grands capitalistes du pays, profondément nationaliste, militariste et sécuritaire. De surcroît, un nouveau parti d’extrême-droite est entré au parlement en 2019 : la Solution grecque, qui a également récupéré une partie de l’électorat d’Aube dorée.

Aujourd’hui, alors que les provocations la Turquie attisent de nouveau un climat guerrier entre les deux pays, et que le gouvernement grec choisit ouvertement d’aller à la confrontation militaire, la menace fasciste est d’autant plus grande dans le pays, d’autant que les conséquences de la crise sur une population toujours plus pressurisée sont évidemment encore là. Plus que jamais, il faut défendre la Gauche qui était aujourd’hui dans la rue et l’aider à se reconstruire. Loin du populisme antisémite des amis de Mélenchon, et de la gestion du capitalisme portée par les dirigeants de Syriza et des restes du Pasok, il faut une Gauche ouvrière, internationaliste, pacifiste, capable de mener un Front populaire pour faire reculer le fascisme dans ce pays.

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Turquie/Grèce: le racisme au service de la guerre

La haine historique et réciproque entre la Grèce et la Turquie est bien connue. Les hydrocarbures méditerranéens l’alimentent ces dernières semaines de manière dramatique et inquiétante.

Ce qui est inquiétant, outre la faiblesse d’une Gauche capable de s’opposer au conflit annoncé (encore qu’en Grèce, elle puisse s’exprimer de manière plus grande qu’en Turquie), c’est le profond racisme qui gangrène les deux pays et qui sert naturellement les intérêts guerriers.

Ce phénomène est particulièrement visible en Turquie ou chez les gens d’origine turque installés à l’étranger. En Turquie, mais également sur les réseaux sociaux, on voit fleurir les appels au meurtre et les insultes visant les peuples que le nationalisme turc a souvent massacré : les Arméniens, les Kurdes et, surtout en ce moment, les Grecs. Ceux-ci sont qualifiés de « bâtards », de « résidus de Byzance », ou même de « bâtards pontiques », en référence à cette population grecque qui a subi un véritable génocide. À ce propos, il est ironiquement ignoble que les mêmes qui nient le caractère génocidaire de ces massacres (dont l’odieux génocide arménien) insinuent quand même que « c’était bien fait pour eux », et appellent parfois même à renouveler l’horreur.

En 2019, le rapport de la fondation Hrant Dink étudiant les discours haineux notait que dans les médias turcs, la haine visant les Grecs (de Grèce, de Chypre et de Turquie) était bien plus fréquente que la haine des Syriens (premières victimes de la haine raciste, si on compte séparément Grecs de Grèce et Grecs de Chypre et Turquie séparément), des Juifs et des Arméniens. On constate une véritable focalisation sur les Grecs, entretenue par les médias dont on sait à quel point leur dépendance par rapport au pouvoir est grande.

Ce racisme sert évidemment les projets expansionnistes et agressifs du régime qui joue sur la corde néo-ottomane pour attiser la haine et le soutien à ses projets. La reconversion de Hagía Sophía en mosquée en a été une marque importante, mais on doit noter également que le régime laisse détruire des monuments historiques liés à la Grèce et au christianisme dans cette même optique.

Face à cela, la haine anti-turque en Grèce est, pour ainsi dire, tout aussi culturellement ancrée. Comme en Turquie d’ailleurs, cette haine est associée à la haine d’autres peuples, notamment les Roms ou les Macédoniens, auxquels beaucoup nient même le droit de se dire macédoniens, sans parler des Juifs, au centre de tous les fantasmes conspirationnistes, que ce soit par antisémitisme chrétien ou par « anticapitalisme » (au sens de « socialisme des imbéciles », comme disait August Bebel). À ce titre, on ne rappellera jamais assez que les amis grecs de Jean-Luc Mélenchon, après avoir participé aux manifestations nationalistes contre le droit pour les Macédoniens de se dire Macédoniens, font désormais campagne contre « l’israélisation » de l’État grec, soi-disant sous contrôle.

Ainsi, dans le langage courant, de nombreuses insultes sont forgées à partir de termes désignant ces nationalités. Beaucoup même les emploient naturellement, sans forcément avoir des arrières-pensées racistes, tellement elles sont courantes. On peut citer le terme de « τουρκόγυφτος », littéralement le « turco-gitan ». Le mot « γυφτος », cousin étymologique de « gypsy » et de notre « gitan », a déjà en grec une connotation souvent péjorative (on lui préférera d’autres mots, comme « τσιγγάνος », tsigane, par exemple). En lui ajoutant le préfixe « turco », on renforce le côté péjoratif et le sens premier de « Rom venu de Turquie » s’efface derrière une insulte adressée à quelqu’un de mauvais, malhonnête, sale, malpropre, etc.

Après quatre cents ans d’occupation, puis deux siècles de tensions, les Grecs ne sont pas davantage prêts que leurs voisins à faire la paix et à tourner le dos au nationalisme que leurs dirigeants et les classes dirigeantes instillent entre eux. D’autant que, si Recep Tayyip Erdoğan exprime un néo-ottomanisme islamo-turc, la Grèce reste également encadrée par ses deux piliers institutionnels : l’Église hortodoxe toute-puissante et réactionnaire, et l’Armée, bastion du fascisme, voire même du nazisme.

La situation est alarmante et le pire est à craindre si la Gauche de ces deux pays ne parvient pas à mener le combat pacifiste et à rassembler largement les masses autour du refus de la guerre, de la défense de la démocratie et du recul des monopoles. Là-bas comme ici, il faut le Front populaire. D’urgence.

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Communiqué du PCF sur les ventes d’armes françaises à la Grèce

Voici le communiqué du PCF du 14 septembre 2020, dénonçant les ventes d’armes françaises à la Grèce, dont nous parlions récement :

« Vente d’armes à la Grèce : « Cette escalade militaire est une mauvaise réponse » (Fabien Roussel – PCF)

Dans le contexte de tensions et d’agressivité du dirigeant turc Recep Tayyip Erdogan en Méditerranée orientale, Emmanuel Macron choisit… de vendre des armes à la Grèce ! Un contrat pour 18 Rafales, 4 hélicoptères, des missiles et des torpilles francais vient dêtre signé, comme une forme de réponse aux provocations du président turc dans les eaux grecques. Cette escalade militaire est une mauvaise réponse.
Après avoir mobilisé deux chasseurs Rafale et deux navires de guerre, la France avait déjà procédé, le mois passé, à un exercice militaire conjoint avec la Grèce, l’Italie et Chypre, au sud et au sud-ouest de Chypre.

La ministre française des Armées, Florence Parly, s’est aussitôt réjouie de ce qu’elle voit comme le renforcement du « lien entre les forces armées grecques et françaises » considérant, selon elle, qu’il s’agit d’un pas « en faveur d’une Europe de la défense plus forte, plus autonome et unie ». Quel aveuglement ! Paris nourrit l’escalade militaire dans l’une des zones les plus sur-militarisées du monde, où le risque nucléaire est présent, et participe à une surenchère agressive entre membres de l’OTAN. On voit mal une « défense européenne » déjà arrimée à l’OTAN – et dont la Turquie est la 2e armée en matière d’effectifs – fonder une cohérence dans ses orientations et sortir « renforcée » de l’amplification de la crise interne de l’alliance politico-militaire qui est placée au service des intérêts stratégiques nords-américains depuis sa fondation.

Pour le Parti communiste français, il est indispensable de mettre un coup d’arrêt net aux évolutions dramatiques qui se dessinent, qu’il s’agisse des visées expansionnistes du dirigeant turc que d’un sur-armement de la Grèce. De plus, le peuple grec devra payer ces achats d’armement par de nouvelles politiques d’austérité.

Dans une région où, déjà, peuples grec et turc ont vécu les plus effroyables conflits, la France et l’ensemble des pays de la région doivent construire un chemin diplomatique pour sortir de crise qui contrait la Turquie à respecter le droit international, les accords internationaux existants, le droit de la mer, et découragent les visées militaristes des protagonistes.

Le PCF, préoccupé et inquiet de l’escalade belliciste en Méditerranée, appelle au rassemblement et à la mobilisation des forces de la paix en France et en Europe pour peser en ce sens. »

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Vers la guerre: l’armée grecque se renforce avec du matériel militaire français

Alors que le conflit entre la Turquie et la Grèce est de plus en plus explosif, le premier ministre grec à annoncé que l’heure est venue pour son pays de renforcer ses forces armées et la France est là pour vendre du matériel de guerre.

Samedi 12 septembre 2020, le président turc Recep Tayyip Erdogan s’est montré très menaçant à l’égard du président français en affirmant : « Macron, vous n’avez pas fini d’avoir des ennuis avec moi ».

En face, la France répond à l’escalade par l’escalade et ce même jour a été annoncé un plan d’achat de matériel militaire français par la Grèce. Le Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis a expliqué :

« Notre force aérienne va acquérir immédiatement un escadron de 18 avions de chasse Rafale afin de remplacer les anciens Mirage 2000. Ce sont des avions excellents qui, avec nos F-16 modernisés, renforceront notre capacité de dissuasion. »

En plus de cela, l’achat de quatre navires de guerre a été évoqué et il s’agirait probablement de Frégates de défense et d’intervention du groupe français Naval Group.

La ministre française des Armées a immédiatement réagit à cette « bonne nouvelle » militaire (selon sont point de vue guerrier) :

« Cette annonce constitue un succès pour l’industrie aéronautique française, en particulier Dassault Aviation ainsi que les autres acteurs industriels français, et notamment les nombreuses PME concernées par la construction du Rafale. Ce choix en faveur d’un avion de combat Dassault Aviation, au plus haut niveau de la technologie mondiale, vient renforcer le lien entre les forces armées grecques et françaises, et permettra d’intensifier leur coopération opérationnelle et stratégique. »

Les Rafale achetés par la Grèce visent ouvertement à prendre le dessus sur la Turquie, dans une surenchère militariste. Les avions concernés seraient configurés pour emporter des missiles air-air longue portée METEOR capables d’engager une cible à environ 100 kilomètres. Cela leur donnerait un avantage important par rapports aux chasseurs turcs qui ne disposent pas de telles possibilité pour l’instant.

Cela s’inscrit dans tout un plan de l’armée grec visant à recruter 15 000 soldats supplémentaires et renforcer son financement. Des nouveaux hélicoptères de la marine sont prévus, ainsi que des armes anti-chars, des torpilles et des missiles. Il s’agit selon le gouvernement grec de former « un bouclier national», autrement de se préparer à la guerre.

En face, l’armée turque ne compte pas lâcher l’affaire et va chercher à se renforcer, dans une course folle menant à une guerre qui semble de plus en plus inévitable, tellement les États en faillite que sont la Grèce et la Turquie en ont besoin, poussés également par les grandes puissances avide d’une nouvelle répartition du monde.

> Lire également : La guerre entre la Turquie et la France (soutenant la Grèce) se fait chaque jour plus menaçante

On va déjà vers des accrochages et ceux-ci auront un effet de boule de neige : la guerre est déjà installée et elle étend son royaume.

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La guerre entre la Turquie et la France (soutenant la Grèce) se fait chaque jour plus menaçante

Le régime turc est dans une perspective guerrière ultra-agressive. En face, la France soutient la Grèce et pousse elle-même à la guerre en s’érigeant comme le gendarme de la Méditerranée.

Lors des célébrations du Jour de la victoire dimanche 30 août 2020, une fête nationale turque marquant une victoire militaire contre la Grèce en 1922, Recep Tayyip Erdoğan a tenu des propos particulièrement agressifs. Il assumait ouvertement la possibilité de faire la guerre en raison du litige concernant les eaux territoriales en Méditerranée orientale :

« Lorsqu’il s’agit de combattre, nous n’hésitons pas à donner des martyrs […] La question est la suivante : ceux qui s’érigent contre nous en Méditerranée et (au Proche-Orient) sont-ils prêts aux mêmes sacrifices ? »

On n’est plus dans la provocation comme il y a encore quelques jours, mais directement dans un discours guerrier assumant l’affrontement contre la Grèce et la France, avec la menace du sang versé :

« Le peuple grec accepte-t-il ce qui risque de lui arriver à cause de ses dirigeants cupides et incompétents ?

Le peuple français sait-il le prix qu’il devra payer à cause de ses dirigeants cupides et incompétents ? »

Parallèlement à cela, le président turc déroulait son habituelle rengaine ultra-nationaliste, s’adressant directement à « Atatürk », c’est-à-dire Mustafa Kemal surnommé le père des Turcs, pour justifier sa logique guerrière actuelle. Ce message écrit dans un « livre d’or » du mausolée de Mustafa Kemal et largement relayé dans la presse est un modèle du genre, typique du régime :

« Cher Ataturk, au 98e anniversaire de la Grande Victoire, nous saluons une nouvelle fois votre mémoire et celle de nos martyrs. Nous œuvrons pour glorifier et renforcer la République de Turquie que vous nous avez confiée. Nous sommes déterminés à devenir en 2023, au centenaire de notre République, un pays encore plus puissant, plus indépendant et plus prospère du point de vue économique, militaire, politique et diplomatique.

Les réussites importantes que nous avons notées sur divers terrains allant de la Syrie à la Libye, de la mer Noire à la Méditerranée orientale, sont les preuves les plus claires de notre volonté à protéger les droits et intérêts de notre pays.

La Turquie ne cédera pas aux menaces, intimidations et chantages, spécialement en Méditerranée orientale, et continuera de défendre ses droits découlant du droit international et des accords bilatéraux. Paix à votre âme ».

Tous les hauts personnages de l’État s’y sont mis, à l’instar du ministre de la Défense qui a expliqué :

« Cette grande victoire [en 1922 contre la Grèce] est la proclamation au monde entier que notre nation protégera à tout prix sa patrie qui l’importe plus que sa vie, et que l’Anatolie restera indéfiniment une terre turque ».

Le même jour, la ministre française des Armées, Florence Parly faisait comprendre dans une émission de radio que la France ne comptait certainement pas faire baisser la tension, insistant surtout sur le « comportement escalatoire [sic] » turc.

En arrière-plan, il y a la prétention de la France à être une grande puissance, au moyen de son armée qui agirait comme un gendarme en Méditerranée :

« Il y a un droit de navigation dans les eaux de la Méditerranée. Il n’y a pas de droit d’accaparement de ressources énergétiques et gazières, surtout lorsque celle-ci ont été reconnues conformément aux traités internationaux.

La démarche de la France n’est nullement escalatoire [sic]. Ce que nous avons fait, c’est ce que nous faisons régulièrement, c’est-à-dire que nous naviguons régulièrement en mer Méditerranée. C’est tout de même un espace naturel pour notre pays ».

Parler « d’espace naturel » pour qualifier une zone maritime à plusieurs milliers de kilomètres des côtes françaises, surtout quand on est ministre des Armées, c’est clairement agir dans le sens de la guerre. C’est s’arroger la responsabilité du « droit international » par les armes, de surcroît en ce qui ne concerne pas ses propres frontières.

C’est tout à fait conforme aux prétentions d’Emmanuel Macron qui, à l’occasion d’un « Forum Moyen-Orient Méditerranée » mercredi 29 août, a tenu un discours que l’on croirait sortie du XXe siècle et de l’époque du « mandat » français au Proche-Orient.

Cela donne des ailes au régime turc, qui dénonce ainsi facilement la France comme l’a fait le porte-parole du ministère turc des Affaires étrangères le lundi 31 août. Avec un discours particulièrement bien ficelé, il a rétorqué à Emmanuel Macron :

« Ceux qui croient tracer des lignes rouges contre la juste cause de la Turquie, ne feront que constater la position déterminée de notre pays.

S’il y a une ligne rouge dans la région, il ne peut s’agir que des droits découlant du droit international de la Turquie et des Turcs de Chypre.

Il est temps, pour ceux qui se voient dans un miroir grossissant, d’accepter la réalité : l’époque où les impérialistes traçaient les lignes sur les mappemondes est révolue. »

La veille, il prévenait dans un communiqué que « la Turquie est capable de dissuader, tous ceux qui tentent d’usurper par la force, ses intérêts et droits légitimes, en envoyant des armadas », dénonçant des « provocations d’acteurs externes à la région ».

On le comprend, et c’est chaque jour de plus en plus flagrant, on a là tous les ingrédients d’un cocktail explosif, menaçant de s’embraser à chaque instant.

L’épisode le plus récent est la publication de photos, par l’Agence France presse (liée en grande partie à l’État français), montrant des militaires grecs armés sur l’île de Kastellorizo, à quelques kilomètres des côtes de la Turquie.

> Lire également : Vers la guerre: l’Armée française se déploie avec la Grèce face à la Turquie

Le régime turc a immédiatement réagi, parlant d’acte de « piraterie » (l’île est censée être démilitarisées depuis un traité de 1947), faignant de découvrir la présence de ces militaires, qui n’a rien de nouvelle. La Grèce de son côté assume totalement la présence de ses militaires, assumant là encore le parti de la guerre.

Désormais, ce sont la crise ainsi que la tendance à la guerre qui forment l’actualité…

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Vers la guerre: l’Armée française se déploie avec la Grèce face à la Turquie

L’Armée française a annoncé mercredi 26 août 2020 mener des exercices militaires en Méditerranée orientale pendant trois jours. Les manœuvres visent ouvertement la Turquie dont le conflit avec la Grèce prend chaque jour une tournure plus guerrière, avec la France parmi les belligérants.

La ministre des Armées Florence Parly a annoncé que trois avions Rafale, la frégate La Fayette et un hélicoptère français prennent part à un exercice commun avec l’armée de Grèce en Méditerranée orientale, du mercredi 26 août au vendredi 28 août 2020. Les armées italienne et chypriote sont également concernées par l’opération dans les eaux situées entre la Crète et Chypre, précisément là où la Turquie a un navire prospectant des hydrocarbures.

Quelques jours plus tôt, la Grèce émettait un télex de navigation (Navtex) annonçant des manœuvres dans cette zone. Le président turc Recep Tayyip Erdoğan y a répondu de manière très hostile :

« L’émission d’un Navtex par la Grèce n’est autre qu’un acte irresponsable menaçant la sécurité de tous les navires présents dans la région ».

La Turquie considère que la Grèce n’avait pas le droit de l’émettre et s’est faite très menaçante, expliquant que ceux à qui elle sera confrontée devront « en assumer les conséquences ». La France est visée, sans la nommer ouvertement, en dénonçant le fait qu’elle pousse la Grèce à la guerre :

« Il serait bon pour la Grèce de prendre en considération que ceux qui la poussent devant la flotte turque, ne se montreront pas si un problème survient ».

C’est ainsi qu’on assiste à une escalade guerrière où la France répond à la Turquie en déployant sa force, assumant par là son appui militaire à l’armée grecque dans le cadre d’une « Initiative quadripartite de coopération (SQAD) ». Les manœuvres sont appelées « Eunomia », en référence à une déesse grecque dont le nom renvoie aux notions de justice, d’équité, de bon ordre.

Si la France prétend agir au nom du « droit international » comme l’a affirmé Florence Parly, il faut bien voir que le régime turc dit exactement pareil de son côté. La Turquie considère que ses provocations récurrentes contre la Grèce sont légitimes, sans par ailleurs que ni l’Allemagne, ni les États-Unis, ne le lui reprochent vraiment.

Mardi 25 août, le chef de la diplomatie allemande Heiko Maas était à Ankara (après s’être rendu à Athènes) pour y prôner le dialogue, mais aussi pour réaffirmer la question de l’OTAN et donc de la superpuissance américaine dont dépend encore la Turquie. À ses côtés, le ministre turc des Affaires étrangères Mevlüt Çavuşoğlu a expliqué que ce n’est pas son pays qui fait monter les tensions.

Il a affirmé que la Grèce devait renoncer à « jouer les gâtés » et que :

« Il ne faut pas que la Grèce se laisse entraîner par les pays [sous entendu la France principalement] qui souhaitent la jeter devant la flotte turque. Nous sommes voisins. Nous souhaitons un partage juste ».

Il suffit pour mieux comprendre la situation de regarder cette carte montrant les frontières maritimes (ZEE) selon la convention de Montego Bay de l’ONU en 1982 :

Comme on le voit, les eaux territoriales grecques couvrent toute la zone, notamment en raison de la petite île de Kastellorizo. La Turquie n’a jamais reconnu cette convention (à l’image de nombreux pays dont les États-Unis) et maintenant qu’elle sait qu’il y a d’importants gisements gaziers dans la région, elle y revendique activement ses frontières.

C’est la raison pour laquelle le navire Oruç Reis prospecte depuis plusieurs jours dans ces eaux, escorté par une flotte militaire. La France avait immédiatement réagi à cela en déployant de premiers exercices militaires communs avec la Grèce, comme avertissement à la Turquie.

On a depuis un embrasement continu. Il y a là une situation inextricable, avec des intérêts capitalistes qui se font face et sont prêts à toutes les escalades, comme l’histoire en a tant connu.

L’Armée française agit ici au nom du capitalisme français, qui a besoin d’une grande puissance militaire à défaut d’être encore une grande puissance économique et diplomatique, et alors que le groupe Total est potentiellement concerné par les ressources de la région.

Inversement, la Turquie agit de manière particulièrement provocatrice, poussée par les intérêts expansionnistes de son économie, elle-même portée par un nationalisme néo-ottoman très agressif depuis plusieurs années.

Le discours du régime turc est particulièrement virulent, comme ces propos ultra-provocateurs de Recep Tayyip Erdoğan ce mercredi 26 août 2020, à propos des tensions avec la Grèce :

« Ceux qui ne méritent même pas d’être les héritiers de Byzance aujourd’hui, se cachent derrière les Européens pour agir comme des pirates qui ignorent le droit. Il est évident qu’ils n’ont pas retenu les leçons du passé ».

Ces propos étaient tenus lors d’une célébration de la bataille de Manzikert en 1071, une défaite byzantine consacrant la montée en puissance de ce qui deviendra l’empire Ottoman et utilisée de manière nationaliste aujourd’hui par le régime turc.

De manière particulièrement martiale, il a également lancé lors de son discours (en direct à la télévision) :

« Si nous n’avons aucune visée sur les terres, la souveraineté et intérêts des autres, cela ne veut pas dire que nous allons abandonner ce qui nous appartient. Ceux qui se dressent contre nous et qui sont prêt en en payer le prix, nous les attendons. Sinon qu’ils se retirent de notre chemin.

Il faut désormais que tout le monde voit que la Turquie n’est plus un pays dont on peut tester la patience, la détermination, les moyens et le courage ».

C’est terrifiant. Pour autant, il ne faut pas être dupe de la communication de la ministre des Armées Florence Parly qui explique, en s’imaginant que le la France est une grande puissance :

« Notre message est simple : priorité au dialogue, à la coopération et à la diplomatie pour que la Méditerranée orientale soit un espace de stabilité et de respect du droit international. Elle ne doit pas être un terrain de jeu des ambitions de certains ; c’est un bien commun. »

La France n’est pas l’ONU, elle n’est qu’une grande puissance en déclin s’imaginant retrouver de sa superbe grâce à une confrontation avec la Turquie.

> Lire également : Turquie: la Gauche française doit avoir le courage du pacifisme

La situation est extrêmement explosive et nécessite plus que jamais d’affirmer le pacifisme, c’est-à-dire l’opposition active à la guerre. La Gauche française doit dénoncer ici avec une grande vigueur les opérations militaires françaises en Méditerranée orientale, car elles mènent tout droit à la guerre. Une guerre qui relève de la course à la guerre générale avec en toile de fond l’affrontement sino-américain.

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Guerre contre la Turquie: les positions de la Gauche en Grèce

Dans le contexte de tension extrême entre la Grèce et la Turquie, il est important de se pencher sur la gauche grecque, historiquement très puissante.

La Gauche de Grèce est historiquement une composante très importante du mouvement ouvrier ; la résistance victorieuse à l’occupation nazie puis l’affrontement avec la Grande-Bretagne et les États-Unis après 1945 ont manqué de faire basculer le pays. Si par la suite il y a un écrasement du mouvement ouvrier par une répression sanglante, il y a un redémarrage régulier dans la formation de courants se revendiquant de la Gauche. Quelle sont leurs positions dans la situation actuelle ?

Déjà, ont signé une déclaration commune contre la guerre le KKE (Parti communiste de Grèce) et son équivalent turc le TKP (Parti communiste de Turquie), qui sont liés au PCF en France historiquement (le KKE étant toutefois désormais proche du Parti Communiste Révolutionnaire de France). Cela tranche résolument avec le nationalisme exacerbé caractérisant les deux pays. Ce sont leurs bourgeoisies respectives qui sont visées par le texte, de même que l’OTAN, l’Union européenne et les États-Unis. Il y a une dénonciation de la transformation de la Hagia Sophia en mosquée comme étant une manœuvre fanatique destinée à alimenter la haine et à mobiliser les masses turques dans un affrontement avec la Grèce.

Plus généralement, il est considéré que le cœur du problème est une « concurrence inter-capitaliste » pour le contrôle des hydrocarbures de la méditerranée orientale. En appelant à la classe ouvrière, les deux partis affirment qu’au-delà du pacifisme, c’est pour le socialisme qu’il faut lutter. Ils rappellent en effet que « la seule garantie de coopération et de fraternité entre les peuples » est liée à la prise du pouvoir des travailleurs et à l’établissement de relations sincères, solidaires et internationalistes.

On retrouve le même genre de position du côté des organisations issues du maoïsme que sont le KKE-ML (Parti communiste de Grèce – marxiste-léniniste) et le ML-KKE (Parti communiste marxiste-léniniste de Grèce). Elles dénoncent des intérêts « impérialistes » et « capitalistes » dans la région, ainsi qu’une tendance à la guerre et au nationalisme dans les deux pays. L’agression turque est dénoncée, mais il est considéré qu’il ne faut pas être dupe à propos du « capitalisme » et de « l’État grec » dans cette affaire.

L’organisation ANTARSYA, assez proche de notre NPA en France, dénonce également les « intérêts capitalistes » et le conflit opposant « les bourgeoisies grecque et turque », tout en rejetant le « droit international » comme étant bourgeois.

En apparence, il y a un peu la même logique avec les organisations SYRIZA en Grèce et son équivalant en Turquie, le HDP (Parti démocratique des peuples). Ils ont produit une courte déclaration commune dénonçant « la transformation de musée en mosquée de la Hagia Sophia, haut lieu du patrimoine de toute l’humanité et de toutes les religions ». Dénonçant le nationalisme, les deux organisations parlent de « culture partagée » entre les peuples grecs et turcs, en promouvant une « coexistence ».

Cependant, ces deux organisations ne relèvent pas de la Gauche historique et n’ont aucune base idéologique solide pour assumer réellement l’opposition à la guerre. Mardi 25 août, le président de SYRIZA Alexis Tsipras s’est entretenu directement avec le chef de la diplomatie allemande Heiko Maas pour lui demander d’intervenir pour « la défense des droits souverains de la Grèce et de Chypre », réclamant même une « perspective de sanctions fortes » contre la Turquie. C’est là faire le jeu du nationalisme grec, avec l’option d’une soumission à l’Allemagne comme grande puissance « protectrice ».

D’ailleurs, SYRIZA gouvernait encore récemment en alliance avec un parti d’extrême-droite ouvertement nationaliste, militariste et raciste, ayant une perspective d’affrontement avec la Turquie.

On retrouvera le même genre de position avec le groupe « Unité populaire », issue de l’aile anti-Union européenne au sein de SYRIZA. Il est appelé pour la Grèce à se séparer de l’OTAN, des États-Unis et de l’Union européenne (un trio décrit comme étant « l’impérialisme ») et à se défendre de manière indépendante face à la Turquie. C’est du nationalisme, mais avec l’objectif affiché d’assurer la paix.

Du côté de « Cap vers la liberté », l’autre scission de SYRIZA, fondé par Zoé Konstantopoulou qui est très proche de Jean-Luc Mélenchon en France, il est prétendu que le responsable des tensions actuelles avec la Turquie serait… Israël ! En conséquence, ce parti ouvertement nationaliste (qui a soutenu des manifestations anti-Macédoine) veut libérer le pays de « l’israélisation de sa politique » et lui redonner les moyens « de se défendre face à la Turquie ». C’est la même logique nationaliste que « Unité populaire », avec un arrière-plan franchement antisémite (l’antisémitisme étant très répandu en Grèce).

Pour finir, il faut parler du KINAL, le « mouvement pour le changement », qui est le successeur du PASOK (Mouvement socialiste panhellénique), équivalent et allié du Parti socialiste en France. Ce mouvement, devenu très faible en Grèce, a demandé à plusieurs reprises au gouvernement de droite de Kyriakos Mitsotakis de « se montrer ferme » face à la Turquie, tout en appelant l’Union européenne à appuyer la Grèce dans cet affrontement.

Le KINAL échoue ici honteusement à s’allier avec le CHP en Turquie (le Parti républicain du peuple), alors qu’ils sont censés appartenir à la même « internationale socialiste » (la même que celle du PS en France), ainsi qu’au Parti socialiste européen (le CHP en est un « membre associé »). Il faut dire que de son côté le CHP, qui dirige la municipalité d’Istanbul, est tout autant nationaliste et aussi peu de gauche que le KINAL. Dans la plus pure tradition kémaliste, il s’affiche moderniste, mais prône un nationalisme très agressif, menaçant régulièrement de faire « respecter » la Turquie en mer Egée face à la Grèce.

Les prises de positions anti-nationalistes de la véritable Gauche en Grèce et en Turquie sont très importantes dans un tel contexte. Elles ne préjugent pas forcément du meilleur : on se rappelle comment à la veille de la guerre de 1914 toute la Gauche d’Europe était contre la guerre, avant de passer en majorité dans l’autre camp à la suite de la déclaration de guerre. Néanmoins, elles sont une contribution importante à la tâche essentielle qui est l’opposition à toute guerre, dans un contexte de crise renforçant d’autant plus la bataille pour le repartage du monde.

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Turquie: la Gauche française doit avoir le courage du pacifisme

Emmanuel Macron se fait chef de guerre en déployant des arguments et des moyens militaires contre la Turquie et ses visées expansionnistes. En face, Recep Tayyip Erdoğan explique que la France agit comme un « caïd » et mobilise de manière nationaliste au nom des « droits de la Turquie ». C’est une escalade militariste typique et le rôle de la Gauche est de s’y opposer fermement, au nom de la paix, au nom de l’amitié entre les peuples, au nom de la lutte des classes.

Après la pénétration turque au large de l’île grecque de Kastellorizo, Emmanuel Macron a décidé de renforcer la présence militaire française dans la zone. Jeudi 13 août, ce sont deux avions Rafale B, le porte-hélicoptères amphibie Tonnerre (en route vers Beyrouth) ainsi que la frégate La Fayette, qui ont participé à un exercice avec la marine grecque dans le sud est de la mer Égée, précisément là où sont les navires turcs.

Le ministère français des armées a expliqué :

« [La] présence militaire [française] a pour but de renforcer l’appréciation autonome de la situation et d’affirmer l’attachement de la France à la libre circulation, à la sécurité de la navigation maritime en Méditerranée et au respect du droit international ».

Le ministre turc des Affaires étrangères Mevlüt Cavusoglu a réagi de manière virulente, en répondant que :

« La France, en particulier, devrait cesser de prendre des mesures qui accentuent les tensions. Ils n’obtiendront rien en se comportant comme des caïds ».

Il faut bien voir ici que la Turquie ne considère pas avoir une visée agressive. Elle n’a jamais reconnu les accords internationaux faisant de la zone en question un territoire grecque et considère être légitime.

Recep Tayyip Erdoğan présente ainsi les choses à la télévision turque :

« Revendiquer une souveraineté maritime en se servant de l’île de kasteloriso située à 2 kilomètres des côtes turcs ne peut s’expliquer rationnellement ou avec bon sens.

Vous savez à quelle distance se situe la Grèce ? 580 kilomètres ! J’invite à nouveau la Grèce à respecter les droits de la Turquie. »

Un accrochage avec un navire grec a déjà eu lieu jeudi 13 août et la Turquie en parle de manière ultra-offensive, menaçant de faire payer « au prix fort » toute attaque contre son navire de prospection l’Oruç Reis.

Pour la France, il y a bien sûr en jeu les intérêts du groupe Total, à qui entre autre la Grèce a promis des accès aux gisements gaziers de la mer Égée convoités par la Turquie. Mais cela n’est qu’un aspect de la situation, qui n’est pas simplement « géopolitique », mais concerne le capitalisme dans son fonctionnement même.

La France est une puissance en perdition qui s’enfonce économiquement, mais aussi socialement et culturellement. Pour compenser, elle s’imagine pouvoir peser militairement, en étant en quelque sorte le bras armé de l’Union européenne. C’est le principe du nationalisme pour qui la guerre est une voie de sortie à la crise, comme une étape obligée pour maintenir l’ordre capitaliste qui a besoin d’expansion.

Dans cette perspective, et alors qu’Emmanuel Macron met régulièrement sur la table la question d’une alliance militaire européenne, les tensions entre la Grèce et la Turquie sont considérées comme une occasion à ne pas manquer.

En arrière plan, il y a la question libyenne où le gouvernement officiellement reconnu par l’ONU est allié à la Turquie et reconnaît l’espace maritime revendiqué par la Turquie, alors que la France soutient ouvertement une fraction adverse.

Il y a aussi le Liban où la France aimerait profiter de la catastrophe de Beyrouth pour retrouver de son influence dans le cadre de sa politique arabe, alors que la Turquie accuse le président français de vouloir « rétablir l’ordre colonial ». Le président turc se voit pour sa part en leader du monde sunnite, avec une ligne ultra-réactionnaire s’appuyant directement sur le féodalisme pour servir son expansionnisme néo-ottoman.

On a là tous les ingrédients pour un embrasement guerrier très dangereux, que la Gauche doit absolument dénoncer et refuser. La pandémie de covid-19, qui n’en finit plus de commencer, nous montre à quel point l’humanité a une destinée commune ; les peuples du monde ont bien mieux à faire que perdre du temps, de l’énergie et des vies dans la guerre.

> Lire également : Vers la guerre: les tensions grandissantes entre la Grèce et la Turquie en méditerranéenne

La Gauche en France, en Grèce et en Turquie, doit se lier d’une puissante fraternité pour dénoncer ses gouvernements respectifs et les intérêts du capitalisme qui mènent à une escalade guerrière dévastatrice. Il faut de toute urgence construire le camp de la paix, en renouant avec l’internationalisme fondateur de la Gauche historique.

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Vers la guerre: les tensions grandissantes entre la Grèce et la Turquie en méditerranée

Cela fait plusieurs mois que la Grèce et la Turquie s’écharpent publiquement et violemment sur la question de leurs eaux territoriales, alors que des gisements gaziers ont été découverts. L’escorte d’un bateau de prospection turc par des navires militaires lundi 10 août 2020 a été vécue comme une véritable provocation par la Grèce, qui en retour déploie ses troupes avec l’appui militaire de la France.

Les relations entre la Grèce et la Turquie sont historiquement tendues, on le sait. La Grèce ayant gagné son indépendance en affrontant l’Empire ottoman, son identité comme État moderne repose sur la confrontation avec son voisin. Au début du siècle précédent, le génocide pontique (500 000 grecs massacrés par le régime turc en quête de pureté ethnique, dans la même logique que le génocide arménien) et les transferts de population dans les deux sens ont durablement marqué tant la Turquie que la Grèce.

Les deux pays ont en commun un nationalisme très fort, les uns rêvant de la « Grande idée » (une grande Grèce, étendant davantage son territoire), les autres rêvant, comme Recep Tayyip Erdogan, de reconstituer l’Empire ottoman.

La Grèce, c’est bien connu, est constituée d’un très grand nombre d’îles en mer Égée, et c’est là une autre sujet de tensions entre les deux pays. En effet, il y a un désaccord sur la propriété des eaux territoriales. Ces zones maritimes étant potentiellement riches en hydrocarbures, la Turquie entend y mener des activités de prospection minière, empiétant sur la zone officiellement attribuée à la Grèce. En 1987, Andreas Papandreou, premier ministre socialiste, avait momentanément retiré son pays de l’OTAN, dont la Turquie est également membre, dans le cadre d’une montée des tensions que l’on retrouve aujourd’hui. Son successeur, Constantin Simitis, avait lui aussi été confronté à cette même situation.

Aujourd’hui, parallèlement à la reconversion en mosquée de la basilique Sainte-Sophie, à Istanbul (perçue comme une nouvelle provocation islamo-ottomane par la Grèce et son Église orthodoxe puissante) c’est encore une fois à travers cette question des eaux territoriales et de la prospection minière que le conflit se fait sentir.

La Turquie a en effet délibérément provoqué Athènes en envoyant l’Oruç Reis, un navire d’exploration chargé de mener des études sismiques, dans une des zones que la Turquie revendique comme sienne. Le 11 août, le régime a augmenté la pression en annonçant qu’il allait accorder des permis d’exploration et de forage dans de nouvelles zones de la Méditerranée orientale d’ici la fin du mois. L’Oruç Reis était, quant à lui, à 83km à l’intérieur de la zone maritime grecque, escorté de sept frégates militaires. En réaction, le gouvernement grec a placé ses forces armées en état d’alerte et des unités de la marine et de l’armée de l’air ont été mobilisées dans cette zone.

La Grèce, bien évidemment, dénonce une attaque de sa souveraineté et une menace pour la paix. Le premier ministre de droite, Kyriakos Mitsotakis, demande un sommet d’urgence de l’Union européenne. La Commission européenne se dit très préoccupée et affiche son soutien à la Grèce et à Chypre (d’autant plus concernée par les agressions turques que l’île elle-même est en partie contrôlée par la Turquie), tandis que l’Otan (dont les deux pays font partie) appelle à la résolution des tensions dans le calme.

Tout ceci fait également suite aux deux accords signés par les deux États avec leurs alliés respectifs pour réaffirmer leurs droits maritimes. La Turquie a signé un accord avec la fraction libyenne qu’elle soutient (le gouvernement officiel) dans le conflit dans cette région dont elle espère tirer profit. La Grèce, pour sa part, a signé avec l’Égypte du maréchal Sissi. C’est dans cette recherche d’alliés que la Grèce se tourne naturellement vers l’Union européenne, et Emmanuel Macron a annoncé le renforcement de la présence militaire française en méditerranée orientale, envoyant sur place deux chasseurs Rafale et deux bâtiments de la marine nationale.

Une fois de plus, l’appât du profit (motivé ici par les récentes découvertes de vastes gisements gaziers en Méditerranée orientale) mène toute une région du monde au conflit armé dont on peut être certain que les populations locales pâtiront. On le voit également, le conflit ne concerne pas que la Grèce et la Turquie mais également Chypre et les alliés respectifs de ces pays, dont la France. La Turquie est particulièrement agressive et expansionniste ces dernières années, puisqu’on la retrouve directement ou indirectement en Syrie, Irak, Libye, Azerbaïdjan (cet État de plus en plus pro-turc a relancé les tensions avec l’Arménie voisine) mais également aux portes de l’Union européenne, où l’utilisation cynique des vagues de migrants constitue pour la Turquie un moyen de pression. On a également vu, dans Beyrouth dévastée, des manifestations appelant la Turquie à la rescousse, ses partisans faisant officiellement allégeance à Erdogan.

> Lire également : La Turquie célèbre le traité de Lausanne par une prière musulmane à la Hagia Sophia

Ce pays constitue donc la menace principale pour la paix, mais il ne faudrait pas pour autant s’imaginer que ses opposants soient des anges. La France, la Russie, l’Allemagne, les États-Unis, le Royaume-Uni, etc. : tous ces pays connaissent la même tendance à la guerre et au renforcement de leur impérialisme. C’est donc bien d’un mouvement pacifique international dont on a besoin d’urgence. Et cela commence en France, où il faut dénoncer les va-t-en-guerre qui sont déjà émoustillés à l’idée que la France affronte Erdogan.

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La Turquie célèbre le traité de Lausanne par une prière musulmane à la Hagia Sophia

Le 24 juillet 1923, le Traité de Lausanne scellait le sort de l’Empire ottoman, démantelé et donnant, pour l’Anatolie, la Turquie. Le 24 juillet 2020 le président turc a retransformé en mosquée le musée de la Hagia Sophia, une ancienne basilique devenu mosquée puis musée.

On parle beaucoup du régime « libéral », voir « démocratique » de la Turquie de Mustapha Kemal. Mais rien que son surnom, Atatürk, le « père des Turcs », en dit long sur un régime qui, en réalité, est né sur le sang des Arméniens de Turquie et dans l’oppression des Kurdes, avec en toile de fond une absence de réforme agraire. La Turquie a ainsi été « laïque » mais surtout un pays dominé en toile de fond par l’armée et entièrement vassalisé par les États-Unis qui en a fait une plaque tournante de l’OTAN.

La Gauche a été pourchassée, ses militants torturés, enlevés et tués, emprisonnés, alors que des coups d’État militaire nombreux venaient rétablir « l’ordre » le cas échéant. Le régime de Recep Tayyip Erdogan a ceci de différent qu’il est religieux, mais c’est un simple aléa historique. C’est que pour justifier l’expansionnisme turc, seule la référence à l’empire ottoman est valable.

Rappelons qu’historiquement cet empire a soumis les populations arabes pendant de longs siècles (ainsi que de nombreux peuples européens). Il a été un concurrent des puissances européennes, faisant deux fois le siège de Vienne. Les fameux croissants viennois sont une référence à la victoire sur l’envahisseur musulman, l’empire ottoman étant en effet le « califat », dont l’effondrement en 1918 a donné naissance à l’islamisme.

Et lorsque le Traité de Lausanne a été mis en place en 1923, le sultan l’a accepté, mais pas « Atatürk ». Recep Tayyip Erdogan est ainsi dans le prolongement d’un régime laïc pour qui toutes les langues du monde viennent du turc et autres fadaises ultra-nationalistes.

Recep Tayyip Erdogan va simplement plus loin qu’Atatürk, car la situation est différente. Lorsqu’Atatürk fait en 1934 un musée de la Hagia Sophia à Istanbul, il en avait besoin pour en faire un symbole d’unité nationale. La Hagia Sophia (soit Sainte Sophie ou Sagesse de Dieu) est une basilique du VIe siècle établi par l’Église catholique orthodoxe ; elle avait ensuite été transformée en mosquée à la chute de Constantinople en 1453.

En la « neutralisant », Atatürk appuyait une « modernité » étatique. En en refaisant une mosquée, Recep Tayyip Erdogan prolonge cette modernité jusqu’à l’expansionnisme. Fini de se tourner vers l’intérieur pour écraser les incessantes rébellions de la Gauche ou des nombreuses minorités, dont principalement les Kurdes. Désormais, la Turquie se tourne vers l’extérieur.

C’est pour cela qu’elle a appuyé l’État islamique, c’est pour cela qu’elle a mené une provocation extrêmement grave envers des bateaux de guerre français, alors qu’en même temps elle appuie les provocations azéries contre l’Arménie, où la tension est devenu extrême.

C’est pour cela aussi qu’elle a envoyé un navire de forage sur les côtes de Chypre, une manière de s’approprier un territoire marin, ce qui rend la Grèce folle de rage. D’ailleurs, alors que la Hagia Sophia redevenait une mosquée, toutes les cloches des églises grecques ont sonné. Le chef de l’Église en Grèce, l’ultra-réactionnaire archevêque Iéronymos, a qualifié la transformation « d’acte impie souillant » et a affirmé qu’«  aujourd’hui est un jour de deuil pour toute la chrétienté ».

On notera que le nom du navire de forage est « Fatih ». C’est le nom du quartier d’Istanbul où il y a la Hagia Sophia, car il englobe la partie historique de Constantinople, justement conquis par Mehmet le conquérant (soit en turc Mehmed Fatih).

Comme on le voit on est dans la symbolique à tous les niveaux, une symbolique outrancière, néo-féodale, qui va avec l’augmentation de 16 % cette année du budget de la Défense turque et l’augmentation de 335 % en dix ans de l’autorité des Affaires religieuses.

On va vers la guerre, à grande vitesse, et la Grèce n’attend que cela, car elle est également aux mains des militaires. Il faut se souvenir ici que le gouvernement de Gauche d’Aléxis Tsípras (du parti Syriza), qui a duré de 2015 à 2019, avait comme allié un petit parti nationaliste, symbole de la soumission à l’armée.

De toutes manières, tout le monde partout se prépare à la guerre : le capitalisme à bout de souffle implique des tentatives de sortie de crise par l’expansion. On a ici à l’horizon un affrontement gréco-turc, avec un soutien sans doute direct de la France et de la Russie à la Grèce. La politique de la canonnière est de retour.

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Culture

France culture et son complot sur les statues grecques

Les thèses de la « Gauche » post-moderne ont largement conquis les institutions : c’est là une expression d’inculture, de décadence, de subjectivisme le plus farfelu. France Culture en a donné l’exemple avec une affirmation complotiste : il existerait un plan machiavélique raciste pour faire croire « depuis 2000 ans » que les statues grecques sont de couleur blanche…

 

Au départ, la « Gauche » post-moderne prétendait corriger les choses, supprimer des préjugés, transformer les points de vues, etc. C’était là un masque pour se donner une image démocratique. En réalité, c’était là le fer de lance de l’ultra-libéralisme, qui relativise par définition absolument tout. Cela se voit de plus en plus, car la grande relecture du passé a déjà commencé.

Ainsi, France Culture a appelé à… « déconstruire le mythe de la Grèce blanche », au moyen d’une petite vidéo de quelques minutes. Avec une argumentation effectivement typique des philosophes de la « French Theory », de la théorie du « genre », etc. Les propos suivants ont même dû être modifiées de la présentation sur Twitter quelques heures après la publication, afin d’apparaître plus « mesuré » :

« On vous ment. Depuis 2000 ans : non, les statues grecques n’étaient pas blanches, mais de toutes les couleurs. L’Histoire nous l’a caché pour promouvoir le blanc comme idéal d’un Occident fantasmé, contre les couleurs symboles d’altérité et de métissage »

Le misérable qui intervient dans la vidéo ose tenir les propos suivants, qui révulseront tout être épris de culture :

« [voix off:] Pourtant, aucune trace de ce fait historique ni dans nos musées, ni dans notre imaginaire de ce « berceau de l’Occident ». Cette Antiquité colorée au mieux n’est pas connue et au pire rejetée comme kitsch, vulgaire. C’est le résultat de 2 000 ans d’une histoire qui place le blanc au cœur de ses valeurs et rejette l”’impur”, le bigarré, le métissage des couleurs.

[Philippe Jockey:] « Employons des grands mots, en effet, c’est un rejet de l’Autre, que l’on voit apparaître dès les textes de Pline l’Ancien, jusqu’aux pires excès de la Seconde Guerre mondiale. À chaque fois, c’est l’autre qui est en jeu, le rejet des couleurs de l’autre. » »

Philippe Jockey croit donc qu’on est dans un monde tellement décadent qu’il peut assimiler Pline l’Ancien à l’extermination industrielle des nazis. Faut-il que les post-modernes se croient à ce point tout permis pour oser une telle assimilation. En 2014, France Culture parle de la modernité de Pline l’ancien. Il est présenté comme « un écrivain, naturaliste romain qui a marqué l’histoire de la science et de l’érudition ». En 2019, c’est un des avatars d’Adolf Hitler !

Mais on aurait tort de croire à une mauvaise blague. C’est toute une idéologie à laquelle on a affaire ici et qui affirme l’impossibilité de la totalité, de l’unité, de l’harmonie. Ce qu’exprime Philippe Jockey, historien, historien de l’art et archéologue français – donc très éduqué – c’est l’idéologie ultra-libérale de la différence absolue, de la dis-harmonie, de la différence absolue entre chaque chose.

Cela correspond à la grande offensive post-moderne dans le domaine historique, après avoir obtenu une hégémonie complète dans le domaine des idées. France culture nous présente ainsi le « complot » de la suprématie blanche de la manière suivante, en faisant s’effondrer toute son approche avec la dernière phrase, sans s’en apercevoir :

« À la Renaissance, on déterre les copies romaines, qu’on copie à nouveau pour diffuser en Europe l’idéal antique, contre le bariolage médiéval et le chatoiement oriental, à nouveau grâce aux plâtres blancs. Elisabeth Le Breton, conservatrice au département des Antiquités grecques, étrusques et romaines du Musée du Louvre, analyse ce phénomène, alors que commence une superbe exposition à la Villa Médicis à Rome, consacrée aux copies en plâtres du XVIe au XXe siècle, « Une Antiquité moderne » : « 16 siècles après l’Antiquité romaine, de nouveau, une technique : le moulage, et le plâtre comme matériau, vont s’imposer pour l’appropriation de ces modèles. Ce sont des pièces blanches qui vont en résulter. Ce que les Français vont voir à Rome à la Renaissance, ce sont des pièces qui seront blanches. »

Puis ce sera le fondateur même de l’histoire de l’art, Winckelmann, qui posera, en 1764, le blanc des Grecs comme un summum de l’art.

Philippe Jockey poursuit l’exploration de ces siècles de blanchiment : « Une fois que l’Histoire de l’art donne son socle intellectuel et esthétique à cette idéologie, vont se développer ces académies des beaux arts qui au XIXe siècle vont multiplier les moulages, qui font que tout jeune artiste, spécialisé ou non dans la sculpture se trouve face à des moulages blancs de sculptures autrefois polychromes. »

Le blanc antique deviendra même un argument politique en 1830 quand la nation grecque s’émancipe du joug ottoman, et se “purifie” de ses couleurs vives : « On débarrasse Athènes et tous les autres sites des monuments postérieurs à l’Antiquité classique, et on en profite aussi pour se débarrasser de tout ce qui n’est pas blanc. Donc la blancheur, là aussi, se construit encore comme un idéal en référence à cette Grèce classique rêvée, idéalisée qui n’a jamais réellement existé que dans la tête de ces gens-là. »

Dans les années 1930, l’idéologie de la blancheur se radicalise encore quand l’écrivain xénophobe Charles Maurras fait “l’éloge de la blanche Athènes” posant ainsi un jalon dans l’exaltation antique reprise par les régimes fascistes et nazis. « On va appuyer le mythe de l’homme supérieur, de l’aryen, sur cette idéologie blanche. »

Avec 1968, on commence à prendre en compte les couleurs grâce aux nouvelles techniques d’investigation de la matière, et au retournement culturel. « Là, c’est une révolution, une révolution militante, c’est-à-dire qu’on affirme de manières idéologiquement très forte la couleur, la polychromie de la sculpture grecque, comme on la refusait pendant des siècles. »

Aujourd’hui, quelques musées commencent à proposer des copies en plâtres colorés ou des reproductions virtuelles, à côté des originaux antiques. »

Ben ouais gros malins, on allait pas barioler de couleurs des statues antiques ! Alors qu’en plus le blanc soulignait la plastique de ces statues, leur beauté harmonieuse – mais c’est précisément cela que veulent torpiller les barbares que sont les tenants de l’idéologie post-moderne. Ils veulent détruire le classicisme, ils veulent remettre en cause l’universalité des Lumières. Seule la Gauche historique peut contrer cette manœuvre de destruction !