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Sahra Wagenknecht fonde son parti au « Kosmos »

Le parti politique autour de Sahra Wagenknecht s’est fondé le week-end des 27-28 janvier 2024, avec des principes et un programme électoral pour les élections européennes. C’est à cette occasion d’ailleurs que le parti changera de nom, car pour l’instant il s’appelle « Alliance Sahra Wagenknecht – Raison et Justice ».

Cela tient au rôle central de Sahra Wagenknecht comme figure polarisante dans la situation actuelle en Allemagne ; elle-même est la co-présidente du parti fondé aux côtés d’Amira Mohamed Ali. Mais un autre nom sera choisi.

Pour l’instant, il y a eu 44 délégués pour officialiser le parti, qui a reçu 1,4 million d’euros de dons et n’a officialisé l’adhésion que de quelques centaines de personnes. Le temps choisi est le temps long.

Sahra Wagenknecht lors de la fondation

Il a été parlé ici et là de cet événement en France, et ce pour une raison très simple : la gauche gouvernementale française est pour la guerre à la Russie, ou du moins pas contre (y compris La France insoumise), mais Sahra Wagenknecht est, elle, totalement contre cette guerre.

On retrouve ici toute la tradition allemande, dans le prolongement de Rosa Luxembourg. L’ambiance de la fondation du parti y doit être quelque chose. Voici comment le quotidien français Les Echos présentent le lieu où s’est tenu le congrès de fondation :

« C’est au numéro 131 de l’avenue Karl-Marx, à Berlin, qu’ils se sont réunis. Dans un ancien cinéma construit au début des années 1970 par le régime communiste.

Planté au milieu de grands bâtiments staliniens, tout droit sortis d’une BD d’Enki Bilal, le Kosmos était alors la plus grande salle de cinéma d’Allemagne de l’Est.

Avec son architecture ovale, le lieu se voulait l’incarnation de la modernité communiste. »

En fait, l’avenue Karl-Marx, c’est la Karl-Marx-Allee, qui était auparavant la Stalin-Allee, une immense avenue (2,6 km de long et 89 mètres de large) emblématique de la reconstruction architecturale réaliste socialiste après 1945.

Et Sahra Wagenknecht est arrivée habillée… tout en rouge. Tout un symbole.

Mais ce n’est pas tout. Le Kosmos est aujourd’hui une salle pour les réunions et les meetings et c’était effectivement un cinéma en RDA. Il était consacré aux premières… dont celle du film Les Aventures de Werner Holt. Sorti en 1965, il a été vu par trois millions de personnes et le roman dont est tiré le film, écrit par Dieter Noll, avait été tiré à deux millions d’exemplaires.

La première du film Les Aventures de Werner Holt, au Kosmos

Le roman raconte la prise de conscience d’un jeune Allemand de ce qu’est vraiment le nazisme. Et il faut bien comprendre que ça, c’est l’arrière-plan de Sahra Wagenknecht.

Lors de la fondation du parti, dont on trouvera ici les principes et objectifs, il n’a pas été parlé de Socialisme, mais toujours de l’unité des gens du commun. Les commentateurs journalistiques français (ou allemands) disent alors : c’est donc un discours populiste, ou bien d’extrême-Droite.

C’est là où le manque de culture historique se révèle. Car Sahra Wagenknecht est historiquement issue de l’aile gauche de la « gauche de la gauche » allemande et elle est connue pour ne jamais critiquer la République démocratique allemande.

Et quel était le noyau idéologique de la RDA ? C’était, comme dans le roman et le film mentionnés, le traumatisme de la défaite de la Gauche face au nazisme. Pourquoi le peuple a-t-il choisi les nazis plutôt que les communistes ? Pourquoi n’y a-t-il eu une prise de conscience de ce qu’est le nazisme que de la part d’une minorité de gens ?

Car les communistes allemands ne se sont pas mentis à eux-mêmes, ils n’ont jamais prétendu que les Allemands avaient été manipulés, hypnotisés, ou que sait-on encore. Ils avaient conscience des problèmes historiques dans le parcours national allemand.

D’où, dès 1945, la volonté des communistes de fusionner avec les socialistes et d’établir une alliance avec plusieurs partis (ce qui continuera dans les années 1960, 1970, 1980, même si de manière fictive). Et le modèle de tout cela, c’est le Front populaire français, considéré comme l’opération « miraculeuse » sauvant de l’extrême-Droite.

Si on veut comprendre Sahra Wagenknecht, il suffit de voir comme les communistes français se sont alignés sur les centristes en 1934-1935 pour établir le Front populaire. C’est précisément la même ligne d’unir « les gens du commun », ceux qui travaillent, contre une poignée de va-t-en guerre de la haute bourgeoisie.

D’ailleurs, à l’époque, on visait les « deux cents familles » – une expression inventée par le centriste Édouard Daladier qui l’emploie le premier lors du congrès du Parti radical-socialiste de 1934. Et Sahra Wagenknecht parle elle des « 10 000 » d’en haut.

Ainsi, Sahra Wagenknecht entend parler à la classe moyenne et avec son approche, on croit lire le PCF de 1935, avec cette idée que le capitalisme ne tourne plus rond et que seule l’alliance populaire contre les « dominants » peut empêcher le désastre.

C’est une très bonne chose, si on part du principe de faire un front le plus large possible contre la guerre.

C’est par contre erroné, s’il est escompté que va s’ouvrir, comme par magie, une voie à une autre société. Là-dessus, Sahra Wagenknecht a une approche très RDA : il suffit d’unir les gens contre la guerre et les choses iront d’elles-même dans l’autre sens.

C’est une sous-estimation de la question de la culture. D’ailleurs, c’est le grand problème de la nature de son parti, qui oppose les petites gens au style de vie grand-bourgeois ou bobo urbain. Sauf que les petites gens, en Allemagne, ce sont les outils Lidl pour s’occuper de « son jardin » en mangeant « ses » saucisses et en buvant « sa » bière. On ne va pas loin avec ça.

Si on dit que Sahra Wagenknecht est un obstacle à la guerre et une contribution au rejet de la « gauche » post-moderne, alors c’est très bien. Et c’est déjà effectivement quelque chose !

Mais courir derrière les « classes moyennes », quitte à tout accepter de leur part, est erroné : il faut au contraire qu’elles se plient au prolétariat.

En France, on ne va pas courir derrière les gilets jaunes, les antivax, ceux qui ne pensent qu’à leurs retraites en 2023 ou les agriculteurs de 2024. D’ailleurs, ces gens n’en ont rien à faire du Socialisme ; ils vivent dans le fantasme petit-bourgeois qu’ils vont trouver une « troisième voie ».

Qu’il faille leur ôter le terrain pour les amener à bon port, à la base, oui. En ce sens, ce que fait Sahra Wagenknecht est utile à connaître. Mais sans poids culturel – et idéologique – le poids des traditions capitalistes l’emportera et c’est le prolétariat qui se retrouvera à la traîne des « classes moyennes » et de leur mode de vie « beauf » déjà largement répandu et triomphant.

Les mesures « socialistes », même bien présentées, « neutralisées », ne suffisent pas en soi. Il faut le drapeau, la conscience, les cœurs, la culture. Sans cela, on n’a rien, rien du tout !

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Événements significatifs

Principes fondateurs du parti de Sahra Wagenknecht

Ils ont été adoptés en janvier 2024 au congrès de fondation à Berlin en Allemagne.

« Notre pays ne fait pas bonne figure. Depuis des années, il est gouverné en mettant de côté les souhaits de la majorité.

Au lieu de récompenser les réalisations, il a été redistribué depuis les durs au labeur aux 10 000 d’en haut.

Au lieu d’investir dans un État compétent et de bons services public, les politiciens ont servi les vœux de lobbys influents, et par là vidé les caisses publiques.

Au lieu de prendre soin de la liberté et de la diversité des opinions, un style autoritaire de politique s’est répandu, qui entend dicter aux citoyens comment ils vivent, comment ils se chauffent, comment ils pensent et comment ils parlent.

Beaucoup de décisions politiques semblent prises sans plan d’ensemble, à courte vue et en partie même de manière incompétente.

Sans un redémarrage, notre industrie et notre classe moyenne sont en jeu.

Beaucoup de gens ont perdu confiance en l’État et ne se sentent représentés par aucun des partis existant. Ils ont, à juste titre, l’impression de ne plus vivre dans la République fédérale qui a existé auparavant.

Ils s’inquiètent pour les leurs et l’avenir de leurs enfants. Ils souhaitent une politique responsable de conservation de nos atouts économiques, de compensation sociale et de répartition juste de la prospérité, d’une coexistence pacifique des peuples et d’une préservation des fondements naturels de notre vie.

« L’Alliance Sahra Wagenknecht – Raison et Justice » a été fondée, afin de redonner la parole à ces gens. Nous sommes pour le retour de la raison en politique.

L’Allemagne a besoin d’une économie forte, innovante, et de la justice sociale, de la paix et du commerce équitable, du respect de la liberté individuelle de ses citoyens et d’une culture ouverte de discussion.

Il y a besoin de politiciens fiables, qui se sentent obligés par des objectifs.

Les membres du parti soutiennent les principes et objectifs qui suivent :

Raison économique

Notre pays dispose encore d’une industrie solide et d’une classe moyenne prospère et innovante.

Mais les conditions générales se sont considérablement détériorée ces dernières années. Notre infrastructure publique est dans une situation embarrassante pour un pays industriel leader.

Pratiquement aucun train ne circule à l’heure, en tant que patient de l’assurance maladie obligatoire, on attend des mois pour un rendez-vous avec un médecin spécialiste, il manque des dizaines de milliers d’enseignants, de places en garderie et d’ appartements.

Des rues et des ponts délabrés, des trous dans les réseaux et un internet lent, des administrations débordées et des réglementations inutiles rendent la vie difficile précisément aux plus petites et moyennes entreprises.

Le système scolaire allemand avec 16 différents niveaux d’études, des classes beaucoup trop nombreuses et une sélection anticipée, sabote les chances des enfants de familles moins aisées quant aux opportunités d’éducation et dans la vie, et échoue en même temps à la tâche de former des travailleurs qualifiés dont l’économie a un besoin pressant.

Depuis qu’avec les sanctions russes et la prétendue politique climatique, l’énergie est soudainement également devenue plus chère, ce qui menace notre pays, c’est la perte d’industries importantes et des centaines de milliers d’emplois bien rémunérés.

De nombreuses entreprises envisagent une délocalisation de leur production à l’étranger. D’autres sont menacées dans leur existence même.

La politique, influencée et achetée par les grandes entreprises [les konzerns] et l’échec des autorités antitrust ont créé une économie de marché dans laquelle de nombreux marchés ne fonctionnent plus.

Se sont mises en place de grandes entreprises qui dominent le marché, des monopoles financiers surpuissants comme Blackrock et des monopoles numériques comme Amazon, Alphabet, Facebook, Microsoft et Apple, qui imposent leur tribut aux autres participants du marché, portent atteinte à la compétition et détruisant la démocratie.

Dans une mesure considérable, l’inflation actuelle est également un résultat d’un échec du marché provoqué par un pouvoir économique trop grand.

Nous aspirons à une économie innovante, avec une concurrence loyale, des emplois sûrs et bien payés, une forte proportion de création industrielle de valeur, une fiscalité équitable et une classe moyenne forte.

Pour ça, nous voulons limiter le pouvoir de marché et dégrouper les entreprises dominants le marché.

Là où les monopoles sont inévitables, il faut confier les tâches à des prestataires à but non lucratif.

L’industrie allemande est l’épine dorsale de notre prospérité et doit être conserver. Nous avons de nouveau besoin de davantage de technologies d’avenir made in Germany, plus de champions cachés et non pas moins.

Afin d’empêcher le déclin économique de notre pays, des investissements massifs dans notre système éducatif, notre infrastructure publique et dans des administrations compétentes, sont nécessaires.

Nous avons besoin de fonds futurs pour le soutien des entreprises locales innovantes et des start-up, et non des milliards de subventions pour les monopoles d’outre-Atlantique.

L’Allemagne comme pays fort en exportations et pauvre en matières premières a besoin d’une politique de commerce extérieur fondée sur des relations commerciales stables avec le plus grand nombre de partenaires, au lieu de la formation de nouveaux blocs et de sanctions sans bornes, et qui assure notre approvisionnement en matières premières et en énergie bon marché.

Le changement du climat mondial et la destruction de nos moyens naturels de subsistance sont de sérieux défis, que la politique ne doit pas ignorer.

Cependant, une politique environnementale et de climat sérieuse requiert de l’honnêteté : l’approvisionnement énergétique de l’Allemagne, eu égard aux technologies d’aujourd’hui, ne saurait être uniquement assurée par les énergies renouvelables.

Un activisme aveugle et des mesures mal pensées n’aident pas le climat, mais mettent en danger notre substance économique, rendent la vie des gens plus chère et minent l’acceptation du public de mesures sensées de protection du climat.

La contribution la plus importante qu’un pays comme l’Allemagne puisse réaliser dans la lutte contre le changement climatique et la destruction de l’environnement est le développement de technologies clés innovantes pour une économie du futur neutre sur le plan du climat et acceptable par la nature.

Justice sociale

Dans notre pays, depuis des années, l’inégalité grandit.

Des millions de personnes travaillent dur, afin de permettre une vie bonne pour eux-mêmes et leurs familles.

Ils sont ceux qui font fonctionner notre société et payent une grande partie des impôts.

Au lieu d’avoir en retour le respect et la protection sociale, leur existence est devenue moins certaine et plus lourde dans les dernières décennies.

Beaucoup de gens, malgré un emploi à temps plein, ne parviennent avec leur revenu pratiquement pas au bout du mois.

La promesse d’avancement de l’économie sociale de marché n’est plus d’actualité, la prospérité personnelle dépend depuis longtemps avant tout du statut social des parents.

La concentration des richesses en Allemagne est aujourd’hui aussi élevé qu’elle l’était avant le début de la Première Guerre mondiale, lorsque le Kaiser régnait encore à Berlin.

Alors que les monopole, même en temps de crise, versent des dividendes records, les files d’attente aux associations caritatives sont de plus en plus longues.

Même ceux qui ont travaillé pendant des années et cotisé pour la sécurité sociale se retrouvent quémandeurs plein d’amertume après une année de chômage.

Parce qu’il n’y a pas de places en garderie et que notre société est tout sauf favorable au cadre familial, les parents célibataires et leurs enfants en particulier vivent souvent dans la pauvreté, qui n’est pas devenue plus supportable par le changement de nom de Hartz IV [réforme de 2005 supprimant des droits sociaux].

Des millions de personnes âgées ne peuvent pas, après une une longue vie professionnelle, profiter de leur retraite, parce que leurs pensions sont abaissées de manière humiliante.

Les appartements, hôpitaux, établissements de soins, cabinets médicaux et bien d’autres d’autres institutions sociales importantes ont été et sont vendus à des chasseurs de rendement

Depuis, les coûts ont augmenté tandis que coule la qualité des services pour la majorité des gens.

Nous voulons stopper la désintégration du vivre-ensemble social et de nouveau aligner la politique sur le bien commun.

Notre objectif est une société méritocratique juste avec de véritables égalité des chances et un niveau élevé de sécurité sociale.

Une économie hautement productive a besoin d’employés qualifiés et motivés. Les conditions préalables pour cela, ce sont des salaires compétitifs, des emplois sûrs et de bonnes conditions de travail.

C’est également vrai pour les salariés des métiers de services, qui sont tout aussi importants pour notre société que les bons ingénieurs et ingénieurs en mécatronique.

Afin d’éviter la pression sur les salaires, la convention collective doit à nouveau être renforcée et la validité générale des conventions collectives être facilitée.

Nous soutenons les employés, leurs syndicats et les comités d’entreprise et du personnel dans leur engagement en faveur des droits des travailleurs et d’un bon travail.

En même temps, notre pays en a besoin un État-providence fiable, qui démonte les peurs de l’avenir et protège de la chute en cas de maladie, de chômage et de vieillesse.

La privatisation et la commercialisation des services existentiels, comme dans les domaines de la santé, des soins ou du logement, doivent cesser ; les prestataires à but non lucratif doivent avoir la priorité sur ces secteurs.

Ce qu’il faut, c’est un système fiscal équitable qui allège le fardeau des faibles revenus et empêche les grandes entreprises et les particuliers très riches de se soustraire à leur juste part du financement de la communauté.

La prospérité personnelle ne doit pas être une question d’origine sociale, mais doit être le résultat d’un travail acharné et d’efforts individuels. Chaque enfant a le droit de voir ses talents découverts et promus.

La paix

Notre politique étrangère se situe dans la tradition du chancelier fédéral Willy Brandt et du président soviétique Mikhaïl Gorbatchev, qui ont opposé à la pensée et l’action dans la logique de la guerre froide une politique de détente, d’équilibre des intérêts et de coopération internationale.

La solution des conflits par les moyens militaires, nous la rejetons fondamentalement.

Nous nous opposons à ce que de plus en plus de ressources vont aux armes et aux équipements de guerre, au lieu d’aller à l’éducation de nos enfants, la recherche de technologies protectrices de l’environnement ou aux installations de santé et de soins.

L’armement nucléaire et l’escalade des conflits entre les puissances nucléaires mettent la survie du l’humanité en danger et il faut y mettre fin.

Nous luttons pour une nouvelle ère de détente, et de nouveaux contrats de désarmement et de sécurité commune.

La Bundeswehr [l’armée allemande] a pour mission de protéger notre pays. Pour cette tâche, elle doit être adéquatement équipée.

Nous refusons le déploiement de soldats allemands dans les guerres internationales, tout comme leur stationnement à la frontière russe ou en mer de Chine méridionale.

Une alliance militaire, dont la puissance dominante a ces dernières années attaqué cinq pays en violation du droit international, avec plus d’un million de personnes tués dans ces guerres, alimente les sentiments de menace et les réactions de défense et contribue ainsi à l’instabilité générale.

Au lieu d’un instrument de pouvoir pour des objectifs géopolitiques, nous avons besoin d’une union de défense alignée de manière défensive, qui respecte les principes de la Charte des Nations unies, vise au désarmement au lieu de s’engager dans la course aux armements, et dans laquelle les membres sont sur un pied d’égalité.

L’Europe a besoin d’une architecture de sécurité stable qui, à long terme, devrait aussi inclure la Russie.

Notre pays mérite un politique sûre d’elle-même, qui place l’accent sur le bien-être de ses citoyens et qui soit porté par la considération que les intérêts américains diffèrent parfois grandement des nôtres.

Notre objectif est un Europe indépendante des démocraties souveraines dans un monde multipolaire, et non pas une nouvelle confrontation des blocs, dans laquelle l’Europe se retrouve comprimée entre les États-Unis et un bloc en formation prenant toujours plus conscience de lui-même, autour de la Chine et de la Russie.

La liberté

Nous voulons redonner souffle à une formation démocratique des vœux, élargir le processus décisionnel démocratique et protéger la liberté personnelle.

Nous rejetons les idéologies extrémistes de droite, racistes et promptes à la violence.

La Cancel Culture, la pression à la conformité et le rétrécissement croissant de l’éventail d’opinions sont incompatibles avec les principes d’une société libre.

Il en va de même pour le nouvel autoritarisme politique, qui prétend éduquer les gens et réglementer leur mode de vie ou leur langage.

Nous condamnons les tentatives de surveillance générale et de manipulation des gens par les monopoles, services secrets et gouvernements.

L’immigration et la coexistence de différentes cultures peuvent être un enrichissement. Mais cela ne s’applique que tant que l’afflux est limité à un certain ordre de grandeur, ne déborde pas notre pays et ses infrastructures, et tant que l’intégration est activement promu et réussit.

Nous le savons : le prix d’une concurrence accrue pour des logements abordables, des emplois à bas salaires et pour une intégration ratée sont payés en premier lieu par ceux qui n’ont pas leur place au soleil.

Toute personne politiquement persécutée dans son pays a droit à l’asile.

Mais la migration n’est pas la solution au problème de la pauvreté dans notre monde.

Au lieu de cela, nous avons besoin des relations économiques mondiales équitables et une politique qui s’efforce de produire davantage de perspectives dans les pays d’origine.

Une société dont les acteurs les plus puissants ne sont motivés qu’à gagner plus d’argent au moyen de l’argent conduit à des inégalités croissantes, jusqu’à la destruction nos ressources naturelles et à la guerre.

Nous y opposons nos idées de sens commun, de responsabilité et de vivre-ensemble, à qui nous souhaitons redonner une chance par la modification des rapports de force.

Notre objectif est une société dans laquelle le bien commun est supérieur aux intérêts égoïstes, où ce ne sont pas les tricheurs et les joueurs qui gagnent, mais ceux qui réalisent un travail honnête et bon, sincère et solide.

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La France veut renverser le régime biélorusse

La Gauche doit dénoncer cette agression.

La France, tout comme l’ensemble des pays de l’Union européenne, vise au renversement du régime biélorusse. Bien entendu celui-ci est intolérable, il n’est ni démocratique, ni populaire. C’est un régime où les expressions du peuple sont étouffées, quitte à le faire violemment afin d’intimider, de terroriser. Mais l’objectif de la France n’est pas une Biélorussie démocratique, une Biélorussie populaire. L’objectif de la France est une Biélorussie qui devienne demain un satellite de la France et de l’Allemagne, tout comme elle est aujourd’hui une satellite de la Russie.

C’est pour cela que la France et les pays de l’Union européenne subventionnent et soutiennent des « opposants » biélorusses qui sont en fait des activistes en faveur d’une grande puissance contre une autre, parfois sans même s’en apercevoir. C’est pour cela que de nombreuses associations et institutions poussent dans chaque pays en faveur d’un changement de régime en Biélorussie, avec un basculement en faveur de l’Union européenne et de l’OTAN.

Qui accepte cette intense propagande est objectivement l’allié des tentatives du capitalisme français d’élargir son périmètre de domination, aux dépens du peuple biélorusse. La Gauche doit par définition critiquer le régime biélorusse, mais de par sa position tout d’abord dénoncer la démarche française visant à intervenir dans les affaires biélorusses en appuyant une opposition façonnée de l’Union européenne et de l’OTAN. C’est essentiel non seulement pour ne pas dévoyer l’opposition biélorusse, même si c’est trop tard… et afin de ne pas converger avec les intérêts capitalistes cherchant à trouver de nouveaux terrains d’accumulation, par les coups d’État ou les guerres.

Tout comme la Gauche doit s’opposer aux guerres, elle doit s’opposer aux contributions aux coups d’État !

Naturellement, tout cela n’a en soi rien de nouveau, malheureusement, on sait comment la France décide directement de la direction étatique de plusieurs pays africains. Cependant, le contexte a totalement changé depuis l’irruption de la crise sanitaire, avec ses aspects économiques (et écologiques dans sa nature). Désormais, on est en pleine bataille pour le repartage du monde. La France vise ainsi un pays jamais visé jusque-là.

Dans les années 1930, la Roumanie était par exemple sous hégémonie française. Mais depuis 1945, la France n’a plus de réel impact dans l’Est européen, alors qu’après 1989 c’est l’Allemagne et l’Autriche qui ont développé leurs réseaux. Et là elle participe à une vaste campagne non pas simplement de déstabilisation, mais d’organisation d’un coup d’État, dans une capitale à plus de 1800 kilomètres de Paris.

Cela exprime un changement de perspective et cela montre bien d’ailleurs que l’actualité principale est devenue en France un double phénomène consistant en des restructurations d’un côté, la tendance à la guerre de l’autre. Tout le reste devient secondaire, s’efface devant ces deux marqueurs de l’ensemble de l’actualité politique. Le capitalisme a besoin de se moderniser et de s’étendre ; les partis politiques se positionnent différemment afin d’y contribuer, sauf la Gauche authentique, historique, qui doit se confronter à cela, en affirmant la démocratie et et le peuple !

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Le fiasco de la Gauche israélienne

En se soumettant au sionisme, la Gauche israélienne s’est effacée.

Il est bien connu que les supporters du club de football de l’Hapoel Tel Aviv assument une identité de Gauche extrêmement offensive. C’est l’un des grands marqueurs en Israël, ou plutôt pratiquement le seul, qui subsiste grâce à sa dimension culturelle alternative. Tout le reste de la Gauche s’est fait liquider.

La raison de ce fiasco, gigantesque si l’on pense à la force historique de la Gauche dans ce pays, tient à la soumission progressiste au sionisme. En lieu et place de l’affirmation d’une solution démocratique judéo-arabe, il y a eu l’affirmation de la nécessité de deux États, au nom du maintien de l’idéal sioniste. Grâce à cela, la Droite a pu se présenter comme la seule réaliste, tout en prétendant une solution à deux États et en réduisant, en morcelant toujours plus le territoire palestinien.

Cela se comprend aisément à la lecture d’une tribune publiée dans Le Monde à l’initiative d’Ilan Greilsammer, un professeur de sciences politiques à l’université Bar-Ilan de Tel-Aviv. C’est une tribune intelligente, mais hors sol, intellectualiste, typique de ce qui reste de la Gauche israélienne :

« J’écris ces lignes en précisant que j’appartiens à la gauche israélienne qui, c’est vrai, est très minoritaire, mais peut s’enorgueillir de compter dans ses rangs la quasi-totalité des intellectuels israéliens.

Et je suis de ceux pour qui il n’y a qu’une seule solution possible, raisonnable et logique du conflit, deux Etats pour les deux peuples, car sinon c’est soit la fin du rêve sioniste, soit un Etat binational d’apartheid.

Pour nous, pour le camp de la Paix, ce qui est en train de se passer à l’intérieur d’Israël entre citoyens juifs et citoyens arabes est absolument dramatique. Lynchages, incendies de synagogues, coups et blessures, peur de ses voisins de palier, pillages, destructions… L’explosion de violence incontrôlée, non seulement dans les villes « mixtes », mais aussi dans tout le reste du pays, paraît sonner le glas de ce que nous croyions honnêtement être une forme de coexistence pacifique et de bon voisinage.

Où nous sommes-nous trompés ?

Nous tous, politologues et sociologues israéliens, nous nous sommes endormis car nous nous plaisions à croire que la coexistence se développait et ne faisait que se renforcer. Nous parlions de l’intégration croissante des jeunes Arabes à la société israélienne, nous aimions croire à leur « israélisation » accélérée. Leur vie n’était-elle pas beaucoup plus « facile » en Israël que dans nombre de pays arabes ?

Le grand nombre d’étudiants arabes dans nos universités et nos collèges universitaires, leur accession à des postes importants, dans le public comme dans le privé, l’étroite coopération judéo-arabe dans la lutte contre le Covid-19, avec le travail remarquable des médecins et infirmiers arabes aux côtés de leurs collègues juifs dans les hôpitaux, la présentation des villes « mixtes », Acre, Lod, Ramle ou Jaffa, comme des modèles exceptionnels de cohabitation et d’entraide, etc.

De l’autre côté, nous étions certes parfaitement conscients de l’existence d’une extrême droite raciste en Israël, mais nous aimions la considérer comme marginale, concentrée dans quelques organisations brutales, voire folkloriques, du genre « La familia », le noyau dur du club de football Betar de Jérusalem. Même Itamar Ben Gvir, chef du groupe d’extrême droite Otzma Yehudit, n’était pas considéré comme vraiment dangereux, tant ses résultats électoraux passés étaient insignifiants.

Or ce qui s’est passé les jours derniers dans tout le pays, parallèlement au cycle militaire avec le Hamas, a pris de court tous les spécialistes de la société israélienne. La soi-disant « israélisation » des jeunes Arabes israéliens, sans cesse représentée comme un succès, était une vision fausse, superficielle et surtout autosatisfaite de ce qui se passait en réalité.

La réalité, c’est d’abord et surtout le sous-développement économique et social et la pauvreté persistante d’une grande partie de cette population, le manque criant d’infrastructures de base dans les villages et les quartiers arabes, la discrimination évidente engendrant l’amertume et la jalousie, et aussi, comme dans bien d’autres sociétés arabes, l’impact croissant du militantisme religieux et l’influence de l’islamisme constamment diffusé dans les mosquées. Sans compter la montée de la violence interne et du gangstérisme dans les villes et les villages arabes.

C’est un peu comme si Israël, étourdie par la réussite de son high-tech et les lumières de Tel-Aviv, avait préféré fermer les yeux. Plus encore que le sous-développement, l’appel de la religion et les fantasmes autour de Jérusalem ont joué le rôle du plus puissant détonateur.

La police israélienne montant en force sur l’esplanade des Mosquées et lançant des bombes lacrymogènes dans Al-Aqsa, l’expulsion programmée d’habitants arabes du quartier de Cheikh Jarrah, la danse des drapeaux annoncée dans la Vieille Ville pour la Journée de Jérusalem [qui marque la conquête de la partie orientale de la ville par Israël, en 1967]… On voit surtout la stupidité, le manque de réflexion, de subtilité et, surtout, de prudence des autorités israéliennes en plein ramadan, période toujours très problématique à Jérusalem.

Quant à notre société juive, prise de court, comme lors de l’assassinat de Yitzhak Rabin [premier ministre israélien, tué le 4 novembre 1995], elle a découvert avec stupeur, mais beaucoup trop tard, que le kahanisme [courant créé par le rabbin américano-israélien Meir Kahane, assassiné en 1990] et le racisme s’étendaient bien au-delà des petits cercles très surveillés de l’extrême droite, des enragés des clubs de foot et des colons extrémistes impatients d’en découdre avec les Arabes.

Le principal responsable de ce développement de l’extrême droite est le premier ministre Benyamin Nétanyahou, qui, pour sauver à tout prix son pouvoir, a tout fait pour renforcer les fanatiques, les extrémistes et les racistes. Ainsi, lors des dernières élections, il s’est entièrement mobilisé pour faire élire la liste d’extrême droite.

Il est largement temps que cet homme, sous le coup de trois chefs d’accusation pour corruption, quitte le pouvoir car il ne laisse derrière lui que terre brûlée. Je pense aussi qu’il ne faut pas exempter de toute responsabilité les leaders de la population arabe, et surtout les députés arabes à la Knesset, qui ont été étrangement absents du terrain et ne se sont pas servi de leur influence pour faire cesser les violences. Malheureusement, l’extrême indigence du personnel politique israélien, juif et arabe, s’est révélée de façon éclatante lors de ces émeutes.

Alors, que faire à présent ? Reconstruire, reconstruire patiemment.

Lorsque l’affrontement entre Tsahal et le Hamas prendra fin, il faudra reconstituer soigneusement le tissu de la coexistence. Après ces violences ce sera difficile, très difficile, mais pas impossible. Il y a tant à faire !

Investir massivement dans la société arabe, lutter contre le gangstérisme et la pauvreté, reconnaître les localités encore sans infrastructures, restaurer le bon voisinage… Surtout, n’oublions jamais la vision de paix du philosophe Martin Buber (1878-1965), ou, plus récemment, celle de nos aînés, les écrivains Amos Oz (1939-2018) , Avraham B. Yehoshua et David Grossman.

Un tel pacifisme puise de manière unilatérale dans une position idéalisée du sionisme de gauche de l’époque des « pionniers » ; elle ne comprend pas que depuis 1948, le pays a été financé par les États-Unis et l’Allemagne qui ont permis le « miracle » israélien et son agressivité militariste. Tout serait de la faute de la Droite jouant avec le feu… des islamistes, des gangsters…

Une telle incompréhension du caractère réactionnaire d’Israël est étonnante, surtout qu’il est bien connu qu’une partie significative de la population a basculé dans une religiosité fanatique, ouvertement alliée aux projets expansionnistes de la Droite israélienne. On peut considérer que la majorité des Israéliens se situe dans cette orbite idéologique sioniste-religieuse.

Et une telle naïveté est d’autant plus choquante qu’une partie importante de la population vit dans la grande pauvreté, dans un pays sans sécurité sociale, avec quelques familles tenant une partie importante de l’économie aux côtés des grands groupes américains. Rien qu’une telle situation montre qu’Israël n’a rien d’une démocratie, qu’une oligarchie est aux commandes.

Israël est en fait un pays du tiers-monde, voilà la vérité. Et la Gauche israélienne a disparu pour ne pas vouloir l’avoir vu, au nom du mirage sioniste, dont le militarisme est par contre tout à fait concret.

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Politique

La dramatique situation de la Gauche palestinienne

Les rêves et les dynamiques de la Gauche palestinienne des années 1970 ont entièrement disparu.

La Gauche palestinienne a été extrêmement forte dans les années 1970 ; le plus souvent issue du nationalisme arabe des années 1960, elle a généré toute une série d’organisations de masse, dont les plus connues sont le Front démocratique pour la libération de la Palestine et le Front populaire de libération de la Palestine.

Ces organisations sont nées dans la violence, comme réponse à la suprématie technologique d’un État israélien financé par les aides américaines et allemandes (les États-Unis et l’Allemagne étant les premiers partenaires commerciaux d’Israël depuis le départ par ailleurs). Il s’agit de nationalistes arabes se tournant vers les idéologies de gauche pour répondre au défi israélien par une mobilisation populaire.

Cortège féminin du FDLP à Beyrouth en 1979

Malheureusement, ces organisations n’ont pas tenu le choc, parce qu’elles sont restées essentiellement nationalistes arabes, les projets de gauche n’étant qu’un tremplin pour leurs objectifs. Elles ont bien maintenu une ligne de « refus » d’accords de paix sur le dos des Palestiniens, mais ont basculé dans le pragmatisme vise-à-vis de l’URSS, du nationalisme arabe (notamment avec la Syrie), voire de l’Iran.

Elles ont été mises de côté à la fois par une répression israélienne ciblée et par les interventions des États du Golfe pour massivement financer l’islamisme, dont le Hamas est le principal représentant, comme expression des Frères musulmans (tenant aujourd’hui le Qatar et la Turquie). Elles sont finalement passées entièrement dans l’ombre du Hamas.

La question de savoir pourquoi est évidemment complexe : opportunisme, incapacité de faire autrement, contexte palestinien où la religion totalement secondaire en 1948 est devenue centrale ? En tout cas, elles ont des petites sections militaires qui sont dépendantes du Hamas et surtout leurs propre activités ont d’énormes limites idéologiques en raison de l’hégémonie religieuse.

Le FDLP et le FPLP existent en fait surtout pour leur prestige historique, comme dernier bastion laïc, pour leur insistance sur le droit au retour des réfugiés palestiniens, et pour leur participation au « front du refus » exprimant l’opposition à la normalisation avec les États-Unis choisis par Yasser Arafat et son mouvement le Fatah, la principale composante de l’OLP.

Cette situation est somme toute assez logique, car ni le FDLP ni le FPLP ne se sont finalement jamais émancipées de leur matrice nationaliste arabe. Il est impossible de parvenir à une discussion d’un point de vue de Gauche avec ces organisations à moins de passer par le prisme du nationalisme. C’est terriblement dommage car leurs positions initiales de front voulant la démocratie dans une Palestine unifiée pourrait aisément avoir un écho en France. Mais le nationalisme prime, avec des accents religieux très prégnants souvent (le FPLP parle du « mois béni du Ramadan », etc.).

D’où d’ailleurs par exemple la grande valorisation par le FPLP d’Ilich Ramírez Sánchez dit Carlos, emprisonné en France depuis 1994, ou le fait qu’historiquement en France l’écho du FPLP passe par la Ligue Communiste Révolutionnaire, qui était trotskiste mais avait à la fin des années 1960 des éléments guévaristes ouverts aux mouvements « nationalitaires ». On notera d’ailleurs un renouveau romantisme d’ultra-gauche autour du FPLP ces dernières années, comme là en mai 2021 avec la Fédération Syndicale Étudiante.

Une telle image est pathétique, car la Palestine va de défaite en défaite ; elle exprime un romantisme occidental totalement éloigné de la réalité. C’est, cela étant, assez conforme à une réalité idéologique : le FPLP et le FDLP ont une rhétorique hyper-triomphaliste, alors que la situation palestinienne est catastrophique en général et désastreuse pour la Gauche palestinienne en particulier.

Cela n’en accentue que d’autant plus le caractère dramatique de l’ensemble.

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Politique

La France compte expulser dix Italiens pour « terrorisme »

C’est une mise en scène pour renforcer la vision dominante du monde.

Il existe une tradition française, dénommée la « doctrine Mitterrand« . Elle vise à accueillir en France des gens relevant de la Gauche italienne ayant fait le choix de la lutte armée dans les années 1970-1980, en échange d’un arrêt de la politique. L’Italie a alors feint de protester mais cela l’arrangeait beaucoup que ses « rebelles » disposent d’une porte de sortie individuelle, alors que 10 000 personnes avaient à faire à la justice pour des activités de « terrorisme ».

L’organisation la plus célèbre et la plus large était alors les Brigades Rouges, qui opérèrent par la suite en 1982 une « retraite stratégique » en tant que « Brigades Rouges pour la construction du Parti Communiste Combattant ». Les Brigades Rouges avaient la même idéologie que la « Gauche Prolétarienne » française, qui de son côté passa dans le populisme avant de se dissoudre.

L’État italien est extrêmement strict pour tout ce qui est en rapport avec les Brigades Rouges, au point qu’il existe l’acte d’accusation de « bande armée sans armes ». Les Brigades Rouges sont un tabou absolu, même si depuis quelques années, alors que le pays bascule dans une vague réactionnaire populiste, c’est un thème régulier des médias à l’occasion de rappels d’événements historiques.

Dans ce cadre, l’État italien est revenu à la charge en demandant à la France d’extrader 200 personnes. La France vient de céder au sujet de dix personnes, en prétextant qu’elles seraient liées à des « crimes de sang » et donc non concernées par la doctrine Mitterrand. Ce qui est un non-sens puisque on parle ici de lutte armée de toutes façons…

En pratique, ces gens servent de symbole répressif plus qu’autre chose, puisqu’on parlent de gens insérés en France depuis plusieurs décennies, de manière ouverte, sauf pour Raffaele Ventura, Maurizio Di Marzio et Luigi Bergamin qui sont en fuite. Les sept autres sont Marina Petrella, Giovanni Alimonti, Enzo Calvitti, Roberta Cappelli, Giorgio Pietrostefani, Sergio Tornaghi, Narciso Manenti. Même Nicolas Sarkozy avait refusé d’extrader Marina Petrella en 2008.

Le ministre français de la Justice, Eric Dupond-Moretti, révèle tout à fait la nature idéologique de l’opération en disant :

« Je suis fier de participer à cette décision qui, je l’espère, permettra à l’Italie, après quarante ans, de tourner une page de son histoire, qui est maculée de sang et de larmes (…). Entre 1969 et 1980, cette période qu’en Italie on appelle la période de plomb, ce sont 362 personnes qui ont été tuées par ces terroristes, et 4 490 blessées ».

40 ans après, tourner la page ? La dimension politique est évidente, tout comme l’Élysée assimile la lutte armée italienne au djihadisme :

« La France, elle-même touchée par le terrorisme, comprend l’absolu besoin de justice des victimes. Elle s’inscrit également, à travers cette transmission, dans l’impérieuse nécessité de la construction d’une Europe de la justice, dans laquelle la confiance mutuelle doit être au centre »

Cette affaire n’est de fait rien d’autre qu’une entreprise de guerre psychologique, un moyen de présenter les choses selon un certain angle en ce qui concerne la question du pouvoir. C’est très conforme à une époque de crise où les tensions ne cessent de monter.

Le Monde fournit de manière suivante la biographie des personnes menacées d’extradition :

« Qui sont les sept Italiens arrêtés ?

Marina Petrella

Cette ancienne des Brigades rouges a été condamnée pour le meurtre en décembre 1980 d’un général des carabiniers, ainsi que pour l’enlèvement d’un magistrat en 1982, pour une tentative d’homicide la même année contre un vice-préfet de police de Rome, pour l’enlèvement d’un responsable de la Démocratie chrétienne près de Naples et pour le meurtre de ses deux gardes du corps.

Roberta Cappelli

Cette ancienne brigadiste a été condamnée à la perpétuité, notamment pour « association à finalité terroriste » et pour sa participation à un « homicide aggravé ». Elle est considérée comme responsable du meurtre du général Galavigi en 1980, de celui d’un policier, Michele Granato, en novembre 1979, et d’avoir blessé plusieurs autres personnes.

Sergio Tornaghi

Cet ex-membre des Brigades rouges est accusé notamment du meurtre d’un industriel à Milan, Renato Briano, en novembre 1980, et de celui d’un directeur d’hôpital. Il a été condamné à la perpétuité pour, entre autres, « participation à une bande armée »« propagande terroriste »« attentat à finalité terroriste ».

Enzo Calvitti

Lui aussi membre des Brigades rouges, il a été condamné à une peine de réclusion de dix-huit ans pour des délits d’« association à finalité terroriste » et « participation à une bande armée ».

Giovanni Alimonti

Condamné, entre autres, pour la tentative d’homicide en 1982 d’un vice-préfet de la police de Rome, tout comme Marina Petrella. Il doit exécuter une peine de onze ans et demi de prison, pour « participation à une bande armée » et « association à finalité terroriste ».

Narciso Manenti

Membre des Noyaux armés pour le contre-pouvoir territorial, il a été condamné à la perpétuité pour le meurtre d’un gendarme, Giuseppe Gurrieri, en mars 1979. Réfugié en France, il s’est marié en 1985 avec une Française.

Giorgio Pietrostefani

Cet ancien dirigeant de Lutte continue, un mouvement marxiste ouvriériste, a été condamné à quatorze ans de réclusion pour le meurtre, en 1972 à Milan, de Luigi Calabresi, un commissaire de police.

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Guerre

Ukraine: la Russie vise le 21 avril comme date clef

Vladimir Poutine prendra la parole la veille d’un vote du Conseil de la Fédération russe.

Un véhicule de guerre électronique russe au front

Le secrétaire d’État américain Antony Blinken, soit l’équivalent du ministre des Affaires étrangères, a prévenu le 11 avril 2021 qu’il y aurait des « conséquences » si la Russie agit de manière « agressive » à l’encontre de l’Ukraine. Mais ces paroles sont étranges alors que pour les Ukrainiens eux-mêmes, le scénario expansionniste russe procédera de la manière suivante. Le premier ministre de la pseudo république populaire de Donetsk, Denis Pouchiline, va appeler la Russie pour qu’elle reconnaisse cet « État », voire pour demander son intégration à la Russie.

Or, justement, le président russe Vladimir Poutine a prévu de s’adresser le 21 avril tant au parlement russe qu’aux hauts fonctionnaires. Et le lendemain, le Conseil de la Fédération de l’Assemblée fédérale de la fédération de Russie est convoqué afin d’être en mesure de prendre des décisions immédiatement sur demande du président. Ce serait évidemment pour valider l’intégration-annexion. Et les forces mobilisées le sont pour protéger cette opération.

Rappelons que la Russie est bien une Fédération, du moins en apparence… Elle est constituée de 22 républiques, 46 oblasts (c’est-à-dire des provinces), neuf kraïs (c’est-à-dire des territoires), un oblast autonome, quatre districts autonomes et trois villes fédérales. Juridiquement, du point de vue russe, l’intégration de deux « nouvelles » républiques se tient…

Ce plan est tout à fait cohérent. Et il est un terrible piège, car si l’Ukraine considère que c’est cela qui va se passer, elle est obligée d’intervenir avant ou dans la foulée afin de récupérer ses territoires perdues. Si elle le fait avant, elle va être considérée comme l’agresseur… Si elle agit dans la foulée, c’est la guerre à la Russie. La manœuvre expansionniste russe est ici très habile.

2S7 Pion russes en partance pour le front

Reste la question de la Crimée, où là aussi la Russie accumule des troupes… Les possibilités d’une attaque au sud sont tout à fait grandes, pour prendre en étau l’Ukraine de l’Est. Et le matériel de guerre électronique s’accumule particulièrement, ainsi que des bateaux de débarquement passés de la Mer Caspienne à la Mer Noire.

Des troupes en Crimée, dont l’identification d’appartenance à des zones spécifiques sont maquillées, ce la Russie pratique depuis le début pour masquer la provenance, tout en autorisant en même temps les nombreuses photos prises sur le tas

Ce n’est pas la seule pression sur l’Ukraine, car l’OTAN compte bien en faire de la chair-à-canon. On notera d’ailleurs que la ligne de front est régulièrement survolé par des avions de reconnaissance, tel un Northrop Grumman RQ-4 Global Hawk américain, un drone de pratiquement 15 tonnes et 40 mètres d’envergure.

La tension a ainsi passé un cap, on passe au cran au-dessus, de par les forces en présence, des implications diplomatiques, alors qu’en plus tout est clair sur le plan militaire. On est bien plus dans les années 1930 que dans les années 1990.

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Culture Culture & esthétique

Playlist россия♥україна♥россия♥україна

Une playlist pour introduire à la culture… qui va avec la paix et l’amitié entre les peuples.

Voici une playlist qui pour beaucoup de gens en France apparaîtra pittoresque, mais en même temps, incroyablement inspirante. Chaque chanson est d’une incroyable charge. Et pour faire les choses bien, loin des valeurs des va-t-en guerre, la playlist, avec uniquement des œuvres récentes, s’appuie uniquement sur des femmes, qui témoignent de leur haut niveau artistique, de leur haut niveau de culture, de synthèse.

C’est autre chose que la guerre. Et pour faire les choses encore mieux, il ne sera pas précisé qui est russe, qui est ukrainienne.

La dernière chanson est une exception relative puisqu’un éloge des sœurs, magnifique, avec un ton qui correspond bien à la tristesse des menaces de guerre entre deux d’entre elles.

Voici la playlist en lecture automatique sur YouTube, suivis de la tracklist :

  1. DakhaBrakha – Monakh (2017)
  2. Сабрина – Сестра (2019)
  3. Katya Yonder – Вновь и вновь (2020)
  4. ONUKA – UA (2014)
  5. Alina Pash – Bosorkanya (2019)
  6. Maria Teriaeva – SØS (2020)
  7. Jekka – Midnight Hour (2015)
  8. Fanny Kaplan – Smeh (2016)
  9. Нaaдя — Осколки (2020)
  10. КОЛО – Серце в Житах (2017)
  11. Navka – Цвіте терен (2020)
  12. Іванка Червінська – Покоси (2020)
  13. Magnetic Poetry – Not Alone (2017)
  14. Mustelide – Salut (2016)
  15. Три Сестры (Les trois soeurs) (juste après 1991)

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Écologie

55 000 cochons meurent dans l’incendie de l’élevage allemand d’Alt Tellin

C’est un drame à l’échelle de la catastrophe en cours à notre époque.

Le capitalisme modernisé a systématisé l’emploi d’animaux, dont les conditions de vie ont toujours été rendus plus horribles afin d’élargir la consommation. L’existence de McDonald’s et des kebabs, ces paradis du consommateur pressé, dépend de ces lieux infernaux où les cadences assassines et les emplois aliénés sont la règle.

L’incendie de l’élevage d’Alt Tellin, un village de 400 habitants tout au nord-est de l’Allemagne, apparaît ainsi comme une « anecdote » sanglante dans un océan de sang et de misère. Il y avait 7 000 cochonnes et 50 000 porcelets lorsque l’incendie s’est déclaré ; seulement 1300 animaux ont pu être sauvés. Mais sauvés de quoi ?

Les éleveurs assument ouvertement de mettre en place l’enfer sur Terre, de déclarer la guerre aux besoins naturels, à la sensibilité, à l’empathie. Les cochonnes subissent un cauchemar éveillé, c’est l’Horreur.

Une véritable résistance à la construction de cet élevage gigantesque – 250 000 porcelets chaque année – s’était développé en 2009-2010. Manifestations, conférences, sabotages par l’ALF, campagnes régionales… La bataille avait continué même après les débuts de l’usine-élevage, avec des tentatives de blocage juridiques, des campagnes de protestation.

Et l’usine-élevage cumulait, forcément, nombre de problèmes techniques, étant même obligé de changer la terre en raison d’une fuite d’acide sulfurique. De la construction en 2010 à 2015, il y a eu 207 inspections montrant pas moins de 213 manquements. L’usine-élevage est alors passé dans les mains d’un monopole, la Landwirtschaftliche Ferkelzucht Deutschland, car dans le capitalisme il faut toujours aller de l’avant.

L’incendie est ainsi le point culminant d’une crise traversant la réalité à tous les niveaux, de par le caractère infâme et intenable d’une telle usine-élevage, de par la tentative du capitalisme de toujours abaisser les coûts et de toujours vendre davantage. Quitte à aller en conflit avec la vie elle-même. Des êtres vivants brûlés vifs par milliers, dans la panique, la souffrance, c’est l’enfer de Dante. Le responsable départemental Achim Froitzheim a expliqué en parlant des pompiers que :

« Les gens ont des images dans la tête, c’est indescriptible. »

L’usine-élevage est détruite pour de bon. Les animaux ayant échappé au feu, eux, vont par contre rejoindre d’autres usines-élevages. Car le capitalisme continue et il continuera inlassablement à produire des usines-élevages toujours plus vastes, pour une consommation absurde pour des consommateurs façonnés par le capitalisme.

Mais cet dramatique événement donne aussi, tristement, raison à la résistance, qui ne manquera pas de prendre l’initiative. 200 personnes ont immédiatement manifesté aux abords de l’incendie pour protester d’ailleurs. L’honneur de l’humanité n’est pas sauvée, mais la bataille est en cours !

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Politique

Allemagne: la Gauche historique balayée dans Die Linke

Les courants de la Gauche historique ont perdu pied dans le principal parti de la gauche de la Gauche en Allemagne.

Die Linke est le parti à gauche des socialistes en Allemagne ; il est né en 2007 des restes du parti dominant au sein de la République Démocratique Allemande et d’une scission de gauche des socialistes à l’Ouest. Sa ligne est celle d’une sorte d’alliance socialiste-communiste pour un socialisme démocratique, avec comme identité la Gauche historique. Il est à ce titre opposé au régime, même si son approche est réformiste.

Dans les sondages, Die Linke est à 8%, les Socialistes et les Verts tous les deux à 17%. La pression pour une « grande coalition » de ces partis est ainsi très grande. Les tenants de la Gauche historique refusent d’écouter les sirènes gouvernementales, au nom des principes, mais les courants post-modernes pensent pouvoir « peser » sur les questions sociétales… D’où un renversement de majorité au congrès (réalisé en ligne) de Die Linke de la fin février 2021, avec des conséquences ébranlant profondément ce parti depuis, au point que la question d’une scission est sur la table.

En effet, sur les 44 membres de la direction, aucun ne relève des courants de la Gauche historique ; en pratique cette dernière ne représente plus que 20% de Die Linke, principalement à travers :

  • la Plate-forme communiste, qui veut que le marxisme soit assumé, avec une culture très liée à celle de la RDA (Sahra Wagenknecht en est issue) ;
  • la Gauche socialiste, dont l’esprit est à peu près celui du programme commun français de 1981.

La Gauche historique a été battue par les multiples autres courants post-modernes appuyés par les « centristes » de la « gauche en mouvement » dont l’objectif est très clairement la participation à un gouvernement avec les Socialistes et les Verts. Un important soutien à cette démarche est la Gauche anticapitaliste, qui rassemble des gens très à gauche, mais dans un esprit éclectique, souvent philo-trotskiste.

Autrement dit, il y a un véritable conflit de ligne. Il y a d’un côté ceux pour qui Die Linke ce sont des valeurs bien ancrées et d’autres pour qui c’est un levier « émancipateur ». Les tenants de la Gauche historique posent de ce fait la question de la scission de manière ouverte notamment en raison de la question du militarisme et de l’OTAN. Pour eux, il est hors de question d’accepter la « neutralité » de l’État et du régime, pas question de cautionner l’armée allemande.

En théorie, le congrès ne modifie pas ce positionnement, dont les tenants de la Gauche historique se veulent les garde-fous. En pratique, le basculement est fait. Car tel n’est pas du tout l’essentiel pour les courants comme la Gauche émancipatrice, le Réseau de la gauche réformiste, etc., pour qui ce qui prime, ce sont les réformes sociétales. Entre maintenir des valeurs « passéistes » et accepter l’exigence des Socialistes et des Verts de soutenir l’armée allemande et l’OTAN, le choix est fait discrètement mais sûrement…

On trouve à l’arrière-plan l’expression d’un changement de génération. Les nouvelles générations, largement influencées par les courants post-modernes, se situent en dehors des traditions du mouvement ouvrier et sont de ce fait étrangères à la Gauche historique. Il y a également un poids croissant des milieux petits-bourgeois, au grand dam des tenants de la Gauche historique qui pensent qu’à continuer comme cela Die Linke se coupera entièrement de la classe ouvrière.

Il y a également la question Est-allemande. Il y a dix ans, la moitié des 60 000 membres vivait dans l’Est du pays, désormais ce sont 38%. Die Linke s’est toujours appuyé largement sur des bastions Est-allemands, désormais il a réussi à intégrer le paysage allemand en général, mais au prix d’être devenu un mouvement « témoignage » sans perspective stratégique.

D’où les deux options : revenir aux fondamentaux et surtout à la classe ouvrière, ou aller dans un sens de participation gouvernementale comme satellite des Socialistes et des Verts.

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Politique

50 ans après les Black Panthers, les trumpistes prennent le Capitole

En occupant le Capitole, les partisans de Donald Trump révèle la cassure entre l’État américain, corrompu et en faillite, et un peuple qui croit encore pourtant au complexe militaro-industriel.

Le Capitole des États-Unis est le siège du Congrès américain, à Washington ; il se situe à environ deux kilomètres de la Maison-Blanche, alors que deux kilomètres plus loin on trouve le Pentagone.

C’est un lieu essentiel de la gestion interne de la superpuissance américaine. Il est composé de 39 bâtiments, il a son propre métro (avec trois lignes et six stations) ainsi que sa propre police et pour cause : en raison de l’important nombre de secrétaires par élus, on a 30 000 personnes au cœur des magouilles et des arrangements au service du capitalisme américain, avec même cent salles secrètes répertoriées sur aucun plan.

Le Capitole des États-Unis

En l’occupant le 6 janvier 2021 pour empêcher la reconnaissance officielle de Joe Biden comme prochain président, les partisans de Donald Trump ont joué sur une contradiction du Congrès. C’est à la fois un organisme de l’État central et en même temps un représentant de la nature fédérale du régime américain.

En pratique, c’est un lieu de corruption et de décisions reposant sur une représentation des intérêts capitalistes américains, dans le cadre d’un régime très violemment opposé à la Gauche depuis le début du 20e siècle. Impossible pour les partisans de Donald Trump de le reconnaître, aussi ont-ils mené leur occupation en force, qui a duré plusieurs heures, au nom de l’appropriation de ce qui serait à eux. Les plébéiens prennent au sérieux les prétentions du régime capitaliste.

C’est l’incohérence de la révolte américaine : elle est populaire, mais de Droite, elle voit en l’affirmation plébéienne un moyen de secouer le joug d’un État corrompu, affairiste, en faillite, avec des démocrates et des républicains magouilleurs depuis cent ans, etc. Il est significatif que la femme tuée par la police du Capitole ait servi 14 ans dans l’armée américaine, tout autant que les gens présents mêlaient prolétaires déclassés et nazis folkloriques, dans un amalgame pittoresque. Ce sont l’équivalent de nos gilets jaunes, même si en France les révoltés se veulent beaucoup plus anti-politiques, conformément à la tradition anarchiste et syndicaliste révolutionnaire française.

Il est très étonnant en tout cas qu’aucun commentateur n’ait parlé du fait qu’en 1967, les Black Panthers avaient mené une opération contre le Capitole. Cela fit grand bruit et les cadres de la Droite plébéienne autour de Donald Trump ne peuvent pas ne pas connaître cet épisode. Symboliquement, leur occupation est le pendant de celle de 1967.

Tout part d’une loi californienne de 1967 visant à interdire de se promener avec des armes chargées, une action visant à empêcher les Black Panthers de mener des patrouilles à Oakland. Une trentaine de Black Panthers allèrent alors de manière armée au Capitole, la moitié d’entre eux parvenant à la salle de l’assemblée, où ils furent désarmés et arrêtés. Légalement, ils en avaient toutefois le droit et ils furent donc libérés, leurs armes rendues.

Les Black Panthers au capitole

La police procéda toutefois à un contrôle des armes à leur sortie, alors que Bobby Seale lut une déclaration disant notamment que :

« Le parti Black Panther pour l’auto-défense appelle le peuple américain en général et le peuple noir en particulier à prendre note avec attention de la législature raciste de Californie qui envisage une législation visant à rendre les gens noirs désarmés et sans pouvoir précisément alors que les agences racistes de police à travers le pays intensifient la terreur, la brutalité, le meurtre et la répression des gens noirs. »

On remarquera au passage que ce discours, tout à fait juste à l’époque aux États-Unis, est pratiquement repris aujourd’hui par l’ultra-gauche française, ce qui n’a aucun sens. En tout cas, donc, la loi passa tout de même en Californie et par la suite, tout se termina mal pour les Black Panthers. Ceux-ci témoignaient par cette occupation de leur volonté de rester dans le cadre de la légalité, or cela les amènera à se faire arrêter ou exécuter par le FBI dans le cadre du fameux COINTELPRO.

C’est qu’on ne contourne pas le peuple impunément. Et, dans les faits, avec cette histoire de Capitole, on est dans un substitutisme à l’américaine, dont l’équivalent est l’obsession des gilets jaunes pour la marche sur l’Élysée. On est dans le symbole, la course au symbole. C’est le reflet d’une vaste agitation petite-bourgeoise – comme dans les années 1920-1930. Des années de fascisation et de fascisme.

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Guerre

Brexit: le triomphe du nationalisme britannique

Après quatre années d’âpres négociations, le Royaume-Uni n’est officiellement plus membre de l’Union européenne. Des accords douaniers ont été signés in extremis entre les deux parties, évitant un catastrophique « no deal ». Ce n’est toutefois qu’un paravent, car la situation est maintenant entièrement nouvelle et les tensions vont s’exacerber à tous les niveaux.

L’épisode du Brexit aura duré tellement longtemps et connu de tels rebondissements pendant quatre ans que sa réalisation effective le 1er janvier 2021 passerait presque inaperçue. Pourtant, tout a changé pour le Royaume-Uni.

D’un côté, le pays est menacé d’éclatement, notamment du côté de l’Écosse où le nationalisme et la tentation pro-Union européenne vont être de plus en plus forts. Le 24 décembre 2020, la Première ministre écossaise Nicola Sturgeon avait déjà annoncé la couleur en annonçant avec fracas :

« Le Brexit arrive contre la volonté du peuple d’Écosse et aucun accord ne pourra jamais compenser ce que le Brexit nous enlève. Il est temps de tracer notre propre avenir en tant que nation européenne indépendante ».

Nicola Sturgeon fait ici allusion au fait qu’en Écosse, 62% des votes s’étaient exprimés contre le Brexit en 2016.

Parallèlement, il va y avoir pour le Royaume-Uni et même il y a déjà une course effrénée pour tirer un avantage concurrentiel de la sortie des règles et normes européennes. La Droite britannique, qui a littéralement atomisé la Gauche avec le Brexit, a maintenant des possibilités énormes pour mobiliser la population dans le sens du capitalisme et de la concurrence avec les capitalismes des pays de l’Union européenne (et d’ailleurs).

En France, il a beaucoup été question des pêcheurs et de leurs accès aux eaux territoriales britanniques, qui est maintenant limité ou alors « payant ». Ce n’est là qu’un petit aspect parmi énormément d’autres, qui font que les tensions sur le plan économiques vont être de plus en plus importantes.

Il n’y a qu’à prendre la question nord-irlandaise, qui était le principal point de crispation pour la négociation des accords avec l’Union européenne, pour comprendre à quelle point la situation extrêmement tendue.

Regarder une carte permet de visualiser le problème.

L’Irlande du Nord fait partie du Royaume-Uni, mais historiquement et géographiquement, le territoire est fortement lié au reste de l’île, l’Irlande, qui est membre de l’Union européenne. Comme il n’était pas envisageable de déployer une frontière stricte entre l’Irlande du Nord et l’Irlande, alors il a été négocié que l’Irlande du Nord reste dans le marché européen et donc qu’il n’y ait pas de formalités douanières.

Par contre, la frontière s’applique dans le cas des échanges entre l’Irlande du Nord et le reste du Royaume-Uni avec des formalités douanières extrêmement complexes pour déterminer ce qui est étranger ou non. Concrètement, cela fait qu’une partie du Royaume-Uni est coupée du reste du pays sur le plan économique.

C’est un véritable sac de nœud et les difficultés sont déjà là dans les ports de la mer d’Irlande, puisque une partie du territoire britannique relève au sens strict de l’espace économique de l’Union européenne.

Une telle situation n’est pas durable. Soit le Royaume-Uni continue de l’accepter, et alors il se retrouve dépendant de l’Union européenne et le Brexit n’a pas de sens, soit il s’affirme et alors il y a forcément conflit. Et c’est la même chose pour à peu près tout. Pour l’instant, les accords font que le Royaume-Uni est aligné sur les règles et normes européennes en ce qui concerne l’économie, mais tout va être négocié au cas par cas à l’avenir, avec un enjeu potentiellement conflictuel à chaque fois, même pour des choses en apparence insignifiantes.

Au sens strict, le Royaume-Uni a toujours été très indépendant par rapport à l’Union européenne, c’est à dire surtout par rapport au tandem franco-allemand. Mais l’intégration économique lissait les rapports, d’autant plus qu’il y avait parallèlement une intégration sociale-culturelle de part les échanges facilités entre les habitants européens et britanniques. Tout cela est fini.

Cela ne veut pas dire que le Royaume-Uni et l’Union européenne vont maintenant se faire la guerre. Mais cela signifie que le Royaume-Uni est encore plus une force comptant dans le grand échiquier mondial, entièrement autonome et en situation d’aller elle-même chercher des alliances pour peser dans un sens ou dans l’autre, d’une manière ou d’une autre.

Plus il y a de tensions, plus il y a de difficultés économiques (d’autant plus dans un contexte de crise de l’économie elle-même), plus il y a d’espace pour la Droite afin d’exprimer le nationalisme et tendre vers la guerre. Avec le Brexit, le Droite britannique se retrouve en position de force pour mobiliser dans le sens d’un empire britannique retrouvé, se réaffirmant, etc.

Inversement, les pays de l’Union européenne, à commencer par le moteur franco-allemand, voient leur situation changée avec le renforcement du Royaume-Uni. Ils peuvent tout autant faire bloc, et donc se renforcer de manière agressive pour peser, qu’au contraire se disloquer en raison des difficultés nouvelles.

Le Brexit est ainsi une contribution à la bataille pour le repartage du monde, au militarisme généralisé.

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Karabagh : seule la Gauche peut sauver le patrimoine et la nation arménienne

L’Histoire du Caucase, comme de tout l’Orient, est passionnante. Et d’une manière générale, les Français se passionnent pour l’Histoire. En France plus qu’ailleurs, l’Histoire est devenue une manière de comprendre, de réfléchir à la politique. C’est toujours un miroir qui reflète des enjeux liés les uns aux autres. La juste compréhension des enjeux du patrimoine arménien de l’Azerbaïdjan est dans ce cadre une nécessité pour avoir une vue correcte sur l’Orient et les enjeux qui s’y déploient dans le contexte de notre époque où le bruit de la guerre impérialiste se fait à nouveau entendre de manière toujours plus inquiétante.

Le gouvernement nationaliste de la République d’Azerbaïdjan, influencé par les délires pan-touraniens, est profondément raciste. Mais le plus terrible est de voir à quel point ce racisme virulent infuse la société azerbaïdjanaise, en distillant en son sein un rejet violent des Arméniens en tant que peuple, et plus largement une haine de leur culture nationale.

Ce racisme s’est développé dans l’Azerbaïdjan soviétique à partir des années 1970, d’abord au sein de cercles intellectuels et d’officiels du régime, dont les dissidents formaient la pointe, symétriquement au même moment où le chauvinisme arménien connaissait lui aussi une « renaissance » dans le cadre de la « déstalinisation ». La Perestroïka des années 1980, sous Mikhaël Gorbatchev a accéléré et élargi encore cette évolution, et c’est dans ces années là que le Karabagh est définitivement devenue un point de polarisation du nationalisme Grand-Arménien d’un côté et du racisme panturc de l’autre.

L’effondrement de l’URSS a donné un cadre officiel et débridé à ces nationalismes, les dressant mortellement l’un face à l’autre. Mais dans ce rapport de force, les Arméniens avaient tout à perdre. Et de fait, ils ont tout perdu, ou presque. Les premiers à faire les frais de ce « réveil » du nationalisme ont été les Arméniens d’Azerbaïdjan. Si jusque-là, les mouvements d’épuration ethnique d’Azéris chassés d’Arménie, et d’Arméniens chassés d’Azerbaïdjan, notamment du Nakhitchevan, avaient été organisés par le régime lui-même, les dernières années de l’URSS ont été marquées par des émeutes raciales d’une grande violence, que le pouvoir central ne parvenait plus à contrôler.

Des civils azéris sont notamment massacrés à Kapan en Arménie, alors que des Arméniens sont partout pris à partie en Azerbaïdjan. Le clivage est tel que même le terrible séisme qui ravage le nord de l’Arménie en 1988, dont la région de Gyumri porte encore les stigmates, ne suscite aucune solidarité. L’Azerbaïdjan décrète même un blocus commercial de l’Arménie, asphyxiant dramatiquement son économie.

C’est dans ce contexte que les Arméniens d’Azerbaïdjan sont purement liquidés par le régime de Bakou. La guerre séparatiste et l’exode brutal des populations azerbaïdjanaises du Karabagh appuient symétriquement les pogroms de Soumgaït et de Bakou. Au final, à la fin de la guerre en 1994, il ne reste pratiquement plus d’Arméniens en Azerbaïdjan.

Le blason de la Transcaucausie soviétique des années 1930, avec un ornement géorgien, un croissant pour symboliser l’Azerbaïdjan et le mont Ararat pour symboliser l’Arménie

Au début des années 2000, le régime des Aliev (le père puis le fils) met en place une politique anti-arménienne décidée à aller au bout de la logique génocidaire. De nouvelles lois constitutionnelles éliminent définitivement la reconnaissance de l’arménien comme langue nationale, mais de fait elle n’était plus mentionnée depuis l’effondrement de l’Azerbaïdjan en tant que composante soviétique. Plus absurde encore, les noms de famille en –yan, indiquant une origine ethnique arménienne, sont interdits. Cela va au point que même les visiteurs étrangers sont considérés comme suspects à partir du moment où ils portent un nom de famille portant ce suffixe.

Les monuments arméniens subissent aussi à ce moment des outrages d’une très grande gravité. Il ne reste à Bakou qu’une église arménienne par exemple encore reconnue pour telle. Et encore, celle-ci est verrouillée, tous les signes extérieurs exprimant trop clairement son arménité ont été effacés et elle sert essentiellement de stock aux archives de la bibliothèque présidentielle voisine.

Mais c’est surtout la destruction du cimetière arménien de Djulfa, au Nakhitchevan, qui est resté exemplaire de cette entreprise d’anéantissement : de 2002 à 2005, il a été complètement détruit par une série d’opérations menées par l’armée et des entreprises de construction. Ce cimetière était le plus vaste témoignage de l’art funéraire médiéval arménien des « croix de pierre » ou khachkar/խաչքար. On estime que plus de 10 000 de ces vestiges du passé arménien de la région ont ainsi été ravagé, avec les tombes qu’elles abritaient.

Destruction au cimetière arménien de Djulfa

Depuis cette époque, le régime de Bakou entretient par ses médias et toute les capacités de son appareil d’État une incessante propagande raciste visant à rejeter violemment toute proximité avec les Arméniens. Il y a à Bakou une anecdote bien connue sur le degré de ce racisme. Il est arrivé qu’une livraison de produits alimentaires venus d’Iran indiquaient sur les étiquettes de l’emballage, la composition des marchandises en arménien, parmi d’autres langues.

La seule vue de ces étiquettes a généré des émeutes délirantes, où l’on a pu voir des personnes détruire ces marchandises en criant à travers les rues, « morts aux Arméniens ». Depuis, la douane azerbaïdjanaise contrôle soigneusement les étiquettes afin d’interdire la vente de tels produits. On dit qu’il est plus facile de faire passer des stupéfiants que des étiquettes en arménien à Bakou.

Destruction au cimetière arménien de Djulfa

De manière plus dramatique, il y a l’exemple de l’assassinat en 2004, par 16 coups de hache, d’un soldat arménien pendant son sommeil, dans le cadre d’un stage organisé par l’OTAN à Budapest en Hongrie, par un soldat azéri qui participait à ce même stage. L’assassin, Ramil Safarov, a été ensuite été condamné en Hongrie à 30 ans de prison. En 2012, il a obtenu l’autorisation de finir sa peine en Azerbaïdjan, où il a été immédiatement gracié dès son arrivée par le président Ilham Aliev en personne, qui l’a promu au grade de major.

Dans un tel contexte, on comprend que le patrimoine arménien en Azerbaïdjan n’a aucune chance d’être sauvegardé. Le régime de Bakou a même trouvé plus fort pour encore davantage effacer les Arméniens comme composante nationale. En 2003, il a ressuscité une communauté religieuse disparue au XIIIe siècle : les Aghvank, que l’on appelle en français « Albanais du Caucase », ou Outi.

A proprement parler, les Outi existaient déjà comme peuple caucasien formant un groupe ultra-minoritaire en Azerbaïdjan, où il sont environ 10000 (soit 0,1% de la population), mais aussi en Arménie et en Géorgie, où ils sont quelques milliers. Généralement on les assimile et ils s’assimilent d’ailleurs eux-mêmes aux Arméniens… Sauf en Azerbaïdjan.

Une carte du Caucase avec l’Albanie du Caucase formée avec l’effondrement de l’empire d’Alexandre le grand

D’ailleurs, les Aghvank historiques, s’ils parlaient une langue caucasienne peut-être proche du Outi, se sont eux-mêmes arménisés au cours de leur histoire, qui a été toute entière tournée vers l’Arménie. Beaucoup de ces Outi/Aghvank d’Azerbaïdjan portaient d’ailleurs jusqu’en 2002 des noms en -yan et parlaient arménien.

Maintenant, les Outis officiels d’Azerbaïdjan dénoncent avec Bakou l’occupation de leur « terre » historique du Karabagh et de leurs monuments. Du moins, ils n’y vont pas trop fort non plus, étant trop peu nombreux pour remplacer les Arméniens du Karabagh même s’ils le voulaient, et puis le lien entre les Outis et les anciens Aghvank/Arméniens du Karabagh étant tellement forcé que même les officiels de cette communauté n’insistent pas trop sur ces questions.

Une carte du Caucase avec l’Albanie du Caucase formée avec l’effondrement de l’empire d’Alexandre le grand

Seulement, cela permet de justifier l’écrasement du patrimoine arménien du Karabagh, là où les Azéris ont fait des conquêtes. En affirmant l’antériorité des caucasiens Outis/Aghvank sur le Karabagh, le régime de Bakou affirme avoir un argument pour accuser les Arméniens d’avoir falsifié les monuments et l’histoire de cette région… Ce qui serait donc une bonne raison de détruire les monuments falsifiés ou du moins les parties de ces monuments qui le seraient.

L’exemple du monastère (vank en arménien, comme en langue Aghvane) de Dadivank au Karabagh est emblématique de cela. Dadi est le nom en langue Aghvane de l’apôtre Jude-Thaddée, qui est réputé avoir évangélisé le nord de la Perse après la mort du Christ. Dans le christianisme arménien et plus généralement persan, donc y compris kurde et caucasien par exemple, c’est un personnage fondamental.

Le monastère de Dadivank au Karabagh

Dans la région, on connaît d’ailleurs deux autres monastères qui lui sont consacré : le plus grand se trouve en Iran dans la région de Tabriz, une région majoritairement peuplée d’Azéris. Ce monastère fait toujours l’objet en Iran du principal pèlerinage chrétien, essentiellement arménien. Ensuite, en Arménie même, il y a le monastère de Tatew (Tatevos ou Tatew étant le nom arménien de Thaddée), au sud de l’Arménie, dans la région coincée entre le Nakhitchevan et le reste de l’Azerbaïdjan.

Ces trois monastères appartiennent au patrimoine de la culture nationale arménienne, qui s’est constituée en partie sur l’héritage de ce christianisme persan auquel les Aghvank participaient eux aussi. Mais comme l’Église arménienne revendique sa fondation par un personnage appelé Grégoire l’Illuminateur (ayant vécu au IVe siècle), et comme l’Église Aghvane se revendiquait elle de Jude-Thaddée (ayant vécu au Ier siècle), le régime de Bakou cherche à mutiler la nation arménienne de sa part Aghvane, afin de la revendiquer comme purement azerbaïdjanaise, et antérieure du même coup.

Sur le plan historique, cette démarche est totalement fallacieuse, puisque l’une et l’autre Église ont toujours reconnus en réalité l’apostolicité primitive de Thaddée, puis leur fondation commune par Grégoire l’illuminateur. Et d’une manière générale, cela n’a aucun sens de vouloir détacher les anciens Aghvanks de l’histoire des Arméniens.

Fresque du XXe siècle au monastère de Dadivank au Karabagh

Le fait que les Aghvank soient un peuple qui s’est tourné à la fois vers les Arméniens et vers les Persans puis les Turcs azéris a joué un grand rôle. Cela a motivé les autorités soviétiques à considérer le Karabagh comme un territoire arménien de l’Azerbaïdjan, alors que les Arméniens y parlent un dialecte particulier, peut-être influencé de l’Aghvank, et où se trouve aussi, outre Dadivank, le superbe monastère de Ganjazar, ancien siège de l’Eglise Aghvane devenue arménienne.

Monastère de Gandzasar au Haut-Karabagh, siège du catholicossat d’Albanie du Caucase de 1400 à 1815

Cette reconnaissance devait s’appuyer sur cet héritage complexe et surtout permettre d’avoir une base matérielle pour organiser dans le futur la possible fusion des Arméniens comme composante de l’Azerbaïdjan soviétique, lui même collectif sur le plan national.

Les Aghvank sont en quelque sorte un pont entre les Azéris et les Arméniens, et entre eux et les caucasiens, au sein d’un vaste ensemble culturel persan commun à tous ces peuples. Les monastères consacrés à Jude-Thaddée témoignent par eux-mêmes de cette appartenance commune complexe.

Le monastère de Dadivank a été un lieu commun de la culture Aghvane, puis arménienne, qui y ont brillé ensemble de manière indissoluble. Les nationalistes arméniens font tout pour contourner l’existence des Aghvanks, qui menace leurs prétentions autochtones indigénistes et identitaires sur une base romantique. Le peuple arménien a des racines diverses, et certaines de celles-ci se lient aussi aux peuples de l’Azerbaïdjan, dont ils ne sont pas séparés.

Cela en France est aussi masqué par les soutien de l’Arménie, y compris parmi les savants qui connaissent pourtant cette question, mais la laisse criminellement de côté. Comme le font les nationalistes qu’ils soutiennent. Ils abandonnent ce passé aux prétentions racistes du régime de Bakou qui entend quand à lui les affirmer pour mutiler l’histoire nationale des Arméniens et effacer celle-ci à toute force de l’histoire nationale de l’Azerbaïdjan.

Pour sortir de cette impasse à somme nulle, où le peuple arménien est perdant quoi qu’il arrive, il faut retrouver une vision du monde scientifique, basée sur les faits, sur les peuples et leur existence matérielle.

Arméniens et Azéris partagent dans les faits un passé qui les uni, mais ils ne peuvent plus voir cela parce qu’ils se sont piégés eux-mêmes en liquidant le passé soviétique, notamment transcaucasien, dans une vision de Droite, qui a fini par les emporter toujours plus loin dans le séparatisme forcené. Cet exemple montre à quel point une vision de Gauche sur l’Histoire est urgente pour anéantir l’hégémonie sur cette dernière de la Droite avec ses allégations racistes ou romantiques qui déforment le passé ou l’escamotent… Au Karabagh comme en France.

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Politique

Espagne : une centaine de hauts officiers de l’armée lancent un avertissement

Alors qu’en novembre cela faisait 45 ans que Franco est mort, plus d’une centaine de hauts gradés espagnols ont lancé un avertissement très clair.

Ce qui se passe en Espagne est riche d’enseignements pour ceux qui pensent que La France Insoumise relève encore de la Gauche. En effet, il y a en Espagne Podemos, son équivalent, et comme la démarche est populiste, il n’y a strictement aucune compréhension du parcours historique du pays, de la lutte des classes qui s’est déroulée et qui se déroule.

Or, la crise révèle les jeux des uns et des autres ; tout comme en France, l’armée est en Espagne un vecteur extrêmement puissant du régime. Et là la pression devient explosive. Il y a déjà une lettre au roi de 73 hauts gradés à la retraite, qui dénoncent le gouvernement espagnol actuel, présenté comme social-communiste, l’accusant de soutenir le terrorisme et le séparatisme. Un lieutenant général, deux généraux de division, quatre généraux de brigade et 66 colonels parlent de décomposition de l’unité nationale. C’est l’argument tout à fait classique du franquisme.

Mais ce n’est pas tout : cette lettre a été précédée d’une autre, quelques semaines auparavant. Pareillement envoyée au roi, elle avait été signée par 39 hauts gradés à la retraite de l’armée de l’air. Le gouvernement était pareillement dénoncé comme hostile à l’unité nationale, à la stabilité du régime, etc. La lettre n’avait pas été révélée par le roi, c’est une revue d’extrême-Droite qui en a parlé tout récemment.

Ce qui est marquant, c’est bien entendu le black-out à ce sujet. L’affaire devrait faire scandale, mais le régime espagnol étant ce qu’il est et la situation étant ce qu’elle est, on a compris que personne ne veut prendre le risque de parler des choses ouvertement.

Nouvelle Espagne antifasciste, le journal des Républicains espagnols en France pendant la guerre d’Espagne. Les drapeaux de gauche à droite sont ceux : du syndicat CNT (anarcho-syndicaliste), de la Catalogne, de la République Espagnole, du Pays basque, du syndicat UGT (socialiste et communiste)

La ministre de la Défense, Margarita Robles, une socialiste, s’est ainsi contenté de dire que le roi appartenait à tout le monde et pas seulement aux militaires signataires ! Une manière de nier les problèmes, tout en se soumettant à la monarchie, bref de pratiquer la fuite en avant pour tenter que tout se tasse.

C’est la pratique du PSOE depuis la mort de Franco, avec à l’époque une fracture immense entre la Gauche ayant reconnu la constitution espagnole octroyée par le roi à la suite de la mort de Franco et celle la récusant, dans le prolongement républicain de la guerre d’Espagne. Podemos, actuellement au gouvernement avec le PSOE, ne relève ni de l’un de l’autre, mais ayant fait le choix du populisme, il considère que ce genre de problématique est dépassée. L’Espagne actuelle n’aurait rien à voir avec celle du passé, son dirigeant Pablo Iglesias a reproché aux officiers de mettre le roi dans une position désagréable, etc. C’est la même ligne que La France Insoumise.

Le résultat est que le PSOE ne veut pas combattre la menace de coup d’État et que pour Podemos, elle n’existe tout simplement pas. C’est d’autant plus grave qu’il y a désormais le parti Vox dont la ligne est très clairement de réactiver la base franquiste présente dans la société espagnole. Il a eu 3,6 millions de voix aux élections de novembre 2019. Le général Fulgencio Coll Bucher, ancien chef d’état-major, désormais membre de Vox, avait d’ailleurs publié un article la même année dans le quotidien El Mundo pour exiger que les socialistes soient chassés de l’armée. Et l’expression « social-communiste » utilisée par les officiers à la retraite puise dans la rhétorique du dirigeant de Vox, Santiago Abascal, qui en fait la clef de ses dénonciations.

Il faut se rappeler ici de l’appel du 31 juillet 2018, signé par 181 hauts officiers à la retraite, sobrement intitulé « Déclaration de respect au Général Francisco Franco Bahamonde, soldat de l’Espagne. » Cette déclaration connut un grand succès dans l’armée, notamment auprès de généraux à la retraite. Et un média espagnol a d’ailleurs révélé le 3 décembre 2020 des discussions Whatsapp d’officiers de l’armée de l’air, dont des signataires de la lettre au roi, appelant à l’exécution des ennemis du régime et même de 26 millions de personnes. C’est une référence à la remarque du journaliste américain Jay Allen à Franco, comme quoi il devrait fusiller la moitié du pays s’il voulait vaincre la République. Franco répondit qu’il était prêt à payer n’importe quel prix pour la victoire.

Vox a naturellement pris partie pour les officiers concernés et son dirigeant Santiago Abascal est même allé envoyer un message de salutations! C’est dire l’ambiance. Et il n’est pas possible de ne pas faire le parallèle avec ce qui nous risque d’arriver en France avec Pierre de Villiers. Il a déjà la même rhétorique : le régime perd ses fondements, il faut remettre de l’ordre, il faut un arrière-plan militaire, etc. En France, le fascisme n’a pas été et ne sera pas, vraisemblablement, comme en Allemagne et en Italie. Il a été comme en Espagne un mouvement de Droite populaire pro-coup d’État, avec des petits groupes provocateurs et terroristes en parallèle. C’est cela qui se profile si l’on considère que le régime a la même base que dans les années 1930 et que la crise nous précipite dans une réédition de celles-ci.

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Guerre

Joe Biden ou comment Wilmington entend prendre la tête du monde

Depuis sa résidence, basée dans la petite ville des principaux sièges sociaux des ogres du capitalisme américain, le président élu Joe Biden a indiqué que son pays était prêt à conduire le monde. C’est naturellement vers la guerre contre la Chine que les États-Unis se dirigent.

Les États-Unis sont une superpuissance qui disposent de l’hégémonie à l’échelle mondiale depuis 1989 et comme ils sont au premier plan dans le capitalisme mondial, ils sont terriblement frappés par la crise ouverte à la fin de l’année 2019. Cela n’a fait qu’accélérer la considération qu’il fallait démanteler la Chine avant que celle-ci ne parvienne à un équilibre stratégique.

Donald Trump a représenté l’avènement de cette ligne et il serait erroné de penser que Joe Biden, le président élu, changera d’orientation. Celle-ci découle de la situation. Que voit-on d’ailleurs le 24 novembre 2020, alors que Joe Biden a nommé ses prochains secrétaire d’État, secrétaire de la sécurité intérieure du pays, conseiller de la sécurité nationale et envoyé spécial présidentiel pour le climat ? Qu’a-t-il dit ?

America is back

Joe Biden a dit : les États-Unis sont de retour (« America is back »). Ces propos ont été formulés en présentant son équipe dans la petite ville de Wilmington où il réside. Voici la phrase entière :

« C’est une équipe qui reflète que les États-Unis sont de retour, prêts à mener le monde [=to lead the world], pas à s’en retirer, à s’asseoir encore une fois à la table, prêt à se confronter à ses adversaires et pas à rejeter ses alliés, prêts à se lever pour défendre ses valeurs. »

C’est là ouvertement agressif. Les commentateurs américains ont tous compris d’ailleurs que cela signifiait que Joe Biden allait constituer un front pour pratiquer le rentre-dedans. Il n’est de toutes façons qu’une marionnette pour le complexe militaro-industriel américain et un pur produit du capitalisme américain : il est élu sénateur en 1972 ! Et pas n’importe où, au Delaware…

Le Delaware et Wilmington comme capitale des sièges sociaux des grandes entreprises américaines

Regardons ce qu’est Wilmington, où Joe Biden habite depuis la fin des années 1960 et où il a tenu sa conférence de presse, puisqu’il ne sera président que le 20 janvier. C’est une petite ville, de 70 000 habitants, mais la plus grande du Delaware, État américain qui sert de paradis fiscal. Elle héberge ainsi de nombreux sièges sociaux… beaucoup de sièges sociaux !

On a ainsi ceux de deux géants de la chimie : DuPont et Hercules Inc ; on a Alphabet qui est en fait le conglomérat Google, The Home Depot qui est un géant également dans la distribution d’équipement de maison. On a Kimberly-Clark, le groupe financier Wells Fargo, le conglomérat United Technologies, le laboratoire pharmaceutique Gilead Sciences, etc.

Si l’on prend les 500 plus grandes entreprises américaines, 60 % d’entre elles ont leur siège social à Wilmington !

Joe Biden, c’est l’homme de Wilmington, directement façonné par Wilmington, alors que Donald Trump était un animateur télé qui a réussi à animer les foules en faveur de la frange la plus agressive. Le déséquilibre est désormais terminé, mais pas aux dépens de la frange la plus agressive, c’est au contraire l’ensemble du capitalisme américain qui dit désormais : d’accord, on va au conflit, mais en gérant tous ensemble et comme on l’a toujours fait, et en essayant si possible de limiter la casse.

La tendance à la guerre va s’accélérer

Ce que va faire Joe Biden, c’est constituer un front et commencer à faire en sorte que les États-Unis interviennent avec d’autres, pour rétablir l’équilibre en sa faveur. L’idée est de compenser les faiblesses en pratiquant des alliances, là où Donald Trump représentait la ligne du cavalier seul. Non seulement cela ne suffira pas, mais en plus cela va ajouter de l’huile sur le feu de la bataille pour le repartage du monde.

Cela va bien entendu changer beaucoup de choses en France également. La ligne de Marine Le Pen ou de Jean-Luc Mélenchon, consistant en un appel au cavalier seul, perd alors beaucoup de valeur, puisque désormais la France peut tout naturellement s’aligner sur l’initiative américaine, maintenant ouverte aux alliances. Sans le savoir, la France vient de connaître un tournant : c’est un alignement direct sur la superpuissance américaine qui se profile.

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Guerre

Gauche française sur le Karabagh: balkanisation identitaire ou démocratie portée par le peuple?

Sur toute la crise du Nagorny-Karabagh, la Gauche française a lamentablement raté son devoir : affirmer ses valeurs et ses principes, c’est-à-dire la Démocratie et la Paix entre les peuples.

À de rares exceptions près, la Gauche française et l’opinion publique favorable à la paix ont attendu bien silencieusement la fin du conflit au Karabagh pour prendre position sur le fond. C’est tellement vrai qu’on a un « appel des artistes français en faveur de l’Arménie et de l’Artsakh » mis en avant par Le Figaro, en date du 20 novembre, soit alors que tout a été déjà plié politiquement, militairement et diplomatiquement depuis dix jours !

Cet appel, qui résume les Azerbaïdjanais à des monstres envahisseurs, n’est pas sans rappeler celui du 11 novembre et publié sur L’Obs : « Haut-Karabakh : pourquoi ce silence de la gauche occidentale ? ». Rappelons qu’on était là… déjà près de 48h après la capitulation de l’Arménie !

C’est que le problème est complexe et qu’il y a grosso modo trois camps.

Il y a ceux qui ont pris partie pour les vainqueurs, soit en ne disant rien, soit en pratiquant un suivisme sans aucun sens critique. On a vu des reportages de BFMTV, des articles du Monde même, reprendre presque mot pour mot la propagande de guerre du régime de Bakou. Ce dernier a évidemment forcément fait tourner à fond ses réseaux, ses distributions de pétro-dollars pour des « partenariats », de la corruption, etc.

Il y a ceux qui ont refusé la simplicité apparente d’une telle victoire et ont regardé vers l’inévitable horizon soviétique, puisque dès les années 1920, il y avait déjà trois fois plus d’Arméniens à Bakou et dans les grandes villes d’Azerbaïdjan qu’au seul Karabagh. Un Karabagh dont les Arméniens se tournaient vers la ville de Gandjak/Gəncə en Azerbaïdjan, bien plus alors qu’à la capitale arménienne qu’aucune route ne reliait au Karabagh. Stepanakert, la capitale du Karabagh que les nationalistes turcs veulent rebaptiser Xankəndi, s’appelle également ainsi en mémoire du plus grand révolutionnaire d’Azerbaïdjan, le bolchévik arménien Stepan Chahounian.

L’idée est alors rapidement formulée que l’URSS avait réussi à neutraliser les nationalismes et à instaurer des rapports productifs entre les peuples, grâce à Staline qui était, après tout, un Caucasien expert en nationalités. C’est la ligne « caucasienne » défendue par le PCF(mlm).

À l’opposé de cette lecture soviétique caucasienne typiquement années 1930-1950, le PCRF qui valorise l’URSS également après cette période considère que la situation a désormais changé et que les Arméniens du Karabagh portent désormais un mouvement de libération nationale. Il faut donc l’auto-détermination, mais sans tomber dans les jeux « impérialistes ».

Le PCF dit quant à lui la même chose que le PCRF, mais en appelant, en plus de la reconnaissance de la « République d’Artsakh », à sa « mise en protection internationale » : il faudrait que l’Union européenne et la France s’en mêlent. C’est notamment le sénateur Pierre Ouzoulias qui a tenté d’organiser un petit mouvement, en se mettant à la remorque du nationalisme arménien et en s’appuyant sur l’orientalisme français. Il n’hésite par exemple pas à accorder des entretiens à la revue nationaliste chauvine arménienne « Nouvelle d’Arménie » (dont le site internet s’appelle « armenews »).

C’est que le PCF mène en ce moment justement, ou tente de mener, un retour sur le devant de la scène « géopolitique ». On devine qu’il s’agit d’appuyer la France contre la Russie. Le samedi 21 novembre, le ministre russe de la Défense Sergueï Choïgou était d’ailleurs dans la capitale arménienne pour rencontrer le Premier Ministre arménien Nikol Pachinian et le chef du ministère de la Défense de la République arménienne Vagharshak Harutyunyan. Le premier ministre arménien, élu à l’origine pour s’opposer à la Russie, a naturellement expliqué qu’il fallait renforcer la coopération avec la Russie pour la sécurité, les questions militaires, etc.

Or, cet appel à l’intervention française converge avec le troisième camp, composé de ceux qui cherchent à diffuser le nationalisme et la religiosité. Il y a une vaste opération de la part de la Droite, bien aidée évidemment par les nationalistes arméniens fanatiquement pro-religieux, pour lancer des appels à soutenir « l’Arménie rempart de l’Occident chrétien ». L’idée, c’est de présenter l’affrontement ayant eu lieu au sujet du Karabagh comme le modèle réduit d’un affrontement mondial étant la seule véritable actualité.

Le résultat de toute cette stratégie, de toute cette agitation, c’est une proposition de reconnaissance de la « République d’Artsakh » enregistrée le 18 novembre au Sénat, portée par Bruno Retailleau, président du groupe républicain au Sénat. Il l’a présenté comme suit dans un message sur Twitter :

« Le 25 novembre, le Sénat examinera une résolution proposant la reconnaissance par la République française de la République d’Artsakh. Seule son indépendance peut garantir durablement les droits et libertés des populations du Haut Karabakh face à l’expansionnisme islamiste turc. »

On a ici une vraie question de fond. Faut-il, pour une raison ou une autre, soutenir la tendance à la balkanisation identitaire avec à l’arrière-plan les jeux des grandes puissances… ou faut-il croire en la Démocratie, en la capacité du peuple, de tous les peuples, à la porter ?

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Société

GPA: pourquoi la Gauche doit signer le manifeste latino-américain contre l’exploitation reproductive

Le 14 novembre, la Coalition Internationale pour l’Abolition de la Maternité de Substitution (CIAMS) et une centaine d’autres organisations féministes de part le monde ont publié un manifeste contre la GPA. C’est un document important, et les organisations de la Gauche française devraient le diffuser et le signer.

En France, le sujet de la GPA est très peu soulevé par les organisations de gauche, avec au fond l’idée que ce n’est pas vraiment d’actualité. La révision de la loi bioéthique a écarté officiellement la GPA et il est considéré que ce n’est plus un problème.

Pourtant, ce n’est par parce que la loi bioéthique l’exclu que le danger d’une réglementation de la GPA est nul, ni que cela n’existe pas.

En effet, la réglementation pourrait bien être facilitée par le biais international des travaux de la conférence de la Haye, plutôt que de dépendre uniquement d’un agenda politique national.

Et surtout, malgré l’illégalité de la pratique, entre 200 et 300 nourrissons issus de GPA arrivent en France chaque année. La justice française, à de nombreuses reprise, s’est d’ailleurs pliée face à cette pratique illégale en reconnaissant de soit-disant « parents d’intention ». L’exploitation du corps de femmes et le trafic d’enfant, c’est donc une réalité concrète concernant la France, un problème dont il faut se saisir dès maintenant.

Parmi les partis politiques qui se situent dans le champs de la gauche, au sens large, Europe Écologie-Les Verts est celui qui se range le plus en faveur de la GPA. Au sein du PS ou de groupes comme Place Publique, Génération-s, cela fait débat, il est de toutes façon très difficile de trouver des positions collectives assumées chez ces partis, qui sont largement dominés par le libéralisme. C’est uniquement du côté de la Gauche « rouge » que l’on a une opposition ferme et collective inscrite dans la ligne politique : PCF, NPA, PRCF, UCL, PG, PCF(MLM) ou encore la Fédération Anarchiste. On retrouve également une opposition à la GPA du côté des populistes de la France insoumise, qui viennent de la Gauche.

La Gauche doit donc arrêter de tergiverser et se pencher sérieusement sur cette question, non pas du point de vue du désir individuel, mais de celui de la réalité de l’exploitation des femmes pour leurs utérus et leurs ovules et de la mainmise du capitalisme sur la reproduction.

Une autre raison pour laquelle il faut signer ce manifeste est que la GPA est d’ores et déjà une pratique internationale, avec les États-Uni à un pôle (GPA de luxe), les pays de l’Est et l’Asie à un autre (GPA low cost). Le manifeste a été initié par des organisations féministes d’Amérique Latine qui sont face à des tentatives de légalisation. Il ne fait aucun doute que pour les chaînes de cliniques États-Uniennes comme Ovation Fertility, les pays d’Amérique du Sud représentent une manne potentielle pour l’exploitation de femmes précaires.

Il faut non-seulement s’opposer à la GPA dans son propre pays, mais aussi soutenir l’opposition dans les pays pauvres et dépendants, par solidarité internationale. De toutes façons, les 300 bébés par an en France ne viennent pas de nulle part !

> Consulter et Signer le Manifeste ici <

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Les Arméniens de France doivent se placer sous le drapeau de la démocratie, ici et en Orient

La Gauche française sait qu’il faut observer l’Orient avec attention. Et ceux et celles qui sont dans la perspective de la Gauche historique constatent depuis le début du conflit qui a ravagé le Karabagh arménien que le nationalisme turc comme le nationalisme arménien, en dépit d’une évidente dissymétrie, sont néanmoins les deux faces de la même pièce.

Si le nationalisme turc du régime d’Aliev et celui du régime d’Erdogan portent au premier rang la responsabilité de l’épuration ethnique en cours au Karabagh arménien, le nationalisme arménien a aussi une lourde responsabilité dans ce processus, qu’il est impossible, et criminel, de contourner. Prenons le temps ici de développer cette affirmation en s’adressant aux Arméniens de France.

La communauté arménienne de France est concrètement divisée en deux ensembles relativement différents. D’abord, il y a un bloc issu des réfugiés ottomans ayant fuit le Génocide, les persécutions de la Première Guerre mondiale et de ses suites, parlant formellement, quand ils le connaissent, l’arménien ottoman (dit « occidental » ou Արեւմտահայերէն).

Ceux-là sont le plus souvent très intégrés au reste de la société française et actif essentiellement sur le plan associatif en matière culturelle ou par l’organisation d’œuvres caritatives et solidaires, avec un goût prononcé pour l’expression intellectuelle de leur appartenance nationale. Mais en raison de leur histoire comme du cadre national français dans lequel ils se sont construit comme minorité nationale, ils cèdent trop souvent à l’essentialisme et au romantisme idéalisé.

Timbre arménien de 2015 en l’honneur de Missak Manouchian, une figure arménienne du mouvement communiste en France et de sa Résistance

Il y a ensuite, un ensemble plus récent composé de migrants venus de la République d’Arménie depuis 1991 et parlant la variante dite « orientale » de l’arménien ou Արևելահայերեն. Cette seconde population est souvent plus communautaire, exprimant aussi plus volontiers un nationalisme chauvin visible, parfois outrancier et formellement militarisé. Toutefois, c’est souvent pour fuir justement le régime corrompu et militarisé de Yerevan, ainsi que les dangers du service militaire pour leurs jeunes garçons, qu’ils ont décidé de quitter l’Arménie.

Si ces deux composantes sont différentes sur bien des plans, elles ont logiquement communié dans leur réaction face à la tragédie du Karabagh. Notons qu’elles appellent souvent à utiliser le terme Artsakh a toutes les sauces – depuis que les séparatistes arméniens du Karabagh ont décidé de proclamer sous ce nom l’indépendance de leur territoire – comme solution romantique à l’impasse dans laquelle le séparatisme a jeté le Karabagh arménien depuis 1994. Il y a une idéalisation de l’Arménie d’un passé lointain.

Leur détresse commune face à l’effondrement de celui-ci vient d’abord de l’écho épouvantable du Génocide de 1915 et des persécutions qui ont encore suivies la Première Guerre mondiale. Forcément la brutalité de ce drame actuel renvoie au Génocide : encore une fois il est question d’une volonté d’exterminer la nation arménienne sur son sol, encore une fois c’est un nationalisme turc qui accomplit cette extermination.

On pourrait toujours dire que les destructions et les victimes sont sans commune mesure avec l’ampleur du Génocide de 1915 (que les Arméniens appellent la « Grande Catastrophe »). Mais les effets qualitatifs sont exactement les mêmes et prolongent en effet l’effondrement de l’Empire ottoman, dont ne sont sortis ni les Arméniens, ni les Turcs, ni même l’ensemble des peuples orientaux en réalité.

L’empire ottoman à son apogée

La brutalité des nationalistes turcs, leur racisme forcené à l’égard des Arméniens et le fait surtout qu’ils nient obstinément et jusqu’à l’absurde tous les crimes des régimes génocidaires les ayant précédés (et pire encore qu’ils entendent poursuivre sans relâche) constituent un mur de haine sur lequel la douleur arménienne se fracasse. Ainsi sont bloquées les perspectives de réconciliation, l’élan de la culture et de la démocratie, que recherchent pourtant très largement l’immense majorité des Arméniens avec une grande dignité. C’est la dignité de cette quête qui vaut en grande partie la sympathie très largement partagée au sein des masses françaises pour cette composante de sa population.

Les Français apprécient énormément les Arméniens, ils respectent leur douleur. C’est un fait indéniable.

Cependant, face au nationalisme turc outrancier, les Arméniens ont raté leur rendez-vous avec l’universel. Et particulièrement en France ! Ce qui est un échec terrible qu’il faut analyser pour le corriger. Face au nationalisme turc et au traumatisme non réparé du Génocide, les Arméniens, même en France, ne sont pas parvenus à aller à la Démocratie, à la réconciliation et à développer un processus de rencontre avec les Turcs. La question du Karabagh en particulier a ici profondément pesé dans ce processus.

Face au nationalisme turc, les Arméniens, même en France, ont symétriquement développé pour eux-mêmes un nationalisme similaire, recyclant à leur manière l’Ancien Régime ottoman par lequel les Arméniens se sont constitués historiquement en tant que nationalité, se piégeant dans un face à face dissymétrique et sans issue, qui alimente l’épouvantable processus qui mène à leur propre destruction au bout du compte.

Des exemples des propos occidentalistes d’une lettre ouverte au ministre des Affaires étrangères, publiée dans Marianne et écrite par Robert Guédiguian , Simon Abkarian et Serge Avédikian, du milieu du cinéma français,

Sans qu’il soit ici question de développer la question du nationalisme arménien en tant que tel, il s’agit de voir quels ont été ses effets sur les Arméniens de France. Dans les grandes lignes, il a abouti à développer deux postulats aussi erronés l’un que l’autre qui ont progressivement mais implacablement piégé les Arméniens pour les conduire au gouffre dans lequel les Arméniens du Karabagh ont été précipités, et qui pourrait entraîner ensuite l’État arménien lui-même si rien n’est fait pour enrayer cette sinistre spirale.

Le premier de ces postulats, est la nécessité pseudo-existentielle d’une « Grande Arménie » sur le plan géographique, comme reflet d’une « Arménie éternelle » sur le plan historique.

À proprement parler, il est tenu pour évident que des choses historiquement aussi différentes que le royaume persan hellénisé des Artaxiades comme Tigrane le Grand, ceux des Parthes Aracides d’Arménie, des Bagratuni et de leurs successeurs, y compris en Géorgie d’ailleurs ou dans les émirats kurdes voisins, ou encore le royaume arménien de Cilicie relèveraient d’une seule et même chose : tout cela ce serait l’Arménie.

Plus exactement, cela est posé comme base de la légitimité territoriale à constituer une « Grande Arménie » à notre époque. Ce qui est nié par contre, c’est toute la période ottomane, à l’exception du Génocide, et toute la période soviétique, entre la courte indépendance de l’Arménie nationale autour de Yerevan, et l’indépendance de la RSS d’Arménie en 1991.

Carte de l’Arménie à l’apogée de son expansion sous la dynastie des Artaxiades, influencée par les Perses et les Hellènes (Source : Wikipedia)

Il y a ici toute une vue dominée par la géopolitique, prolongeant l’agression impérialiste sur l’Orient menée par les puissances capitalistes d’Europe occidentale à partir du XIXe siècle.

La France pour ce qui nous concerne, avec ses institutions comme l’INALCO notamment, a conduit une vaste offensive culturelle appuyant le développement du nationalisme arménien, en lui donnant une base scientifique et formellement pseudo-rationnelle de grande envergure. Par exemple, le rôle de la Revue des Études Arméniennes fondé par les linguistiques Frédéric Macler et Antoine Meillet en 1920 à Paris, est significatif de ce romantisme idéalisant l’Arménie. Quand on sait aussi que le fanatique des indo-européens Georges Dumézil en a aussi été le directeur, on aura en réalité tout dit.

Cela ne veut pas dire que cet effort savant n’a pas produit des avancées de grande valeur, mais il a alimenté depuis le début sur le plan culturel le nationalisme arménien dans ce qu’il avait de plus chauvin. Ni plus ni moins.

Le Traité de Sèvres de 1920 justement est la traduction politique de cette vue française sur l’Arménie. Le tracé de celle-ci sur la dépouille de l’Empire ottoman vaincu, dont le refus sera à la base du nationalisme revanchard de Mustafa Kemal, le futur Atatürk, est ce qui a entraîné ensuite la fondation en 1924 de la République de Turquie, à la fois comme liquidation de l’Empire ottoman et comme refus du Traité de Sèvres. Et donc aussi forcément de la « Grande Arménie ».

Le face à face du nationalisme turc et du nationalisme arménien part en réalité de ce point, qui conditionne toute la relecture ensuite du passé, y compris du Génocide, qui devrait tout légitimer pour les uns et qui doit totalement être nié pour les autres.

Seule la Révolution soviétique a permis de rompre avec cet engrenage destructeur, mais de manière incomplète. La Guerre Froide a permis de poursuivre le développement de ces nationalismes orientaux, soutenus par les impérialismes selon les intérêts du moment. Cela d’autant mieux qu’en URSS même, une fois devenue expansionniste dans les années 1950-1960, a entraîné le développement d’expressions nationalistes chauvines dans tout le pays, autant appuyées par des organisations dissidentes que par des oligarques corrompus. Mais toute cette dynamique décadente a été vu en Occident comme un « réveil » national et démocratique.

À l’indépendance en 1991, la question du Karabagh était devenue brûlante. Le fait que des Arméniens y faisaient face à des Turcs avait aussi tout pour galvaniser les Arméniens français dans leur nationalisme. La focalisation sur le territoire a aussi entraîné des effets terribles pour les Arméniens soviétiques, dont un tiers vivaient hors de la RSS d’Arménie, comme le montre le tableau suivant.

Mais ce qui comptait plus que tout, c’était l’orgueil territorial. Le développement des Arméniens hors de la République soviétique n’a jamais eu aucune importance pour les Arméniens de France, et rien n’a donc été fait pour sauver les Arméniens d’Azerbaïdjan ! Il y a eu simplement un appui romantique au séparatisme du Karabagh, comme seule solution aux pogroms et au nationalisme exterminateur qui se développait à Bakou. À partir de là, en dépit de la victoire arménienne, la polarisation n’a fait que se renforcer, jusqu’à l’effondrement actuel du Karabagh arménien.

On en est revenu donc aux années 1920 dans le Caucase sur le plan politique. Mais en pire, forcément. Seule la Géorgie a pu, bien difficilement, conserver la tentative démocratique d’unir les nationalités caucasiennes dans une nation commune qu’avait construit l’Union soviétique. Y compris d’ailleurs avec une communauté arménienne forte, majoritaire même au Javakh, région à la frontière de l’Arménie.

Mais la tentative démocratique soviétique a été vue toute entière par les Arméniens de France comme une « colonisation » impériale. Une lecture que les courants post-modernes depuis les années 1970 n’ont bien sûr pas manqué d’appuyer. Et la remise en cause de ces « frontières » a été comprise comme une émancipation. Il était donc convenu qu’Arméniens et Turcs ne pouvaient cohabiter, sinon à titre exceptionnel, et que la séparation territoriale devait être la règle.

Et comme corollaire à la chimérique « Grande Arménie » à reconquérir, le séparatisme territorial s’est doublé de la certitude de l’impossibilité, malheureuse mais « pragmatique », à construire une vie commune avec les Turcs. Là aussi, le passé soviétique en particulier met en défaut cette évidence nationaliste. Cela est si vrai que l’on peut entendre les arméniens nationalistes de France à la fois dénoncer les « frontières machiavéliques de Staline » tout en soulignant la nostalgie, incontournable pour qui connaît l’Arménie post-soviétique, de la vie commune et pacifique permise aussi longtemps que l’URSS a porté la ligne d’unité démocratique des peuples caucasiens.

On ne voit pour ainsi dire jamais les Arméniens de France mettre en avant dans leur presse ou dans leurs productions l’existence des Turcs d’Arménie, qui constituaient une composante de l’Arménie soviétique, tout comme les Arméniens en constituaient une de l’Azerbaïdjan ou de la Géorgie soviétique… Sinon pour dire que ces composantes aurait du être séparées territorialement et que cette ségrégation aurait évité les guerres actuelles !

Mais en fait, l’existence du peuple arménien comme nationalité ne se résume pas à une question territoriale, tout comme l’auto-détermination ne se résume à l’indépendance d’un État arménien qui rassemblerait tous les Arméniens. S’il faut défendre l’État arménien, il faut aussi penser la situation des Arméniens hors de cet État. Et cela il faut le penser sur le plan territorial comme sur le plan culturel, dans le cadre des nations voisines dont les Arméniens ne sont pas séparés, mais dont ils sont une composante indiscutable. Tout comme les autres minorités nationales, particulièrement les Azéris, auraient du être des composantes de l’État arménien.

Sur ce point, si on peut reprocher une chose aux « frontières » soviétiques, qui n’en étaient d’ailleurs pas fondamentalement, ce n’est pas d’avoir « disperser » les Arméniens, mais de ne pas avoir réussi à dépasser définitivement les chauvinismes des uns et des autres.

Troupe de théâtre azérie de l’Opéra d’État de Yerevan en 1939

On entend aussi jamais parler des liens culturels justement des Arméniens et de leurs voisins, en particulier Azéris, visibles dans la musique, ou encore la cuisine par exemple. Mais si on ne met jamais en avant cette base, cet héritage commun, et en particulier la valeur démocratique du passé soviétique, alors que reste-t-il ?

Il reste très exactement la situation actuelle qui en est la conséquence : il faudrait la Grande Arménie, séparée de la Turquie et de ses satellites, mais il ne faudrait pas la guerre. Il faudrait effacer l’héritage et les liens nationaux entre Arméniens et Turcs, mais il ne faudrait pas le racisme. Il faudrait le Karabagh, mais il le faudrait sans les Turcs. Il faudrait l’Arménie libre, sans le joug de la Russie, mais il faudrait que les Occidentaux s’en mêlent. Il faudrait se battre à mort pour la patrie, mais sans que la jeunesse n’en paie le prix.

A vrai dire, ce dernier point a été même sans doute le plus grand désaveu du nationalisme arménien. Malgré les appels aux volontaires face à l’agression du régime d’Aliev, il n’y a pas eu de « levée en masse » ou de milliers de volontaires prêts à faire barrage à l’Azerbaïdjan. Les illusions romantiques du nationalisme arménien se sont ici heurtées à une dure réalité : il n’y a pas eu de guerre populaire, la jeunesse arménienne n’a pas voulu mourir pour le Karabagh. Le nationalisme arménien était un tigre de papier, il a oublié que seules les masses comptent. Il leur a tourné le dos pour s’élancer dans ses chimères à toute force, pensant que les masses suivraient. Cela n’a pas été le cas. Impossible de contourner ce fait.

Vive la prospérité et la vie culturelle des kolkhozes et des kolkhoziens! (1938)

À la vérité, ce qui réparera le Génocide des Arméniens, ce n’est pas le projet impérialiste de dessiner des frontières injustes pour s’appuyer sur les uns contre les autres, jouant artistiquement des flatteries et des ressentiments comme savent si bien le faire les géopolitologues bourgeois. Ce qui libérera les Arméniens ce n’est pas le séparatisme territorial niant la vie commune et bloquant toutes perspectives d’avenir en offrant à la jeunesse qu’une vie en enclos, au milieu du militarisme et de la corruption, en attendant la prochaine apocalypse.

Ce qui permettra l’auto-détermination des Arméniens ce n’est pas le chauvinisme national et ses délires démagogiques précipitant le peuple arménien dans l’abîme par un face à face orgueilleux et suicidaire avec le nationalisme turc.

Ce qu’il faut en défense des Arméniens et de l’Arménie, c’est produire une Nouvelle Démocratie, rompant avec le séparatisme forcené, rompant avec les illusions impériales de la Grande Arménie, rompant donc aussi avec le romantisme appuyée par l’orientalisme français. C’est aussi défendre l’État arménien et les minorités nationales arméniennes qui composent les autres États d’Orient dans le cadre d’une affirmation de l’universel et de la fraternité entre les peuples.

Il est impossible d’oublier l’Orient pour qui veut défendre la Démocratie et le droit des peuples. Face aux exigences de notre époque, les Arméniens de France doivent être à la hauteur et rejoindre l’avant-garde qui combat pour affirmer ce futur. Il en va du sort des Arméniens, de l’Arménie, comme du sort du monde !

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Les réactions internationales à l’effondrement du Karabagh arménien: un pas en avant vers la guerre générale

La guerre au Karabagh, l’effondrement de l’organisation de la population arménienne de celui-ci lors du conflit ainsi que la victoire de l’Azerbaïdjan, largement appuyé par la Turquie, constitue une nouvelle étape de la désagrégation de l’Orient.

Celui-ci qui se fracture toujours plus en bloc aux contours de plus en plus nets. La crise capitaliste qui se généralise et que traversent les puissances impérialistes accélère la décomposition des sociétés orientales.

Celles-ci, déjà très fragiles, sont déstabilisés toujours plus, précipitant toujours plus loin les régimes corrompus et militarisés de ces pays dans la fuite en avant nationaliste et guerrière. En observant les conséquences et les réactions internationales à la fin de ce conflit, on voit ainsi se dessiner les tendances contre lesquelles la Gauche doit lutter sur le plan international.

En Arménie et en Azerbaïdjan : le renforcement du nationalisme chauvin

La guerre a eu d’abord pour double effet de sidérer et de galvaniser les masses populaires en Arménie. La capitulation, qui était de toute façon inévitable au vue du rapport de force et de la situation militaire, ainsi que la lourde défaite, ont sidéré les populations arméniennes du Karabagh qui ont dû se réfugier en Arménie au cours de la guerre. La détresse est particulièrement vive bien sûr concernant les habitants des villages ravagés par l’armée azerbaïdjanaise et désormais annexés, et en particulier pour les habitants de Shushi, qui ont absolument tout perdu.

Mais d’une manière générale, l’ensemble des Arméniens du Karabagh sont effondrés. La brutalité de la conquête, tout comme les perspectives totalement bloquées, alors que la situation antérieure était déjà particulièrement difficile, ne laissent pas de place à l’espoir. La cohabitation avec les futurs colons azéris ou turcs et les exactions redoutées à juste titre, comme les pressions et le progressif étranglement du territoire que redoutent les réfugiés, les poussent à se résigner à ne pas revenir dans leur foyer ou à planifier un exode définitif.

Le mur implacable de ces blocages est cependant totalement nié par une partie de la société arménienne, galvanisée et aveuglée par tout le socle des mensonges et des prétentions nationalistes grandiloquentes entretenues depuis des années et des années. L’opposition pro-russe, appuyée par les oligarques que le soulèvement de 2018 avait bousculés, se montre particulièrement offensive, et cherche à mettre toute la défaite sur le compte de Nikol Pashniyan, le dirigeant actuel, qui avait incarné le rejet du régime militariste pro-russe et corrompu, sur une ligne libéral-nationale. Les dirigeants des partis d’opposition appellent désormais ouvertement au renversement de Pashinyan et au coup d’État.

Symétriquement, la société azerbaïdjanaise est elle aussi galvanisée par son propre chauvinisme. La victoire de son armée et notamment la prise hautement symbolique de Shushi a été fêté avec une grande ferveur nationaliste dans les grandes villes. Il est certain que là aussi c’est l’aile la plus chauvine qui se renforce, au sein d’un régime déjà particulièrement nationaliste et raciste à l’égard des Arméniens.

Le discours du Président Ilham Aliev annonçant la victoire est bien entendu complètement allé dans ce sens, appuyant autant qu’il l’a pu l’humiliation des Arméniens et renforçant le sentiment chauvin flattant les préjugés suprématistes les plus caricaturaux, y compris en un sens religieux. Rien bien entendu n’a été dit de ce côté des réfugiés arméniens, des mines antipersonnel, des destructions et des morts, ni du devenir du patrimoine culturel. La perspective d’une réconciliation est ici tout simplement évacuée au profit de la rhétorique martiale de l’écrasement génocidaire. Il n’est pas question d’autre chose que de « faire payer » les Arméniens, de les chasser « comme des chiens » du territoire reconquis.

Le premier ministre arménien et le président azerbaïdjanais Ilham Aliyev lors de la conférence de Davos, en janvier 2019, la photographie étant diffusé par le bureau de la présidence d’Azerbaïdjan.

Cependant, il faut dire aussi que la propagande de guerre azerbaïdjanaise a joué aussi sur un autre ressort, celui de la nostalgie du passé soviétique. Le député Tural Ganjaliyev, représentant au Parlement azerbaïdjanais le territoire séparatiste du Karabagh, a lancé un appel à la réconciliation nationale et a voulu assurer aux Arméniens du Karabagh que la reconquête n’avait pas de perspective d’épuration ethnique, que les biens, le patrimoine culturel tout comme les personnes seraient protégés et que la vie commune reprendrait comme lors des temps les plus pacifiques de l’époque soviétique. Il a mobilisé pour cela des images très concrètes :

« Nous n’avons pas oublié nos anciens jouant au nardik [très similaire au backgammon] sous les arbres ou autour d’un thé.

Nous n’avons pas oublié les gens se promenant ensembles dans les parcs, flânant dans les cafés, les restaurants, dans le bon air de nos montagnes.

Nous n’avons pas oublié la participation commune des athlètes arméniens et azeris dans les compétitions sportives. Nous n’avons pas oublié les jours où nous partagions ensemble les joies et les peines des uns et des autres ».

Un tel discours qui tranche avec les provocations outrancière du Président Ilham Aliev et avec la réalité du terrain, s’explique par la profonde empreinte démocratique de l’époque soviétique sur l’Azerbaïdjan, et d’ailleurs aussi sur l’Arménie, qui n’existe plus que comme nostalgie, mais qui constitue néanmoins une base très concrète pour faire pièce au chauvine racial ou nationaliste qui se développe avec l’appui du régime.

Sur ce point, il faut aussi avoir à l’esprit que contrairement à l’Arménie, l’Azerbaïdjan n’est pas un État ethnique, et que le chauvinisme turc porté par Ilham Aliev, et plus encore par la faction pan-touranienne de son épouse, n’a pas une prise totale sur la société azerbaïdjanaise, qui sans forcément se sentir concernée par les offenses racistes visant les Arméniens, par exemple l’interdiction depuis 2002 de porter un nom en –yan pour les citoyens nationaux, ne voit pas pour autant d’un bon oeil les manifestations trop ouvertes de chauvinisme turc.

Les réactions internationales à la fin du conflit : vers une logique de bloc contre bloc

À l’étranger, la victoire azerbaïdjanaise a aussi été saluée bien entendu par le gouvernement de la République de Turquie. Mais malgré l’engagement très clair au côté de l’Azerbaïdjan, cela n’a eu aucun effet populaire significatif, malgré les accents là aussi ultra-chauvins de l’exécutif turc. Il est à remarquer toutefois que pratiquement tous les ministres du gouvernement turc y sont allés de leur déclaration, saluant une victoire qui rendrait « sa fierté aux Turcs du monde entier » selon le Ministre des Affaires Étrangères Mevlut Cavusoglu. Pas moins.

Le Président Recep Tayyip Erdogan, a lancé concrètement tout un programme devant appuyer la colonisation des terres conquises et l’épuration ethnique et culturelle appelé : « Souffle pour l’avenir, souffle pour la Terre », que chaque ministre du gouvernement est appelé à décliner selon son domaine de compétence, y compris dans le domaine des services de sécurité… D’abord dans ce domaine même à n’en pas douter! Ainsi le 10 novembre étaient déjà en visite en Azerbaïdjan plusieurs figures étatiques turques : le ministre des affaires étrangères Mevlüt Çavuşoğlu, le ministre de la défense Hulusi Akar, le chef des services secrets Hakan Fidan.

La photo officielle de la rencontre turco-azerbaïdjanaise, publiée par la présidence d’Azerbaïdjan

Sur ce point néanmoins, la Russie opère un retour offensif particulièrement marqué. L’armée russe avait déjà le contrôle de la frontière entre l’Arménie et la Turquie et une énorme base militaire dans le nord de l’Arménie, à Gyumri, historiquement le point d’appui de l’occupation russe au Sud-Caucase, qui avait doublé ses capacités déjà en 2019.

Elle obtient désormais le contrôle des frontières avec l’Azerbaïdjan, et le déploiement pour 5 ans renouvelable d’un contingent de plusieurs milliers de soldats au Karabagh, dans la partie restée arménienne et sur les principaux points d’accès restants. En outre, le régime russe ne peut que se satisfaire des effets de la capitulation arménienne sur la politique intérieure arménienne, puisque les velléités portées par le régime de Pashinyan, bousculé déjà depuis le début de l’année par l’opposition, ont perdu leur crédibilité au profit des nationalistes pro-russes. La satellisation de l’Arménie n’a jamais était aussi complète depuis son indépendance.

En Azerbaïdjan aussi la Russie consolide ses positions, puisqu’elle apparaît comme le meilleur pendant à une influence trop prononcée de la Turquie qui n’est pas du goût de toute la société, y compris dans l’encadrement militaire. Sur le plan militaire, la Turquie compte néanmoins accroître son influence et sa présence au Nakhitchevan, dans les parties reconquises du Karabagh et sur le corridor d’accès devant traversé le Zanguézour arménien.

Sev Ghul , la sentinelle noire, forteresse russe construite en 1834 et désormais sur la base militaire russe de Gyumri

En Iran, si le régime a pris position durant la guerre plutôt en faveur de l’Azerbaïdjan, dans le sens de la reconnaissance de ses frontières légitimes, aucun soutien militaire ou diplomatique significatif n’a pour autant été apporté au régime de Bakou. Le ministère des Affaires étrangères iranien a apporté sont total soutien à la solution russe et au déploiement de soldats russes au Karabagh.

Il a mollement appuyé la nécessité de voir les réfugiés arméniens revenir sur les terres conquises et appelé au respect de leurs droits, rappelant au passage ses liens avec l’Arménie et le fait que des Azéris et de Arméniens cohabitaient pacifiquement en Iran (les premiers formant au moins 15% de la population, les seconds moins de 1%). La principale source d’inquiétude de l’Iran vient de l’influence turque et de l’envoi de mercenaires jihadistes, Téhéran ayant appelé fermement au renvoi de ces milices. La presse iranienne a sobrement rendu compte de l’accord de paix, soulignant davantage le désarroi arménien, avec une sympathie manifeste, que la victoire azerbaïdjanaise et ses élans outranciers.

En Orient, seul le Qatar s’est réjouit à la victoire de l’Azerbaïdjan, mais cela ne constitue pas une surprise au vue des liens stratégiques entre ce pays et la Turquie. Au contraire, l’Égypte s’inquiète et condamne l’expansionnisme d’Ankara et son influence au Sud-Caucase, comme ailleurs en Orient. Malgré leur rhétorique islamique, les nationalistes turcs et leurs alliés azéris voit donc se consolider face à eux au moins deux blocs parmi leurs voisins : l’un emmené par l’Iran, derrière lequel se trouve aussi la Russie et la Chine au-delà, et l’autre autour de l’Égypte, de l’Arabie Saoudite et des Émirats, dans lequel Israël s’intègre de plus en plus, compliquant son soutien jusque-là constant à Ankara et à Bakou.

Photo de l’interview du président d’Azerbaïdjan par le Figaro, publiée par la présidence d’Azerbaïdjan

Les puissances occidentales semblent être pour le moment hors jeu. L’expansionnisme agressif de la Turquie s’est élancé de manière unilatérale, et entame partout la solidité des liens du régime avec ses alliés occidentaux. Le soutien militaire, notamment de la France, se tourne de plus en plus vers le bloc autour de l’Égypte et de ses alliés du Golfe. Dans cette perspective, le conflit du Karabagh n’est pas une menace prioritaire, d’autant qu’il fragilise aussi l’Iran indirectement. Mais l’accroissement de l’influence turque et son agressivité démultipliée pose forcément problème. Il est aussi à voir quelle orientation prendra la diplomatie américaine dans cette région.

Ce qui est clair, c’est que des blocs se dessinent toujours plus nettement, et ce conflit marque une étape inquiétante dans ce sens, dans celui de la marche à la guerre.

Avec la crise, et cela partout, les régimes nationalistes et chauvins, le militarisme et sa rhétorique, apparaissent comme renforcés, au détriment des peuples, de leur existence, et d’abord ici bien sûr au détriment des Arméniens du Karabagh. Mais plus généralement, c’est le piège du nationalisme agressif, c’est la mâchoire terrifiante de la guerre qui avance dans toutes les directions. L’échec des « printemps arabes » (poussé par le Qatar) et en particulier la guerre civile en Syrie avait ouvert un terrible brèche en ce sens. Mais il faut avoir conscience qu’une étape est ici franchie, impliquant des invasions, l’expansionnisme en mode « impérial » dont la Turquie est ici un exemple particulièrement agressif, et la constitution de blocs. C’est la tendance marquante sortant naturellement de la crise.

La Gauche a maintenant une responsabilité historique : elle doit déjouer cet engrenage, affirmer le droit à l’auto-détermination des peuples dans une perspective démocratique et pacifique, dénoncer tous les nationalismes, démonter tous les chauvinismes et refuser la fuite en avant criminelle et suicidaire dans la guerre, bloquer les jeux des puissances impérialistes ou expansionnistes et leur géopolitique militaire et tyrannique, qui partout bloque la paix, dresse des murs et des barbelés entre les peuples, jette les uns sur les routes, détruit, pille, conquiert et galvanise les autres dans des « victoires » dans lesquelles toutes les valeurs de notre commune Humanité s’effondrent.

En un mot, la Gauche se doit de réaffirmer l’Internationale et la Démocratie Populaire, comme seul et unique rempart à la barbarie qui avance !

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Guerre

La cisjordanisation du Karabagh arménien

Ce qui reste de la « République d’Artsakh » va connaître un processus d’étouffement et de satellisation, de manière similaire à ce que va connaître l’Arménie.

Le premier ministre arménien, Nikol Pachinian, a tenu un discours le 12 novembre 2020, où il est absolument clair sur le fait que l’Azerbaïdjan a gagné militairement et qu’il s’agissait, au moyen d’un accord, de tenter de sauver ce qui pouvait l’être. Il expose de la manière suivante la situation :

« Le président de l’Artsakh a averti que, si les hostilités ne s’arrêtaient pas, nous pourrions perdre Stepanakert en quelques jours et, selon certains scénarios, même en quelques heures (…).

Si nous avions perdu Stepanakert, qui, comme le président de l’Artsakh Arayik Harutyunyan l’a déjà confirmé dans ses remarques publiques, était dans l’ensemble sans défense à l’époque, alors Askeran et Martakert auraient été perdus de manière prévisible et inévitable.

Tout simplement parce que ces villes étaient à l’arrière au moment où la guerre a commencé car elles étaient assez éloignées de la ligne de front et manquaient de structures défensives et de fortifications. Il n’y avait pas non plus assez de forces combattantes capables de défendre ces villes.

Et que se passerait-il après la chute de ces villes ? Les deuxième, troisième, quatrième, cinquième, sixième, septième défenses de l’armée de défense seraient assiégées par l’ennemi, ce qui signifie que plus de 20000 soldats et officiers arméniens auraient pu se retrouver encerclés par les troupes ennemies, risquant inévitablement d’être tués ou capturés. Dans ces conditions, bien entendu, la chute des régions de Karvachar et Kashatagh aurait été inévitable, conduisant à une catastrophe complète. »

Le premier ministre arménien explique pourtant en même temps à l’opinion publique arménienne que la « République d’Artsakh » aurait désormais davantage de chance d’être reconnue. C’est évidemment mensonger et ne vise qu’à calmer une très grande agitation nationaliste en Arménie. L’opposition est vent debout et le même jour que le discours, ses dirigeants ont été arrêtés.

Ce qui est réclamé, c’est ni plus ni moins que le retrait des forces russes d’interposition et la reprise d’une guerre censée repousser l’Azerbaïdjan et reprendre les territoires perdus, conformément aux plans d’une « grande Arménie ».

Tout cela relève de la fiction, une fiction largement partagée dans la diaspora, le média français armenews.com (Nouvelles d’Arménie magazine) étant un exemple de cela avec une rhétorique guerrière, expansionniste, nationaliste-religieuse, etc. Une fiction bien entendu aux dépens du peuple arménien du Karabagh et du peuple arménien en général.

Le Caucase, c’est en effet comme les Balkans : si les petits peuples luttent les uns contre les autres, ils se massacrent et passent sous la coupe de grandes puissances. S’ils s’unissent, alors par la Démocratie ils peuvent avancer et progresser.

Maintenant, les nationalistes pro-grande Arménie portent la responsabilité de la satellisation des Arméniens, de leur étouffement, de leur effacement même.

Panneaux à Yerevan : marché de Rostov sur le Don à 7 mètres, Stepanakert (au Nagorny Karabagh) 332 km, Dubai 1951 km

Il suffit en fait de regarder la carte de la « République d’Artsakh » pour comprendre comment elle est prise en étau et comment elle va se faire immanquablement phagocyter par l’Azerbaïdjan. Pour saisir ce qui va se passer, il suffit de regarder ce qui se passe en Cisjordanie, avec Israël grignotant au fur et à mesure des territoires et faisant en sorte que, dans tous les cas, ce qui reste de la Cisjordanie soit totalement satellisée.

La « République d’Artsakh » est encerclé ; l’Arménie, pays au régime corrompu, est à genoux économiquement et n’a les moyens de rien. Il n’y aura donc pas d’investissements, alors qu’en plus les réfugiés ne reviendront pas pour la plupart. Inversement, l’Azerbaïdjan va investir massivement pour faire en sorte que toute la zone autour soit extrêmement solide. L’Azerbaïdjan va déverser des pétro-dollars d’un côté, l’Arménie ne va rien pouvoir faire du tout.

Il va y avoir par conséquent un décalage énorme entre les deux territoires, aux dépens du Karabagh arménien qui comme on le voit sur la carte est à un endroit coupé en deux par une bande azérie. Impossible de procéder à un développement dans un territoire déjà isolé !

Source : Wikipédia

Il faut ajouter à cela les dévastations militaires, les mines partout, le climat délétère, la désorganisation, la pression existante et future, avec forcément des provocations, des chicanes administratives, des contrôles policiers et militaires, etc. Pour exister, la « République d’Artsakh » ne repose en fait que sur la médiation russe : la Russie va faire la pluie et le beau temps sur le Karabagh arménien, et même sur l’Arménie d’ailleurs.

L’Arménie, déjà un satellite russe, avait secoué ce joug avec le premier ministre actuel Nikol Pachinian nommé en 2018, mais là l’échec est complet. Les forces russes reviennent en force en Arménie, notamment avec, au sud du pays, la question du corridor devant relier l’Azerbaïdjan à la région du Nakhitchevan, la région arménienne de Syunik se trouvant désormais pris en sandwich par les deux. Au nord du pays, il y a déjà une très importante base russe.

Le peuple arménien mieux que tout autre ici doit comprendre qu’il est au pied du mur. Ses préjugés nationalistes et ses illusions chauvines ne l’ont ni protégé ni même préservé du pire. L’épouvante du Génocide qui pèse sur l’esprit des Arméniens ne sera pas dépassé par la ségrégation territoriale voulue et l’affrontement permanent avec les peuples turcs.

Le peuple arménien n’a ainsi plus le choix. La chimérique « Grande Arménie » relève d’une idéologie réactionnaire et par ailleurs impossible. Ce qui compte avant tout, ce qui compte plus que tout, c’est préserver la vie et l’existence du peuple arménien. Et pour exister, il faut la Démocratie, l’amitié de tous les peuples.

Sans cela, le peuple arménien va se faire lentement mais sûrement étouffer et se faire effacer. Maintenant, voici le choix historique à prendre : ou le peuple arménien se tourne vers l’universel et porte cette nouvelle démocratie à venir, seule capable de démolir à son tour les préjugés et le nationalisme turc, soit il s’effondre toujours plus dans ses propres préjugés et s’éteindra dans le nationalisme.