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L’armée française à Djibouti

Djibouti est historiquement une partie de la Somalie davantage liée à l’Orient, à la croisée de l’Océan Indien et de la Méditerranée, plutôt qu’à l’intérieur du continent africain. La présence française dans le territoire se développe dès les années 1840 dans la perspective de l’ouverture du Canal de Suez, construit en Égypte par des capitalistes français et les anglais.

Djibouti, armée française

En 1862, cinq ans avant l’inauguration du Canal, l’armée française du Second Empire de Napoléon III, dans le cadre de sa politique impérialiste, établit une petite colonie à Obock, dans l’actuelle partie nord du territoire de Djibouti, afin de contrebalancer la présence britannique à Aden, au Yémen, de l’autre côté du détroit de Bab el-Manbed. La colonie se développe surtout à partir des années 1880, dans le cadre de la violente compétition impérialiste qui oppose alors les puissances de l’Europe occidentale en Afrique.

L’armée française déplace alors le siège de la colonie vers l’actuel site de Djibouti et l’État républicain encourage le développement des activités commerciales. C’est l’époque où le poète Arthur Rimbaud parcourt la région et commerce avec le roi Ménélik d’Ethiopie.

L’accès à l’Éthiopie, principal foyer de peuplement et d’activité de la région, constitue alors l’enjeu principal de la rivalité dans la région entre les puissances impérialistes françaises, britanniques et italiennes, qui mettent en coupe réglée la côte de Somalie et d’Érythrée. Djibouti est alors définitivement arrachée à l’influence ottomane, déjà toute formelle, et devient une colonie en 1896 sous le nom de « Côte française des Somalis et dépendances ».

L’édification du chemin de fer reliant le nouveau port de Djibouti à la nouvelle capitale éthiopienne Abbis Abeda, achevé en 1917, entraîne le rapide développement des deux agglomérations, Djibouti devenant depuis le principal débouché maritime de l’Éthiopie.

Les autorités coloniales françaises, appuyées sur l’armée et l’Église catholique, organisent alors formellement la ségrégation ethnique entre les Afars, nomades du nord et les Somalis, divisés en tribus dont la principale est celle des Issas. Dans les deux groupes, une élite francophone est formée, mais les tensions entre les deux ethnies, attisées par l’organisation coloniale, se développent et perdurent jusqu’à nos jours, le développement national inabouti n’ayant toujours pas vaincu cet écueil.

Après la Seconde Guerre Mondiale, Djibouti devient un port franc, maintenu sous contrôle français, mais avec une influence croissante de la puissance impérialiste américaine. Le territoire est secoué par de violentes émeutes durant les années 1960, violemment réprimées par l’armée française et particulièrement par la Légion Étrangère, notamment lors de la visite du Général De Gaulle le 26 août 1966. Finalement, le 27 juin 1977, la République de Djibouti est proclamée par l’élite francophone contrôlée par Paris, qui maintient une forte présence militaire et conserve un quasi monopole sur les institutions éducatives supérieures et sanitaires du pays et sur son économie par le biais de ses entreprises monopolistiques. Près de 60% du PIB se fait encore en lien direct avec les entreprises françaises aujourd’hui.

Jusqu’aux début des années 2000, Djibouti est toujours en proie à de violentes révoltes, les unes opposants les deux ethnies principales pour le contrôle du pouvoir, les autres opposants les nationaux de la ville de Djibouti aux nombreux travailleurs étrangers recrutés pour les activités portuaires en particulier. Et ceci sans parler des nombreux réfugiés parqués dans les camps du HCR dont le nombre s’est encore accru ses dernières années.

Après les attentats de 2001 aux États-Unis, et dans le contexte du développement des échanges maritimes conteneurisés dans l’Océan Indien, Djibouti devient une place majeure du commerce maritime eurasiatique, tournant le dos à son hinterland africain, alors que l’Éthiopie et la Somalie s’effondrent et que se développent les réseaux du terrorisme islamique et la piraterie.

Mais Djibouti manquant de structures étatiques fortes et notamment en matière éducative, le pays ne peut espérer devenir une sorte de Singapour africain, et passe presque immédiatement sous contrôle étranger. Les États-Unis y installent dès 2002 une base opérationnelle d’au moins 1000 hommes, considérée comme étant dans une « zone de guerre » par l’armée américaine, chargée d’abord de lutter contre les réseaux liés à Al-Quaeda, puis à la piraterie, puis de nouveau à Al-Quaeda depuis l’effondrement du Yémen.

Parallèlement, l’Allemagne y installe elle aussi sa première base maritime à l’étranger. Mais depuis le début des années 2010, Djibouti est devenu un des enjeux de la nouvelle lutte inter-impérialiste qui s’annonce. Le port autonome est ainsi depuis 2013 sous le contrôle de l’opérateur DP-World, une firme monopolistique émiratie, de Dubaï, spécialisée dans la gestion des ports à conteneurs qui opère dans la plupart des ports chinois et européens (comme Rotterdam et Marseille) notamment depuis sa fusion-acquisition avec le britannique P&O.

Les Émirats Arabes, armés par la France, ont d’ailleurs ouverts à cette occasion eux aussi une installation militaire à Djibouti. Cet élan a incité la République « Populaire » de Chine à s’intéresser elle aussi à Djibouti dans le cadre de son expansion à visée impérialiste vers l’Afrique.

Armée française

La Chine a ainsi participé à restaurer la ligne ferroviaire vers l’Éthiopie et a installé à Djibouti une base de quelques centaines de soldats, appelée néanmoins à pouvoir accueillir éventuellement jusqu’à 10 000 soldats, soit presque autant que l’ensemble des forces armées nationales et trois fois plus que tous les autres pays réunis. Inquiet de l’expansion chinoise, le Japon à son tour y a installé sa première base navale extérieure. A parler clairement donc, Djibouti est en train de devenir une poudrière. La presse bourgeoise, notamment le Figaro, comme les commentateurs bourgeois en géopolitique, ont saisit cet enjeu, mais bien entendu dans une perspective de défense de l’impérialisme français.

C’est la raison pour laquelle la Gauche de notre pays ne peut pas fermer les yeux sur cette question. La tâche historique de la Gauche est d’œuvrer partout à l’amitié internationale et à la paix et de lutter contre l’impérialisme de son propre État. Or que voyons-nous ?

L’armée française dispose à Djibouti de sa plus importante base hors de notre territoire national, déjà particulièrement étendu à l’échelle mondiale du fait du maintien, et souvent brutalement, de certains territoire sous contrôle direct français. La présence militaire française à Djibouti est actuellement régie par un accord signé en 2014, selon lequel en contrepartie d’un versement annuel forfaitaire de 30 millions d’euros, les Forces Françaises de Djibouti (FFDj) bénéficient d’une totale immunité fiscale. L’effectif permanent sur place oscille entre 1000 et 2000 personnes en fonction des années.

L’armée française étant en outre chargée d’une mission de formation, de soutien à l’armée nationale et de coopération notamment en matière médicale. Il faut dire qu’en dépit de toutes ces « attentions » impérialistes y compris française au premier rang, ni l’eau courante potable, ni l’électricité, ni l’accès à la scolarisation de base de la population locale n’est assurée hors de la ville de Djibouti et que le paludisme y continue d’y être endémique en zone rurale.

Le dispositif militaire français à Djibouti est aussi le seul à être complet, toutes les armées y étant représentées. L’armée de Terre y stationne ainsi une unité d’élite, la seule de forme interarmées, disposant d’unités d’infanterie, de blindés et de moyens aériens propres : le 5e RIOM, en mesure d’être projeté n’importe où dans la région, notamment en Centrafrique par exemple.

C’est aussi une unité chargée de la formation, non seulement des forces nationales, mais aussi des unités militaires alliées comme celles des Américains via son « centre d’entraînement au combat et daguerrissement de Djibouti » (CECAD). Cette unité maintient des traditions particulièrement réactionnaires, sa devise « fier et fort » et ses liens historiques avec les unités de marine coloniale, les marsouins (infanterie) et les bigors (artillerie), fait qu’il n’est pas rare d’y entendre encore le cri de guerre « Et au nom de Dieu, vive la coloniale ! », liée au souvenir du Père missionnaire Charles de Foucauld, lors des cérémonies ou avant les engagements. Cette unité est encore renforcée par la présence de moyens de l’armée de l’Air (chasse aérienne et batterie de missiles) et bien entendu de la Marine (moyens logistiques et forces spéciales).

Les liens historiques entre notre pays et Djibouti imposent à la Gauche de notre pays de rompre avec toute forme d’impérialisme contre Djibouti.

D’autant que la concentration croissante de moyens militaires de puissances expansionnistes y impose d’assumer, même unilatéralement, un désengagement avant de dénoncer totalement toute présence militaire étrangère sur le sol de Djibouti. L’armée française doit donc se retirer totalement de ce territoire, ses bases et ses moyens militaires doivent être entièrement démantelés et les troupes stationnées réformées et dissoutes, notamment en ce qui concerne bien sûr le 5e RIOM.

Bien entendu, ce démantèlement et ce retrait ne doit pas signifier l’abandon pur et simple du peuple de Djibouti à son sort, c’est-à-dire aux appétits des autres puissances impérialistes ou expansionnistes.

Il y a lieu de considérer que les 30 millions alloués annuellement à la corruption du régime puissent déjà rapidement servir à développer les moyens sanitaires et éducatifs, notamment dans les zones rurales. Aussi, que par le biais de la francophonie, on sorte d’une logique de soutien aux élites corrompues pour passer à une logique d’échange idéologique et politique d’émancipation populaire, en soutenant l’alphabétisation en somali et en afar, langues officielles écrites en alphabet latin, vers lesquelles il faut développer traductions et bilinguisme en vue de soutenir une élévation générale du niveau d’éducation et une aspiration au développement de la démocratie contre le régime et contre les forces militaires étrangères stationnées à Djibouti.

Il est aussi important de développer une volonté de ré-ancrer Djibouti dans son environnement local plutôt que comme base commerciale au profit des intérêts capitalistes mondialisés. Bien entendu, un tel redéploiement sera aussi une manière de désengager les monopoles français de ce territoire, ce qui est une bonne nouvelle pour le peuple de Djibouti et pour le nôtre.

Il faut aussi dire qu’il ne s’agit aussi ici de sortir de toute logique « géopolitique » c’est-à-dire impérialiste de la francophonie, ce que par exemple la France Insoumise de Mélenchon ne parvient pas à accepter, pour masquer ses illusions sur une « géopolitique alternative ». Notre relation francophone avec Djibouti se résume concrètement à un simple appareil de contrôle des élites.

Le pays ne compte, expatriés compris, que 2 à 3% de francophones. Il appartient donc à la Gauche de valoriser par la langue française, mais vers les langues nationales majoritairement parlées à Djibouti un échange éducatif durable dans une perspective de développement nationale propre. Le français doit donc être considéré comme une langue de communication internationale et d’ouverture, au même titre d’ailleurs que l’anglais et l’arabe, mais l’éducation massive du peuple de Djibouti ne se fera qu’en afar et en Somali. Militer contre la présence militaire française à Djibouti et pour le développement d’une amitié populaire et internationaliste dans un esprit démocratique, est un devoir indiscutable de la Gauche française, il n’y a pas à chercher à maintenir une raison à la présence militaire française à Djibouti, il faut briser l’impérialisme de notre pays et rompre avec tout le charabia « géopolitique » et « pragmatique » qui cherche à le justifier.

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Politique

La « gauche » postindustrielle en panique devant Aufstehen

L’émergence d’Aufstehen en Allemagne pose un réel souci à une gauche française passée avec armes et bagages dans le camp des valeurs postindustrielles et postmodernes. Un retour aux sources sur le plan des valeurs comme le propose Aufstehen ne peut que déplaire fortement à une gauche française pour qui le seul combat, c’est supprimer toute norme.

En 1931, la SFIO faisait une proposition de loi exigeant que les entreprises n’embauchent pas plus de de 10 % de travailleurs étrangers. C’est qu’à l’époque, la Gauche savait que les entreprises préféraient une main d’œuvre immigrée corvéable à merci, car sans conscience de classe, sans capacité d’organisation, sans niveau culturel élevé, plutôt que des travailleurs s’inscrivant dans un parcours historique bien déterminé.

C’est la raison pour laquelle la « gauche » postindustrielle et moderne est en panique complète devant l’initiative allemande d’Aufstehen, qui a avant-hier officialisé ses positions. Le Monde parle d’une « gauche antimigrants », Libération d’un « mouvement qui reprend les accents de l’extrême-droite sur la question migratoire », le Huffpost parlant d’une « gauche radicale et anti-migrants ».

Dans une de ses brèves publiées hier affirmant que Aufstehen serait « à plat ventre devant des idées réactionnaires », Lutte Ouvrière a présenté comme suit ce mouvement :

« Sahra Wagenknecht, députée Die Linke, classé à l’extrême-gauche au Bundestag allemand, vient d’annoncer la création du mouvement Aufstehen (Debout) avec comme axe politique la limitation du nombre de migrants et de réfugiés. »

Avant-hier, c’est Ian Brossat qui pour le PCF se lançait dans une attaque du même type, assimilant de manière ouverte migrants et réfugiés :

« En Allemagne, certains représentants politiques empruntent une pente dangereuse. C’est le cas de Sarah Wagenknecht, ancienne présidente du groupe Die Linke (gauche radicale) au Bundestag, qui vient de créer un mouvement populiste anti-migrants, « Aufstehen ».

Honte à elle et à tous ceux qui, se prétendant de gauche, adoptent un discours anti-migrants. Je salue nos camarades de Die Linke qui ne cèdent pas à cet appel à adopter le même discours que l’extrême droite s’agissant des questions migratoires.

Faire des réfugiés les boucs émissaires de la crise est une ignominie sans nom. Pendant ce temps-là, les capitalistes qui pratiquent le nomadisme sur fond de dumping social et fiscal dans une totale impunité peuvent continuer à délocaliser et à broyer vies et territoires en toute tranquillité.

Les progressistes d’Europe ont mieux à faire que plagier les arguments éculés de l’extrême droite selon lesquels les étrangers nous volent notre pain ou font baisser nos salaires. Il nous faut au contraire consacrer notre énergie à trouver des issues positives à la crise de l’accueil que vit l’Europe depuis trois ans.

C’est ce à quoi s’emploie le PCF, en proposant d’une part d’ouvrir des voies légales pour permettre l’arrivée en bonne condition des réfugiés qui fuient la guerre et la misère, et d’autre part qu’une clé de répartition européenne impose à l’ensemble des vingt-sept de prendre part à l’accueil et au devoir de solidarité.

Ian Brossat, chef de file du PCF pour les élections européennes »

On peut remarquer que Ian Brossat parle ici de capitalistes pratiquant le nomadisme, un terme classique du national-socialisme, les capitalistes étant assimilés aux Juifs censés être des « nomades ».

Cependant, il faut surtout noter qu’en réalité et contrairement aux propos de Ian Brossat, Sarah Wagenknecht se prononce en faveur de l’accueil des réfugiés, faisant simplement et logiquement la distinction entre ceux-ci et les migrants.

De toutes façons, la question des réfugiés ou des migrants, contrairement à ce que laissent entendre toutes ces réactions, n’est absolument pas centrale dans le positionnement d’Aufstehen. C’est un thème important, néanmoins ce n’est pas du tout un axe politique, comme le prétend Lutte Ouvrière.

Et pour cause ! Aufstehen, qui a dépassé les 110 000 personnes s’inscrivant dans sa démarche, n’est pas un parti politique. C’est un mouvement transversal unissant le maximum d’initiatives pour développer des thèmes sociaux et pacifistes, afin de renforcer la Gauche en demandant aux partis de prendre en compte les points de vue exprimés.

Le texte fondateur et introductif rendu public avant-hier explique ainsi simplement que les écarts de richesse sont devenus immenses en Allemagne, alors qu’il y a davantage de richesses, et qu’on est ainsi ramené aux différences sociales de l’époque de l’empereur Guillaume.

Rien que cette allusion culturelle à l’empire, à la hiérarchie aristocratique littéralement fantastique décrite admirablement en 1914 dans le roman de Heinrich Mann Le Sujet de l’Empereur, place Aufstehen dans le camp antifasciste, inacceptable pour la Droite. Il faut se souvenir que le drapeau du IIIe Reich reprend directement les couleurs du second Reich (le noir, le blanc et le rouge).

Et ce sont les profiteurs, ceux qui ici sont pour Emmanuel Macron des « winners », qui sont dénoncés :

« Ce sont avant tout les grandes entreprises et leurs propriétaires qui sont les gagnants de la mondialisation, du libre-échange, de la privatisation et du marché commun européen. Pour les riches, la promesse « Europe » a été remplie. Qui dispose de hautes qualifications et est mobile peut utiliser les nouvelles libertés.

A l’opposé de cela, exactement la moitié de la population en Allemagne a un salaire réel plus faible qu’à la fin des années 1990. Beaucoup de gens concernés voient en la permissivité et l’immigration avant tout une concurrence accrue et des emplois mal payés. Pour les employés des pays de l’Est travaillant dans les abattoirs allemands ou les soins pour personnes âgées, c’est également avant tout l’exploitation qui est devenue sans limites.

Et pendant que les monopoles s’arrosent de grandes dividendes, les plus pauvres se disputent pour les restes.

Depuis que l’État social ne fournit plus de sécurité suffisante, beaucoup se battent seuls pour eux-mêmes. Qui perd son job ou bien est mis à l’écart par de longues maladies se retrouve rapidement tout en bas (…).

Les dangers globaux grandissent. Dans les rapports internationaux, la loi du plus fort militairement remplace toujours plus les négociations et la diplomatie. Les guerres sont menées de manière effrénée, afin d’obtenir des matières premières convoitées ou bien d’élargir des zones d’influence géopolitique. Cela est particulièrement vrai des États-Unis. »

Pacifisme assumé et orientation sociale complète, telle est la logique d’Aufstehen, et il saute aux yeux que sa dirigeante, Sahra Wagenknecht, s’appuie sur la tradition socialiste allemande.

L’objectif de Sahra Wagenknecht n’est cependant pas un bouleversement social, mais un État social réparateur des liens sociaux. C’est un réformisme assumé, désireux de revenir aux traditions social-démocrates des années 1970.

Un tel projet est-il viable aujourd’hui? En tout cas, on ne peut qu’être étonné que la France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon ait salué la naissance officielle d’Aufstehen. La démarche populiste de « la FI » n’a rien à voir avec la tentative de libérer la parole populaire et Aufstehen ne prône pas comme les Insoumis une géopolitique agressive, bien au contraire.

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Politique

Jeremy Corbyn et le Labour face à la question antisémite

Le Labour (parti travailliste) au Royaume-Uni – l’équivalent du parti socialiste – a un très gros problème, que l’on connaît bien en France, mais plutôt du côté du PCF et de la France insoumise. En effet, après un tournant pro-gouvernemental sous une forme libérale de gauche (très proche d’ailleurs d’Emmanuel Macron) avec Tony Blair, le Labour cherche depuis plusieurs années à revenir à gauche et à gagner de nouveau aux élections sur cette base.

Jeremy Corbyn

Mais il ne le fait pas en se tournant vers les socialisme, l’histoire du mouvement ouvrier. Il le fait sur un mode populiste de gauche, avec évidemment une très large ouverture à l’antisémitisme, ce socialisme des imbéciles.

Au lieu de parler de la classe ouvrière, le mot Palestine a acquis dans le Labour une dimension pratiquement magique pour avoir l’air de gauche, tout au moins de cette gauche « moderne », post-industriel, post-moderne, post-colonial, post-tout ce qu’on voudra.

Cela a pris des proportions toujours plus extrêmes, avec des attitudes et positionnements que l’on connaît bien de ce côté-ci de la Manche, pas du tout chez les socialistes mais vraiment beaucoup chez la France Insoumise et énormément au PCF.

Seulement, à un moment donné il faut être sérieux et passer soit dans l’antisémitisme ouvert, soit finalement dans son refus. Le dirigeant du Labour, Jeremy Corbyn a ainsi été obligé vendredi dernier de chercher à se sortir de ce pétrin, en publiant dans le Guardian une lettre où il affirme vouloir déraciner les antisémites de son parti.

Cela suit la publication conjointe de la part de journaux de la communauté religieuse juive le présentant comme une « menace existentielle », une rhétorique bien entendu absurde, d’ailleurs très largement poussé par les rabbins britanniques, mais qui montre le problème de fond.

Car les nombreuses initiatives antisémites dans le Labour, allant du complotisme sur le 11 septembre jusqu’à l’éloge de Hitler ou la dénonciation des « banquiers juifs », se sont engouffrées dans une critique (elle non antisémite) de l’État israélien. En fait, on peut très bien voir que sans assumer le socialisme, la critique du sionisme devient un outil pour les enragés ne voulant pas le socialisme, mais une sorte de troisième voie.

I will root antisemites out of Labour – they do not speak for me (Jeremy Corbyn)

On connaît bien cela en France avec par exemple les Indigènes de la République, mais le PCF et la France insoumise ne sont guère différents dans le fond ; eux non plus ne veulent pas du socialisme, de l’histoire du mouvement ouvrier. La Palestine est surtout pour eux un argument masquant leur défense de la « politique arabe de la France ».

Jeremy Corbyn devait donc choisir entre faire comme si de rien n’était ou bien réfuter l’antisémitisme. Il devait adopter une critique non-antisémite de l’État israélien ou bien maintenir son populisme.Il a choisi de couper la poire en deux, ce qui n’est pas possible, car hostile à l’universalité du socialisme qui rejette toute religion et exige la fusion de toute l’humanité.

Il se positionne ainsi :

« J’ai mené campagne toute ma vie pour la reconnaissance de la force d’une société multiculturelle. La Grande-Bretagne ne serait pas ce qu’elle est sans nos communautés juives (…).

Dans les années 1970, certains à gauche ont expliqué de manière erronée que « le sionisme est du racisme ». C’était faux, mais l’assertion que « l’anti-sionisme est du racisme » est également fausse. »

Cela n’a pas de sens. Soit on est pour une culture universelle et on refuse le communautarisme, auquel cas on ne peut pas accepter de particularisme religieux, national, ethnique, etc., soit on est pour le multi-particularisme mais en ce cas on ne peut plus critiquer le sionisme, ni aucun nationalisme ou tribalisme d’ailleurs.

Et cela montre que Jeremy Corbyn n’est pas sérieux dans son engagement à gauche, que la question antisémite est un vrai problème chez lui aussi, lui qui en 2010 participait le jour de l’anniversaire de la Shoah à une conférence intitulée « Plus pour personne – d’Auschwitz à Gaza » assimilant les activités de l’État israélien aux crimes illimitées du nazisme.

C’est pourquoi Jeremy Corbyn est également coincé face à la député du Labour Margaret Hoge, qui est juive et membre du Labour depuis cinquante ans, qui lui a lancé en plein parlement : « Tu es antisémite et raciste ».

Ce qu’elle lui reproche, c’est de ne pas faire en sorte que le Labour accepte la définition de l’antisémitisme formulé par l’International Holocaust Remembrance Alliance, en raison de trois points.

Le premier est la question de l’assimilation de l’État israélien à l’Allemagne nazie, que désormais Jeremy Corbyn rejette également, du moins en apparence. Le second est la question de la dénonciation de personne juives comme plus fidèle à l’État israélien qu’à leur propre pays, le troisième est la question de la considération comme quoi le sionisme a une base ethnique, donc raciste.

Jeremy Corbyn

Cette dernière question n’a pas toujours été en débat à gauche. A l’origine, la gauche soutenait le sionisme et inversement ; l’URSS a été le premier pays, sous Joseph Staline, à reconnaître l’État israélien.

Puis, rapidement, le sionisme ayant choisi de se placer sous le parapluie américain, la gauche a rejeté le sionisme, dès le début des années 1950 et en particulier à parti de 1967, période d’émergence de la gauche palestinienne.

L’État israélien se refermant toujours plus sur lui-même, s’ouvrant à la religion contrairement à auparavant, ce rejet s’est amplifié, malgré la désormais non-existence à peu de choses près de la gauche palestinienne

Il va de soi aussi que la modification toute récente de la constitution israélienne, où les Israéliens arabes deviennent des citoyens de seconde zone, ou encore le blocus maritime de Gaza par une sorte de grand mur, ne vont pas amener les choses à changer de ce point de vue.

Le Labour a alors proposé à Margaret Hoge qu’elle s’excuse, afin de ne pas avoir à faire de mesure disciplinaire à son encontre. Naturellement, elle n’a pas voulu, polarisant cette situation terrible pour la gauche britannique. Le Labour a finalement décidé de ne prendre aucune sanction à son encontre.

Cela a, au moins, le mérite de poser une question importante, à l’opposé d’en France où il n’y a eu strictement aucune autocritique de la Gauche par rapport à l’antisémitisme diffusé sous prétexte d’antisionisme. Il a fallu le mouvement Je suis Charlie pour que l’antisémitisme connaisse un coup d’arrêt, la base de la Gauche s’exprimant enfin.

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Guerre

Les frappes en Syrie et le complexe militaro-industriel français

Emmanuel Macron est incontestablement un président de la République décidé à affirmer la puissance militariste de la France. A ce titre, il constitue une menace à la fois pour la paix mondiale et aussi pour notre pays en développant la pratique impérialiste.

C’est à ce titre qu’il convient de revenir sur les frappes décidées le mois dernier en Syrie, dans la nuit de du 13 au 14 avril. Hors de tout mandat international, au côté des États-Unis et du Royaume-Uni, elles visaient des sites supposés de production d’armes chimiques, dont la France et ses deux alliés accusent d’utilisation, sans toutefois détenir de preuves formelles, le régime de Bachar al-Assad, lui-même soutenu par la Russie et l’Iran.

Sans revenir sur la question du refus de ces frappes que nous avons déjà exprimé, il faut bien voir que, de toute manière, celle-ci avaient aussi un objectif symbolique, au-delà de toutes considérations tactiques.

Pour la première fois, la Marine française a fait usage de missiles de croisières naval (MdCN), lancés à partir de deux frégates de type FREMM (Frégates Muti-Missions), réputées furtives.

Ces navires ultra-modernes, ont été développés en partenariat avec l’Italie et Général Electrics pour la propulsion et sont capables de déployer 16 de ces missiles. Ils sont assemblés à Lorient, et outre la France et l’Italie, le Maroc et l’Egypte en ont aussi passé commande.

Les missiles en eux-mêmes sont construit par MBDA, une filiale d’Airbus (associé au britannique BAE systems) notamment installée à Le Plessis-Robinson dans les Hauts-de-Seine, mais dont l’usine d’assemblage se trouve à Selles-Saint-Denis dans le Loir-et-Cher, qui produit à elle seule près de mille missiles chaque année.

Cette arme est présentée comme un missile d’une grande précision, utilisant un signal GPS et capable de frapper de manière coordonnée, rapide et précise sa cible depuis une frégate ou un sous-marin. Les sous-marins français devraient d’ailleurs en être prochainement équipés.

L’engin pèse en tout près d’une tonne et demie, pour une longueur de plus de 6 mètres et embarque une charge de près de 250 kg à la vitesse de 800km/h. Il s’agit donc une arme particulièrement horrible et meurtrière, dont le coût à l’unité revient à 2,86 millions d’euros !

La « nouveauté » est que cela donne à la Marine française une capacité de frappe de près de 1000 km, autant dire presque n’importe où dans le monde depuis un littoral, sachant que plus de 70% de la population mondiale vit à moins de 100 km des côtes.

Jusque là, la France ne disposait pas de telles armes et devait utiliser des missiles embarqués sur des avions pour ses frappes. Seuls les États-Unis et la Russie et dans une moindre mesure le Royaume-Uni (mais depuis des sous-marins) avaient la capacité de telles frappes depuis des navires de surface.

Le choix de mobiliser ce nouvel armement, dont les média ont largement relayés l’information, est donc totalement délibéré : il s’agit de montrer les capacités modernes de l’armée française et de la placer au rang des principales puissances militaires. C’est donc une affirmation chauvine et impérialiste de premier ordre.

C’est aussi une opération de communication commerciale, ces missiles étant proposés à la vente depuis 2015, mais seule l’armée française en a jusque là acquis. Pour le coup, il était prévu de tirer 6 de ces missiles, mais seulement trois ont été effectivement lancés, depuis la frégate Aquitaine, la frégate Languedoc ayant échoué à tirer les siens.

Regardons les choses en face. Il est capital de se dresser contre la politique impérialiste d’Emmanuel Macron et de densifier cette opposition en nous attaquant à l’appareil militaro-industriel de notre pays qu’il nous faut identifier et combattre.

Il s’agit là d’une question de civilisation, de rapport à la vie. Ces armes n’ont rien à faire dans nos vies et n’apportent rien de bon au monde. Dénoncer les monopoles de l’armement en France, leurs sites, leurs entreprises, est une tâche nécessaire pour construire une France populaire, démocratique et pacifique.

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Guerre

L’intervention militaire française, américaine et britannique en Syrie

« J’ai donc ordonné aux forces armées françaises d’intervenir cette nuit, dans le cadre d’une opération internationale menée en coalition avec les États-Unis d’Amérique et le Royaume-Uni et dirigée contre l’arsenal chimique clandestin du régime syrien. »

Emmanuel Macron assume parfaitement l’attaque, au moyen de plus de cent missiles, d’installations syriennes censées abriter des moyens de fabriquer des armes chimiques. Une « ligne rouge » qui apparaît, malheureusement, comme un farce et une fable de plus dans un conflit syrien sanglant ayant coûté la vie, depuis 2011, à plus de 350 000 personnes.

Car l’attaque commune à la France, le Royaume-Uni et les États-Unis n’est qu’un ajout à une liste extrêmement nombreuse d’interventions armées, de manipulations politiques, de gesticulations par les services secrets, tout cela au service d’une bataille pour le repartage du contrôle des territoires et des pays.

La guerre suinte de tous les pores des initiatives des grandes puissances et ici, bien entendu, c’est la Russie qui est particulièrement visée, dans une épreuve de force marquée par un esprit d’escalade militaire de plus en plus grand.

Et la France est une grande puissance au même titre que les autres. Ce simple fait est, comme toujours, nié par beaucoup, comme si somme toute la France n’était qu’une sorte de colonie. C’est la contribution classique à la négation de l’interventionnisme français, qui ne vaut pas mieux que les autres.

La France serait un pays voulant la paix et qui se laisserait en quelque sorte abuser, ou bien manipuler, par des Américains qui seraient les seuls fautifs. Marine Le Pen, par exemple, en allusion aux États-Unis, regrette que :

« La France perd à nouveau une occasion d’apparaître sur la scène internationale comme une puissance indépendante et d’équilibre dans le monde. »

Jean-Luc Mélenchon dit la même chose :

« C’est une aventure de revanche nord-américaine, une escalade irresponsable. La France mérite mieux que ce rôle. Elle doit être la force de l’ordre international et de la paix. »

Florian Philippot manie le même lyrisme nationaliste :

« Voir la France réduite au rôle de supplétif des faucons contre la paix du monde et ses propres intérêts est toujours une souffrance. »

Les « député-e-s » du Parti communiste français (eux aussi suivent la mode universitaire de l’écriture inclusive) adoptent un lyrisme patriotique traditionnel chez eux :

« Une décision illégale et dangereuse qui confirme la rupture avec notre tradition d’indépendance nationale fondée sur la valeur de la paix et du multilatéralisme.

Si cette tradition faisait notre singularité et notre grandeur, sa remise en cause questionne notre place dans le monde : la France est-elle condamnée à s’aligner sur la volonté et les intérêts américains ? »

Le Nouveau Parti Anticapitaliste dénonce pareillement (et on se rappellera qu’il prônait en 2011 le soutien des grandes puissances à la « révolution syrienne »!) :

« la nouvelle aventure militaire dirigée par Trump en Syrie »

Comme si la France n’était pas impliquée en Syrie. Comme si la France avait reçu des ordres pour envoyer cinq frégates multimissions et des bâtiments de protection et de soutien en mer Méditerranée, neuf chasseurs pour tirer 12 missiles de croisière (trois depuis une frégate, neuf depuis les chasseurs).

Le fait d’avoir choisi d’ailleurs de lancer des missiles depuis une frégate vise à valoriser le missile de croisière naval (MDCN) utilisé ici pour la première fois. Cela correspond à l’esprit d’une démonstration de force.

C’est pour cette raison que Benoît Hamon a eu tort quand il a affirmé que :

« Laisser Assad impuni après l’usage d’armes chimiques contre des civils est impossible. Mais il faut un mandat de l’ONU. Que ceux qui s’offusquent du bombardement d’une usine, sortent aussi du silence quand Poutine et Assad anéantissent les civils de la Goutha et d’Alep. »

C’est là en appeler à un système international de sécurité largement dépassé. Il y a quatre ans, la Russie annexait purement et simplement la Crimée, où était l’ONU ? Et que dire auparavant de la guerre contre la Libye en 2011, sans mandat de l’ONU ? De celle, bien connue, contre l’Irak, toute pareille, en 2003 ? De l’intervention, également sans mandat, au Kosovo en 1999 ?

La vérité est que la compétition internationale tend à la guerre de repartage. Ne pas assumer cela, c’est ne pas être de gauche ; accuser les Américains, c’est nier que chez les dirigeants, russes comme français, américains comme britanniques, iraniens comme israéliens, on éprouve l’envie, le besoin de se tourner vers la guerre de repartage.

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Guerre

Non à l’intervention militaire, aux bombardements en Syrie!

La guerre, la guerre et toujours la guerre ! A force de se tourner vers le protectionnisme et le nationalisme comme seules solutions « accessibles », les pays les plus développés assument la compétition « géopolitique », avec l’assentiment d’une partie significative de la population.

Ce que cela signifie, c’est simplement la guerre, il faut bien le dire. Et on est tellement dans un jeu malsain que c’est par un message Twitter que Donald Trump l’escalade, disant à la Russie de se tenir prête face à l’intervention américaine en Syrie.

« La Russie jure d’abattre n’importe quel missile tiré sur la Syrie. Que la Russie se tienne prête, car ils arrivent, beaux, nouveaux et “intelligents” ! Vous ne devriez pas vous associer à un Animal qui Tue avec du Gaz, qui tue son peuple et aime cela. »

Il n’a pas hésité à écrire, pour en rajouter :

« Notre relation avec la Russie est pire maintenant qu’elle ne l’a jamais été, et cela inclut la Guerre froide. »

C’est là préparer l’opinion publique à la guerre, avec des cibles désignées : la Syrie tout d’abord, mais également l’Iran, ainsi que la Russie elle-même.

La visite du prince héritier saoudien,  Son Altesse Royale le prince Mohammed ben Salman ben Abdulaziz al-Saoud, à Paris ces derniers jours – il a pu manger son repas avec Emmanuel Macron devant le tableau « La liberté guidant le peuple », quelle honte – participe à ce mécano militariste, puisque l’Arabie Saoudite prône la guerre contre l’Iran.

L’Arabie Saoudite a même reconnu que les Israéliens avaient droit à un territoire, rompant avec sa position officielle traditionnelle, montrant qu’on est désormais dans le dur, dans le concret, dans la « realpolitik ».

La Grande-Bretagne l’a bien compris et Theresa May a ordonné l’envoi de sous-marins à proximité de la Syrie, alors qu’un autre sous-marin fait des manœuvres avec deux navires américains dans la zone arctique, pour la première fois depuis dix ans.

Cela va cogner et il faut avoir suffisamment de réseaux, d’alliances, de participations ici et là pour tenir. Ne pas comprendre que cela va cogner ou pire le nier est une faillite intellectuelle et morale – la guerre est inévitable, à moins de changements de régimes dans les pays concernés.

C’est bien pour cela, justement, que l’Europe comme projet politique a eu tellement de succès chez les peuples. L’Europe permet, en théorie, de dépasser les nationalismes, les patriotismes étriqués, et il y a 25 ans tous les Français pensaient qu’il y aurait à moyen terme un passeport européen, et bientôt un gouvernement européen, des États-Unis d’Europe.

C’est pour cela que beaucoup de gens croient encore en l’Union Européenne comme moyen d’éviter les conflits, tout en espérant souvent, en même temps, de manière directement impérialiste, que cela soit un empire face aux États-Unis et à la Chine.

Naturellement, c’est au nom des droits de l’homme encore une fois que les missiles sont présentés comme essentiels. L’hypothèse d’une attaque chimique en Syrie à Douma du 7 avril sert ici de prétexte à une immense campagne en faveur de la guerre, tout comme la question kurde pour l’intervention française annoncée il y a quelques jours.

Il ne s’agit pas ici, naturellement, de dédouaner la Syrie, l’Iran et la Russie. Ces régimes sont odieux. Cependant, l’ennemi c’est toujours notre propre nationalisme, notre propre chauvinisme, notre propre impérialisme. Les prétextes pour refuser cela ont permis la guerre de 1914-1918, alors qu’une révolte dans un pays aurait produit des révoltes dans les autres.

Il ne faut jamais accepter les initiatives militaires, militaristes, de la part de son propre pays !

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Culture

Le dodelinement comme expression corporelle

Les expressions corporelles peuvent être extrêmement nombreuses et ce qui est frappant dans une société frappée du sceau d’instagram, de facebook et des films hollywoodiens, c’est la perte de qualité et de quantité de celles-ci.

Dans une société où, effectivement, tout est dans le conventionnel et en plus, en France, dans la maîtrise de soi, toute expression corporelle trop apparente apparaît d’autant plus comme décalé.

Il faut être dans la maîtrise et dans l’obéissance aux codes, très restreints de par leur nombre, pour rester crédible. C’est un paradoxe frappant qui obéit à une simple loi bien connue : le capitalisme prétend que chaque fasse ce qu’il veut, mais en pratique cela donne une société du conformisme où tout est copie-conforme et sans personnalité.

Contribuons à la défense et la diffusion d’une expression à la fois simple et riche, le fait de dodeliner sa tête, bien qu’il faille peut-être renommer une telle chose. Il peut être d’une grâce incroyable, comme fournisseur d’informations quant à ses propres choix, ou bien les deux.

Voici un extrait du film Hibernatus, où l’acteur Louis de Funès, bien connu pour ses mimiques considérées comme « allant trop loin » et en même temps foncièrement charmantes, discute avec un médecin au sujet d’un encombrant ancêtre retrouvé prisonnier dans le glaces et qu’on a réveillé…

De manière plus artistique, voici une chanson d’Afghanistan, Yak Qadam Pesh (« Un pas en avant » en persan) de Jawid Sharif, où le dodelinement de la tête est ici d’une grâce absolue, s’insérant ici dans une retenue d’un charme d’autant plus puissant qu’il est sobre, tant de la part du chanteur que de la danseuse.

C’est en Inde où le dodelinement est une véritable institution (sauf relativement dans le nord), disposant par conséquent de nuances très marquées pour qui sait les décoder. Le dodelinement a un rythme, ainsi qu’une vitesse, les sourcils jouant le rôle de catégorisation de celui-ci.



Si vous êtes vous-mêmes en train de dodeliner de la tête devant l’écran en regardant ces vidéos, il ne vous reste plus qu’à écouter cette chanson qui, au bout d’une minute, donne les techniques pour y arriver.

Il va de soi que quelqu’un qui ne connaît pas ce mode d’expression peut le considérer comme relevant d’une maladie, comme le raconte (malheureusement en anglais) ce docteur qui a dû modifier l’avis de sa supérieure à ce sujet…

Le dodelinement de la tête, de par la sympathie de son expression, ne pourra que conquérir le monde alors que l’humanité fusionne au fur et à mesure. Il est déjà en Ukraine, où Alena Vinnitskaya met du temps à se lancer dans son duo avec Kiev electro, mais y parvient très bien.

On remarquera que dans cette chanson délirante – qui appelle les Slaves à descendre dans les Balkans danser comme des Gitans – Alena Vinnitskaya balance ses yeux d’un côté ou de l’autre, comme dans la vidéo afghane.

C’est là encore une expression corporelle qui ne peut que progresser. La chape de plomb des comportements stéréotypés ne peut que s’effondrer devant les attitudes naturelles et culturelles à la fois, puissamment développées pour être capable d’exprimer toujours plus de nuances.

Le monde d’une humanité qui s’est rencontrée, assimilée, est une perspective plus que réjouissante… C’est toute la définition de la beauté qui va être mise à l’épreuve par la grâce et le charme !

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Guerre

Non à l’envoi de troupes françaises en Syrie !

Quand un pays en envahit un autre depuis une centaine d’années, que ce soit par colonialisme ou par expansionnisme, il ne dit pas qu’il le fait car il veut s’étendre. Il affirme le faire par nécessité : pour sauver des gens, libérer une population, empêcher la barbarie, étendre la civilisation, etc.

Même l’Allemagne nazie, outrancière dans son agressivité, prétendait vouloir former une nouvelle Europe. Ne parlons pas non plus de la guerre de 1914 ou du colonialisme français, tout pétri de « bonnes intentions ».

Être de gauche, c’est inversement et par définition refuser tout interventionnisme militaire de son propre pays dans un autre. Toute acception d’une exception est une trahison de ce principe.

On peut soutenir un pays, un régime, comme par exemple la République espagnole face au soulèvement de Franco. On peut soutenir une résistance légitime à une occupation. Mais on ne peut pas soutenir une faction, des bandes armées, des troubles visant à dépecer un pays.

Par conséquent, être de gauche c’est rejeter par principe l’envoi de troupes françaises en Syrie annoncé hier. La décision, de manière subtile, a été annoncée non pas par l’Élysée, mais par un représentant des Forces démocratiques syriennes, les FDS, le Kurde Khaled Issa.

L’Élysée s’est contentée d’un communiqué de presse, expliquant avoir discuté avec des membres des FDS « à parité de femmes et d’hommes, d’Arabes et de Kurdes syriens » et disant d’Emmanuel Macron que :

« Il a assuré les FDS du soutien de la France, en particulier pour la stabilisation de la zone de sécurité au nord-est de la Syrie, dans le cadre d’une gouvernance inclusive et équilibrée, pour prévenir toute résurgence de Daech dans l’attente d’une solution politique au conflit syrien. »

La « stabilisation » en question est une allusion aux conséquences de l’intervention militaire turque ces derniers jours en Syrie du Nord, dans une zone contrôlée jusque-là par les forces kurdes, avec un chaos général, avec 160 000 personnes fuyant les combats.

La Turquie, aidée de « rebelles » syriens, contrôle déjà une importante zone (en turquoise sur la carte ci-conre).

Pour rappeler brièvement les événements, lors de la guerre civile en Syrie, les occidentaux avec la France en tête ont cru que le régime allait vite tomber et ont arrosé des opposants malgré la forte présence d’Al – Qaïda.

Non seulement le régime a tenu, mais ces forces sont devenues autonomes, alors que l’État islamique s’est développée.

La Russie et l’Iran sont alors intervenus pour soutenir le régime syrien, pendant que les États-Unis développaient une présence en se liant aux Kurdes de Syrie, également appuyées techniquement par des experts non officiels français et britanniques.

La Turquie, qui appuyait l’État islamique, est rentrée dans la danse et officiellement, l’État français vient pour « sauver les Kurdes ». C’est-à-dire, en réalité, pour participer au dépeçage de la Syrie, avec trois zones :

– le régime syrien officiel de Bachar Al-Assad, lié à l’Iran et la Russie ;
– un régime « arabo-kurde » lié aux États-Unis, la Grande-Bretagne et la France ;
– un régime arabo-islamiste aux contours flous encore ;
– une zone passant sous la coupe de la Turquie.

Tout le monde est gagnant : la Turquie empêche l’avènement d’un État kurde et renforce sa dimension « ottomane », pendant que les autres ont un pied à terre local. C’est gagnant-gagnant, aux dépens de la démocratie et des populations locales, jusqu’à la prochaine guerre de partage…

Il faut souligner ici l’importance, dans ce cadre d’un régime autoritaire. De plus en plus, avec la montée des tensions, les régimes deviennent de plus en plus pyramidales, que ce soit en Turquie ou en Russie, en Inde ou aux États-Unis, en Chine ou en Égypte.

Il y a à chaque fois un chef qui dirige le pays, prenant des décisions avec une approche ultra-populiste. C’est aussi le cas en France : la décision d’Emmanuel Macron est, naturellement, celle d’un président de la cinquième République, qui décide seul de la politique extérieure, sans le parlement, sans demander son avis à la population.

Il est inévitable, ici, de parler des Kurdes. Il est tout à fait compréhensible que l’on éprouve de la sympathie pour ce peuple sans État, aux populations vivant en minorité dans plusieurs États, et plus précisément en minorité opprimée, que cela soit en Turquie, en Iran, en Irak ou en Syrie.

Cependant, on ne découpe pas les États comme cela, encore moins quand ce sont des grandes puissances qui sont partie prenante. Cela n’a rien de démocratique, à moins de considérer les nations comme des fictions, les États comme des aberrations.

Lorsque, en France (mais aussi en Belgique), les anarchistes se sont massivement lancés dans des campagnes de soutien aux Unités de protection du peuple (YPG) kurdes agissant en Syrie, ils sont cohérents, puisqu’ils veulent une décentralisation, des communautés autonomes, un État central présent le moins possible, etc.

Mais être de gauche sans basculer dans l’anarchisme qui est bloqué à une vision individuelle des choses, c’est voir le rôle de la guerre, des grandes puissances, de la logique de partage par la conquête…

C’est refuser que des parties fassent ce qu’elles veulent aux dépens du tout, car une telle logique de dépeçage ne profite qu’aux conquérants qui utilisent le vieux principe : diviser pour régner !

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Politique

Autriche : putsch d’extrême-droite dans les services secrets

A la suite de la formation du gouvernement autrichien où la droite catholique – conservatrice (ÖVP) s’alliait à l’extrême-droite (FPÖ), une série de petits scandales avait marqué les « burschenschaft », les corporations étudiantes pangermanistes, dont l’une des traditions est l’affrontement au sabre, les marques sur le visage et les mains restant à vie des preuves du ralliement à la cause.

Des chansons antisémites faisaient partie de certains répertoire de chansons, ce qui n’est nullement une surprise, mais a provoqué un certain émoi, alors que d’anciens membres des « burschenschaft » sont désormais partout dans l’Etat, ministres, députés, responsables de cabinets ministériels, etc.

Le chef du Parti social-démocrate parle d’ailleurs d’une infiltration de l’État autrichien, et on a pu avoir une preuve de cela avec un événement qui bouscule tout le régime actuellement.

Ces dix dernières années, deux appareils d’État se sont développés sans contrôle. Les services secrets (Bureau pour la protection de la Constitution et la lutte contre le terrorisme – BVT) étaient dépendants de l’ÖVP, la police anti-criminalité urbaine (EGS) du FPÖ. L’État central avait perdu tout contrôle sur ces appareils.

Or, fin février, la police anti-criminalité urbaine a mené une grande opération de perquisition chez les services secrets et certains de leurs membres. Lourdement armés, masqués, etc., les policiers ont embarqué plein de matériel (clefs usb, ordinateurs, CD, téléphones portables, dossiers, etc.).

Officiellement, c’était dans le cadre d’une opération anti-corruption… En pratique, l’opération a en fait embarqué plein d’enquêtes sur les « burschenschaft » et les néo-nazis. Et la presse elle-même est unanime pour parler de coup d’État dans les services secrets.

En clair, le ministère de l’Intérieur, désormais d’extrême-droite avec Herbert Kickl, a procédé à la liquidation de la main-mise de la droite sur les services secrets.

Au prix d’un scandale ébranlant l’État de manière profonde, car les experts sont littéralement blémes : des documents classés défense, ultra-confidentiels, y compris transmis par d’autres services secrets, ont été simplement enlevés par des policiers…

Le niveau de crédibilité est passé à zéro, sans parler évidemment, en ce qui nous concerne, la terrible signification de cette opération. Tous les partis de gauche sont vent debout pour tenter d’exiger une enquête parlementaire et il va de soi qu’il y a ici un aspect démocratique fondamental.

Mais cela sera-t-il suffisant ? N’est-ce pas comme dans les années 1930 où la gauche compte les coups, pour finir par se faire liquider ? Si on ne comprend pas l’enjeu, c’est ce qui se passe…

Car ce qui est en jeu ici, ce n’est pas moins que la fascisation de l’appareil d’État. Que l’extrême-droite n’hésite pas à la mise en scène de 80 hommes lourdement armés pénétrant dans la bâtiment des services secrets pour perquisitionner, brisant son prestige et sa crédibilité, en dit long sur son ambition.

Et quand la gauche n’a elle-même pas d’ambition, elle échoue à contrer celle de l’extrême-droite. Et l’ambition de la gauche ne peut être que du même niveau de celle de l’extrême-droite : celle-ci veut le fascisme, il faut vouloir le socialisme !

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Politique

Loi sur la mémoire : l’honneur de la Pologne

L’amitié entre les peuples est un grande principe de la Gauche. Aucun peuple n’est supérieur à un autre et si jamais un peuple sombre dans la barbarie, c’est pour des raisons historiques, cela ne tient pas à la nature de ce peuple.

Nous formons une seule humanité, qui toute entière veut le bonheur et la paix. Ce principe est considéré comme naïf par ceux qui veulent diviser l’humanité, pour défendre des intérêts étroits. Mais il n’en est pas moins sacré pour la Gauche, car il faut savoir faire face aux diviseurs.

On sait malheureusement aussi comment le nationalisme est un poison qui naît dans les peuples victimes d’injustice. L’Allemagne affaiblie et humiliée en 1918 a connu ce terrible poison.

L’Ukraine le connaît actuellement : il y a quelques jours a été mise en place une milice pour épauler la police. Organisée à partir du régiment Azov, elle regroupe 600 de ces néo-nazis du fertile terreau d’un pays dévasté économiquement, humilié par l’occupation d’une partie de son territoire par des séparatistes pro-russes.

Tout l’est de l’Europe est d’ailleurs contaminé par une vague nationaliste de type néo-nazie, avec des thèmes abandonnés par la Gauche : la dignité, l’arrêt de l’effondrement du cadre juridique avec les mafias ayant l’hégémonie, le respect de la nature. Toutes les questions importantes sont déviées vers des réponses nazies, barbares.

Les réseaux sociaux connaissent une diffusion massive de jeunes blondes avec des symboles nazis ou des armes, symboles d’un « renouveau », et cela avec une base massive : en Pologne, 60 000 personnes manifestaient en novembre pour une « Pologne blanche ».

C’est en ce sens qu’il faut comprendre la loi polonaise qui punit d’une peine, allant jusqu’à trois années de prison, toute personne qui « accuse, publiquement et contre les faits, la nation polonaise, ou l’État polonais, d’être responsable ou complice des crimes nazis commis par le IIIe Reich allemand. »

La loi interdit également de parler de « camps polonais » au sujet des camps de la mort, étant donné que ceux-ci avaient été organisés par l’Allemagne nazie.

Cette loi est-elle erronée ? Non, elle est tout à fait juste. Il est tout à fait exact qu’il y a eu des exactions antisémites commis en Pologne, même après la défaite de l’Allemagne nazie.

Mais cela est indépendant de l’organisation industrielle de destruction de la population juive d’Europe par l’Allemagne nazie.

La Pologne ne faisait pas partie des États alliés à l’Allemagne nazie, directement ou indirectement, comme la Hongrie, l’Italie ou encore la Finlande et la très hypocrite Suède. La Pologne était une nation martyre, souffrant atrocement.

Elle a d’ailleurs ses héros, bien entendu, comme Jan et Antonina Żabiński, responsables du zoo de Varsovie ayant permis la fuite de centaines de Juifs. Le film de 2017 retraçant leur histoire, La Femme du gardien de zoo, s’il est mièvre, est très émouvant, mais n’est même pas sorti en salle.

Comment veut-on après connaître l’histoire des héros, l’histoire des événements réels, si on ne s’intéresse qu’à des mondes illusoires, ceux de Game of thrones ou Star Wars ?

Comment aller à l’amitié des peuples, si on célèbre des mondes imaginaires, tout en laissant justement à l’imaginaire le plus nauséabond l’image d’un pays comme la Pologne ?

Comment ne pas comprendre qu’en Pologne on en ait assez qu’il soit parlé des camps de la mort polonais, alors que Pologne était alors écrasée par l’Allemagne nazie, dirigée par le gouverneur Hans Frank ?

Hans Frank, le « bourreau de la Pologne », vivant dans une opulence baroque dans le château de Wawel, à Cracovie ; Malaparte, dans son roman Kaputt, revient à de nombreuses reprises sur cette figure sanglante et sordide, parlant d’un « singulier mélange d’intelligence cruelle, de finesse et de vulgarité, de cynisme brutal et de sensibilité raffinée ».

Il raconte en effet des soirées où la prétention à la plus haute culture côtoyait l’affirmation du cynisme destructeur le plus vil. Comme lorsqu’il décrit la scène suivante :

« C’étaient les premières notes d’un Prélude de Chopin. Dans la pièce voisine (je le voyais par la porte entrouverte), Frank était assis au piano de Madame Beck, le visage penché sur la poitrine.

Il avait le front pâle, moite de sueur. Une expression de profonde souffrance humiliait son visage orgueilleux. Il respirait péniblement, et mordait sa lèvre inférieure. Il avait les yeux fermés ; je voyais ses paupières trembler.

C’est un malade, pensai-je. Et, tout de suite, cette idée me contraria.

Tous, autour de moi, écoutaient en silence, en retenant leur souffle. Les notes du Prélude, si pures, si légères s’envolaient dans l’air tiède comme des petits tracts de propagande lancés par un avion.

Sur chaque notre était imprimé en capitales rouges : VIVE LA POLOGNE !

A travers les vitres de la fenêtre, je regardais les flocons de neige tomber lentement sur l’immense Place de Saxe, déserte sous la lune, et sur chaque flocon était écrit en capitales rouges : VIVE LA POLOGNE ! »

Malaparte explique ressentir « un sentiment de honte et de révolte » alors que le bourreau de la Pologne osait jouer, dans le Palais de Brühl, à Varsovie, l’immense compositeur polonais Chopin.

C’est le même sentiment de honte et de révolte qui traverse la Pologne quand on l’accuse d’être l’auteure de ce dont l’Allemagne nazie est responsable.

Quant aux exactions antisémites, aux pogroms, faut-il en accuser la nation polonaise toute entière ? Certainement pas, pas plus d’ailleurs qu’il faut haïr l’Allemagne. Tous les peuples sont égaux et frères et c’est malheureusement l’histoire, dirigée par des criminels, des conquérants, des pillards, qui les divisent.

Il n’y aucune raison d’accuser la Pologne, cette nation martyre victime du bourreau nazi, et de dédouaner justement ce dernier du système général de destruction qu’il a alors mis en place.

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Politique

« Youpi j’ai compris ! » et l’existence d’Israël

Toute personne de gauche sait très bien que le peuple palestinien connaît une situation humainement extrêmement difficile, de par la raison de la politique de l’État israélien. Même la droite israélienne la plus cynique le reconnaît elle-même.

Le souci qu’il y a, c’est qu’avec l’histoire de l’antisémitisme, Israël est devenu un prétexte pour une sorte de folie furieuse, de véritable passion totalement déconnectée de la réalité.

Ainsi, lorsque Donald Trump a décidé de déplacer l’ambassade américaine à Jérusalem, tous les médias se sont empressés de dire que le président américain avait reconnu cette ville comme capitale israélienne. Le titre du Monde est ainsi « Trump reconnaît Jérusalem comme capitale d’Israël, une décision historique et unilatérale ».

La presse internationale a fait de même. Or, c’est entièrement faux, parce que cela fait bien longtemps que les États-Unis ont reconnu Jérusalem comme capitale d’Israël.

Le congrès américain avait ainsi voté en 1995 un « Jerusalem Embassy Act » annonçant le transfert de l’ambassade américaine dans les quatre ans. Le vote avait été écrasant, tant au Sénat (93 voix contre 5) qu’à la Chambre des représentants (374 contre 37).

Barack Obama avait déjà affirmé que Jérusalem était la capitale d’Israël lors de sa candidature à la nomination comme candidat du parti démocrate, ainsi que lors de sa candidature aux présidentielles. C’était même déjà une promesse électorale de Bill Clinton en 1992.

On peut tout à fait critiquer cela, en disant que cela rentre en conflit avec le projet de partition de l’ONU fait en 1947.

La gauche a d’ailleurs historiquement soutenu cette partition et l’URSS sera le premier pays à reconnaître juridiquement l’État israélien.

Mais si critique il doit y avoir, alors il faut le faire de manière rationnelle, sans quoi, on est dans la mise en scène, pas dans une aide quelconque au peuple palestinien.

Ce qui se passe réellement n’intéresse pas des gens qui ont intérêt à se présenter comme faisant face à une ignominie immédiate, apparue de nulle part, eux-mêmes faisant office de justicier.

Les faits sont niés, pour apparaître comme « radical » – une démarche qui relève historiquement de l’extrême-droite, pas d’une gauche fondée sur les idées. Cela montre à quel point l’antisémitisme est si puissant qu’il se sert de la question israélo-palestinienne pour ses projections.

Un exemple significatif de cette course à l’échalote se trouve dans le dernier numéro du magazine pour enfant de 5-8 ans « Youpi j’ai compris ! », dont Bayard Presse – la grande maison d’édition catholique française, éditrice notamment de Babar, Pomme d’Api, Okapi, J’aime Lire, Phosphore, etc. – a annoncé hier le retrait devant des protestations.

La raison en est que l’existence de l’État israélien est niée, malgré sa reconnaissance par les Nations-Unies en 1948, dans la foulée de la réalisation du plan de partage de la Palestine du 29 novembre 1947.

Tout cela totalement absurde : on peut exiger un État nouveau sous la forme d’une fédération israélo-palestinienne, ou sous la forme d’une République laïque unifiée. Mais nier les faits en disant : cela n’existe pas, cela n’a pas de sens.

Les seuls qui ont adopté cette démarche, ce sont les partisans du panarabisme, du parti Baath comme en Syrie et en Irak, qui ont toujours parlé de « l’entité sioniste ». Avec les résultats que l’on sait : la manipulation démagogique des opinions publiques arabes, l’antisémitisme forcené.

Sans que rien ne change pour le peuple palestinien, qui perd chaque jour davantage du terrain depuis 1947, étant qui plus est dominés par les islamistes ou une OLP totalement corrompue.

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Politique

Les élections du 21 décembre 2017 en Catalogne

Les élections catalanes se sont tenues hier 21 décembre 2017, suite à la crise provoquée par la tentative d’affirmation d’indépendance par le gouvernement régional. Avec 82 % de participation, la mobilisation a été importante et elles ont été marquées par la victoire de la même majorité, avec cette fois 70 députés contre 72 auparavant.

C’est donc un retour à la case départ, avec cette fois le responsable du gouvernement catalan, Carles Puigdemont, en exil à Bruxelles pour éviter la répression de l’État espagnol. Pourra-t-il revenir ? Pas s’il continue de mettre en avant l’indépendance.

Mais comment mettre en avant l’indépendance si le pays est coupé en deux parts à peu près égales ? Sans compter qu’il y a la question de l’unité de l’Espagne. Si le camp de tradition franquiste est indéniablement encore très puissant, il y a aussi les gens qui ne veulent pas d’implosion d’un pays, de morcellement en toujours plus de petits pays.

Naturellement, être de gauche, c’est se dire qu’après tout, c’est une bonne chose que la monarchie espagnole vacille. Mais le contraire de la monarchie, n’est-ce pas la république ? Mais alors la république pour tout le monde, pas simplement pour les Catalans.

Lors de la guerre d’Espagne, la Catalogne existait sous la forme d’une Généralité catalane, au sein de la République. C’était une composante essentielle du Front populaire, tout en conservant une large autonomie. Les partis socialistes et communistes avaient d’ailleurs fusionné leurs sections locales, devenues indépendantes, en un Parti socialiste unifié de Catalogne.

La Catalogne s’était insérée dans un projet plus global de république portée par les partis de gauche, dans le sens de valeurs résolument ancrées dans les traditions socialistes et communistes. Défendre la Catalogne alors, c’était participer à ses valeurs. C’était la liberté catalane contre la monarchie, l’armée, l’Église. C’était finalement la cause de tout le monde.

La Catalogne ne prend pas du tout aujourd’hui une telle direction. Elle veut être un pays riche dans une Europe composée de petits pays, chacun tirant son épingle du jeu autant qu’il peut. Sous prétexte d’être catalan, tout le monde devrait être ensemble en Catalogne et toutes les questions sociales devraient passer à la trappe.

Les partisans de l’indépendance de la Catalogne sont ainsi contre la monarchie, mais uniquement contre la monarchie pour ce qui les concerne. Ils ne se sentent pas proches des républicains ailleurs en Espagne. Ils veulent leur république, comme si d’ailleurs un tel républicanisme était une fin en soi.

Un tel manque d’universalisme reflète toujours le particularisme, le repli sur soi, l’égoïsme. Alors qu’une cause juste, même particulière, participe toujours à l’universel. Cela pourrait être le cas si la cause catalane avait les mêmes fondamentaux qu’en 1936.

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Politique

Déclaration d’indépendance de la Catalogne d’octobre 2017

[Document signé par 72 députés formant la majorité du parlement catalan, dont la valeur a été suspendu par le même parlement, afin d’entamer des négociations avec l’Etat espagnol, qui aboutiront en fait sur la répression.]

Au peuple de Catalogne et à tous les peuples du monde,

La justice et les droits humains individuels et collectifs intrinsèques, fondements essentiels qui donnent la légitimité historique et la tradition juridique et institutionnelle de la Catalogne, sont la base de la constitution de la République catalane.

La nation catalane, sa langue et sa culture ont mille ans d’histoire. Pendant des siècles, la Catalogne a été dotée et a bénéficié de ses propres institutions qui ont exercé l’autonomie avec plénitude, avec la Generalitat comme la plus grande expression des droits historiques de la Catalogne.

Le parlementarisme a été, pendant les périodes de liberté, la colonne vertébrale sur laquelle ces institutions ont été soutenues, il a été canalisé par les « Cortes catalans » et a été cristallisé dans les Constitutions de Catalogne.

La Catalogne restaure aujourd’hui sa pleine souveraineté, perdue et largement attendue depuis des décennies lors d’une coexistence institutionnelle honnête et loyale avec les peuples de la péninsule Ibérique.

Depuis l’adoption de la Constitution espagnole de 1978, la politique catalane a joué un rôle clé avec une attitude exemplaire, loyale et démocratique à l’égard de l’Espagne et un sens profond de l’Etat. L’Espagne a répondu à cette allégeance en refusant la reconnaissance de la Catalogne en tant que nation; et a accordé une autonomie limitée, plus administrative que politique et a provoqué une processus de recentralisation; un traitement économique profondément injuste et une discrimination linguistique et culturelle.

Le statut d’autonomie, approuvé par le Parlement et le Congrès et approuvé par la citoyenneté catalane, devrait constituer le nouveau cadre stable et durable des relations bilatérales entre la Catalogne et l’Espagne. Mais c’était un accord politique brisé par la décision de la Cour constitutionnelle et qui a fait émerger de nouvelles plaintes des citoyens.

Reprenant les demandes d’une grande majorité de citoyens de Catalogne, le Parlement, le gouvernement et la société civile ont demandé à plusieurs reprises à l’état espagnol la tenue d’un référendum sur l’autodétermination. Devant la constatation les institutions de l’Etat ont rejeté toutes les négociations, elles ont violé le principe de démocratie et d’autonomie et ont ignoré les mécanismes juridiques prévus par la Constitution, la Generalitat de Catalogne a organisé un référendum pour l’exercice du droit à l’autodétermination reconnu en droit international.

L’organisation et la célébration du référendum ont conduit à la suspension de l’autonomie gouvernementale en Catalogne et à l’application de fait de l’état d’urgence. Les opérations policières brutales de caractère et de style militaires orchestré par l’Espagne contre les citoyens catalan ont touché, en de multiples occasions répétées, leurs libertés civiles et politiques et les principes des droits de l’homme, et a contrevenu aux accords internationaux signés et ratifiés par l’Etat espagnol.

Des milliers de personnes, parmi lesquelles des centaines d’élus, institutionnels et professionnels du secteur des communications, l’administration et la société civile ont été surveillées, détenues, frappées, interrogées et menacées par de sévères peines de prison.

Les institutions espagnoles, qui doivent rester neutres, protéger les droits fondamentaux et arbitrer le conflit politique, sont devenues une partie et un instrument de ces attaques et ont laissé les citoyens de Catalogne sans protection. Malgré la violence et la répression visant à empêcher un processus démocratique et pacifique, les citoyens de Catalogne ont voté majoritairement en faveur de la constitution de la République catalane.

La Constitution de la République catalane se fonde sur la nécessité de protéger la liberté, la sécurité et la coexistence de tous les citoyens de la Catalogne et d’avancer vers un Etat de droit et une démocratie de meilleure qualité et répond à l’interdiction de la part de l’Etat espagnol de rendre effectif le droit à l’autodétermination des peuples.

Le peuple de Catalogne est l’amant du droit, et du respect de la loi est et sera l’une des pierres angulaires de la République.

L’Etat catalan remplira toutes les dispositions conformes à la présente Déclaration et garantira le maintien de la sécurité juridique et le maintien des accords de l’esprit fondateur de la République catalane.

La constitution de la République est une main tendue au dialogue. Conformément à la tradition catalane, nous maintenons notre engagement en faveur de l’accord comme moyen de résoudre les conflits politiques. De même, nous réaffirmons notre fraternité et notre solidarité avec le reste des peuples du monde et en particulier avec ceux avec lesquels nous partageons la langue et la culture et la région euro-méditerrannée pour la défense des libertés individuelles et collectives.

La République catalane est une opportunité pour corriger les déficits démocratiques et sociaux actuels et de construire une société plus prospère, plus juste, plus sûre, plus durable et plus solidaire. En vertu de tout ce qui vient d’être exposé, nous, représentants démocratiques du peuple de Catalogne, dans le libre exercice du droit à l’autodétermination et conformément au mandat reçu des citoyens de Catalogne,

NOUS CONSTITUONS la République Catalane, en tant qu’État indépendant et souverain, de droit, démocratique et social.

NOUS METTONS EN VIGUEUR la loi de transition juridique et fondamentale de la République.

NOUS INITIONS le processus constitutif, démocratique, citoyen, transversal, participatif et contraignant.

NOUS AFFIRMONS la volonté d’ouvrir des négociations avec l’Espagne, sans conditions préalables, visant à établir un système de collaboration au bénéfice des deux parties. Les négociations doivent nécessairement être sur un pied d’égalité.

NOUS PORTONS A LA CONNAISSANCE de la communauté internationale et des autorités de l’Union européenne la constitution de la République catalane et la proposition de négociations avec l’Espagne.

NOUS DEMANDONS instamment à la communauté internationale et aux autorités de l’Union européenne d’intervenir pour mettre fin à la violation continue des droits civils et politiques et de suivre le processus de négociation avec l’État espagnol et d’être témoins.

NOUS MANIFESTONS le désir de construire un projet européen qui renforce les droits sociaux et démocratiques des citoyens ainsi que l’engagement à continuer à appliquer les normes de l’ordre juridique de l’Union européenne et celles de l’Espagne et de la Catalogne autonome qui transposent cette norme.

NOUS AFFIRMONS que la Catalogne a le désir sans équivoque de s’intégrer le plus rapidement possible à la communauté internationale. Le nouvel Etat s’engage à respecter les obligations internationales actuellement appliquées sur son territoire et à continuer à faire partie des traités internationaux auxquels le Royaume d’Espagne est partie prenante.

NOUS APPELONS les États et les organisations internationales à reconnaître la République catalane comme un État indépendant et souverain.

NOUS DEMANDONS au Gouvernement de la Generalitat de prendre les mesures nécessaires pour rendre possible la pleine réalisation de cette déclaration d’indépendance et des dispositions de la loi de transition juridique et fondamentale de la République.

NOUS APPELONS chacun des citoyens de la République catalane à nous rendre dignes de la liberté que nous avons donnée et à construire un Etat qui se traduit par des actions et en conduite des inspirations collectives.

Les représentants légitimes du peuple de Catalogne

Barcelone, 10 octobre 2017

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Politique

Autriche : l’extrême-droite obtient l’intérieur, les affaires étrangères et la défense

L’Autriche de l’après-guerre a connu un régime marqué par un grand compromis, entre la droite du Parti autrichien du peuple et le Parti social-démocrate.

Les postes étaient partagés, les deux camps coexistant parallèlement, toute la société se divisant suivant cette ligne. Symbole de ce compromis, l’aigle nationale se voyait coiffé d’une couronne en forme de tour, symbole de la ville, du bourg, du bourgeois.

Et, dans ses pattes, il tient un marteau et une faucille, se libérant de chaînes : c’est le symbole de la social-démocratie, de la classe ouvrière, du socialisme.

Ce compromis était contre-nature, mais la social-démocratie l’acceptait, car elle préférait les Etats-Unis au communisme. Il n’a été remis vraiment en cause que dans les années 1980-1990 avec l’irruption du FPÖ, le parti de la liberté d’Autriche, avec à sa tête Jörg Haider.

Mais l’alliance du Parti autrichien du peuple et du FPÖ, en 2000, avait provoqué un cordon sanitaire international, l’Autriche connaissant un isolement diplomatique, l’extrême-droite n’obtenant de toutes façons que des postes ministériels secondaires.

L’époque a changé et le nouveau gouvernement qui vient de se former en Autriche correspond au cauchemar de tous les gens de gauche. Non seulement l’extrême-droite arrive au gouvernement, non seulement elle obtient six ministères, mais en plus parmi ceux-ci il y a l’intérieur, les affaires étrangères et la défense.

C’est très exactement le genre de moment où l’on se dit : cela recommence, ce sont de nouveau les années de crise de l’après-première guerre mondiale, avec tout ce chantage nationaliste, cette crispation de la société.

Quelle personne de gauche ne peut pas trembler à l’idée que le ministre de l’intérieur, le ministre de la défense, le ministre des affaires d’étrangères, soient d’extrême-droite, membres d’un parti fondé par le chef de brigade SS Anton Reinthaler ?

Une extrême-droite dont les parlementaires, lors des sessions, portent un bleuet. Cette fleur était le symbole de reconnaissance des nationaux-socialistes à partir de 1933, année de leur interdiction.

Une interdiction mise en place par… les nationalistes-catholiques autrichiens, ayant comme dirigeant Engelbert Dollfuss, le dictateur de « l’État des corporations » de 1932 à 1934.

Engelbert Dollfuss qui avait encore, jusqu’à il y a quelques mois et la rénovation du parlement, son portrait dans le club parlementaire de la droite !

Cerise sur ce gâteau indigeste, l’annonce de l’alliance formant le nouveau gouvernement, entre le Parti autrichien du peuple et le Parti de la liberté d’Autriche, s’est faite sur le mont Kahlenberg, lieu du camp de base des armées de l’empire ottoman devant Vienne, symbole de leur dernière grande offensive en Europe centrale, mis en échec en 1683.

C’est une alliance contre-nature, puisque le Parti autrichien du peuple, formant la droite, est de tradition nationaliste – catholique, alors que le Parti de la liberté d’Autriche, l’extrême-droite, représente le courant nationaliste – pangermaniste.

Mais les descendants des austro-fascistes et des nationaux socialistes ont su s’entendre, disposant d’une majorité largement suffisante, puisque aux élections législatives la droite a obtenu 31,5 % des voix, l’extrême-droite 26 %.

L’occasion était trop belle et de toutes manières, droite et extrême-droite sont d’accord pour se tourner ouvertement vers la Russie, tout en restant dans l’Union Européenne.

Qui plus est, avec un chancelier de droite, Sebastian Kurz, qui n’a que 31 ans, le gouvernement peut se prétendre comme représentant une Autriche se modernisant, au moyen d’une équipe nouvelle. Le dirigeant d’extrême-droite Heinz-Christian Strache, âgé de 48 ans, est quant à lui vice-chancelier.

L’Autriche s’enfonce donc dans la droite et l’extrême-droite de manière significative.