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Marion Maréchal prépare un après Marine Le Pen

Dans un entretien à Valeurs Actuelles, Marion Maréchal rappelle sa présence, comme elle le fait régulièrement maintenant. Son positionnement est subtil : elle n’intervient pas formellement dans le débat politique, tout en donnant son avis pour être celle « qui l’avait dit ». Cela lui permet de laisser les autres faire, probablement se tromper, et de se présenter plus tard comme un recours.

L’entretien à Valeurs Actuelles est précédé d’une présentation élogieuse de Marion Maréchal, où l’on apprend des choses sur elles, sur sa vie, ses ambitions. Cela permet d’exprimer ce que Marion Maréchal ne peut dire elle-même. C’est savamment orchestré, et on a compris depuis longtemps à quel point la revue de la Droite traditionnelle a fait le choix de l’ancienne député Front national.

Le moment a donc été bien choisi. L’entretient est publié alors que la campagne pour les élections européennes est lancée, mais qu’elle ne bât pas encore son plein. On nous explique qu’elle vient parler « d’Europe », mais que le sujet « Les européennes » serait « trop politicien » pour elle.

C’est qu’il s’agit surtout de préparer l’après, tout en travaillant au passage sa posture de femme d’État, cultivée, minutieuse et, surtout, stratège. Les fondamentaux sont rappelés, rabâchés : ce qui compte est le conservatisme, c’est-à-dire une expression de Droite, dans sa version traditionnelle, viscéralement opposée à la Gauche.

« Je me suis moi-même toujours définie comme une femme de droite. Le clivage droite-gauche continue d’irriguer la vie politique française, mais il n’épuise pas tous les autres clivages présents »

Cette question des « autres clivages » est très importante, c’est le cœur de sa divergence stratégique avec Marine Le Pen. Cette dernière, lorsqu’elle a pris les commande du Front national, a élaboré une stratégie d’écartement opportuniste du clivage Gauche-Droite.

C’est un choix populiste, « facile » d’une certaine manière car correspondant au niveau de dépolitisation de la société française. Cela est considéré comme insuffisant par Marion Maréchal :

« J’ai dit en revanche pourquoi le clivage entre populistes et mondialistes me semble être une impasse électorale. Je crois qu’on ne peut pas gagner en s’adressant seulement aux classes populaires. Ceux qui rêvent d’une grande alliance de partis entre La France insoumise et le Front national se trompent.

Cette alliance me semble d’autant moins possible que la souveraineté, dont se réclame timidement Jean-Luc Mélenchon, n’est pas une fin en soi. La souveraineté, c’est le contenant ; la vision de la société, c’est le contenu. Au service de quoi met-on la souveraineté ? Une République islamique souveraine, ça ne m’intéresse pas… »

Si Jean-Luc Mélenchon est cité, c’est évidemment de Marine Le Pen qu’il s’agit, puisqu’ils ont une stratégie et une expression quasiment identique. Leur seul différence est de dire l’inverse l’un par rapport à l’autre sur la question de l’immigration.

Marion Maréchal a bien compris que cela revenait au même sur le plan idéologique, qu’il s’agissait dans les deux cas d’aller au nationalisme. Ce qui l’intéresse cependant est d’ordre politique, c’est-à-dire la façon de prendre le pouvoir. Elle explique ainsi :

« Deux gros blocs ont depuis émergé : celui du centre droit et gauche d’Emmanuel Macron, ainsi que le bloc populiste (je ne partage pas la diabolisation de ce mot, qui a des relents d’anathème dans la bouche de certains) de droite et de gauche. Deux blocs inadaptés à notre système électoral qui entraînent une situation de blocage. »

La question de fond est bien-sûr la question culturelle, celle des valeurs. C’est pour cela qu’elle parle de « République islamique » au sujet de Jean-Luc Mélenchon, pour discréditer son nationalisme, lui ôter toute substance. Elle dit ni plus ni moins qu’il faut en revenir aux fondamentaux de la Droite, des valeurs conservatrices de la Droite, car ce sont les sujets culturels, suffisamment clivants, qui mobilisent et devraient permettre de prendre le pouvoir.

Ce qu’elle suggère est une position intermédiaire, non pas entre les populistes, mais entre le populisme issu de la Droite, celui de Marine Le Pen, et la Droite conservatrice elle-même :

« C’est à la France de se faire une place dans le dispositif [de l’Union européenne, NDLR]. De marquer sa différence. D’être capable d’engager un rapport de force. Je ne crois pas que Marine dise autre chose. François-Xavier Bellamy non plus d’ailleurs. À la seule différence que Bellamy est plus difficile à suivre, car enfermé dans une forme d’« en même temps ».

Pour résumer simplement, il a du mal à dire que l’Union européenne est un échec dans sa forme actuelle. De mon côté, le postulat de ma réflexion repose sur l’affirmation qu’il s’agit d’un mauvais système, inopérant, mal pensé, mal conçu et philosophiquement délétère pour les nations européennes. »

Elle dit aussi, de manière encore plus politique :

« Le populisme est moins un programme qu’un style : il existe des populistes de gauche et de droite. C’est un mouvement polymorphe. Ses caractéristiques pourraient être un chef charismatique, le rejet des élites et du système de manière générale, la défense d’une démocratie idéale contre une démocratie représentative qui serait dévoyée, l’appui exclusif sur les classes populaires.

Le positionnement populiste semble être une impasse électorale. Si l’on doit bien sûr défendre les classes populaires, on ne peut pas faire l’économie de s’adresser à la classe moyenne et haute. Il faut rassembler autour d’une vision commune et non faire de la politique catégorielle. »

Ce qu’elle reproche à Marine Le Pen, c’est-à-dire de proposer un populisme qui manquerait de substance culturelle et de profondeur civilisationnelle (d’où, de son point de vue, l’importance de la classe « moyenne et haute »), elle le reproche inversement à François-Xavier Bellamy :

« J’ai également conscience qu’en France le conservatisme, en tant que courant politique, est mort et enterré depuis la IIIe République. Il s’était largement construit dans la contre-révolution, intrinsèquement liée au catholicisme français. Aujourd’hui, un conservatisme français émergeant de nouveau après de telles décennies de silence ne pourrait pas se contenter de ressusciter ce courant-là.

François-Xavier Bellamy dit en substance la même chose, quand il affirme que, s’il y avait quelque chose à conserver, il serait pour, mais qu’il faut tout changer.
Je suis d’accord avec lui sur ce point : conserver quoi ? Il faut s’entendre. Mais entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron, lui affirme préférer conserver Macron. »

Ce dernier aurait donc raison sur le plan culturel, mais il ne serait pas suffisamment enclin à accepter le nationalisme de Marine Le Pen, ce qui serait son erreur, qu’elle entend corriger.

> Lire également : nos articles sur Marion Maréchal

Marion Maréchal fait donc de la politique, de manière très sérieuse, très impliquée, très stratégique, en visant le long terme. Son ennemi est bien évidemment la Gauche, l’idée même de socialisme, d’une société pacifique aux valeurs universelles. Il est donc impératif pour la Gauche de la prendre très au sérieux, et de se mettre au niveau, en travaillant ses fondamentaux pour avoir une vision du monde conséquente à lui opposer.

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Marine Le Pen utilise l’écologie pour son nationalisme

Afin de satisfaire au besoin d’argumentation justifiant le nationalisme, Marine Le Pen développe désormais le thème du protectionnisme comme seul vecteur réel de l’écologie. Seule la nation saurait se confronter à « la logique marchande des mondialistes ».

La Gauche assumera-t-elle la reconnaissance de la nature ? Sera-t-elle en mesure de prendre en compte de manière authentique, complète, la question animale ? Il y a là deux défis, et si c’est l’échec, alors l’extrême-droite profitera d’un élan sans pareil, tout comme en Allemagne dans les années 1930.

Marine Le Pen est, en effet, malheureusement, parvenue à une synthèse tout à fait moderne de l’option fasciste sur le plan des idées. Elle n’a évidemment pas fait cela toute seule, mais cela doit être justement d’autant plus une source d’inquiétude.

Cette synthèse vient d’être formulée lors d’une réunion publique à Mormant, en Seine-et-Marne. Elle n’y a pas parlé que des Européennes, mais également des municipales, régionales et départementales ; elle considère que c’est une seule vaste séquence. Joviale, elle a souligné que le Rassemblement National se présentait comme la seule alternative à Emmanuel Macron.

Cependant, là n’est donc nullement l’essentiel : il y a désormais la nouvelle idéologie du Rassemblement National, le grand argumentaire pour aller jusqu’à la victoire. En voici les principaux éléments.

Il y aurait un lien entre la protection de l’environnement et le nationalisme : préserver son pays, dans un cadre « immémorial », c’est maintenir l’équilibre nécessaire à la nature.

Elle parle de « la logique marchande des mondialistes », d’ « orgie marchande », de « l’abondance factice qui anéantit la planète ». Elle dit qu’il faut en finir avec cette « société qui congédie les valeurs naturelles et détourne les individus-rois du sens de l’intérêt collectif ». En tant que « parti localiste », le Rassemblement National serait seul capable de protéger l’environnement.

C’est là l’affirmation d’un argument « biologique » pour justifier le nationalisme, qui serait le seul garant d’une protection face à la « société de « l’hyperconsommation » qui s’étend au niveau planétaire. Elle a lourdement insisté justement sur ce concept d’hyperconsommation, le consommateur étant un « hamster » devenu la proie des « multinationales ». « Le système a réinventé Descartes : je consomme donc je suis », dit-elle.

Cela veut dire que Marine Le Pen assume un discours anticapitaliste romantique très développé, digne des années 1930. On a passé un cap : à l’extrême-droite de Jean-Marie Le Pen, « facho réac » et provocateur, succède une ligne fasciste relevant entièrement de la tradition française, celle du « retour à la terre ».

C’est là le produit implacable du débat du second tour des présidentielles. On s’est beaucoup moqué, avec erreur, de la position « caricaturale » de Marine Le Pen. Car, dans les faits, elle a fait un rentre-dedans ouvert sur le plan des idées ; elle a fait une véritable proposition stratégique de rupture complète.

La France l’a alors refusée, espérant en la modernisation d’Emmanuel Macron. Mais la proposition ressort d’autant plus fortement maintenant qu’Emmanuel Macron a ouvertement échoué. Loin d’être carbonisée politiquement, Marine Le Pen est toujours présente et se profile toujours plus au centre de la vie politique.

Il y a toutefois pire encore. Marine Le Pen a longuement parlé de la souffrance animale, les animaux étant victimes des multinationales en quête de profit, mais aussi de l’abattage halal. Elle tape là sur un thème où la Gauche a gravement failli ; ici aussi, elle a un boulevard. Soit la Gauche se met à niveau, soit elle se fera broyée.

Évidemment, c’est de la démagogie. Marine Le Pen considère qu’il faut rejeter les « khmers verts », qu’il faut refuser toute taxe liée à l’écologie, affirmant que la France fait partie des pays les plus vertueux, etc. Les éoliennes seraient une escroquerie écologique, les panneaux solaires des produits chinois à refuser, le nucléaire quelque chose de très bien, etc.

Mais vu le niveau de conscience du peuple, toute cette démagogie peut porter, et on sait même déjà : elle va porter. Il appartient à la Gauche de se mettre à niveau et d’assumer l’Utopie nécessaire pour convaincre le peuple de partir dans la direction du grand changement nécessaire. Sans le Socialisme comme drapeau et objectif, ce sera la peste prune qui l’emportera !

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Marine Le Pen déroule son populisme dans l’Émission politique

Marine Le Pen était à l’honneur hier soir de l’Émission politique sur France 2. Elle a pu y dérouler son populisme nationaliste, s’installant de plus en plus comme figure de l’opposition en France, dans une sorte de grand face-à-face avec Emmanuel Macron entretenu par Emmanuel Macron lui-même.

Beaucoup de constats exprimés de manière vindicative, peu de contenus concrets assumés sérieusement. Voilà comment on pourrait résumer la prestation de Marine Le Pen hier sur le plateau de France 2 dans une émission de deux heures trente qui lui était entièrement consacrée.

Cela est bien sûr le propre du populisme, où ce qui compte n’est pas le fond mais la forme, pour apparaître comme voulant changer les choses sans n’avoir jamais besoin d’expliquer comment on change les choses.

L’écologie ? Il faut changer ce « système mondialiste », mais il ne faut surtout pas accabler la France qui serait un des pays les plus « vertueux » du monde en la matière, avec des « résultats exceptionnels en termes d’émission de CO2 ». Le problème viendrait en fait surtout de l’étranger, des autres pays.

La redistribution des richesses ? D’accord, mais elle n’est pas « en guerre contre les riches », plutôt « en guerre pour les Français les plus modestes ». C’est la même chose sur les frontières où chacun peu comprendre ce qu’il veut puisqu’elle dit vouloir les renforcer tout en prônant un « pragmatisme », pour laisser entrer « ce qui est positif ».

On a eu la même chose à propos de la Police, où elle explique que le Gouvernement pratiquerait une grande répression contre le mouvement des gilets jaunes, mais que par contre il faudrait respecter l’ordre et l’uniforme.

C’est pratique, c’est d’ailleurs tout à fait conforme aux gilets jaunes, qui « râlent » mais ne veulent surtout pas avoir à assumer de choix politiques, de grands changements. Il faut bien voir ici comment le mouvement des gilets jaunes facilite grandement la tâche du Rassemblement national sur le plan politique. Un exemple très concret de cela a été au début de l’émission quand elle a rétorqué à une proposition de taxe par le gouvernement que les gilets jaunes étaient à la base un mouvement d’opposition aux impôts et aux taxes, qu’il ne fallait donc pas le faire.

En répondant ainsi, elle peu satisfaire tant une base populaire apolitique aux revenus modestes, que l’électorat traditionnel de la Droite, souvent plus bourgeois, qui afflue de plus en plus vers elle. L’ouverture à la Droite était d’ailleurs très flagrante pendant l’émission, en appuyant sur les questions sécuritaires, en assumant totalement l’origine identitaire (c’est-à-dire d’extrême-droite) du Directeur de la campagne européenne Philippe Vardon, en expliquant que les gilets jaunes avaient été « expulsés des rond-points par l’extrême-gauche », etc.

Cependant, en deux heures et trente minutes d’émission, alors que se profilent les élections européennes, Marine Le Pen n’a jamais véritablement expliqué des projets ou mesures concrets, présenté un programme par rapport à la question européenne.

On ne sait toujours pas depuis le débat au second tour de l’élection présidentielle, si elle veut ou non sortir de l’euro, sortir de l’Union européenne, sortir de tel ou tel traité, en signer de nouveaux, etc.

Il faut dire qu’elle a été bien aidée par des intervenants tous plus caricaturaux les uns que les autres, qu’elle pouvait souvent laisser parler de longs moments sans intervenir, tellement cela servait son propos par miroir inversé.

Que cela soit Jacques Attali, d’une mauvaise foi ahurissante sur son libéralisme, le youtubeur « Hugo Décrypte », qui fait Science po et dit exactement la même chose que les journalistes classiques, la Maire PCF d’Aubervilliers, qui s’écoutait parler de manière hystérique, l’ancien Président du conseil italien, un avatar de Macron avec l’accent exotique en direct depuis Londres. La palme revient bien sûr à la ministre des Affaires européennes dans son style « premier de la classe », qui de manière grand-guignolesque a conclu l’émission en prétendant qu’elle avait eu un déclic pendant son échange avec Marine Le Pen et qu’elle souhaitait maintenant être tête de liste pour le parti présidentiel aux élections européennes !

Très bien. Elle aura fait son petit numéro après avoir été « incollable » sur ses dossiers. Sauf qu’elle n’a jamais obligé la présidente du Rassemblement National à parler politique sur le fond, à exprimer ses points de vue en profondeur. Cela est en fait très utile à Emmanuel Macron, qui de son côté s’imagine pouvoir simplement lui opposer les gens qui sont « raisonnables » et transi par le populisme.

Cela est un jeu très dangereux, cela revient à ouvertement jouer avec le feu, et l’Histoire au XXe siècle fût malheureusement d’un grand enseignement à ce sujet. Il y a péril en la demeure, littéralement. La Gauche a le devoir de comprendre ce danger, de saisir l’urgence qu’il y a à s’organiser contre ce face-à-face périlleux entre libéraux européens et populistes nationalistes. Il faut tout faire pour l’unité de la Gauche contre l’éparpillement qui mène tout droit à la catastrophe.

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La première guerre mondiale, les républiques, les empires

Marine Le Pen a affirmé il y a peu que les empires, et non les nations, étaient responsables de la guerre. C’est un discours parallèle à celui d’Emmanuel Macron sur l’unité européenne contre les nations, dans le sens où cela témoigne d’une course à la puissance, au renforcement dans le cadre d’une éventuelle guerre pour le repartage du monde.

Marine Le Pen

Il y a quelques jours, Marin Le Pen a expliqué qu’Emmanuel Macron aurait tort de dénoncer le nationalisme comme cause de guerre. Selon elle, la première guerre mondiale aurait été provoqué par les empires, non par les nations. Et selon elle encore, Emmanuel Macron serait justement partisan d’un empire, l’empire européen, ne pouvant conduire qu’à la guerre.

A l’arrière-plan, on retrouve beaucoup de choses. Marine Le Pen reprend le thème classique comme quoi seuls les empires – l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie, voire la Russie – auraient été les forces motrices de la tendance à la guerre. Sauf que la Grande-Bretagne était alors un empire, et que qui plus est la France l’était aussi, en tant que « République » étant un empire colonial.

La France de la première guerre mondiale n’était pas un État national, mais un empire multiculturel ne sachant pas comment faire pour maintenir son emprise, oscillant entre universalisme avec intégration de tous et demi-apartheid.

Il y a également chez Marine Le Pen la seconde idée qu’une France non alliée à l’Allemagne tirerait davantage ses épingles du jeu, alors que les États-Unis et la Chine vont à la confrontation. Une « république » avec une base sociale contrôlée serait plus sûre, plus à même de manœuvrer, qu’une France intégrée dans une Union Européenne centralisée dans sa direction par une tête franco-allemande.

Ce qui revient à cette idée malsaine, fondamentalement malsaine, de placer son pays sur l’échiquier géopolitique des affrontements mondiaux, de raisonner uniquement en termes de partage et de repartage du monde.

Il ne faut pas ici se voiler la face, une partie importante des Français raisonnent déjà ainsi, expliquant que « les Chinois vont nous bouffer », qu’il existe un complot américano-sioniste, que Merkel veut un grand Reich allemand de nouveau, ou bien encore que seule l’Union Européenne peut relancer la France dans la course mondiale.

Un raisonnement du même type explique que l’écologie ne sert à rien en France, car seuls les États-Unis et la Chine compteraient si on s’intéresse à ce domaine.

Le problème de fond est que la France a été une très grande puissance, qu’elles est affaiblie, mais encore très puissante. Il y a donc un complexe et souvent la volonté de la grenouille de se faire plus grosse que le bœuf. Il y a un sentiment inacceptable de perte de puissance impérialiste, qui provoque des réactions épidermiques nationalistes.

Tout cela accumulé risque de transformer le pays en cocotte-minute nationaliste, avec des fractions politiques s’affirmant pour ou contre l’Union Européenne, mais toujours avec comme seule perspective le renforcement de la France.

Jean-Luc Mélenchon, qui ne critique jamais l’armée française comme institution et appelle la France à développer économiques les zones océaniques qu’elle contrôle, est un bon exemple d’une telle variante, ici sociale-impérialiste, c’est-à-dire sociale en parole, impérialiste dans les faits.

Cela n’est pas gai et ce sentiment de frustration impérialiste peut nous péter à la figure, tout comme le ressentiment italien a été marquant après 1918, dans un pays victorieux mais à qui la victoire n’a rien apporté, à part cette impression d’être une puissance de seconde zone.

On sait comment est le patriotisme français, hautain au point d’accepter une critique éventuelle de gens d’autres pays, mais de mauvaise foi et prompt au nationalisme. Il y a là une bombe à retardement culturel.

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Le « Rassemblement National » de Marine Le Pen

Ce week-end avait lieu à Lille le congrès de « refondation » du Front National, après l’échec de Marine Le Pen au second tour de l’élection présidentielle de 2017. Ce congrès visait à renouveler une ligne stratégique pour les années à venir, notamment en vue des élections européennes de 2019 mais aussi et surtout en vue des élections présidentielles de 2022.

Seulement 500 personnes environ se sont déplacées afin de protester, signe de la banalisation de l’extrême-droite, mais également de l’effondrement de la gauche dans une ville censée en être un bastion. Il ne reste plus que la sincérité, ce qui est déjà pas mal.

Malheureusement, l’extrême-droite sait organiser ses mutations nécessaires. Le renouvellement du Front National passe essentiellement par un changement du nom du parti et la proposition de changement est désormais là avec « Rassemblement national ».

Au-delà du fait que ce nom ait des accointances avec l’ancien mouvement collaborationniste de Marcel Déat, le « Rassemblement National Populaire » actif de 1941 à 1944, ce nom comporte un axe stratégique important.

Marine Le Pen a toujours eu comme stratégie, depuis 2011 et la reprise du FN, la conquête du pouvoir. Avec la déroute du second tour de 2017, il est clair que les critiques internes ont été très fortes, débouchant d’ailleurs sur la sortie de l’aile de « gauche » représentée par Florian Philippot en septembre 2017, aboutissant à la formation des « Patriotes ».

Plus que l’aile« gauche », c’est surtout un réservoir de cadres capables de diriger l’État qui sont partis du parti d’extrême droite. Marine Le Pen s’est alors trouvée coincée : ou bien maintenir la ligne « social-nationaliste » tout en trouvant une solution au déficit de cadres de son parti, ou bien revenir à la ligne du « canal historique », avec Bruno Gollnish en arrière-plan.

La présence du théoricien ultra-conservateur Steve Bannon lors du congrès montre la solution choisie. Cet ancien conseiller de Donald Trump est l’idéologue d’une droite se voulant décomplexée et capable de poser une alternative culturelle.

C’est cela qu’on retrouve à travers le changement de nom. Il a été compris que, comme en Autriche ou récemment en Italie, seule une grande alliance avec les forces de droite conservatrice est à même de porter l’extrême droite, ou une partie, au pouvoir.

Nicolas Dupont-Aignan de « Debout la France » ne s’y est d’ailleurs pas trompé puisqu’il a proposé à Laurent Wauqiez (Les Républicains) et à Marine Le Pen un « programme commun », justifiant le fait que sans union aucune force de droite ne « gagnerait seule ». Thierry Mariani, député Les Républicains et ancien proche de Nicolas Sarkozy, s’est lui aussi montré favorable à une telle union.

Des secteurs de la droite « nationale » l’ont compris : seule une grande alliance nationale-conservatrice peut mener à la conquête du pouvoir. Alors qu’une grande partie du centre a été absorbé par La République en Marche d’Emmanuel macron, l’opposition est actuellement portée par le populisme de gauche de la France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon.

La droite et l’extrême droite, en pleine recomposition, se cherche un cap. Mais le problème essentiel de cette fondation d’une grande alliance nationale-conservatrice c’est le poids des appareil politiques et le manque de cadre du côté du FN (qui a l’ascendant sur le reste des forces). De plus, la pression exercée à la fois par « Les Patriotes » par en haut et « Bastion Social » par en bas compliquent la situation.

Laurent Wauquiez, président des Républicains, bloque une telle alliance en voulant retenter la stratégique de Nicolas Sarkozy de « pomper » les bases du FN. Mais Marine Le Pen, a au fond le même espoir inverse : pomper les bases de droite radicalisée, et déçues par l’affairisme des Républicains. Les têtes d’appareil bloquent toute alliance permettant à la droite conservatrice d’avoir sa majorité électorale, et au FN d’avoir un réservoir de cadres.

Là où tout va peut se jouer c’est dans la constitution ou non d’un mouvement d’opposition à la modernisation de la loi de bioéthique en pleine année de commémoration des 50 ans de Mai 68.

 

Victoire de Gubernatis, la présidente de la « Marche pour la Vie », qui a rassemblé 10 000 personnes en janvier 2018 contre le droit à l’avortement et contre la PMA, a d’ailleurs déclaré dans le média identitaire « Boulevard Voltaire » que « la PMA sera au cœur de la vie politique en 2018 » (sous-entendu en lien avec la révision de la loi de bioéthique).

« Rennaissance Catholique », est un des groupes catholiques conservateurs, participants à cette « marche pour la vie », oriente d’ailleurs son université d’été de juillet 2018 sur le thème « 1968-2018, une révolution silencieuse ». Des questions abordées comme « la religion du multiculturalisme », « les droits de l’Homme contre les Nations », « la dictature des juges », etc., laissent clairement apparaître la proximité avec l’extrême droite dans sa tradition contre-révolutionnaire anti-lumières et anti-progrès.

On le comprend aisément : seule une mobilisation nationale-conservatrice peut débloquer le verrouillage des appareils incapables d’une alliance. C’est dans le creuset d’un tel mouvement, dans la pression et l’unification des bases populaires à la fois celles conservatrices et réactionnaires, qu’une grande alliance « de sommet » peut se former.

Ce serait une forme de « Front Populaire » de droite, comme pied de nez terrible à l’apathique des forces de gauche, incapable de faire front commun tout en critiquant les aspects « libéral-libertaire » de mai 68.

Marine Le Pen a très bien saisi l’importance de ce futur moment en axant justement toute une partie de son discours sur une critique de l’esprit « libérale-libertaire » de Mai 68, débouchant sur la « marchandisation du vivant » (sous-entendu explicite à la PMA, GPA). Elle a également ciblé le transhumanisme.

C’est là la base d’une dénonciation culturelle du capitalisme au moyen du conservatisme. Le Rassemblement National se positionne de manière à anticiper les futures alliances électorales, mais aussi un possible futur grand mouvement d’opposition conservatrice anti-gouvernement. C’est là un danger réel qui se profile à moyen terme.