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Culture

La situation de la musique classique russe en France

La musique classique russe a-t-elle été « effacée » en France ?

La légende de Sadko, qui a notamment inspiré un opéra de Nikolaï Rimski-Korsakov, ici dans une peinture de 1876 d‘Ilia Répine, peintre russe majeur désormais « effacé » et transformé en peintre ukrainien

« Cadences » est une petite revue gratuite, d’une trentaine de pages. En voici sa définition :

« CADENCES est le magazine sur l’actualité des concerts de musique classique, opéra, musique baroque, musique contemporaine à Paris et en Ile-de-France.

Il est aujourd’hui l’outil préféré des mélomanes parisiens avec son agenda des concerts, ses dossiers musicologiques et ses interviews d’artistes. »

Tirant à 50 000 exemplaires, on peut trouver cette revue dans les lieux concernés. Elle est très sérieuse, de haut niveau. C’est tout à fait parfait pour voir si la propagande de guerre a réussi à pénétrer la Culture ou non.

Regardons le numéro 361-362 de février mars 2023 (disponible ici en pdf), afin de voir comment la culture russe y a été effacée, ou non.

Sur la couverture est annoncé un article intitulé « Rachmaninov L’oeuvre pour piano ». Pages 4 et 5, on trouve un article au sujet de la Symphonie n°5 de Prokofiev, qualifiée de « grandiose ». Les premières lignes soulignent qu’il l’a composée en Union Soviétique, en 1944. Et on lit :

« Sans doute a-t-il été sensible aux sirènes du régime soviétique qui lui offre les conditions lui permettant de se consacrer pleinement à la composition. De fait, son activité créatrice reste intense après son retour et son inspiration ne faiblit pas.

Si son style s’est quelque peu assagi par rapport aux audaces des années 1910 et 1920, il produit plusieurs chefs-d’œuvre : le Second Concerto pour violon, le ballet Roméo et Juliette, le célèbre conte Pierre et le Loup, la musique pour le film d’Eisenstein Alexandre Nevski. »

Rien de plus objectif.

Page 6 est présenté un concert d’un pianiste russo-lituanien, Lukas Geniusas, jouant Schubert et Rachmaninov. Page 9 est annoncé un concert du grand pianiste ukrainien Vadym Kholodenko jouant Schubert et Prokofiev.

Pages 12 et 13 on a un article sur « Rachmaninov magicien du piano », soulignant l’importance de ce compositeur, alors que le très grand pianiste russe Nikolaï Luganski en proposait en début d’année une intégrale à Paris. Il y a un regain vers ce compositeur, Rachmaninov étant la pièce maîtresse de la « seconde vague » de la musique classique russe.

Page 28 est présenté la sortie d’œuvres pour piano d’Alexandre Scriabine, par Vincent Lardenet, « le plus grand des scriabiniens actuels ».

Constatons quelques autres choses : le lac des cygnes de Tchaïkovski est joué à l’opéra royal du château de Versailles, la pianiste russe Olga Pashchenko (dont le nom est ukrainien par ailleurs) joue à la Cité de la musique, Prokofiev est joué à la Philarmonie, le pianiste russe Mikhaïl Pletnev joue à la Philarmonique de Radio France, l’illustre pianiste Ievgueni Kissine (d’origine russe et devenu israélien) joue notamment du Rachmaninov au Théâtre des Champs-Élysées…

Rien n’a donc été abîmé. La propagande de guerre, le bourrage de crâne… n’ont pas fonctionné. L’effacement d’une partie de la culture mondiale au nom d’intérêts impérialistes n’a pas eu lieu.

C’est une joie. Et une preuve que la défense de la culture est toujours le véritable fondement de la civilisation. La préservation de ce qui a de la valeur transcende les préjugés et met à l’écart le nationalisme, les sordides manipulations.

Ce non-effacement de la musique russe est une contribution réelle au refus de l’auto-destruction du monde et une haute expression du besoin existentiel de la paix universelle, de l’unité du monde pour la Culture.

Quand on admire la danse des chevaliers au Bolchoï, on fait partie de l’humanité toute entière – comme avec toute œuvre culturelle de grande valeur de chaque pays du monde.

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Culture

« I know it’s over »

Ce qui est vrai est vrai.

C’est une chanson puissante, où est exprimé un désarroi fondamental, une situation puissamment contradictoire, et cela passe par un appel plein d’ampleur à la figure absolue : celle de la mère.

« Je sais que c’est fini – je m’accroche toujours / Je ne sais pas où d’autre je peux aller / Oh Mère, je peux sentir le sol tomber sur ma tête / Regarde, la mer veut m’emporter / Le couteau veut me trancher / Penses-tu que tu puisses m’aider ? »

Tout est fini, en effet. La raison de tout cela, c’est qu’une femme va se marier, avec un homme qu’elle n’aime pas, clairement pas, c’est un idiot qui plus est, un type grossier, elle est simplement là parce qu’elle a besoin de lui.

Elle a refusé de chercher plus loin, d’être vraiment elle-même. Elle avait pourtant un rapport réel avec quelqu’un d’autre, un rapport vrai, où tout était possible, nécessaire même, mais qu’elle a trahi. D’où la plainte dans la chanson de celui qui a été abandonné en cours de route :

« Je sais que c’est fini /
Et ça n’a jamais vraiment commencé /
Mais dans mon coeur c’était si réel »

Et là, la chanson constate que, si on prend les gens comme ils sont, authentiquement, vraiment, alors on se retrouve seul, malgré qu’on soit marrant, ou malin, ou divertissant, ou justement pour cela.

Parce que les gens trouvent ça très bien, mais n’en ont rien à faire au fond, ils ont leurs petits calculs, ils ont leurs intérêts en tête. Aussi préfèrent-ils se débarrasser de tout, en riant de tout, en haïssant, alors qu’il faut de la force pour être prévenant et gentil.

Ce qui est la condition pour rester soi-même. Il n’y a pas d’authenticité sans empathie, sans compassion, y compris avec soi-même, car ce dont il s’agit, c’est d’assumer ses propres sentiments, non pas de les fuir.

D’où l’accusation finale :

« L’amour est naturel et réel / Mais pas pour toi, mon amour / Pas ce soir, mon amour / L’amour est naturel et réel / Mais pas pour des gens comme toi et moi, mon amour »

Et le leitmotiv, car que reste-il à quelqu’un qu’on a arraché à la vérité sentimentale, si ce n’est de se tourner vers la figure de la mère ?

« Oh Mère, je peux sentir le sol tomber sur ma tête »

La version live de cette chanson des Smiths de 1986 ne laissera certaines personnes pas intactes et les marquera nécessairement à vie, comme l’une des choses les plus fortes qui soient.

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Guerre

Protégeons Anna Netrebko d’éventuelles sanctions européennes

Le régime ukrainien bandériste entend interdire cette grande chanteuse.

Le week-end du 7-8 janvier 2023, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a publié un décret consistant en des sanctions contre des personnalités russes. Concrètement, cela gèle les avoirs en Ukraine de 119 personnes. Ce qui compte toutefois surtout, c’est que le régime ukrainien appelle l’ensemble des pays occidentaux à faire de même.

Si l’Occident la suit, cela signifie que l’immense chanteuse d’opéra Anna Netrebko, qui fait partie de cette liste, sera visée ! On parle ici d’une figure majeure de la culture mondiale, depuis plus de 20 ans. Quiconque n’est pas un barbare devrait éprouver une tristesse terrible et une colère inébranlable devant l’idée même d’interdiction d’Anna Netrebko.

Nul hasard évidemment à la décision du régime ukrainien puisque le régime ukrainien entend nier et interdire tout ce qui est russe, à l’instar de Tchaïkovski. Le bandérisme est l’idéologie à l’arrière-plan du régime ukrainien et son objectif fondamental est la destruction de la Russie, présentée comme une « Moscovie » tyrannique.

Si l’Union européenne, dont la France, suit l’Ukraine, cela veut dire qu’Anna Netrebko est interdite, que sa vie personnelle est brisée. Ce serait un crime magistral contre la culture.

La position d’Anna Netrebko est malheureusement affreuse. Au début de la guerre en Ukraine, elle a été dénoncée par l’occident pour une prétendue soumission au président russe Vladimir Poutine. Elle a été blacklistée dans la foulée. Puis, elle a pris position publiquement contre la guerre, pour la paix, et résultat c’est en Russie qu’elle a été blacklistée !

Elle a alors choisi, elle qui vit à Vienne, la capitale autrichienne étant une base fondamentale de l’opéra, de se mettre de côté, avant de revenir à partir de mai 2022, allant là où on l’a accepté, y compris des opéras relativement secondaires. Tant mieux pour ces opéras secondaires, mais c’est une véritable honte, un crime contre la culture.

Cette situation est un odieux exemple de comment le militarisme l’emporte, de comment la culture est mise de côté ou effacée, de comment les grandes puissances nous précipitent dans la troisième guerre mondiale.

Protéger Anna Netrebko de la folie furieuse occidentale est notre devoir. Ce qui concerne la Russie concerne les Russes. Il faut s’occuper de nos barbares à nous, qui avec l’OTAN veulent imposer leurs valeurs capitalistes nihilistes à tout prix, y compris à travers la barbarie, le sang versé.

Et il ne faut pas compter sur la Gauche française malheureusement. Elle est soit pro-OTAN, soit tellement inculte qu’elle ne sait même pas ce qu’est un opéra. Il faut compter sur le peuple et sur la culture – notre seul refuge dans ce monde partant à la dérive !

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Culture

« Blue Monday »

Quand on décide de ne plus participer.

La chanson Blue Monday de New Order eut un succès magistral à sa sortie en mars 1983 ; cela correspondait à un mouvement historique venant de la disco, passant par la hi-nrg (soit une disco « froide ») pour aller dans le sens de la techno.

Blue Monday était emblématique de ce tournant où le matériel permettait de systématiser la musique électronique. La chanson est incontournable et est relativement proche de Confusion datant d’août 1983, dont la vidéo est très réussie avec son portrait du New York dansant prolétarien. Formidable !

Blue Monday a cependant eu un gigantesque succès en raison également de ses paroles, donc dans les pays anglophones ou bien où l’anglais est relativement maîtrisé.

C’est que la chanson raconte comme un homme rencontre une femme et comment cela correspond entre eux. Tout est là entre eux.

Elle décide toutefois de ne jamais faire le pas pourtant dans l’ordre des choses, tout en maintenant leur relation, la précipitant dans l’ambivalence.

Il lui reproche alors de se sentir mal et de le savoir, sans pour autant ne rien faire, et à la fin de la chanson son cœur « grandit froidement » alors qu’il a décidé de s’en éloigner.

Le titre de la chanson résume cette démarche de rupture, sans que personne n’y ait rien compris, et pour cause, cela vient d’une expression allemande. Le « Blauer Montag », c’est quand on décide de ne pas aller travailler le lundi, parce que trop c’est trop et que l’exploitation salariée, il y en a assez.

C’est une expression très connue en Allemagne, associée historiquement à la rébellion contre le salariat capitaliste, mais cela n’existe pas en anglais, donc personne n’y a rien compris, et New Order ne l’a jamais expliquée, même si la pochette de la version remixée de 1995 contient les termes « Blauer » et « Montag ».

Ce thème de la grève sentimentale, pour ainsi dire, se retrouve dans Confusion, où il est reproché à la personne avec qui cela correspond de n’apporter que de la confusion sans en rien prendre en compte les effets vécus, si douloureux. Résultat : le départ, le renversement de situation, trop c’est trop.

Il y a là une accusation romantique d’anti-romantisme : mais comment peut-on ne pas être à la hauteur de soi-même, de ses sentiments, alors que l’autre est là matériellement et qu’on le sait, et que tout est là?

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« Vegan for the animals »

« Vegan pour les animaux »

La Gauche historique a pour principe de célébrer : ce qui est bien, constructeur, positif ; c’est le sens de la vie, on le salue. Par opposition, ce qui est mal, erroné, négatif, est dénoncé.

Alors que le nouvelle année va commencer, il est certainement juste de saluer la sortie par le groupe Earth Crisis de deux nouvelles chansons sur un mini album de quatre chansons, « Vegan for the animals ».

Ce mini-album, sorti en octobre 2022, est notable car le groupe Earth Crisis s’est monté aux États-Unis en 1989. On parle ici de gens qui sont vegans depuis cette date et qui n’ont jamais lâché le flambeau.

Ce n’est pas rien, c’est même énormément. On parle ici d’un engagement réel et prolongé. Le nom du groupe vient d’ailleurs d’un album du groupe de reggae Steel Pulse, où l’on voit ce qui les mettait en rage : les deux blocs s’affrontant pour le contrôle du monde, le KKK, la famine en Afrique… Il y a aussi le pape, le Vietnam, la répression anti-populaire…

C’est là quelque chose de marquant, car on est dans la loyauté, l’engagement impliquant toute son existence.

On est à l’opposé de la narration capitaliste d’idées « nouvelles » à rapidement consommer. C’est particulièrement vrai pour la question animale, récupérée et démolie par le capitalisme « végétalien » dans les années 2010 et les opportunistes comme Aymeric Caron en France.

Earth Crisis est, si l’on veut, une preuve historique que les idées révolutionnaires sont portées par des démarches révolutionnaires… Le capitalisme cherche à récupérer et réécrire l’Histoire, il faut y faire face!

Le groupe Earth Crisis est par ailleurs très connu dans la scène punk hardcore, étant pour simplifier l’un des premiers groupes à mêler le metal au punk avec un son « hardcore ». Cette approche deviendra par la suite très commune, donnant un son lourd qu’on est pas obligé d’aimer bien sûr.

Et Earth Crisis fait surtout partie de la scène punk « positive » dite straight edge, qui refuse les drogues, l’alcool, les rapports sexuels hors couple.

Le mouvement prônant une discipline morale et culturelle pour tenir le choc face à une société décadente a eu un grand impact dans les années 1990 aux États-Unis et particulièrement en Suède. Le straight edge était alors systématiquement lié au végétarisme puis au véganisme.

Youth of Today en concert
Earth Crisis en concert

Earth Crisis était le pilier de cette culture « vegan straight edge« , Leur principale chanson, Firestorm, parle ainsi d’une tempête qui va venir pour débarrasser par la violence la société du trafic de drogues.

Le groupe prônait par ailleurs la violence comme solution révolutionnaire en général, notamment contre la vivisection et en faveur de la protection de la Nature. Cette scène musicale et activiste exprime une rupture culturelle majeure au coeur de la superpuissance américaine, se confrontant directement à la terreur de la consommation et faisant de la question animale la clef morale.

Les chansons sur le mini-album sont d’ailleurs « vegan for the animals » qui appelle à devenir vegan et à aller à la victoire, « Through A River Of Blood » qui dénonce la vivisection comme un massacre, « Smash Or Be Smashed » qui appelle à l’auto-discipline pour faire face à un monde qui est en guerre contre la Nature, avec toutefois les êtres humains se prenant pour des « néo-dieux » comme dit dans « Fate of the Neo-gods ».

Tout cela est méritoire, et exemplaire. On parle toujours de bonnes résolutions pour le nouvel an : il y a ici de quoi s’inspirer.

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Culture

« Last Night I Dreamt that Somebody Loved Me »

Une chanson à rebours de l’anti-romantisme caractérisant la société capitaliste.

Il faut être vrai, il faut être authentique, et dans le capitalisme les relations humaines sont déformées, aliénées, perverties. Les réseaux sociaux représentent d’ailleurs la quintessence de la manipulation, de l’écrasement de l’être humain. C’est l’ego contre l’émotion.

La chanson « Last night I dreamt that somebody loved me » des Smiths en 1987 est en ce sens un manifeste, un drapeau. Notre drapeau ! Oui, il faut toujours « être malade » comme le formule une chanson des Smiths, oui il faut refuser de « grandir » et de se comporter comme un « adulte » c’est-à-dire en conformité complète avec les intérêts du capital.

Qui met la romance de côté dans sa vie met sa propre vie de côté !

Last night I dreamt
That somebody loved me
No hope – no harm
Just another false alarm

Last night I felt
Real arms around me
No hope – no harm
Just another false alarm

So, tell me how long
Before the last one?
And tell me how long
Before the right one?

This story is old
– I KNOW
But it goes on
This story is old
– I KNOW
But it goes on

La nuit dernière j’ai rêvé
Que quelqu’un m’aimait
Pas d’espoir – pas de dommage
Juste une autre fausse alerte

La nuit dernière, j’ai ressenti
De vrais bras autour de moi
Pas d’espoir – pas de dommage
Juste une autre fausse alerte

Alors, dis-moi combien de temps
Avant le dernier ?
Et dis-moi combien de temps
Avant le bon ?

C’est une vieille histoire
– JE SAIS
Mais elle continue
C’est une vieille histoire
– JE SAIS
Mais elle continue

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Culture

Casse-noisette pour Noël

Un classique, incontournable de ce fait.

Le ballet Casse-noisette devient depuis une cinquantaine d’années un des marqueurs majeurs de la période de Noël, et plusieurs de ses mélodies sont désormais très connues, étant admirablement bien calibrées en 1892 par le compositeur russe Tchaïkovski, que le régime ukrainien souhaite qu’on interdise.

L’humanité regarde et écoute avec admiration ce ballet, profondément marquée notamment par six extraits, que voici.

L’oeuvre est admirable, en ceci qu’elle est admirablement complexe et pourtant parfaitement lisible. Cela foisonne, mais on ne perd jamais le fil ; la complexité est massive, et tout reste simple.

C’est également la caractéristique du conte à l’origine, écrit par Ernst Theodor Amadeus (E.T.A.) Hoffmann en 1816, dont il existe une version française adaptée-simplifiée par Alexandre Dumas en 1838.

Voilà ainsi la véritable origine du succès de cette oeuvre à l’occasion de Noël, même si le conte se déroule précisément à cette période : c’est le foisonement lisible, la multitude des choses restant simple. Une richesse matérielle, mais simple : soit littéralement une allégorie du communisme.

« Mais alors il s’éleva de tous côtés un bruit de fous rires et de sifflements, et l’on entendit bientôt trotter et courir derrière les murailles comme des milliers de petits pieds, et mille petites lumières brillèrent à travers les fentes du parquet.

Mais ce n’étaient pas des lumières : c’étaient de petits yeux flamboyants, et Marie remarqua que des souris paraissaient de tous côtés. Bientôt tout autour de la chambre on courait au trot, au trot, au galop, au galop !

Des amas de souris de plus en plus distinctes couraient çà et là ventre à terre, et se plaçaient à la fin en rang et par compagnie, comme Fritz le faisait faire à ses soldats quand ils devaient aller à la bataille.

Cela parut très-amusant à Marie ; et comme elle n’éprouvait pas contre les souris l’espèce d’horreur qu’elles inspirent aux enfants, elle commençait à reprendre courage, lorsque tout à coup elle entendit des sifflements si effroyables et si aigus, qu’elle sentit un frisson lui parcourir le corps.

Mais qu’aperçut-elle ?

Juste à ses pieds tourbillonnèrent, comme mus par un pouvoir souterrain, du sable, de la chaux et des éclats de briques, et sept têtes de souris, ornées chacune d’une couronne étincelante, sortirent du plancher en poussant des sifflements affreux. Bientôt un corps, auquel appartenaient les sept têtes, s’agita avec violence et parvint à s’élancer dans la chambre.

Toute l’armée salua trois fois d’acclamations violentes la grosse souris ornée de sept couronnes, et se mit aussitôt en mouvement au trot, au trot, au galop, au galop ! vers l’armoire et vers Marie, qui se tenait encore placée près du vitrage.

Le cœur de Marie battit si fort, qu’elle crut qu’il allait s’échapper de sa poitrine, et qu’alors elle mourrait ; mais il lui sembla que son sang se figeait dans ses veines, et, à demi évanouie, elle chancela en reculant.

Et alors Klirr, klirr, prr !…

La vitre de l’armoire tomba brisée en morceaux sous la pression de son coude. Elle éprouva un moment une poignante douleur au bras gauche ; mais en même temps elle se sentit le cœur moins oppressé.

Elle n’entendit plus ni cris ni sifflements ; tout était devenu tranquille, et elle crut que les souris, effrayées du bruit de la vitre brisée, s’étaient réfugiées dans leurs trous. Mais tout à coup des rumeurs étranges s’élevèrent de l’armoire placée derrière elle, et de petites voix disaient :

— Éveillons-nous, éveillons-nous ! Au combat, au combat cette nuit ! Éveillons-nous, au combat !

Et alors un doux et gracieux bruit de clochettes résonna harmonieusement.

— Ah ! c’est mon jeu de cloches ! s’écria Marie toute joyeuse.

Et elle sauta de côté.

Elle vit que l’armoire s’éclairait et se remplissait de mouvement. De petites poupées couraient l’une sur l’autre et faisaient de l’escrime avec leurs bras.

Tout à coup Casse-Noisette se leva, jeta sa couverture loin de lui, se dressa sur le lit à pieds joints, et s’écria d’une voix retentissante :

— Knack, knack, knack ! souris au bivouac vaut à peine une claque ! Quel micmac dans le sac ! Cric crac !…

Puis il tira son petit sabre, l’agita en l’air et s’écria :

— Chers vassaux, frères et amis ! voulez-vous me venir en aide dans la bataille acharnée ?

Aussitôt trois Scaramouches, un Pantalon, quatre ramoneurs, deux joueurs de guitare et un tambour s’écrièrent :

— Oui, maître, nous vous viendrons fidèlement en aide ; avec vous nous marcherons au combat, à la victoire ou à la mort !

Et ils se précipitèrent au-devant de Casse-Noisette, qui se lança hardiment du rayon en bas.

Les autres avaient pu se jeter sans péril, car, outre que leurs riches habits étaient de drap et de soie, leur corps était rembourré de coton ; mais le pauvre Casse-Noisette se serait cassé bras et jambes, car il tombait de deux pieds de haut, et son corps était délicat comme s’il eût été de bois de tilleul, si mademoiselle Claire ne s’était élancée du canapé et n’avait reçu dans ses bras tendres le héros tenant son glaive à la main. »

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Culture

Le cycle des tendances culturelles selon Jeff Mills

La réédition du disque « Cycle 30 » porte une réflexion et une mise en pratique.

Jeff Mills est ce qu’on peut appeler un des pionniers de la musique Techno venue de Detroit aux États-Unis. Si l’utilisation des machines pour créer de la musique remonte à la fin des années 1970, le style Techno, son nom, son identité est entériné véritablement en 1988 avec la compilation Techno! The New Dance Sound Of Detroit après une décennie d’expérimentations notamment autour du groupe Cybotron.

C’est tout un mouvement qui naît des cendres de la crise de l’automobile. Dans cette grande ville industrielle en désolation, la jeunesse se tourne alors vers les machines, promesse du renouveau.

Né en 1964, Jeff Mills est considéré comme faisant partie de la deuxième vague et il a la particularité d’être toujours là et productif en 2022. Depuis la fondation du label Underground Resistance (UR) en 1989 et le début de sa notoriété en tant que producteur, son travail a toujours été soutenu par une véritable réflexion.

Ainsi le contenu d’Underground Resistance était très politisé et antagoniste, revendiquant le fait d’être quelque chose à part, ne montrant jamais son visage et refusant toute absorption par les grandes maisons de disques.

Pour les membres de ce label, la musique est donc dès le départ une expression relevant forcément d’un mouvement historique, politique, culturel de quelque chose de plus grand, de quasiment cosmique dans le cas de Jeff Mills.

C’est ce qui marque aussi les productions de son label Axis Record créé en 1992 et toujours actif. Résolument tourné vers le futur, très ouvert à de nombreuses influences, il n’a pas cessé de regarder vers les astres.

Jeff Mills aura tenu le fil de sa démarche, sans jamais renoncer à la créativité, et en évitant plutôt brillamment de tomber dans les pièges de la standardisation.

En 1994, il sort un disque emblématique de sa réflexion : Cycle 30. Imprimé en 300 exemplaires en 2022 pour les 30 ans du label, le disque est accompagné d’une longue explication de cette théorie.

Ce chiffre 30 n’est pas un hasard puisqu’il représente pour lui un cycle pour les tendances musicales.

À l’origine, le musicien ayant connu cet incroyable et stimulant bouleversement de la musique électronique, s’est posé la question que toute personne impliquée culturellement dans une scène se pose : comment expliquer ces vagues qui déferlent et vous changent tout un paysage musical, graphique, vestimentaire… Et surtout, quand sera la prochaine ? Peut-on la prévoir ? Peut-on la provoquer ?

Se rendant compte que chaque nouvelle tendance de la culture comporte des éléments d’une ancienne tendance formant ainsi une sorte de cycle, Jeff Mills se penche donc sur les mouvements artistiques de ce début des années 1990 et ceux passés dont voici sa synthèse :

« Les décennies 1930, 1960 et 1990 sont apparues comme les plus fructueuses en termes de progrès, mais les décennies 1920, 1950 et 1980 ont été plus propices à la contemplation et à la formulation d’hypothèses. »

Il cherche ensuite à ancrer ces cycles dans des raisons historiques. Il remarque ainsi que les grandes séquences historiques auraient eu des « réponses créatives » :

« La première guerre mondiale/la grippe espagnole des années 1910, la deuxième guerre mondiale/la fin de l’ère industrielle des années 1940. La guerre froide, la guerre du Vietnam, le mouvement hippie et la conception de l’ordinateur individuel dans les années 1960. Chaque situation a contribué à repousser les limites psychologiques et sociales de la théorie de la réflexion à propos du fait de créer jusqu’à la concrétiser matériellement. »

On peut d’ailleurs noter ici une formulation ne faisant pas de séparation entre ce qui relève de la guerre elle-même, de ses conséquences et de sa critique issue du peuple.

Voici donc pour ce qui est de l’idée générale qui a porté l’album cycle 30 à son origine en tant que mise en pratique ou une tentative de refléter une démarche productive.

Dans le contenu l’album cycle 30 est composé d’une face A qui se présente comme une collection de boucle Techno, elles sont au nombre de huit. Sur un vinyle classique, les sillons forment une spirale et le disque a un début et une fin avec plusieurs pistes se succédant. Sur cette face les huit sillons sont strictement parallèles, les boucles se jouent donc à l’infini.

« Chaque boucle représente toutes les 30 années dans le passé et le futur. À partir du bord extérieur du vinyle, les boucles sont plus raffinées dans leur texture et à mesure qu’elles se rapprochent du trou central (et à travers l’horizon des événements jusqu’au point d’infini – le trou central de la broche du vinyle), les boucles deviennent plus primitives et plus dures. »

Sur la face B, trois titres : Man from the Futur qui aborde la connaissance du passé pour prévoir l’avenir ; Vertical qui «  fait référence à l’idée que la réalité ne passe pas d’un moment à l’autre, mais qu’elle s’accumule et est plus ou moins un processus d’empilement d’informations » ; et Utopia qui affirme les aspirations profondes de l’humain pour l’harmonie, pour atteindre, en ses propres termes « un royaume de perfection et de divinité ». Pour lui, « ce sont les nombreuses interprétations de ce souhait (de ce à quoi ressemble l’Utopie) qui créent les débats, les problèmes, les conflits et les solutions qui ont poussé, et parfois traîné l’humanité en avant. »

L’absence criante d’Utopie de nos jours rend pertinente la réimpression de ce disque, d’autant plus que l’Histoire est de retour. La théorie de Jeff Mills serait-elle sur le point de se vérifier ?

En tout cas on ne peut pas accuser le moine de la Techno de ne pas avoir essayé de participer à l’émergence du nouveau pendant ces dernières années, il a toujours renouvelé ses collaborations, tentant des fusions entre Techno et musique classique ou entre Techno et Afrobeat. Comme avec « Blue Potential », collaboration avec l’orchestre philarmonique de Montpellier ou celle avec le gigantesque batteur Tony Allen juste avant son décès pour l’album « Tomorrow Come the Harvest ».

Mais malheureusement en art comme en politique, il ne suffit pas d’être fidèle à ses principes : rien ne peut se faire sans la conjoncture de l’Histoire, et la base pour ne pas rater le train c’est de faire comme s’il pouvait passer à tout moment.

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« Teen Beat » nouveau clip du groupe Automatic

Le nouveau clip d’un album retro acidulé.

Le groupe de new wave Automatic vient de sortir le clip du titre Teen Beat, faisant suite aux trois autres marquant la sortie de l’album « Excess » sorti en juin dernierAprès le débordant d’énergie « Signal », sorti en septembre 2019, le trio féminin, composé notamment de la fille du batteur du groupe de post-punk Bauhaus, nous propose dix titres aux atmosphères plus variées.

Teen Beat est un titre marqué par des sonorités distordues et ponctué d’un rire métallique sur le quel viennent se superposer des images évoquant la destruction de la nature sous plusieurs formes. Les paroles évoquent un conflit soit générationnel autour de l’écologie ou entre les victimes de l’écocide et ses responsables, tandis que le clip semble montrer une génération qui essaye de composer entre vivre sa jeunesse et anticiper un avenir sombre.

Le reste de l’album n’est pas moins intéressant, voir davantage, les artistes le qualifient elles-mêmes de « dystopique » mais l’ambiance n’y est pas pour autant nihiliste.

New Beginning est le morceau le plus révélateur d’une démarche entre bilan effronté et refus de ranger ses espérances dans le placard de la morosité. Les accords de basse et les percussions sont entraînants, et les nappes synthétiques sont fulgurantes, rugueuses et robotiques. Avec même quelques notes électroniques, ajoutant une ambiance presque mystérieuse.

Les paroles évoquent l’espoir d’un nouveau départ avant la fin du monde, ailleurs dans le cosmos.

The stars will light the way / Les étoiles éclaireront le chemin

Though we face resistance / Bien que nous rencontrions de la résistance

There’s hope to make it out / Il y a de l’espoir pour s’en sortir

And I can still remember dancing / Et je me souviens d’avoir dansé

I been hearing music play / Avoir entendu de la musique

Maybe there’s enough to save us / Peut-être qu’il y en a assez pour nous sauver

Maybe there’s enough to dream / Il y en a peut-être assez pour rêver

L’univers des clips superposent les périodes dite des « trente glorieuses » et celle de la fin des utopies, les années 1990, dans un style résolument retro avec une image texturée et acidulée. 

New Beginning nous rappelle par exemple à quel point on pouvait rêver d’un mode de vie différent, que ce soit dans les représentations type science-fiction occidentale ou dans l’imagerie soviétique. 

Skyscraper, montre en revanche comment la monotonie capitaliste a mis fin aux idéaux, on ne rêve plus de conquérir l’espace, les gens sont transformés en des robots dans des bureaux et les esprits sont pervertis.

No country or cause / Pas de pays ni de cause

You’re lost in the fog / Tu es perdu dans le brouillard

Your skin fits so tight now you can’t move at all / Ta peau est si serrée que tu ne peux plus bouger du tout.

Certains morceaux vont sur des thématiques précises, comme la condition féminine avec Venus Hour qui dénonce avec poésie les standards sexistes de trois époques différentes (successivement les années 1930, 60 et 90).

Du point de vue ambiance, le morceau Realms fait exception et dénote d’une sorte d’abattement face à « un monde si irréel » et une volonté de lâcher prise.

Alors que composé en grande partie avant la guerre, on a en somme un album qui reflète déjà une époque où se projeter est compliqué pour la jeunesse, les perspectives utopiques étant bien maigres. Automatic est en tout cas un de ces groupes qui pourrait bien saisir et refléter avec sensibilité un grand idéal commun quand l’avenir sera plus clair.

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Bishkek: du post-punk russe de Berlin

Voici l’album БЕЗУСЛОВНОСТЬ de l’artiste Bishkek, suivi de son interview !

Pourrais-tu te présenter toi et ta musique ?

Bonjour, je m’appelle Jan, j’ai 25 ans et je vis en Allemagne. Il y a 6 mois, j’ai déménagé depuis la petite ville de Würzburg vers Berlin. Merci de m’avoir invité, je suis très heureux de l’interview, c’est ma toute première !

Je joue du post-punk russe très classique, c’est-à-dire de la batterie synthétique, une ligne de basse accrocheuse, des synthétiseurs et une voix assez monotone. Mes plus grandes inspirations musicales sont bien sûr des groupes comme Molchat Doma, Ploho et Lebanon Hanover mais aussi des artistes post-punk/darkwave allemands modernes comme Edwin Rosen.


Pourquoi voulais-tu écrire des chansons et faire de la musique ?

Je viens à l’origine d’un milieu hardcore/metalcore et j’ai toujours voulu jouer ce genre de musique quand j’étais adolescent. Au fil du temps, j’ai commencé à écouter beaucoup de post-punk, de shoegaze, d’indie et de pop en plus du hardcore. En raison de ma socialisation en Allemagne, j’ai toujours eu peu de contacts avec la musique russe et j’ai été totalement flashé lorsque les groupes post-punk russes ont connu un énorme battage médiatique en occident. J’étais très impressionné par les thèmes sombres et mélancoliques et je voulais vraiment jouer ce genre de musique. Faire de la musique en russe en particulier était spécial pour moi car ici c’est une langue que je parle presque exclusivement avec ma famille. Malheureusement, cela n’a jamais fonctionné pour trouver des gens pour un groupe, alors j’ai commencé à écrire et enregistrer des chansons moi-même dans ma chambre.

Tu chantes en russe et tu t’appelles Bichkek en tant que capitale kirghize, as-tu des racines russes ou kirghizes ?

Oui, je suis né en 1996 à Bichkek. Mes parents ont émigré en Allemagne avec moi et la moitié de ma famille en 1998. Nous sommes venus en tant que réfugiés du contingent juif de l’union soviétique brisée dans le but de trouver une vie meilleure.

Ton dernier projet « БЕЗУСЛОВНОСТЬ » est sorti ce mois-ci, de quoi s’agit-il ?

Traduit, l’EP signifie « inconditionnalité » et il s’agit principalement d’amour, d’inadaptation du logement et de folie des loyers et de la peur du changement. J’ai choisi ce nom parce que de nombreux domaines de la vie sont souvent liés à une sorte d’inconditionnalité. Par exemple, l’amour pour les personnes importantes peut être inconditionnel. Mais je comprends aussi certains droits fondamentaux, comme le droit à un toit au-dessus de la tête, comme des choses qui ne devraient pas être liées à des conditions telles que le revenu.


Avant cet EP, tu as sorti « скоро », ce nouvel EP est-il la suite du précédent ?

Oui, lyriquement en partie. Le premier EP était plus sur mes problèmes personnels. L’émigration de mes parents et moi en Allemagne et les questions qui l’accompagnent sur l’identité, l’adaptation et la peur sont des thèmes centraux à la fois dans le premier et le nouveau EP.

Musicalement, j’ai essayé de trouver un meilleur son cette fois. En plus de meilleurs samples de batterie, j’ai aussi essayé de trouver de plus beaux sons de synthé. Mon pote Felix, qui a fait le mix/master, a aussi beaucoup contribué au son.

Ton album БЕЗУСЛОВНОСТЬ est fortement expressif sur la vie quotidienne, les difficultés à vivre dans un monde où il y a un individualisme si fort, où l’amour n’a pas de place. Était-ce une critique du quotidien ?

Oui, cela peut être compris comme une critique de mon quotidien personnel. En fait, je ne suis pas un grand fan de musique explicitement politique, c’est souvent assez brutal et peut vite devenir embarrassant. Néanmoins, la deuxième chanson крыша (dach) [toit en français] est quelque part une chanson politique, car elle traite des problèmes du marché du logement. Mais je ne ferais jamais une chanson avec des slogans de manif dedans.

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Playlist « Breakbeat du XXIe siècle »

Le terme breakbeat qualifie une caractéristique musicale des genres où le motif habituel du kick est brisé, avec un beat particulier, presque arythmique, qui s’illustre principalement dans la Drum & Bass (ou DnB).

Mais les premiers breakbeats c’étaient les breaks de batterie, les parties non-chantées dans les morceaux de funk qui, une fois isolés et joués en boucle, ont servi de matière première pour le Hip-Hop des origines des années 1970.
C’était la partie qui faisait danser les breakers, qui permettaient aux rappers de poser leurs mots.

Le morceau comportant le break le plus célèbre est « Amen Brothers » par The Winstons et un solo de batterie exécuté par le fameux G.C. Coleman, ci-dessous à 1’26.

Ce fameux contretemps est aussi présent dans la musique caraïbéenne où on l’appelle skank et aboutira dans le dub. Il réapparaît sous forme électronique dans le milieu hardcore anglais avec la Jungle puis la fameuse Drum & Bass.

La Drum & Bass a succédé à la « Jungle » aux alentours de 1996 dans la région de Bristol au Royaume-Uni. C’est une rupture relative avec les ambiances « traditionnelles » de la techno, car la notion rythme est tout à fait centrale dans le développement d’une mentalité et d’une attitude, d’une manière de danser principalement. On passe du rythme binaire régulier, lancinant hérité de la techno de Detroit à des breaks endiablés, sans fin, augmentés grâce à l’informatique. On a ainsi un style qui s’éloigne des « traditionnelles » amphétamines qui innondent la scène techno, préférant une approche plus passive avec la consommation de weed et, plus tard, d’anti-dépresseurs.

Malgré ces différences, la Drum & Bass fait partie du milieu rave, cela agrandit encore les perspectives au sein des musiques électroniques, en terme de choix de soirée, d’ouverture culturelles etc.

Il y a eu moins d’écho en France par rapport à l’ère anglo-saxonne ou l’Allemagne par exemple, mais dans les années 2000 jusqu’au début des années 2010 il était tout à fait possible et facile d’aller uniquement dans des soirées D&B. Les freeparty ont participé également à la diffusion de ce genre, les grosses lignes de basses et le rythme particulier permettant de reposer les corps dans les matinées ensoleillées suivant les nuits blanches.

On trouve des morceaux récents de DnB, à la fois très modernes du point de vue des sonorités, au mastering très propre, et à la fois « old school » dans l’esprit.

C’est un peu le son de la crise, avec un style particulier, avec une énergie comme contenue, enserrée dans des nappes de basses, comme ne parvenant pas à s’exprimer totalement.
Forcément, les breakbeats sont basés sur les breaks, des cassures littéralement plutôt que des transitions, donc sur une rupture musicale : la fin d’une séquence, le début d’une nouvelle, différente, plus complexe, plus intense.

Pour accéder à la playlist >cliquez ici<

Voici la tracklist :

1) Molecular, Bouncer

2) Thread, When I Feel

3) Philth & Bredren – Butterfunk

4) Molecular, Rolling Ride

5) Ground, Regain

6) Telekinesis, Sensor

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Cabaret Voltaire vu en 1985

Le groupe post-punk fut un pionnier de l’industriel et de la techno.

Il est des groupes totalement inaudibles écouté à partir d’aujourd’hui, à moins d’avoir une réelle approche historique. La raison à cela, c’est qu’ils ont alimenté la musique au point de servir de point de passage. Ce sont les traditionnels chanteurs, chanteuses et groupes qui sont désormais catalogués comme artistes pour les artistes.

Cabaret Voltaire est emblématique de cela, car leur démarche a été productive et innovatrice. C’est initialement un groupe anglais de Sheffield qui, sur une base post-punk, est un pionnier de la musique industrielle, pour ensuite devenir un pionnier de la musique électronique.

C’est cet aspect défrichage qui les a desservis, en étant trop en avance et en décalage, puis dépassés par un mouvement se massifiant alors qu’eux-mêmes privilégiaient la découverte, l’expérimentation. Le principal activiste du groupe, Richard H. Kirk qui vient de décéder le 21 septembre 2021, c’est une vingtaine d’albums avec Cabaret Voltaire, une dizaine en solo sous son nom, une cinquantaine d’autres sous un pseudonyme ou bien en partenariat.

Voici, en plus d’une playlist, un intéressant aperçu d’époque au moyen d’un article de fanzine de 1985, Acide Sédatif, présentant Cabaret Voltaire.

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Playlist Cabaret Voltaire

Du post-punk à l’aventure industriel-techno.

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Lorsque Ian Curtis de Joy Division se suicida, les membres de Cabaret Voltaire furent les seuls présents à l’enterrement avec le groupe et la famille de celui-ci. Les premiers enregistrements de New Order se feront dans les studios de Cabaret Voltaire. C’est un rapprochement qui en dit long et qui est une référence pour ceux appréciant la contribution de ces deux groupes, New Order étant profondément marqués par l’approche électronique de Cabaret Voltaire et il faut ajouter aux groupes largement influencés Depeche Mode, Front Line Assembly, Ministry, Skinny puppy, ou encore Bauhaus.

Tous ces groupes ont en commun d’être composés de gens culturellement de gauche à la fois avant-gardistes et ancrés dans la protestation populaire de l’époque, de mêler un esprit contestataire et la musique électronique comme repli.

Il y a plusieurs périodes dans l’histoire de Cabaret Voltaire. Initialement, c’est un groupe de post-punk utilisant les bases de ce qui va être la musique industrielle.

C’est rentre-dedans puis rapidement construit de manière expérimentale abrasive, avec un profond sens du collage qui va être la marque du groupe. Le groupe tire son nom d’ailleurs d’un café de Zurich où est né le mouvement Dada, le « Cabaret Voltaire ». On est ici en 1979 et c’est une sorte de punk electro-sonore.

Au tout début des années 1980, Cabaret Voltaire passe alors à la musique industrielle en tant que telle, avec un profond sens de la répétition. Les albums « Red Mecca » et « Three Mantras » sont ici de grande valeur.

Puis dès 1982, on passe comme avec New Order dans la musique dansante mais froide, dans l’esprit Funk industriel. Il y a ici quelque chose d’incroyablement en avance, mais il va manquer quelque chose. L’esprit reste trop expérimental, il y a un fétichisme du collage dans les vidéos rendant l’ensemble très vite suranné, il y a trop d’inégalités dans les productions. L’ensemble est néanmoins clairement marquant et ouvrant une voie, ni plus ni moins que celle de la House music, avec le côté funk dansant mais froid et répétitif sur la durée.

Le virage étant raté, Cabaret Voltaire va alors connaître deux périodes. La première c’est celle d’une electropop qui s’éteindra rapidement. La seconde, c’est le passage dans la techno ambient, l’expérimentation électronique, l’IDM (intelligent dance music), avec un arrière-plan en fait tech-house et la culture acid-house.

https://www.youtube.com/watch?v=_j7hCaWWU-s

Voici une vidéo d’un projet de Richard H. Kirk, Sweet Exorcist (avec DJ Parrot) ; elle a été réalisée par Jarvis Cocker de Pulp.

Voici une chanson tirée de Plasticity, un album techno de 1992 d’une grande valeur (et totalement inconnu); la vidéo consiste en ce qui était projeté en 1990-1991 lors de la tournée de Cabaret Voltaire. C’est que le groupe avait bien entendu en tête, dans l’esprit des années 1980, d’un projet « total ». Il était sur ce point bien trop en avance.

Cabaret Voltaire est en fait emblématique, avec New Order des tout débuts ou le premier ministry, d’une petite vague « funk industrial » qui, au tout début des années 1980, va servir de laboratoire à la confluence de la musique d’Europe et de celle des Etats-Unis, à l’image de la rencontre entre Kraftwerk et Afrika Bambaataa dans « Planet rock » en 1986.

Playlist

Voici la playlist en lecture automatique suivie de la tracklist !

Just fascination (1983)

I want you (1985)

Kino (1985)

Yashar (1982)

James Brown (1984)

Digital Rasta (1984)

Back to Brazilia (1992)

Colours (1991)

Landslide (1981)

Blue heat 12 mix (1984)

Here to go (1987)

Sensoria (1984)

Animation (1983)

Baader Meinhof (1979)

24-24 (1983)

Nag nag nag (1979)

Silent command (1979)

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Playlist Afghanistan

L’Afghanistan, carrefour géographique, produit une musique très riche.

L’Afghanistan est entre le Moyen-Orient et le sous-continent indien et cela se ressent particulièrement. Le pays a été traversé d’ouest en est et d’est en ouest, du nord au sud et du sud au nord, produisant une synthèse aussi marquante que l’incroyable et magnifique géographie afghane.

La musique est répétitive-entraînante, la thématique dans l’esprit du bulbul, le rossignol, avec l’expression de l’amour masculin le plus complet faisant face à l’apparente indifférence de la bien-aimée qui vérifie en fait qu’il s’agit bien de celui attendu (les chansons Bacha Bacha et Yak Qadam Pesh font allusion à cela).

La vidéo de la chanson « Mohabat », terme désignant d’ailleurs l’amour, est exemplaire de ce romantisme le plus complet – où l’on meurt d’amour s’il le faut, si le destin n’est pas au rendez-vous.

Cette dimension romantique, présent disons des Balkans au Bangladesh, cet aspect positif de la culture islamique, est en fait le meilleur moyen de briser l’Islam comme religion, comme expression féodal-patriarcal.

On notera qu’il existe une grande scène pop commerciale, notamment en Allemagne ; parfois elle puise dans une dimension populaire historique niveau musical, parfois elle rompt dans un sens plus moderne, mais elle conserve le plus souvent une dimension ouvertement démocratique, appelant à l’unité de tous les gens du pays au nom d’une culture commune.

Enfin, petite anecdote toujours utile, Afghanistan se prononce en quelque sorte « Avranistânne ».

Voici la playlist en lecture automatique, suivie de la tracklist :

Madina – Sarzamine (2021)

Seeta Qasemie – Nametarsam (2019)

Jawid Sharif – Yak Qadam Pesh (2012)

Bashir Asem & Setara – Mohabat (2017)

Ahmad Ghani Zada – Bacha Bacha (2020)

Nazir Khara & Ghezal Enayat – Dil e Biqarar (2014)

Sahrish Khan – Shna Bangri (2019)

Shafiq Mureed – Hairan Yam (2018)

Shekiba Teimoori – Bia Berim Dasht (2021)

Hojat Rahimi & Vahdat Rahimi – Afghanistan (2018)

Shafiq Mureed – Khanda Ko (Hazaragi) (2018)

Sadiqa Madadgar – Alai Jan (2021)

Aryana Sayeed – Dar Qalb-e Kabul (2021)

Mozhdah – Bayshay e Sheran (2016)

Ustad Beltoon – Khomari (1986)

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Les Nonnes Troppo: Le roi de la route

Une chanson classique contre les fous du volant.


Un bijou du tout début des années 1990, avec un esprit portraitiste particulièrement bien ficelé !

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« Ghost Town » des Specials, la chanson emblématique du déclin urbain

Le groupe britannique de Ska a réalisé une chanson emblématique en 1981.

Si dans les villes d’une certaine importance le capitalisme se développe puissamment en raison d’un marché « bobo », les villes moyennes de France se délabrent souvent, dans une atmosphère pesante. C’est un constat terrible marquant vraiment les esprits.

Il n’y a pourtant pas d’élan culturel ou plutôt contre-culturel qui en ressorte vraiment. C’est comme si la démarche nostalgique et nihiliste des gilets jaunes était la seule expression possible d’une « périphérie » forcément marginalisée. Cela reflète toute une passivité, toute une acception d’une sorte de destin forçant à la mise de côté de ceux qui ne sont pas dans les grands centres urbains et qui profitent, d’une manière ou d’une autre, d’une certaine vie culturelle.

C’est d’autant plus marquant si on regarde l’Angletere et l’Allemagne, deux pays où les villes moyennes parviennent à produire tout de même des cultures locales, voire de vraies contre-cultures. Si l’Allemagne n’a pas de réel centre urbain asphyxiant le reste du pays, l’Angleterre a Londres et malgré cela, les villes moyennes ont produit des choses marquantes, y compris lors d’un processus de déclin très avancé durant la fin des années 1970.

Il est vrai que cela s’est accompagné aussi d’une violence endémique localement, celle des skinheads, dans une perspective nihiliste. Mais ce n’était qu’un aspect de la question et justement, en 1981, le groupe de ska The Specials, de la ville de Coventry, parvint à refléter ce processus dans une chanson : Ghost Town, la ville fantôme.

La chanson eut un réel succès populaire, dans un contexte explosif: il y eut 35 émeutes urbaines en Angleterre cette année. Et en plus du succès, la chanson obtint une grande reconnaissance culturelle, devenant le symbole de l’effondrement de la vie culturelle des villes moyennes. Le groupe, relevant de la scène skinhead non raciste et engagée à gauche, dut d’ailleurs cesser son activité sous la pression du nihilisme ambiant et de la brutalité d’extrême-droite.

This town (town) is coming like a ghost town
All the clubs have been closed down
This place (town) is coming like a ghost town
Bands won’t play no more
Too much fighting on the dance floor

Cette ville (ville) devient comme une ville fantôme
Tous les clubs ont été fermés
Cet endroit (ville) devient comme une ville fantôme
Les groupes ne joueront plus
Trop de bagarres sur la piste de danse

Do you remember the good old days before the ghost town?
We danced and sang, and the music played in a de boomtown
This town (town) is coming like a ghost town
Why must the youth fight against themselves?

Vous souvenez-vous du bon vieux temps avant la ville fantôme ?
Nous avons dansé et chanté, et la musique était joué dans une ville en plein essor
Cette ville (ville) devient comme une ville fantôme
Pourquoi les jeunes doivent-ils lutter contre eux-mêmes ?

Government leaving the youth on the shelf
This place (town) is coming like a ghost town
No job to be found in this country
Can’t go on no more
The people getting angry
This town is coming like a ghost town

Le gouvernement laisse les jeunes de côté
et endroit (ville) devient comme une ville fantôme
Aucun emploi à trouver dans ce pays
Je ne peux plus continuer
Les gens deviennent en colère
Cette ville devient comme une ville fantôme

Voici également une expression moins positive de l’époque, expression justement d’une rage intériorisée, avec le classique skinhead « Coventry » de Business, de 1983. Si la démarche n’est pas raciste (une gageure dans la scène skinhead alors) et reste populaire, la chanson est comme l’ensemble des chansons de Business composée de lamentations : nous sommes incompris, la police nous en veut tout le temps, nous sommes toujours du mauvais côté quoi qu’il arrive, etc.

Il y a une réelle dignité des classes laborieuses, mais c’est enfermé sur soi-même.

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Demian Dorelli rend hommage à Nick Drake

Demian Dorelli est un remarquable pianiste anglais qui a récemment annoncé la réalisation d’un projet qui lui tenait à cœur : un album en hommage à Nick Drake, « Nick Drake’s Pink Moon, a journey on piano ». Deux morceaux ont été publiés, chacun accompagnés d’un clip : Pink Moon et Place to be.

Chacun de ces deux morceaux marque immédiatement par la justesse et la sensibilité tant du jeu que de la composition. Au fil de chaque chanson, la texture et l’atmosphère de l’hommage se confondent par moment avec ceux de 1971 avant de reprendre des chemins différents et d’explorer plus en détail l’univers ouvert par Nick Drake.

Toute la difficulté de l’exercice était de ne pas chercher à s’approprier ou réinterpréter une œuvre, mais de la prolonger et d’y apporter un autre regard. Dans ce sens, le résultat une réussite : ces deux compositions ne sont pas figées dans le passé et parviennent à défendre cet héritage et cette sensibilité.

Le clip vidéo de Pink Moon est, au vu des techniques et productions actuelles, relativement simple mais réussi. La vidéo est centrée sur la pièce d’enregistrement avec le piano au centre et intègre une imposante lune rose ainsi que quelques références à Nick Drake au fil des plans. Elle accompagne ainsi le morceau avec une certaine fébrilité mais le résultat reste très plaisant à regarder.

Le clip vidéo de Place to be est dans le même état d’esprit, avec un côté dessin animé plus prononcé. Cependant, une idée vient gâcher l’ensemble : les quelques plans avec de la danse classique, au début de la vidéo. Il est dommage de mélanger la finesse et la mélancolie et de morceau avec des séquences d’entraînements de danses si rudes pour le corps. On dira, à raison, que c’est du détail, mais à ce niveau-là ils sont très importants.

Défendre le meilleur de la culture, défendre la complexité et le raffinement dans l’expression de la sensibilité humaine : voilà ce que devrait défendre la Gauche, au lieu de s’enfoncer dans le populisme, à courir derrière des Gilets Jaunes et des anti-pass sanitaire toujours plus infects au fil des mois.

L’humanité a besoin de voir des projets comme celui de Demian Dorelli fleurir partout, pas de beaufs qui veulent continuer comme avant et s’enfoncer toujours plus dans la barbarie.

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Pale Swordsman, album black metal de Këkht Aräkh

Këkht Aräkh est un groupe de black metal ukrainien assez atypique et dont le dernier album, Pale Swordsman, a connu un certain succès. Le groupe est composé d’une seule personne et existe depuis peu : le premier enregistrement publié remonte à 2018, suivi du premier album quelques mois après.

Këkht Aräkh

Deux choses rendent Pale Swordsman remarquable : le piano et l’atmosphère romantique-médiéval / vampire.

L’album commence avec une langoureuse mélodie au piano en guise d’introduction. Avec son bruit de fond de vieux vinyl et ses quelques accords de guitares, saturés, l’ambiance est posée : une sensation d’être hors du temps et transporté dans un château médiéval, niché sur une colline, l’appel de la nuit… Arrive ensuite du black metal façon Norvège des années 1990, plus proche du réel hommage que de la fade copie, enveloppé dans cette atmosphère propre à Këkht Aräkh.

Le reste de l’album se compose de chansons de black metal brut et froid d’un côté, et de passages instrumentaux au piano – ou à la guitare. Côté black metal, les riffs sont simples sans être simplistes et les morceaux construits avec finesse. Tout se mélange à merveille et le chant, mélancolique, agonisant, colle parfaitement à l’ambiance générale.

De leur côté, les morceaux au piano comme l’introduction, Nocturne ou Swordsman permettent de poser cette ambiance et de nous replonger dedans avec force lorsque le black metal reprend, comme la transition prenante de Nocture à Amid the stars.

Sur le plan esthétique, Pale Swordsman se démarque par ses paroles : les tourments, les aspirations et les regrets d’un personnage, que l’on devine être un vampire. L’album n’est pas une succession de morceaux composés et alignés indifféremment : il s’agit d’un tout, avec une ambiance et un style qui lui sont propres. Dans une interview, l’artiste derrière Këkht Aräkh explique ainsi :

Je pense être romantique, dans une certaine mesure, oui. Mais ce n’est pas seulement une question d’amour et de romance dans le sens que nous lui donnons habituellement. Je pense souvent profondément aux choses dans le monde, au bien et au mal. A propos du mal fou auquel nous faisons face ici et là. Que ce soit au sujet de notre vie humaine, ou encore de choses plus fondamentales qui arrivent dans la Nature que nous considérons comme allant de soi.

Et l’amour et la joie pures qui ne peuvent être atteints dans ce monde, et qui doivent donc l’être uniquement dans notre imaginaire. Cette tragédie, que je ne peux supporter, est le moteur principal de ma créativité. Et l’ambiance particulière que ces anciens groupes norvégiens portaient correspond à cet état d’esprit.

En période de trouble, on se raccroche à ce qui exige authenticité et Pale Swordsman fait des œuvres artistiques auxquelles se raccrocher avec force : se plonger tout entier dans cet univers si particulier, le temps de ne plus être seul. C’est un romantisme qui a ses limites, mais il a la dignité de poser des sentiments et des émotions, dans un monde où c’est rejeté au profit de la superficialité et de l’égo.

Écouter l’album sur Bandcamp
Écouter l’album sur Youtube

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Un suprême classique : Mercy Mercy Me (The Ecology)

Une chanson emblématique tirée d’un album référence.

Nous sommes en 1971 et le chanteur américain Marvin Gaye sort une album qui consiste en une sorte de vaste fresque, une sorte de grande histoire composée de chansons se reliant les unes les autres.

Cela parle d’amour, de paix, d’unité de l’humanité, de sentiment, de cette inquiétude face aux choses qui partent dans toutes les directions sans qu’on en saisisse le pourquoi ou même le contour… Mais que se passe-t-il?

Et au sein de cet album incontournable, qui change une vie comme ce qui est véritablement culturel, on trouve une chanson très connue, dont les paroles restent souvent méconnues en France de par le fait que cela soit en anglais.

Et ces paroles nous serrent la gorge en nous rappelant que nous avons au moins cinquante ans de retard sur les exigences de notre époque…

Oh, mercy mercy me
Oh, things ain’t what they used to be
No, no
Where did all the blue sky go?
Poison is the wind that blows
From the north, east, south, and east

Oh, pitié, aie pitié de moi
Oh, les choses ne sont plus ce qu’elles étaient autrefois
Non, non
Où est passé tout le ciel bleu ?
Le poison est le vent qui souffle
Du nord, de l’est, du sud et de l’est

Oh, mercy mercy me
Oh, things ain’t what they used to be
No, no
Oil wasted on the oceans and upon our seas
Fish full of mercury

Oh, pitié, ai pitié de moi
Oh, les choses ne sont plus ce qu’elles étaient autrefois
Non, non
Le pétrole a saccagé l’océan et dans nos mers,
des poissons plein de mercure

Oh, mercy mercy me
Oh, things ain’t what they used to be
No, no
Radiation in the ground and in the sky
Animals and birds who live nearby are dying

Oh, pitié, ai pitié de moi
Oh, les choses ne sont plus ce qu’elles étaient autrefois
Non, non
La radiation dans le sol et dans le ciel
Les animaux et oiseaux qui vivent à proximité sont en train de mourir

Oh, mercy mercy me
Oh, things ain’t what they used to be
What about this overcrowded land?
How much more abuse from man can you stand?
My sweet Lord
My sweet Lord
My sweet Lord

Oh, pitié, ai pitié de moi
Oh, les choses ne sont plus ce qu’elles étaient autrefois
Qu’en est-il de cette terre surpeuplée
Combien d’abus de l’Homme peut-elle encore supporter ?
Mon tendre Seigneur
Mon tendre Seigneur
Mon tendre Seigneur

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Playlist Gothic rock (Bauhaus, Sisters of Mercy, Fields of the Nephilim)

Trois groupes avec un univers artistique très développé.

La notion de Gothic rock est paradoxalement très imprécise et extrêmement précise. Elle est précise, parce que c’est clairement un sous-genre du mouvement gothique du début des années 1980. On a la même perspective lugubre, de critique esthétisante de la société, d’exigence d’une affirmation personnelle romantique. La base musicale est très proche, avec une influence significative de Joy Division, des Cure et de Siouxsie & the Banshees, qui forment le socle initial de l’approche Gothic rock.

Elle est toutefois imprécise, car les groupes qui en relèvent ont une sensibilité différente, privilégiant leur propre esthétique, sombre mais largement teintée d’un esprit rock rebelle d’esprit post-punk et de références artistiques. Il ne s’agit pas d’un quelconque « snobisme », mais d’une mise en perspective réellement différente : Bauhaus, Sisters of Mercy, et les Fields of the Nephilim ont un univers extrêmement élaboré, reflétant un très haut niveau culturel.

Ce sont d’ailleurs les trois groupes qu’on cite communément comme Gothic rock, parce que ce sont eux qui ont réussi à faire acte d’indépendance. Si les gothiques considèrent que ces groupes font partie de leur patrimoine (ce qui est vrai), un public touché par un de ces trois groupes se considère comme à l’écart du gothique (ce qui est vrai aussi).

Pour essayer de faire un panorama ayant un sens, on peut voir les choses ainsi :

– Bauhaus est un groupe avec une grosse base intellectuelle ; issu du post-punk, il est très marqué par la dub, par le collage d’esprit cubiste, par l’expressionnisme, l’esprit avant-gardiste pointu voire expérimental, mais tout en cherchant à maintenir un cap accessible, même si esthétisant (c’est un dépassement de David Bowie) ;

– les Sisters of Mercy, qui ont connu un très grand succès commercial, privilégient la dimension accessible mais avec une perspective romantique ouverte (c’est un dépassement des Stooges) ;

– les Fields of the Nephilim sont un groupe rupturiste, avec des artistes en look de cow-boys poussiéreux allant toujours plus loin dans un son rock lugubre et raffiné, peuplé de références littéraires-religieuses mystico-délirantes, mais dans une perspective ouvertement romantique – sentimental.

On trouve souvent comme références, à côté de ces deux groupes, The Mission (qui est une scission des Sisters of Mercy), pratiquant un gothique rock « pur », ainsi que The Cult, dans une même perspective mais plus glam, ou encore les Damned, de la première vague punk. On a cependant pas affaire ici à la même exigence de formation d’un univers artistique en soi. On doit mentionner absolument également le projet du chanteur des Sisters of mercy, The Sisterhood, dont l’album « Gift » est une expression majeure de cette approche.

Voici la playlist en lecture automatique, suivie de la tracklist :

The Cure – Charlotte Sometimes (1981)
Joy Division – Atmosphere (1980)
Bauhaus – She’s In Parties (1983)
The Sisters of mercy – Marian (1985)
Fields of the Nephilim – Last Exit For The Lost (live 1988)
The Sisterhood – Colours (1986)
The Sisters Of Mercy – Walk Away (1985)
Fields Of The Nephilim – Moonchild (1988)
The Sisters of Mercy – Lucretia My Reflection (1987)
The Cure – Primary (1981)
Bauhaus – Lagartija Nick (1982)
Fields Of The Nephilim – Shroud / Straight to the Light (live 2008)
Bauhaus – Ziggy Stardust (1982)
The Mission – Deliverance (1990)
The Cult – Rain (1985)
The Damned – Shadow Of Love (1985)
The Sisters Of Mercy – Ribbons (1990)
Bauhaus – In The Flat Field (1982)